Vous êtes sur la page 1sur 16

Octobre 2005

Numéro 5

Langues
et cité
Les créoles à base française
Les créoles sont des langues jeunes issues de la colonisation
européenne, surtout anglaise, française, portugaise et néerlan-
daise, du XVe jusqu’au XIXe siècle. Ils sont parlés dans le monde
entier, généralement dans des iles ou des régions isolées.

Les langues créoles à base française ont plus de 10 millions de


Qu’est-ce qu’un locuteurs natifs (Hazaël 1999) dont 1,6 millions dans les départe-
créole ? p. 2 ments français d’outre-mer, et sont parlées avant tout dans
l’océan Indien (créoles mauricien, réunionnais et seychellois) ainsi
Recherche p. 3
que dans la zone américano-caraïbe (créole antillais 1, haïtien,
Les créoles dans guyanais et louisianais) où ils côtoient de nombreux créoles à base
les DOM-TOM p. 4 anglaise, ibérique et néerlandaise (le negerhollands, disparu au
XXe siècle). Par ailleurs, il existe des créoles en Afrique de l’ouest
Martinique,
Guadeloupe p. 6 (par exemple le créole cap-verdien à base portugaise) ainsi que
dans la zone du Pacifique.
Réunion p. 8
Écrire le créole Dans les départements et territoires d’outre-mer français on
réunionnais p. 9 trouve des créoles à base française dans les départements de la
Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion. Il
Guyane p. 10 faut citer également le tayo, créole à base française parlé dans les
Métropole p. 11 environs de Nouméa en Nouvelle-Calédonie par environ 2 000
locuteurs. En Guyane, à côté du créole guyanais à base française,
Haïti p. 12 il existe également des créoles à base anglaise (ndjuka, aluku,
Pédagogie p. 13 pamaka) ou anglo-portugaise (saamaka). Enfin, il convient de sou-
ligner que les créoles sont pratiqués en France métropolitaine au
CAPES p. 14
sein des populations originaires des DOM. SK, JS

1. Martinique, Guadeloupe, Sainte Lucie, La Dominique ainsi que les « restes » de


créole à Grenade, Trinidad et Saint Thomas
La recherche en créolistique
2 Les langues dites « créoles » forment un ensemble d’une indéniable réalité, mais dont le Bien que dans les créoles la produit d’un développement Cette hypothèse est contestée 3
principe ne se laisse pas définir aisément. Elles ont en commun de tenir la majeure par- majeure partie du vocabulaire sans entrave d’un mécanisme par bon nombre de linguistes
tie de leur lexique d’une autre langue, appelée « langue source » (LS). On parle ainsi de provienne de la langue euro- d’acquisition linguistique auto- représentant différents cou-
créoles « français », « anglais », « arabes », « espagnols », « néerlandais », « portugais », ou péenne dite de base et que de nome et préprogrammé chez rants génétiques (voir p. ex. le
encore « de base lexicale française, etc. » (cf. inventaires dans Hancock 1981 ; Holm nombreux faits grammaticaux les enfants des premières numéro spécial de la revue
1989 ; Arends et al. 1995). Mais, ces lexèmes partagés, les créoles les insèrent dans une puissent eux aussi être reliés à générations exposés à un pid- Linguistic Typology 5-2/3,
morphosyntaxe assez dissemblable pour que LS et créoles relèvent de types linguistiques des variétés des langues euro- gin, une version rudimentaire 2001)
distincts et constituent des langues différentes plutôt que des variantes dialectales. péennes concernées, il existe de la langue cible européenne.
Cela ne suffit pas à faire des créoles un groupe à part. Toute langue dont l’histoire nous beaucoup de constructions qui Cette hypothèse universaliste Pour résumer, on peut dire que
est connue présente à des degrés divers ce trait d’avoir hérité une grande partie de son montrent une influence des part d’un scénario « catastro- de nombreux spécialistes du
lexique, mais non sa grammaire ni sa typologie, de quelque protolangue. D’autres critè- langues qui ont été en contact phique » qui s’oppose à un scé- domaine partagent le point de
res paraissent plus spécifiques : avec la langue de base pendant nario « gradualiste » tel qu’il est vue suivant : bien que les lan-
l’évolution du créole respectif. défendu par des créolistes gues créoles ne puissent trou-
Quant aux créoles français, plu- comme Chaudenson et ver de définition complètement
sieurs types de langues non Mufwene (2002). Tout en unifiée ni sur le plan structurel

Qu’est-ce qu’un créole ? européennes entrent en jeu


dans le contact de langues.
Pendant que dans la zone amé-
ricano-caraïbe, plusieurs grou-
pes de langues parlées en
voyant la genèse des créoles
dans la perspective de l’appro-
priation d’une langue seconde
(L 2), ils soulignent l’impor-
tance des langues de base
ni sur le plan sociohistorique, il
est tout à fait justifié de garder
l’étiquette qu’on leur a donnée
et de continuer les recherches
qui, un jour, permettront une
Alain Kihm, Afrique de l’ouest semblent dans la genèse des créoles. Les définition plus précise.
CNRS, Laboratoire de Linguistique formelle avoir joué un rôle important, créoles formeraient des systè- Cependant, la communauté
une influence du malgache et mes autonomes par rapport à des linguistes en général et des
de diverses langues bantoues la langue européenne de base créolistes en particulier est loin
1. Les langues créoles se sont formées 2. Ce changement typologique s’ac- 3. L’écart typologique par rapport aux d’Afrique de l’est interviennent mais il s’agirait d’une transfor- d’avoir trouvé un consensus
à date récente, au XVIe siècle pour les compagne d’un changement phonéti- LS se corrèle à une convergence des dans la genèse des créoles de mation progressive de cette concernant les conditions
plus anciennes, par suite de l’expansion que limité. Les lexèmes créoles hérités créoles vers un type commun, qui n’est la zone de l’océan Indien. Les langue sous l’effet des straté- exactes de leur évolution. En
européenne commencée à la des LS sont presque toujours aisément toutefois pas globale. Elle est indéniable langues créoles sont donc le gies d’appropriation. Cette juin 2005, une conférence por-
Renaissance. Les créoles sont donc des reconnaissables comme tels : cf. haïtien s’agissant du groupe verbal (prédicat), produit du contact entre une hypothèse, souvent qualifiée de tant sur « Creole Language
langues « jeunes ». Elles ont en outre dlo ’eau’ < français eau [o] + de + l’. Le dont la structure est très généralement : (ou parfois plusieurs) langue(s) « superstratiste », s’oppose à Structure between substrates
émergé le plus souvent au terme d’une changement de l’eau > dlo apparait donc (négation) - particule(s) de temps-mode- européenne(s) et diverses l’hypothèse « substratiste » and superstrates » a réuni à
évolution particulièrement rapide : deux davantage morphosyntaxique que pho- aspect - verbe (invariable) - objet. Le autres langues non européen- défendue sous une forme Leipzig en Allemagne des
générations ou une cinquantaine d’an- nétique. Comparez aqua > eau. Le pas- sujet précède. (Les créoles ont quasi- nes et elles continuent souvent extrême par Lefevbre (1998) et tenants de différents courants
nées. Il est vrai que les langues « ancien- sage du français au haïtien ressemble ment tous l’ordre SVO 1.) La structure d’évoluer dans des situations sa théorie de la relexification. qui ont essayé de déterminer
nes » traversent aussi des périodes certes davantage à la transition entre interne du groupe nominal, en revanche, de contact (Kriegel 2003). Les créoles seraient des lan- l’importance relative des subs-
durant lesquelles leur évolution s’accé- deux états successifs du français qu’au est plus proche de celle des LS - autre gues reflétant directement les trats, superstrats et des univer-
lère. Mais la distance typologique entre changement global du bas latin au fran- découplage qu’il faudra expliquer. C’est surtout dans les années structures sémantico-syntaxi- saux de l’acquisition d’une lan-
les créoles et leurs LS parait nettement çais moderne - sauf que la divergence 70 que beaucoup de langues ques des substrats africaines gue seconde dans la création
plus grande qu’entre, disons, l’ancien typologique est bien de ce niveau. Le créoles à base française ont tout en se servant du lexique de d’une langue créole.
français tardif et le moyen français. découplage radical des deux sortes de été décrites pour la première la langue de base européenne.
changement est donc le critère. fois dans des grammaires et le Suite à ces débats sur les origi-
travail descriptif est loin d’être nes des langues créoles, la
Il ne parait pas possible de définir une matrice sociolinguistique des créoles plus précise que le contexte historique brossé par la for- achevé. Concernant des étu- question de savoir si elles
mule : « expansion européenne ». Certains sont apparus dans les plantations esclavagistes du Nouveau Monde ; d’autres dans les plan- des typologiques et des ques- constituent une classe typologi-
tations non esclavagistes du Pacifique ; d’autres autour d’implantations européennes sur les côtes de l’Afrique et de l’Inde ; d’autres à tions de genèse au centre de la que à part ou s’il faut plutôt se
la suite d’expéditions militaires, etc. Ces situations ont néanmoins trois points communs : recherche pendant les vingt- limiter à en donner une défini-
a) un contact inégalitaire durable ; cinq dernières années, c’est tion sociohistorique est reposée
b) une rupture socio-culturelle, souvent accompagnée d’une coupure géographique (déportation en esclavage, engagements de longue Bickerton (1981), un linguiste aujourd’hui et suscite une vive
durée), mais pas toujours ; créoliste, qui a lancé un débat polémique : McWhorter postule
c) une hétérogénéité linguistique des dominés affectés par cette rupture. important au début des années depuis 1998 l’existence d’un

CNRS, Laboratoire parole et langage


Cette dernière circonstance fit que les dominés durent recourir à la langue des dominants (LS) pour communiquer entre eux. Mais, du 80. Il part d’un lieu commun de prototype créole qu’il définit à
fait de a), la majorité ne parvint pas à l’acquérir pleinement en un temps assez court. D’où une période pendant laquelle les langues la créolistique discuté depuis le l’aide de faisceaux de traits.
ancestrales n’étaient plus fonctionnelles, et la LS pas encore. Cela, combiné à b), eut pour effet qu’au moins une génération ne se trouva XIX e siècle (Schuchhardt, Van Selon lui, le prototype créole 1.
pas ou pas tout à fait en situation d’acquisition normale, si bien que ses membres durent mettre à contribution leur faculté de langage Name, etc.) : les langues créo- serait caractérisé par le manque
plus qu’il n’est habituel afin de pallier le manque relatif de données linguistiques naturelles. Ainsi s’explique la convergence partielle des les partageraient un certain (ou l’extrême rareté) de la mor-
par Sibylle Kriegel,

créoles. Quand les langues ancestrales étaient assez semblables, elles ont pu en outre exercer une influence substratale. Celle-ci, avec nombre de traits structurels phologie flexionnelle, 2. n’em-
l’action de la LS, a contribué à différencier les créoles. malgré leur extrême dispersion ploierait pas ou peu de différen-
Les points a)-c) sont essentiels. Leur conjonction explique la rareté de la créolisation, qu’on ne confondra pas avec l’accélération du géographique. Il explique ce ces de tons et 3. possèderait
changement linguistique due à des contacts intenses. Fort commune, celle-ci n’est certes pas sans rapports avec la créolisation, mais phénomène par son hypothèse une morphologie dérivationnelle
c’est un autre phénomène. Ni le français ni l’anglais ne sont des créoles. du bioprogramme selon sémantiquement transparente
laquelle les créoles seraient le (McWhorter 1998).
1. SVO : Sujet Verbe Objet
La recherche en créolistique
2 Les langues dites « créoles » forment un ensemble d’une indéniable réalité, mais dont le Bien que dans les créoles la produit d’un développement Cette hypothèse est contestée 3
principe ne se laisse pas définir aisément. Elles ont en commun de tenir la majeure par- majeure partie du vocabulaire sans entrave d’un mécanisme par bon nombre de linguistes
tie de leur lexique d’une autre langue, appelée « langue source » (LS). On parle ainsi de provienne de la langue euro- d’acquisition linguistique auto- représentant différents cou-
créoles « français », « anglais », « arabes », « espagnols », « néerlandais », « portugais », ou péenne dite de base et que de nome et préprogrammé chez rants génétiques (voir p. ex. le
encore « de base lexicale française, etc. » (cf. inventaires dans Hancock 1981 ; Holm nombreux faits grammaticaux les enfants des premières numéro spécial de la revue
1989 ; Arends et al. 1995). Mais, ces lexèmes partagés, les créoles les insèrent dans une puissent eux aussi être reliés à générations exposés à un pid- Linguistic Typology 5-2/3,
morphosyntaxe assez dissemblable pour que LS et créoles relèvent de types linguistiques des variétés des langues euro- gin, une version rudimentaire 2001)
distincts et constituent des langues différentes plutôt que des variantes dialectales. péennes concernées, il existe de la langue cible européenne.
Cela ne suffit pas à faire des créoles un groupe à part. Toute langue dont l’histoire nous beaucoup de constructions qui Cette hypothèse universaliste Pour résumer, on peut dire que
est connue présente à des degrés divers ce trait d’avoir hérité une grande partie de son montrent une influence des part d’un scénario « catastro- de nombreux spécialistes du
lexique, mais non sa grammaire ni sa typologie, de quelque protolangue. D’autres critè- langues qui ont été en contact phique » qui s’oppose à un scé- domaine partagent le point de
res paraissent plus spécifiques : avec la langue de base pendant nario « gradualiste » tel qu’il est vue suivant : bien que les lan-
l’évolution du créole respectif. défendu par des créolistes gues créoles ne puissent trou-
Quant aux créoles français, plu- comme Chaudenson et ver de définition complètement
sieurs types de langues non Mufwene (2002). Tout en unifiée ni sur le plan structurel

Qu’est-ce qu’un créole ? européennes entrent en jeu


dans le contact de langues.
Pendant que dans la zone amé-
ricano-caraïbe, plusieurs grou-
pes de langues parlées en
voyant la genèse des créoles
dans la perspective de l’appro-
priation d’une langue seconde
(L 2), ils soulignent l’impor-
tance des langues de base
ni sur le plan sociohistorique, il
est tout à fait justifié de garder
l’étiquette qu’on leur a donnée
et de continuer les recherches
qui, un jour, permettront une
Alain Kihm, Afrique de l’ouest semblent dans la genèse des créoles. Les définition plus précise.
CNRS, Laboratoire de Linguistique formelle avoir joué un rôle important, créoles formeraient des systè- Cependant, la communauté
une influence du malgache et mes autonomes par rapport à des linguistes en général et des
de diverses langues bantoues la langue européenne de base créolistes en particulier est loin
1. Les langues créoles se sont formées 2. Ce changement typologique s’ac- 3. L’écart typologique par rapport aux d’Afrique de l’est interviennent mais il s’agirait d’une transfor- d’avoir trouvé un consensus
à date récente, au XVIe siècle pour les compagne d’un changement phonéti- LS se corrèle à une convergence des dans la genèse des créoles de mation progressive de cette concernant les conditions
plus anciennes, par suite de l’expansion que limité. Les lexèmes créoles hérités créoles vers un type commun, qui n’est la zone de l’océan Indien. Les langue sous l’effet des straté- exactes de leur évolution. En
européenne commencée à la des LS sont presque toujours aisément toutefois pas globale. Elle est indéniable langues créoles sont donc le gies d’appropriation. Cette juin 2005, une conférence por-
Renaissance. Les créoles sont donc des reconnaissables comme tels : cf. haïtien s’agissant du groupe verbal (prédicat), produit du contact entre une hypothèse, souvent qualifiée de tant sur « Creole Language
langues « jeunes ». Elles ont en outre dlo ’eau’ < français eau [o] + de + l’. Le dont la structure est très généralement : (ou parfois plusieurs) langue(s) « superstratiste », s’oppose à Structure between substrates
émergé le plus souvent au terme d’une changement de l’eau > dlo apparait donc (négation) - particule(s) de temps-mode- européenne(s) et diverses l’hypothèse « substratiste » and superstrates » a réuni à
évolution particulièrement rapide : deux davantage morphosyntaxique que pho- aspect - verbe (invariable) - objet. Le autres langues non européen- défendue sous une forme Leipzig en Allemagne des
générations ou une cinquantaine d’an- nétique. Comparez aqua > eau. Le pas- sujet précède. (Les créoles ont quasi- nes et elles continuent souvent extrême par Lefevbre (1998) et tenants de différents courants
nées. Il est vrai que les langues « ancien- sage du français au haïtien ressemble ment tous l’ordre SVO 1.) La structure d’évoluer dans des situations sa théorie de la relexification. qui ont essayé de déterminer
nes » traversent aussi des périodes certes davantage à la transition entre interne du groupe nominal, en revanche, de contact (Kriegel 2003). Les créoles seraient des lan- l’importance relative des subs-
durant lesquelles leur évolution s’accé- deux états successifs du français qu’au est plus proche de celle des LS - autre gues reflétant directement les trats, superstrats et des univer-
lère. Mais la distance typologique entre changement global du bas latin au fran- découplage qu’il faudra expliquer. C’est surtout dans les années structures sémantico-syntaxi- saux de l’acquisition d’une lan-
les créoles et leurs LS parait nettement çais moderne - sauf que la divergence 70 que beaucoup de langues ques des substrats africaines gue seconde dans la création
plus grande qu’entre, disons, l’ancien typologique est bien de ce niveau. Le créoles à base française ont tout en se servant du lexique de d’une langue créole.
français tardif et le moyen français. découplage radical des deux sortes de été décrites pour la première la langue de base européenne.
changement est donc le critère. fois dans des grammaires et le Suite à ces débats sur les origi-
travail descriptif est loin d’être nes des langues créoles, la
Il ne parait pas possible de définir une matrice sociolinguistique des créoles plus précise que le contexte historique brossé par la for- achevé. Concernant des étu- question de savoir si elles
mule : « expansion européenne ». Certains sont apparus dans les plantations esclavagistes du Nouveau Monde ; d’autres dans les plan- des typologiques et des ques- constituent une classe typologi-
tations non esclavagistes du Pacifique ; d’autres autour d’implantations européennes sur les côtes de l’Afrique et de l’Inde ; d’autres à tions de genèse au centre de la que à part ou s’il faut plutôt se
la suite d’expéditions militaires, etc. Ces situations ont néanmoins trois points communs : recherche pendant les vingt- limiter à en donner une défini-
a) un contact inégalitaire durable ; cinq dernières années, c’est tion sociohistorique est reposée
b) une rupture socio-culturelle, souvent accompagnée d’une coupure géographique (déportation en esclavage, engagements de longue Bickerton (1981), un linguiste aujourd’hui et suscite une vive
durée), mais pas toujours ; créoliste, qui a lancé un débat polémique : McWhorter postule
c) une hétérogénéité linguistique des dominés affectés par cette rupture. important au début des années depuis 1998 l’existence d’un

