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Cours 4 Histoire et épistémologie de la linguistique

Histoire de l’écriture

- Pourquoi l’écriture est-elle si importante ?

Parce que le langage est composé de sons et ne laisse pas de trace d’une longue durée. La notation
du langage est donc fondamentale afin d’en garder une trace. Il y a donc une stabilisation du mode de
notation, l’alphabet. L’une des principales caractéristiques de l’écriture, c’est la permanence.

I. L’histoire de l’écriture

Il y a trois, au maximum quatre foyers d’apparition de l’écriture : Sumer, l’Amérique centrale,


et la Chine, à quoi il convient d’ajouter l’Egypte si l’invention du procédé n’y est pas le produit d’un
contact avec la Mésopotamie.

Alors que des activités graphiques (grottes ornées, pierres gravées, entailles…) sont associées très
anciennement à la présence humaine (les témoignages se situent vers -32000), l’écriture est un
phénomène rare et dispersé pourtant présent en trois ou quatre points disjoints et sur trois ou
quatre langues très différentes dans leur structure et leur filiation.

Si les conditions linguistiques sont très différentes (dans les foyers d’apparition de l’écriture),
les zones d’émergence de l‘écriture ont en commun de correspondre à un type très particulier de
situation :

- Climat subtropical dépendant d’un régime hydrographique complexe (grands fleuves à crues
périodiques), requérant une technique d’irrigation.
- Rôle important de la saisonnalité (d’où le rôle de l’astronomie pour le calcul des dates).
- Nécessité de coordination centralisée d’une main d’œuvre nombreuse pour la mise en valeur
agricole.
- Société dont l’essentiel de la main d’œuvre productive n’est pas esclave et produit plus qu’elle
ne consomme (dégageant un excédent qui peut nourrir des personnes non-affectées au
travail de la terre ou entrer dans des échanges).

Les premières écritures sont la trace que conserve la bureaucratie (mages sumériens, mandarins
chinois, prêtres aztèques) des opérations de corvées et d’impôts au service du souverain. Les
tablettes sont avant tout des comptes, sous forme de mémentos. L’écriture naît à Sumer vers -3300,
en Egypte vers -3100, en Chine, une datation mythique donne -2350 mais les documents ne
remontent guère au-delà de -1500 et, pour l’Amérique, vers 1300.

L’écriture est donc une invention sumérienne, un peuple dont on sait seulement qu’il n’est ni
indo-européen, ni afro-asiatique. Par contact avec les populations voisines, cette écriture se répand
auprès des autres peuples présents dans la région, en particulier des populations d’origine sémitique
sédentarisées qui en diffusent l’emploi de la Méditerranée à l’Inde. La disponibilité de l’écriture
permet un développement technique et social prodigieux que les conditions de conservation
exceptionnelle des documents (usage de la brique, sécheresse, protection dans des lieux fermés) ont
transmis jusqu’à nous et qui montre la façon dont, parce qu’elle est un outil, l’écriture offre une mise
en forme de la connaissance et donc du monde.

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II. Logique de l’écriture

L’écriture met en évidence les deux principes fondamentaux des langues : l’arbitraire et la
linéarité, tout en assurant une fonction nouvelle : celle de la permanence. A son tour, cette
permanence rend contrôlables les propos puisque, une fois transcrits, chacun peut aller vérifier leur
degré de véracité. Entre des indications géographiques données oralement et une carte établie, la
seconde seule permet d’aller confronter sur le terrain la congruence des répartitions avec ce qui
figure sur les tracés.

De même, alors que des propos peuvent varier de façon continue sans qu’il soit aisé de le démontrer,
à partir du moment ou un document est écrit, il ne pourra lui être opposé qu’un autre document et
toute contradiction supposera d’être résolue par un commentaire qui annule l’un et/ou l’autre des
textes. Le savoir devient ainsi fondé sur quatre critères :

- Permanence
- Non contradiction
- Contrôle
- Cumulativité

Soit les conditions indispensables à un développement des savoirs et des organisations sociales.

Le processus qui est inscrit ici, et dont le point de départ est si mince, s’oppose à la trace que l’on
trouve dans les cordes des civilisations incas ou dans les bâtons à entailles, proches, par leur
fonctionnement, des rosaires. On n’est pas dans le mimétisme d’un discours, même ritualisé mais
dans un principe d’inventaire, la liste, qui a son fonctionnement propre et qui fait émerger un mode
de restitution du monde qui ne pourrait exister sans elle.

La liste pose deux types de questions : celui du classement des choses. On prendra pour exemple
chez Foucault l’encyclopédie chinoise inventée par Borges dans laquelle celui-ci distingue les animaux
:

- Appartenant à l'Empereur,
- Embaumés
- Apprivoisés
- Les cochons de lait
- Les sirènes
- Fabuleux
- Les chinchards
- Les chiens en liberté
- Qui s'agitent comme des fous
- Innombrables
- Dessinés avec un pinceau très fin en poils de chameau
- Qui viennent de casser la cruche
- Qui de loin semblent des mouches
- Autres…

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Décider de ce qui peut figurer dans la même liste ou non, impose de réfléchir aux critères qui
réunissent ou excluent et suppose un effort de rationalisation (les dauphins ne sont pas des poissons,
la mûre n’est pas un fruit mais une drupe polycarpe) et celui de l’exhaustivité. La liste s’apparente à
une collection et, une fois donnés les critères, on peut chercher tous les objets du monde qui doivent
y figurer : la liste est par définition une visée vers l’encyclopédisme. Cette extension des listes pose à
son tour le principe de leur classement : dans quel ordre (selon quel principe ?) fera-t-on apparaître
les unités ? L’alphabet est notre réponse, mais avant ? On ne peut inventer une liste sans décider d’un
principe d’ordre qui la gouverne et permet de retrouver l’information cherchée de façon
économique.

