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Le rôle de la République Française a beaucoup changé au cours des siècles, ainsi que la
langue française. Mais comment est-ce que le rôle de la langue française s’est transformé ?
J’ai choisi de faire mon essai en français sur ce sujet, et pour cela je vais commencer par
présenter mon hypothèse et le mode de travail. Puis, je vais décrire en bref l’histoire de la
langue française jusqu’à aujourd’hui, et discuter des théories concernant l’avenir de la langue
française dans le monde, et plus particulièrement en Europe.
Hypothèse
Comment est-ce que le rôle de la langue française s’est transformé ? Je trouve qu’il y a
quelques changements significatifs dans la transformation du rôle de la langue qui ont résulté
dans la position que le français a aujourd’hui en Europe, comme par exemple le
développement vers plus de concurrence avec les autres langues officielles européennes, mais
aussi la dominance de la langue anglaise. Au niveau linguistique, le français a évolué dans un
milieu où l’influence d’autres langues est remarquable (malgré certaines actions de « défense
de la langue »). Cette influence est donc visible dans le vocabulaire français.
Méthode et matériel
J’ai commencé par chercher des textes utilisables. Pour examiner comment le rôle de la
langue s’est transformé, j’ai utilisé des sources factuelles mais aussi des rapports et textes des
séminaires pour montrer les attitudes par rapport aux changements linguistiques. Dans ce
mémoire je vais aussi présenter mon analyse et ma conclusion. Mes principales sources sont
issues des articles de journaux et les faits historiques sont basés sur des textes de l’Académie
Française. J’ai également utilisé des livres sur la francophonie. Une grande partie de ma
discussion prend sa source dans les raisonnements de M. Magrey qui est professeur de
civilisation française de l’université Mc Gill à Montréal. Après avoir présenté des faits
concernant le développement de la langue et la situation dans le monde aujourd’hui, je vais
présenter quelques actes de promotion de la langue, et aussi regarder des hypothèses
concernant l’avenir. Sur cette base je vais faire mon analyse de la situation de la langue et
essayer de voir s’il est possible d’en tirer des conclusions concernant l’avenir du français.
4
1. L’histoire du français
1
Les Serments de Strasbourg : Traité fait par Charles le Chauve et Louis le Germain (c’est à dire les petits-fils
de Charlemagne) pour mettre fin à leur querelle d’héritage et s’unifier contre leur troisième frère, Lothaire. Ce
texte est considéré comme le plus ancien monument de la langue française. (Tétu, 1997, p.38)
2
La langue d’oïl : (oïl = oui) Des dialectes différents parlés au Nord de la Loire; par exemple lorrain, picard,
wallon, bourguignon, anglo-normand, francien etc. La langue d’oc : Le provencal au Sud. (Tétu, 1997, p.39)
3
L’Ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539 substitue le français au latin dans les actes notariés et les jugements
des tribunaux. (Tétu, 1997, p.41)
5
la Pléiade4. Dans ce manifeste, le groupe a proclamé, « l’excellence et la prééminence du
français [...] », et que « l’attachement résolu à la langue française répond à une exigence
littéraire mais également politique et juridique. (Académie française, 2005-04-21) »
En 1635, le Cardinal Richelieu a créé l’Académie française. L’article XXIV des statuts
précise que la principale fonction de l’Académie française sera de travailler avec tout le soin
et toute la diligence possible à donner des règles certaines à la langue et à la rendre pure,
éloquente et capable de traiter les arts et les sciences. La mesure imaginée par Richelieu est
restée sans modification majeure jusqu’à nos jours. Ses directions signifient que le pouvoir
politique ne saurait sans abus intervenir directement sur la langue. Mais Richelieu décide
donc de laisser « le soin d’enregistrer, d’établir et de régler l’usage de la langue, à une
assemblée indépendante […]. (Académie française, 2005-04-21) » En matière de langage, il
y avait selon Richelieu des moyens bien plus efficaces que l’intervention autoritaire, comme
l’incitation, la régulation et l’exemple.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles le français quitte le cadre de la nation à la suite du progrès de
la culture, les améliorations faites à la langue, l’influence des populations protestantes
émigrées, etc. Pendant cette période, le français a été la langue de l’aristocratie et des
personnes cultivées dans tout le Nord de l’Europe. C’était aussi la langue de la diplomatie.
Tous les grands traités qui étaient auparavant en latin, ont à l’époque été rédigés en français.
(Académie française 2005-04-21) Par la création de l’Académie et la diffusion de la langue
française les Académiens ont créé un modèle français, plus tard suivi par d’autres pays
Européens ; et en 1786 la Suède a eu sa propre Académie Suédoise.
Un dictionnaire français :
La première édition du Dictionnaire de l’Académie représentait un effort de créer une norme
dans la langue. Depuis la publication du dictionnaire, l’orthographe s’est visiblement
transformée. Cela est le résultat d’une évolution naturelle, mais aussi de l’intervention de
l’Académie et des linguistes. Quand ils ont examiné l’orthographe ils ont dû considérer des
choses comme l’importance de l’usage établi, les contraintes de la prononciation et celles de
l’étymologie. Il était également important de considérer les pratiques de l’institution scolaire,
4
La Pléiade: Groupe de sept grands poètes français de la Renaissance. (Le Petit Robert, 2003 )
6
et celles du monde des éditeurs et des imprimeurs, etc. L’Académie française s’est employée
à maintenir un équilibre entre ces différentes exigences5. (Académie française, 2005-04-21)
Au XIXe siècle, le développement de l’institution scolaire a sans doute contribué à fixer
l’orthographe. Il y avait besoin de règles dans le système éducatif, et pour cette raison le
Conseil supérieur de la langue française a, en 1990, publié un document intitulé « Les
rectifications de l’orthographe6 » au Journal officiel. Les principales modifications
recommandées étaient :
• la soudure d’un certain nombre de noms composés (portemonnaie,
pingpong...) ; l’harmonisation du pluriel des noms composés avec celui des
noms simples (un perce-neige, des perce-neiges, un garde-malade, des
gardes-malades...) ;
• l’accent grave sur le e quand il est précédé d’une autre lettre et suivi d’une
syllabe qui comporte un e muet (évènement, cèleri, sècheresse,
règlementaire — comme règlement —, règlementation...)
5
Un essai de standardiser la langue fait par l’Académie en 1835 est visible dans la sixième édition de son
Dictionnaire. Là on voit l’orthographe -ais pour les mots terminés jusqu’alors en -ois mais prononcés depuis
longtemps è (« le françois, j’étois », réforme réclamée au siècle précédent par Voltaire).
6
« Les rectifications de l’orthographe », publiés en 1990, par le Conseil supérieur de la langue française dans
son Journal officiel. (Académie française, 2005-04-21)
7
1.2 Le développement dans la politique linguistique :
La concurrence de l’anglais représentait une réelle menace pour le français, et les
importations anglo-américaines dans le lexique devenaient trop massives. Par conséquent les
autorités gouvernementales ont, depuis plusieurs années, essayé de compléter le dispositif
traditionnel de régulation de la langue. (Wikipedia, 2005-11-03)
En 1972, des commissions ministérielles de terminologie et de néologie sont constituées.
Ces commissions s’emploient à indiquer et parfois même à créer, les termes français qu’il
convient d’employer pour éviter l’utilisation massive des mots étrangers ou encore pour
désigner une nouvelle notion pas encore nommée. Par conséquent, on ne dit plus tie-break
mais jeu décisif, baladeur se substitue à walkman, etc7. (Académie française, 2005-04-21)
Plusieurs lois ont pendant la dernière partie du vingtième siècle été introduites. Une des
lois appelée « Bas-Lauriol » promulguée en 1975, rend l’emploi du français obligatoire dans
différents domaines, comme par exemple l’audiovisuel ou le commerce. Le 25 juin 1992, un
nouvel alinéa important est ajouté à l’article 2 de la Constitution disant que « La langue de la
République est le français. » La loi dite « loi Toubon » du 4 août 1994, se fonde sur ce
principe, et élargit les dispositions de la loi de 1975. À la suite d’un décret fait le 3 juillet
1996, une nouvelle commission générale de terminologie et de néologie a été instituée.
L’accord de l’Académie est devenu indispensable pour que les termes recommandés et leurs
définitions soient publiés dans le Journal officiel. (Académie française, 2005-04-21)
7
Exemples de mots empruntés à l’anglais. (Académie française, 2005-04-21, www.academie-
francaise.fr/langue)
8
l’Académie française, le genre marqué (le féminin), appliqué aux êtres animés, institue entre
les deux sexes une ségrégation. Ce fait le distingue du genre non marqué (le masculin). Les
linguistes de l’Académie pensent qu’on risque aussi que la féminisation aboutisse à un résultat
inverse à celui qu’on vise, c’est-à-dire d’établir, dans la langue elle-même, une discrimination
entre les hommes et les femmes. Le principe a finalement été contesté par l’Académie
française, jugeant qu’une telle démarche risque « de mettre la confusion et le désordre dans un
équilibre subtil né de l’usage, et qu’il paraîtrait mieux avisé de laisser à l’usage le soin de
modifier.8 » (Académie française, 2005-04-21)
Malgré les plaintes, le Premier ministre recommanda, en 1986, de procéder à la
féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres dans les textes officiels et dans
l’administration. Une dizaine d’années plus tard, certains ministres du gouvernement
prescriront de leur côté la forme féminisée « la ministre », ce qui a provoqué une nouvelle
réaction des académiciens. Dans une circulaire de mars 1998, le Premier ministre a pu
constater le peu d’effet de la recommandation de 1986. Pourtant il recommanda à nouveau la
féminisation « dès lors qu’il s’agit de termes dont le féminin est par ailleurs d’usage courant».
(Académie française, 2005-04-21)
Le Premier ministre chargea la commission générale de terminologie et de néologie de se
concentrer sur la question, et en octobre 1998, un rapport de la commission a été remis au
Premier ministre. Dans ce rapport on a pu lire qu’une intervention gouvernementale sur
l’usage touchait vite à des obstacles d’ordre juridique et pratique. On voit une claire
différence entre les métiers. Dans les métiers où les formes féminines sont depuis toujours en
usage cela ne pose pas de problème particulier, mais quand il s’agit des fonctions, grades ou
titres qui doivent être clairement distingués de la personne il y a des obstacles. Selon la
commission, l’utilisation ou l’invention de formes féminines n’est pas souhaitable parce que
la fonction ne peut être identifiée à la personne qui l’occupe, le titre à la personne qui le porte,
etc. (Académie française, 2005-04-21)
8
Extrait trouvé dans une déclaration présentée par Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss ; « structuralistes »
et membres de l’Académie française. (www.adpf.asso.fr/adpf-publi/folio)
9
Afrique, etc. est un peu différent de celui parlé en France quand il s’agit de la prononciation
ou du vocabulaire. Le développement des pidgins9 ou créoles10 à base française a aussi été
fréquent dans certaines parties du monde.
