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HISTOIRE  DE  LA  LANGUE  
2014-­‐‑2015  
 

Claire  Janssens  
           
Plan du cours

1. Introduction
1. Histoire de la langue vs origine des langues
2. Peuples et langues sur le territoire Franco-Belge
3. Du latin au français

2. Comment est né le français ?


1. La progression géographique du latin
2. Quelle variété de latin ?
3. L'influence des dialectes germaniques
4. L'influence du christianisme
5. Le passage du latin au français

3. Du protofrançais à l'ancien français classique (842-1350)


1. Quel dialecte va donner naissance au français ?
2. Une langue qui commence à s'écrire
3. Changements de prononciation
4. Chute des voyelles post-toniques
5. Déclin de la flexion casuelle

4. Le moyen français
1. Le contexte historique
2. Distinctions avec l'ancien français

5. La Renaissance
1. L’influence italienne
2. Les grandes découvertes
3. La Réforme
4. L’ordonnance de Villers-Cotterêts
5. La diffusion du français
6. Le latin
7. La langue de la Renaissance

6. Le français classique (XVII ème et XVIII ème siècles)


1. Le français, langue du pouvoir
2. Les normes du français
3. Un français pur
4. Prononciation aristocratique au XVIIe siècle
5. La diffusion du français
6. Le mythe du français langue universelle au XVIIIe siècle
7. Politique linguistique au XVIIIe siècle
8. Différences linguistiques par rapport au XVIIe siècle
9. Le recul international du français

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7. Le français contemporain
1. Standardisation du français
2. La place des dialectes
3. L’expansion de l’argot
4. Le français dans le monde
5. Le recul des dialectes au XXe siècle
6. La reconnaissance des dialectes
7. Politique linguistique contemporaine
8. L'argot
9. Francophonie

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1. Introduction
1.1. Histoire de la langue vs origine des langues

Ces deux notions se distinguent sur la méthode. D'une part il y a recherche d'une langue mère.
Prenons le mythe de Babel1, s’il y a incohérence dans la Bible, on peut effectivement observer qu'il
évoque la recherche d'une langue mère. D'autre part, nous n'avons pas forcément de traces écrites
des langues, donc nos compétences s'arrêtent à un certain moment.

Cette passion de la recherche de la langue mère n’est pas nouvelle, elle daterait même du VIIème
siècle avant notre ère :
« Psammétique, pharaon, se questionnait sur l'origine des langues. C'était une question politique : d'un côté il y
avait les phrygiens, de l'autre les égyptiens et ils voulaient savoir quel était le peuple le plus ancien. Ils font
alors grandir deux enfants seuls. Au bout de deux ans, un des deux enfants prononce « becus », mot phrygien.
Ce serait donc la langue la plus ancienne. »

Ruhlen a écrit un livre sur la question de la langue mère. Des hasards font qu'un mot dans une
langue peut être semblable dans une autre, cependant il faut plus d’éléments pour admettre un lien
de parenté. C’est pourquoi cette théorie est assez critiquée.
« La Société n’admet aucune communication concernant, soit l’origine du langage, soit la création d’une
langue universelle. » Article 2, Bulletin de la Société de Linguistique de Paris n°1, 1871

Il n'y aurait pas une langue mère mais plusieurs. En effet, déjà à partir d'un squelette, selon la
position du larynx, on peut déterminer si l'être humain en question était capable de parler. Les
Hommes ont quitté l'Afrique avant de pouvoir parler, donc le langage est venu après cette
séparation.

L'idée de liens entre langues est assez ancienne. Dante faisait déjà le rapprochement entre français
et italien. La date importante pour ces recherches est celle d'une conférence de William Jones, bien
que ce qu'il dit l'ait déjà été avant, William Jones (1786) développe l’idée qu’il existe une famille de
langues qui regroupe : le sanskrit, le persan, le latin, le grec, les langues germaniques et les langues
celtiques.

Illustrons cette théorie par le lexique. Par exemple, le mot « mère » peut avoir différentes
traductions. (Lexique : lat. mater, ang. mother, all. Mutter, gr. μήτηρ, rus. mat‘, pers. mādar, sansk.
mātr̩, etc.

                                                                                                               
1
Selon les traditions judéo-chrétiennes, Nemrod, le "roi-chasseur" régnant sur les descendants de
Noé, eut l'idée de construire à Babel (Babylone) une tour assez haute pour que son sommet atteigne
le ciel (le trône de Dieu). Mais Dieu fit échec à cette entreprise en introduisant la "confusion" (la
diversité) des langues.

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Cela fonctionne pour certains mots simples, comme c’est le cas ici, mais cette similitude
peut être due au hasard, comme le mot « feu » (français) et « feuer » (allemand) qui ont des origines
différentes, par exemple. (voir carte Europe jusqu'en Inde)
Le lexique ne suffit pas, il faut également envisager les traits de grammaire. Deux langues
proches géographiquement vont possiblement s'influencer, cependant elles n'ont pas forcément
une origine commune (la grammaire comparée est l'ancêtre de la linguistique).

Les lois phonétiques : lois de Grimm2.


Lat. piscis, pater, pes
Ang. fish, father, foot On va conserver les initiales
All. Fisch, Vater, Fuss

Les lois phonétiques, exprime un phénomène de répétition dans plusieurs langues, exemple l'idée
qu'un /p/ va devenir /f / en langue germanique. Une fois qu'il y a des lois, il n'y a plus de doute :
il y a une origine commune.

Faisons le test : est-il possible que [widow] et [veuve] aient une origine commune ?
D’abord, remontons à l'état de langue précédent : prenons le vieil anglais (widuwe), et prenons le
latin (viduva). Comme ici cela marche bien globalement, ils ont à priori une origine commune.
                                                                                                               
2
Jacob Grimm, l’homme qui a écrit les contes.

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Il y a donc l'idée d'une langue indo-européenne qui serait cette origine commune. Grimm va les
classer par familles et sous-familles : celtiques, romanes, latines,…

NB : Sur le tableau, il faut séparer les langues baltes des langues slaves. Il y a aussi certains peuples
qui ne se retrouvent pas sur le tableau car on n'est pas sûr de leur origine indo-européenne.

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On va inventer toutes sortes de thèses pour tenter d'expliquer l'indo-européen :
ý La race aryenne. De « grands blonds » qui viendraient de Scandinavie etc. Or au sens
zoologique, il n'y a pas de races humaines. Nous avons tous la même origine.
ý Ils viennent d'Inde. Issue du nationalisme Hindou, cette théorie est subjective. Cela ne
marche pas pour des questions de lexique.
ý L'hypothèse anatolienne (-8000) : Collin Renfrew suppose de l'origine turque du français,
allemand, tchèque etc.
ý La mer noire : Il y aurait eu des habitations qu'elle était à l'époque. Les indo-européens
auraient vécu là et se sont enfuis lorsque la méditerranée s'est jetée dedans. (soit par la
nature)
þ La thèse la plus répandue aujourd'hui est celle des kourganes (-5000). Hypothèse
intéressante car ils ont des chevaux, ce qui implique un déplacement plus rapide et permet
le combat, c'est un peuple conquérant. (soit par la force)

Dans le vocabulaire indo-européen qu'on a construit, on n'a pas un même mot pour « mer ». C'est
sûrement qu'ils vivaient à l'intérieur des terres. Par contre il y a des mots communs, par exemple
pour « neige ». Ainsi on va pointer la thèse la plus probable. De plus, on est au centre entre Europe
et Inde.

Au 19ème siècle, des grammairiens vont tenter de reconstruire l'indo-européen. Il aurait entre 8 et 9
ans, il y aurait trois nombres : le singulier, le duel et le pluriel, deux genres : l'animé, l'inanimé,
deux voix : l'actif et le médio-passif, trois ou quatre modes : l'indicatif, le subjonctif, l'optatif, peut-
être l'impératif. On a arrêté d'essayer de reconstruire l'indo-européen car ce n'est peut-être qu'un
ensemble de dialectes.

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En conclusion, l'histoire de la langue envisage l'évolution des langues actuelles vers les anciennes.
Il y a trois langues importantes à la Renaissance : le grec, le latin et l'hébreu.

Laquais chez Ménage (1612-1693)


laquais provient du lat. verna (serviteur né à la maison)
1. De verna on a créé vernacus, la preuve en est donnée par le diminutif vernaculus.
2. De vernulaon est passé à vernulacus.
3. Vernulacus (masc) → vernulaca (fém)
4. Vernulaca → vernulacaius.
5. Vernulacaius →  lacaius.
6. Passage du latin au français: puisque gaïusdonne gay, lacaiusdonne laquay.

Puisque la signification de laquais est proche de celle de verna, l’un doit dériver de l’autre.
En italien: vernulaca → vernulacacius → lacacius → racacius → ragatius → ragazzo

Étymologie après le Romantisme


Méthode phonétique rigoureuse, comparative et historique de Meyer-Lübke.
En latin, coxa→ hanche. En français, le mot qui dérive de coxaest cuisse. Étymologie-originechez Meyer-
Lübke.
Au XXème siècle : étymologie-histoire du mot. Le lat. femur (cuisse) devient homonyme de fimus
(fumier). Pour éviter le malentendu, les locuteurs vont employer coxaà la place. Pour parler de la
hanche, on va alors faire un emprunt au germanique *hanka.
L'origine des langues part d'une langue choisie vers les langues actuelles. On va chercher une
langue mère, ainsi le grec viendrait du gaulois.

1.2. Peuples et langues sur le territoire Franco-Belge

Au 5ème siècle ACN, les plus connus sont les celtes (voir citation Hérodote = depuis l'Espagne
jusqu'au Danube). On a des celtes partout en Europe centrale. Leur berceau est Bavière en
Autriche. Ils vont par exemple attaquer Rome, Delphes, l'Anatolie, la Turquie. Les celtes sont
appelés les galates. Ce n'est pas un peuple unifié, mais des tribus. Les grecs vont les attaquer et ils
vont progressivement se réfugier vers l'Ouest. Sur notre territoire, les Gaulois seront vaincus vers -
52. Ils vont aussi être attaqués par les Pictes. La Suisse sera aussi attaquée et conquise vers le 5/6ème
siècle.

Les celtes de Bretagne ne sont pas les Gaulois, ils viennent de Grande-Bretagne (bretons, gallois,
irlandais, écossais, cornouaillais).

La Romania est la zone où l'on va parler latin. Au moment de l'invasion, vers l’an 1, c'est une zone
très large. De nos jours, la Romania correspond au Portugal, Espagne, France, Italie,... La Grande-
Bretagne ne parle pas latin car ils n'y sont pas restés assez longtemps pour imposer leur langue.

Les non-indo-européens sont-ils des basques ? Nous n'en avons pas de preuves. Peut-être ont-ils
occupé un territoire plus large.

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Les Ligues (zones d'Italie proches de la France) ont laissé des traces comme le préfixe anc-
(avalanche, calanque).

Les Ibères (il y en a des traces au Sud-Ouest de la France) ont donné des mots en ancien-français
disparus du français contemporain.

Les Grecs (Marseille qui est fondée par des Grecs , Monaco, Antibes) ont laissé des mots comme
dôme, trèfle.

La domination du latin a plusieurs raisons :


- Raisons pratiques : les romains ont gagné donc on parle leur langue
- Romanisation des élites : les romains proposent aux élites de différents pays de devenir
citoyens romains. Ceux-ci acceptent car ils obtiennent ainsi des droits.

Avec la civilisation gallo-romaine, le latin devient la langue officielle alors que le gaulois demeure la
langue maternelle.

La diglossie : (terme socio-linguistique) est un terme technique qui se distingue du bilinguisme, le fait
de parler deux langues. La diglossie est une situation qui relève de la société. Par exemple, il y a
plusieurs versions du grec, adaptées à la situation de communication. Ferguson qualifie ces
différentes versions par variété haute (H) et variété basse (B). H à l’église, dans les lettres, à
l’université... B dans les conversations familières, littérature populaire…

Critique :
- En Suisse alémanique : schwyzertütsch (parlé, parfois écrit) et schriftdeutsch (écrit,
parfois parlé), ces deux variantes ne soient pas liées à un usage précis donc ce n'est pas
un exemple de diglossie.
- Parfois on peut parler de pluriglossie, dans beaucoup de cas, il n'y a pas deux langues
mais 3,4,...
- Stabilité d'après Ferguson : le démotique est devenu la langue officielle et la
katharévousa pourrait disparaître. En Grèce, il n'y a plus qu'un seul journal qui parle
cette langue-là.
- Au Québec, on mélange français et anglais, or pour eux, ils parlent « français ». Il y a une
différence entre sa propre perception et celle des autres.

Un substrat, c'est le fait que dans une situation bilingue ou diglossique, on va avoir une langue
dominée qui va influencer la langue dominante. Par exemple, le gaulois et le latin.

D'un point de vue phonologique : Le son /u/ par exemple serait un son gaulois, car il n'existe pas
dans les autres langues latines, ou encore les nasales qui seraient une influence celtique.
D'un point de vue lexical : certaines dizaines comme la numérotation par vingt sont un reste des
gaulois. En Suisse, on a « otante », car il y a moins d'influences gauloises. Certains autres mots : la
boue, le sillon, la charrue, la ruche. Des noms d'animaux ou de plantes : le bouleau, le chêne, le
mouton, le saumon. En technique : le char, la jante.

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Les druides et l'écriture.
Les druides refusaient l'écriture. Ils ne voulaient pas que les textes sacrés, ésotériques, tombent
entre de mauvaises mains ; il y avait une tradition orale. Cela fait travailler la mémoire. Le gaulois
est non seulement une langue qui a laissé peu de traces au niveau du français, mais aussi dont on a
peu de vestiges.

Le français ne descendrait pas du latin ?


Le français proviendrait selon lui de l'italien (thèse d'Yves Cortez). A Rome, coexistaient deux
peuples : l'aristocratie qui parlait latin et la plèbe, qui parlait roman. Contre toutes les données, il
affirme que le « roman » et le latin sont d'une famille indo-européenne différente. Comment en
arrive-t-il là ?
- Les articles : Toutes les langues romanes en ont, pas le latin.
- La déclinaison : Il n'y a pas de déclinaisons, mais bien en latin.

No (non) conozco (cognosco) este (iste) nuevo (novus) libro (liber), pero sospecho (suspicor) que la tesis (thesis)
no (non) tiene (tenet) mucho (multum) futuro (futurum). Sólo (solum) el enunciado (enuntiatio), salvo (salvo)
error (error) u omisión (omissio) periodísticos (in periodicis), de que "El latín (lingualatina) era (erat) una (una)
lengua (lingua) muerta (mortua) ya (iam) en (in) el tiempo (tempus) de Augusto (Augusti)... y (et) sólo (solum)
era (erat) usada (usa) para la escritura (scriptura) y (et) la redacción (redactio) de documentos (documenta)..." -
dice él (dicitille)-, ya (iam) permite (permittit) ver (videre) que el Señor (senior) Cortez ignora (ignorat) o
desprecia (depretiat) los miles (milia) de ejemplos (exempla), escritos (scripti) sobre (super) piedra (petra) o
papiro (papyrus), que (qui) demuestran (demonstrant) un (unus) uso (usus) continuo (continuus) de una (una)
escritura (scriptura) latina (latina) popular (popularis), espontánea (spontanea) y (et) cotidiana (quotidiana),
empezando por las inscripciones (inscriptiones) funerarias (funerariae) más (magis) humildes (humiles), de
todos (toti) los cuales (quales) tenemos (tenemus) testimonios (testimonia) durante (durans) todo (totus) el
Imperio (imperium) Romano (romanus), y (et) más (magis).

Latin → latin vulgaire → langues romanes

Il n'y a pas de problème du point de vue du lexique. L'idée est que les langues latines ne dérivent
pas directement du latin mais sont passées par le latin vulgaire ; le latin du peuple, oral. En latin
vulgaire, les déclinaisons commencent à disparaître (bien qu'on ait très peu de traces). Les pronoms
vont se modifier et devenir l'équivalent d'articles.

Exemples :
- En latin, caput / en français, tête. Tête vient du latin vulgaire, testa.
- En latin, loquare / en espagnol, hablar. Vient du latin vulgaire fabulare.
- En latin, loquare / en français, parler. Vient du latin vulgaire, parabolare.

Y a-t-il un seul latin vulgaire ou plusieurs dialectes ?


Il n'y a pas de télévision, pas de journaux, donc de grosses variations d'un endroit à un autre, même
à dix kilomètres... Un autre paramètre à prendre en compte est la question du temps : il y a 350 ans
entre la colonisation de la Sicile et celle de la Roumanie. En français, aller, en latin, ire, vadere,
ambulare.