CNRS, Laboratoire parole et langage


Cette dernière circonstance fit que les dominés durent recourir à la langue des dominants (LS) pour communiquer entre eux. Mais, du 80. Il part d’un lieu commun de prototype créole qu’il définit à
fait de a), la majorité ne parvint pas à l’acquérir pleinement en un temps assez court. D’où une période pendant laquelle les langues la créolistique discuté depuis le l’aide de faisceaux de traits.
ancestrales n’étaient plus fonctionnelles, et la LS pas encore. Cela, combiné à b), eut pour effet qu’au moins une génération ne se trouva XIX e siècle (Schuchhardt, Van Selon lui, le prototype créole 1.
pas ou pas tout à fait en situation d’acquisition normale, si bien que ses membres durent mettre à contribution leur faculté de langage Name, etc.) : les langues créo- serait caractérisé par le manque
plus qu’il n’est habituel afin de pallier le manque relatif de données linguistiques naturelles. Ainsi s’explique la convergence partielle des les partageraient un certain (ou l’extrême rareté) de la mor-
par Sibylle Kriegel,

créoles. Quand les langues ancestrales étaient assez semblables, elles ont pu en outre exercer une influence substratale. Celle-ci, avec nombre de traits structurels phologie flexionnelle, 2. n’em-
l’action de la LS, a contribué à différencier les créoles. malgré leur extrême dispersion ploierait pas ou peu de différen-
Les points a)-c) sont essentiels. Leur conjonction explique la rareté de la créolisation, qu’on ne confondra pas avec l’accélération du géographique. Il explique ce ces de tons et 3. possèderait
changement linguistique due à des contacts intenses. Fort commune, celle-ci n’est certes pas sans rapports avec la créolisation, mais phénomène par son hypothèse une morphologie dérivationnelle
c’est un autre phénomène. Ni le français ni l’anglais ne sont des créoles. du bioprogramme selon sémantiquement transparente
laquelle les créoles seraient le (McWhorter 1998).
1. SVO : Sujet Verbe Objet
4 La France compte quatre « départe- qu’il existe plusieurs langues créoles, En fait si recourant au terme unique de parents. Ce terme de créole (blanc ou langues sont nées dans le contact avec calisation et d’analyses/réanalyses 5
ments d’outre-mer », situés géographi- dont les variétés, surtout quand elles créole on laisse entendre parfois que les noir) s’oppose clairement au terme de les langues diverses parlées par les complexes qui ouvrent des perspectives
quement dans des zones lointaines, sont parlées par des locuteurs natifs qui similitudes l’emportent sur les différen- vyé-blan ou vyé-nèg (aux Antilles), ter- esclaves (différentes d’ailleurs dans intéressantes pour la recherche d’uni-
puisqu’il s’agit des iles de la Guadeloupe ont une pratique limitée du français, ces, c’est parce que ce terme, à l’ori- mes qui désignent les métropolitains l’océan Indien et dans la Caraïbe), et versaux linguistiques.
et de la Martinique, dans la Caraïbe, de comportent des différences marquées : gine, se rapporte d’abord à la popula- d’une part et les Africains récemment pour répondre aux besoins immédiats De fait, les rapprochements que l’on
la Guyane (sur le continent américain du déterminants possessifs ici antéposés tion, désignant ainsi les enfants nés aux arrivés d’autre part. (On connait le d’une communication principalement peut le plus aisément effectuer lorsque
sud) et de la Réunion, dans l’océan (mo- ou mon-), là postposés (-moin ou - iles de parents étrangers et ayant eu des terme de zorèy, utilisé à la Réunion pour orale. Ces langues, depuis leurs origi- l’on parle de créoles (en-dehors des
Indien. Ces divers départements qui ont an moin), pronoms aux formes et signifi- enfants depuis leur arrivée. Dans les désigner les métropolitains effectuant nes, se sont considérablement transfor- domaines complexes ouverts par la lin-
le même statut que les autres départe- cations diverses (zòt signifie « vous », documents de chroniqueurs des XVIIe- un séjour dans l’ile). mées, en développant des systèmes qui guistique comparée ou la typologie des
ments français, ont la particularité de « ils » « elles » à la Réunion, seulement XVIIIe siècles on voit parfois préciser les leur sont propres, et ne peuvent pas être langues) concernent les situations
connaitre l’usage de deux langues au « vous » aux Antilles), particules verbales caractéristiques de ces descendants Tardivement, les langues des Créoles assimilées aux parlers français d’origine sociolinguistiques de ces langues, tou-
statut différencié : le français partout et porteuses des marques de temps et comme « noirs créoles » ou « blancs ont été appelés les « créoles » - à l’ori- des colons. C’est même un des traits de tes utilisées dans des situations proches
un créole à base lexicale française - lan- d’aspect très différentes, dont on ne créoles (ce dernier terme reste utilisé en gine on parle plus volontiers de toutes les langues « créoles » qui fascine de ce que l’on appelle des « diglossies » :
gue qui est née et s’est développée au peut saisir le sens d’un lieu à l’autre que Guadeloupe pour désigner le groupe de « français des iles » ou de « français le plus les linguistes à l’heure actuelle, tous les créoles sont utilisés en alter-
cours des siècles de colonisation. par apprentissage, lexiques suffisam- blancs descendants des anciens colons, corrompu », les chroniqueurs étant sen- que cette capacité des populations nance avec une langue « haute » (selon
ment différenciés pour entrainer de peu enclins au métissage, que l’on sibles à l’origine française dominante de humaines à créer des systèmes nou- la terminologie de Ferguson), c’est-à-
Du fait de conditions de naissance diver- nombreux contresens, etc. appelle békés en Martinique), en fonc- ces parlers. Mais si l’origine française veaux et autonomes qui se développent dire une langue écrite, ayant un statut
ses et séparées, on ne s’étonnera pas tion de la couleur dominante de leurs est perceptible, il est indéniable que ces à travers des phénomènes de grammati- de langue officielle (dans les DOM, le

Les créoles dans les départements


français d’outre-mer
Marie-Christine Hazaël-Massieux,
Université de Provence

français), servant pour l’administration, les, sources de touts les échecs scolai- plus décisive, dans les mentalités, en et structures à la langue cognate. C’est teurs. Tout aménagement linguistique école presque exclusivement en fran-
l’enseignement… Les créoles, quant à res !). L’usage en complémentarité des raison notamment des travaux de des- d’ailleurs là la plus grande menace qui (rédaction de grammaires, constitution çais). Pourtant, les départements fran-
eux, sont principalement utilisés à l’oral, deux langues fait que c’est ensemble cription et d’analyse suscités ici et là. pèse sur les créoles : perdre leur spécifi- de dictionnaires, élaboration d’une litté- çais plus riches que leurs voisins créolo-
pour remplir des fonctions de communi- qu’elles constituent un médium de com- cité en adoptant progressivement des rature et de documents pédagogiques, phones à l’économie très défaillante,
cation immédiates dans un contexte de munication complet. L’écriture des créoles s’est largement traits du français pour apparaitre à leurs par exemple) n’aura de résultat que s’il ont aussi des possibilités d’expérimen-
familiarité et d’affectivité, pour l’expres- développée au XXe siècle. Les auteurs locuteurs ne disposant pas d’autre réfé- est mené en collaboration avec les locu- tation et de contrôle linguistique qui ne
sion des traditions orales, et des réalités Il va sans dire que les créoles, langues à sont nombreux dans les différents DOM rence, comme langues dignes de ce nom teurs et si ceux-ci désirent faire de leur sont pas partout répandus, pour peu
quotidiennes. Bien distinctes des situa- part entière, sont simplement victimes à offrir poèmes, pièces de théâtre, si, et seulement si, ils ressemblent au langue une langue écrite, susceptible que l’on prenne conscience de l’atout
tions de bilinguisme, où les deux lan- d’idées toutes faites, et en particulier de romans et essais divers en créole, français. Les créoles, comme toutes les encore d’évoluer en raison précisément que représente la maitrise de deux lan-
gues utilisées tendent à jouir du même la dévalorisation induite par l’école ouvrant ainsi des pistes pour une autres langues du monde, présentent du passage à l’écriture qui a indéniable- gues et que l’on ne renonce pas au patri-
statut, les différences d’usage dans les depuis des décennies. Il est possible recherche à la fois sur les domaines de des caractéristiques spécifiques, déve- ment des conséquences sur la langue moine culturel dont la disparition des
situations de diglossie entrainent une que la création récente d’un CAPES la traduction, sur la question des regis- loppées au cours de leur histoire, qui n’a elle-même. créoles ne manquerait pas d’entrainer la
valorisation de la langue écrite et une bivalent de créole – qui a provoqué des tres et des styles : sur ces derniers fait que les éloigner de leurs sources, perte !
dévalorisation de la langue familière controverses et pose des problèmes points, un développement des langues d’ailleurs multiples. Ces langues créoles À côté de certains créoles parlés dans
orale, souvent envisagée comme un encore non résolus dans le cadre d’un créoles est nécessaire quand, dans le continueront à se développer et pour- des pays indépendants, les créoles des
simple « patois » (certains pensant concours national – induise une évolu- contexte immédiat des contacts avec le ront progressivement accéder à un sta- DOM peuvent sembler plus menacés en
même encore que, comme les « patois » tion du statut de ces langues, au moins français écrit, la tentation est grande de tut plus favorable et une autonomie plus raison d’un environnement francophone
au XIXe siècle, il faut éradiquer les créo- symboliquement et peut-être de façon se contenter d’emprunter vocabulaires grande si telle est la volonté des locu- prégnant (radio, télévision, et surtout
4 La France compte quatre « départe- qu’il existe plusieurs langues créoles, En fait si recourant au terme unique de parents. Ce terme de créole (blanc ou langues sont nées dans le contact avec calisation et d’analyses/réanalyses 5
ments d’outre-mer », situés géographi- dont les variétés, surtout quand elles créole on laisse entendre parfois que les noir) s’oppose clairement au terme de les langues diverses parlées par les complexes qui ouvrent des perspectives
quement dans des zones lointaines, sont parlées par des locuteurs natifs qui similitudes l’emportent sur les différen- vyé-blan ou vyé-nèg (aux Antilles), ter- esclaves (différentes d’ailleurs dans intéressantes pour la recherche d’uni-
puisqu’il s’agit des iles de la Guadeloupe ont une pratique limitée du français, ces, c’est parce que ce terme, à l’ori- mes qui désignent les métropolitains l’océan Indien et dans la Caraïbe), et versaux linguistiques.
et de la Martinique, dans la Caraïbe, de comportent des différences marquées : gine, se rapporte d’abord à la popula- d’une part et les Africains récemment pour répondre aux besoins immédiats De fait, les rapprochements que l’on
la Guyane (sur le continent américain du déterminants possessifs ici antéposés tion, désignant ainsi les enfants nés aux arrivés d’autre part. (On connait le d’une communication principalement peut le plus aisément effectuer lorsque
sud) et de la Réunion, dans l’océan (mo- ou mon-), là postposés (-moin ou - iles de parents étrangers et ayant eu des terme de zorèy, utilisé à la Réunion pour orale. Ces langues, depuis leurs origi- l’on parle de créoles (en-dehors des
Indien. Ces divers départements qui ont an moin), pronoms aux formes et signifi- enfants depuis leur arrivée. Dans les désigner les métropolitains effectuant nes, se sont considérablement transfor- domaines complexes ouverts par la lin-
le même statut que les autres départe- cations diverses (zòt signifie « vous », documents de chroniqueurs des XVIIe- un séjour dans l’ile). mées, en développant des systèmes qui guistique comparée ou la typologie des
ments français, ont la particularité de « ils » « elles » à la Réunion, seulement XVIIIe siècles on voit parfois préciser les leur sont propres, et ne peuvent pas être langues) concernent les situations
connaitre l’usage de deux langues au « vous » aux Antilles), particules verbales caractéristiques de ces descendants Tardivement, les langues des Créoles assimilées aux parlers français d’origine sociolinguistiques de ces langues, tou-
statut différencié : le français partout et porteuses des marques de temps et comme « noirs créoles » ou « blancs ont été appelés les « créoles » - à l’ori- des colons. C’est même un des traits de tes utilisées dans des situations proches
un créole à base lexicale française - lan- d’aspect très différentes, dont on ne créoles (ce dernier terme reste utilisé en gine on parle plus volontiers de toutes les langues « créoles » qui fascine de ce que l’on appelle des « diglossies » :
gue qui est née et s’est développée au peut saisir le sens d’un lieu à l’autre que Guadeloupe pour désigner le groupe de « français des iles » ou de « français le plus les linguistes à l’heure actuelle, tous les créoles sont utilisés en alter-
cours des siècles de colonisation. par apprentissage, lexiques suffisam- blancs descendants des anciens colons, corrompu », les chroniqueurs étant sen- que cette capacité des populations nance avec une langue « haute » (selon
ment différenciés pour entrainer de peu enclins au métissage, que l’on sibles à l’origine française dominante de humaines à créer des systèmes nou- la terminologie de Ferguson), c’est-à-
Du fait de conditions de naissance diver- nombreux contresens, etc. appelle békés en Martinique), en fonc- ces parlers. Mais si l’origine française veaux et autonomes qui se développent dire une langue écrite, ayant un statut
ses et séparées, on ne s’étonnera pas tion de la couleur dominante de leurs est perceptible, il est indéniable que ces à travers des phénomènes de grammati- de langue officielle (dans les DOM, le

Les créoles dans les départements


français d’outre-mer
Marie-Christine Hazaël-Massieux,
Université de Provence

français), servant pour l’administration, les, sources de touts les échecs scolai- plus décisive, dans les mentalités, en et structures à la langue cognate. C’est teurs. Tout aménagement linguistique école presque exclusivement en fran-
l’enseignement… Les créoles, quant à res !). L’usage en complémentarité des raison notamment des travaux de des- d’ailleurs là la plus grande menace qui (rédaction de grammaires, constitution çais). Pourtant, les départements fran-
eux, sont principalement utilisés à l’oral, deux langues fait que c’est ensemble cription et d’analyse suscités ici et là. pèse sur les créoles : perdre leur spécifi- de dictionnaires, élaboration d’une litté- çais plus riches que leurs voisins créolo-
pour remplir des fonctions de communi- qu’elles constituent un médium de com- cité en adoptant progressivement des rature et de documents pédagogiques, phones à l’économie très défaillante,
cation immédiates dans un contexte de munication complet. L’écriture des créoles s’est largement traits du français pour apparaitre à leurs par exemple) n’aura de résultat que s’il ont aussi des possibilités d’expérimen-
familiarité et d’affectivité, pour l’expres- développée au XXe siècle. Les auteurs locuteurs ne disposant pas d’autre réfé- est mené en collaboration avec les locu- tation et de contrôle linguistique qui ne
sion des traditions orales, et des réalités Il va sans dire que les créoles, langues à sont nombreux dans les différents DOM rence, comme langues dignes de ce nom teurs et si ceux-ci désirent faire de leur sont pas partout répandus, pour peu
quotidiennes. Bien distinctes des situa- part entière, sont simplement victimes à offrir poèmes, pièces de théâtre, si, et seulement si, ils ressemblent au langue une langue écrite, susceptible que l’on prenne conscience de l’atout
tions de bilinguisme, où les deux lan- d’idées toutes faites, et en particulier de romans et essais divers en créole, français. Les créoles, comme toutes les encore d’évoluer en raison précisément que représente la maitrise de deux lan-
gues utilisées tendent à jouir du même la dévalorisation induite par l’école ouvrant ainsi des pistes pour une autres langues du monde, présentent du passage à l’écriture qui a indéniable- gues et que l’on ne renonce pas au patri-
statut, les différences d’usage dans les depuis des décennies. Il est possible recherche à la fois sur les domaines de des caractéristiques spécifiques, déve- ment des conséquences sur la langue moine culturel dont la disparition des
situations de diglossie entrainent une que la création récente d’un CAPES la traduction, sur la question des regis- loppées au cours de leur histoire, qui n’a elle-même. créoles ne manquerait pas d’entrainer la
valorisation de la langue écrite et une bivalent de créole – qui a provoqué des tres et des styles : sur ces derniers fait que les éloigner de leurs sources, perte !
dévalorisation de la langue familière controverses et pose des problèmes points, un développement des langues d’ailleurs multiples. Ces langues créoles À côté de certains créoles parlés dans
orale, souvent envisagée comme un encore non résolus dans le cadre d’un créoles est nécessaire quand, dans le continueront à se développer et pour- des pays indépendants, les créoles des
simple « patois » (certains pensant concours national – induise une évolu- contexte immédiat des contacts avec le ront progressivement accéder à un sta- DOM peuvent sembler plus menacés en
même encore que, comme les « patois » tion du statut de ces langues, au moins français écrit, la tentation est grande de tut plus favorable et une autonomie plus raison d’un environnement francophone
au XIXe siècle, il faut éradiquer les créo- symboliquement et peut-être de façon se contenter d’emprunter vocabulaires grande si telle est la volonté des locu- prégnant (radio, télévision, et surtout
Un survol sociolinguistique
6

GUADELOUPE ET MARTINIQUE Jean Bernabé,


GEREC-F,
Univ. des Antilles-Guyane
Introduction

La Guadeloupe et la Martinique
sont des iles de l’arc des petites
tabac puis des sous-produits
de la canne à sucre (sucre,
rhum) : celle des Grands
Blancs. En un mot, on assiste, à
archipélique doublé d’une bipo-
larité urbaine (Pointe-à-Pitre et
Basse-Terre) a favorisé une
variation plus notable. Mais
bilinguisme qui s’inscrit surtout
dans une dimension indivi-
duelle, celle de diglossie ren-
voie à des règles d’ordre collec-
de la scolarisation précoce et
plus encore, le développement
des crèches sont à l’origine
d’une mutation qui est en train
structures linguistiques, plus
particulièrement lexicales, elle
constitue une menace pour l’in-
tégrité de ces créoles, même si
7