En France, il y a des formes ou variétés régionales de la langue, mais aussi des variétés
influencées par d’autres pays. À Paris et dans d’autres villes françaises, une variété de la
langue a depuis une centaine d’années été parlée. Cette variété appelle verlan, nom construit
par une interversion des lettres d’envers, une manipulation consciente des mots. Au début,
cette variété a eu la forme de « langue du jeu » entre jeunes étudiants, mais est aujourd’hui
devenue la base pour une variété du même nom. Cette variété de la langue est alors
partiellement consciemment construite et a des règles complexes pour le renversement des
syllabes. Mais dans sa nouvelle fonction, le verlan a depuis les dernières décennies été enrichi
d’une multitude de mots de l’arabe, du sénégalais, du wolof11 et de l’américain du rap.
Aujourd’hui le verlan fonctionne souvent comme un marqueur anticonformiste pour jeunes
privilégiés, et comme un élément d’une langue d’identité pour groupes de jeunes dans des
banlieues dont la majorité de la population est d’origine multiethnique12. (Bijvoet & Fraurud,
2004) Le verlan est d’abord utilisé par les mecs coincés dans les HLM13 des cités avant
d’evahir le vocabulaire commun. (Jouyeux, Prune, 2005-11-21)
Comme on le voit l’influence des langues anglo- américaines existe au niveau de l’argot et
du verlan, mais l’influence est visible à tous les niveaux de la langue. Dans les secteurs du
commerce ou technique, dans les médias etc. Un exemple souvent utilisé dans les médias est
l’expression « Administration Bush14 », qui est un emprunt de l’américain « The Bush
Administration. » Cette expression d’utilisation fréquente dans la presse devrait être en
français « le Gouvernement Bush ».
L’influence de la langue anglaise n’est pas quelque chose de nouveau. Le franglais est un
portemanteau fait par combinaison des mots français et anglais ; c’est un type de « jargon »
dont la signification est différente en français et anglais. Comme résultat des traditions
différentes dans ces pays le franglais a l’air un peu différent en comparaison des emprunts. Ce
9
Le pidgin est une langue véhiculaire moins développée qu’un créole. (Wikipedia, 2005-11-02)
10
À base lexicale française : le créole guyanais, martiniquais, haïtien, cajun ou acadien des États-Unis.
11
Wolof: Langue du groupe atlantique occidental, une des langues nationales du Sénégal. (Le Petit Robert,
2003)
12
(Dans les médias le verlan a quelque fois une connotation négative.)
13
Habitations à loyer modéré (dictionnaire.reverso.net/francais-anglais/HLM).
14
Exemple pris du site Internet de tv5, Bernard Cerquiglini « merci professeur » cf. www.tv5.org, (2006).
10
type de mélange peut être trouvé tôt dans la littérature anglaise, par exemple dans Jorrocks
Jaunt and Jollities, écrit en 1869 par Robert Surtee15 :
"You shall manger cinque fois every day," said she; "cinque fois," she
repeated.--[…] "Oui, Monsieur, cinque fois," repeated the Countess,
telling the number off on her fingers--"Café at nine of the matin, déjeuner
à la fourchette at onze o'clock, diner at cinque heure, café at six hour, and
souper at neuf hour. (Wikipedia, 2005-11-03)"
15
Robert Surtee (1803-1864).
11
les peuples d’autres religions. En plus, cet espace francophone semble être le seul qui ne soit
pas dominé par un seul groupe ethnique. Ces francophones médiateurs essayent donc de fixer
la situation de la langue française dans le monde. Pour eux, il est nécessaire de trouver une
solution à la situation du français en Europe pour que la France et la francophonie aient un
avenir clair.
Il faut aussi rappeler que la langue est parlée par la majorité des gens au Québec, et que le
français est la troisième langue parlée aux États-Unis. Dans la plupart des pays
méditerranéens, il semble bien que l’évolution du français dépende de la volonté politique
française « d’aller de l'avant. » En Afrique noire, qui bouge constamment, il n’est pas toujours
facile de savoir ce qui s’y passe, mais y résoudre les problèmes les plus courants, est une
urgence pour stabiliser l’avenir du français en Afrique. Longtemps, forte de son héritage, il
apparaît étrange que la France se replie sur l’Europe, abandonnant peu à peu l’outre-mer où le
français progresse. (Agence francophonie, 2004-07-05)
Grâce à un monde francophone qui s’est stabilisé et au sein duquel le français progresse,
un climat tel que celui qui se présente aujourd’hui à la langue pour se diffuser ne s’est jamais
présenté auparavant dans le monde. Pour réussir cela, il faut se concentrer sur la création
d’une position privilégiée pour le français dans les secteurs stratégiques comme par exemple
l’espace audiovisuel. (Agence francophonie, 2004-07-05)
En matière de défense de la langue française, il faut regarder la formation professionnelle,
les échanges de chercheurs, la recherche d’investisseurs étrangers ou le marché du tourisme.
Dans le rayonnement francophone, la mobilisation associative est une chose importante. Il
faudra mettre ensemble les acteurs de chaque territoire, les associations de professeurs de
français, les universités, les centres de recherche, les chambres de commerce et d’industrie,
les associations de solidarité internationale, les organismes culturels, etc. Dans l’avenir, la
Francophonie va développer une collaboration entre les pouvoirs publics et les associations,
entre les collectivités territoriales et l’État, mais aussi entre les collectivités territoriales elles-
mêmes. Pour conclure, on peut dire que l’avenir de la Francophonie dépend d’une part de
l’action des États et gouvernements ayant le français en partage, mais aussi de l’adhésion de
l’opinion publique et plus particulièrement des jeunes. (Agence francophonie, 2004-07-05)
12
démocratie et agit pour la promotion et la mise en œuvre des droits de l’Homme. L’OIF
participe aux grands débats mondiaux en cours, et agit par la concertation entre pays
francophones engagés dans la défense de leurs intérêts communs au niveau international, et
par le soutien aux politiques nationales, principalement des pays du Sud. L’OIF est aussi
engagée dans des questions concernant l’éducation et intervient à toutes les étapes de la
formation, et l’organisation est également impliquée dans les procès concernant l’économie et
le développement. (Agence francophonie, 2004-07-05)
La Délégation générale à la langue française et aux langues de France est placée sous
l’autorité du Premier ministre. Depuis 1996, cet enseignement est aussi lié au ministère de la
Culture et de la Communication, qui a la responsabilité de coordonner et de promouvoir les
actions des administrations et organismes publics et privés concourant au bon usage et à la
diffusion de la langue française. Le ministère est également responsable d’encourager la mise
en œuvre des actions recommandées par le Conseil Supérieur de la langue française. Ce
Conseil a des liaisons interministérielles, dont le travail est de présenter au gouvernement des
propositions concernant, l’aménagement, l’usage, la diffusion et la valorisation de la langue
française en France et hors du pays. Le Conseil est aussi responsable des questions concernant
la politique à l’égard des langues étrangères. (Agence francophonie, 2004-07-05)
13
écrite par le rapporteur de la délégation de l’Assemblée Nationale pour l’Union européenne.
L’un des défis majeurs de l’Union élargie est le dossier linguistique, sur lequel les
négociations sont en cours à Bruxelles. Aux 11 langues en vigueur : l’anglais, l’allemand, le
danois, l’espagnol, le finnois, le français, le grec, l’italien, le néerlandais, le portugais et le
suédois, se sont ajoutés l’estonien, le hongrois, le letton, le lituanien, le maltais, le polonais, le
slovaque, le slovène et le tchèque. Le nombre de langues officielles est alors passé de 11 à 20.
Quelque chose qui peut poser des problèmes pour les linguistes est le fait qu’il y ait
aujourd’hui 110 combinaisons possibles pour l’interprétation, avec 11 langues officielles, et
que ce nombre est passé à 420 après l’élargissement. (Le Monde Français, 2004-12-01)
Au PESC (c’est à dire les réunions de politiques étrangères et de sécurité commune et de
celui du français, de l’anglais et de l’allemand) un texte de recommandations a été présenté.
Parmi les 19 recommandations du texte on trouve « le maintien du principe de l'interprétation
intégrale pour les réunions de niveau politique, la pérennisation de l’usage d’anglais et du
français ». La priorité est de chercher une solution équitable et consensuelle autour de
quelques langues pivots pour les autres groupes de travail. (Le Monde Français, 2004-12-01)
Dans le texte, on souligne l’importance de prendre des mesures pour enrayer le déclin du
français en Europe, notamment l’apprentissage du français dans les écoles de l’Union et la
formation des fonctionnaires communautaires. D’après un rapport de M. Herbillon16, 58 %
des documents de la Commission des Quinze étaient rédigés en français en 1986, contre à
peine 30 % en 2001. (Le Monde Français, 2004-12-01)
Il y a 89 établissements culturels français en Europe, ils consistent principalement en
centres et instituts, alliances françaises soutenus par le Ministère des Affaires étrangères. Ces
établissements offrent des cours de français à près de 70 000 élèves. La Direction de la
coopération culturelle et du français du Ministère a lancé un plan pluriannuel : « Le français à
la conquête de nouveaux publics ». Avec ce plan ils visent à professionnaliser l’activité des
cours de langue en aidant les établissements à se positionner sur un marché linguistique de
plus en plus concurrentiel. Les jeunes Européens, encadrés de certifications, ont en 2003 été
164 750 à s’inscrire au Diplôme élémentaire en langue française (DELF) ou au Diplôme
approfondi en langue française (DALF) et 136 821 étudiants ont été admis. (Franceparler,
2004-10-20)
16
M. Herbillon : député de Val-de-Marne. (www.premier-ministre.gouv.fr/acteurs/communiques.html)
14
M. Magrey17, Professeur de civilisation française, a une vision pour délimiter quatre zones
linguistiques majeures en Europe. En premier, une Europe du Nord, plutôt dominée par
l’anglais. Cette domination doit pourtant respecter les autres langues et les cultures nationales.
Pour le professeur Magrey, il est clair que si on veut essayer d’améliorer une situation
devenue fâcheuse pour de nombreuses langues européennes, il semble raisonnable d’ordonner
des quotas par les émissions en anglais. Selon lui, il serait possible dans ce cas de dire que
dans chaque pays, 60 % de la production devrait être nationale; 20 % serait proposé à
l’anglais et 20 % aux émissions des autres pays européens. Le Professeur Magrey pense qu’un
tel équilibre favoriserait en réalité les échanges entre les différents paya européens, sans
déposséder l’anglais de sa position. M. Magrey sait sans nul doute que le français participe
aujourd’hui à ce mouvement d’affirmation en faveur de la diversité des langues et des
cultures. À son avis, le conflit de la langue française n’est pas seulement politique mais moral
et se met au milieu d’un dialogue des cultures qu’il essaye de privilégier, cela pour éviter que
le monde étouffe sous l’uniformisation culturelle. (AMOPA, 1994, n° 124)
17
De l'université Mc Gill de Montréal.