La civilisation gallo-romane

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Elle va vivre tranquillement pendant quelques siècles.
- IIIème siècle : les premières attaques des Germains.
- 312 : le christianisme est la religion officielle de l'empire romain. Les villes y seront assez
rapidement converties, cela prendra un peu plus de temps pour les campagnes.
- 407 : attaque des Alains (région des scythes), des Vandales, des Burgondes et des Francs.
- 412 : les Wisigoths occupent le sud de la France.
- 451 : c'est l'attaque des Huns.
- 476 : La fin des grandes invasions correspond à la fin de l'empire romain d'Occident.
- 486 : c'est la fin du royaume gallo-roman (Clovis).

Clovis, vers 466-411, un franc salien, arrive à dominer le nord de la France. Il va avoir le soutien de
l'Eglise en se convertissant au christianisme, et devient consul romain. Il va réussir à regrouper tous
les Francs ensemble pour se lancer dans de combats ; il va vaincre les Alamans en 495 ou 505, en
500 il commence à réunir le royaume des Burgondes à celui des Francs, en 507 il gagne le sud
contre les Wisigoths. Globalement les gens parlent latin, puis les germains arrivent.
Le latin est une langue religieuse : il y a bilinguisme ou diglossie entre le latin et le francique (plus
gaulois, dialectes des Wisigoths et des Burgondes).

Superstrat
C'est lorsqu'une langue minoritaire a une influence sur la langue majoritaire. La langue minoritaire
est le francique et majoritaire est le latin.

Il y a un peuple minoritaire, les Francs, qui ont la majorité politique. Ils sont trop peu importants
pour donner leur langue. Il y a plutôt influence phonologique, car s'il sont minoritaires en ce qui
concerne la langue, ils ont la majorité politique. Au niveau du lexique, par exemple les couleurs
(bleu, blanc, gris), tout ce qui est lié à l'habillement (écharpe, gants) – peut-être lié au froid,
vêtements qui n'existent pas dans les pays du sud - dans le domaine de la guerre, la hache, le guet,
termes liés à la ruralité ou aux sentiments (haine, orgueil, honte).

La distinction langue d'oïl/ langue d'oc, les francs restant dans le nord de la France, la Belgique. La
langue d'oïl (nord) en aura donc beaucoup d'influence tandis que la langue d'oc (sud) très peu.
NB : Oïl/oc sont la manière de dire oui selon les régions.

Adstrat : Une langue va être influencée par une langue voisine. En français, il n'y en a pas
vraiment. On peut quand même citer Liège, qui par sa proximité avec l'Allemagne, va avoir une
sonorité un peu influencée par sa langue.

La dernière invasion germanique


Au IXème et Xème siècles, invasions vikings. En 911, Charles le Simple leur offre la Normandie
pour stopper les pillages. Avant la fin du siècle, les Normands sont romanisés et convertis au
christianisme, le tout en moins d'un siècle. Ce rapide changement est du à une colonisation
masculine (les vikings qui s'installent ne sont que des hommes). Les femmes parlant latin, roman,
français, les petits vikings naissants parlent latin. Certains mots comme Homard, crabe, viennent
des vikings, le verbe cingler, le mot joli.

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1.3. Du latin au français
En 800, Charlemagne est confronté à un problème. Le latin est toujours la langue noble et il veut
reconstituer un grand empire. Il veut donc relancer le latin, cependant les moines etc. n'arrivent
plus à lire les textes latins. Par exemple, plus personne n'est capable de lire la bible de Saint-Jérôme
(400). Cela indique qu'il y a déjà une évolution dans la langue. Les langues romanes se sont
séparées du latin. Charlemagne va donc lancer un programme d'apprentissage du latin pour les
moines. Le but est d'avoir une bible proche du peuple.

En 813, c'est le concile de Tours. On distingue alors la langue tudesque (allemand) et la lingua
romana rustica (langue quotidienne des campagnes, première mention du français soit un latin qui
a tellement évolué qu'il est méconnaissable). Le concile dit que si l'office est en latin, on peut faire
les prêches dans les langues vernaculaires (de tous les jours). C'est l'acte de naissance écrit de cette
langue. La langue officielle reste cependant le latin, tandis que le tudesque ou le roman sont une
langue vernaculaire.

En 842, ce sont les Serments de Strasbourg. Louis le Germanique et Charles le Chauve, les petits-
fils de Charlemagne, vont s'opposer à Lothaire. Du côté Est, la plupart des gens parlent le dialecte
(donc le tudesque), de l'autre côté, on parle plutôt le latin. Puisqu'il y a différence de langue il vont
séparer l'Empire. Lothaire sera en quelque sorte le dindon de la farce. Pour marquer la différence
de langue, ses deux frères vont chacun écrire un petit texte court dans la langue de l'autre. Ce sera
le premier texte écrit en français. Les rois de France ne vont pas parler français pour autant. Le
premier roi de France véritablement francophone est Hugues Capet (987). Entre 842 et 987, les
rois étaient germanophones car descendants des Francs.

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2. Comment est né le français ?
2.1. La progression géographique du latin

Au départ, le latin est assez limité géographiquement. Il ne s'étend qu'à Rome et sa « grande
banlieue », soit les Sabins, Etrusques etc. (voir carte)

Avant, les indo-européens étaient un peuple pacifique puis arrivent les kourganes porteurs d'armes.
Martinet donne un bon exemple de ces influences : les grecs dont la religion mêle dieux indo-
européens (Diane) et d'influences kourganes, moins pacifiques (Zeus, Mars). Les latins descendent
donc des indo-européens et des kourganes.

Les langues italiques


Au début, il y a un peu de remous... En 753, fondation de Rome. En 509, passage de la monarchie
à la République, ce qui ouvre un autre monde avec la possibilité de devenir citoyen. En 390, le sac
de Rome par les Gaulois, ce qui va déclencher la politique de l'impérialisme défensif. Si au départ,
il s'agit de défense, elle va prendre un tour plus offensif au fil des siècles jusqu'aux Guerres
Puniques. Carthage envahit la Sicile, et Rome, se sentant menacée, va attaquer (II et IIIème siècle
ACN). En -154, intervention des romains dans le sud de la France. En -121, conquête de la Gaule
transalpine : Provincia Narbonensis. En -58, c'est le début de la conquête de la Gaule par Jules
César. Pour une question chronologique, on peut observer dans certaines régions de plus fortes
influences latines (quart Sud-Est de la France) que des Francs et Germains.

Le latin en Gaule s'impose par la finesse plus que par la force ; on n'est pas simplement dans un
rapport brutal, de répression. Les chefs de tribus peuvent accepter de prêter allégeance à Rome et
gagner les droits des citoyens romains. La plupart des tribus gauloises passent du côté romain, ils
deviennent leurs troupes auxiliaires. Rome est une société multilingue, la langue n'est pas imposée
(à Pompéi on trouve des traces de langue osque par exemple). Couramment, on parle plutôt le grec.
Le latin sera la langue de l'administration, de l'école.

Vers la fin du IVème siècle, le latin devient la langue du christianisme, ce qui va amener le latin
dans les campagnes. Charlemagne va aussi avoir un rôle important, considérant toujours que le
latin est la langue noble.

2.2. Quelle variété de latin ?

Le latin écrit présente peu de différences entre les premiers écrits au IIème siècle ACN et ceux de
l'âge classique (I er siècle ACN) ou de la fin de l'Empire (milieu du Vème). Comment expliquer
cela ?
- L'écrit est important car le droit doit être écrit. On est obligé de garder le même code.
- L'écrit fixe les lois et permet la compréhension dans un espace extrêmement large (comme
en Chine par exemple).

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Ainsi, on remarque qu'à l'écrit, la langue est la même, tandis qu'à l'oral il y aura beaucoup de
variations, de dialectes, sur le plan diachronique et géographique. Un exemple est le mot
« maison », domus, aedes, villa ou casa (cabane, ce qu'il y a de plus bas) en latin. Pourtant dans
beaucoup de langues romanes, on retrouve « casa ». En français, on le retrouve avec le mot « chez ».
On peut retirer de cela que le mot conservé est le plus bas dans l'échelle des valeurs, celui qui est le
plus utilisé. Ce qui est la base des langues latines est les mots de tous les jours, les diminutifs. Un
exemple de diminutif, on passe de auris à auricula (oreille).

Au IIème siècle, sur le territoire gaulois, sur les 12 millions d'habitants, il y a environ 500000
latinophones. Les élites gauloises vont en somme, progressivement passer au latin tandis que le
pourcentage latinophone dans les campagnes est très faible. C'est une situation de diglossie. Il y
aura bien sûr des formes mélangées : on parle de pidgin

Pidgin : mélange de langues comportant généralement très peu de règles de grammaire.

On a bien sûr très peu de traces écrites. Il y a moins d'influences gauloises dans le Sud-Est du
territoire.

Du latin classique au latin vulgaire


Les formes synthétiques vont devenir des formes analytiques.
Par exemple : « saniore » devient « plus sano », c'est à dire qu'un radical et un suffixe attachés vont
être détachés.
Autre élément qu'on va trouver dans les langues romanes, sont les adverbes en -ment. (singulariser
/ solamente). Enfin il y a l'apparition de l'article (par exemple, le pronom « ille » va être séparé et
placé devant le nom pour créer l'article). Cela est aussi dû à une forte influence grecque, dont la
traduction va créer des articles en latin vulgaire, puis dans les langues latines. Un autre exemple est
le chiffre « un » qui va finalement devenir un article indéfini.

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Le problème des déclinaisons est essentiellement un problème de prononciation.
Si on n'accentue pas les syllabes finales, le risque est de ne plus les prononcer. Le problème est que
l'on ne connaît plus la fonction des éléments lexicaux en supprimant la terminaison. La perte des
consonnes finales va impliquer un besoin de prépositions (eo romam / eo ad Roma). Ensuite, elle
implique le besoin d'un ordre fixe (Paulus Petrum verberat/ Petrum verberat Paulus). Elle implique
également une redéfinition des genres (les inanimés : masc. → masc. (exception : manus), fém. →
fém., neutre sg. → masc., neutre pl. → fém.). Par exemple, « folia » va devenir féminin par
ressemblance.

Appendix Probi (IIIème siècle)


C'est un code de prononciations, qui nous indique les mauvaises prononciations de l'époque.
Exemples : il faut dire... vinea et non vinia / tabula et non tabla / pavor et non paor
On va perdre beaucoup d'éléments. Cela commence par les consonnes finales.

Le bouleversement vocalique
On va diviser les voyelles entre voyelles longues et brèves. On a ainsi 5x2 voyelles. En plus de ces
voyelles, on a 3 diphtongues (ae, oe et au). Par exemple dans « Claudius Pulcher », un orateur qui a
décidé d'écrire son nom comme il se prononçait dans le peuple (I er siècle ACN), on observe ainsi
une simplification de la diphtongue en voyelle simple. Quand des paires minimales ne sont plus
distinguées, on va créer de nouveaux phonèmes (on va créer des voyelles semi-ouvertes).
Le problème est que ces voyelles semi-ouvertes (ɛ et ɔ) sont instables dans les langues romanes et
vont avoir tendance à se modifier (Lat. focus: diphtongaison en espagnol (fuego), en français (feu) et
en italien (fuoco) mais pas en portugais (fogo) et en roumain (foc). En italien et en français seulement
dans les syllabes ouvertes (en espagnol dans toutes les syllabes) : lat. Ferus vs ferrum – fer et fier).

La diphtongaison va se limiter aux syllabes ouvertes en français (et en italien, tandis qu'en espagnol,
dans toutes les syllabes). En latin, herba (syllabe fermée), ne va pas être modifié et devenir « herbe »,
non « ierbe ». Ainsi, feru (ouverte) va devenir fier, ferru (fermée) va devenir fer. Un exemple de
diphtongaison typiquement française est mare, qui a donné mer.
On observe aussi un phénomène de palatalisation (on rapproche du palais), castellum va devenir
château, cattus va devenir chat. Le /k/ devient /ch/.
En latin, spatha va donner épée, espada,... par un phénomène d'épenthèse.

2.3. L’influence des dialectes germaniques

Les Francs sont nombreux dans la région de Tournai. Plus on descend, moins ils le sont. Avec la
toponymie, on va calculer le nombre de noms de lieux qui sont d'origine germanique. 70 % des
toponymes au nord de la Somme (au-dessus de Paris) sont d'origine germanique. 50 % en Ile-de-
France. Plus on descend, plus le pourcentage est bas. On peut en conclure que le village aurait été
créé par des Francs, lors d'une invasion.

On peut aussi déterminer cela par le lexique. Le mot « osier » : on remarque que dans la zone
franco-provençale, il y en a deux (Osier: zone franco-provençale : avan et vorgine (gaulois) / sud de la
France : vime (lat. vimen) / de la Belgique jusqu’au Poitou : osier (francique)

Les Francs vont apporter de nouveaux phonèmes en français. Le phonème /h/ est intégré mais

  15  
commence à disparaître au XIIIème siècle. Par exemple : l'hôtel, l'horloge (on peut faire des
liaisons) vs le heaume, la hache (on ne peut pas). Le « h » se prononçait encore en francique. Les
autres dès le latin avaient perdu leur prononciation.

Le /w/ latin s'était labio-dentalisé (/v/), le /w/ francique avait une articulation très forte
(+ guerre, Guillaume, gâter, gare !)

L'intégration des Francs.


On pense que les Francs sont majoritaires dans le nord, minoritaires dans le sud. La question est
de savoir quel est leur nombre. A priori, la question est de savoir s'ils parlent latin ; on a peu de
traces de leur langue. On peut observer la fusion des deux communautés à travers les
enterrements : Au VIIème siècle, les enterrements cessent d'être organisés selon les deux rituels. Au
VIème siècle, « franc » renvoie aux germanophones. Au VIIIème siècle, franc signifie « habitant du
nord ». Au IXème siècle, des Carolingiens envoient leurs enfants dans l'est de l'empire apprendre la
langue franque.

2.4. L'influence du christianisme

Il y a une différence entre le latin scolaire, le latin oral et le latin des chrétiens. Il y a des invasions
germaniques, pour autant le latin reste la langue noble, la latinisation continue. L'évangélisation
amène le latin dans les campagnes. Il y a aussi des influences de l'hébreu et surtout du grec. On va
aussi prendre des suffixes comme -izare (baptizare, catechizare) qui vient du grec -izein. Grégoire de
Tours (fin du VIème siècle), son but est « habemus promissum », propose une sorte de passé
composé. Le problème est que les latins vont traduire des mots en intégrant l'article, par exemple.

2.5. Le passage du latin au français

On ne peut vraiment fixer une date précise lorsqu'il s'agit de dater la transition. On peut dater de
manière arbitraire, ou observer... Qu'est-ce qu'on peut observer ?
- Jusque vers 600, il n'est pas possible de localiser géographiquement un texte latin (ce n'est
pas parce qu'on ne trouve rien au niveau de l'écrit qu'il n'y a pas de différences à l'oral).
- Au 5ème siècle, c'est la séparation entre langue d'Oc et langue d'Oïl. On peut voir des
différences entre le nord et le sud. En réalité, c'est une séparation entre les langues romanes
du sud (qui vont donner l'espagnol, l'italien,...) et celles du nord qui ont beaucoup
d'influence germaniques.
- Au 9ème siècle, ce sont les Serments de Strasbourg (842). Pour certains, c'est l'acte de naissance
du français, manière arbitraire de dater la transition. Ils ne sont pas non plus lisibles pour
nous à premier abord.
- Lodge, linguiste britannique (1997) établit une chronologie : de 500 à 842, il parle de
protofrançais (le roman), de 842 à 1100 il parle de vieil ancien français (il le découpe en
deux parties), de 1100 à 1350 il parle d'ancien français « classique » (différent du français
classique!), de 1350 à 1500 il parle de Moyen français , de 1500 à 1600 il parle de français
de la Renaissance (Rabelais etc.) , de 1600 à 1789, de français classique (Corneille,
Racine,...) et enfin de 1789 à aujourd'hui, le français moderne (le TLF débute ainsi dans la
synchronie à partir de 1789). Cela donne une idée de découpage.

  16
Les Serments de Strasbourg

Pépin le Bref est le premier roi de la dynastie de la famille de Charlemagne.