Antilles. Quoiqu’ayant conquis ce tournant de l’histoire de la comme en Martinique, les tif, impliquant une contrainte de transformer la langue fran- toute langue est soumise à
ces iles, les Espagnols ne s’y colonisation, à la naissance et à divergences linguistiques à sociale : on ne parle pas créole çaise en langue maternelle de l’évolution. On peut donc se
installèrent pas. Ce sont donc l’amplification rapide de la dis- l’œuvre dans l’archipel guade- impunément dans n’importe tous les Guadeloupéens et poser la question de savoir si
les Français qui, à partir de crimination raciale, porteuse loupéen sont en cours de neu- quelle situation, encore qu’il y Martiniquais. Les préjugés qui des stratégies de communica-
1635 s’y établirent après une de minoration linguistique. tralisation. Les facteurs en jeu ait des lieux où, pour des rai- pèsent sur le créole font préci- tion différée, notamment dans
première étape qui dura dix ans Le groupe intermédiaire des sont surtout l’exode rural suivi sons précisément d’ordre sément qu’il est la seule langue le cadre de l’École, seraient en
(1625-1635) dans l’ile de Saint- Mulâtres, issu des liaisons hors du phénomène inverse de la anthropologique, seul le créole à laquelle sont exposés les tout mesure de freiner cette décréo-
Christophe (l’actuelle Saint- mariage des maitres et de leurs “rurbanisation” généré par le soit admis (par exemple, dans jeunes enfants, ruraux ou lisation, voire de produire une
Kitts), située à 150 kilomètres, esclaves, sera amené à jouer détournement des terres agri- les gallodromes, ou dans cer- urbains, dans les crèches, à relance du créole sur la base de
au nord de la Guadeloupe. C’est un rôle décisif dans l’évolution coles de leur vocation première tains sports populaires comme l’âge où ils font l’acquisition du la créativité lexicale, d’une part,
donc à Saint-Christophe qu’une culturelle et politique de ces au profit de l’habitat. Une redis- la navigation sur yole ronde). langage. et, d’autre part, sur la base de la
première ébauche du créole pays. C’est par lui que l’idéolo- tribution à partir du centre de Dans la diglossie traditionnelle, Une question cruciale doit être “mutualisation des ressources”
semble avoir vu le jour, sorte de gie de la négrophobie et de la traits linguistiques sur l’ensem- il existe donc un ordonnance- posée : puisque le créole tend à entre les différents créoles.
noyau initial à partir duquel vont créolophobie, initiée par les ble du territoire conduit à une ment hiérarchisé des compé- n’être plus transmis de façon Précisément, le CAPES de
se développer et se différencier colons Blancs va être reprise, certaine convergence au sein tences langagières. À ce titre, intergénérationnelle même créole (créé en 2000 à l’instiga-
plus ou moins les différents dia- élevée au rang de modèle, dif- de chacun de ces deux créoles. on peut distinguer des locu- dans les familles rurales, a-t-il tion du GEREC-F), par son
lectes créoles lorsque les fusée, relayée auprès des cou- Mais aussi entre eux, en raison teurs en position sur-ordonnée des chances de perdurer, vu la aspect transversal (concernant
Français, vont, à partir de 1635, ches populaires qui, elles aussi, notamment du phénomène dit (qui parlent français et créole) disparition progressive de créo- donc des créoles aussi différen-
essaimer vers d’autres iles. aspirent à la promotion socio- de décréolisation-francisation, et des locuteurs sous-ordonnés lophones unilingues au sein des ciés que le sont ceux de
économique et culturelle. lequel rapproche ces deux qui ne parlent que le créole. groupes de pairs ? En réalité, le Guadeloupe, Guyane, Martinique),
Approche socio-historique créoles du français, commun Mais cette situation est en train danger d’extinction peut être grâce aux pratiques éventuelles
Approche socio-linguistique dénominateur et modèle presti- d’évoluer en raison des muta- considéré sinon comme éli- de mutualisation issues de
Dès avant la fondation des deux gieux. Enfin, un fait à ne pas tions sociétales et des modali- miné, en tout cas, comme contacts de plus en plus impor-
colonies, la diversité linguisti- Le cadre géolinguistique sous-estimer : l’émergence de tés consécutives de transmis- amoindri par le fait que le tants entre les différents créo-
que était à l’œuvre : non seule- Les créoles de la Guadeloupe variantes propres à l’argot des sion des deux langues. créole est pour ainsi dire « mis les de la zone, pourrait bien
ment entre Africains et et de la Martinique (800 000 jeunes et résultant des influen- Dans les milieux sur-ordonnés, dans les tuyaux » en raison de offrir un cadre idoine à l’émer-
Européens (surtout des locuteurs sur place, répartis de ces de la culture rastafarienne seul le français à toujours fait l’impact de la médiatisation de gence d’une langue commune à
Français de l’Ouest de façon à peu près égale entre les et pop tend à produire des l’objet d’une transmission verti- la société. Le créole est de plus vocation littéraire (une koïnè),
l’Hexagone), mais aussi au sein iles) relèvent du groupe dit des items identiques dans les deux cale, c’est-à-dire, intergénéra- en plus entendu sur les nom- dont le besoin ne pourra que se
de chacun de ces deux groupes créoles en ka (morphème à iles, à partir d’importations en tionnelle, le créole étant acquis breuses chaines de radio et de faire sentir, compte tenu des
protagonistes qui ne parlaient valeur durative), par opposition provenance de la Caraïbe de façon décalée, au travers télévision. On assiste là à un exigences d’expression éma-
pas toujours des langues ou aux créoles en ap concernant anglophone. d’une transmission horizontale, type de transmission non plus nant de tout contexte scolaire.
des variantes dialectales les créoles d’Haïti et de la par le biais des « groupes de horizontale ou verticale, mais Rêve n’est pas toujours syno-
mutuellement compréhensi- Louisiane. Ces différents créo- Régime sociolinguistique pairs ». Cette transmission à multicanale, opérant sur le nyme d’utopie.
bles. De cela, découle un fait les, quoique très proches, et modèles de transmission partir des groupes de pairs ou mode diffus. Dans le même
langagière 1. Par exemple, en guadeloupéen,
important : le créole est une présentent quelques différen- camarades de la même généra- temps, le créole médiatique,
nous avons : [ban mwen)] (“donne-
langue mixte, née dans un ces (par exemple : nasalisation tion ne peut se faire que dans la fonctionnant en osmose avec le moi”), trait de nasalisation régressive,
contexte d’urgence communi- régressive d’un côté et progres- Le régime sociolinguistique ori- mesure où ces groupes com- français, se francise de jour en mais en martiniquais [ba mwen)], où
cative entre alloglottes et dont sive de l’autre 1, présence ou ginal des Antilles Françaises portent des locuteurs placés en jour. Du coup, le rapport psy- la nasalisation n’est pas régressive.
En martiniquais, nous avons : [fam-
la création est imputable aussi absence du morphème a de est celui de la diglossie. Il faut position sous-ordonnée, c’est- cholinguistique au créole tend lan)] (“la femme”), trait de nasalisation
bien aux esclaves qu’aux possession, alternance a/la ou entendre par ce terme une à-dire ne parlant que le créole. à se modifier, dans le sens d’un progressive, mais en guadeloupéen
colons. non du déterminant défini, situation dans laquelle deux Dans les milieux sous-ordon- affaiblissement. Ces considéra- [fanm-la], où la nasalisation n’est pas
progressive.
Les premiers temps de la colo- lequel est toujours postposé, langues se partagent de nés, le créole est acquis de tions illustrent la notion de
nisation (défrichage, mise en existence ou non d’occlusives manière inégalitaire l’espace façon inter-générationnelle, décréolisation qualitative, le
valeur de terres, premières ten- palatales devant voyelle d’avant d’une même communauté lin- comme langue maternelle, tan- concept de décréolisation
tatives de socialisation entre etc.). Rien cependant qui gêne guistique, l’une en position dis que le français, n’est quantitative concernant la
groupes d’origine diverses) l’intercompréhension immé- dominante, l’autre en position acquis, le cas échéant, qu’au diminution du nombre de locu-
sont marqués, dans des condi- diate entre les locuteurs res- dominée. La langue française, à travers de l’institution scolaire. teurs du créole, phénomène qui
tions de vie encore précaires, pectifs des deux créoles. quelques exceptions d’ordre Avec le développement consi- ne menace pas, loin s’en faut,
par une relative proximité au La Martinique a une homogé- anthropologique près, peut être dérable de l’École, institution les Antilles françaises.
sein de la société d’habitation, néité géolinguistique beaucoup utilisée dans toutes les situa- dans laquelle le français a un
entre maitres et esclaves. À plus marquée que la tions de parole (formelles et rôle monopoliste, une fraction Conclusion
partir de 1685, date de la paru- Guadeloupe, en raison du informelles) tandis que la lan- de plus en pus importante de la
tion du célèbre Code Noir, com- caractère compact de sa géo- gue créole tend à n’être population a été exposée à la La décréolisation (tout comme
mence à émerger une caste de graphie et de la prééminence employée que dans les situa- langue française, tout en gar- le mécanisme de la créolisation
colons enrichie par les succès de la capitale, Fort-de-France. tions informelles. De plus, dant le créole comme langue lui-même) est liée à l’urgence
de la commercialisation du En Guadeloupe, la structure contrairement à la notion de maternelle. Mais l’accélération communicative. Affectant les
Un survol sociolinguistique
6

GUADELOUPE ET MARTINIQUE Jean Bernabé,


GEREC-F,
Univ. des Antilles-Guyane
Introduction

La Guadeloupe et la Martinique
sont des iles de l’arc des petites
tabac puis des sous-produits
de la canne à sucre (sucre,
rhum) : celle des Grands
Blancs. En un mot, on assiste, à
archipélique doublé d’une bipo-
larité urbaine (Pointe-à-Pitre et
Basse-Terre) a favorisé une
variation plus notable. Mais
bilinguisme qui s’inscrit surtout
dans une dimension indivi-
duelle, celle de diglossie ren-
voie à des règles d’ordre collec-
de la scolarisation précoce et
plus encore, le développement
des crèches sont à l’origine
d’une mutation qui est en train
structures linguistiques, plus
particulièrement lexicales, elle
constitue une menace pour l’in-
tégrité de ces créoles, même si
7

Antilles. Quoiqu’ayant conquis ce tournant de l’histoire de la comme en Martinique, les tif, impliquant une contrainte de transformer la langue fran- toute langue est soumise à
ces iles, les Espagnols ne s’y colonisation, à la naissance et à divergences linguistiques à sociale : on ne parle pas créole çaise en langue maternelle de l’évolution. On peut donc se
installèrent pas. Ce sont donc l’amplification rapide de la dis- l’œuvre dans l’archipel guade- impunément dans n’importe tous les Guadeloupéens et poser la question de savoir si
les Français qui, à partir de crimination raciale, porteuse loupéen sont en cours de neu- quelle situation, encore qu’il y Martiniquais. Les préjugés qui des stratégies de communica-
1635 s’y établirent après une de minoration linguistique. tralisation. Les facteurs en jeu ait des lieux où, pour des rai- pèsent sur le créole font préci- tion différée, notamment dans
première étape qui dura dix ans Le groupe intermédiaire des sont surtout l’exode rural suivi sons précisément d’ordre sément qu’il est la seule langue le cadre de l’École, seraient en
(1625-1635) dans l’ile de Saint- Mulâtres, issu des liaisons hors du phénomène inverse de la anthropologique, seul le créole à laquelle sont exposés les tout mesure de freiner cette décréo-
Christophe (l’actuelle Saint- mariage des maitres et de leurs “rurbanisation” généré par le soit admis (par exemple, dans jeunes enfants, ruraux ou lisation, voire de produire une
Kitts), située à 150 kilomètres, esclaves, sera amené à jouer détournement des terres agri- les gallodromes, ou dans cer- urbains, dans les crèches, à relance du créole sur la base de
au nord de la Guadeloupe. C’est un rôle décisif dans l’évolution coles de leur vocation première tains sports populaires comme l’âge où ils font l’acquisition du la créativité lexicale, d’une part,
donc à Saint-Christophe qu’une culturelle et politique de ces au profit de l’habitat. Une redis- la navigation sur yole ronde). langage. et, d’autre part, sur la base de la
première ébauche du créole pays. C’est par lui que l’idéolo- tribution à partir du centre de Dans la diglossie traditionnelle, Une question cruciale doit être “mutualisation des ressources”
semble avoir vu le jour, sorte de gie de la négrophobie et de la traits linguistiques sur l’ensem- il existe donc un ordonnance- posée : puisque le créole tend à entre les différents créoles.
noyau initial à partir duquel vont créolophobie, initiée par les ble du territoire conduit à une ment hiérarchisé des compé- n’être plus transmis de façon Précisément, le CAPES de
se développer et se différencier colons Blancs va être reprise, certaine convergence au sein tences langagières. À ce titre, intergénérationnelle même créole (créé en 2000 à l’instiga-
plus ou moins les différents dia- élevée au rang de modèle, dif- de chacun de ces deux créoles. on peut distinguer des locu- dans les familles rurales, a-t-il tion du GEREC-F), par son
lectes créoles lorsque les fusée, relayée auprès des cou- Mais aussi entre eux, en raison teurs en position sur-ordonnée des chances de perdurer, vu la aspect transversal (concernant
Français, vont, à partir de 1635, ches populaires qui, elles aussi, notamment du phénomène dit (qui parlent français et créole) disparition progressive de créo- donc des créoles aussi différen-
essaimer vers d’autres iles. aspirent à la promotion socio- de décréolisation-francisation, et des locuteurs sous-ordonnés lophones unilingues au sein des ciés que le sont ceux de
économique et culturelle. lequel rapproche ces deux qui ne parlent que le créole. groupes de pairs ? En réalité, le Guadeloupe, Guyane, Martinique),
Approche socio-historique créoles du français, commun Mais cette situation est en train danger d’extinction peut être grâce aux pratiques éventuelles
Approche socio-linguistique dénominateur et modèle presti- d’évoluer en raison des muta- considéré sinon comme éli- de mutualisation issues de
Dès avant la fondation des deux gieux. Enfin, un fait à ne pas tions sociétales et des modali- miné, en tout cas, comme contacts de plus en plus impor-
colonies, la diversité linguisti- Le cadre géolinguistique sous-estimer : l’émergence de tés consécutives de transmis- amoindri par le fait que le tants entre les différents créo-
que était à l’œuvre : non seule- Les créoles de la Guadeloupe variantes propres à l’argot des sion des deux langues. créole est pour ainsi dire « mis les de la zone, pourrait bien
ment entre Africains et et de la Martinique (800 000 jeunes et résultant des influen- Dans les milieux sur-ordonnés, dans les tuyaux » en raison de offrir un cadre idoine à l’émer-
Européens (surtout des locuteurs sur place, répartis de ces de la culture rastafarienne seul le français à toujours fait l’impact de la médiatisation de gence d’une langue commune à
Français de l’Ouest de façon à peu près égale entre les et pop tend à produire des l’objet d’une transmission verti- la société. Le créole est de plus vocation littéraire (une koïnè),
l’Hexagone), mais aussi au sein iles) relèvent du groupe dit des items identiques dans les deux cale, c’est-à-dire, intergénéra- en plus entendu sur les nom- dont le besoin ne pourra que se
de chacun de ces deux groupes créoles en ka (morphème à iles, à partir d’importations en tionnelle, le créole étant acquis breuses chaines de radio et de faire sentir, compte tenu des
protagonistes qui ne parlaient valeur durative), par opposition provenance de la Caraïbe de façon décalée, au travers télévision. On assiste là à un exigences d’expression éma-
pas toujours des langues ou aux créoles en ap concernant anglophone. d’une transmission horizontale, type de transmission non plus nant de tout contexte scolaire.
des variantes dialectales les créoles d’Haïti et de la par le biais des « groupes de horizontale ou verticale, mais Rêve n’est pas toujours syno-
mutuellement compréhensi- Louisiane. Ces différents créo- Régime sociolinguistique pairs ». Cette transmission à multicanale, opérant sur le nyme d’utopie.
bles. De cela, découle un fait les, quoique très proches, et modèles de transmission partir des groupes de pairs ou mode diffus. Dans le même
langagière 1. Par exemple, en guadeloupéen,
important : le créole est une présentent quelques différen- camarades de la même généra- temps, le créole médiatique,
nous avons : [ban mwen)] (“donne-
langue mixte, née dans un ces (par exemple : nasalisation tion ne peut se faire que dans la fonctionnant en osmose avec le moi”), trait de nasalisation régressive,
contexte d’urgence communi- régressive d’un côté et progres- Le régime sociolinguistique ori- mesure où ces groupes com- français, se francise de jour en mais en martiniquais [ba mwen)], où
cative entre alloglottes et dont sive de l’autre 1, présence ou ginal des Antilles Françaises portent des locuteurs placés en jour. Du coup, le rapport psy- la nasalisation n’est pas régressive.
En martiniquais, nous avons : [fam-
la création est imputable aussi absence du morphème a de est celui de la diglossie. Il faut position sous-ordonnée, c’est- cholinguistique au créole tend lan)] (“la femme”), trait de nasalisation
bien aux esclaves qu’aux possession, alternance a/la ou entendre par ce terme une à-dire ne parlant que le créole. à se modifier, dans le sens d’un progressive, mais en guadeloupéen
colons. non du déterminant défini, situation dans laquelle deux Dans les milieux sous-ordon- affaiblissement. Ces considéra- [fanm-la], où la nasalisation n’est pas
progressive.
Les premiers temps de la colo- lequel est toujours postposé, langues se partagent de nés, le créole est acquis de tions illustrent la notion de
nisation (défrichage, mise en existence ou non d’occlusives manière inégalitaire l’espace façon inter-générationnelle, décréolisation qualitative, le
valeur de terres, premières ten- palatales devant voyelle d’avant d’une même communauté lin- comme langue maternelle, tan- concept de décréolisation
tatives de socialisation entre etc.). Rien cependant qui gêne guistique, l’une en position dis que le français, n’est quantitative concernant la
groupes d’origine diverses) l’intercompréhension immé- dominante, l’autre en position acquis, le cas échéant, qu’au diminution du nombre de locu-
sont marqués, dans des condi- diate entre les locuteurs res- dominée. La langue française, à travers de l’institution scolaire. teurs du créole, phénomène qui
tions de vie encore précaires, pectifs des deux créoles. quelques exceptions d’ordre Avec le développement consi- ne menace pas, loin s’en faut,
par une relative proximité au La Martinique a une homogé- anthropologique près, peut être dérable de l’École, institution les Antilles françaises.
sein de la société d’habitation, néité géolinguistique beaucoup utilisée dans toutes les situa- dans laquelle le français a un
entre maitres et esclaves. À plus marquée que la tions de parole (formelles et rôle monopoliste, une fraction Conclusion
partir de 1685, date de la paru- Guadeloupe, en raison du informelles) tandis que la lan- de plus en pus importante de la
tion du célèbre Code Noir, com- caractère compact de sa géo- gue créole tend à n’être population a été exposée à la La décréolisation (tout comme
mence à émerger une caste de graphie et de la prééminence employée que dans les situa- langue française, tout en gar- le mécanisme de la créolisation
colons enrichie par les succès de la capitale, Fort-de-France. tions informelles. De plus, dant le créole comme langue lui-même) est liée à l’urgence
de la commercialisation du En Guadeloupe, la structure contrairement à la notion de maternelle. Mais l’accélération communicative. Affectant les
Pratiques et attitudes face aux créoles à base française en Guyane
8

Isabelle Léglise,
CNRS-CELIA, Univ. de Tours
liées en particulier à la recher-
che de l’or aux siècles derniers,
ont amené le créole sainte-
exemple les formes des pro-
noms de premières personnes
mo et to) du créole guyanais et
certaines régions – en particu-
lier à Cayenne et sur le littoral -
mais d’autres langues assurent
Les L’enquête a été effectuée auprès de 974
individus nés aux Antilles et résidant
actuellement en métropole, le plus sou-
vent en région parisienne, Cette popula-
tion peut être caractérisée de manière
où les hommes sont beaucoup plus
représentés.