15
mise en œuvre par le ministère des Affaires étrangères et a pour but, outre le développement
de la langue française, la source des valeurs communes à tous les pays francophones ayant
cette langue en partage, lesquels englobent 181,5 millions de personnes, et peuvent compter
plus de 82, 6 millions d’apprenants de français. (Franceparler, 2004-10-20)
À la conquête de nouveaux publics, un plan pluriannuel pour le français a été lancé par la
Direction de la coopération culturelle et du français. Le plan vise à professionnaliser les
centres de langue et à leur permettre de mieux définir leur offre de cours. Un plan de
renforcement du plurilinguisme dans l’Union européenne est aussi en construction.
L’introduction d’une deuxième « langue vivante » pendant la scolarité obligatoire dans les
pays européens, renforcement des dispositifs d’enseignement bilingue dans le secondaire et le
supérieur en Europe, programme de formations au français de public cibles dans le cadre de
l’élargissement, à Bruxelles et dans les capitales sont des idées fondamentales du plan.
(Ministère des affaires étrangères, 2005-05-03)
Le Gouvernement français se concentre sur son réseau de centres culturels, alliances
françaises, lycées et établissements homologués, centres et instituts de recherche à l’étranger.
Le Gouvernement français agit également à travers la Francophonie multilatérale où on a un
dialogue mondial entre cultures. L’Organisation internationale de la Francophonie s’est
trouvée dans une position internationale plus forte, depuis les sommets de Moncton (1999) et
de Beyrouth (2002) des 56 chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en
partage. Il est maintenant possible d’être remarqué dans les milieux où se dessinent les règles
d’une mondialisation qui sont toujours à développer, ainsi que des objectifs politiques clairs,
comme par exemple l’enracinement de la démocratie, la promotion de la diversité culturelle,
et un développement durable et solidaire. (Franceparler, 2004-10-20)
16
interviennent rapidement et plus l’expression a des chances d’être adoptée. (La Presse
Affaires, 2005-02-23)
L’OQLF est depuis quelques années mis également sur Internet pour faciliter et accroître
la diffusion de nouveaux termes. En donnant gratuitement accès à son Grand Dictionnaire
terminologique (GDT), l’Office québécois de la langue française augmente les chances
d’implantation des termes français dans les technologies. La stratégie semble être une
réussite. En effet, quatre mois après qu’ils avaient inscrit le mot hameçonnage dans le GDT
pour traduire le terme « phishing18 », près de 2000 pages Internet comportaient déjà ce terme.
On rappelle que cette expression tirée de l’anglais vise à une forme de pêche que des pirates
informatiques pratiquent dans l’océan Internet. Ces pirates lancent donc un faux courrier qui
emprunte l’identité d’une institution financière afin d’inciter « le poisson », un internaute naïf,
à révéler ses coordonnées bancaires ou personnelles, et leur permettre de détourner des fonds.
Il est important pour les terminologues de garder en français l’image de pêche qui a été
suggérée par le mot anglais, mais il ne suffit pas d’inventer un mot ou une expression. Ils
devront aussi s’assurer que cette dernière ne comporte aucune connotation négative. Quand
l’expression « hameçonnage » a été proposée par l'OQLF pour remplacer le terme
« phishing », l’expression « pêche aux gogos » avait déjà été suggérée par les Français. En
France, le terme gogo signifie un être crédule et facile à duper, pour cette raison le Québec a
préféré opter pour une expression plus positive. (La Presse Affaires, 2005-02-23)
Dans le secteur des nouvelles technologies, où il existe encore très peu d’informations
concernant des concepts neufs et abstraits, les linguistes dans l’OQLF sont souvent les
premiers à suggérer officiellement une définition. Même s’il est possible de trouver quelques
éléments de compréhension dans les glossaires, la plupart du temps, tout est à inventer. Le
terme original est parfois un peu vague, trop général, et le manque de précision de l’anglais
pose également des problèmes. Pour prendre un exemple, le mot « hotspot », se traduit
souvent par « point chaud », et ne pouvait convenir au contexte d’Internet car il manquait de
précision. Les terminologues ont alors opté pour un point d’accès sans liaison à Internet qui
symbolisait d’avantage ce terme. Souvent il est difficile de choisir le terme qui définit le
mieux la notion, c’est-à-dire celui qui de loin a les meilleures chances d’être adopté. L’OQLF
propose des termes mais n’impose pas, ce sont toujours les usagers qui ont le dernier mot. (La
Presse Affaires, 2005-02-23)
18
Phishing: une forme de pêche. Exemple (Traduire l’informatique en français, www.lapresseaffaires.com)
17
4. L’avenir de la langue française
19
M. Axel Magrey, Professeur de civilisation française à l'université McGill de Montréal. (AMOPA, 1994, n°
124)
18
millions d’allophones francophiles répartis dans de très nombreux pays. On peut être d’accord
avec lui sur le point que les francophones devraient faire mieux connaître leurs atouts. Avec
plus de connaissance sur d’autres francophiles et plus de respect pour des cultures différentes,
il est plus facile de coopérer sur les frontières des nations. Mais parfois il y a des écarts
culturels difficiles à vaincre même si on parle la même langue. Le Professeur Magrey trouve
que, pour rester dans « le peloton de tête » des grandes langues, il faut que la France continue
d’être une puissance économique de bon niveau et que le français soit une langue dominante
dans les institutions européennes. Il est vrai qu’il est plus facile pour une nation forte d’avoir
les moyens d’être influente dans des contextes internationaux, mais c’est seulement un des
facteurs importants. M. Magrey pense aussi que le président Senghor20 avait mille fois raison
d’insister sur le fait que les francophones doivent apprendre d’autres langues étrangères que
l’anglais. (AMOPA, 1994, n° 124) Il est également important que les français apprennent
d’autres langues que l’anglais, cela pour diminuer la dépendance vis-à-vis des langues anglo-
saxonnes. Cela est probablement quelque chose auquel les gens de toutes nationalités
devraient penser, comme l’utilisation de l’anglais est remarquable dans la communication et
la collaboration entre pays.
À la fin du XXe siècle, la diffusion de l’anglais ou de « l’américain », connaît une vigueur
sans précédent. C’était surtout à la suite des deux guerres mondiales que les États-Unis, et
donc la langue anglaise, se sont mis à occuper un espace de plus en plus large, et ont profité
des pertes et destructions considérables survenues en Europe pour affirmer leur puissance.
Tous les indicateurs, notamment ceux qui se rapportent aux fonctions de l’anglais dans les
activités scientifiques et techniques, le démontrent. Le plus souvent, les élites francophones
évaluent cette réalité avec une inquiétude certaine. « Les conséquences de la diffusion
massive de l’anglais sont loin d’être négligeables, et produisent une pression en faveur de
l’uniformisation qui menace la diversité des langues ainsi que celle des cultures. » (AMOPA,
1994, n° 124) Selon Magrey cela est peut-être le motif le plus sérieux de cette inquiétude. Il a
peut-être raison d’être inquiet. La menace de l’anglais pourrait être dangereuse si l’anglais se
diffuse au frais des autres langues au lieu d’exister en distribution complémentaire. Cela est
donc souvent le cas et les anglicismes sont facilement acceptés et adaptés dans le vocabulaire
français, même si ce fait est souvent source de débat.
20
Senghor : académicien, homme de culture, 1960 élu président de la République de Sénégal. (www.ville-
verson.fr/fr/chronologie.htm)
19
D’après le professeur Magrey « l’analyse de la diffusion de l’anglais dans le monde
demeurerait incomplète s’il fallait taire la force des résistances aux pressions d’uniformisation
linguistique et culturelle causée par l’internationalisation des marchés économiques ».
(AMOPA, 1994, n° 124) Il existe donc des forces de résistance aux pressions
d’uniformisation qui vont résulter de l’évolution des sociétés contemporaines. Le Québec se
situe au cœur de ce mouvement de résistance des locuteurs français et francophones, et
constitue un modèle exemplaire. (AMOPA, 1994, n° 124) Il est vrai qu’il existe des
mouvements de résistance et les gens conservateurs sont peut-être trop puristes dans leur but
de protéger la langue. Mais comme il est quand même établi que l’anglais reste un fort
opposant, avoir un peu d’influence est probablement en faveur du développement de la
langue.
4.2 Conclusion :
Pour conclure, je vais essayer de donner une réponse à la question « Comment est-ce que
le rôle de la langue française s’est transformé ? » La langue française a longtemps été
considérée comme une langue dominante en Europe. Longtemps, la France et plus
particulièrement Paris ont été au centre de l’art et de la culture, et le français était donc la
langue à la mode. Cette popularité a eu comme conséquence une augmentation de l’utilisation
du français. L’emprunt massif de mots français dans les autres langues montre que la langue a
autrefois eu une position forte dans le monde, surtout grâce à la colonisation massive et au
commerce international. Peu à peu le pays a perdu de grandes parties de ses territoires,
comme ce fut le cas en Afrique. Même si ses territoires sont « devenus indépendants », ils
restent marqués de l’empreinte de la France, et plusieurs anciennes colonies ont maintenu le
français comme langue officielle. Je pense que cette influence de la langue française est
devenue une partie de la culture dans certaines colonies et va par conséquent rester en
utilisation et se développer dans une autre manière que la langue française en France. Je
trouve que même si la France a perdu certains pouvoirs, la nation reste toujours forte, grâce à
sa position dans le monde, la dépendance des anciennes colonies, et son rôle dans la politique
internationale. L’importance du français dans des pays où la langue a un statut officiel,
comme en Belgique, en Suisse, à Monaco et au Canada a sans doute aussi contribué au
maintien de la forte position de la langue dans le monde.
Aujourd’hui, un total de 264 millions personnes ont le français en partage, et parmi eux
119 millions ont le français comme langue maternelle. Des variétés de la même base française
20
sont parlées un peu partout. Cela peut être comparé avec le mode anglo-saxon dont le nombre
des gens qui ont l’anglais comme première langue sont plus de 400 millions, ou l’espagnol
dont les chiffres montrent que 350 millions ont l’espagnol comme langue maternelle. Pour
maintenir la position de la francophonie politiquement et linguistiquement, un travail de
promotion de la langue française est mis en pratique à plusieurs niveaux. Un des projets les
plus importants est d’inspirer les jeunes à apprendre le français comme langue maternelle ou
seconde. Je trouve que cela est quelque chose d’essentiel, d’éveiller tôt l’intérêt pour la
langue. Comme les jeunes sont ouverts aux nouvelles idées dans leur formation, c’est une
bonne manière de créer une fondation linguistique pour les locuteurs qui ont le français
comme première langue, et d’inspirer les nouveaux locuteurs étrangers, et il est vrai qu’il y a
aujourd’hui plus d’étudiants d’autres pays qui veulent apprendre le français. Si ce phénomène
évolue, ça sera quelque chose de positif qui indiquerait un intérêt croissant d’autres pays pour
la langue française.