A ce titre, la liste apparaît comme un mode de représentation unidimensionnel et linéaire qui va


s’opposer à des modes de représentation spatiale analogiques bidimensionnels (cf. l’astrologie, la
cartographie) et à des modes hiérarchiques dont le prototype sera donné par la généalogie (les
Structures élémentaires de la parenté chères à Lévi-Strauss), humaine, ethnique, royale ou divine.

III. Chronologie de l’écriture de Sumer à la Grèce

Entre -2000 et -1600, l’écriture connaît une extension de ses usages dans quatre foyers : sud
de l’Irak à Akkad puis Babylone, nord de l’Irak à Assur (Assyriens) et Syrie à Ougarit (ceux-ci prenant
même à un moment le contrôle de l’Egypte) et dans ce dernier royaume, donc. Il s’agit de populations
sémites ou chamitiques (Japhet, Sem, Cham selon la Bible, on préfère aujourd’hui afro-asiatiques) qui
reprennent à leur compte les usages de l’écriture développés dans des langues qui leur sont
étrangères, à commencer par le sumérien, en sorte qu’elles sont immédiatement tenues de résoudre
la question de la transmission par la transcription en adaptant une écriture qui n’était pas conçue
pour leur langue (cf. les cinq voyelles du latin en français).

Alors que les royaumes orientaux utilisent désormais le cunéiforme, les Egyptiens ont adopté
les hiéroglyphes. Il y a dans ce choix une part de déterminisme par les matériaux. Le cunéiforme
s’inscrit sur de l’argile qui peut ensuite être cuite avec un calame (roseau épointé), d’où la forme de
clou (cuneus) que laisse ce style dans la terre. Cette écriture est fixée vers -2700 et elle ne sera
définitivement supplantée que par la mise au point de l’alphabet vers -800 (bien qu’on note des
cunéiformes de type alphabétique dès -1400 à Ugarit qui est l’ancêtre de l’alphabet phénicien apparu
vers -1100).

Les Assyriens finirent par s’imposer dans la partie asiatique (le Croissant fertile), repoussant
les Phéniciens vers une activité maritime qui les contraint à se répandre à travers toute la
Méditerranée (cf. Carthage) où ils contribuent à la diffusion de l’alphabet, en particulier auprès de
leurs concurrents grecs. Dans le même temps, l’Egypte a privilégié comme support le papyrus et
l’encre.

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IV. Les phases de la transformation : du pictogramme à l’alphabet

Ecriture pictographique : Notation de choses avec des dessins

Passage des pictogrammes à l’alphabet en 6 étapes :

(1) Le dessin : C’est la phase des pictogrammes : à l’image des sceaux ou de certaines gravures
qu’on voit sur les poteries, les objets sont figurés par des dessins analogiques qui vont aller
en se simplifiant. Un exemple : le signe de la maison : « beth ».

(2) L’idéogramme : les dessins sont progressivement simplifiés. Beaucoup ne devienne plus
directement interprétables, ou bien ils sont employés par métaphores : c’est la période des
idéogrammes qui se conserve souvent dans les états postérieurs, en concurrence avec des
systèmes plus simples comme les syllabaires

(3) La clé : Le mot est pris à sa valeur phonétique pour composer d’autres mots qui seraient trop
difficiles à représenter. C’est le procédé qu’a imposé en particulier la transcription des noms
propres. On en vient à une conception de l’écriture comme rébus. Le signe Beth veut dire la
maison mais il note aussi la syllabe /bt/.

(4) Le syllabaire : un élément est choisi pour sa valeur phonétique et particulièrement fréquent
finit par se spécialiser pour la représentation d’une syllabe (cf. la faux pour /fo/ des rébus ou
le lait pour /l/) jusqu’à pouvoir se substituer systématiquement aux mots qui sont désormais
fabriqués à partir de syllabes. Dans ce registre, certaines syllabes sont simplifiées pour
marquer les suites élémentaires CV : « beth » devient « /be/.

(5) Le consonantisme : Les langues qui sont notées parmi les premières sont des langues
sémitiques qui ont cette particularité de dissocier consonantisme et vocalisme, les consonnes
portant le sens des mots (sémantique), les voyelles leur interprétation (morphologie).Le
résultat ressemble à ce que sont aujourd’hui encore les langues sémitiques, des langues dans
lesquelles on ne transcrit que les consonnes (et les voyelles longues) en sorte qu’un signe à
valeur consonantique suffit à figurer la syllabe, le lecteur devant compléter avec la voyelle
selon le contexte dans une palette limitée à trois voyelles (A I U). « Beth » devient /b/.

(6) L’alphabet : Lors de l’emprunt de l’alphabet par les Grecs, ceux-ci ne peuvent pas noter
seulement les consonnes prononcées sans rendre incompréhensibles leurs documents :
Je Suis en LinGuiSTiQue à oRLéans > J S LGSTK RL
Ils se trouvent obligés de spécifier, à côté des consonnes, des unités à valeur de voyelles, le
bêta (issu de « beth ») est complété par l’alpha (un signe qui n’avait pas d’utilité) et c’est la
mise au point de l’alphabet comme condition même du miracle grec : les lettres n’ont plus
aucune signification, ce sont de pures notations phonétiques (cf. l’invention de l’algèbre pour
un équivalent en mathématiques).

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On remarque l’extrême difficulté pour que s’impose une notation phonétique, alphabétique des
langues : des premières écritures de Sumer à l’alphabet grec, il s’est écoulé 2500 ans environ. Mais
depuis, de l’alphabet grec devenu latin (vers -450) à nos jours, cet alphabet n’a plus été
substantiellement modifié et les ajouts (ponctuation, diacritiques, quelques lettres) n’ont changé ni
son fonctionnement, ni son principe. Toute la pensée de l’Occident, et en premier sa pensée
linguistique s’est fondée sur les textes (la philologie).

V. Du son au sens

La notation de la langue grecque par l’alphabet étant à peu près phonétique, les Grecs ne se
sont plus souciés de la représentation de leur langue. S’épargnant la nécessité d’une réflexion sur le
son, ils se sont consacrés à une réflexion sur la référence (quel est le rapport entre la langue et les
objets qu’elle désigne) et sur le sens (pourquoi tel mot signifie-t-il cela ? qu’est-ce qu’un synonyme ?
un homonyme ?).