La mixité du couple, là comme pour les


autres langues, joue en défaveur de la
9

Les recensements français de


la population se basant sur des
déclarations de nationalité, et
de lieu de naissance, et non sur
lucien en Guyane. Il est actuel-
lement parlé par moins de 1 %
de la population, essentielle-
ment adulte. Les enfants en âge
en les insérant dans les énoncés
haïtiens. Les enfants scolarisés
se déclarent tous trilingues :
créole haïtien, créole guyanais et
également cette fonction : le
français sur une part de plus en
plus importante du territoire en
raison de la scolarisation, le por-
créoles très générale comme un population très
active et assez jeune (moyenne d’âge 40
ans). Les femmes sont, pour la plupart,
employées dans la fonction publique, et
transmission du créole. Notons encore
que l’enquête, complétée par des entre-
tiens, souligne le rôle symbolique et
fonctionnel de la transmission et de
des déclarations ethniques ou
linguistiques comme c’est le
cas d’autres pays, il est très dif-
ficile d’estimer la répartition lin-
guistique de la population guya-
d’être scolarisés déclarent par-
fois comprendre, mais rarement
parler cette langue, lui préférant
le créole guyanais.
français. Là encore, des enquê-
tes plus précises seraient néces-
saires.

– Résultant de la colonisation
tugais du Brésil le long du fleuve
Oyapock, et des variétés de
créoles à base lexicale anglaise
(nengee ou Eastern Maroon
Creoles et sranan tongo) dans
antillais les hommes, ouvriers. Bon nombre d’en-
tre eux sont venus en France avant l’âge
de 18 ans.

Les premiers résultats :


l’usage du créole pour les familles joli-
ment dites « transatlantiques ». Pour
elles, le lien avec les Antilles se concré-
tisera par de fréquents voyages de
vacances et se manifestera par un très
naise, d’autant que cette
dernière se caractérise, à la dif-
férence des autres DOM, par
une grande diversité « ethni-
– Lors du dernier recensement
(Insee, 1999), 5 % de la popula-
tion vivant sur le territoire guya-
nais étaient nés dans les
française en Guyane et de l’es-
clavage, le créole guyanais est
la seule langue créole à base
française, mentionnée dans le
l’Ouest et le long du fleuve
Maroni (Léglise 2004).

Alors que certains évoquent les


en 83 % d’entre eux déclarent avoir reçu le
créole de leurs parents.
Parmi eux, 60,5 % le pratiquent actuelle-
ment et 53 % l’ont transmis à leurs
fort projet (espoir ?) de retour au pays.

Comme on le voit, cet article pose clai-


rement un certain nombre de questions
que ». Par ailleurs, le manque
d’enquêtes de nature sociolin-
guistique en Guyane a long-
temps rendu les estimations du
Antilles françaises. On sait que
les créoles martiniquais et
guadeloupéen sont parlés en
Guyane, y compris par une par-
rapport Cerquiglini (1999), sus-
ceptible d’être considérée
comme langue régionale de
Guyane. On estime qu’elle est
influences néfastes d’une lan-
gue sur l’autre (« créolismes »
du côté du français, « décréoli-
sation » de l’autre), on préfère
métro- enfants.
Le créole se transmet de façon générale
conjointement avec le français et de
façon plus occasionnelle qu’habituelle.
très intéressantes pour la sociolinguisti-
que. Je mentionnerai la question très
classique du genre ou du rôle des fem-
mes dans la transmission des langues

pole
nombre de locuteurs fort hasar- tie de la communauté antillaise parlée comme « langue mater- parler ici, sur la base d’enregis- Pour plus de la moitié des Antillais en aux enfants, et celle des parlers alternés
deuses, tant pour les vernacu- qui s’y est installée durable- nelle » par 25 à 30 % de la popu- trements dans différentes situa- métropole, la communication dans la en famille, auxquelles j’ajouterai pour
laires que pour les véhiculaires. ment. La question de la trans- lation, mais cette notion est tions, de pratiques plurilingues famille se fait à la fois en créole et en ma part l’émergence de variantes diffé-
Ce manque d’information est mission familiale des variétés problématique. Eu égard aux présentant une palette impor- français. rentes entre le créole des Antilles et le
toutefois en train d’être comblé antillaises de créoles à base développements démographi- tante de possibilités, allant de créole de France, liée à des enjeux
grâce à la réalisation de recher- lexicale française, se pose. Et ques récents, au faible solde l’emprunt isolé au parler bilin- Dans le détail, les chiffres nous appor- socio-économiques et identitaires qui
ches dans différentes villes et des enquêtes familiales seraient des naissances chez les indivi- gue français-créole, en passant tent d’autres indications intéressantes : ne sont pas les mêmes des deux côtés
d’une enquête sociolinguistique nécessaires pour connaitre plus dus nés en Guyane et aux nom- par les alternances codiques ou De façon très remarquable, le taux de de l’Atlantique.
menée en différents points du précisément les pratiques réel- breux apports liés à l’immigra- conversationnelles impliquant transmission reste assez stable et tend
territoire ces cinq dernières les. Lorsque les enfants nés en tion, la communauté créole est, différentes langues. À la diffé- Christine Deprez, même à augmenter entre les personnes
années 1. La pratique des lan- Guyane disent parler un créole, comparativement aux autres, rence d’observations réalisées Univ. de Paris V âgées de 60 ans et plus, et les généra-
gues à l’école, au travail ou c’est généralement d’une en régression numérique (Mam en Martinique et à la Réunion tions suivantes ; ce qui reflète bien,
dans la famille, le rôle et la fonc- variété de créole guyanais qu’il 1996) depuis la départementali- (Prudent, 1981), il ne semble selon l’auteur, une transformation du
tion des langues pour les locu- s’agit. Ils affirment toutefois ne sation. Par ailleurs, une partie pas qu’un interlecte, « le guya- statut du créole allant dans le sens de sa
teurs, tant aux niveaux macro- parler que français dans le des observations antillaises sur nais », soit actuellement pré- revalorisation.
que microsociolinguistique, cadre familial. la diglossie français-créole s’ap- sent en Guyane. À Cayenne, par
sont actuellement mieux plique à la Guyane, notamment exemple, lors d’interactions Compte rendu de l’article de Stéphanie Si le taux de réception du créole pen-
connus même si la recherche – La population d’origine haï- le peu de visibilité du créole – majoritairement en français, il Condon, 2005, « La transmission fami- dant l’enfance est à peu près le même
nécessite quelques années tienne représente, selon les dans les médias, les administra- est assez habituel de noter des liale du créole antillais dans le contexte pour les hommes et pour les femmes
encore pour mieux appréhen- sources, entre 10 et 20 % de la tions, etc. – et la pratique domi- passages nettement délimités métropolitain », in Cécile Lefèvre et (respectivement 81,6 % et 84,2 %), ce
der la réalité linguistique guya- population guyanaise. Le créole nante du français, même dans au créole guyanais, avec des Alexandra Filhon (dir.) Histoires de famil- sont les femmes qui transmettent plus la
naise, dans sa complexité et haïtien est présent en Guyane le cadre familial (March 1996). fonctions particulières (plaisan- les, histoires familiales : les résultats de langue aux enfants (58,6 % contre
dans sa dynamique. depuis plus de 40 ans et Les enfants de parents créolo- terie, commérage, engueula- l’enquête Famille de 1999, Paris, INED, 45,2 % pour les hommes). Il est encore
demeure largement parlé dans la phones déclarent généralement des, insultes…). Un cas différent collection les Cahiers de l’INED, n° 156, plus important pour les femmes qui élè-
Sur la trentaine de langues qui famille, au sein de la « commu- ne parler que le français à leurs est présenté par les échanges pp 547-561. vent seules leurs enfants (62,9 %).
sont en contact en Guyane, on nauté » et dans certains domai- parents, quelle que soit la lan- sur les chantiers du bâtiment,
peut estimer qu’une vingtaine nes professionnels tels que la gue dans laquelle leurs parents où l’on peut noter des « zones L’Enquête Histoire Familiale, liée au der- L’analyse des résultats en fonction des
sont parlées par des groupes de maçonnerie. En revanche, cette s’adressent à eux. Ils considè- interlectales » entre français, nier recensement complet de la popula- catégories sociales et des niveaux de
locuteurs représentant plus de langue pâtit des attitudes négati- rent qu’ils ont acquis le créole, créole guyanais et créole haï- tion en 1999, comportait une question diplômes est difficile à rapporter briève-
1 % de la population. Cinq créo- ves souvent associées aux lan- après le français, dans la rue ou tien dues à l’intercompréhen- sur la Transmission Familiale des ment, tant sont profonds les change-
les à base lexicale française en gues de l’immigration. Haïtien ! dans la cour de récréation. Ils sion relative entre les différents Langues en France, sans distinction ments qui se sont réalisés aux Antilles et
font partie : les créoles guya- ou le jeu de mots haï-chien! sont ne mentionnent que très peu de créoles à base française et préalable entre langue régionale et lan- dans la migration au cours du XXe siècle,
nais, haïtien, martiniquais, gua- des insultes fréquentes dans les pratiques mixtes. entre ces créoles et le français gue d’immigration. Et de fait le créole et contrastées les circonstances de vie
deloupéen et sainte-lucien. cours de récréation. De nom- (Léglise 2005). antillais peut être considéré des deux de chacun. L’auteur note, cependant, le
breux témoignages attestent On sait que le créole guyanais a façons. Si l’enquête accuse une régres- maintien de la pratique du créole entre
1. La plupart de ces travaux ont été
Ainsi, par ordre croissant de d’une « guyanisation » des longtemps joué un rôle véhicu- sion sensible de la transmission pour collègues de travail dans certains éta-
réalisés dans le cadre des programmes
locuteurs : échanges en créole haïtien : en laire important dans les commu- de recherche de l’UFR 8133 CELIA l’ensemble des langues régionales en blissements publics où les femmes sont
prenant les différences syntaxi- nications inter-ethniques. Il et ont été soutenus par la DGLFLF métropole, le créole antillais s’inscrit nombreuses, et au contraire sa baisse
– Des vagues d’immigration, ques les plus saillantes (par continue à jouer ce rôle, dans (cf. Langues et Cités, 3). très largement dans cette tendance. chez les cadres et professions libérales
Pratiques et attitudes face aux créoles à base française en Guyane
8

Isabelle Léglise,
CNRS-CELIA, Univ. de Tours
liées en particulier à la recher-
che de l’or aux siècles derniers,
ont amené le créole sainte-
exemple les formes des pro-
noms de premières personnes
mo et to) du créole guyanais et
certaines régions – en particu-
lier à Cayenne et sur le littoral -
mais d’autres langues assurent
Les L’enquête a été effectuée auprès de 974
individus nés aux Antilles et résidant
actuellement en métropole, le plus sou-
vent en région parisienne, Cette popula-
tion peut être caractérisée de manière
où les hommes sont beaucoup plus
représentés.

La mixité du couple, là comme pour les


autres langues, joue en défaveur de la
9

Les recensements français de


la population se basant sur des
déclarations de nationalité, et
de lieu de naissance, et non sur
lucien en Guyane. Il est actuel-
lement parlé par moins de 1 %
de la population, essentielle-
ment adulte. Les enfants en âge
en les insérant dans les énoncés
haïtiens. Les enfants scolarisés
se déclarent tous trilingues :
créole haïtien, créole guyanais et
également cette fonction : le
français sur une part de plus en
plus importante du territoire en
raison de la scolarisation, le por-
créoles très générale comme un population très
active et assez jeune (moyenne d’âge 40
ans). Les femmes sont, pour la plupart,
employées dans la fonction publique, et
transmission du créole. Notons encore
que l’enquête, complétée par des entre-
tiens, souligne le rôle symbolique et
fonctionnel de la transmission et de
des déclarations ethniques ou
linguistiques comme c’est le
cas d’autres pays, il est très dif-
ficile d’estimer la répartition lin-
guistique de la population guya-
d’être scolarisés déclarent par-
fois comprendre, mais rarement
parler cette langue, lui préférant
le créole guyanais.
français. Là encore, des enquê-
tes plus précises seraient néces-
saires.

– Résultant de la colonisation
tugais du Brésil le long du fleuve
Oyapock, et des variétés de
créoles à base lexicale anglaise
(nengee ou Eastern Maroon
Creoles et sranan tongo) dans
antillais les hommes, ouvriers. Bon nombre d’en-
tre eux sont venus en France avant l’âge
de 18 ans.

Les premiers résultats :


l’usage du créole pour les familles joli-
ment dites « transatlantiques ». Pour
elles, le lien avec les Antilles se concré-
tisera par de fréquents voyages de
vacances et se manifestera par un très
naise, d’autant que cette
dernière se caractérise, à la dif-
férence des autres DOM, par
une grande diversité « ethni-
– Lors du dernier recensement
(Insee, 1999), 5 % de la popula-
tion vivant sur le territoire guya-
nais étaient nés dans les
française en Guyane et de l’es-
clavage, le créole guyanais est
la seule langue créole à base
française, mentionnée dans le
l’Ouest et le long du fleuve
Maroni (Léglise 2004).

Alors que certains évoquent les


en 83 % d’entre eux déclarent avoir reçu le
créole de leurs parents.
Parmi eux, 60,5 % le pratiquent actuelle-
ment et 53 % l’ont transmis à leurs
fort projet (espoir ?) de retour au pays.

Comme on le voit, cet article pose clai-


rement un certain nombre de questions
que ». Par ailleurs, le manque
d’enquêtes de nature sociolin-
guistique en Guyane a long-
temps rendu les estimations du
Antilles françaises. On sait que
les créoles martiniquais et
guadeloupéen sont parlés en
Guyane, y compris par une par-
rapport Cerquiglini (1999), sus-
ceptible d’être considérée
comme langue régionale de
Guyane. On estime qu’elle est
influences néfastes d’une lan-
gue sur l’autre (« créolismes »
du côté du français, « décréoli-
sation » de l’autre), on préfère
métro- enfants.
Le créole se transmet de façon générale
conjointement avec le français et de
façon plus occasionnelle qu’habituelle.
très intéressantes pour la sociolinguisti-
que. Je mentionnerai la question très
classique du genre ou du rôle des fem-
mes dans la transmission des langues

pole
nombre de locuteurs fort hasar- tie de la communauté antillaise parlée comme « langue mater- parler ici, sur la base d’enregis- Pour plus de la moitié des Antillais en aux enfants, et celle des parlers alternés
deuses, tant pour les vernacu- qui s’y est installée durable- nelle » par 25 à 30 % de la popu- trements dans différentes situa- métropole, la communication dans la en famille, auxquelles j’ajouterai pour
laires que pour les véhiculaires. ment. La question de la trans- lation, mais cette notion est tions, de pratiques plurilingues famille se fait à la fois en créole et en ma part l’émergence de variantes diffé-
Ce manque d’information est mission familiale des variétés problématique. Eu égard aux présentant une palette impor- français. rentes entre le créole des Antilles et le
toutefois en train d’être comblé antillaises de créoles à base développements démographi- tante de possibilités, allant de créole de France, liée à des enjeux
grâce à la réalisation de recher- lexicale française, se pose. Et ques récents, au faible solde l’emprunt isolé au parler bilin- Dans le détail, les chiffres nous appor- socio-économiques et identitaires qui
ches dans différentes villes et des enquêtes familiales seraient des naissances chez les indivi- gue français-créole, en passant tent d’autres indications intéressantes : ne sont pas les mêmes des deux côtés
d’une enquête sociolinguistique nécessaires pour connaitre plus dus nés en Guyane et aux nom- par les alternances codiques ou De façon très remarquable, le taux de de l’Atlantique.
menée en différents points du précisément les pratiques réel- breux apports liés à l’immigra- conversationnelles impliquant transmission reste assez stable et tend
territoire ces cinq dernières les. Lorsque les enfants nés en tion, la communauté créole est, différentes langues. À la diffé- Christine Deprez, même à augmenter entre les personnes
années 1. La pratique des lan- Guyane disent parler un créole, comparativement aux autres, rence d’observations réalisées Univ. de Paris V âgées de 60 ans et plus, et les généra-
gues à l’école, au travail ou c’est généralement d’une en régression numérique (Mam en Martinique et à la Réunion tions suivantes ; ce qui reflète bien,
dans la famille, le rôle et la fonc- variété de créole guyanais qu’il 1996) depuis la départementali- (Prudent, 1981), il ne semble selon l’auteur, une transformation du
tion des langues pour les locu- s’agit. Ils affirment toutefois ne sation. Par ailleurs, une partie pas qu’un interlecte, « le guya- statut du créole allant dans le sens de sa
teurs, tant aux niveaux macro- parler que français dans le des observations antillaises sur nais », soit actuellement pré- revalorisation.
que microsociolinguistique, cadre familial. la diglossie français-créole s’ap- sent en Guyane. À Cayenne, par
sont actuellement mieux plique à la Guyane, notamment exemple, lors d’interactions Compte rendu de l’article de Stéphanie Si le taux de réception du créole pen-
connus même si la recherche – La population d’origine haï- le peu de visibilité du créole – majoritairement en français, il Condon, 2005, « La transmission fami- dant l’enfance est à peu près le même
nécessite quelques années tienne représente, selon les dans les médias, les administra- est assez habituel de noter des liale du créole antillais dans le contexte pour les hommes et pour les femmes
encore pour mieux appréhen- sources, entre 10 et 20 % de la tions, etc. – et la pratique domi- passages nettement délimités métropolitain », in Cécile Lefèvre et (respectivement 81,6 % et 84,2 %), ce
der la réalité linguistique guya- population guyanaise. Le créole nante du français, même dans au créole guyanais, avec des Alexandra Filhon (dir.) Histoires de famil- sont les femmes qui transmettent plus la
naise, dans sa complexité et haïtien est présent en Guyane le cadre familial (March 1996). fonctions particulières (plaisan- les, histoires familiales : les résultats de langue aux enfants (58,6 % contre
dans sa dynamique. depuis plus de 40 ans et Les enfants de parents créolo- terie, commérage, engueula- l’enquête Famille de 1999, Paris, INED, 45,2 % pour les hommes). Il est encore
demeure largement parlé dans la phones déclarent généralement des, insultes…). Un cas différent collection les Cahiers de l’INED, n° 156, plus important pour les femmes qui élè-
Sur la trentaine de langues qui famille, au sein de la « commu- ne parler que le français à leurs est présenté par les échanges pp 547-561. vent seules leurs enfants (62,9 %).
sont en contact en Guyane, on nauté » et dans certains domai- parents, quelle que soit la lan- sur les chantiers du bâtiment,
peut estimer qu’une vingtaine nes professionnels tels que la gue dans laquelle leurs parents où l’on peut noter des « zones L’Enquête Histoire Familiale, liée au der- L’analyse des résultats en fonction des
sont parlées par des groupes de maçonnerie. En revanche, cette s’adressent à eux. Ils considè- interlectales » entre français, nier recensement complet de la popula- catégories sociales et des niveaux de
locuteurs représentant plus de langue pâtit des attitudes négati- rent qu’ils ont acquis le créole, créole guyanais et créole haï- tion en 1999, comportait une question diplômes est difficile à rapporter briève-
1 % de la population. Cinq créo- ves souvent associées aux lan- après le français, dans la rue ou tien dues à l’intercompréhen- sur la Transmission Familiale des ment, tant sont profonds les change-
les à base lexicale française en gues de l’immigration. Haïtien ! dans la cour de récréation. Ils sion relative entre les différents Langues en France, sans distinction ments qui se sont réalisés aux Antilles et
font partie : les créoles guya- ou le jeu de mots haï-chien! sont ne mentionnent que très peu de créoles à base française et préalable entre langue régionale et lan- dans la migration au cours du XXe siècle,
nais, haïtien, martiniquais, gua- des insultes fréquentes dans les pratiques mixtes. entre ces créoles et le français gue d’immigration. Et de fait le créole et contrastées les circonstances de vie
deloupéen et sainte-lucien. cours de récréation. De nom- (Léglise 2005). antillais peut être considéré des deux de chacun. L’auteur note, cependant, le
breux témoignages attestent On sait que le créole guyanais a façons. Si l’enquête accuse une régres- maintien de la pratique du créole entre
1. La plupart de ces travaux ont été
Ainsi, par ordre croissant de d’une « guyanisation » des longtemps joué un rôle véhicu- sion sensible de la transmission pour collègues de travail dans certains éta-
réalisés dans le cadre des programmes
locuteurs : échanges en créole haïtien : en laire important dans les commu- de recherche de l’UFR 8133 CELIA l’ensemble des langues régionales en blissements publics où les femmes sont
prenant les différences syntaxi- nications inter-ethniques. Il et ont été soutenus par la DGLFLF métropole, le créole antillais s’inscrit nombreuses, et au contraire sa baisse
– Des vagues d’immigration, ques les plus saillantes (par continue à jouer ce rôle, dans (cf. Langues et Cités, 3). très largement dans cette tendance. chez les cadres et professions libérales
10 « La famille et les autres lieux de transmission / élaboration Écrire le créole réunionnais, pour quoi
faire ? Voilà la question préliminaire fon-
grande facilité de lecture et d’écriture
(apprentissage d’une seule manière
2001 qui tente un certain nombre d’ou-
vertures, et propose un certain nombre
11