L’Europe, comme le reste du monde, bouge constamment. De nouveaux pays entrent dans
l’UE et apportent avec eux leurs propres langues. Les pays qui ont eu avant des positions
privilégiées en matière de langue et de politique dans l’union trouvent maintenant la situation
un peu changée. Les pays privilégiés, parmi lesquels la France peut être inclue, ont eu
l’avantage (le droit) d’avoir tous leurs documents dans le cadre de l’UE, traduits dans leur
langue nationale. Dans l’Union Européenne, dont le centre du parlement est à Bruxelles, le
français est toujours une des langues officielles les plus importantes. Je pense que la
concurrence entre les langues parlées dans l’UE sera intensifiée au fur et à mesure que de
nouveaux membres entreront dans l’union. Mais à mon avis, il n’y a pas de menace plus forte
(linguistiquement) que l’anglais. Sûrement l’espagnol est parlé par un grand nombre de gens
autour du monde, mais ses locuteurs sont plus nombreux dans des espaces en Amérique latine
qu’en Europe. Je trouve que même si la langue française a perdu du pouvoir en Europe, les
Français vont toujours avoir un rôle à jouer dans des contextes internationaux, et un fort
héritage de l’histoire de leur langue à garder. Cela va aider le français à préserver son statut
comme langue mondiale.
Pour en revenir à la menace de la forte concurrence de l’anglais au plan linguistique, il est
clair que la plupart des mots nouveaux dans les secteurs techniques et scientifiques viennent
du lexique anglo-saxon. Le travail des terminologues de OQLF, est d’éviter trop d’emprunts
aux autres langues et d’offrir des mots alternatifs en français. À mon avis il est nécessaire
d’essayer de trouver des équivalents, au lieu de toujours faire la chose plus facile, c’est-à-dire
emprunter des mots directement aux autres langues. Comme il n’est pas toujours possible de
21
trouver des équivalents en français, cela risque de résulter en une uniformisation des langues
Européennes vers l’anglais et un français mélangé, « un Franglais ». Je trouve ce
développement plutôt négatif. Ce problème de la dominance de l’anglais dans plusieurs
secteurs va probablement rester, parce que les États Unis et la Grande Bretagne sont deux
« nations » fortes sur le marché international quand il s’agit de l’économie ou de la technique
ou même de la politique. En même temps, il ne faut pas être trop protecteur de la pureté de la
langue, et la protéger contre toutes sources d’influence. Il est important d’augmenter la
connaissance et le respect des autres langues et de leur permettre d’être présentes à travers des
films, et d’autres médias venant de l’étranger. On ne peut pas offrir une seule solution au
problème de la dominance anglo-saxonne, mais je trouve que si on permettait plus de langues
dans les médias français, l’utilisation de l’anglais dans la langue commune pourrait peut-être
diminuer, et on pourrait aussi voir l’apparition d’autres mots étrangers. Un peu d’influence est
naturel au procès de développement de la langue, et on ne peut pas empêcher l’évolution ou la
croissance de la langue. Comme on le voit, le français d’aujourd’hui inclut beaucoup
d’emprunts des langages d’Afrique, etc., les pays dont la plupart des immigrants viennent. On
a fait une adaptation au vocabulaire des mots nouveaux.
Par la création de l’Académie et le dictionnaire de la langue française, la France a fait un
modèle à suivre pour d’autre pays. Au niveau politique linguistique, les procès de
féminisation de noms sont toujours une cause de problèmes. Cela est difficile, dans la mesure
où il reste plusieurs défenseurs de la langue pour protéger le français contre tout influence. Le
débat sur la féminisation sera probablement intéressant à suivre pendant plusieurs années de
plus.
Par rapport à la thèse de M. Magrey, il me semble que les mots diffusion, promotion et
coopération résument bien ses idées. Je trouve qu’il a raison quand il dit que les Français
peuvent compter sur au moins 25 millions d’allophones francophiles, et alors ils sont très
nombreux, mais le nombre n’est pas le seul facteur déterminant pour mettre la langue
française au peloton de tête dans la hiérarchie des langues.
Pour conclure, on peut dire que même si le rôle du français a beaucoup changé au cours
des siècles, les forces des locuteurs sont restées fortes à leur volonté de protéger leur langue
contre l’influence d’autres langages. Les changements du rôle ont eu des effets positifs et
négatifs et il est difficile à savoir quel rôle le français va jouer à l’avenir, puisque c’est une
langue en développement constant comme toutes les autres langues européennes.
22
Références bibliographiques :
AMOPA - Association des membres de l’ordre des palmes académiques. (1994), Revue n° 124 - 1er
Trimestre, L’Amopa et la francophonie: Les défis www.amopa.asso.fra/francophonie_defl6.htm
Bijvoet, E. Fraurud, K. (2004), Multietniskt ungdomsspråk och andra varieteter av svenska i flerspråkiga
miljöer, Lund Studentlitteratur
Franceparler. (2004-10-20), Actualiser l'image de notre langue et soutenir les enseignants de français, La
France et la Francophonie, Que reste-t-il de l'usage du français en Europe ? , Quelle place pour le français en
Europe, www.franceparler.org
Joyeux, B. Prune, A. (2005-11-21), Dessine moi une banlieue ! , Café Babel – le magazine européenne,
www.cafebabel.com
La Presse Affaires. (2005-02-23), Comment peut-on ne pas être anglophone ? , Traduire l’informatique en
français à l'OQLF, www.lapresseaffaires.com
Le Monde Français. (2004-12-01), Les députés réaffirment leur volonté de promouvoir le français dans
l'Europe à 25, LEMONDE.FR 06.01.04, www.languefrancais.net: www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-
3224,36-348211,0.html
Ministère des affaires étrangères. (2005-05-03), La promotion du français, une priorité traversale,
www.diplomatie.gouv.fr/education/langue
Robert, P. (2003), Le Petit Robert - Dictionnaire de la langue française, Dictionnaires Le Robert - VUEF
Références sécondaires :
Lundén, T. (1990), Språkens landskap i Europa, Språket – nyckeln till Europas framtid
23
LA LANGUE
FR ANÇAISE
DANS LE MONDE
LA LANGUE
FR ANÇAISE
201 5 DANS LE MONDE
201 8
Cette nouvelle édition quadriennale de La langue française dans le monde – la quatrième du genre – confirme une
fois de plus le dynamisme de l’espace linguistique francophone. Avec 300 millions de locuteurs, le français est la
cinquième langue la plus parlée au monde après le chinois, l’anglais, l’espagnol et l’arabe. Présente sur les cinq
continents, la langue française a toutes les caractéristiques d’une langue mondiale. Comme quelques autres, peu
nombreuses, elle se distingue par son statut et l’influence qu’elle exerce dans différents espaces et contextes.
Enrichi cette année d’une réflexion prospective sur les conditions des évolutions possibles de l’usage du français
– tout particulièrement dans les pays du Sud où réside l’essentiel de ses locuteurs –, cet ouvrage examine en
profondeur la réalité des pratiques quotidiennes. En tant que langue d’enseignement, mais aussi comme langue
étrangère, la situation de la langue française fait l’objet d’analyses approfondies et d’un état des lieux – global et par
grandes régions – qui permettent de mesurer la place singulière qu’occupe cette langue dans le paysage mondial.
Les dimensions économiques liées à la langue française sont largement abordées dans la troisième partie du livre,
qui montre à la fois le poids significatif que pèsent les pays francophones dans l’économie mondiale, mais aussi
l’avantage qu’ils retirent de leur appartenance à cet espace de partage d’une langue commune, notamment dans le
domaine des industries créatives. La valeur ajoutée du français pour l’emploi est également questionnée. Enfin, à
l’heure de l’intensification et de la massification des pratiques numériques et de la consommation audiovisuelle, les
données concernant la place de la langue française dans les grands médias internationaux et sur Internet viennent
illustrer de manière précise les conséquences de la croissance du nombre de francophones dans le monde.
édition
2019
internationale de
la Francophonie
Organisation
Gallimard
26 euros
G01827
978-2-07-278683-9
PRÉFACE
Davantage encore que les précédentes, cette édi-
tion nous apporte la démonstration de la pertinence
de nos ambitions, de nos engagements, et de la légiti-
mité de la Francophonie à les mener aux côtés de ses
États et gouvernements membres.
12
Sur le plan géopolitique et économique, la Franco- des stratégies déployés en actions multiformes, por-
phonie est le Nord et le Sud, l’Orient et l’Occident. tées vigoureusement par des équipes d’hommes, de
Sur le plan culturel, elle est la créolité, la latinité, femmes et de jeunes, de solides réseaux d’experts,
l’arabité, la négritude et combien d’autres identi- convaincus et engagés, en associant fortement les
tés encore. Sur le plan linguistique, nous voyons la forces vives du terrain et la société civile.
langue française s�épanouir sur les cinq continents,
imbriquée dans une formidable mosaïque de cultures La langue française dans le monde 2018 propose
et dans un foisonnement d�autres langues – plus du également un questionnement stratégique, sorte
quart des 6 000 langues encore parlées sur la planète, d’état des lieux des enjeux et des défis qui se pré-
le sont dans les pays de l’espace francophone. sentent à nous dans des domaines aussi cruciaux que
l’investissement dans le capital humain, la croissance
De plus en plus nombreux, les 300 millions de partagée, le développement inclusif, responsable et
francophones, dont la très grande majorité dans durable, l’éducation, la formation professionnelle,
nombre de pays a moins de 30 ans, représentent plus technique et technologique des jeunes et des femmes,
que jamais une force capable, sur les cinq continents, leur insertion professionnelle, leurs capacités entre-
d’incarner la volonté de construire, produire, échan- preneuriales, le numérique et les nouvelles techno-
ger, créer, inventer, innover, établir des passerelles, logies, les industries culturelles et les médias. Sur la
avancer solidairement, forger des solutions ensemble, base de travaux rétrospectifs et prospectifs conduits
grâce à cette langue commune qui rend tout cela pos- depuis deux ans et des contributions de personnalités
sible, nous met en présence et nous permet de nous émérites et d’intellectuels francophones, différents
rencontrer. horizons sont esquissés pour la Francophonie.