VI. Traditions linguistiques non européennes

Deux traditions linguistiques non européennes ont eu une incidence directe sur la grammaire
occidentale, l’une pour son rôle dans la transmission des textes de l’Antiquité classique, c’est la
tradition arabe ; l’autre pour son rôle heuristique dans la découverte comparatiste : la tradition
indienne. On laisse de côté d’autres cultures dont l’importance ne serait pas moindre, en particulier
la Chine.

A. La tradition indienne

L’inde est considérée comme un sous-continent en raison de la masse de terres émergées


qu’elle représente au sud de l’Asie. Elle est depuis longtemps un pays très peuplé et qui n’a jamais été
véritablement unifié linguistiquement (langues dravidiennes au sud, comme le tamoul). La religion
dominante est l’hindouisme qui est fondé d’une part sur des préceptes religieux et d’autre part sur un
ensemble de récit donc le plus connu est le Mahabharata. Dans cette œuvre énorme se trouvent
consignés, outre un récit dont le caractère historique est très conjectural (la venue des Aryas en
Inde), une représentation globale du monde, monde à la fois humain et divin qui peuvent entrer en
communication.

L’homme ne peut agir ou interférer avec le monde, humain et divin, que de trois façons :

-par la pensée (man),

-par la parole (vac),

-par l’action (kr).

Les dieux sont surtout accessibles à la parole sous la forme de la prière. Cette prière est hiératique et
figée et son efficacité est strictement proportionnelle à l’exactitude de sa réalisation (et non à la
sincérité des sentiments de celui qui prie).

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L’hindouisme a une langue sacrée : le sanskrit, qui sert de référence dans toute la transmission
culturelle indienne jusqu’à aujourd’hui. C’est une langue ancienne, qui n’a plus aujourd’hui d’usage
réel dans la vie quotidienne, et qui est l’un des dialectes, jamais majoritaire de l’Inde ancienne. Elle
est écrite dans des caractères qu’on appelle devanagari (deva = divin ; nagari = citadin) ou plus
simplement nagari, issus de l’écriture brahmi (-IIIe siècle).

Il semble que la tradition de la prière dans le culte hindou puisse être située aux alentours de – 1400.
Or la transcription des prières, effectuée dans le Rig Veda, ne se produit qu’aux alentours de – 800. En
six siècles, la langue utilisée quotidiennement a considérablement évolué alors que les dieux ne
comprennent que le sanskrit. Devenue incompréhensible à la masse des fidèles, la connaissance du
sanskrit devient l’apanage d’un corps sacerdotal spécialisé, les brahmanes, qui en assurent la
transmission orale conçue comme très supérieure à la transmission écrite car la récitation orale
préserve et restitue quelque chose du geste et de la vibration de la parole originelle.

Pour transmettre le Mahabharata, la tradition lettrée a créé un corps de commentaires. Il s’agit d’un
ensemble de six textes, l’un consacré à l’astronomie (pour le calcul des moments propices au
sacrifice), le second aux techniques du sacrifice et les quatre autres à des questions qu’on peut
considérer comme linguistiques :

- Morphosyntaxe
- Etymologie
- Métrique
- Phonétique.

Le grammairien emblématique de la tradition indienne est PANINI (450-550), un brahmane (dans


l’hindouisme, appelé aussi brahmanisme, c’est la caste supérieure) qui entend réagir aux avancées de
religions concurrentes, bouddhisme et jaïnisme. Pour assurer la survivance de l’hindouisme Panini
rédige un traité nommé Astradhyayi (littéralement : « les huit leçons ») ou Sutra-patha (littéralement :
« récitation des règles »).

Un sutra est une phrase, de un à vingt mots, le plus souvent de trois ou quatre. Le traité de Panini en
comprend quatre mille. L’objectif est de resserrer la formulation dans une proposition qui en
condense l’expression, ce qui accroît la difficulté de la compréhension. Ce traité accompagne
l’apprentissage des rites en engageant une réflexion spéculative sur les domaines de la grammaire et
de la rhétorique, avec un raffinement des analyses phonétique et phonologique.

Cette dernière partie est cruciale dans l’histoire de la linguistique. Dénommée siska, c’est-à-dire
« l’étude », elle constitue un mode d’emploi de la prière dont elle explicite les mesures (métrique).
Elle inventorie les gestes articulatoires à réaliser pour prononcer correctement les sons et aussi les
règles d’enchaînement, en particulier celle du sandhi (san = avec ; dhi = poser). Il s’agit de prononcer
correctement chaque son mais aussi chaque séquence sonore, chaque concaténation. Les valeurs
phonétiques des énoncés et des unités sont fixées entre – 800 et – 600, mettant en évidence ce qu’on
désignerait aujourd’hui comme des oppositions phonologiques. Ces descriptions sont aujourd’hui
encore considérées avec beaucoup d’intérêt : elles prévoient en particulier la présence d’un zéro dans
l’analyse.

B. La tradition arabe

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La grammaire arabe est à considérer en fonction de trois spécificités qui expliquent, pour une
bonne part ses propriétés. D’abord, les Arabes sont une population où l’usage de l’écriture, et plus
particulièrement des textes, est relativement marginal : population de Nomades, accordant une
grande importance à l’élevage et à la guerre, ils ne présentent pas les conditions favorables pour
l’expression d’une littérature dont l’exemple le plus connu, et le plus controversé, sont les
Mouallaqat. Ensuite, dans la religion qui naît parmi eux avec Mahomet (570-632, l’Hégire en 622), il
est stipulé que l’arabe est la langue de Dieu (Allah) et que le livre sacré, le Coran, doit être récité dans
cette langue, d’où la nécessité, pour une religion prosélyte, de l’enseigner à des peuples allophones
au cours de l’islamisation.

Enfin, il s’agit d’une langue apophonique et son fonctionnement a une incidence directe sur des
représentations linguistiques qui ne coïncident pas avec celle d’une langue indo-européenne dont la
structure a servi de modèle aux descriptions de langue.