« Pro Deo amuret pro christianpobloet nostrocommun salvament, d'istdi in avant, in quant Deus saviret
podirme dunat, si salvaraieocistmeonfradreKarloet in aiudhaet in cadhunacosa, si cum om per dreitson
fradrasalvardift, in o quid il mi altresi fazetet ab Ludhernul plaid nunquamprindraiqui, meonvol,
cistmeonfradreKarlein damnosit »

Serments de Strasbourg (842)


Charles le chauve est sensé être francophone et Louis II, germanophone, mais étant demi-frères, la
différence n'est pas si marquée qu'on veut bien le dire.

Ce qui est intéressant à faire ressortir du texte :


- Les expressions latines assez formelles, du fait que c'est un serment, un texte très
important ; les formules relèvent plus ou moins du droit latin
- À la place verbes, on remarque que les verbes sont plutôt situés en début de phrase à
l'inverse du latin
- Les voyelles finales sont de type très français
- On peut également épingler certaines modifications au fil du texte (fradre devient fradra),
ce qui indique que c'est plutôt incertain, on ne sait pas vraiment comment l'écrire
L'orthographe n'est pas vraiment fixée. Les voyelles finales ont tendance à disparaître. Dans
« aiudha », le « dh » peut-être une influence germanique, indique que le « d » n'est plus une
occlusive. « Podere » devient « podir »
- Au niveau des diphtongues, on en remarque très peu, ce qui va à l'encontre de nos
conclusions précédentes. On peut expliquer cela par l'absence de signe diacritique
correspondant, donc on les écrirait à l'époque avec une seule lettre au lieu de 2.
- On remarque une différence de cas entre « deus » et « deo ». Le « om » va donner naissance
au pronom « on » et vient du mot latin « homo », l'homme
- Bien que les déterminants existent déjà, on note ici l'absence d'articles

On peut se poser des questions, au final, sur l'authenticité de ce texte. Quelqu'un n'aurait-il pas
voulu « reconstituer » la langue parlée dans le sud ? L'hypothèse généralement donnée est que les

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articles sont alors quelque chose d'un peu modeste, vulgaire.

Quelle est la langue de ce texte ? A quel dialecte cela peut-il correspondre ? Il y a plusieurs
hypothèses : une langue d'oïl ? Une langue d'Oc ? Du poitevin (de la région du Poitou) ? On en
conclut que c'est un texte juridique éloigné de la langue de l'époque : on va parler d'un roman
normalisé. C'est une langue que personne ne parle, un mélange de plusieurs langues.

La séquence (cantilène) de sainte Eulalie (vers 882)


Il s'agit d'une hagiographie que l'on a trouvé à Valenciennes, plutôt la région où on parle le picard,
mais on trouve aussi dans le texte des influences wallonnes. On s'adresse au peuple, donc c'est une
langue plus proche du peuple. A première vue, cela ressemble à de l'italien et un peu à du wallon.
Si cela ne ressemble pas vraiment à du français, cela s'en rapproche d'avantage que les Serments de
Strasbourg.

Il est important de retenir que certains mots restent latins, mais dans le même temps, certains ont
de petites modifications. D'autres sont déjà proches du français contemporain. C'est le vocabulaire
de tous les jours du Moyen-âge, cela ressemble au langage parlé de l'époque contrairement au texte
précédent. On peut encore noter la présence de conditionnel, qui n'existait pas en latin. A
l'époque, on le forme en prenant le futur et en rajoutant les terminaisons de l'imparfait.
« Buonapulcellafut Eulalia. Bel auretcorps bellezouranima. Voldrent la ueintre li d/õ/ inimi.
Voldrentla faire diaule seruir. Elle nonteskoltetles malsconselliers/…/ »

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3. Du protofrançais à l'ancien français classique (842-1350)
3.1. Quel dialecte va donner naissance au français ?

C'est une question importante et aussi très idéologique. Tout d'abord, on distingue langue d'Oc et
langue d'Oïl. Les différences entre sud et nord vont s'accentuer à l'époque carolingienne (12ème
siècle). La langue d'Oïl regroupe le picard, francien, champenois, lorrain, wallon, normand,
poitevin, bourbonnais etc. ; toute une série de dialectes. En 1066, après l'envahissement de
l'Angleterre par Guillaume le Conquérant, on va avoir un nouveau dialecte : l'anglo-normand.
Dans le type de modifications rencontrées, par exemple le verbe « aveil » devient « avoir ». Ce sont
des modifications qui viennent de l'ouest et se transmettent vers l'est, ce qui prend énormément de
temps.
- L'hypothèse du francien, selon laquelle le français viendrait de la région de Paris comme
le roi y siégeait (les capétiens viennent de France), de plus Paris est situé au centre de la
région. Cette hypothèse est aujourd'hui rejetée par la plupart des spécialistes car :
- Des modifications passent d'une région à l'autre, par exemple le passage de « ou » à « eu »,
ainsi flour devient fleur. On trouve ce passage au 11ème siècle en Picardie alors que pour la
région d'Ile-de-France, cela se fait au 12ème voire au 13ème.
- Les textes, comme par exemple la chanson de Roland, les manuscrits qu'on va retrouver à
cette époque sont en normand ou en anglo-normand. On n'a pas de textes en français qui
viennent d'Ile-de-France à cette époque.
- On trouve dans l'ancien Français de cette période des traits de différentes régions.
- Aujourd'hui, la théorie, l'hypothèse dominante est que le français serait un mélange de
différents dialectes (hypothèse de la koinè littéraire) : les plus élevés, les plus littéraires.
Ceux qui ont besoin d'une compilation de langues élevées sont les nobles qui vont devoir
se rencontrer, marier leurs enfants,... C'est l'hypothèse de la koinè littéraire. Ce n'est pas
l'idée d'un dialecte régional, mais d'un sociolecte, un mélange de dialectes qui va être créé
par un groupe social qui aurait besoin de ce qui va devenir le français.

  19  
Comment va-t-on établir les frontières entre les dialectes ?
Grâce à la notion d'isoglosse.

Isoglosse (définition) : Qui délimite l'aire géographique d'un dialecte: on trace des lignes lorsque
l’on distingue un élément linguistique (les deux parties séparées prononcent différemment cet
élément).

Exemple : Isoglosses de « chat ».

Un autre exemple est le faisceau d'isoglosses. L'idée c'est que parfois les prononciations sont

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semblables, parfois les différences sont très marquées. Le faisceau d'isoglosses est ce qui nous
permet de distinguer deux dialectes, l'isoglosse simple ne suffit pas. Ce n'est pas seulement au
niveau phonologique, mais aussi lexical (par exemple : liège/namur)
Il y a trois parties : La langue d'Oïl (chanter), entre les deux, la zone franco-provençale (chantar), et
la langue d'oc (cantar).

Dans le nord, on va avoir un substrat qui est le gaulois (exam!), la latinisation est assez tardive au
sud, arrivant avec Jules César. Le dernier point est le superstrat avec la langue des Francs.

Dans le sud, il y a un substrat gaulois et pré-celtique (Aquitains, Ligures). La latinisation est un peu
plus ancienne (il y a déjà des invasions vers – 120) – il y aura donc moins de modifications étant
habitués à un latin plus proche du latin originel, et enfin le superstrat : il y a peu d'influences de la
part des barbares germaniques (wisigoths, burgondes et francs), existantes, mais en nombre
beaucoup plus restreint.

3.2. Une langue qui commence à s'écrire

Ce qui est important dans l'écriture, c'est que cela fixe les choses. Une fois écrits, les textes sont vus
par d'autres. L'autre point important, c'est que pour qu'un dialecte devienne une langue, il doit
pouvoir s'écrire. Alors quelle écriture va-t-on utiliser pour ce qui va devenir le français ?

L'alphabet latin. Le problème qui se pose tout de suite, c'est que d'un côté, on a un latin avec
correspondances entre graphèmes et phonèmes et de l'autre côté, cela ne correspond pas. Dès le
6ème siècle, Chilpéric Ier remarque ce problème et dit que pour écrire la langue parlée à l'époque, il
faudrait ajouter quatre lettres à l'alphabet latin. C'est donc un problème assez ancien. Pendant
plusieurs siècles, ce qui va se passer, c'est qu'on va écrire de manière phonétique. Au 11ème siècle, on
va commencer à fixer les règles de l'orthographe de l'ancien français (pourtant on remarque encore
pendant quelques siècles des différences). Au 13ème, on écrit des textes juridiques et administratifs
en français ; ils doivent donc être compris de la même manière dans toutes les régions.

Au niveau du style d'écriture, on passe de l'écriture caroline, relativement lisible, à l'écriture


gothique, difficile à lire. On va avoir ce que l'on appelle un jambage, c'est-à-dire qu'on remplace

  21  
certaines lettres comme le m, le n, le i,... Ce changement d'écriture va entrainer des modifications
d'orthographe. Le « h », un temps disparu, sans origine étymologique, va être remis d'application
car il a une fonction distinctive.

Exemples de modifications orthographiques :


Lat. hibernus: esp. invierno; port. et ital. inverno, fr.hiver
Lat. oleum: port. oleo; ital. et esp. olio; fr.huile (gagne un « h »)
Lat. octo: port. oito; ital. otto; esp. ocho; fr.huit

D'autres lettres seront ajoutées par erreur étymologique (Sçavoir, poids, legs,...). On retrouve le « ç »
chez beaucoup d'auteurs du 17ème siècle. « Poids » n'a à la base pas de « d », mais on pensait à
l'époque qu'il venait de « pondus », on l'a pourtant gardé pour éviter les confusions. « Legs », du
verbe « laisser », a pris un « g » car on le pensait venir du verbe « léguer ». On rajoute beaucoup de
« y », de « x », de « z », on va également créer les majuscules, qui s'opposent aux minuscules car on
passe de l'écriture capitale au bas-de-casse. On ajoute des signes diacritiques comme les accents, la
ponctuation (par exemple lève se distingue de levé). On va créer la lettre « v » qui va se concentrer
sur les consonnes, le « u » étant désormais réservé aux voyelles. Puis viendra l'Académie française.
On remarque que c'est une période extrêmement longue.

Influence de l’écrit sur la prononciation


Il y a des modifications de prononciation.
- L'accent circonflexe donne toujours le son « è » car il remplace un ancien « es », comme
dans forêt (forest), festif, festoyer,... La différence qu'on ne marque pas est celle entre le
« o » ouvert et fermé.
- Autre phénomène, le phonème /ᶮ/ : -ign- → ivroigne, aigneau, oignon…
- Dans « araignée » et « châtaigne », le « i » qui au départ n'est qu'un graphème, aujourd'hui
est prononcé – on remarque cela en comparant aux autres langues (Araignée : italien -
ragno, espagnol – arana, portuguais – aranha / Châtaigne : ital. castagna, esp. castaña,
port. castanha). Par exemple dans « arguer », on est sensé prononcer le /u/ or il se perd.
Dans gageure, au lieu de dire /u/ on dit « eu ».

3.3. Changements de prononciation

1. Il y a une nasalisation des voyelles entre le XIème et le XIVème ; les voyelles se nasalisent,
de la plus ouverte aux plus fermées. Mais de la même manière qu'elles sont apparues, elles

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disparaissent et on n'a conservé aujourd'hui que les quatre voyelles nasalisées que nous
connaissons. Par exemple, dans « femme », on a au départ un « é » qui va se nasaliser et
reculer de deux crans sur le schéma des voyelles. Ainsi, le « é » devient « a » nasal – de
fermée devient ouverte, puis dans une deuxième phase, devient « a » par dénasalisation. Les
diphtongues aussi vont se nasaliser.
2. De nouveaux phonèmes consonnes apparaissent : N mouillé et L mouillé.

Exemples :
montanea: /ne/ → /nie/ → /nje/ → /ɲe/ → /ɲ/
palea:/le/ → /lie/ → /lje/ → /ʎe/ → /ʎə/ → /j/
Ils sont devenus des diphtongues et ensuite ont totalement disparu.

3.4. Chute des voyelles post-toniques

- En latin, l’accent tonique des mots est placé sur l'avant-dernière syllabe (paroxytons), sauf
s’il s’agit d’un monosyllabe (mot oxyton) ou d'un mot polysyllabique dont l'avant-dernière
syllabe est brève, auquel cas l'accent est placé sur l'antépénultième syllabe (proparoxyton).
- En latin vulgaire (dès le Ier siècle), il y a un amuïssement progressif des voyelles post-
toniques des proparoxytons : calĭdus devient caldus. Parce que le « a » est très accentué, le
« i » va avoir tendance à disparaître, et c'est le cas pour toutes les langues latines. Une
syllabe accentuée reste, ce sont les autres qui vont avoir tendance à être modifiées. On
se retrouve avec des mots qui vont devenir plus courts au fil des siècles.
- Une tendance encore plus marquée en Gaule : cal(ă)mum→chaume, col(ă)pum→coup

Exemples :
Pourquoi lat. camera→ esp. cámara, port. câmara, ital. cameraet fr.chambre ?
Lat. simulare→ fr.sembler
Lat. molere→ fr.moldre
Lat. essere→ fr.estre

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Une voyelle va tomber, entre « m » et « r », et il faut une occlusive bilabiale pour que cela soit facile
à prononcer, donc on l'ajoute au moment pour le rendre plus agréable, plus facile à prononcer. Il
en va de même pour les autres exemples, simulare devient sembler, molere devient moldre, essere
devient estre, cinere devient cendre.

Spinula (latin) devient « épine », le « u » tombe et on va cherche une occlusive proche de « n »,


la plus proche étant le « d ». Cependant cela donne spindla. On va finalement choisir le g, qui
va donner épingle. Ainsi, on ne respecte pas la règle car cela est encore plus dur à prononcer.

3.5. Déclin de la flexion casuelle


La cas sujet regroupe le sujet, l'attribut du sujet et l'apostrophe. Le cas régime, lui va marcher pour
toutes les autres fonctions.

Exemple :
Cas sujet : Li mur (singulier) ; li murs (pluriel)
Cas régime : le mur (singulier) ; les murs (pluriel)

Premier problème, on se retrouve avec les mêmes marques pour différents cas, donc il y a risque de
confusion. Mais il y aura des variations de marquage du pluriel selon la terminaison du mot, par
exemple. Pour des raisons étymologiques, on doit changer cette marque. C'est donc un système à la
fois extrêmement simple et complexe à la fois, on se verra donc obligé de le modifier (la déclinaison
va disparaître notamment).

Dans le conte de Floire et Blanchefleur (seconde moitié du XIIIème, par Robert d'Orbigny), dans le
premier manuscrit, c'est Floire qui donne à l'émir, dans le second, c'est l'émir qui donne à Floire.
Le problème se situe donc au niveau du système de cas. L'ordre, à l'époque n'est pas encore
important, et on essaye de repérer les marques
« amiraill / amiranz ».
(Floiredist) l’amirailldu sien donroit (premier manuscrit)
l’amiranzdu sien il donra(second manuscrit)

Au niveau de l'ordre des mots, on peut choisir entre SVO ou OVS (objet-verbe-sujet). On ne
conservera pas l'ordre SOV qui était le plus courant en latin.

Pluriels irréguliers
Autre observation, celle des pluriels irréguliers :
⁃ Les L devant consonnes vont devenir des sortes de « w », qui lui-même deviendra un « u ».
C'est un phénomène de vocalisation devant consonne (ex : alter→altre→autre)
⁃ Le cheval →les chevals → les chevaus (le L devant S va se transformer en U)
⁃ Le rossignol → les rossignous ; le chevel → les cheveus ; le col →les cous. On conserve les formes
telles que nous connaissons aujourd'hui simplement parce qu'elle sont beaucoup plus
usitées
⁃ le -x = -us (les chevax) va devenir une règle

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⁃ Un oeil/ des yeux. fin Xes., ol, plur. olz. / ca1050 id. Oil,plur. oilz/ 1170, Chrétien de
Troyes:uel,plur. ialz. Il y a plusieurs manières d'écrire le même mot, li oilz devient oels, iex
(x=us) et se dit « yeux ». Cas régime sg: le oilou oel. Cas régime pluriel : les oils ou oels ou iex.

Ce qu'on retrouve aujourd'hui dans le lexique contemporain de ces modifications de l'ancien


français... (Exemple du cas sujet et de cas régime)
- Le -s de Charles, Jacques, Georges, Hugues car le cas sujet prend un « s » au singulier, et on
utilise plus souvent les prénoms au cas sujet. On va donc parfois avoir des restes.
- Autre mots qu'on retrouve au cas sujet en français contemporain : fils, prêtre, traitre,
ancêtre... (le « tr » ramène également au cas sujet).
- L'exemple des doublons, mots qui ont la même origine mais que l'on a gardé en double
(selon les cas) dans des sens différents (sire/seigneur, chantre/chanteur, pâtre/pasteur,
gars/garçon, copain/compagnon, pute/putain = cas sujet/cas régime,...).
- Dans la majorité des cas, cependant, on a choisi le cas régime (cuens/ comte, bers/ baron,
espie/ espion, glous/ glouton, Normans/ Normant, enfes/ enfant…) pour la question du nombre
(on l'utilise plus souvent que le cas sujet).