Cette force tient au fait, comme l’a si bien dit Léo- Enfin, je tiens à remercier les Éditions Gallimard
pold Sédar Senghor, que « notre Francophonie n’est qui nous ont accompagnés dans ce travail avec tout
ni une tour, ni une cathédrale, elle s’enfonce dans leur savoir-faire et leur longue expérience, en espé-
la chair ardente de notre temps et ses exigences ». rant que le lecteur trouvera dans cet ouvrage de quoi
Ces mots fondateurs s’imposent à nous comme une satisfaire sa curiosité tout en prenant plaisir à sa
évidence. C’est bien pour répondre notamment aux consultation.
exigences sans cesse renouvelées de la paix, de la dé-
mocratie, des droits et des libertés, de la prévention
des crises, de la sécurité humaine, des objectifs du
développement durable, de la protection de l’envi-
ronnement, que la Francophonie, à la demande de
ses pays membres et aux côtés des populations, met
en œuvre au quotidien des programmes, des plans et
Michaëlle Jean
Secrétaire générale de la Francophonie
13
AVANT-PROPOS
Avec 300 millions de locuteurs, le français est la de l’universel », qu’appelait de ses vœux Léopold
5 e langue la plus parlée au monde après le chinois, Sédar Senghor, susceptible d’accueillir et de faire
l’anglais, l’espagnol et l’arabe. Présente sur les 5 dialoguer entre elles des identités multiples, ref lets
continents, la langue française a toutes les caracté- de nombreux imaginaires différents, de toutes les
ristiques d’une langue mondiale. Comme quelques spiritualités et d’un large spectre de références sym-
autres, peu nombreuses, elle se distingue par son boliques.
statut et l’inf luence qu’elle exerce dans différents
espaces et contextes. De ce fait, le travail présenté ici, fruit de 4 an-
nées de travail depuis la dernière édition de La lan-
En effet, elle est langue officielle (dans 32 États et gue française dans le monde, n’a rien d’un exercice
gouvernements et dans la plupart des organisations introspectif et autocentré qui viserait à montrer la
internationales), langue d’enseignement (de plus de force, voire la supériorité, de la langue française par
80 millions d’individus, sur 36 pays et territoires), rapport à telle ou telle langue ou dans tel ou tel sec-
langue étrangère (apprise par plus de 50 millions de teur. La réalité de ses usages, mais aussi leur variété,
personnes dans les 115 pays répertoriés cette année), condamneraient toute tentative en ce sens à l’échec
langue des médias internationaux (TV5MONDE, et au dérisoire. Il s’agit de tout autre chose.
RFI ou France 24, mais aussi Euronews, BBC News,
la chinoise CGTN ou la russe RT) et de l’Internet Ouvrage de caractère scientifique (cf. encadré
(où elle occupe la 4 e place). En outre, en rapport di- « Le comité scientifique de l’Observatoire de la lan-
rect avec le nombre de ses locuteurs ainsi qu’avec le gue française »), La langue française dans le monde,
poids économique, démographique et politique des se veut d’abord un outil d’information objectif sur
espaces qu’ils occupent, la langue française pèse de la présence et l’usage du français dans les grands do-
façon significative dans la création de richesse, le dé- maines de l’activité humaine. Ce faisant, il donne
veloppement durable et les échanges internationaux à voir, mais aussi à comprendre, les différents
à l’échelle nationale, régionale et mondiale. contextes de sa diffusion, les interactions auxquelles
elle participe, les inf luences qu’elle subit et qu’elle
Enfin, grâce aux francophones, la langue fran- exerce, la perception qu’en ont ses locuteurs… bref,
çaise est devenue, au fil des siècles, un creuset des toute la complexité qui s’attache à un objet d’étude
expressions culturelles et de la diversité linguistique aussi polymorphe qu’une langue.
et l’une des matrices d’une possible « civilisation
15
Mais l’objectif de cet ouvrage est également l’on dit parfois « seconde » et que certains appellent
d’inspirer les acteurs de la promotion de la langue « africaine » (par son appropriation, si ce n’est de
française et du multilinguisme, et plus largement par son origine) ? Comment aborder la question de la
les observateurs et les chercheurs concernés par les diversité des français qui se déploient au rythme de
questions linguistiques, d’éclairer les zones d’ombre, l’inventivité et des besoins des francophones ?
d’anticiper les évolutions manifestes et souterraines
et, peut-être, d’alimenter la profondeur stratégique Cette partie s’ouvre sur les réf lexions livrées par
de leur réf lexion. À cette fin, et conformément au quelques intellectuels francophones – que nous re-
mandat confié à l’Observatoire de la langue fran- mercions très sincèrement –, qui ont bien voulu nous
çaise qui la réalise, la présente édition insiste tout accompagner dans cet exercice, permettant de redon-
particulièrement sur les enjeux liés à l’usage du ner de la hauteur aux analyses engagées et d’ouvrir
français en lien avec les conditions qui détermine- de nouvelles pistes de recherche pour l’avenir.
ront son avenir.
Ce préalable en forme de plongée au cœur des si-
La première partie tente ainsi d’examiner diffé- tuations de francophonie nous a semblé indispen-
rents paramètres pertinents qui rendent compte de sable à la présentation de l’estimation actualisée
la vitalité de la langue française, de la réalité de ses du nombre de francophones dans le monde et par
usages dans les contextes plurilingues au sein des- pays – laquelle inclut quelques nouveaux pays –,
quels elle évolue très majoritairement aujourd’hui, que nous avons réalisée en étroite collaboration
et des défis qui conditionnent son éventuel essor : avec l’Observatoire démographique et statistique
éducatifs, normatifs, performatifs et symboliques. de l’espace francophone (ODSEF), basé à l’Uni-
Près de 60 % des locuteurs quotidiens de français versité Laval (Québec). Ce travail conjoint nous a
se trouvant désormais sur le continent africain, l’at- permis de présenter des chiffres dont les sources
tention s’est naturellement focalisée sur cet espace (multiples et souvent croisées) s’enrichissent d’année
et plus particulièrement sur l’examen de plusieurs en année, et dont la fiabilité tient à la maîtrise des
pays d’Afrique subsaharienne, du Maghreb et du outils statistiques, associée à la qualité scientifique
Liban. Quelles langues y parle-t-on à la maison, des chercheurs issus de tout l’espace francophone
dans le quartier, au travail ? Quelle place occupe la qui s’y succèdent. Nous laisserons au lecteur le soin
langue française dans les interactions langagières au de découvrir le détail de nos calculs dans la « Note
sein du foyer, en fonction des interlocuteurs et des de recherche » publiée séparément1, mais appelons
générations impliqués ? Est-elle considérée comme d’ores et déjà son attention sur les nécessaires dis-
une langue du patrimoine culturel et des outils de tinctions que nous établissons selon les différents
la transmission qu’il conviendrait, à ce titre, de pré- rapports qu’entretiennent les francophones avec la
server et de pérenniser ? Quels regards portent ses langue française en fonction de leur environnement
locuteurs, dont ce n’est pas souvent encore la pre- linguistique et des besoins qui sous-tendent leur re-
mière langue de socialisation, sur cette langue que cours à cette dernière.
1
Baptiste BECK, Richard MARCOUX, Laurent RICHARD et Alexandre WOLFF,
Estimation des populations francophones dans le monde en 2018. Sources et démarches
méthodologiques, Québec, 2018, Observatoire démographique et statistique de l’espace
francophone (ODSEF)/Université Laval, coll. « Note de recherche » de l’ODSEF, 160 p.
17
Suivant l’habitude désormais établie, nous dessi- validation de projets professionnels, de mobilité ou
nons ensuite la fresque des nombreuses situations dans d’intégration, cette partie contribuera, nous l’espé-
lesquelles la langue française se trouve insérée dans rons, à une connaissance plus fine des réalités et des
des dispositifs d’apprentissage et d’enseignement. dynamiques plus spécifiques d’une centaine de pays,
Concentrés essentiellement sur son statut de langue parfois décrites à des échelles régionales.
étrangère, ce qu’elle est dans tous les pays du monde
non francophone, nous nous arrêtons néanmoins en Ce chapitre doit beaucoup aux précieuses
détail sur certains contextes où elle occupe, à des de- contributions que nous ont apportées en pre-
grés divers, des fonctions de langue d’enseignement. mier lieu les États et gouvernements membres
et observateurs de la Francophonie qui ont bien
Ouvert par un panorama général qui rend compte voulu répondre à notre questionnaire quadrien-
de sa présence mondiale, par continent, et de ses nal ; mais aussi à celles du ministère de l’Europe
évolutions récentes dans la sphère éducationnelle, et des Affaires étrangères français, et, par son
ce 2 e chapitre se poursuit par des présentations ré- entremise, des postes diplomatiques, au sein desquels
gionales et celles des situations de l’enseignement les conseillers culturels et les attachés de coopéra-
du et en français plus spécifiques aux pays. Celles- tion éducative ont œuvré sans relâche à la collecte
ci permettront au lecteur d’avoir un aperçu précis de données plus difficiles à obtenir qu’on ne le pense
du nombre d’apprenants et de ses évolutions, ainsi généralement ; et enfin aux partenaires et opérateurs
que des dynamiques insuff lées par les acteurs sur le œuvrant au service de la promotion et de la diffusion
terrain, ou encore dans le cadre de politiques na- du français qui ont mis en partage un certain nombre
tionales, ou d’accords de coopération linguistique de données et éléments d’analyse Qu’ils en soient,
et éducative avec les opérateurs et partenaires de les uns et les autres, très chaleureusement remerciés.