Faute d’une culture endogène forte, les Arabes emprunteront aux peuples avec lesquels ils sont en
contact (cf. les Contes des mille et une nuits), juifs, persans, indiens et grecs byzantins. Ce sont ces
derniers qui leur transmettront l’héritage occidental, en particulier les œuvres d’Aristote. Un
grammairien de référence : Sibawayhi, un Iranien né vers 750 qui est l’auteur de la première
grammaire : Al Kitâb. Suivant son enseignement, deux écoles se distinguent en suivant :

- L’école de Coufa, plus littéraire (en particulier pour la poésie)


- L’école de Bassorah, plus « grammairienne »

L’impact de la culture arabe se marque en particulier par son alphabet qui sert à noter les langues des
pays islamisés telles que le turc (passé à l’alphabet roman en 1928), le « malais », aujourd’hui
romanisé, et certaines langues de l’Inde. Cf. aujourd’hui encore la distinction entre le hindi et l’urdu.

VII. Trois traditions

Avant d’étudier la grammaire médiévale, on rappellera les repères des trois grandes traditions :

-Grèce (Platon, Aristote),

-Arabie (Sibawayhi)

-Inde (Panini).

On constate entre ces trois langues une forte solidarité avec une religion qui s’exprime à travers une
langue et une écriture.

- des écritures sémitiques, à la fois par l’assyrien, l’hébreu et l’araméen, la reprise par le grec
du message chrétien et son adaptation en latin par la Vulgate.
- de l’arabe coranique, par l’Islam, aux différents « dialectes » de l’arabe moderne,
- du brahmi au nagari sanskrit et aux langues modernes du sous-continent : hindi (vs. urdu),
népali, sindhi, marathi…

VIII. Échelle chronologique

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- -1400 : sanskrit oral


- -900 : grec archaïque
- -800 : sanskrit et grec
- -700 : grec avec l’Odyssée
- -600 : sanskrit
- -400 : grec avec Platon
- -300 sanskrit/grec
- -100 : grec avec les Stoïciens
- 0
- 100 : araméen (Nouveu testament)
- 500 : sanskrit avec Panini
- 600 : arabe avec le Coran
- 800 : arabe Sibawayhi

IX. La place de la philosophie dans la réflexion sur le langage

Les Grecs sont très attachés à leur langue qu’ils considèrent comme la plus parfaite et la
mieux à même de rendre compte des réalités physiques ou spirituelles qu’ils étudient. Comme il
s’agit de cités où la parole est très importante, ils accordent beaucoup d’attention à l’apprentissage du
discours comme moyen de convaincre et à l’argumentation. Ils ont pour référence les textes littéraires
qui fondent leur culture, en particulier l’Iliade et l’Odyssée de Homère (auteur très conjecturel).

La tradition grecque avant Platon, durant le siècle de Périclès (-495 à -429), a accumulé non
seulement un savoir littéraire fondé sur la rhétorique et un savoir philosophique, celui des
présocratiques (en référence à Socrate (-470 à -399)), elle a associé la réflexion sur le monde (la
physique), le corps (la médecine), la raison (la philosophie) et la langue (la grammaire qui désigne
l’étude de l’écriture).

La notation de la langue grecque par l’alphabet étant à peu près phonétique, les Grecs ne se
sont plus souciés de la représentation de leur langue. S’épargnant la nécessité d’une réflexion sur le
son, ils se sont consacrés à une réflexion sur la référence (quel est le rapport entre la langue et les
objets qu’elle désigne) et sur le sens (pourquoi tel mot signifie-t-il cela ? qu’est-ce qu’un synonyme ?
un homonyme ?).

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A. Platon et l’Académie

Platon (-428 à -349) a fondé l’Académie autour de -387. Il est l’élève de Socrate et le
professeur d’Aristote. Il a fondé sa philosophie sur la recherche des « idées » qu’il représente dans le
mythe de la caverne : les choses ont une existence dont nous ne percevons que l’apparence alors
que, par la connaissance philosophique, nous pouvons accéder à leur essence. Cette essence, nous la
connaissons depuis toujours car les idées sont présentes en nous dès avant notre naissance et il nous
appartient de les reconnaître. C’est à quoi s’applique le philosophe quand, par le dialogue (la
dialectique), il accouche les esprits (maïeutique).

Les conceptions de Platon concernant le langage sont exposées dans Le Cratyle, un ouvrage dont la
datation est incertaine mais qui est, dans la tradition occidentale, le premier ouvrage qui nous soit
parvenu et qui est tout entier consacré au langage.

On peut résumer le propos du Cratyle en une seule question : Jusqu’à quel degré peut-on reconnaître
que les noms reflètent l’essence des objets ?

Les deux personnages qui dialoguent avec Socrate et qui représentent à leur façon des écoles
concurrentes de celle de Socrate sont Cratyle et Hermogène. Pour Cratyle, qui se rattache aux
philosophes présocratiques, les noms sont naturels, ils sont donnés par les objets eux-mêmes,
naturellement (phusei). C’est ce qu’on appelle aujourd’hui encore le cratylisme. Pour Hermogène, qui
se rattache aux sophistes, les noms sont seulement une convention (thêsei).

N’adoptant ni l’un, ni l’autre de ces points de vue, Socrate se prononce pour une troisième solution,
l’existence d’un deus ex machina, le nomothêtes qui, sans qu’on n’en sache rien de plus, a fixé les
noms conformément à l’essence des choses désignées. On note que cette conception fait abstraction
aussi bien de la question de la diversité des langues (mais les Grecs sont très ethnocentristes) que de
la transformation qui résulte de la forme sonore des langues.

Au centre du dialogue, Socrate oriente la discussion vers la question de l’étymologie et entreprend


d’expliquer, de ce point de vue, environ cent quarante noms, d’une part en essayant de restituer une
interprétation plus ancienne qui témoignerait de la situation primitive, d’autre part en cherchant à
isoler des éléments qui s’avèrent irréductibles dans l’analyse. Au nombre des conclusions qui se
peuvent tirer du Cratyle le fait que la question de la signification des noms est distincte de celle de la
vérité. La vérité est liée à la parole, à l’organisation des phrases, alors que la signification s’étudie mot
par mot.