Phénomènes importants en ancien français


1. Diphtongaison des voyelles toniques : cort→ court. Exemple de la loi de Bartsch: canem→
chien.
2. Changement du nombre de phonèmes. Fin du X ème, on se retrouve avec 9 ou 10 voyelles
simples, 2 nasales (en et on), 11 diphtongues, 2 diphtongues nasales, 2 triphtongues (eau et
ieu), 21 consonnes et 2 semi-consonnes. Il y a énormément de phonèmes en ancien
français.
3. Affaiblissement des voyelles atones non initiales qui s’effacent ou se transforment en schwa.
4. Nasalisation des voyelles suivies d’une consonne nasale.
5. Palatalisation de très nombreuses consonnes. Création de nouvelles consonnes.
6. Simplification des affriquées en consonnes simples vers le XIIIème. Par exemple, en
français, si on dit « juge », en anglais on dit « judge », on est donc passé d'une consonne
simple à une affriquée en français tandis que l'anglais l'a conservée.
7. Affaiblissement de presque toutes les consonnes intervocaliques, en deux étapes. « p »
devient « b », « t » devient « d », « k » devient « g ». Il est plus simple de prononcer une
sonore plutôt qu'une sourde. « Ripam » en latin devient « rive » en français, on ne va plus
prononcer l'occlusive en tant qu'occlusive, mais en fricative, ainsi on a une deuxième phase
qui va transformer le « p » en « v ». « vita » devient « vie », par amuissement, va devenir un
« d » et progressivement disparaître. La troisième occlusive, le « k », dans « pacat » par
exemple, va donner « paie ». « k » devient « g », le « t » tombe, et ce « g », soit se transforme
en /j/, soit disparaît. « mutare » va donner en français muer, et muter est un terme
d'emprunt. « maturum » va donner « mûr ». Le même mot en langue d'oc va donner
« madur ». En effet dans le sud de la France, on va conserver ces consonnes intervocaliques ;
la disparition est limitées aux langue d'Oïl.
8. Effacement de la plupart des consonnes finales ou implosives (cependant ce n'est pas parce
qu'aujourd'hui on prononce certaines consonnes finales qu’elles l’étaient avant).
9. Créations d’articles (li, la, les, lo), pronoms, prépositions…
10. Phénomènes morphologiques originaux comme la séparation systématique du masculin et
du féminin. Présentet - presentede / Brief - brieve / Chaut - chaude

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11. Formation de nouveaux modes, temps et flexions verbales. Des temps simples du latins
deviennent des composés en français, par exemple.

Pour rappel, entre le latin et la période romane, il y a beaucoup de changements de prononciation.


Toutes les voyelles vont progressivement, des plus ouvertes jusqu'aux plus fermées, se nasaliser. On
va finalement conserver quatre voyelles nasales, et trois pour la plupart des francophones. On va
également prononcer plus proches du palais certains phonèmes, mais cela n'est pas conservé. On
supprime énormément de consonnes et de voyelles également, lors de ce passage. On supprime le
système casuel, à la fois trop complexe et trop simple. On va conserver les formes au cas régime. Le
dernier point est enfin la simplification du système phonologique.

Modifications supplémentaires
⁃ On peut citer par exemple la métathèse. En latin, temperare (it. Temprare ; esp. Templar ;
port. Temperar), en français cela donne tremper. Le « r » a changé de place du « p » vers le
«t»
⁃ Autre exemple, la dissimilation. En latin, Arvernia, donne en français Auvergne. La
dissimilation, c'est le fait que pour éviter deux consonnes (ou voyelles) proches de l'autre,
on va en transformer une des deux. Ainsi, le « l » devant consonne devient « u » et va
donner « au ». « peregrinum » devient « pèlerin ».
⁃ L'écrasement (du, au). Toujours le problème du « l » il se transforme en « u »
⁃ L'hypercorrection : en latin, « asparagus » devient en français « asperge ». A Paris, les
parisiens ont à cette époque la mauvaise habitude de prononcer les « a » comme des « è ».
On va corriger quelque chose qui n'est pas une erreur.

La littérature d'oïl
⁃ De 842 à 1100, on a gardé très peu de textes : quelques vies de saints et la chanson de
Roland (en décasyllabes).
⁃ De 1100 à 1200, c'est la littérature courtoise. Les hommes sont partis pour longtemps, et on
voit fleurir la littérature chevaleresque. Par exemple les romans de Chrétien de Troyes (en
octosyllabes), les Lais de Marie de France, Tristan et Iseut ; littérature bourgeoise : Roman de
Renart (en octosyllabes), l’Isopet de Marie de France et fabliaux.
⁃ De 1200 à 1300, c'est la fin de la littérature chevaleresque (Roman de la rose) et il y a une
progression de l'autre pôle (Rutebeuf). C'est l'apparition des chroniqueurs (Villehardouin).
⁃ De 1200 à 1300, c'est la poésie lyrique et les chroniques.

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4. Le moyen français
Le français, la littérature, est plutôt de l'ordre du divertissement en ancien français. La langue
française se différencie des autre langues d'oïl et devient la langue officielle du royaume de France.
La codification a moins d'importance.
Il va y avoir une période trouble : la Guerre de Cent ans (1337-1453), avec les guerres civiles, les
famines, les pestes,...
Du point de vue politique, c'est un changement de dynastie avec le passage des Capétiens aux
Valois (Philippe VI).
Commence l'emploi du « François » dans l'administration, la traduction des juristes romains et des
philosophes grecs. Il y a ici un renversement : le français est vu comme une langue à part entière et
non plus un dialecte, son usage est légitimé dans l'administration etc.

Walter de Bibbersworth publie le Tretiz (le traité), entre 1240 et 1250, c’est une sorte de manuel de
l'apprentissage du français en Angleterre, comme c'est la langue officielle là-bas, utilisée pour les
actes, les documents royaux. C'est la première grammaire du français.

4.1. Le contexte historique

C'est la période de la guerre de 100 ans. Avant la peste noire de 1348, le Royaume de France
compte 25 millions d’habitants, soit près d'un tiers des européens. C'est le royaume le plus
important en Europe.

Le problème qui se pose est la succession du trône de France une fois que les capétiens n'ont pas
laissé d'héritiers. Il y a une lutte pour le trône entre les Valois et les Plantagenets, la guerre de cent
ans entre Philippe VI de Valois et Edouard III d'Angleterre, qui réclament tous deux le trône. Les
rois de France vont choisir Philippe VI. L'arrivée de Philippe de Valois et le début de la guerre de
cent ans se fait en 1328. La devise de l'ordre très noble de la jarretière est :
« honi soit qui mal y pense ».

Le Statute of Pleading (1362) est un texte écrit en français qui va expliquer que la langue écrite des
tribunaux doit être le français. Cela va être une étape importante dans la séparation entre le
français et l'anglais. Au départ, les deux royaumes sont francophones, mais cette guerre va renforcer
les tensions nationalistes : les anglais vont décider de ne plus parler français (ce n'est bien sûr pas
un passage si simple, mais domine l'idée qu'il faut abandonner le français car c'est la langue de
l'ennemi). A Oxford, on va commencer à faire des cours en anglais après la période de la guerre de
100 ans.

Passons à l'hypothèse d'Henriette Walter, selon laquelle si les anglais américains parlent anglais
aujourd'hui c'est à cause de Jeanne d'Arc, qui a exacerbé le sentiment antifrançais. Mais il faut bien
sûr nuancer cette hypothèse.

D'autre part, l'expansion du français va être aidée par la guerre. Les combats vont aller jusque dans
le sud, en Occitanie, apportant les germes du français dans le sud.

  27  
4.2. Distinctions avec l'ancien français

Traduction des chroniques de Villehardouin :


Ainsi s’en alla li cuenset li autre baron en Venice; et furent receua grantfesteet a grantjoie, et se
logierenten l’isleSaint Nicolas avec les autres. Mout fut l’oz beleet de bonnes genz. Oncques de tant
de gens nus uemne vit.
(Villehardouin)
Ainsi s’en allèrent le comte et les autres barons à Venise ; et ils furent reçus avec moult réjouissances et festins,
et logèrent en l’île Saint-Nicolas avec les autres. L’armée était superbe et faite de gens de qualité. Jamais
personne n’avait vu autant de monde.

Au niveau de la syntaxe, les éléments importants à retenir sont :


- La disparition définitive des marques casuelles (plus de différence entre cas régime et cas
sujet). « Li murs » devient « le mur ».
- l'ordre des mots devient fixe : la syntaxe est plus articulée. C'est l'ordre SVO.
- Les articles et pronoms se développent (disparition de démonstratifs comme cist, cestuy)
- En ancien français, on n'est pas obligé de donner un pronom sujet ; en français
contemporain on y est obligé. Dans la chanson de Roland, en ancien français (11ème siècle)
on a 26 % de pronoms sujets exprimés. Dans La queste del saint Graal (1230), on a 49 %. En
moyen français, on en a 100 %.

Au niveau de la phonologie :
Il y a une réduction des diphtongues et triphtongues, des affriquées, les consonnes finales ne sont
plus prononcées (on fait rimer bien et vient). Tout ce qui est de l'ordre du double va devenir
simple ; on va perdre beaucoup de phonèmes.

Au niveau de l'orthographe :
Il y a une augmentation du nombre de lettres : étymologiques (doigt, temps, doubter), pour aider à
la lecture (huit/vit, doublement de la consonne pour marquer le « è ») ou des modifications par
analogie (grant – grand) car on veut simplifier l'orthographe.

Au niveau du lexique :
- Le moyen français est une période de grande richesse lexicale. On estime que 40% de nos
mots viendraient de cette période.
- C'est une période où l'on revient énormément au latin. Beaucoup de mots latins vont être
empruntés (agriculteur, amateur,...), mais aussi aux langues romanes et dialectes français
(on va remplacer le mot « é » par « abeille », dialecte provençal).

La codification de la langue
Ce qui était très libre en ancien français va devenir beaucoup plus codifié. C'est la langue de
l'administration. Au 13ème siècle, on va créer des notaires royaux. Ce sont des gens qui vont utiliser
le français comme langue pour l'administration. Début du 14ème, une charte sur dix est en français.
Un demi-siècle plus tard, milieu 14ème, on arrive à un chiffre de 3/4.
⁃ On va créer des lexiques alphabétiques bilingues latin-français.
⁃ Des grammaires xylographiques sur le modèle de la grammaire de Donat (grand

  28
grammairien latin du 4ème siècle).
⁃ On va avoir une poétique, L'art de dictier (Deschamps, 1392). On donne un cadre pour les
poèmes, on commence à avoir des outils. Il y a des grammaires, les lexiques, des éléments
pour codifier. 82000 vers

Conclusion
Le moyen français est marqué par la fin du système casuel : il n'y a plus de déclinaisons, ce qui
permet une certaine fixité. Des prépositions/mots grammaticaux sont ajoutés. Il y a une créativité
lexicale ; des mots viennent du latin. Il y a un début de fixation du français d'un point de vue
administratif. En 1453, c'est la chute de l'Empire romain d'Orient. Des savants grecs partent de
Byzance, phénomène qui explique la Renaissance.

  29  
5. La Renaissance
Contexte historique
⁃ Guerres d'Italie, guerres de religion
⁃ Développement de l'imprimerie
⁃ Fascination pour l'Italie
⁃ Intérêt pour les textes de l'Antiquité
⁃ Nouvelles inventions
⁃ Découverte de l'Amérique

5.1.L’influence italienne

Le français est influencé par l'italien. Les guerres d'Italie, très longues, se déroulent de 1494 à 1559.
Pour apaiser la querelle entre la France et l'Italie, il y a un mariage diplomatique entre Henri II et
Catherine de Médicis. De nombreux savants et artistes italiens rejoignent la cour du roi de France
(par exemple Léonard de Vinci).

On note pas moins de 8000 emprunts à l’italien (environ 10% ont été conservés) : par exemple
violon, concert, riz, citadelle, colonel, politesse, douche,... On remplace des mots d'ancien français
par des mots typiquement italiens (par exemple : « chenaille » devient « canailla » puis « canaille »).

On accorde désormais le participe passé avec l’objet (C'est Clément Marot qui ramène cela d'Italie
et l'intègre au français).

5.2. Les grandes découvertes

Les grandes découvertes commencent avec les portugais et les espagnols, puis en France avec
François premier. Avec la découverte de l’Amérique, le français prend 300 emprunts à l’espagnol,
une cinquantaine au portugais : chocolat, tabac, tomate, cigare… Ils découvrent de nouveaux objets
auxquels il faut donner un nom, et donc empruntent.

Voyages de Cartier (sous François Ier) au Canada : 1534 (échec), 1535-1536 et 1541-1542.
Au niveau de la toponymie de l'est du Canada, on remarque que ce sont des noms français ou
amérindiens : Saint-Laurent, Montréal, Québec (nom originaire d'une langue locale amérindienne)…
Des villes américaines ont également des noms français.

Création de la Nouvelle-France (au Canada, où 1/3 du territoire est de possession française). Les
français finissent par avoir leur place en Amérique.

5.3. La Réforme

Les guerres de religion auront un impact important au niveau de la langue. La réforme est liée aux
personnages de : Henri VIII en Angleterre, Luther en Allemagne et Calvin en Suisse. Après la
guerre de 100 ans, on ne parle plus le français en Angleterre, mais le roi désigne son fils illégitime,

  30
Henri FitzRoy par un nom français, ce qui prouve qu'il y a encore utilisation du français à la cour
d'Angleterre.

Il y a une volonté d'user les langues vernaculaires dans le culte et les Saintes Écritures, et un déclin
du latin. Ainsi, on ne parle plus le latin, on utilise la langue maternelle. Par exemple, la Biblie est
traduite en français grâce à Calvin ce qui permet une diffusion du français en l'introduisant dans
différentes régions.

En 1535, c'est la Bible d'Olivétan, première traduction de la Bible. On abandonne le latin. En1541
puis en 1559, Calvin publie Institution de la religion chrétienne d'abord en latin puis en français.
Les imprimeries de Genève et d’Amsterdam deviennent des centres de diffusion du français car les
textes protestants sont interdits à Paris. Les textes publiés en français ont une influence sur la
population : les catholiques utilisent plutôt le latin et les protestants les langues vernaculaires.

5.4. L’ordonnance de Villers-Cotterêts

Les lois précédentes de 1493 à 1535 l'annoncent.


NB (wikipedia) : L'ordonnance de Villers-Cotterêts est un texte législatif édicté par le roi de
France François Ier, entre le 10 et le 25 août 1539 (vingt-cinquième année de son règne) à Villers-
Cotterêts (dans le département actuel de l'Aisne), enregistré au Parlement de Paris le 6 septembre 1539. Cette
ordonnance est toujours partiellement en vigueur et appliquée par les tribunaux français. Forte de 192 articles,
elle réforme la juridiction ecclésiastique, réduit certaines prérogatives des villes et rend obligatoire la tenue des
registres des baptêmes. Elle est surtout connue pour être l'acte fondateur de la primauté et de l'exclusivité du
français dans les documents relatifs à la vie publique du royaume de France ; en effet, pour faciliter la bonne
compréhension des actes de l'administration et de la justice, elle leur impose d'être rédigés dans cette langue.
Le français devient ainsi la langue officielle du droit et de l'administration, en lieu et place du latin.

L'ordonnance de Villers-Cotterêts comprend :


⁃ Une Ordonnance générale sur le fait de la justice, police et finances : 192 articles signés entre le
10 et le 15 août 1539
⁃ Elle exige que les documents de justice soient faits en français
⁃ La création de l'état civil
⁃ L'utilisation du français comme langue obligatoire pour tous les actes administratifs

Ainsi, le français devient la langue officielle. Le but n'est pas de promouvoir le français comme
langue nationale mais de réduire le pouvoir de l'Eglise. Ainsi, l'Eglise utilise le latin, la monarchie le
français. C'est également la création de l'état civil et les curés doivent dès lors tenir des registres des
mariages, décès et naissances. Si on implante le français dans les décisions de justice, c'est pour que
ce soit compris de tous.

Langage maternel françoys?