la Francophonie. Poursuivant l’inventaire entamé
dans la dernière édition, nous avons choisi d’insister Le chapitre suivant aborde les dimensions éco-
tout particulièrement sur l’Asie du Sud-Est (grâce nomiques qui s’attachent à la langue française. Il
à la contribution de David Bel) et sur l’Amérique, se propose d’examiner dans un premier temps les
relevant ainsi les enjeux et les évolutions propres à aspects macroéconomiques. Les travaux liminaires
ces vastes espaces essentiellement non francophones. menés en 2013 sur l’avantage que représentait le par-
tage de la langue française en matière d’échanges
Complétée par trois études synthétiques décrivant commerciaux et financiers, nous ont conduits à sol-
les outils et réseaux de diffusion et de promotion de liciter de nouveau l’une des chercheuses impliquée,
la langue française, les outils numériques existants Maria Masood, qui a procédé ainsi à une mise à jour
en ligne et mis à disposition des enseignants et des des données tout en élargissant le champ couvert
apprenants, et enfin, la description des certifications aux échanges relevant des industries créatives. Outre
associées aux apprentissages du français ainsi qu’à la la confirmation du bénéfice que retirent les pays
18
2
Voir sur http://observatoire.francophonie.org/2018/doc-suivi-6.pdf
19
LES FRANCO-
PHONES DANS
LE MONDE
Bernard Cerquiglini
Professeur de linguistique française,
présente l’émission Merci professeur ! sur T V5MONDE
« Le français s’est au fond émancipé de la France, il Montrons-nous tout d’abord plus réceptifs à la
est devenu une langue-monde. » Paraphrasant variante, en ne craignant pas d’adopter les fran-
Édouard Glissant, le président de la République cophonismes de bon aloi : des termes bien formés,
française s’exprimait en ces termes, le 20 mars 2018. transparents, utiles. L’impressionnante produc-
Que cet éloge d’un français « archipel » fût prononcé tivité francophone de la première conjugaison des
sous la coupole de l’Académie française donnait à verbes en est un bon exemple. On dit couramment
penser. Le berceau de cette langue (Belgique du Sud, en Suisse romande agender, pour « noter dans son
France du Nord) est devenu minoritaire en Franco- agenda » : agender un rendez-vous. La connais-
phonie ; la référence prescriptive, essentiellement sance (même intuitive) des règles morphologiques
française, perd de son autorité : tel est le fait majeur et sémantiques fait saisir le sens de ce terme, et sa
de l’histoire récente du français ; il n’est pas infé- formation : le verbe agender provient du substan-
cond. tif agenda. La pratique du français fait mesurer
22
également la valeur de cette création, qui remplace une institutrice, donc un procureur, une procureure
la périphrase utilisée partout ailleurs : inscrire dans (dire le ministre au sujet d’une femme joint à l’héré-
un agenda. Ce néologisme, conforme au « génie de sie grammaticale une humiliation sexiste). Ensuite,
la langue », vient avec bonheur et brièveté exprimer ce changement d’envergure, ref let d’un mouvement
une notion jusqu’ici traduite gauchement : le fran- social d’émancipation féminine, fut essentiellement
çais de référence, en quelque sorte, l’attendait. Il en francophone : parti en 1978 du Québec de la Révo-
est de même pour benner (« basculer la benne d’un lution tranquille, il gagna la Suisse, puis la Belgique,
camion » ; Belgique), bêtiser (« dire des bêtises » ; puis le Luxembourg, accompagné par les instances
Haïti), confiturer (« tartiner de confiture » ; Afrique de politique linguistiques (Offices de la langue,
centrale), fausser (« chanter ou jouer faux » ; Québec), Académies, etc.), en arc de cercle autour d’un Hexa-
grèver (« faire la grève » ; Afrique de l’Ouest et gone qui résistait avec hauteur. Car la France, en-
du Centre), siester (« faire la sieste » ; idem), etc. fin, malgré un puissant courant réformateur et
deux initiatives gouvernementales (Yvette Roudy
Il importe d’autre part d’accueillir les évolutions en 1984, Lionel Jospin en 1998), attendit les années
sociales telles qu’elles se ref lètent dans la langue. 2010 pour généraliser la parité lexicale. La situation
La féminisation des noms de métiers, titres et fonc- y est aujourd’hui paradoxale, qui met en présence
tions, l’un des changements linguistiques les plus une féminisation à l’œuvre dans tous les registres
amples de l’histoire du français, le montre exem- de langue, et un discours puriste (l’Académie fran-
plairement. Cette évolution, qui entend légitiment çaise prescrit le genre masculin pour les fonctions
inscrire la parité dans la langue et accroître la vi- éminentes) qui continue à la condamner.
sibilité des femmes, présente trois caractères. Tout
d’abord, elle s’accorde au « génie de la langue ». La La langue-monde attend le dictionnaire de son es-
morphologie produit aisément des féminins profes- sor : une compilation numérique bienveillante des
sionnels (avouée, contractuelle, courtière, informati- francophonismes dont elle s’est enrichie. Le fran-
cienne, etc.) ; les problèmes sont infimes (médecin, çais-archipel doit ouvrir sa norme aux alizés du pro-
matelot), les difficultés (mots en -eur non liés à un grès. Repenser la prescription, en pressant d’audace
verbe : ingénieur, procureur, etc.) aisément levées francophone l’habituelle prudence normative, telle
par le suffixe néologique -eure diffusé par le Qué- est la tâche à laquelle nous incite une langue univer-
bec (ingénieure, procureure). La grammaire, quant selle et qui se rit des frilosités.
à elle, attribue aux substantifs animés humains un
genre solidaire de leur sexe : un adolescent, une ado-
lescente ; un Chinois, une Chinoise ; un instituteur,
23
Rada Tirvassen
Professeur et chef de département des langues anciennes
et modernes à l’Université de Pretoria (Afrique du Sud)
24
privilégié une politique visant à promouvoir un plu- et à la coexistence des pratiques langagières dans un
rilinguisme pouvant servir les divers objectifs fixés, équilibre, il est vrai difficile à réaliser, entre le res-
qu’ils soient culturels ou économiques. pect des traditions et l’évolution vers la modernité.
C’est dans cet équilibre que je situe l’avancement
Mon expérience en Afrique du Sud me permet de de la francophonie mauricienne et en particulier
conforter mon point de vue, même si dans ce pays, la progression du français dans la vie quotidienne,
c’est l’anglais qui est au centre des réf lexions des comme dans les institutions.
linguistes. Une des particularités de ce pays est de
donner un sens à sa libération du régime d’apartheid Cette démarche n’empêche pas des initiatives inter-
et de conforter son appartenance à « la culture afri- nationales. Nous sommes au début d’une période
caine ». Les autorités tentent d’assurer un soutien où, pour le linguiste, une langue n’est la propriété
équilibré à l’ensemble des langues majeures du pays d’aucun peuple : elle fait partie du patrimoine inter-
ainsi que le montre la décision d’offrir un statut de national et ceux qui veulent se l’approprier peuvent
langue officielle aux onze langues du pays. Toute- le faire en toute légitimité. Le nombre d’étudiants
fois, l’anglais joue le rôle de lingua franca, de mé- inscrits, à leurs frais, à des programmes d’enseigne-
dium des communications officielles et d’outil de ment des langues, est un fait connu. Toutefois, le
la réussite professionnelle et sociale. En dépit de commun des mortels n’a pas encore pris conscience
ses problèmes et de ses tensions, c’est un pays qui que la pratique de la langue française ne peut plus
opère dans un espace démocratique où les langues être associée à ce qu’on appelle, en sociolinguistique,
servent tout autant à l’épanouissement des pratiques une seule communauté linguistique. Si les linguistes
culturelles qu’à l’avancement socio-économique de travaillent sur la notion de normes contextuelles, il
la communauté. y a maintenant lieu de répercuter cette interpréta-
tion de la manière dont nous pratiquons nos langues
La Francophonie institutionnelle peut s’appuyer sur auprès des institutions chargées de règlementer la
ces contextes afin de faire prendre conscience aux pratique langagière, notamment en contexte sco-
décideurs des conditions nécessaires à la création laire. Il faudrait par ailleurs favoriser l’expression
d’un espace francophone qui pourrait être au service culturelle plurielle et assurer sa diffusion dans les
de l’harmonie sociale et de l’avancement socio-éco- pays francophones. Les littéraires ont déjà montré
nomique. Il est nécessaire de montrer à quel point la voie même s’il faut maintenant penser à ce que
tout est lié : développement économique, respect j’appellerai, sans doute inadéquatement, la vulgari-
des droits des citoyens, accès aux services de pre- sation de leurs travaux. L’audiovisuel a un petit bout
mière nécessité dont le droit à l’éducation. De ma- de chemin à parcourir. Je pense à la télévision et au
nière plus générale, la Francophonie peut montrer cinéma. Mais, peut-être, qu’après tout ce qui a été
à quel point il est essentiel de créer les conditions réalisé, cette voie sera moins longue que prévu. A
nécessaires au progrès des communautés humaines Hundred Foot Distance 4 ?
4
Titre d’un film qui montre que la distance culturelle entre des peuples étran-
gers n’est qu’un leurre.
25
Souleymane Bachir
Diagne Professeur à Columbia University
26
d’ailleurs le concept même de « littérature-monde » présence d’une langue qui est aussi toutes les langues
doit au moins autant au concept du « Tout-monde » du monde, pour citer ici le mot bien connu d’Édouard
qui est au centre de son œuvre qu’à celui de « litté- Glissant, qu’il reprend et répète lui-même souvent
rature mondiale » créé par Goethe. Il est évident que dans ses textes : « J’écris en présence de toutes les lan-
puisqu’il visait avant tout à détacher la langue de la gues du monde. » On peut ainsi, par exemple, citer
nation, de la déraciner hors de l’ancrage dans l’identité ce passage : « J’écris désormais en présence de toutes
pour la redistribuer dans les relations et les emmêle- les langues du monde, dans la nostalgie poignante de
ments qui constituent le monde, le Manifeste était de leur devenir menacé. (…) Dans la langue qui me sert
part en part glissantien en ce qu’il affirmait de toute la à exprimer, et quand même je ne me réclamerais que
force des voix capitales de la littérature en français qui d’elle seule, je n’écris plus de manière monolingue.6 »
l’avaient porté et relayé que, selon le mot de Jacques N’est-ce pas là, justement, le sens même de la fran-
Derrida, « la langue n’appartient pas ». cophonie littéraire, un écrire en français qui bruisse
du pluriel d’autres langues, et qui, en se faisant, dé-
Mais, cela dit, il n’est pas seulement question de dé- crit aussi la trace du Divers. Je cite encore Jean-Louis
tacher la langue de la nation et d’effectuer le décen- Joubert parlant fort justement d’une « esthétique de la
trement qui mettra ensemble, qui emmêlera dans les trace » : « C’est bien ce qui se rencontre dans les textes
rayons des librairies de France, selon un rangement d’Édouard Glissant. Son usage de la langue française
qui n’obéira qu’à la neutralité et la sagesse de l’ordre s’écarte des grands chemins battus pour ouvrir de
alphabétique, Mabanckou, Manchette et Mallarmé. nouvelles tracées langagières. Sur le plan de la syn-
Il est aussi question, ainsi que l’écrit Jean-Louis Jou- taxe comme du lexique il mêle à son français les traces
bert à propos de Glissant « de déconstruire le fran- d’autres langues, principalement du créole. »
çais pour rendre sensible l’occultation du créole ».
Et l’auteur de continuer : « Si le créole parfois fait Ces usages sont, dans le fond, ce que réunit et emmêle
irruption dans son écriture, c’est dans le choc de sa le concept d’écriture francophone. Qui exprime simple-
présence littérale, soulignant la tangence aux An- ment qu’en elle se tiennent les langues du monde ; que
tilles du créole et du français, et non dans quelque les langues de Mabanckou, de Sami Tchak ou de Nancy
douteuse créolisation du français.5 » Huston en français bruissent d’autres langues qui les
habitent. Et ne parlons pas de Kourouma où les langues
Je m’arrête ici sur ces notions qu’il y a tangence du autres tonnent plutôt qu’elles ne bruissent. Voilà ce que
créole et du français, que le créole fait parfois irruption dit, simplement, le mot « francophonie » qui invite du
dans l’écriture en français (même si hors de ces mo- reste les auteurs hexagonaux à s’aviser qu’eux aussi sont
ments d’irruption on peut soutenir qu’il reste présent) francophones en ce que leur écriture ne peut plus se
et que celle-ci procède aussi à sa propre déconstruction faire « de manière monolingue ». De la francophonie lit-
pour rendre sensible une autre langue qui s’y trouve téraire on pourra alors dire, sans paradoxe, qu’Édouard
occultée. Voilà un sens de ce que cela veut dire écrire en Glissant est bien le plus ardent des défenseurs.