Les noms appellent une étymologie (littéralement : sens vrai), alors que les phrases appellent un
jugement de vérité. Pourtant, dans le Cratyle, on trouve une interrogation sur la question de la
négation.

Si Platon n’est pas un grammairien, sa théorie philosophique, en devenant philologique, rencontre


certaines propriétés de la langue comme la dérivation ou le changement, la définition ou la négation,
et de ses emplois.

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B. Aristote et le lycée

Aristote (-384 à -322) a fondé le Lycée autour de 334. Aristote est un encyclopédiste en sorte
qu’on trouve des éléments d’analyse concernant le langage dans de très nombreux textes bien qu’il
n’y ait pas un seul texte qui soit consacré exclusivement à cette question.

Pour Aristote, notre perception du monde ne se réalise pas à partir des idées, comme chez Platon,
mais à partir de la façon dont nous restituons notre expérience sensible au moyen des ressources
de la langue. Les divisions du monde ne sont prises en compte par notre intellect qu’en fonction de
leur énonciation par la division des mots en « parties du discours » ou catégories.

Le point de départ de la réflexion d’Aristote est le « zoôn politikon » qui, par son premier terme, met
l’accent sur les propriétés physiques, le son, le corps humain avant de l’articuler par le truchement du
second terme avec la raison et l’échange verbal entre les hommes, la communication (« politikon »
est plus fort que « social »).

Il subdivise ainsi la connaissance que les mots nous procurent dans sa Métaphysique :

« De ce dont on parle, on exprime, à propos des choses, pour certaines une essence, pour d’autres
une qualité, d’autres une quantité, d’autres une relation, d’autres une action et d’autres un acte déjà
exécuté, d’autres un lieu et d’autres encore un temps ».

Le premier terme correspond aux noms (essence = concept), le second aux adjectifs, le troisième aux
nombres, le quatrième aux mots outils, le cinquième aux verbes conjugués, le sixième aux participes
passés, le septième aux compléments de lieu et le huitième aux compléments de temps.

Les noms sont associés au lieu comme les verbes sont associés au temps, les adjectifs étant aux noms
ce que les participes sont aux verbes (cf. constant vs décidé, résolu).

L’architecture de la grammaire aristotélicienne est fondée sur une série de partition :

- Monde /pensée
- Raison/langage (dans la pensée)
- Discours et phrase / mots (dans le langage)
- Noms et verbes (dans les mots)

Cette dernière distinction s’est conservée jusqu’à aujourd’hui avec un parallèle supplémentaire : celui
des adverbes (en –ment surtout) comme l’équivalent pour les verbes, en termes de fonctionnement,
de ce que sont les adjectifs pour les noms : des modifieurs.

De manière significative, la bipartition nom/verbe est présentée dans La Politique où il avance les
définitions suivantes :

Nom : élément vocal ayant un sens par lui-même et qui ne donne pas d’indication de temps (=
espace, ou « lieu »)

Verbe : Idem avec une indication de temps en plus.

Si ces catégories ont joué un rôle central dans toute la réflexion grammaticale jusqu’à aujourd’hui où
on compte au nombre des universaux (vrai pour toutes les langues) l’opposition verbo-nominale, si la
conceptualisation a structuré toute la réflexion de l’Antiquité à nos jours avec une influence presque

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exclusive dans la tradition arabe et dans la grammaire médiévale en Occident, il faut prendre aussi en
compte l’autre invention majeure d’Aristote : la logique. Le lien entre grammaire et logique, noué par
Aristote, se prolonge aujourd’hui dans la philosophie du langage, aussi bien chez Wittgenstein que
dans la « philosophie du langage ordinaire » (Austin).

Les universaux peuvent être de deux sortes :

- Absolus : vrais pour toutes les langues du Monde


- Implicationnels : relation d’implication entre deux propriétés (si une langue a une propriété A
alors, elle a forcément la propriété B).

C. Les stoïciens

Les Stoïciens ou « Ecole du Portique » représentent une école philosophique qui apparaît au
tout début du IIIe siècle et qui sera très active jusqu’à notre ère. Leur réflexion se veut globale,
embrassant l’ensemble des choses connues. Le principe en est la logique qui cherche à établir les
conditions de vérité et qui fonctionne comme un principe d’organisation générale. De la langue à la
logique résultent deux subdivisions : la dialectique (argumentation) et la rhétorique (persuasion).

Leur principal apport à la philosophie du langage concerne la représentation par le triangle


sémiotique qui associe, pour chaque mot, le son, le sens et la référence. Combattus par l’église
chrétienne, à la différence d’Aristote et de Platon qui ont été au contraire préservés, ils ne nous sont
parvenus que par fragments.

Denys de Thrace (-170 à -90), élève d’Aristarque, donc de l’école alexandrine, s’installe à Rome
comme précepteur de grec. Afin de faciliter l’enseignement de cette langue, il compose une
grammaire, à usage scolaire, qui nous a été transmise et qui a servi de modèle aux grammaires
didactiques ultérieures. Il faut attendre le XVIIe siècle pour qu’une autre façon d’enseigner
apparaisse. On peut citer, au nombre des auteurs de l’Antiquité Apollonius Dyscole (IIe siècle avant
notre ère, auteur d’une syntaxe et le Romain Varron (-116 à -27), protégé de César et ami de Cicéron
auteur du livre De la langue latine, où il est traité de grammaire, rhétorique et dialectique. Parmi ses
autres études, des livres sur l’étymologie, l’analogie et le style.

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Grammaires grecques

Grammaire : art des lettres, de l’écriture et de la lecture. Elle est enseignée par des grammatistes, ils
sont, au départ, itinérants puis se sont installées des écoles de grammaire à partir du Xième siècle
avant J.C.