En réalité, le texte parle de «langage maternel françoys». S'agit-il de français ou langue maternelle
vulgaire ? « Françoys » est-il un terme français ou n’importe quelle langue d’oïl ? En réalité, chacun
utilise son dialecte. Ce n'est pas une mesure contre les patois mais contre le latin (de l’Église), pour
des raisons politiques. On ne sait pas exactement ce que veut dire que chacun parle sa langue

  31  
habituelle, son dialecte. On constate cependant un rejet du latin d'une part chez les protestants, de
l'autre chez François Ier. Alors peut-être François Ier veut-il être proche des protestants ?

5.5. La diffusion du français

En 1543, c'est la création de l’Imprimerie royale par François 1er (imprimerie qui publie des textes
en français). Avant 1550, près de 80 % des livres imprimés en France sont en latin. En 1575, il n’y
en a plus que 50 %. L'imprimerie favorise pour des raisons économiques la diffusion du français.
L'Eglise ne veut imprimer qu'en latin mais grâce à l'Imprimerie royale, on peut imprimer dans
d'autres langues. On préfère vendre beaucoup, donc c'est le français car les gens ne parlent pas
latin.

Le français, langue littéraire et scientifique


On voit paraître en français des textes de médecine (Ambroise Paré), philosophie (Montaigne, la
Boétie, Ramus), mathématiques, chimie, etc. Si ils sont à la base en latin, ils seront traduits.
D'autres textes importants sont en 1549 La Deffence, et Illustration de la Langue Francoyse (Du
Bellay) : on peut écrire une poésie de qualité en français, et enrichir le français par l'emprunt (grec,
langues régionales) ; il faut abandonner les genres du Moyen-Age (sonnet, épopée,...).
En 1572, La Franciade (Ronsard). Il a l'idée de créer un poème du mythe français. Dans
l'introduction, il dit que le latin est une langue morte, la nouveauté passe par le français.

Le celthellénisme (mouvement « celte » + « grec »)


Ce mouvement exploite le mythe du lien entre le français et le grec. Les ancêtres des français sont
les gaulois (celtes), et soit les ancêtres des celtes sont les grecs, soit les grecs descendent des celtes ;
on cherche un lien entre celtes et grecs. Cela permet l'expansion du français. Ainsi dans la
Franciade, Francus, fils d’Hector, vient avec une colonie de Troyens fonder la monarchie française.

En 1511-1512, Illustration de Gaule et Singularité de Troie (Jean Lemaire de Belges) explicite le lien
entre la ville de Troie et la Gaule, en remontant au déluge : remontant au Déluge, il cherche à
démontrer que les gaulois sont la descendance directe de Noé et qu'ils sont à l'origine de la
fondation de Troie. D'autre part, les Francs sont selon lui, issus de Francus, fils d'Hector, sauvé de
la mort par Jupiter. Francus navigua de Troie jusqu'en Gaule pour fonder une ville nommée Paris,
en mémoire de son oncle, le ravisseur d'Hélène.

En 1569, Traité de la conformité du langage François avec le grec (Henri Estienne) a une volonté de
supprimer les italianismes : on veut combattre l'italien et le latin. La preuve est que le français vient
du grec. Il établit une filiation grecque, avec des ancêtres glorieux, pour justifier la suppression du
latin et de l'italien. Bien sûr il ne se fonde sur aucune donnée scientifique.

Le françoys et les patois


On parle la variété basse (langue maternelle/ordinaire, soit le français comme dialecte) à Paris et
dans quelques villes du Nord (Rouen, Reims, Metz, etc.). Le français, ailleurs, est une langue
seconde pour l'aristocratie et la grande bourgeoisie. Au sein des classes aristocratiques du nord de
la France, on parle une variété haute. Ainsi le français est une variété haute dans les villes où il n'est
pas la langue maternelle. Si il est la langue maternelle, c'est une variété basse. Il n’y a pas de terme

  32
de langue officielle, ce n’est pas le français langue du roi donc langue du peuple. François Premier
se bat contre le latin.

« Patois » a des connotations négatives. Ronsard choisit « dialecte » pour renvoyer à son «parler
vendômois». Les langues régionales ont de la valeur, ne sont pas encore en opposition avec le
français. La plupart des gens parlent des dialectes.

5.6. Le latin
Le latin reste important pour les échanges scientifiques entre pays. C'est la langue des sciences,
mais le latin du XVIe siècle a des retranscriptions et des prononciations différentes selon les pays :
en France, en Allemagne, en Hongrie, etc. Chacun a son « latin national », ce qui entraine des
problèmes de compréhension.

Erasme écrit un texte sur ce problème en 1528 : Dialogus de recta latini graecique sermonis
pronuntatione (Dialogue sur la prononciation correcte du latin et du grec) car les gens ne se
comprennent pas. Il propose un retour vers le latin classique.

Pour cela, il met en place des solutions à différents problèmes :


⁃ À l’oral, le cicéronianisme : subtil pour sutil, admonester pour amonester (ajout d'une
consonne pour donner un style de prononciation latin).
⁃ À l’écrit, uniformisation de l'orthographe et rôle des typographes :
⁃ AF conoitre→ congnoistre (< lat. Cognoscere)
⁃ AF sudein→ soubdain (< lat. Subitaneus)
⁃ AF set→ sept (< lat. Septem)
⁃ Augmentation des doublets : auscultare→écouter/ ausculter, liberare→livrer/ libérer…

5.7. La langue de la Renaissance

Le lexique s’enrichit de nombreux italianismes et latinismes. Il y a création néologique par


dérivation et confixation (composition savante).

En phonologie :
⁃ Le H aspiré et le schwa tendent à s’amuïr ;
⁃ Le R est toujours roulé ;
⁃ Le L mouillé existe encore ;
⁃ Érasme note que le sigmatisme affecte le R intervocalique (chaire→ chaise) ;
⁃ Fin de la double articulation nasale (voyelle + consonne). Dans les cas du masculin, on va
supprimer la consonne nasale. Par exemple, le mot femme, qui se disait « fenme » se dit
« fame »;
⁃ Les diphtongues et triphtongues ont disparu. Le digramme OI se prononce [wɛ] et va
progressivement se simplifier en [ɛ] pour les imparfaits/conditionnels, les noms de peuples
(françois) et quelques mots comme roide ou foible. « o » devient « a » pour aller dans le sens de
la simplification de l'orthographe.

Au niveau de la question des grammaires :

  33  
⁃ En 1530 : Lesclarcissement de la langue francayse (Palsgrave). C'est la première grammaire du
français. On s'adresse à des anglais qui veulent apprendre le français. C'est un livre qui fait
plus de mille pages et s'adresse à un public particulier.
⁃ En 1531 : Grammatica latino-gallica (Sylvius) – qui est en fait Sylvain Dubois, la mode étant à
la latinisation des noms. On écrit encore en latin parce qu'on est dans cette logique que les
gens cultivés écrivent en latin.
⁃ En 1550 : Le tretté de grammere françoeze (Meigret)
⁃ En 1569 : Traicté de la gramaire francaise (Robert et Henri Estienne)
⁃ En 1572 : Grammaire (Ramus)

Les grammaires sont toujours inspirées du modèle de Donat (grammairien latin du 4/5 ème siècle).
On va cependant pendant cette période créer une terminologie véritablement française (adjectif,
conjonction, adverbe, conjugaison, terminaison, etc. - les éléments du métalanguage). Robert
Estienne introduit en 1530 les accents (aigu, grave, circonflexe).

Revenons au tretté de grammere françoeze. Le but est de noter le « langage entendible » à partir d'une
« commune observance ». C'est-à-dire qu'on va observer les gens parler et transcrire. Cela ne va pas
fonctionner, une personne ne peut modifier l'orthographe à elle seule.

« Je suysasseuréq’unebonepartíede çeusqi s’ęnmęlet, sont si fríansde suyurele stileLatin, ę


d’abandonerle notre, qecombien qeleur’ parollessoętnayuemęntFrançoęzes: la maouęz’
ordonançerenttoutefoęsle sens obscur, auęqvngran’ mecontęntemęntde l’oręlledu lecteur, ę de
l’assistęnçe. De vreysi nou’ consideron’ bien le stilede la lange Latin’ ę celuyde la notre, nou’ lę’
trouueronscontręresen çeqecomunemęntnou’ fęzonsla fin de claoz’ ou d’un discours, de
çeqelęLatins font leur comęnçemęnt: ę si nou’ consideronsbien l’ordre de nature, nou’
trouueronsqele stileFrançoęss’y ranjebeaocoupmieusqele Latin. Car lę’ Latins
prepozentcomunemęntle souspozéaovęrbe, luydonansęnsuytele surpozé. »
Tretté de la grammaire francoeze, fet par Louis Meigret Lionoes (1550)

On va retrouver ce genre d'essai de nos jours avec le projet Ortograf (voir extrait pp). Cela ne peut
marcher car pour qu'il y ait une orthographe phonologique, il faut la même prononciation partout.
Les puristes vont défendre l'orthographe étymologique, tandis qu'à l'inverse, certains défendent
l'orthographe phonétique.

« Écrivéfonolojiqemandèmintenan, non par ignorançeou néglijençe, mèparçeqevouconèsséla


nouvèlfaçon d'écrire le françè, la norme Ortograf. »
Le projet ortograf 2010 (inspiré par Meigret)

  34
6. Le français classique (XVIIème et XVIIIème siècles)
D'un point de vue politique, c'est beaucoup plus stable, calme, que le 16 ème. La France est alors la
plus grande puissance démographique et miliatire et on va retrouver pas mal de figures fortes et
emblématiques au pouvoir. Cela commence avec Henri IV, puis Louis XIII, puis Mazarin qui va
remplacer Richelieu et enfin Louis XIV. Ces personnages ont laissé des empreintes sur la langue.
Une question importante est l'Edit de Nantes (1598). Henri IV, au départ protestant, va se
convertir pour être couronné.

6.1. Le français, langue du pouvoir

Le personnage important de cette période est Richelieu. C'est le principal ministre de Louis XIII.
Quelques points de sa politique :
⁃ affirmer le pouvoir du roi face aux nobles
⁃ il faut réduire la puissance des protestants en France : les gens convertis sont souvent des
lettrés, des gens qui ont une forme de pouvoir
⁃ La puissance de la France doit aussi s'établir à l'extérieur des frontières : il faut établir la
primauté de la France en Europe et créer un empire colonial

Richelieu va être remplacé par Mazarin (1643-1661), qui suivra la même politique. C'est cette
politique qui va mener à la monarchie absolue. En 1685, Louis XIV révoque l'Edit de Nantes : plus
de 300 000 protestants vont quitter la France. Le problème est ce que vont devenir ces protestants :
la plupart vont adopter la langue de leur nouveau pays. Par exemple, en Afrique du Sud, on trouve
beaucoup de noms français dus à cet arrivage protestant.

En 1714, avec le traité de Rastadt, le français devient la langue de la diplomatie jusqu'en 1914-
1918, étant donné que la France est la première puissance politique et militaire. Il va aussi devenir
la langue de plusieurs cours royales : Angleterre, Pays-Bas, mais aussi en Allemagne, en Suisse, en
Italie, dans les pays scandinaves (Danemark et Norvège), en Hongrie, en Pologne, en Russie
tsariste. On va être dans cette idée que le français est la première langue européenne. On trouve
des citations du père Bouhours (1628-1702) en français. On est dans une logique raciste, ou le
français est la seule langue qui consiste vraiment à parler. En France, le français est à égalité avec les
« trois langues du bon Dieu » - hébreu, grec et latin.

6.2. Les normes du français

Pour fixer des normes, Richelieu va s'inspirer du modèle italien et créer l'académie française en
1635, sur le modèle de l’Accademia della Crusca (1583). Ses buts sont de réaliser un dictionnaire,
une grammaire, une rhétorique et une poétique, puis de prendre soin de la langue. L’Académie
doit poser les normes. Il y a pour cela sélection de «gens d'esprit» qui doivent améliorer la langue et
la littérature («la plus haute éloquence»). Il s'agit de nettoyer le français des souillures causées par le
peuple et imposer la langue normée définie par les Académiciens. On fixe « le bon usage ».

  35  
Querelle du Cid (1637)
Un exemple de la « décadence », c'est la querelle du Cid. On va reprocher à Corneille de mal écrire.
On accuse Corneille de ne pas respecter la règle des trois unités (recommandée par Richelieu).
Scudéry fait appel à l’Académie : dans son rapport, cette dernière donne raison à Scudéry sur le
non-respect des règles et émet des observations sur le style: «Je l’avoue entre nous, quand je lui fis
l’affront / J’eus le sang un peu chaud et le bras en peu prompt.» Plutôt : «quand je lui ai fait
l’affront».

Dictionnaires
Au niveau des dictionnaires, cela va prendre du temps. On arrive sur un terrain vierge pour
construire cela. Au siècle précédent, on trouve le Dictionnaire Francois latin contenant les motzet
manieres de parler françois tournez en latin de Robert Estienne (1539). Les mots français sont suivis
d’une définition en latin.

En 1680, c'est le premier dictionnaire réellement monolingue, le Dictionnaire françois de Pierre


Richelet, qui contient 25000 mots en 2 volumes (rejet des termes dialectaux, archaïques et bas ;
seuls les mots du bon usage y figurent). Richelet ne fait pas vraiment partie de l'Académie mais est
ami avec un membre et va pouvoir assister à des séances. Cela lui donne l'idée de faire son propre
dictionnaire. Une des raisons principales est que Richelet estime que faire un dictionnaire
nécessite des citations d'auteurs. L'académie ne suit pas ce modèle, elle refuse les citations d'auteurs
car les grands modèles de l'époque sont les grands académiciens eux-mêmes. Chez Richelet, à une
entrée correspond une définition accompagnée d’une citation. On remarque des oublis et
définitions se limitant parfois à un synonyme, des simplifications orthographiques pas toujours
réussies

Le deuxième dictionnaire est celui d’Antoine Furetière (qui lui, faisait partie de l'Académie),
en1690 : le Dictionnaire universel. Le dictionnaire a été publié de manière posthume, deux ans après
sa mort. Il n'aura pas la permission de l'Académie pour réaliser son propre dictionnaire. Il sera
rapidement exclu de l'Académie. Ainsi la rédaction débute en 1650, un extrait est publié en 1684
(il est exclu de l'Académie le 22 janvier 1685). Ce qui le gêne, ce sont plutôt les termes techniques.
Chez lui, une entrée correspond à une définition suivie parfois de citation et le plus souvent de
commentaire de type encyclopédique. C'est un dictionnaire encyclopédique, l'ancêtre du
dictionnaire Larousse. Il y a 40 000 mots en trois volumes.

Le troisième et dernier du siècle est le dictionnaire de l'Académie. Voir pp. Le plan de départ est le
modèle italien mais on va s'en éloigner. En 1694, première édition du Dictionnaire de l’Académie
française. Il est débuté en 1635 avec un plan qui s’inspirait des méthodes de l’Accademia della
Crusca. On trouve des exemples inventés au lieu des citations. C'est une approche plus
synchronique que le modèle historique italien. Il y a description de l’usage général : rejet des
termes de spécialité. Il comprend 18000 mots en 2 volumes.

Reproches :
1. Classement par famille de mots : «Comme la Langue Française a des mots Primitifs, & des mots
Dérivés & Composés, on a jugé qu'il serait agréable & instructif de disposer le Dictionnaire par
Racines, c'est à dire de ranger tous les mots Dérivés & Composés après les mots Primitifs dont ils
descendent, soit que ces Primitifs soient d'origine purement Française, soit qu'ils viennent du Latin ou

  36
de quelqu'autre Langue.» (préface du Dictionnaire). C'est un reproche qu'on fait beaucoup à ce
dictionnaire, c'est que ce n'est pas pratique ; on ne connaît pas forcément l'étymologie de
chaque mot. Exemple : entrée chair→ charnu, charnure, charnage, carnage, charnel,
charnellement, charcutier, charcuter, charnier, carnassier, carnation, carnosité, incarner, incarnation,
incarnat, incarnadin, carnaval, charogne, carogne, acharner, acharnementet décharner.
2. Suppression des termes techniques : compensée par les deux tomes du Dictionnaire des arts et
des sciences de Thomas Corneille.
3. Absence de citations : modestie des auteurs + pour éviter les tensions possibles liées à leurs
egos respectifs.
4. Grossièreté de certains exemples. Pour l’Académie, il s’agit de transmettre «la langue
commune telle qu’elle est dans le commerce ordinaire des honnestes gens». C'est un débat
de longue date, faut-il mettre les grossiers mots dans le dictionnaire ? « con » est apparu il y
a une quarantaine d’années
5. Erreurs : le furet est «une sorte de petit chien», le pellican une «sorte d’oiseau extrêmement
rare qui naist dans les deserts», le cerf est «une espece de beste fauve», un lieu est «l’espace
qu’un corps occupe».
L'Académie Française aura une influence sur la langue. De la création du dictionnaire de
l'Académie résultent certaines conséquences :

⁃ Adoption officielle de la numération vicésimale (80)


⁃ Invariabilité des participes présents (1679)
⁃ Choix orthographique pour les mots qui se terminent en [ã] au pluriel: sentimens ou
sentiments?