5 6
Jean-Louis JOUBERT, Édouard GLISSANT, Paris, 2005, adpf, p. 53. Édouard GLISSANT, Traité du Tout-Monde. Poétique IV, Paris, 1997, Gallimard,
p. 26.
27
Jean-Marie Klinkenberg
Membre de l’Académie royale de Belgique
28
Sur le premier plan, François Grin et Marcello Gaz- téressé, peut être conjugué avec un second, pragma-
zola notent que si les francophones ne constituent tique et idéaliste à la fois, qui est le nécessaire déve-
qu’entre 1,5 et 2 % de la population du globe, leurs loppement du Sud : chacun sait que l’avenir du
revenus représentent environ 5 % de son économie. français est en Afrique, mais tout le monde n’en
On peut donc affirmer que le français joue encore déduit pas que cet avenir passe par le développement
un rôle économique non négligeable. Mais il faut de ce continent.
aller au-delà de ces chiffres, en soulignant qu’ils
masquent les fortes disparités du monde franco- Or la conjonction de ces deux objectifs en génère un
phone : celui-ci compte en effet les pays les plus pau- troisième, plus résolument idéaliste : le maintien de
vres de la planète. la diversité culturelle. Un objectif qui est donc une
conséquence des deux autres. Car si je tiens, comme
Sur le second plan, la situation est également inté- le fait la Francophonie organisée, que la défense de
ressante à analyser. Dans un travail publié en 2012, la diversité est le seul mandat qu’elle puisse se don-
le démographe Richard Marcoux évaluait le nombre ner, ce n’est pas pour moi une prémisse, ou la con-
de francophones en 2050 en partant de deux hy- crétisation de je ne sais quel destin : c’est la conclu-
pothèses, l’une défavorable – la stabilisation des sion d’un raisonnement mené sur un mode réaliste.
taux de naissance et de formation – l’autre favo-
rable : une scolarisation plus poussée des pays du Mais pour réaliser ce triple programme, deux condi-
Sud. Dans le premier cas, il aboutissait à 276 mil- tions devront être réunies, qui ne font certes pas
lions de francophones, et, dans le second, à plus du consensus. Il faut d’une part mettre résolument en
double. Or le premier chiffre est déjà dépassé cause des politiques fondées sur la culture du
aujourd’hui, si l’on en croit le présent rapport. Il y a profit, qui, loin de le servir, freinent le développe-
là un saut spectaculaire. Mais cette progression est ment. Il faut d’autre part acter que si le français oc-
due à deux facteurs très localisés dans l’espace : la cupe aujourd’hui une position tactique faisant de lui
croissance démographique des pays d’Afrique subsa- un acteur important dans la lutte pour la diversité (il
harienne et la progression de la scolarisation dans présente en effet ces deux traits importants : d’une
cette même région. Conjoindre ces deux constats part il permet l’expression de la modernité, et de
fournit sa feuille de route à la Francophonie en lui l’autre il est assez fort pour être fédérateur et assez
assignant deux objectifs. faible pour n’être pas – ou plus – universellement
dominateur), il n’est pas seul face au mouvement
Dans le cadre de la compétition économique mon- d’uniformisation. Il devra donc apprendre à dia-
diale, les États francophones septentrionaux déve- loguer loyalement avec les autres aires culturelles,
loppés ont intérêt à garder rentable la langue qui les afin de créer un jour un carrefour des États « ne vou-
définit. Mais ce premier objectif, pragmatique et in- lant pas avoir que l’anglais en partage ».
29
Par exemple, dans la « galaxie francophonie », cer- L’analyse des réponses aux différents questionnaires
tains pays relèvent de la planète « Naître et vivre aus- envoyés 9 permet de mieux cerner les évolutions
si en français », où il est fait un usage quotidien ou passées ayant eu un impact sur la Francophonie et
très régulier du français. Cette catégorisation prend ses actions ainsi que les changements ou ruptures
en compte la proportion de francophones, le statut éventuels à venir (questionnaire dit « rétrospectif et
de la langue française, l’intensité de sa présence dans prospectif ») en essayant d’en apprécier l’importance
différents secteurs (administrations, audiovisuel, pour la Francophonie et le degré de maîtrise que les
presse écrite, littérature, commerce…) ou encore son répondants lui prêtent. Ces outils, couramment uti-
usage comme langue d’enseignement. lisés en prospective, n’ont aucune prétention scien-
tifique et les résultats qu’ils permettent de dégager
Afin de définir les composantes et thématiques en n’ont pas de valeur représentative, mais ils font
lien avec le sujet, l’Observatoire de la langue fran- émerger des hypothèses, des interrogations et des
çaise a consulté les membres de différentes direc- « signaux faibles », préalable nécessaire à la réf lexion
tions de l’OIF lors d’ateliers collaboratifs organisés sur les pistes de recherche à explorer.
7 9
Voircarte p. 33. Questionnaires rétrospectif et prospectif ; idées reçues et ABAQUE de Régnier©
8
La langue française dans le monde 2014. OIF/Nathan.
31
LE PÉRIMÈTRE GÉOGRAPHIQUE
DE L’USAGE QUOTIDIEN DU FRANÇAIS
Maghreb, « vivre
aussi en français » :
Algérie 33 %
Maroc 35 %
Mauritanie 13 %
Tunisie 52 %
32
33
4
HYPOTHÈSES
EN DÉBAT
3
34
francophones progresse également10. D’autres hy- gistres ou à être présentes dans toutes les disciplines
pothèses sont avancées, comme la progression de et à tous les niveaux d’enseignement avec les sup-
l’anglais plutôt que celle des langues nationales, le ports correspondants.
maintien du français plutôt dans les usages écrits/ Il y a aussi des raisons économiques liées au coût de la
numériques, ou encore, un phénomène d’hybrida- formation que nécessiterait la généralisation de l’en-
tion du français. Enfin, la scolarisation des jeunes a seignement en langue(s) nationale(s) ; sans négliger
pour conséquence de consolider l’usage du français, la délicate question du choix des langues qui seraient
tandis que certaines professions rendent presque retenues au détriment d’autres, dans des pays où
obligatoire sa maîtrise. plusieurs idiomes sont largement pratiqués. Enfin, il
faut considérer la demande des parents d’un ensei-
La place des langues nationales par rapport gnement de qualité, jugé souvent meilleur en français
au français dans l’enseignement : « Les langues (dans les pays où il est langue officielle), et leur vision
nationales, comme le wolof, le bambara ou le pragmatique, fondée sur l’utilité du français dans la
swahili, se substitueront à la langue française communication internationale. Certaines langues,
comme langue d’enseignement » comme le swahili, peuvent néanmoins se prévaloir
de certaines des caractéristiques susceptibles de rela-
Pour les répondants, l’aspiration identitaire, com- tiviser les arguments qui précèdent.
prenant une volonté individuelle de conserver les
langues locales, parfois doublée par des politiques Des Européens plurilingues ? « Les citoyens
publiques volontaristes, pourraient menacer l’usage européens seront une majorité à maîtriser
des langues du passé colonial. La substitution serait deux langues »
donc, théoriquement, possible. Néanmoins, l’ou-
verture vers l’extérieur, les développements techno- La généralisation de l’apprentissage d’une deuxième
logiques, la nécessité d’effectuer une mobilité pour langue étrangère dans les systèmes d’éducation, et
se former, l’ancrage du français dans des pratiques le développement de politiques au sein de l’Union
largement plurilingues en Afrique, rendent peu pro- européenne favorables au multilinguisme, sont des
bable cette hypothèse. On envisage plutôt le main- facteurs décisifs. De plus, l’augmentation des mo-
tien d’une coexistence des langues, même si les fron- bilités et des métissages culturels, la mondialisation
tières de leurs usages évolueront et que le français des échanges et l’évolution des nouvelles technolo-
risque d’être sérieusement concurrencé par d’autres gies renforcent la probabilité d’une maîtrise géné-
langues internationales, comme l’anglais ou l’espa- ralisée d’au moins deux langues étrangères par les
gnol, et éventuellement le mandarin. citoyens européens.
Cependant, il est vrai que les langues africaines Cependant, cette hypothèse doit être nuancée : si les
transfrontalières (comme le swahili ou l’arabe) sont Européens des plus jeunes tranches d’âges auront des
utilisées comme langue d’enseignement, même si compétences dans au moins deux langues en plus de
les langues « internationales » sont toujours pré- leur langue maternelle, en raison d’un apprentissage
sentes dans les systèmes éducatifs et semblent in- dès le primaire, on ne pourra pas réellement parler de
dispensables pour les études supérieures. Ainsi, une « maîtrise » dans trois langues. Une compréhension
meilleure intégration des langues nationales dans passive d’une troisième langue reste plus probable.
les politiques éducatives et linguistiques des pays Ainsi en France, la deuxième langue apprise à l’école,
d’Afrique francophone est plus probable que leur n’est pas réellement maîtrisée. D’ailleurs, la compa-
substitution au français comme langue d’enseigne- raison des enquêtes Eurobaromètre 2005 et 2012
ment. D’autant que ces langues n’ont pas forcément révèle plutôt une régression du nombre d’Européens
pu développer une capacité à exprimer tous les re- maîtrisant deux langues étrangères.
10
« Cohabitation des langues dans l’espace francophone : les exemples de cinq pays
africains », in La langue française dans le monde 2014, OIF/Nathan, p. 82-89.
35
étrangère ”. » Face à cette hypothèse, les avis des répondants sont très
partagés mais s’accordent pour considérer que les situa-
Enfin, pour certains, aucune politique linguistique tions ne sont pas comparables d’un pays à l’autre, tant
sérieuse n’est mise en œuvre. Le « plurilinguisme » du point de vue de l’image du français, que de la place
reste compris comme « langue maternelle + une lan- respective qu’y occupe l’arabe standard, les arabes ré-
gue étrangère », laquelle est le plus souvent l’anglais. gionaux ou encore les différentes variétés du berbère.