La grammaire est à l’origine une science de l’écrit. Au début, les professeurs enseignaient la notion de
syllabes. Pour lire à haute voix, tout l’enseignement portait sur les syllabes (elles ne sont pas du sens
mais elles sont de l’oral). C’est un groupement de lettre que l’on doit prononcer ensemble.

Aristote va faire la distinction entre entité phonique signifiante et entité phonique insignifiante. Il
dresse un tableau ou on passe du degré le plus simple d’un son à l’énoncé le plus complexe.

Les sons élémentaires et les syllabes n’ont pas de sens en eux-mêmes et pas de rapport avec les
choses.

Le développement chez Aristote de la notion de partie du discours

Les distinctions vues précédemment sont des distinctions morpho-syntaxiques. Alors qu’à travers la
notion de partie du discours, les signes ont des particularités syntaxiques différentes.

Partie du discours : il y a une organisation du discours en parties avec des règles combinatoires

Aristote distingue trois ou quatre parties du discours différentes : le nom, le verbe, la conjonction et
l’articulation.

Le nombre de parties du discours va être augmenté par les philosophes stoïciens qui ajoutent les
articles, les prépositions, l’appellatif, le pronom, la participe et l’adverbe.

Aristarque est censé avoir fixé à huit le nombre des parties du discours. Les voici, dans leur ordre
désormais canonique : nom, verbe, participe, article, pronom, préposition, adverbe, conjonction.

Philologue : s’occupe de la logistique du langage, sur le concret de la langue et son fonctionnement


avec les systèmes flexionnels…

Apollonios Dyscole : auteur de dizaine de monographies (livre qui traite d’un seul sujet). Il a écrit 8
monographies qui traite chacune d’une partie du discours. Il va écrire un ouvrage de synthèse : Peri
suntaxeôs qui reprend et prolonge ses monographies.

Les grammatistes travaillent sur des données qui ne sont pas des données de la vie de tous les jours
(sur des poèmes par exemple). Apollonios est le premier à dire qu’il faut travailler sur des exemples
réels, sur des données authentiques sur la langue telle qu’elle est parlée dans la vie réelle.

Théorie de la congruence des mots entre eux : Apollonios étudie les assemblages des mots entre eux
mais il lui manquait un élément important, le concept de fonction.

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Cours 4 Histoire et épistémologie de la linguistique

La grammaire romaine

La grammaire à Rome est l’héritage de la grammaire grecque.

Dans le monde romain, la grammaire est considérée comme la première étape de toute démarche de
savoir. Elle devient le fondement de toutes les autres connaissances. *

Somme : accumulation de tout un savoir. Les sommes peuvent être spécifiques à un domaine ou
couvrir plusieurs domaines différents. Elles deviennent le mode standard de présentation des savoirs.

La grammaire médiévale

Moyen-Age (410-1492). Il est composé de 3 périodes :

- 410-1100 : âge des ténèbres, très peu de textes. Pas d’accès aux informations de vie, perte de
tous les documents.
o 800-1100 : renaissance carolingienne
- 1100-1400 : partie médiévale

L’empire romain se sépare en deux : l’empire romain d’occident et l’empire romain d’orient.
En 410, c’est la fin de l’empire romain d’occident.

Beaucoup de documents de l’époque ont été perdus car considérés comme incorrectes
religieusement.

Dans la partie occidentale, plus personne ne connait la langue grecque. A partir de l’an 1000, les villes
se redéveloppent en occident et dans ces centres urbains, des universités se créent. L’enseignement
répartit ses matières en deux choix :

Trivium : grammaire, logique, rhétorique

Quadrivium : musique, arithmétique, géométrie, astronomie

Ces matières sont subordonnées à la théologie.

L’église d’occident adopte le Thomisme.

Thomisme : concilie les enseignements de l’église avec les enseignements d’Aristote.

Cela va aboutir à la scolastique (qui vient de st-Augustin (tunisien chrétien, le premier qui définit la
notion de signifié en 400)).

Dans ce cadre-là, un mouvement à Paris apparait : l’averroïsme latin.

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Cours 4 Histoire et épistémologie de la linguistique

Millénarisme : les gens pensaient que le monde allait s’arrêter en l’an 1000. L’an 1000 est un
basculement dans le Moyen-Age.

Entre 500 et 1000, les villes ont disparus. La société s’organise en bourg et en campagne. C’est à
partir de l’an 1000 que les villes se développent, entre 1000 et 1500 c’est une période de croissance.
Certaines de ces villes sont autonomes, c’est-à-dire qu’elles n’appartiennent pas à un évêque ou à un
seigneur. Et les universités se créent dans ces villes.

A cette époque, tout le monde parle latin. Ce développement des villes et des universités va puiser
dans les ressources qui viennent du monde arabo-musulman et plus spécifiquement d’Espagne.

La conquête arabo-musulmane concerne des centaines de peuples. Grace à ces conquêtes, ils ont
accès à la pensée grecque qu’ils traduisent en syriaque puis en arabe.

Entre 750 et 1000, les plus grandes bibliothèques se situent donc dans le monde arabo-musulman
mais viennent des connaissances des Grecs.

Avicenne : Il aurait écrit environ 450 ouvrages. L’un de ses livres répond à 28000 questions.

On passe d’Avicenne à Averroès, puis à Duns Scott. Ce qui permet d’arriver aux textes traduits en
grec.

Averroès : philosophe arabe

Grammaire spéculative (1250-1450)

Sous l’influence d’Averroès, se développe l’averroïsme latin à Paris.

A partir de cette période, il y a une volonté d’innovation, les intellectuels se donnent pour objectif
d’aller plus loin.

« Nous sommes des nains, mais nous sommes des nains sur les épaules d’un géant »

Cette grammaire est spéculative car elle n’est pas descriptive. Elle se veut explicative, elle n’est pas la
grammaire d’une langue particulière, ses exemples sont en latin, c’est une théorie du langage
générale. C’est la première grammaire « générale ».

Ils vont aborder la notion de modalité.