NB : Particularités de chaque dico : question possible examen.

6.3. Un français pur

On est dans une idée de profusion. On oppose la langue littéraire du 16ème à celle du 17ème :

⁃ Langue littéraire du XVIeme siècle : abondance, richesse lexicale, création, emprunts,


synonymie, syntaxe complexe…
⁃ Langue littéraire du XVIIeme siècle : mot juste, très peu d’emprunts, pureté et clarté de la
langue. La phrase se raccourcit et se simplifie à partir de la moitié du XVIIe siècle.

Une grande figure est François de Malherbe (1555-1628), poète officiel de la cour, avec Remarques
sur Desportes (1606).

Le bon usage (soit la façon de parler des gens de la cour)


Claude Fabre de Vaugelas (1585-1650), académicien, définit le «bon usage», celui de «l’honnête
homme». Le peuple corrompt la langue tandis que les nobles en font le bon usage.

«Le mauvais se forme du plus grand nombre de personnes, qui presque en toutes choses n'est pas le
meilleur, et le bon au contraire est composé non pas de la pluralité, mais de l'élite des voix, et c'est
véritablement celui que l'on nomme le maître des langues. Voici donc comment on définit le bon

  37  
usage : c'est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour.»
Remarques sur la langue française, 1647

«L’honnête homme» :
⁃ est de préférence noble selon Faret, il évitera donc les mots bas ;
⁃ ne travaille pas avec ses mains, il évitera donc les termes techniques ;
⁃ fréquente la cour, il évitera donc les mots provinciaux ;
⁃ est courtois avec les dames (manières raffinées, vêtements élégants, etc.), il évitera donc les
mots sales ;
⁃ vit dans son époque, il évitera donc les mots démodés ;
⁃ sait s’adapter à tous les publics, fait preuve d’humour, il adopte des formes plaisantes
comme la maxime.

Le bon usage va éliminer des archaïsmes, italianismes, mots dialectaux, termes techniques, tous les
mots «bas» comme charogne, barbier ou ulcère. L’Académie doit dresser des barrières pour conserver
la pureté de la langue contre le mauvais usage du peuple. On est toujours dans une logique où le
français domine le monde, donc il y a besoin de normes, et c'est l'Académie qui en décide.

«Mais on ne pouvait commencer trop tôt à polir et à perfectionner une langue qui apparemment
doit être un jour celle de toute l'Europe et peut-être de tout le monde ; surtout d'une langue qui
doit parler de Louis XIV. On ne pouvait trop tôt former des orateurs, des poètes et des historiens
pour célébrer ses grandes actions.»
Discours de Perrault, le 17 novembre 1671
La préciosité
« Les précieuses » fait référence aux salons littéraires féminins (marquise de Rambouillet, Mlle de
Scudéry, etc.). Ce n’est plus la recherche du mot juste, mais de la périphrase pour éviter les termes
trop prosaïques.

Exemples :
⁃ Le nez= les écluses du cerveau,
⁃ les seins = les coussinets d'amour,
⁃ le miroir = le conseiller des grâces,
Chapeau = l’affronteur des temps
⁃ être enceinte = sentir les contrecoups de l'amour permis.

Il y a beaucoup de créations néologiques : débrutaliser, importamment, soupireur, etc. mais aussi


s'encanailler, féliciter, bravoure, anonyme, incontestable, billet doux, pommade, etc.
Aussi de création d’expressions : châtier la langue, être brouillé avec quelqu’un, avoir de l’esprit, etc.
Il y a également une volonté de simplification de l’orthographe (les femmes ont moins accès à
l’éducation) : autheur→ auteur, sçavoir→ savoir, faicts→ faits, aisné→ aîné, etc.

La réforme de l’orthographe
Corneille veut rapprocher l'écrit de l'oral. En 1688, Lesclache publie Les véritables règles de
l'orthographe ou l'art d'apprendre. On doit selon lui écrire notre langue comme chaque nation écrit la
sienne. Il y a l'idée que l'écrit ne correspond pas à l'oral. Lesclache propose la systématisation des

  38
rapports lettres-phonèmes (exemples : ils disent : ils dizent / il jugea : il juja) et tous les pluriels en -s
(exemple : vous avez : vous aves).

Liens entre la Réforme et la réforme de l’orthographe :


La réforme de l'orthographe est difficilement acceptée car on considère que c'est un projet
protestant. L'orthographe est complexe, et si on va dans le sens d'une simplification, au niveau
idéologique c'est plutôt en accord avec les protestants que les catholiques. Si c'est un projet
catholique, c'est une attaque à la langue, à la nation.

Il y a une volonté de garder le lien avec le latin : Mézerayet et le –s étymologique muet. Exemple :
dans « Estre » (être), garder le « s » étymologique. On est dans une idéologie où s'attaquer à
l'orthographe, c'est s'attaquer au royaume, hypothèse défendue par les partisans du latin. Corneille,
lui, pensait à la simplicité. C'est un débat linguistique et idéologique.

« II est très certain qu'à moins de vouloir introduire dans nôtre France le Mahometisme, ou l'Eglise
prétendue de Genève, on ne peut pas persuader l'ignorance de la langue latine, nysoutenir qu'on
puisse avoir une véritable science sans la posséder parfaitement & souscrire à l'opinion d'un
Schisme si pernicieux, c'est travailler à la ruine & à la destruction totale du plus florissant & du
mieux policé Royaume du monde »
Anonyme, 1669

Le latin
Le latin disparaît de la littérature. Il est toujours la langue des sciences mais Descartes publie son
Discours de la méthode (1637) en français pour que tout le monde le comprenne «depuis les plus
subtils jusqu’aux femmes». Donc le latin est de moins en moins utilisé, même dans les textes
scientifiques.

6.4. Prononciation aristocratique au XVIIème siècle

⁃ Dans la langue parlée, la première partie de la négation disparaît. Lorsqu’il était enfant,
Louis XIII disait: «je les aime point» et «je puis pas»
⁃ Le féminin des participes était identifiable dans la langue parlée par un [e] allongé
⁃ La chute des consonnes finales se poursuit : [muʃwa], [plezi], [kuri], [ifo], [iz˜ɔ], [nɔt]
(mouchoir, plaisir, courir, il faut, ils ont, notre). Les normes évoluent : ce qui à l'époque
semblait noble ne l'est plus aujourd'hui
⁃ Suppression des E inaccentués : [dzir] désir, [dzɛr] désert, [skrɛ] secret.
⁃ Ancienne diphtongue OI se prononce [wɛ] (poli) : [mwe] moi, [rwe] roi, [krwɛr] croire,
[bwɛr] boire, [franswɛz] française. La prononciation en [wa] est êtremement grossière.
⁃ Jean Hindret, L’Art de bien prononcer et de bien parler la langue françoise (1687), au sujet de la
prononciation en [wa]: «Cette prononciation est fort irrégulière et elle n'est pas bonne à
imiter ; car elle sent son homme grossier et paresseux qui ne daigne se contraindre en rien
ni s'assujettir à la moindre règle.»

  39  
6.5. La diffusion du français

⁃ En 1661, Racine se rend chez un oncle à Uzès et voit qu'entre Paris et le sud de la France, il
y a une faille dans le français : on ne se comprend plus.

«J'avais commencé dès Lyon à ne plus guère entendre le langage du pays et à n'être plus intelligible
moi-même. Ce malheur s'accrut à Valence, et Dieu voulut qu'ayant demandé à une servante un pot
de chambre, elle mit un réchaud sous mon lit. Mais c'est encore bien pis dans ce pays. Je vous jure
que j'ai autant besoin d'un interprète qu'un Moscovite en aurait besoin dans Paris. Néanmoins, je
commence à m'apercevoir que c'est un langage mêlé d'espagnol et d'italien ; et comme j'entends
assez bien ces deux langues, j'y ai quelquefois recours pour entendre les autres et pour me faire
entendre.»

⁃ Molière, Don Juan, II, 1 : montre des différents français. Au sud de la France, on ne parle
pas français, les paysans non plus. Seuls les nobles parlent français.

CHARLOTTE : Notre-dinse, Piarrot, tu t’es trouvé là bien à point.
PIERROT : Parquienne, il ne s’en est pas fallu l’épaisseur d’une éplinquequ’ils ne se
sayantnayéstous deux.
CHARLOTTE : C’est donc le coup de vent da matin qui les avait renvarsésdans la mar?
PIERROT : Aga, guien, Charlotte, je m’en vas te conter tout fin draitcomme cela est venu ; car,
comme dit l’autre, je les ai le premier avisés, avisés le premier je les ai. Enfin donc j’estionssur le
bord de la mar, moi et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avec des mottes de tarreque je
nous jesquionsà la teste ; car, comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi par fouasje
batifole itou.

⁃ Le français se diffuse grâce aux colonies



Canada, Acadie, Terre-Neuve, Louisiane, Antilles, Mascareignes, comptoirs en Inde et en Afrique
de l’Ouest : colonies françaises.

Apparition des créoles (blancs nés dans les colonies) français dès le XVIes. Le créole est un mélange
entre le français et la langue africaine. La grammaire est plus simplifiée (relation simple :
maître/esclave). D'un point de vue lexical, c'est globalement du français. Il y a des créoles français,
portguais, espagnols, (empires coloniaux)...

«Comme ceux-ci [les esclaves] ne peuvent apprendre nôtre langue à moins qu'ils ne soient encore
jeunes, on les laisse parler un baragouin de françois, un jargon mal arrangé et mal prononcé, pire
que celui d'un allemand qui commence à parler nôtre langue. Encore leur faut-il du tems pour se
faire entendre. Pour nous autres François, nous n'avons point de peines d'apprendre ce jargon et
nous sommes dans moins de rien en état de le parler. De sorte que nos missionnaires des Islesde
l'Amérique n'ont point à étudier de langue étrangère.»
Jean Crétien, 1718

  40
6.6. Le mythe du français langue universelle au XVIIIème siècle

Près de 25 cours d'Europe utilisaient le français : de la Russie au Portugal, en passant par la


Turquie, la Serbie et le Monténégro, la Norvège, la Pologne et l'Angleterre. Gallomanie en Europe
(fait que tout le monde dans les cours veut parler français). Si le français devient la langue de
presque toutes les cours européennes, c'est pour deux raisons (question de prestige) :
⁃ Le Royaume de France est le plus puissant (lien avec la puissance militaire)
⁃ Les personnages les plus emblématiques de l'époque parlent français (par exemple Frederic
II de Prusse).

La cour de Suède imite Versailles. C'est la période des mariages entre nationalités différentes.
Frederic II va créer une Académie sur le modèle français, et Catherine II de Russie aussi.
Au niveau du peuple, en Suisse et en Belgique, le français va progresser. En 1750, Bruxelles
abandonne le néerlandais pour passer au français. Le français progresse aussi en-dehors des cours.

Le résultat est que le courrier diplomatique se fait en français. Le français est la langue de l'Europe,
car c'est la langue la plus parfaite, même que toutes les autres langues. Il est par exemple plus précis
que l'anglais. Ex : World population conference→ Congrès mondial de la population ou Congrès sur la
population du monde ? (ambiguité de l'anglais). Ainsi le fançais devient la langue diplomatique
universelle : il sert aux traités internationaux.

«Sa langue est devenue la langue de l’Europe. […] La langue française est de toutes les langues celle
qui exprime avec le plus de facilité, de netteté, de délicatesse tous les objets de la conversation des
honnêtes gens.»
Voltaire, Le siècle de Louis XIV, 1751

«Si la langue française est maintenant triomphante, c’est que, naturelle et concise dans ses
expressions, elle est la langue de la société. […] Il faut revenir à la langue française quand on veut
converser ; moins diffuse que toute autre, moins difficile à prononcer, elle n’exige ni une
abondance de mots ni des efforts de gosier pour donner du corps aux pensées.»
Caraccioli, L’Europe française, 1776

L'académie de Berlin pose «Qu'est-ce qui a rendu la langue française universelle ?» (1782)

Discours sur l’universalité de la langue française (Rivarol, 1783)


- «Le temps semble être venu de dire le monde français, comme autrefois le monde romain, et la
philosophie, lasse de voir les hommes toujours divisés par les intérêts divers de la politique,
se réjouit maintenant de les voir, d'un bout de la terre à l'autre, se former en république
sous la domination d'une même langue.»
- «Sûre, sociale, raisonnable, ce n’est plus la langue française, c’est la langue humaine.» (tout
le monde devrait parler français)
- L’ordre SVO suit l’ordre de la pensée.
- En petites majuscules : «ce qui n'est pas clair n'est pas français ; ce qui n'est pas clair est
encore anglais, italien, grec ou latin» (le français est la langue de Dieu -grec, hébreu, latin- il
va même passer au-dessus de cette hiérarchie, n'est plus ni en dessous, ni à égalité)

  41  
6.7. Politique linguistique au XVIIIe siècle

Si le français a un intérêt à la cour, on ne s'intéresse par contre pas à la façon dont les gens parlent
en-dehors de la cour. Il n'y a pas de politique de francisation du royaume. Il y a moins de 3 millions
de francophones natifs sur 25 millions d’habitants.

En France :
⁃ Régions francisantes (français domine) : Les provinces de l'Île-de-France, de la Champagne,
de la Beauce, du Maine, de l'Anjou, de la Touraine et du Berry
⁃ Régions semi-patoisantes (bilinguisme patois/français) : Normandie, Lorraine, Poitou et
Bourgogne
⁃ Régions patoisantes (patois seulement) : Midi de la France, Bretagne, Flandre, Alsace et
Franche-Comté

Le patois, dans l'Encyclopédie, est qualifié de langage corrompu. La langue est parlée uniquement
dans la capitale.

«PATOIS (Gramm.). Langage corrompu tel qu'il se parle presque dans toutes les provinces :
chacune a son patois ; ainsi nous avons le patois bourguignon, le patois normand, le patois
champenois, le patois gascon, le patois provençal, etc. On ne parle la langue que dans la capitale.»
Encyclopédie de Diderot et d’Alembert

Grâce à la qualité du réseau routier, premières usines, système de colporteurs, il va y avoir une
diffusion de plus en plus large du français dans les territoires d’oïl.

6.8. Différences linguistiques par rapport au XVIIème siècle

⁃ Peu de différences dans les écrits littéraires.


⁃ Restitution à l’oral de certaines consonnes finales grâce à l’écrit : mouchoir, finir, il faut, etc.
⁃ Avant la Révolution, Wolfgang von Kempelenestimait qu’un quart de la population
parisienne employait le R uvulaire.
⁃ À partir de 1740 : remplacement systématique de –es–par –é–à l’écrit (despit→ dépit)
⁃ Édition de 1762 du Dictionnaire de l'Académie: instauration de l'orthographe moderne
⁃ L'appauvrissement du vocabulaire (le mot juste) ne correspond pas à l’esprit des Lumières :
création néologique de mots techniques et savants (étymons grecs et latins : oxygène,
hydrogène, etc. Emploi de suffixes latins –eux, –ique et grecs –ite, –ate)
⁃ Influence de l’Angleterre : période d’anglomanie vers la moitié du XVIIIesiècle (motion, vote,
session, jury, pair, budget,verdict, veto, contredanse, sentimental, partenaire, paquebot, rosbif, gigue,
etc.). Dans la 5eédition du Dictionnaire de l'Académie française (1798) : une soixante de
nouveaux emprunts à l’anglais.
⁃ Déclin du passé simple à l’oral et par conséquence du passé antérieur.
⁃ Usage de plus en plus courant du passé surcomposé à l’oral : après qu’il l’eut fait, nous nous en
allâmes → après qu’il l’a eu fait, nous nous en sommes allés

6.9. Le recul international du français

  42
«L'anglais est destiné, au cours du prochain siècle et des siècles suivants, à être plus généralement la
langue du monde que le latin l'était en dernier ou le français à l'époque présente. La raison de cela
est évidente, parce que la population croissante en Amérique et ses relations et ses écrits universels
avec toutes les nations auront pour effet, en cela facilité par l'influence de l'Angleterre dans le
monde, qu'elle soit grande ou petite, d'imposer sa langue comme emploi généralisé, malgré tous les
obstacles qui peuvent être jetés sur son chemin, s'il doit y en avoir.»
John Adams, 1780
Causes du recul du français :
⁃ Il y a une importance internationale de l’anglais. Il devient la langue de la puissance
numéro 1. John Adams, second président des Etats-Unis, affirme que l'Anglais va s'imposer
(et effectivement, devient la langue mondiale au 19/20/21 ème siècles)
⁃ Le français ne domine plus au niveau des colonies. Pertes de colonies : à l’issue de la guerre
de Sept Ans, la France perd en 1762 le Canada au profit de la Grande-Bretagne et la
Louisiane au profit de l’Espagne. En 1763, on compte environ 65000 colons français au
Canada.
⁃ De plus, avec la Révolution Française, les aristocrates n'auront plus envie de parle le
français, langue de ceux qui ont tué le roi. Ce n'est plus la langue de la noblesse mais la
langue des assassins.
⁃ Il y a également l'apparition du créole.