Même s’il y a apprentissage d’une seconde langue
étrangère, l’usage de cette langue paraît toujours li- Ainsi, au Liban, l’arabe parlé est relativement proche
mité, excepté chez les populations ayant des origines de l’arabe standard. Il est donc peu probable qu’il se
d’un autre pays, d’une certaine élite culturelle et des substitue à l’arabe standard ou au français comme
Européens « linguistiquement minoritaires » rési- langue d’enseignement. Toutefois, l’enseignement
dant dans un État officiellement multilingue (néer- en anglais pourrait gagner du terrain. Au Maghreb,
landophones et francophones en Belgique ou germa- il est plus probable que les « dialectes » deviennent
nophones et francophones en Suisse par exemple). des langues d’enseignement. Cela pourrait être une
tentation face au problème des « analphabètes bi-
L’anglais remplacerait le français pour ensei- lingues » (ne maîtrisant ni l’arabe classique ni le
gner les sciences dans le monde arabe ? « Au français) même si des exceptions subsisteraient,
Maghreb et au Liban, les disciplines scienti- notamment dans l’enseignement supérieur (comme
fiques seront enseignées exclusivement en an- en Algérie où le français n’a jamais disparu et s’est
glais » même généralisé dans les filières scientifiques mal-
gré une politique affirmée favorable à l’arabe).
Pour la majorité des répondants, l’anglais gagne
certes du terrain dans ces pays (comme en témoigne, Relativement moins de francophones au
par exemple, la présence d’universités privées anglo- Québec ? « La part des locuteurs de français au
phones), mais le passage à l’anglais pour l’enseigne- Québec diminuera »
ment des disciplines scientifiques à l’échelle natio-
nale demanderait du temps. La situation linguistique québécoise est complexe
et ses évolutions dépendent de nombreux facteurs.
En revanche, certains répondants sont en accord Ainsi, la politique d’immigration du Québec favo-
avec l’hypothèse affirmant que la recherche s’in- rise l’arrivée de populations déjà francophones (ou
ternationalise et que le poids de la langue anglaise susceptibles de le devenir) dans la Province, ce qui
devrait continuer à se renforcer. Certains pensent participe à l’augmentation des locuteurs de français.
ainsi que les disciplines scientifiques pourraient pos- En revanche, le français n’étant pas la seule option
siblement être enseignées exclusivement en anglais pour les immigrants, surtout à Montréal où la plu-
au Liban (où cette langue est déjà un médium d’en- part d’entre eux s’établissent, l’anglais pourrait éga-
seignement), mais pas dans les pays du Maghreb. lement les attirer, ne serait-ce que par sa position
Le positionnement politique de l’Algérie – objecti- majoritaire dans le reste du Canada, et en Amérique
vement très francophone – pourrait également évo- du Nord. En outre, de nombreux immigrants au
luer par rapport à la langue française et avoir une Québec connaissent souvent l’anglais avant leur ar-
inf luence sur ses voisins. rivée ou sont motivés à l’apprendre.
36
Pour certains, si les langues nationales changent de Comme le soulignent les auteurs de ces projections,
statut et que les locuteurs les utilisent davantage, il le nombre de francophones (selon les scénarios13,
est fort possible que les offres culturelles s’adaptent entre 477 millions et 747 millions de francophones
en conséquence. Pour preuve, le succès croissant des en 2070) dépendra certes des évolutions démogra-
séries audiovisuelles produites localement. D’autres phiques annoncées (favorables en Afrique mais défa-
avancent que la production audiovisuelle sera plus vorables en Europe), mais également de la place du
vraisemblablement un mélange entre langues natio- français dans les systèmes éducatifs des pays concer-
nales et langues internationales (français ou anglais). nés (comme langue d’enseignement ou comme lan-
En effet, la progression de productions en langue gue étrangère) et de la qualité de son enseignement14.
nationale est déjà manifeste mais n’empêche pas
une autre offre. Par ailleurs, même dans les pays On pourrait y ajouter la question de la transmission
ayant une forte propension à la production en lan- de cette langue dans les foyers plurilingues – large-
gue nationale (Sénégal, Mali), on observe une ten- ment majoritaires en francophonie – observée à la
dance à passer au français pour mieux exporter les lumière des usages réels et des intentions des locu-
programmes. Le prolongement des dynamiques ac- teurs en la matière15, celle des préférences linguis-
tuelles devrait profiter à la fois aux productions en tiques en matière de consommation culturelle, mé-
langues nationales et aux productions en français. diatique et numérique16 , ou celle de la représentation
La situation pourrait différer d’un pays à l’autre en fonc- que les francophones ont de leur langue17.
tion du poids relatif des langues nationales et du profil
historique et culturel du pays (rapport à la colonisation,
identité nationale, etc.). Les pays les plus dynamiques en 12
Richard MARCOUX, Laurent RICHARD, Tendances démographiques dans l’es-
pace francophone, Québec, 2017, Observatoire démographique et statistique de l’es-
termes de production auront une influence sur les autres. pace francophone/Université Laval, coll. « Rapport de recherche de l’ODSEF », p.13
sur www.odsef.fss.ulaval.ca/sites/odsef.fss.ulaval.ca/files/odsef-lfdm-2018.pdf
13
Ibid.
14
Voir p. 63
11 15
Série thématique sur l’ethnicité, la langue et l’immigration. Projections linguis- Voir p. 41
16
tiques pour le Canada, 2011 à 2036, par René HOULE et Jean-Pierre CORBEIL sur Voir p. 51
17
http://www.statcan.gc.ca/pub/89-657-x/89-657-x2017001-fra.htm Voir p. 75
37
Introduction
Selon les chiffres de l'Organisation Internationale de la Francophonie
(l'OIF), le français est la langue maternelle ou la première langue étrangère
de près de 200 millions de personnes dans 54 pays. Langue officielle de 14
pays, elle est l'une des langues officielles de l'ONU, de l'OTAN, du Comité
Olympique International, de la Croix Rouge, ou de l'Union Postale
Universelle. Néanmoins, les circonstances politiques et économiques de la
mondialisation, y compris le développement des moyens de communication
et des médias de masse, ont conduit à une situation, où l'anglo-américain
occupe une position prédominante sur le plan international. La langue
française n'échappe pas à cette situation et, malgré d'immenses efforts
protectionnistes, son statut international connaît un incontestable déclin.
Il faut tout d'abord distinguer la situation du français en France de son
statut international. En ce qui concerne l'état du français dans l'Hexagone, il
semble que le gouvernement français et différentes institutions aient la
volonté de diminuer l'influence anglo-américaine sur le corpus du français.
Plusieurs organisations officielles françaises, y compris l'Académie
française, se préoccupent du corpus et de la création de nouveaux termes,
afin d'éviter l'usage d'un grand nombre de termes techniques anglais. De
plus, on peut déceler une intervention du politique pour défendre la langue
française par des lois. Robin Adamson3 montre que dans les quarante
dernières années, on compte environ 150 lois, décrets et arrêtés qui touchent
à la langue française. Citons les trois lois principales que sont la loi Bas-
Lauriol (1975), protégeant les consommateurs français contre l'anglais dans
la publicité et dans les modes d'emploi, la loi constitutionnelle de la langue
française définie comme langue de la République (1992) et la très
controversée loi Toubon (1994), qui essaie de s'opposer à l'omniprésence de
l'anglais. Enfin, un troisième aspect de l'interventionnisme politique est
reflété par le travail d'organisations gouvernementales, notamment la
DGLFLF (Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de
France), l'OIF, L'Alliance française et le Ministère des affaires étrangères,
incluant le travail des divers instituts français à travers le monde. La
1
Teaching Fellow au département des Études Françaises, Université de Tel Aviv, Israel.
2
Ce texte est une version abrégée et modifiée d’une étude parue dans le livre Continuité et changement
dans les contacts linguistiques à travers l'histoire de la langue française (L'Harmattan, 2013).
3
R. ADAMSON (2007). The Defence of French. A Language in Crisis ?, Toronto : Clevedon, Buffalo,
Multilingual Matters 137.
184 AVIT AMIT
Cadre théorique
Notre cadre épistémologique repose sur la tradition sociolinguistique,
qui insiste sur le fait qu'il est impossible de comprendre les faits de la langue
sans faire référence au social. Cette piste nous permet de mettre en
convergence la linguistique avec certaines approches sociologiques,
politiques et aussi économiques.
Afin de comprendre le déclin du statut du français dans le monde, nous
optons pour adopter, avec certaines modifications, quelques notions de base
tirées du vaste ouvrage de Pierre Bourdieu, notamment de La distinction4, de
4
P. BOURDIEU (1979). La distinction, Paris : Éditions de Minuit.
LA FRANCOPHONIE A L’ERE DE LA MONDIALISATION 185
5
P. BOURDIEU (1982). Ce que parler veut dire : l'économie des échanges linguistiques, Paris : Fayard.
6
P. BOURDIEU (2001). Langage et pouvoir symbolique, Paris : Fayard/Le Seuil.
7
L-.J. CALVET (2002). Le marché aux langues, les effets linguistiques de la mondialisation, Paris : Plon.
8
C. LOUBIER (2008). Langues au pouvoir, Politique et symbolique Sociolinguistique, Paris : L'Harmattan.
9
A. DE SWAAN (2002). Words of the World: The Global Language System. Cambridge : Polity Press.
186 AVIT AMIT
10
B. ANDERSON (1996). L'imaginaire national ¬ Réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, Paris
: La Découverte. [1ère édition: 1983]. [traduit de (1983). Imagined communities. Reflections on the
Origin and Spread of Nationalism, London: Verso.]
LA FRANCOPHONIE A L’ERE DE LA MONDIALISATION 187
11
R. ÉTIEMBLE (1964). Parlez-vous franglais ?, Paris : Gallimard.
12
R. CHAUDENSON (2006). Vers une autre idée et pour une autre politique de la langue française, Paris :
L'Harmattan, p. 8.
LA FRANCOPHONIE A L’ERE DE LA MONDIALISATION 191
13
C. HAGEGE (2002). Halte à la mort des langues, Paris : O. Jacob.
14
R. CHAUDENSON (2007). « La place de la langue française dans la Francophonie » in Hérodote, La
Découverte, nº 126, 2007/3, pp. 129-141.
R. CHAUDENSON (2008). « Le français dans les pays de la francophonie en 2006 » in L'avenir du français,
Paris : AUF, pp. 19-23.
LA FRANCOPHONIE A L’ERE DE LA MONDIALISATION 193
Conclusion
Il semble que le statut du français dans le monde ne cesse d'attiser le
débat. Certes, tout le monde est d'accord sur le fait que le français
international est en situation de crise, mais la question controversée est la
suivante : faut-il augmenter la « valeur communicative » du français-
francophone au risque de le simplifier, tel que l'anglo-américain, ou bien
convient-il de défendre son statut de « langue de culture », afin de conserver
sa « valeur » de prestige, mais le poserait plutôt comme « langue élitiste » ?
Or il se trouve que l'ouverture du marché linguistique français vers le
monde à l'ère de la mondialisation, ainsi que les échanges interculturels qui
l'accompagnent, contraignent à un certain changement mental et politique.
Depuis une vingtaine d'années, le français est en crise mondiale et son statut
196 AVIT AMIT