Modalisation : en 1920, il y a un développement de la branche des mathématiques : la logique


modale. C’est une logique qui traite de ce qui est, ou de ce qui n’est pas, et de ce qui pourrait être et
de ce qui ne pourrait pas être.

Nécessaire Est Ne pourrait pas ne pas être


Contingent Est Pourrait ne pas être
Possible N’est pas Pourrait être
Impossible N’est pas Ne pourrait pas être

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Cours 4 Histoire et épistémologie de la linguistique

La physique quantique se distingue de la physique classique car elle utilise les probabilités.

Chat de Shrodinger : Un chat est dans une boite étanche avec une fiole de poison. Cette fiole a une
probabilité d’une chance sur deux de se briser et de tuer le chat. Les physiciens expliquent que le
chat est dans un état quantique, c’est-à-dire que le chat n’est ni mort, ni vivant, il est à 50% vivant et à
50% mort.

Mode de signifié : les modistes créent une grammaire sur l’idée qu’il y a différents types de signes.
Les grammaires spéculatives pensent que les langues sont des objets autonomes. Elles ne reflètent
pas la réalité mais la construisent. Comment je signifie quelque chose ? Le langage est un instrument
pour décrire la vérité du monde.

Débat sur le nominalisme : c’est un débat philosophique qui traite de linguistique.

Nominalisme : idée que les mots des ou d’une langue ne renvoient pas à des catégories
préexistantes. Le langage ne reflète pas la réalité existante, il créé sa propre réalité. C’est une
création de façons de voir le Monde. Elle s’oppose à l’essentialisme. Les mots sont des étiquettes, ils
peuvent étiqueter le monde comme ils le souhaitent. Le langage n’est pas descriptif du Monde, il n’a
pas de rapport avec la vérité.

Essentialisme : les mots renvoient à l’essence des choses.

Le philosophe le plus connu qui défend le nominalisme est OCKHAM.

- Rasoir d’Ockham : il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité.


 Il pense qu’il ne faut pas prendre les étiquettes au sérieux.

Modifieur : notion technique qui dit que si on prend un nom et qu’on lui colle un adjectif épithète,
alors on a un syntagme nominal « la table » et un autre syntagme nominal « la longue table ». Il peut
agir sur un nom ou sur un verbe.

La grammaire spéculative devient la principale théorie de la grammaire médiévale.


Une partie de cet héritage va se transmettre après la renaissance.

La Renaissance (1450-1600) est un mouvement culturel, il n’y a pas de rupture majeure au début de
cette période.

A partir de 1450, il y a un retour aux auteurs anciens. La grammaire devient descriptive du latin
ancien. La Renaissance est un moment pivot pour un ensemble de raisons :

- Développement des langues nationales et reconnaissance de ses langues. Ces langues ne


sont pas forcément parlées par la nation. Les textes de lois, les messages publiques sont
publiés dans cette langue. Le latin perd son statut de langues principale.
- Création des premiers dictionnaires.
- Développement de l’imprimerie.
- Découverte de l’Amérique. L’Europe de l’Ouest est exposée à des centaines voire des milliers
de langues.

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Cours 4 Histoire et épistémologie de la linguistique

Une autre rupture fondamentale est la notion de perspective.


La création de l’algèbre mathématique vient de cette notion de perspective.

Un besoin d’autorité linguistique apparait. Le français est devenu une langue nationale mais
comment la parler ?

Création d’une police qui créé des règles. Ces règles s’assurent que la langue reste conforme à celle
des auteurs latins, elles créent une norme.

La période classique

- 1600-1800 environ

La période marquée par la mise en place de l’état absolutiste en France. La seconde partie du XVIème
siècle ont lieu de nombreuses guerres de religions

En 1600, Henri IV est le roi de France qui est protestant d’origine.

Après Henri IV, il y a la mise en place progressive de la période classique et d’un Etat centralisé. C’est
la période où la France devient le pouvoir dominant en Europe. Tout est plus grand qu’avant (par
exemple, les écoles n’ont plus 15 élèves mais 200 etc…).

Cette centralisation politique a un équivalent qui se produit au niveau scientifique avec l’utilisation de
l’algèbre (utilisé de base pour la peinture).

Sur toute cette période, il y un développement considérable de la description du Monde.

On voit apparaitre la mise en place de systèmes. (Relevés systématiques des données). La


classification va devenir très importante, afin d’organiser tous les êtres vivants par groupe (règne
animal, familles, ordres, espèces…).

Il y a donc une recherche des données, c’est le moment où la science devient empirique, de façon à
pouvoir faire des comparaisons de façon systématique. Pour comparer des éléments, il faut d’abord
les avoir rassemblés (dans des musées par exemple).

La période classique est associée au rationalisme.

Rationalisme : idée que les choses ont des raisons, que le but est de trouver la raison des choses.
C’est quelque chose de fondamentale dans les activités scientifiques.

Le principe rationaliste est formé par LEIBNITZ, « Le principe de raison », il explique que rien n’est
sans raison.

DESCARTES, dans le « Discours de la Méthode », c’est un discours épistémologique.

La raison est universelle, c’est-à-dire que tous les individus ont la même raison.

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Cours 4 Histoire et épistémologie de la linguistique

Période 1700-1800 : Age des lumières

Il apparait une critique de la société au nom de la raison, on ne doit pas parler sans utiliser la raison.

La période est associée au projet encyclopédiste, l’Encyclopédie. Cet ouvrage est un ensemble de
volumes qui traitent de tous les sujets, plusieurs auteurs sont réunis dans un seul ouvrage et parlent
d’un sujet en particulier chacun. Le savoir est donc classifié par domaines puis par questions. Il y a
donc une spécification des connaissances.

Les normes du français sont basées sur les normes littéraires. L’idée que la langue est de l’écrit
littéraire émerge, mais il y a pourtant un décalage entre ces deux éléments, certains éléments
littéraires ne sont faits que pour la littérature.

« Le bon usage » est un ouvrage de GREVIS, il a été réédité de nombreuses fois. C’est un ouvrage qui
reprend l’idée des normes et qui expose ce que l’on doit dire ou ne pas dire.