La Révolution française
À la veille de la Révolution, la France est encore l'un des pays les plus peuplé d’Europe (26 millions
d’habitants) mais a de gros problèmes, a été ruinée par la guerre en Amérique.. En1786 : projet
d’impôts pour les propriétaires fonciers (la guerre en Amérique a coûté un milliard de livres
tournois). Le Tiers état refuse de payer ce qui entraine une suite d'évènements politiques. En 1789
les états généraux sont convoqués par Louis XVI en 1788. Le 14 juillet 1789 c'est la prise de la
Bastille, etc : Révolution.

A l'époque de la monarchie, il y a d'une part les dialectes, de l'autre la langue nationale, le français.
Mais après la Révolution, la France va-t-elle être une République monolingue ou multilingue ?

Il y a une politique d'ouverture vers les dialectes, une volonté de donner des outils à tout le monde
et les textes en français seront traduits pour ceux qui ne les comprennent pas.
⁃ Décret du 14/04/1790 : «le pouvoir exécutif sera supplié de faire publier les décrets de
l’Assemblée dans tous les idiomes qu’on parle dans les différentes parties de la France.
Ainsi tout le monde va être le maître de lire et écrire dans la langue qu'il aimera mieux et
les lois françaises seront familières pour tout le monde.»
⁃ Novembre 1792 : la Convention souhaite accélérer les traductions en patois

Cependant cela cause problème à cause du coût des traductions,du manque de traducteurs et
surtout un changement d’idéologie : on veut défendre un modèle monolingue. On est dans une
optique d'uniformisation.

⁃ 1791 : Rapport sur l’instruction publique de Talleyrand : «Les écoles primaires mettront fin à
cette étrange inégalité : la langue de la Constitution et des lois y sera enseignée à tous ; et

  43  
cette foule de dialectes corrompus, dernier reste de la féodalité, sera contrainte de
disparaître.» (L'idée est que tout ce qui renvoye aux dialectes relève de la féodalité alors que
le français est la langue de progrès. Il y a un problème d'inégalité alors que le pilier de la
Révolution est l'égalité : pour être égaux, il faut qu'on ait tous une même langue, car ceux
qui parlent des dialectes sont désavantagés.)
⁃ 1794 : Rapport du Comité de salut public sur les idiomes de Barère: les dialectes sont des langues
« étrangères », opposées à la Révolution tandis que le français est la langue de la nation.
Plutôt que de traduire, il faut enseigner. Le but est d'éliminer les dialectes étrangers et les
remplacer par le français, car ils sont des instruments de fanatisme, de superstition et
favorisent les ennemis de la France. Tout comme dans le mythe de la tour de Babel, si on
parle une même langue, on peut s'accorder tandis que sinon non. Il y a un intérêt à la
diversité de la langue pour la monarchie, tandis qu'il y a un intérêt à avoir une seule langue
pour la République. La conclusion de ce rapport est qu'il faut absolument que tout le
monde parle français pour le bien de la république.

L’enquête de l’abbé Grégoire


Passons à une autre enquête, celle de l'abbé Grégoire (1790-1792), qui va se concentrer plutôt sur
les régions frontalières étant donné que ce sont celles où il y a le plus de patois. On remarque que
si on est dans une logique d'une république une et indivisible, on se demande tout de même s'il n'y
aurait pas des différences de moeurs en fonction des langues (plutôt question sociologique). On est
dans une optique de détruire les patois, la république si elle veut avancer doit parler la langue
française. On remarque également que l'avancée sur la plan national est beaucoup plus lente que
sur le plan international. Il dit aussi la même chose que Barère, le multilinguisme est un reste de
féodalité ; la liberté passe par le français. Il faut également pour lui se débarrasser des termes
impropre, surranés, des dialectes français, des dialectes étrangers, et finalement du créole. Il faut
éliminer tout ce qui n'est pas de l'ordre du français standart. Dernier point, il s'agit d'uniformiser la
langue pour les relations internationales ; une seule république, un seul peuple, une seule langue

Documents du powerpoint : l'abbé Grégoire.

Enquête sur les patois de France par le biais d’un questionnaire de 43 items (principalement dans
les régions frontalières) : exemples de questions :
⁃ 1. L'usage de la langue française est-il universel dans votre contrée. Y parle-t-on un ou
plusieurs patois ?
⁃ 14. Quel est le caractère de la prononciation ? Est-elle gutturale, sifflante, douce, peu ou
fortement accentuée ?
⁃ 15. L'écriture de ce patois a-t-elle des traits, des caractères autres que le français ?
⁃ 27. Quelle est l'influence respective du patois sur les moeurs et de celles-ci sur votre dialecte
?

Il y aura 49 réponses qui donnent le Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et
d'universaliser l'usage de la langue françaiseien 1794.

«On peut assurer sans exagération qu’au moins dix millions de Français, sur-toutdans les
campagnes, ignorent la langue nationale; qu’un nombre égal est à-peu-près incapable de soutenir

  44
une conversation suivie; qu’en dernier résultat, le nombre de ceux qui la parlent purement
n’excède pas trois millions; & probablement le nombre de ceux qui l’écrivent correctement est
encore moindre. Ainsi, avec trente patois différens, nous sommes encore, pour le langage, à la tour
de Babel, tandis que pour la liberté nous formons l’avant-garde des nations.»

«Mais cet idiôme, admis dans les transactions politiques, usité dans plusieurs villes d’Allemagne,
d’Italie, des Pays-Bas, dans une partie du pays de Liège, du Luxembourg, de la Suisse, même dans le
Canada & sur les bords du Mississipi, par quelle fatalité est-il encore ignoré d’une très grande
partie des Français?»

«La féodalité qui vint ensuite morceler ce beau pays, y conserva soigneusement cette disparité
d’idiômescomme un moyen de reconnoître, de ressaisir les serfs fugitifs & de river leurs chaînes.»

«Il n’y a qu’environ quinze départements de l’intérieur où la langue française soit exclusivement
parlée. Encore y éprouve-t-elle des altérations sensibles, soit dans la prononciation, soit par l’emploi
de termes impropres & surannés, surtout vers Sancerre, où l’on retrouve une partie des expressions
de Rabelais, Amyot & Montagne. »

« Nous n’avons plus de provinces, & nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les
noms. Peut-être n’est-il pas inutile d’en faire l’énumération: Le bas-breton, le normand, le picard, le
rouchi ou wallon, le flamand, le champenois, le messin, le lorrain, le franc-comtois, le
bourguignon, le bressan, le lyonnais, le dauphinois, l’auvergnat, le poitevin, le limousin, le picard,
le provençal, le languedocien, le velayen, le catalan, le béarnois, le basque, le rouergat & le gascon;
ce dernier seul est parlé sur une surface de 60 lieues en tout sens. »

« Au nombre des patois, on doit placer encore l’italien de la Corse, des Alpes-Maritimes, &
l’allemand des Haut & Bas-Rhin, parce que ces deux idiômesy font très dégénérés. »

« Enfin, les Nègres de nos colonies, dont vous avez fait des hommes, ont une espèce
d’idiômepauvre comme celui des Hottentots, comme la langue franque, qui, dans tous les verbes,
ne connoitguères que l’infinitif.»

Rejet de la langue universelle, «mais au moins on peut uniformerle langage d’une grande nation, de
manière que tous les citoyens qui la composent, puissent sans obstacle de communiquer leurs
pensées. Cette entreprise, qui ne fut pleinement exécutée chez aucun peuple, est digne du peuple
français, qui centralise toutes les branches de l’organisation sociale, & qui doit être jaloux de
consacrer au plutôt, dans une République une & indivisible, l’usage unique & invariable de la
langue de la liberté.»

Conclusion

Français dialectes

Progrès féodalité/contre-révolution
Liberté servage
Raison fanatisme, croyances etc.

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Richesse pauvreté
Nation ennemi potentiel

Réponse de l’abbé Fonvielhe (Bergerac) à l'enquête de Grégoire : «Dans les villes tout ce qu'on
appelait le bas peuple parle patois excepté quand il a bu.» Au XIXe siècle, pour Mistral (Marseille),
«Comença de parlar francés» veut dire «Il est ivre». Parler français est alors vu comme une
transgression des lois.

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7. Le français contemporain
7.1. Standardisation du français

Sous l'Empire (Napoléon), les langues minoritaires ne sont pas pourchassées – il n'y a pas
d'anéantissement des patois mais pas d'encouragement non plus.

«Sous l’Empire, cependant, les langues minoritaires sont loin d’être pourchassées comme elles l’ont
été sous la Révolution»
Hagège, 1987

En 1806, l’enquête de Coquebertde Montbret a pour volonté de recenser les dialectes de l’empire.
On demande à des notables d’écrire et de traduire en dialecte local la Parabole de l'enfant prodigue,
épisode de la Bible. Le but n'est pas de promouvoir les dialectes mais de voir à quel point les gens
fidèles aux dialectes sont fidèles à l'Empire. Lutter contre les dialectes n'est pas utile puisqu'ils vont
disparaitre tout seuls avec le progrès. On ne les promeut pas : si on avait une politique agressive, il y
aurait tentative de défense tandis que si on laisse faire les choses, le français va s'imposer.

L'environnement fait qu'il est logique d'abandonner son dialecte pour le français :
⁃ Développement de l’administration sous Napoléon 1er: même dans les villages les plus
reculés, il est handicapant de ne pas parler français.
⁃ Conscription créée par la Révolution et les guerres napoléoniennes.
⁃ Amélioration des voies de communication (chemin de fer : première ligne de voyageurs en
1837)
⁃ Industrialisation : on quitte les campagnes pour les villes
⁃ Développement des journaux
⁃ 1848 : suffrage masculin universel : les campagnes électorales sont en français.

En 1833 : loi sur l’enseignement primaire de Guizot : l’école n’est pas obligatoire mais la liste des
parents qui n'y envoient pas leurs enfants est publiée. Chaque commune doit entretenir au moins
une école élémentaire : on passe de 31420 écoles à 43514 en 1847. L'école est payante ce qui limite
le nombre d'enfants que l'on y envoye. De plus, les filles n'y sont pas envoyées, seulement les
garçons.

Au niveau de l'apprentissage, La Nouvelle grammaire française de Noël et Chapsal et le dictionnaire


de l’Académie française deviennent les outils obligatoires. Il est obligatoire de s'en servir. C'est une
norme commune à tous les élèves du pays. Mais cela est partiellement efficace : les instituteurs sont
mal payés, donc le métier n'est pas valorisé et on a des enseignants moins compétents. Le
recrutement n'est pas de qualité : des gens qui ne parlent pas français vont devoir enseigner le
français.

En1881-1886, les lois de Jules Ferry rendent l’école publique gratuite, laïque et obligatoire. On est
en période de République. Les filles sont intégrées dans le projet.

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Plus d’un millier de dictionnaires sont réalisés durant le siècle : Littré, Larousse, Bescherelle,
Boiste, Babault, etc. Leurs auteurs sont des professionnels : instituteurs, médecins,... On voit
paraitre également beaucoup de grammaires.

Le bon usage de l’aristocratie a été supplanté par le français de la bourgeoisie : il y a un changement


de normes ( roi= /Rwa/). Encore aujourd'hui, le français standart est celui de la bourgeoisie.

Avec le progrès de la science et des techniques, il y a création néologique. Il y a des emprunts à


l’anglais, principalement dans les domaines de l'industrie (wagon, rail), la mode (dandy, confortable),
le sport (football, rugby, tennis)…

7.2. La place des dialectes

On va associer des dialectes à la religion et le français à la langue de la raison, de ce qui est


moderne. Selon Duruy, en 1863, 25% ne parlent pas français. On ne parle pas français dans le
Sud.

Le Félibrige (association de poètes fondée en 1854) publie l'Armana Prouvençau (1855), Mirèio par
Mistral (1859), Lou Tresor dóu Felibrige. Le Félibrige est également l'auteur du Dictionnaire Provençal -
Français embrassant les divers dialectes de la langue d'oc moderne (1878). On commence à publier en
langue locale, avec notamment ce dictionnaire en langue provençale (dans la région de Marseilles).
Ils pensent que l'école « tue » les dialectes locaux, même si elle n'est pas encore généralisée à cette
époque. Le Félibrige est un mouvement important avec des gens connus. Son but est d'«assurer à la
langue, par leur travail d’épuration linguistique, esthétique et morale, la consolation d’une mort
propre» (Félibrige).

L’école va réussir son entreprise : grâce à la méthode directe, on ne tient pas compte de la langue
maternelle de l’enfant. On donne tous les cours en français et il y a des punitions liées à l’emploi
du patois. On chasse les dialectes par la force.

7.3. L’expansion de l’argot

Bien qu'il existe déjà avant, on voit paraître dans le Dictionnaire de l’Académie française (4e édition,
1762) : «ARGOT. s.m.Certain langage des gueux & des filoux, qui n'est intelligible qu'entre eux.
Savoir l'Argot. Apprendre l'Argot. Parler l'Argot.» ; dans le Dictionnaire de la langue verte (Alfred Delvau,
1867) : «En France, on parle peut-être français ; mais à Paris on parle argot, et un argot qui varie
d’un quartier à l’autre, d’une rue à l’autre, d’un étage à l’autre.» Ainsi, on passe à quelque chose de
répandu ;
Chereau, Le Jargon ou Langage de l'Argot reformé (v. 1629) : Il y a présente la vie des gueux et leurs
mœurs. Ainsi on passe du peuple argot à la langue.

Villon et les coquillards (seconde moitié du XVe siècle) : les coquillards sont un groupe de voleurs
qui se font passer pour des pèlerins et utilisent l'argot. On utilise ce langage secret pour voler. Le
terme « coffrer », par exemple, est encore utilisé.

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Cartouche puis les chauffeurs (XVIIIe siècle) : Cartouche est était un brigand puis un chef de
bande ayant notamment sévi à Paris. Arrêté et condamné à mort, il dénonce ses complices avant
d'être éxécuté. Il bénéficie d'une certaine bienveillance de la part de la population contemporaine,
et il est évoqué dans différentes oeuvres littéraires. Les chaffeurs quant à eux chauffaient les pieds
de leurs victimes pour les faire parler. On s'intéresse à la langue de ces personnages, l'argot.

Des dictionnaires d'argot paraissent :


⁃ Dictionnaire du bas-langage (d’Hautel, 1807), Glossaire argotique des mots employés au bagne de
Brest (Ansiaume, 1821),Petit dictionnaire du peuple (Desgranges, 1821), etc.
⁃ Anonyme, 1827 : Dictionnaire d’argot, ou Guide des gens du monde, pour les tenir en garde contre
les mouchards, filoux, filles de joie, et autres fashionables et petites-maîtresses de la même trempe. Par
un monsieur comme il faut, Ex-Pensionnaire de Ste-Pélagie. Ce dictionnaire est dans le sens
latin-français et français-latin, car on ne comprend rien à l'argot, ni au latin, donc on
appelle l'argot le latin.

Dans la littérature, on trouve de l'argot chez Vautrin, chez Balzac, Zola, Hugo...

Il y a également l'argots des métiers ambulants. Par exemple le zéralde Polytechnique.