de pratiques, de normes et d’attitudes langagières damentale, qui se pose avant d’essayer


de savoir comment on doit l’écrire.
d’encoder et de décoder), s’ajoute donc
une autre, et de poids : l’enseignement
de tolérances. Laquelle, entre toutes,
d’ailleurs, faut-il choisir ? L’une d’entre

à la Réunion » Louis Héry, auteur de fables en créole de notre langue et culture régionales. elles possède-t-elle toutes les qualités
inspirées de La Fontaine, donne, dès Or, jusqu’à nos jours, mis à part les exi- requises pour nous permettre une
1828 une réponse plus que recevable à gences de certains éditeurs, le choix de bonne écriture ?
Claudine Bavoux, des familles réunionnaises, on peut lué sur la question du créole que sur cette question : la création littéraire. l’écriture du créole réunionnais a Mais quelles sont les propriétés que
Lambert Félix Prudent, considérer que dans 30 % d’entre elles, celle du mélange, deux thèmes en débat Cette même réponse est, depuis, dépendu du scripteur. Le petit message devrait posséder le système graphique
Sylvie Wharton, la langue familiale est le français ou le dans la société réunionnaise. La ten- reprise par un nombre croissant d’au- sur le bout de l’enveloppe usagée, le idéal ?
LCF - UMR 8143 du CNRS français + le créole. Cependant les dance favorable à une reconnaissance teurs. À la littérature s’ajoutent les titres recueil de poèmes, les textes de ses 1. Être accepté par tous ;
Université de La Réunion mesures officielles prises depuis peu en du créole s’est accrue chez les jeunes, d’articles, les publicités sur les pan- propres chansons, la saynète, les souve- 2. respecter la langue, sa grammaire,
faveur d’une meilleure reconnaissance alors que la question de la reconnais- neaux ou dans les journaux. nirs d’enfance, la pièce de théâtre sont ses sons distinctifs ;
Que transmet-on aux enfants réunion- de la langue créole (création d’un sance du mélange reste ouverte. Par ses Récemment, un fait nouveau est écrits soit en graphie comme-ça-vient 3. respecter les mécanismes de lecture ;
nais en matière de langage, en dehors CAPES de créole, enseignement bilin- résultats, cette enquête justifie les apparu : l’enseignement du créole au qui s’inspire largement du français, puis- 4. être simple à l’écriture, facile à la lec-
des moments scolaires d’apprentis- gue possible dans les écoles élémentai- investigations ultérieures auprès des primaire et au secondaire. Aux raisons que tout le monde est passé par l’école ture ;
sage ? C’est la question qui a rassemblé res s’il y a une demande des parents…), jeunes : on a raison d’aller chercher des que nous avions déjà d’espérer l’unité française, soit en phonético-phonologi- 5. Il serait aussi intéressant que ce sys-
l’équipe de linguistes et sociolinguistes sont susceptibles, à terme, de modifier signes d’émergence d’une nouvelle graphique : le changement de représen- que hyper rigoriste, soit en mélangeant tème raconte l’histoire de la langue.
du LCF-UMR 8143 du CNRS autour les représentations des familles et des norme chez les jeunes générations. tation de notre langue créole, la plus un peu tout, soit enfin dans la graphie Cette vision étymologisante de l’ortho-
d’une recherche en réponse à l’appel à jeunes et de modifier leurs comporte- Le second volet de la recherche (co-
propositions de la DGLFLF sur le thème ments linguistiques. resp. L. F. Prudent & S. Wharton) traite
de la transmission des langues et des Le premier volet de notre enquête (resp. de la transmission linguistique en milieu
normes. C.Bavoux) s’intéresse aux phénomènes scolaire, mais en dehors des séquences

Écrire le créole réunionnais,


Les observations se sont déroulées de choix de langue(s) à transmettre et didactiques : comment parle-t-on aux
selon deux volets distincts (dans des de stratégies familiales de passage élèves ? Que leur transmet-on, et com-
familles, mais aussi sur le terrain sco- d’une langue à l’autre. Elle s’intéresse ment ? Comment se règlent les échan-
laire), et les analyses se sont notam- aussi à l’attitude des jeunes face à la ges entre eux ?

les indispensables compromis


ment appuyées sur les travaux anté- politique linguistique de leur famille - Le système éducatif réunionnais relève
rieurs menés dans notre laboratoire attitude d’adhésion ou de rejet - et au de la politique éducative française, et à
depuis de nombreuses années sur les profil qui découle de cette attitude. Les ce titre a pour mission d’assurer la mai-
phénomènes liés au contact des lan- données recueillies par questionnaires trise de la langue française. Pendant
gues, travaux qui définissent le patri- et entretiens permettent de confronter longtemps, pour les acteurs éducatifs,
moine linguistique d’un locuteur comme discours épilinguistiques, comporte- cet objectif semblait incompatible avec Axel Gauvin, écrivain
un ensemble indissociable d’habitus lin- ment et pratiques linguistiques. Elles la pratique de la langue vernaculaire des
guistiques, de normes et d’attitudes épi- permettent de dégager des tendances, enfants. Le créole était interdit à l’école.
linguistiques. mais ces directions restent à vérifier sur Aujourd’hui, la diglossie français/créole
Dans ce territoire ultra-marin caracté- des échantillons représentatifs et à croi- se détend, et les pratiques se diversi- graphe est d’autant moins criminelle cette homographie grâce à un choix « gu » devant « e » ou « i » ? le « e » muet ?
risé par la co-présence du créole réu- ser avec des variables pertinentes fient au sein même des établissements. pour l’écriture de notre créole, qu’on judicieux de variantes, il en reste malgré les deux « s » intervocaliques ? Pour faire
nionnais et du français, mais aussi par (sociologiques, niveau scolaire de l’en- Depuis 2001, les créoles sont intégrés s’inscrit, le faisant, dans une tradition tout trop. Comment la diminuer encore, davantage créole ? Mais à quoi sert
l’émergence de pratiques interlectales, fant…) officiellement dans la liste des langues presque trois fois centenaire. Chacun sinon par l’utilisation convenablement d’écrire le créole si nous faisons tout ce
l’INSEE a posé à deux reprises, en 1997 Pour la majorité des parents comme des régionales bénéficiant de la loi sait, cela dit, que l’orthographe du cas- dosée de graphies historiques : la Bible, que nous pouvons pour réduire notre
et en 2000, aux mères réunionnaises, la enfants, la pratique du créole à la mai- Deixonne. Mais le créole est présent à tillan, du breton, de l’allemand, etc. le livre sacré des chrétiens, ne peut lectorat ?
question de la transmission du créole de son ne constitue pas un handicap pour tous les niveaux de la scolarité, dans les transcrivent de près les sons distinctifs s’écrire comme bib, l’araignée des mai- Il est évident que nos propositions com-
mères à enfants. En 97,84 % des fem- la scolarité. Mais les enfants se mon- interactions entre pairs, et même entre de ces langues, et qu’une graphie trans- sons. Comment distinguer, de la façon plexifient, dans une certaine mesure,
mes interrogées répondaient que leurs trent encore plus confiants que leurs enseignants/enseignés. C’est ce parente présente d’énormes avantages. la moins artificielle possible, la négation l’écriture. Il faudra réfléchir pour écrire,
parents leur avaient transmis le créole ; parents. qu’avaient déjà montré les observations non du substantif nom sinon par leur ori- mais si l’écriture ne doit pas être l’affaire
en 2000, 69 % seulement des femmes En revanche, la question du « mélange » en lycées professionnels que nous Certaines des propriétés que nous gine française ? Comprenons-nous bien : des lettrés, elle ne peut être celle des…
interrogées déclaraient transmettre le reste en débat et les réponses semblent avons effectuées lors du programme avons citées plus haut, sont contradic- le but n’est pas de se livrer à l’étymolo- illettrés. Sans des compromis entre
créole à leurs enfants. avoir peu évolué. Les représentations se 2000 de la DGLFLF, qui ont attesté une toires : la facilitation de la lecture se gie, mais de faire une graphie du créole habitudes de lecture en français et
Des recherches universitaires ont per- sont moins assouplies sur cette ques- forte présence du créole dans les prati- paye à l’écriture. Aller vers l’écriture la réunionnais qui soit fonctionnelle. Un allure propre des mots créoles réunion-
mis de préciser le profil de ces mères en tion que sur celle du créole. ques langagières de jeunes, dans cer- plus simple ? C’est l’erreur de base que apport « historique » aurait aussi l’avan- nais, entre facilités de lecture et facilités
montrant qu’elles appartenaient aux Enfin, parents comme enfants tolèrent tains établissements. Nos dernières nous avons commise : l’unique trans- tage de rendre l’écriture à base phono- d’écriture, entre phonologie et étymolo-
classes moyennes, particulièrement difficilement l’utilisation d’un registre observations corroborent ce résultat : il cription des sons suffit pour écrire cer- logique plus acceptable par les tenants gie, entre l’idée que chacun de nous se
mobiles dans le contexte de la post- relâché du français, ce qui permet y a chevauchement des normes « situa- taines langues, elle n’est pas complète- de « l’étymologie ». fait de l’écriture du créole et l’acceptabi-
départementalisation de l’ile. Une majo- d’avancer l’hypothèse selon laquelle la tionnelle » et « institutionnelle ». Le créole ment possible pour le créole Dans notre réflexion sur l’écriture du lité par l’ensemble des lecteurs et scrip-
rité des femmes qui travaillent parlent norme transmise concernant le français et/ou des formes interlectales apparais- réunionnais dans lequel un nombre créole réunionnais, il nous faudra tenir teurs potentiels, l’extension de l’écriture
encore créole avec leurs enfants, mais est plutôt empreinte de purisme, en tout sent là où l’institution pense ne voir que important d’homophones existent. compte du contexte scolaire dont l’en- et surtout de la lecture du créole réu-
elles parlent déjà deux fois plus souvent cas plus que celle concernant le créole. du français scolaire, y compris chez cer- Cette solution conduit à un nombre seignement du français, et en français, nionnais sera fortement hypothéquée,
le français que les femmes inactives. Finalement, la tendance qui se dégage, tains enseignants eux-mêmes. Car c’est aussi élevé de mots s’écrivant de la fait partie. Dans ce cadre, pourquoi ne de même l’enseignement de notre
Autrement dit, si le créole est la langue c’est que les représentations et les atti- bien ainsi que fonctionne le « macrosys- même manière et à de véritables diffi- pas accepter du français ses solutions créole, et au bout l’avenir même de la
de communication privilégiée dans 70 % tudes auraient apparemment plus évo- tème » réunionnais. cultés de lecture. Et si l’on peut réduire graphiques régulières ? Pourquoi jeter le langue.
10 « La famille et les autres lieux de transmission / élaboration Écrire le créole réunionnais, pour quoi
faire ? Voilà la question préliminaire fon-
grande facilité de lecture et d’écriture
(apprentissage d’une seule manière
2001 qui tente un certain nombre d’ou-
vertures, et propose un certain nombre
11

de pratiques, de normes et d’attitudes langagières damentale, qui se pose avant d’essayer


de savoir comment on doit l’écrire.
d’encoder et de décoder), s’ajoute donc
une autre, et de poids : l’enseignement
de tolérances. Laquelle, entre toutes,
d’ailleurs, faut-il choisir ? L’une d’entre

à la Réunion » Louis Héry, auteur de fables en créole de notre langue et culture régionales. elles possède-t-elle toutes les qualités
inspirées de La Fontaine, donne, dès Or, jusqu’à nos jours, mis à part les exi- requises pour nous permettre une
1828 une réponse plus que recevable à gences de certains éditeurs, le choix de bonne écriture ?
Claudine Bavoux, des familles réunionnaises, on peut lué sur la question du créole que sur cette question : la création littéraire. l’écriture du créole réunionnais a Mais quelles sont les propriétés que
Lambert Félix Prudent, considérer que dans 30 % d’entre elles, celle du mélange, deux thèmes en débat Cette même réponse est, depuis, dépendu du scripteur. Le petit message devrait posséder le système graphique
Sylvie Wharton, la langue familiale est le français ou le dans la société réunionnaise. La ten- reprise par un nombre croissant d’au- sur le bout de l’enveloppe usagée, le idéal ?
LCF - UMR 8143 du CNRS français + le créole. Cependant les dance favorable à une reconnaissance teurs. À la littérature s’ajoutent les titres recueil de poèmes, les textes de ses 1. Être accepté par tous ;
Université de La Réunion mesures officielles prises depuis peu en du créole s’est accrue chez les jeunes, d’articles, les publicités sur les pan- propres chansons, la saynète, les souve- 2. respecter la langue, sa grammaire,
faveur d’une meilleure reconnaissance alors que la question de la reconnais- neaux ou dans les journaux. nirs d’enfance, la pièce de théâtre sont ses sons distinctifs ;
Que transmet-on aux enfants réunion- de la langue créole (création d’un sance du mélange reste ouverte. Par ses Récemment, un fait nouveau est écrits soit en graphie comme-ça-vient 3. respecter les mécanismes de lecture ;
nais en matière de langage, en dehors CAPES de créole, enseignement bilin- résultats, cette enquête justifie les apparu : l’enseignement du créole au qui s’inspire largement du français, puis- 4. être simple à l’écriture, facile à la lec-
des moments scolaires d’apprentis- gue possible dans les écoles élémentai- investigations ultérieures auprès des primaire et au secondaire. Aux raisons que tout le monde est passé par l’école ture ;
sage ? C’est la question qui a rassemblé res s’il y a une demande des parents…), jeunes : on a raison d’aller chercher des que nous avions déjà d’espérer l’unité française, soit en phonético-phonologi- 5. Il serait aussi intéressant que ce sys-
l’équipe de linguistes et sociolinguistes sont susceptibles, à terme, de modifier signes d’émergence d’une nouvelle graphique : le changement de représen- que hyper rigoriste, soit en mélangeant tème raconte l’histoire de la langue.
du LCF-UMR 8143 du CNRS autour les représentations des familles et des norme chez les jeunes générations. tation de notre langue créole, la plus un peu tout, soit enfin dans la graphie Cette vision étymologisante de l’ortho-
d’une recherche en réponse à l’appel à jeunes et de modifier leurs comporte- Le second volet de la recherche (co-
propositions de la DGLFLF sur le thème ments linguistiques. resp. L. F. Prudent & S. Wharton) traite
de la transmission des langues et des Le premier volet de notre enquête (resp. de la transmission linguistique en milieu
normes. C.Bavoux) s’intéresse aux phénomènes scolaire, mais en dehors des séquences

Écrire le créole réunionnais,


Les observations se sont déroulées de choix de langue(s) à transmettre et didactiques : comment parle-t-on aux
selon deux volets distincts (dans des de stratégies familiales de passage élèves ? Que leur transmet-on, et com-
familles, mais aussi sur le terrain sco- d’une langue à l’autre. Elle s’intéresse ment ? Comment se règlent les échan-
laire), et les analyses se sont notam- aussi à l’attitude des jeunes face à la ges entre eux ?