Ce travail systématique dont on parlait précédemment a pris une forme particulière : le dictionnaire.
Une académie est nommée pour faire le classement de tous les mots, elle est pleine de gens
prestigieux. Les premiers dictionnaires ont mis des dizaines d’années avant d’avoir une version
complète.

Lors de la rédaction du dictionnaire, l’auteur meurt alors qu’il était à la lettre I.


Son successeur meurt à la lettre S. Louis XIV donne a l’académie le monopole du dictionnaire, ce qi
veut dire que personne à part elle n’a le droit d’éditer un dictionnaire.

Classement par racine : regroupement des mots qui partagent la même racine. C’est cette approche
qui est adopté pour le premier dictionnaire par l’Académie française. Mais cela échoue car il est
illisible (si on ne connait pas la racine du mot recherché, alors on ne le trouvera pas).

Le deuxième dictionnaire de l’Académie française est organisé par ordre alphabétique. Le problème
est que l’on perd les racines, le lien entre les mots n’est pas spécifié. Cela développe une vision
atomistique du langage, cette vision a été dominante jusque dans les années 80. C’est un dictionnaire
qui ne recouvre qu’une partie du lexique et qui tend à préserver des usages qui ont disparu.

Premier dictionnaire du français date de 1680 par RICHELET, il comprend 25000 entrées, des
citations d’auteurs et des termes techniques.

On voit apparaitre une grammaire générale. Elle est associée à une école, l’école de Port-Royal. C’est
un ensemble d’auteurs qui vont créer une grammaire, une logique etc… Les disciplines traditionnelles
vont toutes être revues par le rationalisme. Cela va aboutir à la théorie des tropes.

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Cours 4 Histoire et épistémologie de la linguistique

Exemples de tropes : Distinction entre métaphore/métaphore filée/catachrèse.

Métaphore : quand on utilise un signe pour autre chose que ce que dit le nom.

Métaphore filée : quand dans un discours, il y a plusieurs métaphores de suite qui renvoient au
même domaine.

Catachrèse : métaphore éteinte. (Exemple : tronc commun. On n’a pas l’image d’un tronc d’arbre).

DIDEROT et D’ALEMBERT sont les deux principaux auteurs de l’Encyclopédie.

Le XIXème siècle est associé au romantisme.

Langue isolante : un seul morphème par mot et un seul sens par morphème.

Langue agglutinante : un mot plusieurs morphèmes, beaucoup d’affixes mais un seul sens par affixes.

Polysynthétique : un mot plusieurs morphèmes et un mot par phrase.

Développement d’un modèle diachronique avec la découverte du Sanskrit par JONES. Il découvre
qu’il y a une identité des conjugaisons et des déclinaisons.

Il veut expliquer les langues à partir du Sanskrit.

BOPP associe les langues indo-européennes d’aujourd’hui avec les langues malayo-polynésiennes. Il y
a un élargissement des données, on prend en compte des données de plus en plus variées.

Fait linguistique : lors d’une comparaison de langues, il devient la différence, c’est un changement.

Les chercheurs commencent à travailler sur l’oral.

A partir des années 1870, on voit une évolution qui aboutit à la linguistique dans les années 1890. La
linguistique n’est pas encore créée mais elle est en voie de lancement.

La date de 1900 comme date de création de la linguistique est socialement vraie. La faculté de
langage comme faculté biologique est liée à l’identification de certaines zones du cerveau destinées
au langage.

Les néogrammairiens jouent un rôle clé dans cette période. Ce sont des comparatistes, ils publient en
78 un manifeste. Ils émettent l’idée qu’il y a des lois phonétiques, que ce sont des processus
mécaniques (changements phonétiques qui suivent des lois).

A partir de 1860, BROCA, un médecin, découvre que dans le cerveau, il y a une zone spécialisée dans
la faculté de langage. Cette découverte donne une dimension biologique concrète aux problèmes de
langage.

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Cours 4 Histoire et épistémologie de la linguistique

Dans le cerveau, on découvre qu’il y a des connexions entre les différentes zones du cerveau.

Dans les langues à écriture « phonétique », le traitement du langage repose sur une partie sur le
néocortex gauche. Mais un chinois qui apprend le chinois écrit va apprendre des dessins avec son
cortex droit (partie qui gère l’espace). Alors que nous, nous n’avons pas besoin du cortex droit pour
lire puisque les lettres ne sont pas des dessins.

La dialectologie

A la renaissance il y a une valorisation des langues nationales.

Cette valorisation va porter sur des patois qui vont être remplacés par la notion de dialectes.

Le romantisme est une rupture culturelle avec le rationalisme.

L’étude des dialectes (dialectologie) émerge dans la seconde partie du XIXème siècle.

Le créole est une expérimentation comme une expérience de chimie en laboratoire.

A partir de 1877, on peut enregistrer les sons avec le phonographe.

Il y a une phonétique expérimentale qui se développe en laboratoire. Pour étudier les sons, on peut
les décomposer mais il faut un laboratoire (avec le matériel, pour enregistrer, calculer la hauteur
etc…) cela se passe dans des salles fermées, ce qui est pratique mais qui n’est pas une production
naturelle.

L’API se développe dans un but pédagogique : créer un langage homogène pour toutes les langues du
Monde.

On voit apparaitre la sémantique avec BREAL en 1887, c’est l’étude de l’évolution du sens des mots.

- A partir de 1850, l’évolutionnisme se développe avec DARWIN.


o L’évolution du sens des mots est considérée comme normale avec l’approche
normative.

Au début du XXème siècle, alors qu’au moment de son entrée au Collège de France (1906), A.
MEILLET entreprend une synthèse générale dans laquelle il en appelle à la sociologie de DURKHEIM
contre la psychologie, les difficultés auxquelles se trouve confrontée la linguistique, prise entre
l’objectivisme de la phonétique expérimentale et le symbolisme psychique , conduisent a la recherche
d’un nouveau paradigme.

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