Nouveaux modes de codage


⁃ Verlan : on en trouve des traces en ancien français. Au XIXesiècle, il se répand dans le
milieu carcéral.
⁃ Louchébem: version professionnelle du largonji (première moitié du XIXesiècle) : l’initiale
est placée en fin de mot, remplacée par un L et l’on ajoute une terminaison quelconque :
loufoque, en loucedé, etc.
⁃ Javanais (moitié du XIXesiècle, également dans les bagnes) : insertion de la syllabe –av–:
gravosse

7.4. Le français dans le monde

C'est toujours la langue de la diplomatie. En 1896 : le français est avec l’anglais, la langue officielle
du Comité International Olympique. «En cas de divergence entre le texte français et le texte anglais
de la Charte olympique et de tout autre document du CIO, le texte français fera foi sauf
disposition expresse écrite contraire.» C'est également la langue officielle de l’Union postale
universelle (avec l’anglais comme langue de travail depuis 1994).

En 1830, le français est la langue officielle de la Belgique lors de son indépendance.

En 1798-1803, la République Helvétique (Suisse) reconnaît l’égalité des langues. Dans sa


constitution de 1848 : «Les trois principales langues parlées en Suisse, l'allemand, le français et
l'italien sont les langues nationales de la Confédération».

En 1848 : Création de l’Institut canadien de Québec.

  49  
En 1867, le bilinguisme français/anglais est reconnu officiellement au Canada (les débats au
parlement peuvent se faire dans les deux langues, les lois sont publiées en anglais et en français, etc.

En 1804, introduction du code Napoléon au Luxembourg : le français est depuis la langue


exclusive de la législation. Dans la constitution (Luxembourg) de 1848 : libre choix entre
l’allemand et le français

⁃ 1830 : Colonisation de l’Algérie et de la Tunisie (Maroc en 1912) par les français


⁃ 1853 : annexion de la Nouvelle-Calédonie, colonisation des côtes de l’Afrique de l’Ouest
⁃ 1858 : début de la conquête de l’Indochine
⁃ 1880 : Tahiti et d’autres îles du Pacifique reviennent à la France
⁃ 1895 : Conquête de Madagascar

Ce sont les pays riches qui font des colonies.

En 1883, c'est la création de l’Alliance française. Le but est de relancer l’image de la France après la
défaite de 1870. C'est un mouvement laïc (le bureau initial est composé d’un protestant, d’un
catholique, d’un juif et d’athées) qui doit propager la culture française (langue, valeurs des
Lumières…) dans les pays étrangers et dans les colonies (évangélisation).

1902 : les 33 alliances françaises des États-Unis décident de se fédérer. En 1910, dans les High
schools américaines, 24% des élèves apprenaient l’allemand contre 12% pour le français

En 1910, l’Alliance française regroupe à la Sorbonne des poètes d’Haïti, de Belgique, de suisse et
du Canada.

En 1905, Congrès international pour l’extension et la culture de la langue française à Liège (à l’initiative de
Maurice Wilmotte), dans une volonté de faire du français la langue des sciences (n'a pas
fonctionné).

En 1911, création de la Ligue nationale pour la défense de la langue française (toujours par Wilmotte),
en opposition aux néerlandais qui veulent faire du néerlandais la langue de l'université de Gant.

En 1911, discours de Jacques Novicow: «Quelle sera la langue auxiliaire de notre groupe de
civilisation ? (logique d'une langue commune à tout le monde). La réponse s’impose pour ainsi dire
d’elle-même: cela ne pourra être que l’allemand, l’anglais ou le français.»

Discours de Novicow
⁃ L’allemand est trop complexe et sa culture n’est pas aussi brillante que les autres
⁃ L’anglais est facile, sa civilisation est brillante, les anglophones dominent puisqu’ils sont
140 millions (et les États-Unis intègrent un million d’immigrants tous les ans).
⁃ Il opte pour le français compte les latinistes, soit une majorité. Mais cela n'a pas fonctionné.

«Il y a actuellement 175 millions de latins en Europe, et en Amérique; ils se servent du français et
non de l’anglais comme langue auxiliaire; il en est de même des Slaves qui sont 140 millions. Les

  50
partisans du français sont donc d’ores et déjà 315 millions contre 140 millions d’Anglo-Saxons.
Mais il y a mieux, les Allemands eux-mêmes ont plus de tendances à adopter le français que
l’anglais comme langue auxiliaire; alors, avec les Allemands, les partisans du français deviennent
406 millions; cela donne au français une majorité énorme qui lui assurera la victoire définitive.»

«Dans les salons de St-Pétersbourg et de Moscou, on parle actuellement le russe plus qu’on ne le
parlait en 1770; mais lorsque on parle une langue étrangère, c’est toujours plus le français que
l’anglais ou l’allemand.»

«Le français possédant plus d’avantages géographiques (position centrale de la France),


économiques (la France est un grand centre financier, agricole et industriel), intellectuels
(production littéraire et scientifique énorme et constante), esthétiques (haut développement des
beaux-arts), éthiques (don très considérable d’inspirer la sympathie) et enfin linguistiques (facilité et
clarté), le français dis-je, l’emportera sur l’anglais et l’allemand, en vertu de la force des choses. Il ne
faudra pour cela aucune loi, aucun décret, aucune pression.»

Ainsi, il y a une défense du français par des personnes étrangères. Le français est synonyme de
culture.

7.5. Le recul des dialectes au XXe siècle

En 1930, on recense 17 millions de Français dont le français n’est pas la langue maternelle. Leur
langue première est l’occitan pour 14 millions d’entre eux et le breton pour 1 million. Pourquoi ces
dialectes ont-il reculé ?
⁃ Période d’exode rural : on va vers les villes, or on y parle français.
⁃ Guerre : on se retrouve dans différents régiments, donc on apprend le français.
⁃ Rôle de l’école : on y parle français.
⁃ 1902 : décret contre «l’usage abusif du breton»
⁃ fin du XIXes.-milieu du XXes. : l’emploi de mots de patois aboutit souvent à une punition.

7.6. La reconnaissance des dialectes

⁃ En 1941 et 42 : le Régime de Vichy introduit les dialectes à l’école primaire car il est très
traditionnel, mais ces lois sont abrogées à la Libération. On remet en place le français, car à
la libération, on veut la modernité.
⁃ En 1951 : loi relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux (loi Deixonne) :
autorisation de l'enseignement facultatif du basque, du breton, du catalan et de l’occitan
(corse en - 1974, tahitien en 1981,alsacien, francique, gallo et quatre langues mélanésiennes
en 1992). On peut si on veut.
⁃ décret n°70-650 du 10 juillet 1970 : des langues régionales peuvent être présentées au
concours du baccalauréat.

Ce n'est cependant pas une véritable reconnaissance des dialectes : on va cantonner ça à certains
dialectes. Les écoles se situent dans les grandes villes, et on va peu s'intéresser à apprendre ces
dialectes dans les campagnes.

  51  
7.7. Politique linguistique contemporaine

⁃ 1992 : Charte européenne des langues régionales ou minoritaires : la France la signe mais ne la
ratifie qu’en 2014.
⁃ 1975 : loi relative à l'emploi de la langue française(loi Bas-Lauriol) : l’usage du français est
obligatoire dans l’affichage public et la publicité et y interdit l’utilisation de tout terme
étranger.
⁃ 1994 : loi relative à l'emploi de la langue française(loi Toubon). Cette loi découle d’une
modification de la Constitution en 1992 (à la suite du Traité de Maastricht).
⁃ Art.2 de la Constitution : «La langue de la République est le français»

→ monolinguisme d’État

La loi précédente va être remplacée par la loi Bas-Lauriol. Il faut comprendre par là que c'est
principalement dirigé vers les emprunts à l'anglais, pour éviter que les publicités restent en anglais.

La loi Toubon, qui a le même nom, concerne par exemple l'obligation de passer autant de
pourcents de chanson française à la radio ; ou de traduire les clips des chansons anglaises qui
passent à la télévision. C'est une loi très réactionnaire. C'est tout-à-fait dirigé contre l'anglais, en
opposition à toutes les autres langues.

Parmi les articles de la constitution on trouve (article 2) : « La langue de la République est le


français ». On est dans une République monolingue (logique du monolinguisme d'Etat).
Une petite révision est parue (en 2008) à l'article 115.1 : « les langues régionales appartiennent au
patrimoine de la France ». Il y a donc quand même une reconnaissance de ces langues, mais il faut
noter que cela ne leur donne pas vraiment un statut réel en les faisant appartenir au patrimoine, on
les place à-côté. Une question importante depuis la première loi est celle de contrats de travail, qui
doivent être écrits en français (dimension de protection).

Commission générale de terminologie et de néologie de la DGLF


Il y a quelques exemples de mots qui ont très bien fonctionné comme « ordinateur », en France,
mais on note que partout ailleurs on dira « computer ».

⁃ casting→ audition/ director’scut→version d’auteur / cliffhanger→suspens/ gueststar →vedette


invitée ou star invitée / split screen→écran fragmenté : ont bien fonctionné

⁃ JO du 15 septembre 2006 : home cinema→ cinéma à domicileou cinédom/ blockbuster→


grossemachine/ story-board→ scénarimage / webcam→ cybercaméra : n'ont pas du tout
fonctionné.

⁃ 7 juin 2007 : spyware→logiciel espion / adware→logicielpublicitaire/ wizard→assistant/


link→lien/ semanticweb →toile sémantique : certains comme assistant sont bien utilisés ; lien a
été donné avec un temps de retard étant déjà utilisé par tout le monde. *le semantic

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web (terme officiel : toile sémantique mais pas utilisé) : pour implanter un terme dans la
langue, il faut que le précédent ne soit pas implanté dans la langue. Sinon il est difficile de
l'implanter.

7.8. L'argot

L'argot s'est popularisé : toutes les classes et les âges peuvent l'utiliser. Un homme politique
important également, ce qui était impensable auparavant. On en trouve partout : littérature
(policiers), cinéma, chanson,.. Des mots d’argot entrent dans les dictionnaires généraux.

Ces dernières années on est passés d'argots régionaux à un argot national. Avant les années 80, il
aurait été impensable d'entendre un mot d'argot à la télévision française.
Un exemple intéressant est un jeune homme de banlieue parisienne (1984) qui dit «Le verlan c’est
fini, tout le monde le comprend, même les profs». C'est pourtant encore quelque chose de répandu
en France, mais cela se limite à certains mots. On ne peut pas l'utiliser à tort et à travers comme la
SNCF l'avait fait avec son slogan « C'est blessipo ».

Exemple d'argot (1977) Renaud, Laisse béton – c'est le langage typiquement parisien.
Quelques années plus tard, un groupe de Nancy, Les amis d'ta femme, Laisse tomber gros. C'est
quelque chose de typiquement régional, sorti de là on ne comprend pas.
Les amis d’ta femme, Laisse tomber gros
J'étais tranquille, j'étais peinard,
Ch'picolaisune bibine.
Le câtche est entré dans le bar,
Vlà pô qu’y chpeunait ma copine.
Pis y s'est approché de moi
Et y m'a regardé comme ça
«Ta gonzesse, ouarkla, c'est d'la gerce !
Ch'parie qu’c’est une reuleuleu,
Elle a une vraie tête de beubeu.
Quoi qu’si elle avait pô d'loucaves,
J'la bouillav'rais bien dans la cave.
Chteu la tchour', pet'-tô la tchave!»
Moi j’ui ai dit
«Laisse tomber, grôs!"
Y m'a filé une torgnole,
J’ui ai mis un coup d'chnopse.
Y a sorti son laguiole,
J’ui ai filé ma mosse

R Wan, Lâche l'affaire ; on note bien que l'argot est totalement différent d'une région à l'autre. De
nos jours, on ne constatera pas de différences.

Dans le Petit Robert, il y a une étude sur l'argot. Ils incluent les emprunts dedans :
Nombre de mots incorporés dans la langue standard :
- 1970 à 1980 : 0

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- 1980 à 1990 : 0
- 1990 à 2000 : 8
- 2000 à 2010 : 13
- 2010 à aujourd’hui : 3
Conclusion de l’étudiant : l’argot influence le français standard

L'auteur de l'étude en conclut que beaucoup plus de mots sont incorporés dans la langue standard
qu'avant. Or, c'est une mauvaise conclusion, ils ne sont pas rentrés dans la langue standard parce
qu'ils sont rentrés dans le dictionnaire ; la véritable conclusion est que le dictionnaire a beaucoup
moins de mal à intégrer des mots en argot qu'avant. Il est possible que ces mots soient utilisés dans
la langue standard, mais pas certain ; d'autres n'y sont pas intégrés. De plus, le dictionnaire a
toujours un temps de retard. Il est le reflet d'un choix idéologique et non statistique.

7.9. Francophonie

⁃ 1961 : création de l’Agence universitaire de la francophonie qui regroupe aujourd’hui 739


établissements d’enseignement supérieur.
⁃ 1970 : création de l’Agence de coopération culturelle et technique qui deviendra l’OIF
(Organisation internationale de la francophonie). En 2014, l’OIF regroupe 57 États
membres et 20 observateurs. Il faut quand même préciser qu'il s'agit d'une organisation
politique donc on ménage les sensibilités en sélectionnant les membres.
⁃ 1997 : Charte de la Francophonie (révisée en 2005) :c'est véritablement devenu une
organisation internationale. Pour devenir membre de la francophonie, il n'est pas toujours
nécessaire de parler français (question politique donc).

Missions de l’OIF :
1. Promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique (On parle de
diversité culturelle et linguistique mais en réalité il s'agit de promouvoir le français contre
l'anglais, en défendant le français dans d'autres pays).
2. Promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’Homme (A priori ce n'est pas un ponit
important pour une organisation de défense de la langue).
3. Appuyer l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche
4. Développer la coopération au service du développement durable

(3 et 4 : On est à nouveau loin des questions linguistiques)

Francophonie en Afrique
Exemple de la Guinée Equatoriale : la langue officielle est l'espagnol. En 2007, on va reconnaitre le
français comme une langue minoritaire, puis le portugais. C'est une question purement politique,
pour rentrer dans l'OIF et la CPLP, ce qui va leur apporter des avantages. Un autre exemple : le
Quatar, qui fait partie de l'OIF car il y a de bonnes relations entre lui et la France.

L'Algérie est le troisième pays qui compte le plus de francophones au monde, or il ne fait pas partie
de l'OIF. Les deux premiers sont la France et le Congo. Autre exemple qui pourrait en faire partie,
Israël qui compte environ 15% de francophones ; or certains au sein de l'OIF n'en veulent pas
donc n'est pas intégré. Les USA, la Syrie, l'Italie, n'en font pas non plus partie alors qu'ils

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pourraient (minorités francophones importantes). Donc, il faut distinguer francophonie
linguistique et politique.
Nombre de francophones :

⁃ États ayant le français comme langue officielle unique (tout le monde n'y est pas
francophone cependant) : Bénin, Burkina Faso, Congo, Congo RD, Côte d’Ivoire, France,
Gabon, Guinée, Mali, Monaco, Niger, Sénégal, Togo.
⁃ États ayant le français comme langue co-officielle : Belgique, Burundi, Cameroun,
Canada, Centrafrique, Comores, Djibouti, Guinée équatoriale, Haïti, Luxembourg,
Madagascar, Rwanda, Seychelles, Suisse, Tchad, Vanuatu

Futur de la francophonie
⁃ 2010: 220 millions sur une population de 7 milliards, soit 3% (une personne sur 32)
⁃ 2050: 700 millions sur une population de 9,1 milliards, soit 8% (une personne sur 13)
⁃ 85% de ces francophones seront en Afrique en 2050

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Exemple de question d'examen :

habere→ avoir
⁃ Amuïssement du h initial avant le latin classique [ab'ēre]
⁃ Ies., spirantisationde la sonore intervocalique en [ß] bilabial [aßere]
⁃ IIIes., renforcement de [ß] en [v] labio-dental[avere]
⁃ VIes.,diphtonguaisonde la voyelle longue [aveire]
⁃ VIIIes., amuïssement des voyelles finales[aveir]
⁃ Fin XIIes., affaiblissement de la diphtongue par assimilation: égalisation des apertures (oi→
oepuis oe→ ue) [avuer]
⁃ Début XIIIes., réduction de la diphtongue par déplacement de l’accent, consonification du
1er élément devenu atone, ouverture / renforcement du 2nd élément devenu tonique ('ue→
u'epuisu'e→ we et we → wɛ) [avwɛr]
⁃ XIIIes., amuïssement du [r] final [avwɛ]
⁃ XVIIes., rétablissement (non phonétique) du [r] sous l’influence des infinitifs qui se
terminent en -oire[avwɛr]
⁃ XVIIIes., aboutissement de la tendance populaire (à partir du XIIIes.): poursuite de
l’ouverture de [ɛ] [avwar]
⁃ XVIIIes., aboutissement du changement d’articulation de [r]: de roulé (apico-alvéolaire) à
grasseyé (uvulaire) [avwaR]

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