les indispensables compromis


ment appuyées sur les travaux anté- politique linguistique de leur famille - Le système éducatif réunionnais relève
rieurs menés dans notre laboratoire attitude d’adhésion ou de rejet - et au de la politique éducative française, et à
depuis de nombreuses années sur les profil qui découle de cette attitude. Les ce titre a pour mission d’assurer la mai-
phénomènes liés au contact des lan- données recueillies par questionnaires trise de la langue française. Pendant
gues, travaux qui définissent le patri- et entretiens permettent de confronter longtemps, pour les acteurs éducatifs,
moine linguistique d’un locuteur comme discours épilinguistiques, comporte- cet objectif semblait incompatible avec Axel Gauvin, écrivain
un ensemble indissociable d’habitus lin- ment et pratiques linguistiques. Elles la pratique de la langue vernaculaire des
guistiques, de normes et d’attitudes épi- permettent de dégager des tendances, enfants. Le créole était interdit à l’école.
linguistiques. mais ces directions restent à vérifier sur Aujourd’hui, la diglossie français/créole
Dans ce territoire ultra-marin caracté- des échantillons représentatifs et à croi- se détend, et les pratiques se diversi- graphe est d’autant moins criminelle cette homographie grâce à un choix « gu » devant « e » ou « i » ? le « e » muet ?
risé par la co-présence du créole réu- ser avec des variables pertinentes fient au sein même des établissements. pour l’écriture de notre créole, qu’on judicieux de variantes, il en reste malgré les deux « s » intervocaliques ? Pour faire
nionnais et du français, mais aussi par (sociologiques, niveau scolaire de l’en- Depuis 2001, les créoles sont intégrés s’inscrit, le faisant, dans une tradition tout trop. Comment la diminuer encore, davantage créole ? Mais à quoi sert
l’émergence de pratiques interlectales, fant…) officiellement dans la liste des langues presque trois fois centenaire. Chacun sinon par l’utilisation convenablement d’écrire le créole si nous faisons tout ce
l’INSEE a posé à deux reprises, en 1997 Pour la majorité des parents comme des régionales bénéficiant de la loi sait, cela dit, que l’orthographe du cas- dosée de graphies historiques : la Bible, que nous pouvons pour réduire notre
et en 2000, aux mères réunionnaises, la enfants, la pratique du créole à la mai- Deixonne. Mais le créole est présent à tillan, du breton, de l’allemand, etc. le livre sacré des chrétiens, ne peut lectorat ?
question de la transmission du créole de son ne constitue pas un handicap pour tous les niveaux de la scolarité, dans les transcrivent de près les sons distinctifs s’écrire comme bib, l’araignée des mai- Il est évident que nos propositions com-
mères à enfants. En 97,84 % des fem- la scolarité. Mais les enfants se mon- interactions entre pairs, et même entre de ces langues, et qu’une graphie trans- sons. Comment distinguer, de la façon plexifient, dans une certaine mesure,
mes interrogées répondaient que leurs trent encore plus confiants que leurs enseignants/enseignés. C’est ce parente présente d’énormes avantages. la moins artificielle possible, la négation l’écriture. Il faudra réfléchir pour écrire,
parents leur avaient transmis le créole ; parents. qu’avaient déjà montré les observations non du substantif nom sinon par leur ori- mais si l’écriture ne doit pas être l’affaire
en 2000, 69 % seulement des femmes En revanche, la question du « mélange » en lycées professionnels que nous Certaines des propriétés que nous gine française ? Comprenons-nous bien : des lettrés, elle ne peut être celle des…
interrogées déclaraient transmettre le reste en débat et les réponses semblent avons effectuées lors du programme avons citées plus haut, sont contradic- le but n’est pas de se livrer à l’étymolo- illettrés. Sans des compromis entre
créole à leurs enfants. avoir peu évolué. Les représentations se 2000 de la DGLFLF, qui ont attesté une toires : la facilitation de la lecture se gie, mais de faire une graphie du créole habitudes de lecture en français et
Des recherches universitaires ont per- sont moins assouplies sur cette ques- forte présence du créole dans les prati- paye à l’écriture. Aller vers l’écriture la réunionnais qui soit fonctionnelle. Un allure propre des mots créoles réunion-
mis de préciser le profil de ces mères en tion que sur celle du créole. ques langagières de jeunes, dans cer- plus simple ? C’est l’erreur de base que apport « historique » aurait aussi l’avan- nais, entre facilités de lecture et facilités
montrant qu’elles appartenaient aux Enfin, parents comme enfants tolèrent tains établissements. Nos dernières nous avons commise : l’unique trans- tage de rendre l’écriture à base phono- d’écriture, entre phonologie et étymolo-
classes moyennes, particulièrement difficilement l’utilisation d’un registre observations corroborent ce résultat : il cription des sons suffit pour écrire cer- logique plus acceptable par les tenants gie, entre l’idée que chacun de nous se
mobiles dans le contexte de la post- relâché du français, ce qui permet y a chevauchement des normes « situa- taines langues, elle n’est pas complète- de « l’étymologie ». fait de l’écriture du créole et l’acceptabi-
départementalisation de l’ile. Une majo- d’avancer l’hypothèse selon laquelle la tionnelle » et « institutionnelle ». Le créole ment possible pour le créole Dans notre réflexion sur l’écriture du lité par l’ensemble des lecteurs et scrip-
rité des femmes qui travaillent parlent norme transmise concernant le français et/ou des formes interlectales apparais- réunionnais dans lequel un nombre créole réunionnais, il nous faudra tenir teurs potentiels, l’extension de l’écriture
encore créole avec leurs enfants, mais est plutôt empreinte de purisme, en tout sent là où l’institution pense ne voir que important d’homophones existent. compte du contexte scolaire dont l’en- et surtout de la lecture du créole réu-
elles parlent déjà deux fois plus souvent cas plus que celle concernant le créole. du français scolaire, y compris chez cer- Cette solution conduit à un nombre seignement du français, et en français, nionnais sera fortement hypothéquée,
le français que les femmes inactives. Finalement, la tendance qui se dégage, tains enseignants eux-mêmes. Car c’est aussi élevé de mots s’écrivant de la fait partie. Dans ce cadre, pourquoi ne de même l’enseignement de notre
Autrement dit, si le créole est la langue c’est que les représentations et les atti- bien ainsi que fonctionne le « macrosys- même manière et à de véritables diffi- pas accepter du français ses solutions créole, et au bout l’avenir même de la
de communication privilégiée dans 70 % tudes auraient apparemment plus évo- tème » réunionnais. cultés de lecture. Et si l’on peut réduire graphiques régulières ? Pourquoi jeter le langue.
Créoles et français : coexistence pacifique
12
HAÏTI : vant des conversations diverses entre
locuteurs scolarisés, ce phénomène se
traduit par des interférences du français
L’espagnol, langue de plusieurs États de
la région, dont la République domini-
caine, se manifeste en Haïti de diverses Robert Chaudenson, quelques États africains, même si les créoles français ne
13

UN PAYS, dans le créole : prononciation, traduc-


tion maladroite, superposition d’élé-
ments syntaxiques. On parle alors de
façons. Non seulement il circule à la
frontière haitiano-dominicaine, à travers
de multiples échanges frontaliers 1 ;
Université de Provence comme au Mali ou au Burkina-
Faso, on a tenté de mettre en
place des enseignement bilin-
sont aucunement des variétés
de français et s’ils constituent
des systèmes linguistiques tout

QUATRE « créole francisé ». Ce fait s’explique en


grande partie par les survivances des
préjugés cultivés depuis toujours à l’en-
mais en outre, il facilite d’autres échan-
ges, y compris commerciaux, entre cer-
tains acteurs économiques d’Haïti et
Même si on ne le sait guère et
si on le dit moins encore, les
créoles français des DOM sont
gues, en faisant appel, en début
des scolarisation, aux langues
africaines et en introduisant
à fait autonomes par rapport au
français, l’essentiel des maté-
riaux linguistiques qu’ils met-

LANGUES ? contre du créole et la non-maitrise du


français par les utilisateurs.
leurs homologues dominicains ou latino-
américains (Panama et Porto Rico, par
exemple). Le long de la frontière haï-
les langues régionales de
France les plus importantes,
tant par le nombre de locuteurs
progressivement le français,
selon des stratégies souvent
qualifiées de « pédagogie
tent en œuvre, aux plans pho-
nétique, lexical et grammatical,
proviennent du français.
Ce phénomène est souvent mis en évi- tiano-dominicaine, existent de nom- (près de deux millions en comp- convergente ». Il s’agit bien plu- On peut tirer de ce constat
Fritz Berg Jeannot, dence en raison de ses effets négatifs breux Haïtiens bilingues créole-espa- tant les « Domiens » de métro- tôt de pédagogie « parallèles », deux observations, l’une géné-
Spécialiste en Politiques linguistiques sur l’acquisition du français et sur la gnol. À l’intérieur du pays, on peut en pole) que par leur usage (lan- avec substitution progressive rale, l’autre particulière. La pre-
et éducatives, communication quotidienne en général. trouver également, pas forcément dans gues premières et/ou d’usage du français à l’autre langue, mière, générale, est qu’il doit
coordonnateur pédagogique au Collège Lorsque se produisent ces interférences la même proportion. De plus, avec la quotidien courant pour l’im- mais, depuis Euclide, on définit être plus facile d’enseigner le
Saint Martial, Haïti de façon systématique, il en résulte des récente attraction exercée par les uni- mense majorité des locuteurs). précisément deux droites français à des enfants dont la
difficultés de compréhension entre versités dominicaines sur certains On a beaucoup parlé de la créa- parallèles par le fait qu’elles ne langue première est un créole
Dans la région Caraïbes-Amériques, interlocuteurs créolophones ; le sens se bacheliers haïtiens en quête de forma- tion du CAPES créole (en convergent jamais. français qu’à des élèves qui
Haïti a hérité d’une situation sociolin- perd. En contexte d’apprentissage, l’en- tions de qualité, l’espagnol est en fait 2000), sans prendre garde à la Inadapté aux contextes dans parlent n’importe quelle autre

ou pédagogie convergente ?
guistique bien particulière, voire para- seignant se voit alors obligé de permet- appelé à devenir la langue seconde de singularité de ce singulier lesquels on cherche à le mettre langue, puisqu’une partie des
doxale : le seul État francophone et le tre à l’apprenant de distinguer deux sys- nombreux jeunes Haïtiens, aux dépens (« créole » et non « créoles »), en œuvre, le concept de péda- matériaux linguistiques mis en
plus vaste espace créolophone d’une tèmes linguistiques coexistants et du français. Seules les tensions perma- alors qu’il s’agit, au moins pour gogie convergente pourrait, au œuvre dans le français leur
région principalement anglophone et concurrents, le créole et le français. La nentes entre Haïti et la République les deux zones (Caraïbe et contraire, se révéler particuliè- sont déjà connus à travers leur
hispanophone. Pendant plus de 180 tâche de l’enseignant peut s’avérer dominicaine peuvent, sinon freiner, du océan Indien), de langues diffé- rement intéressant dans les propre langue, même si celles-
ans, ce pays a en effet vécu sous un alors bien compliquée (Fattier, 1987). moins réduire ce mouvement. rentes et que deux créolopho- contextes où sont en usage à la ci sont différentes du français.
régime linguistique dual marqué par le nes unilingues guadeloupéen et fois des langues créoles et les Chacun sait que les Hollandais
maintien du français comme langue de Par ailleurs, du fait de la situation géo- Face à ces mutations de la société haï- réunionnais ne se comprennent langues européennes dont sont ou les Allemands, locuteurs de
l’État et l’infériorisation du créole, lan- graphique d’Haïti (voisinage des États- tienne en matière linguistique, il est bien pas. issus ces créoles, les secondes langues germaniques apparen-
gue parlée par toute la population haï- Unis, d’iles anglophones et de pays nécessaire et urgent de revoir la politi- Le problème essentiel se situe, étant utilisées comme médium tées à l’anglais, apprennent
tienne. De fait, le pays est divisé entre latino-américains dont la République que scolaire des langues afin de permet- de toute façon, ailleurs et le éducatif. C’est le cas des DOM plus facilement cette dernière
une minorité de bilingues franco-créolo- dominicaine, avec laquelle elle partage tre à Haïti de mieux vivre (avec) ses/ces CAPES n’y joue aucun rôle puis- français (pour les créoles fran- langue que les Français ou les
phones (soit 5 % à 10 %) et une majorité l’ile) et de l’intensité de son émigration quatre langues. En fait, il importe de pro- que ce concours de recrute- çais et le français), mais aussi Italiens. La seconde remarque,
d’unilingues créolophones, l’officialisa- principalement en direction de ces deux téger les droits linguistiques de la popu- ment concerne l’enseignement celui d’États comme la particulière, est que la pédago-
tion juridique du français remontant à la pays voisins, deux autres langues lation haïtienne. Cette protection secondaire (les collèges et les République du Cap-vert ou la gie à mettre en œuvre dans les
Constitution de 1918. côtoient les deux premièrement évo- consiste à la fois en la révision et la lycées), alors que, dans les sys- Guinée Bissau (pour des créo- DOM n’est sûrement pas celle
quées : l’anglais (Théodat 2004) et l’es- généralisation du bilinguisme créole- tèmes éducatifs des DOM, tout les portugais et le portugais). qui consiste à enseigner direc-
La décennie 1980 marque un tournant pagnol (Fattier 19878). En plus d’être les français, défini dans les instructions se joue en amont, dès le pri- La différence majeure entre les tement en français comme à
dans l’évolution de cette situation socio- seules langues étrangères inscrites aux officielles de l’école haïtienne : élargir la maire. En dépit des immenses situations où l’on tente de met- des enfants francophones
linguistique : l’introduction du créole à programmes scolaires du pays, ces deux base sociale de la francophonie haï- efforts financiers accomplis tre en œuvre une pédagogie natifs. On constate l’échec de
l’école (1979) ; la libération de la parole et langues, quoiqu’à des degrés divers, tienne, créer un environnement sociolin- depuis un demi-siècle dans ces convergente d’une langue afri- cette démarche, au moins sur
du discours en créole à la chute de la dic- exercent de plus en plus de pressions guistique susceptible de faire évoluer les départements en faveur de caine et du français (comme au le plan statistique. En revanche,
tature des Duvalier (1986) et la consécra- sur l’univers linguistique haïtien. mentalités à l’égard de ces deux langues l’éducation, les résultats Mali par exemple) et celles où il est parfaitement possible
tion juridique du créole par la séculaires du pays. Parallèlement, une demeurent médiocres et les l’on userait d’une pédagogie d’élaborer une pédagogie, réel-
Constitution de 1987. Désormais, sans L’anglais, véhiculaire internationale par politique plus ambitieuse et plus cohé- taux d’échec scolaire élevés. convergente des créoles fran- lement convergente ici, qui
être totalement affranchi des préjugés excellence et langue du puissant voisin, rente en faveur de l’anglais et de l’espa- Le problème est d’une grande çais et du français apparait prenne appui, en particulier,
véhiculés à son encontre, le créole jouit attire désormais de nombreux jeunes gnol doit être pensée, adoptée et géné- simplicité. Peut-on raisonnable- aussitôt à travers la dénomina- dans les premiers stades de
d’une grande reconnaissance en gagnant issus en priorité des différentes couches ralisée. Une coopération éducative avec ment, dès le départ, scolariser tion même de créoles « fran- l’apprentissage, sur les élé-
des espaces où jadis il était banni : sociales favorisées et s’impose au quoti- les États locuteurs de ces deux langues en français des enfants qui ont çais ». Gardons l’exemple ments COMMUNS au français
l’école, les lieux de cultes, les médias, en dien par la masse des produits, importés s’avère donc indispensable. Néanmoins, un créole comme langue pre- malien. Il n’y a entre le bam- et aux créoles et qui condui-
particulier la radiodiffusion, etc. principalement des États-Unis. Cette toutes ces idées resteront bien vaines si mière et qui ne possèdent, en bara, parlé par 80 % de la popu- sent progressivement, en pre-
langue s’incorpore au langage quotidien, les conditions sociopolitiques et socioé- français, que des compétences lation, et le français aucun rap- nant en compte ces éléments
Dans le même temps, un phénomène fournissant ainsi au créole haïtien bon conomiques appropriées tardent trop à limitées, souvent acquises à port génétique ou structurel. communs, à introduire en les
majeur s’est développé, en particulier nombre de ses mots nouveaux ; elle tend être réunies. Qu’il soit permis de travers la télévision ? Le même On ne peut donc guère élaborer soulignant, les facteurs de dif-
dans les villes. Chercheurs (Fattier 1987, à devenir à côté du français langue de rêver… ! problème se retrouve dans bien pour ces langues une pédago- férence. L’appropriation du
2002 ; Thélusma 2003) et écrivains promotion sociale. Cette ascension de des États de la Francophonie gie convergente qu’on ne sait français s’en trouverait facili-
1. Jacques Stephen Alexis et René Philoctète,
(Castera 2001) le désignent respective- l’anglais en Haïti est également due à du Sud qui ont le français pas sur quoi fonder. En revan- tée, mais aussi la connaissance
deux écrivains haïtiens, en ont donné une image
ment par les notions de « décréolisa- l’impact de la forte diaspora haïtienne saisissante respectivement dans Compère comme langue officielle. Dans che, nul ne conteste que, des créoles.
tion » ou « hybridation ». Observable au en Amérique du Nord. Général Soleil (1955) et Le peuple des terres
quotidien à l’écoute de la radio, en sui- mêlées (1989).
Créoles et français : coexistence pacifique
12
HAÏTI : vant des conversations diverses entre
locuteurs scolarisés, ce phénomène se
traduit par des interférences du français
L’espagnol, langue de plusieurs États de
la région, dont la République domini-
caine, se manifeste en Haïti de diverses Robert Chaudenson, quelques États africains, même si les créoles français ne
13

UN PAYS, dans le créole : prononciation, traduc-


tion maladroite, superposition d’élé-
ments syntaxiques. On parle alors de
façons. Non seulement il circule à la
frontière haitiano-dominicaine, à travers
de multiples échanges frontaliers 1 ;
Université de Provence comme au Mali ou au Burkina-
Faso, on a tenté de mettre en
place des enseignement bilin-
sont aucunement des variétés
de français et s’ils constituent
des systèmes linguistiques tout

QUATRE « créole francisé ». Ce fait s’explique en


grande partie par les survivances des
préjugés cultivés depuis toujours à l’en-
mais en outre, il facilite d’autres échan-
ges, y compris commerciaux, entre cer-
tains acteurs économiques d’Haïti et
Même si on ne le sait guère et
si on le dit moins encore, les
créoles français des DOM sont
gues, en faisant appel, en début
des scolarisation, aux langues
africaines et en introduisant
à fait autonomes par rapport au
français, l’essentiel des maté-
riaux linguistiques qu’ils met-

LANGUES ? contre du créole et la non-maitrise du


français par les utilisateurs.
leurs homologues dominicains ou latino-
américains (Panama et Porto Rico, par
exemple). Le long de la frontière haï-
les langues régionales de
France les plus importantes,
tant par le nombre de locuteurs
progressivement le français,
selon des stratégies souvent
qualifiées de « pédagogie
tent en œuvre, aux plans pho-
nétique, lexical et grammatical,
proviennent du français.
Ce phénomène est souvent mis en évi- tiano-dominicaine, existent de nom- (près de deux millions en comp- convergente ». Il s’agit bien plu- On peut tirer de ce constat
Fritz Berg Jeannot, dence en raison de ses effets négatifs breux Haïtiens bilingues créole-espa- tant les « Domiens » de métro- tôt de pédagogie « parallèles », deux observations, l’une géné-
Spécialiste en Politiques linguistiques sur l’acquisition du français et sur la gnol. À l’intérieur du pays, on peut en pole) que par leur usage (lan- avec substitution progressive rale, l’autre particulière. La pre-
et éducatives, communication quotidienne en général. trouver également, pas forcément dans gues premières et/ou d’usage du français à l’autre langue, mière, générale, est qu’il doit
coordonnateur pédagogique au Collège Lorsque se produisent ces interférences la même proportion. De plus, avec la quotidien courant pour l’im- mais, depuis Euclide, on définit être plus facile d’enseigner le
Saint Martial, Haïti de façon systématique, il en résulte des récente attraction exercée par les uni- mense majorité des locuteurs). précisément deux droites français à des enfants dont la
difficultés de compréhension entre versités dominicaines sur certains On a beaucoup parlé de la créa- parallèles par le fait qu’elles ne langue première est un créole
Dans la région Caraïbes-Amériques, interlocuteurs créolophones ; le sens se bacheliers haïtiens en quête de forma- tion du CAPES créole (en convergent jamais. français qu’à des élèves qui
Haïti a hérité d’une situation sociolin- perd. En contexte d’apprentissage, l’en- tions de qualité, l’espagnol est en fait 2000), sans prendre garde à la Inadapté aux contextes dans parlent n’importe quelle autre

ou pédagogie convergente ?
guistique bien particulière, voire para- seignant se voit alors obligé de permet- appelé à devenir la langue seconde de singularité de ce singulier lesquels on cherche à le mettre langue, puisqu’une partie des
doxale : le seul État francophone et le tre à l’apprenant de distinguer deux sys- nombreux jeunes Haïtiens, aux dépens (« créole » et non « créoles »), en œuvre, le concept de péda- matériaux linguistiques mis en
plus vaste espace créolophone d’une tèmes linguistiques coexistants et du français. Seules les tensions perma- alors qu’il s’agit, au moins pour gogie convergente pourrait, au œuvre dans le français leur
région principalement anglophone et concurrents, le créole et le français. La nentes entre Haïti et la République les deux zones (Caraïbe et contraire, se révéler particuliè- sont déjà connus à travers leur
hispanophone. Pendant plus de 180 tâche de l’enseignant peut s’avérer dominicaine peuvent, sinon freiner, du océan Indien), de langues diffé- rement intéressant dans les propre langue, même si celles-
ans, ce pays a en effet vécu sous un alors bien compliquée (Fattier, 1987). moins réduire ce mouvement. rentes et que deux créolopho- contextes où sont en usage à la ci sont différentes du français.
régime linguistique dual marqué par le nes unilingues guadeloupéen et fois des langues créoles et les Chacun sait que les Hollandais
maintien du français comme langue de Par ailleurs, du fait de la situation géo- Face à ces mutations de la société haï- réunionnais ne se comprennent langues européennes dont sont ou les Allemands, locuteurs de
l’État et l’infériorisation du créole, lan- graphique d’Haïti (voisinage des États- tienne en matière linguistique, il est bien pas. issus ces créoles, les secondes langues germaniques apparen-
gue parlée par toute la population haï- Unis, d’iles anglophones et de pays nécessaire et urgent de revoir la politi- Le problème essentiel se situe, étant utilisées comme médium tées à l’anglais, apprennent
tienne. De fait, le pays est divisé entre latino-américains dont la République que scolaire des langues afin de permet- de toute façon, ailleurs et le éducatif. C’est le cas des DOM plus facilement cette dernière
une minorité de bilingues franco-créolo- dominicaine, avec laquelle elle partage tre à Haïti de mieux vivre (avec) ses/ces CAPES n’y joue aucun rôle puis- français (pour les créoles fran- langue que les Français ou les
phones (soit 5 % à 10 %) et une majorité l’ile) et de l’intensité de son émigration quatre langues. En fait, il importe de pro- que ce concours de recrute- çais et le français), mais aussi Italiens. La seconde remarque,
d’unilingues créolophones, l’officialisa- principalement en direction de ces deux téger les droits linguistiques de la popu- ment concerne l’enseignement celui d’États comme la particulière, est que la pédago-
tion juridique du français remontant à la pays voisins, deux autres langues lation haïtienne. Cette protection secondaire (les collèges et les République du Cap-vert ou la gie à mettre en œuvre dans les
Constitution de 1918. côtoient les deux premièrement évo- consiste à la fois en la révision et la lycées), alors que, dans les sys- Guinée Bissau (pour des créo- DOM n’est sûrement pas celle
quées : l’anglais (Théodat 2004) et l’es- généralisation du bilinguisme créole- tèmes éducatifs des DOM, tout les portugais et le portugais). qui consiste à enseigner direc-
La décennie 1980 marque un tournant pagnol (Fattier 19878). En plus d’être les français, défini dans les instructions se joue en amont, dès le pri- La différence majeure entre les tement en français comme à
dans l’évolution de cette situation socio- seules langues étrangères inscrites aux officielles de l’école haïtienne : élargir la maire. En dépit des immenses situations où l’on tente de met- des enfants francophones
linguistique : l’introduction du créole à programmes scolaires du pays, ces deux base sociale de la francophonie haï- efforts financiers accomplis tre en œuvre une pédagogie natifs. On constate l’échec de
l’école (1979) ; la libération de la parole et langues, quoiqu’à des degrés divers, tienne, créer un environnement sociolin- depuis un demi-siècle dans ces convergente d’une langue afri- cette démarche, au moins sur
du discours en créole à la chute de la dic- exercent de plus en plus de pressions guistique susceptible de faire évoluer les départements en faveur de caine et du français (comme au le plan statistique. En revanche,
tature des Duvalier (1986) et la consécra- sur l’univers linguistique haïtien. mentalités à l’égard de ces deux langues l’éducation, les résultats Mali par exemple) et celles où il est parfaitement possible
tion juridique du créole par la séculaires du pays. Parallèlement, une demeurent médiocres et les l’on userait d’une pédagogie d’élaborer une pédagogie, réel-
Constitution de 1987. Désormais, sans L’anglais, véhiculaire internationale par politique plus ambitieuse et plus cohé- taux d’échec scolaire élevés. convergente des créoles fran- lement convergente ici, qui
être totalement affranchi des préjugés excellence et langue du puissant voisin, rente en faveur de l’anglais et de l’espa- Le problème est d’une grande çais et du français apparait prenne appui, en particulier,
véhiculés à son encontre, le créole jouit attire désormais de nombreux jeunes gnol doit être pensée, adoptée et géné- simplicité. Peut-on raisonnable- aussitôt à travers la dénomina- dans les premiers stades de
d’une grande reconnaissance en gagnant issus en priorité des différentes couches ralisée. Une coopération éducative avec ment, dès le départ, scolariser tion même de créoles « fran- l’apprentissage, sur les élé-
des espaces où jadis il était banni : sociales favorisées et s’impose au quoti- les États locuteurs de ces deux langues en français des enfants qui ont çais ». Gardons l’exemple ments COMMUNS au français
l’école, les lieux de cultes, les médias, en dien par la masse des produits, importés s’avère donc indispensable. Néanmoins, un créole comme langue pre- malien. Il n’y a entre le bam- et aux créoles et qui condui-
particulier la radiodiffusion, etc. principalement des États-Unis. Cette toutes ces idées resteront bien vaines si mière et qui ne possèdent, en bara, parlé par 80 % de la popu- sent progressivement, en pre-
langue s’incorpore au langage quotidien, les conditions sociopolitiques et socioé- français, que des compétences lation, et le français aucun rap- nant en compte ces éléments
Dans le même temps, un phénomène fournissant ainsi au créole haïtien bon conomiques appropriées tardent trop à limitées, souvent acquises à port génétique ou structurel. communs, à introduire en les
majeur s’est développé, en particulier nombre de ses mots nouveaux ; elle tend être réunies. Qu’il soit permis de travers la télévision ? Le même On ne peut donc guère élaborer soulignant, les facteurs de dif-
dans les villes. Chercheurs (Fattier 1987, à devenir à côté du français langue de rêver… ! problème se retrouve dans bien pour ces langues une pédago- férence. L’appropriation du
2002 ; Thélusma 2003) et écrivains promotion sociale. Cette ascension de des États de la Francophonie gie convergente qu’on ne sait français s’en trouverait facili-
1. Jacques Stephen Alexis et René Philoctète,
(Castera 2001) le désignent respective- l’anglais en Haïti est également due à du Sud qui ont le français pas sur quoi fonder. En revan- tée, mais aussi la connaissance
deux écrivains haïtiens, en ont donné une image
ment par les notions de « décréolisa- l’impact de la forte diaspora haïtienne saisissante respectivement dans Compère comme langue officielle. Dans che, nul ne conteste que, des créoles.
tion » ou « hybridation ». Observable au en Amérique du Nord. Général Soleil (1955) et Le peuple des terres
quotidien à l’écoute de la radio, en sui- mêlées (1989).
Genèse et enjeux du CAPES de créole
Ferguson Charles A (1959) :
14 La circulaire Savary de 1982 sur les lan- même si sa création n’a pas été présen- Références « Diglossia », Word, vol. 15, 325-340
l’avènement de l’interlecte ? », in
Ledegen (eds) Anciens et nouveaux
linguistique, contient les articles sui-
vants : « Avant-Propos : Au sujet de la 15
gues régionales rendait enfin possible, tée comme telle. Encore qu’il s’agisse là plurilinguismes, Actes de la 6e table définition des langues créoles » et
sans risque de sanctions disciplinaires, d’une avancée qui, en aucune façon, bibliographiques : Germain Robert (1976) ronde du Moufia, 175-186. « Théories et genèse ou histoire des
Grammaire créole, France, Villejuif, créoles : l’exemple du développement
d’introduire le créole à l’école. C’est n’eût pu voir le jour sans l’action mili- Thelusma Fortenel (2003) des créoles de la Caraïbe » (MC
Arends J., Muysken P. & Smith N. Éd. du Levain, 314 p.
donc par effet de système plutôt que par tante, lucide et de longue haleine des « Créole et identité culturelle : cas du Hazaël-Massieux), « Remarques sur
éds (1995), Pidgins and Creoles :
décision législative circonstanciée que chercheurs créolistes de l’université des Glissant Édouard (1981) discours en créole dans les médias », l’interrogation en créole haïtien » (D.
An Introduction. Amsterdam : John
Le discours antillais, France, Paris, in http://www.univ-ag.fr/gerec- Fattier), « La préposition for di du
la régionalisation permettait de qualifier Antilles et de Guyane, regroupés au sein Benjamins.
papamiento et le verbe fò des créoles
Éditions du Seuil, 503 p. glossaire : 6 p. f/arec-f/fthelusma/, 2003, 5 p.
comme régionales les langues d’une du GEREC-F. C’est dire, d’entrée de jeu, du golfe de Guinée » (Ph. Maurer),
Bernabé Jean (1982) :
région donnée. S’agissant singulière- la charge polémique qui a entouré cette Fondal-natal. Grammaire basilectale Goodman Morris Franklin(1964) : Theodat Jean-Marie (2004) « Quelques évolutions syntaxiques en
ment des créoles 1, cette reconnais- opération, les uns la proposant avec A Comparative Study of Creole French « Haïti, le français en héritage », créole seychellois » (S. Kriegel), « Vers
approchée des créoles guadeloupéen un dictionnaire scolaire bilingue pour
Dialects, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Hermès, n° 40, Éd. CNRS, 2004.
sance de facto a été renforcée par le détermination, les autres la récusant ou et martiniquais, vol., France, Paris, le créole haïtien » (A. Valdman), Pour
L’Harmattan, 1559 p. France, The Hague, Londres Paris,
rapport Cerquiglini : ces langues sont, la dénigrant. Mouton and Co, Janua Linguarum, une approche syntaxique complexe :
français mis à part, celles qui, sur le ter- Réparation parce que les langues Series 187 Practica IV, 143 p. l’exemple d’objets dits « simples » (I.
Bernabé Jean et Prudent
ritoire de la République, connaissent la créoles, parties prenantes, sur un Lambert-Félix (1981) :
Hancock Ian F. (1981).
Parutions : Pierozak), « Une influence probale du
créole louisiannais sur le français
plus grande vitalité eu égard au nombre mode minoré, d’une histoire tragique « La langue créole : contribution à la cadien » (L.V. Baronian).
sociogénèse des langues antillaises », Répertoire des langues pidgins et
Histoire de familles, histoires
de locuteurs, à la densité et la diversité faite de déni d’humanité, constituent L’Historial Antillais, tome I, Guadeloupe créoles. J. Perrot (éd.) « Les langues
familiales : les résultats de l’enquête
des emplois. Une vitalité si grande de véritables « archives symboliques ». et Martinique, Guadeloupe, Pointe-à- dans le monde ancien et moderne.
famille de 1999, sous la direction de
Afrique subsaharienne, pidgins et
qu’elle masque aux yeux du locuteur de Réparation parce que, conservatoires et Pitre, Dajani Éditions, pp. 319-346 créoles », 631-647. Paris : Éditions
Cécile LEFEVRE et François HERAN
base la francisation des ces différents non pas conserveries passéistes, elles (Coll. les Cahiers de l’INED), Huitième
du CNRS.
Bickerton Derek (1981) : partie : « La transmission familiale des
créoles connue sous le nom de décréo- participent au remembrement d’une langues » pp. 505 à 569.
Roots of Language, Karoma Hazaël-Massieux Marie-Christine
lisation. mémoire. Réparation enfin, parce que Publishers : Ann Arbor. (1999) : Les créoles : l’indispensable Cette partie contient les articles sui-
La décréolisation – il est des créolistes l’occasion est donnée aux générations survie, Éditions entente : Paris.
Bonniol Jean-Luc, Suvelor Roland, vants : « La dynamique des langues en
qui s’acharnent encore à la trouver non successives de faire de l’école le lieu France au XXe siècle » (F. Héran,
et Adelaïde-Merlande Jacques (éds), Holm John 1989.
problématique (quoi ? Toute langue d’excellence d’activités linguistiques et 1981. - L’Historial Antillais, 6 tomes, A. Filhon, Ch. Deprez), « Langues
Pidgin and Creole Languages, vol. II., régionales, langues étrangères : de
vivante n’est-elle pas appelée à se trans- culturelles inédites. D’où la conception Guadeloupe, Pointe-à-Pitre, Dajani, Cambridge University Press. l’héritage à la pratique » (F. Clanché),
former ?) – opère pourtant à sens unique du CAPES qui a prévalu au GEREC-F et 590 + 550 + 569 + 569 + 557+ 553 p.
D’une langue régionale à l’autre (syn-
dans le contexte diglossique franco- qui a été entérinée par les arrêtés minis- Kriegel Sibylle (2003), thèse par A. Filhon sur l’alsacien, le
Castera Georges (2001) éd. : Grammaticalisation et réanalyse.
créole, puisqu’elle ne s’assortit pas tériels. Le CAPES de créole se définit, en « De la difficulté d’écrire en créole »,
breton, le basque et l’occitan en
Approches de la variation créole et région Aquitaine), « Des pratiques lin-
d’une créolisation symétrique du fran- effet, selon trois principes : Notre Librairie, n° 143. française. CNRS Éditions : Paris. guistiques en pleine évolution : le cas
çais, qui soit capable de prétendre à un a) autonome : il n’est pas une annexe du de l’arabe et du berbère en France »
Chaudenson Robert (2002) : Lefebvre Claire (1998) :
usage standard. On l’aura compris, le CAPES des lettres modernes ; « Une théorie de la créolisation :
(A. Filhon), « La transmission familiale
Creole genesis and the acquisition of du créole dans le contexte métropoli-
français créolisé des écrivains de la b) bivalent (créole plus une autre le cas des créoles français », grammar. The case of Haitian Creole, tain » (S. Condon), « La transmission et
Créolité, est un pur artefact, l’amplifica- matière) : il assure une ouverture disci- in Études Créoles, Vol. XXV, Cambridge University Press : la pratique des langues étrangères en
tion esthétique d’une pratique qui, dans plinaire, épistémologiquement féconde ; n° 1-2002, 25-44 et Cambridge. Ile-de-France (C. Burricand et
Mufwene Salikoko (2002) :
le parler ordinaire, n’a aucune légitimité, c) transversal (il concerne les quatre A. Filhon)
« Développement des créoles et évolu- Les créoles : La linguistique, vol. 41,
voire est stigmatisée. créoles des D.O.M.) : il garantit, en dépit tion des langues », ibd., 45-70. 2005-1, 150 p. Phonologie et morphologie du parler
Les créoles sont étroitement apparen- de réelles différences dialectales et de occitan de Graulhet (Tarn) : Structure,
Chaudenson Robert (1979) : Léglise Isabelle (2004)
tés avec le français, détenteur du mono- la dispersion géographique, une vérita- Les créoles français, France, Paris,
contenu et rôle de la syllabe. Hervé
« Langues frontalières et langues LIEUTARD, CEO-Université de
pole scolaire et vecteur incontestable et ble cohérence socio-historique. Nathan, « Langues en question », 172 p. d’immigration en Guyane Française » Montpellier III, 2004.
de la transmission des savoirs et de la Ce qu’on peut souhaiter de mieux à ce Glottopol 4 : 108-124.
promotion sociale. Quelle est donc la CAPES, c’est que son jury, au travers de Condon Stéphanie (2005) « La trans- Cet ouvrage, qui met à profit les avan-
mission familiale du créole antillais Léglise I. (2005) cées théoriques les plus actuelles en
pertinence d’un CAPES de créole, dans ses choix pédagogiques, prenne davan- dans le contexte métropolitain », in « Contacts de créoles à Mana (Guyane phonologie, est l’édition d’une thèse
des sociétés où, avec le progrès de tage la mesure des principes fonda- C. Lefèvre et A. Filhon (dir.) Histoires Française) : répertoires, pratiques, de linguistique soutenue à l’Université
l’éducation de masse, l’offre de français teurs. Pour ce faire il serait souhaitable de familles, histoires familiales : les attitudes et gestion du plurilinguisme » de Montpellier III en décembre 2000.
résultats de l’enquête Famille de 1999, Études Créoles 27, 2. L’approche syllabique choisie permet
est rendue disponible à un âge de plus de lui insuffler un sang neuf ; notamment Paris, INED, collection les Cahiers de non seulement l’étude d’un parler par-
en plus précoce, au point que c’est en y intégrant des enseignants relevant l’INED, n° 156, pp. 547-561. Mam Lam Fouck S. (1997) ticulier, mais aussi une approche com-
cette langue et non plus le créole qui, à de la 73e section du CNU 3 : Cultures et « Les créoles. Une communauté en voie paratiste des divers dialectes de l’occi-
échéance plus ou moins brève, sera la langues régionales. Qui, en effet, pour- Confiant Raphaël (1998) : de marginalisation dans la société tan, articulant ainsi le particuler et le
Dictionnaire des titims et sirandanes, guyanaise ? », Pagara, 147-160. général, le dialecte et la langue. Car la
langue maternelle des Antillais, rait imaginer un CAPES de russe ou de Ibis-Rouge, 329 p. syllabe, en tant qu’unité de structura-
Guyanais et Réunionnais ? Le CAPES de chinois sans aucun membre (universi- March C. (1996) tion de la chaine sonore du langage
créole est-il un luxe de pays riche (à taire ou non) relevant de la spécialité en Damoiseau Robert (1984) : rend non seulement compte de l’orga-
GEREC-F, Univ. des Antilles-Guyane

Le discours des mères martiniquaises.


Éléments de grammaire du créole Diglossie et créolité : un point de vue nisation du matériau phonologique,
noter qu’à ce jour aucun des pays créo- question ? martiniquais, Martinique, Fort-de- sociolinguistique, L’Harmattan mais permet aussi de décrire de multi-
lophones indépendants 2 n’a pour prio- France, Hatier Antilles, 127 p. ples spécificités dialectales qui ne
1. Parlés, avec des variantes dialectales plus
rité la création d’un dispositif équiva- Mcworther John (1998) : « Identifying sont en fait que le résultat de l’enchai-
ou moins affirmées, dans les départements Fattier Dominique (1987)
lent) ? Une concession imputable à the Creole Prototype : vindicating a nement des syllabes (assimilations,
d’outre-mer de la Guadeloupe, Martinique, « Portraits de bilingues francophones typological class », in Language 74 effacements, gémination…)
l’émergence du politiquement correct ? Guyane et La Réunion et leurs prolongements haïtiens », Conjonction, n° 176.
hexagonaux générés par les migrations. (1998), 788-818.
Ou encore une nécessité historique ?
Jean Bernabé,

2. Sainte-Lucie et la Dominique pour la Caraïbe, Fattier Dominique (2002)


La réponse la plus adéquate à ce tout ce Prudent Lambert Félix (1981) La linguistique, Revue de la Société
et Maurice et les Seychelles pour l’océan Indien, « La créolisation du français en Haïti : « Diglossie et interlecte », Langages Internationale de linguistique fonction-
questionnement est la suivante : le malgré l’effort très important consenti par le partir du produit pour penser le pro- n° 61, Larousse, 13-38. Ledegen G., nelle, vol. 41, 2005-1 : Les créoles
CAPES de créole, mis en place en 2002, gouvernement seychellois pour l’enseignement cessus », Études Créoles, Vol. XXV,
du créole dans le primaire. 2003, « Regards sur l’évolution des
est un acte objectif de réparation, 3. Conseil national des universités.
n° 1, Aix-en-Provence. échanges codiques à la Réunion : Ce numéro thématique de la revue La
Genèse et enjeux du CAPES de créole
Ferguson Charles A (1959) :
14 La circulaire Savary de 1982 sur les lan- même si sa création n’a pas été présen- Références « Diglossia », Word, vol. 15, 325-340
l’avènement de l’interlecte ? », in
Ledegen (eds) Anciens et nouveaux
linguistique, contient les articles sui-
vants : « Avant-Propos : Au sujet de la 15
gues régionales rendait enfin possible, tée comme telle. Encore qu’il s’agisse là plurilinguismes, Actes de la 6e table définition des langues créoles » et
sans risque de sanctions disciplinaires, d’une avancée qui, en aucune façon, bibliographiques : Germain Robert (1976) ronde du Moufia, 175-186. « Théories et genèse ou histoire des
Grammaire créole, France, Villejuif, créoles : l’exemple du développement
d’introduire le créole à l’école. C’est n’eût pu voir le jour sans l’action mili- Thelusma Fortenel (2003) des créoles de la Caraïbe » (MC
Arends J., Muysken P. & Smith N. Éd. du Levain, 314 p.
donc par effet de système plutôt que par tante, lucide et de longue haleine des « Créole et identité culturelle : cas du Hazaël-Massieux), « Remarques sur
éds (1995), Pidgins and Creoles :
décision législative circonstanciée que chercheurs créolistes de l’université des Glissant Édouard (1981) discours en créole dans les médias », l’interrogation en créole haïtien » (D.
An Introduction. Amsterdam : John
Le discours antillais, France, Paris, in http://www.univ-ag.fr/gerec- Fattier), « La préposition for di du
la régionalisation permettait de qualifier Antilles et de Guyane, regroupés au sein Benjamins.
papamiento et le verbe fò des créoles
Éditions du Seuil, 503 p. glossaire : 6 p. f/arec-f/fthelusma/, 2003, 5 p.
comme régionales les langues d’une du GEREC-F. C’est dire, d’entrée de jeu, du golfe de Guinée » (Ph. Maurer),
Bernabé Jean (1982) :
région donnée. S’agissant singulière- la charge polémique qui a entouré cette Fondal-natal. Grammaire basilectale Goodman Morris Franklin(1964) : Theodat Jean-Marie (2004) « Quelques évolutions syntaxiques en
ment des créoles 1, cette reconnais- opération, les uns la proposant avec A Comparative Study of Creole French « Haïti, le français en héritage », créole seychellois » (S. Kriegel), « Vers
approchée des créoles guadeloupéen un dictionnaire scolaire bilingue pour
Dialects, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Hermès, n° 40, Éd. CNRS, 2004.
sance de facto a été renforcée par le détermination, les autres la récusant ou et martiniquais, vol., France, Paris, le créole haïtien » (A. Valdman), Pour
L’Harmattan, 1559 p. France, The Hague, Londres Paris,
rapport Cerquiglini : ces langues sont, la dénigrant. Mouton and Co, Janua Linguarum, une approche syntaxique complexe :
français mis à part, celles qui, sur le ter- Réparation parce que les langues Series 187 Practica IV, 143 p. l’exemple d’objets dits « simples » (I.
Bernabé Jean et Prudent
ritoire de la République, connaissent la créoles, parties prenantes, sur un Lambert-Félix (1981) :
Hancock Ian F. (1981).
Parutions : Pierozak), « Une influence probale du
créole louisiannais sur le français
plus grande vitalité eu égard au nombre mode minoré, d’une histoire tragique « La langue créole : contribution à la cadien » (L.V. Baronian).
sociogénèse des langues antillaises », Répertoire des langues pidgins et
Histoire de familles, histoires
de locuteurs, à la densité et la diversité faite de déni d’humanité, constituent L’Historial Antillais, tome I, Guadeloupe créoles. J. Perrot (éd.) « Les langues
familiales : les résultats de l’enquête
des emplois. Une vitalité si grande de véritables « archives symboliques ». et Martinique, Guadeloupe, Pointe-à- dans le monde ancien et moderne.
famille de 1999, sous la direction de
Afrique subsaharienne, pidgins et
qu’elle masque aux yeux du locuteur de Réparation parce que, conservatoires et Pitre, Dajani Éditions, pp. 319-346 créoles », 631-647. Paris : Éditions
Cécile LEFEVRE et François HERAN
base la francisation des ces différents non pas conserveries passéistes, elles (Coll. les Cahiers de l’INED), Huitième
du CNRS.
Bickerton Derek (1981) : partie : « La transmission familiale des
créoles connue sous le nom de décréo- participent au remembrement d’une langues » pp. 505 à 569.
Roots of Language, Karoma Hazaël-Massieux Marie-Christine
lisation. mémoire. Réparation enfin, parce que Publishers : Ann Arbor. (1999) : Les créoles : l’indispensable Cette partie contient les articles sui-
La décréolisation – il est des créolistes l’occasion est donnée aux générations survie, Éditions entente : Paris.
Bonniol Jean-Luc, Suvelor Roland, vants : « La dynamique des langues en
qui s’acharnent encore à la trouver non successives de faire de l’école le lieu France au XXe siècle » (F. Héran,
et Adelaïde-Merlande Jacques (éds), Holm John 1989.
problématique (quoi ? Toute langue d’excellence d’activités linguistiques et 1981. - L’Historial Antillais, 6 tomes, A. Filhon, Ch. Deprez), « Langues
Pidgin and Creole Languages, vol. II., régionales, langues étrangères : de
vivante n’est-elle pas appelée à se trans- culturelles inédites. D’où la conception Guadeloupe, Pointe-à-Pitre, Dajani, Cambridge University Press. l’héritage à la pratique » (F. Clanché),
former ?) – opère pourtant à sens unique du CAPES qui a prévalu au GEREC-F et 590 + 550 + 569 + 569 + 557+ 553 p.
D’une langue régionale à l’autre (syn-
dans le contexte diglossique franco- qui a été entérinée par les arrêtés minis- Kriegel Sibylle (2003), thèse par A. Filhon sur l’alsacien, le
Castera Georges (2001) éd. : Grammaticalisation et réanalyse.
créole, puisqu’elle ne s’assortit pas tériels. Le CAPES de créole se définit, en « De la difficulté d’écrire en créole »,
breton, le basque et l’occitan en
Approches de la variation créole et région Aquitaine), « Des pratiques lin-
d’une créolisation symétrique du fran- effet, selon trois principes : Notre Librairie, n° 143. française. CNRS Éditions : Paris. guistiques en pleine évolution : le cas
çais, qui soit capable de prétendre à un a) autonome : il n’est pas une annexe du de l’arabe et du berbère en France »
Chaudenson Robert (2002) : Lefebvre Claire (1998) :
usage standard. On l’aura compris, le CAPES des lettres modernes ; « Une théorie de la créolisation :
(A. Filhon), « La transmission familiale
Creole genesis and the acquisition of du créole dans le contexte métropoli-
français créolisé des écrivains de la b) bivalent (créole plus une autre le cas des créoles français », grammar. The case of Haitian Creole, tain » (S. Condon), « La transmission et
Créolité, est un pur artefact, l’amplifica- matière) : il assure une ouverture disci- in Études Créoles, Vol. XXV, Cambridge University Press : la pratique des langues étrangères en
tion esthétique d’une pratique qui, dans plinaire, épistémologiquement féconde ; n° 1-2002, 25-44 et Cambridge. Ile-de-France (C. Burricand et
Mufwene Salikoko (2002) :
le parler ordinaire, n’a aucune légitimité, c) transversal (il concerne les quatre A. Filhon)
« Développement des créoles et évolu- Les créoles : La linguistique, vol. 41,
voire est stigmatisée. créoles des D.O.M.) : il garantit, en dépit tion des langues », ibd., 45-70. 2005-1, 150 p. Phonologie et morphologie du parler
Les créoles sont étroitement apparen- de réelles différences dialectales et de occitan de Graulhet (Tarn) : Structure,
Chaudenson Robert (1979) : Léglise Isabelle (2004)
tés avec le français, détenteur du mono- la dispersion géographique, une vérita- Les créoles français, France, Paris,
contenu et rôle de la syllabe. Hervé
« Langues frontalières et langues LIEUTARD, CEO-Université de
pole scolaire et vecteur incontestable et ble cohérence socio-historique. Nathan, « Langues en question », 172 p. d’immigration en Guyane Française » Montpellier III, 2004.
de la transmission des savoirs et de la Ce qu’on peut souhaiter de mieux à ce Glottopol 4 : 108-124.
promotion sociale. Quelle est donc la CAPES, c’est que son jury, au travers de Condon Stéphanie (2005) « La trans- Cet ouvrage, qui met à profit les avan-
mission familiale du créole antillais Léglise I. (2005) cées théoriques les plus actuelles en
pertinence d’un CAPES de créole, dans ses choix pédagogiques, prenne davan- dans le contexte métropolitain », in « Contacts de créoles à Mana (Guyane phonologie, est l’édition d’une thèse
des sociétés où, avec le progrès de tage la mesure des principes fonda- C. Lefèvre et A. Filhon (dir.) Histoires Française) : répertoires, pratiques, de linguistique soutenue à l’Université
l’éducation de masse, l’offre de français teurs. Pour ce faire il serait souhaitable de familles, histoires familiales : les attitudes et gestion du plurilinguisme » de Montpellier III en décembre 2000.
résultats de l’enquête Famille de 1999, Études Créoles 27, 2. L’approche syllabique choisie permet
est rendue disponible à un âge de plus de lui insuffler un sang neuf ; notamment Paris, INED, collection les Cahiers de non seulement l’étude d’un parler par-
en plus précoce, au point que c’est en y intégrant des enseignants relevant l’INED, n° 156, pp. 547-561. Mam Lam Fouck S. (1997) ticulier, mais aussi une approche com-
cette langue et non plus le créole qui, à de la 73e section du CNU 3 : Cultures et « Les créoles. Une communauté en voie paratiste des divers dialectes de l’occi-
échéance plus ou moins brève, sera la langues régionales. Qui, en effet, pour- Confiant Raphaël (1998) : de marginalisation dans la société tan, articulant ainsi le particuler et le
Dictionnaire des titims et sirandanes, guyanaise ? », Pagara, 147-160. général, le dialecte et la langue. Car la
langue maternelle des Antillais, rait imaginer un CAPES de russe ou de Ibis-Rouge, 329 p. syllabe, en tant qu’unité de structura-
Guyanais et Réunionnais ? Le CAPES de chinois sans aucun membre (universi- March C. (1996) tion de la chaine sonore du langage
créole est-il un luxe de pays riche (à taire ou non) relevant de la spécialité en Damoiseau Robert (1984) : rend non seulement compte de l’orga-
GEREC-F, Univ. des Antilles-Guyane

Le discours des mères martiniquaises.


Éléments de grammaire du créole Diglossie et créolité : un point de vue nisation du matériau phonologique,
noter qu’à ce jour aucun des pays créo- question ? martiniquais, Martinique, Fort-de- sociolinguistique, L’Harmattan mais permet aussi de décrire de multi-
lophones indépendants 2 n’a pour prio- France, Hatier Antilles, 127 p. ples spécificités dialectales qui ne
1. Parlés, avec des variantes dialectales plus
rité la création d’un dispositif équiva- Mcworther John (1998) : « Identifying sont en fait que le résultat de l’enchai-
ou moins affirmées, dans les départements Fattier Dominique (1987)
lent) ? Une concession imputable à the Creole Prototype : vindicating a nement des syllabes (assimilations,
d’outre-mer de la Guadeloupe, Martinique, « Portraits de bilingues francophones typological class », in Language 74 effacements, gémination…)
l’émergence du politiquement correct ? Guyane et La Réunion et leurs prolongements haïtiens », Conjonction, n° 176.
hexagonaux générés par les migrations. (1998), 788-818.
Ou encore une nécessité historique ?
Jean Bernabé,

2. Sainte-Lucie et la Dominique pour la Caraïbe, Fattier Dominique (2002)


La réponse la plus adéquate à ce tout ce Prudent Lambert Félix (1981) La linguistique, Revue de la Société
et Maurice et les Seychelles pour l’océan Indien, « La créolisation du français en Haïti : « Diglossie et interlecte », Langages Internationale de linguistique fonction-
questionnement est la suivante : le malgré l’effort très important consenti par le partir du produit pour penser le pro- n° 61, Larousse, 13-38. Ledegen G., nelle, vol. 41, 2005-1 : Les créoles
CAPES de créole, mis en place en 2002, gouvernement seychellois pour l’enseignement cessus », Études Créoles, Vol. XXV,
du créole dans le primaire. 2003, « Regards sur l’évolution des
est un acte objectif de réparation, 3. Conseil national des universités.
n° 1, Aix-en-Provence. échanges codiques à la Réunion : Ce numéro thématique de la revue La
Colloque international des études créoles. Praia (Cap-Vert),
31 octobre-7 novembre 2005
Le Comité international des études créoles a tenu, au Cap-Vert, du 31 octobre au 7 novembre 2005, son Onzième colloque inter-
national. Le CIEC est un comité scientifique qui réunit vingt chercheurs de huit États du monde et se renouvelle, par élection,
tous les trois ans. Créé en 1976, il publie, depuis 1978, à raison de deux numéros par an, la revue Études créoles.
Le thème central du colloque Les créoles face aux défis de l’éducation pour tous et de la mondialisation a été abordé dans
une perspective largement interdisciplinaire (anthropologie, littérature, sciences de l’éducation, sciences du langage) par une
centaine de chercheurs venus de trente et un pays du monde. Les communications ont concerné pour la plupart les créoles fran-
çais et portugais, mais également d’autres langues comme le pidgin english du Cameroun ou le papiamento (créole ibérique
d’Aruba, Bonaire et Curaçao) avec, pour la première fois, des chercheurs venus d’Aruba et de Porto-Rico.
Ce colloque a été aussi, selon le principe habituel de ces réunions, l’occasion de manifestations hors colloque. L’idée que le CIEC
a toujours mise en œuvre est de tenir ces réunions dans des zones créolophones pour les ouvrir en direction des populations
concernées par des tables-rondes publiques ou des expositions. Ce colloque s’est tenu en français, mais les tables-rondes exté-
rieures ont eu lieu en portugais ou en créole cap-verdien (ces deux langues étant celles de la population locale), ce qui n’a pas
posé de problème, car les chercheurs non cap-verdiens présents, tout en étant également francophones (même s’ils sont, par
exemple, allemands ou américains ce qui est le cas de plusieurs d’entre eux), sont également lusophones et créolophones. On
a illustré par là le partenariat des langues, cher à la Francophonie, mais qui n’est pas toujours facile à mettre en œuvre. Par ail-
leurs, a été organisée une exposition de livres publiés dans les divers créoles.
Ce colloque a bénéficié du soutien de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie, de l’Agence universitaire de la
Francophonie (le Cap-Vert est en train de se doter d’une université) et de la délégation générale à la langue française et aux
langues de France. RC

À retourner à Si vous désirez recevoir Langues et cité,


l’Observatoire des pratiques le bulletin de l’observatoire des pratiques linguistiques,
linguistiques merci de bien vouloir nous adresser les informations suivantes sur papier libre
Délégation générale à la langue
française et aux langues de France Nom ou raison sociale :
Ministère de la culture
et de la communication Activité :
6, rue des Pyramides
75001 Paris Adresse postale :
ou par courriel :
olivier.baude@culture.gouv.fr Adresse électronique :

Date :

Ce bulletin applique
Langues et cité
les rectifications Directeur de publication : Xavier North Délégation générale à la langue française
de l’orthographe, proposées Président du comité scientifique et aux langues de France
par le Conseil supérieur de l’observatoire : Pierre Encrevé Observatoire des pratiques linguistiques
de la langue française (1990), Rédacteur en chef : Jean Sibille Ministère de la culture et de la communication
Secrétaire de rédaction : Jean Sibille 6, rue des Pyramides,
et approuvées par l’Académie Coordination : Dominique Bard-Cavelier 75001 Paris
française et les instances Composition : Éva Stella-Moragues téléphone : 01 40 15 36 91
francophones Conception graphique : Doc. Levin / télécopie : 01 40 15 36 76
Juliette Poirot courriel : jean.sibille@culture.gouv.fr
compétentes. www.dglflf.culture.gouv.fr
ISSN : 1772-757X

Vous aimerez peut-être aussi