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Une enclave européenne dans la Caraïbe: de l’invisibilité du territoire caribéen dans

l’éducation et les politiques éducatives aux Antilles françaises

Corinne MENCÉ-CASTER
Sorbonne Université
CLEA (EA 4083)

Résumé :

L’article se propose d’examiner la situation de l’enseignement en Martinique et en Guadeloupe


afin de mettre en relief comment la notion française d’ « Éducation nationale » a contribué à
invisibiliser pour les élèves et leurs parents la région caribéenne qui est pourtant dans la
proximité immédiate de ces deux îles. Notre réflexion rend compte également des luttes qui ont
été menées par les enseignants, les syndicats et les militants du créole pour obtenir des autorités
françaises le droit à un enseignement qui prenne en compte la situation géographique de la
Martinique et de la Guadeloupe, ainsi que l’histoire, les langues et les cultures propres à ces
espaces.

Mots-clés : enseignement ; Caraïbe ; Martinique ; Guadeloupe ; éducation.

Introduction

Il s’agit ici d’étudier devant vous la situation de l’enseignement en Martinique et en


Guadeloupe, afin de mettre en évidence comment les politiques éducatives dans ces territoires,
centrées sur la France, l’Europe et les États-Unis, confèrent peu de place à la Caraïbe qui se
trouve ainsi invisibilisée. En privilégiant une approche diachronique, nous chercherons à
montrer comment l’acquisition du statut de « département français » en 1946 a favorisé un
enseignement « franco-européen » centré, qui a trouvé un fort écho au sein de populations
désireuses d’améliorer leur condition sociale en devenant fonctionnaires de l’État français.
Parallèlement, des voix discordantes se sont progressivement fait entendre, mais sans réussir à
impulser une dynamique favorable à la caribéanisation de l’enseignement. Le mot d’ordre a
plutôt été celui de l’antillanisation de l’enseignement, antillanisation que nous appréhenderons
comme une antichambre de la caribéanisation.
L’étude que j’entends mener a donc pour objet de retracer une trajectoire qui peut être lue
comme une prise de conscience progressive de la nécessité d’une éducation scolaire aux
Antilles qui tienne compte du lieu caribéen et de ses référents historiques et culturels. Il sera
question aussi d’examiner les modalités de réévaluation de la place du créole au sein de
l’enseignement.
Avant d’aborder la question de l’éducation, il s’avère utile de présenter la situation
d’ensemble de la Guadeloupe et de la Martinique, et notamment les modalités du
fonctionnement politique et économique au sein de ces îles. Il existe en effet une situation
perçue comme « néo-coloniale » qui traverse l’ensemble des secteurs de la société et rend
complexe toute approche non globale de ces micro-territoires insulaires.
Comme le soulignent Marc Bernardot et Patrick Bruneteau (2013) :

De fait, la question peut légitimement être soulevée : s’il est clair, d’entrée de jeu, qu’il
n’est pas possible de parler de système colonial à l’identique, donc « entièrement
colonial », peut-on à bon droit traiter des « résidus » ou des « formes actuelles » de
colonialisme qui subsisteraient sous le vocable « colonial » ? A supposer que ces « restes
visibles » ou ces dimensions souterraines soient identifiables, de quel colonialisme
pourrait-on alors parler dans un cadre sociétal qui ne s’épuise pas à être colonial ?
Anciennes possessions de l’Empire français, ces territoires demeurent français selon une
formule nouvelle de « départementalisation » ou de « territoires » -mais une identique
réflexion comparée sur le statut « d’Etats associés » (aux USA ou à la Couronne
britannique) donnerait du matériau à une pensée renouvelée de l’impérialisme- qui fait
figure d’exception tant en Caraïbe que dans une comparaison plus globale des
colonialismes anglais, hispaniques ou hollandais. La politique d’assimilation de l’Etat
républicain a eu pour effet de brouiller les pistes, en faisant comme si ces espaces
coloniaux pouvaient devenir magiquement des extensions de l’Etat français.

En ce sens, la question coloniale, loin d’être résolue, perdure mais sous des formes masquées
qui en assurent le caractère diffus, au point que les politiques éducatives mises en place ont,
pendant longtemps fait fi des singularités antillaises et promu des contenus pédagogiques et
éducatifs « nationaux » niant l’histoire, la culture et la langue propres à ces régions. C’est ce
que nous chercherons à manifester.

1. L’impact de la départementalisation : de 1946 à nos jours

La Martinique et la Guadeloupe sont devenues en 1946, par l’action déterminante d’Aimé


Césaire et des autres représentants des quatre vieilles colonies, des départements français
d’Outre-mer (D.O.M). C’est, en effet, dans le contexte de l’après-guerre que les quatre colonies
de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion deviennent des départements
français : Aimé Césaire, Léopold Bissol, Gaston Monnerville et Raymond Vergès déposent
trois propositions de loi dans ce sens, lesquelles, en définitive, vont fusionner en une seule.
C’est Aimé Césaire, le rapporteur du projet de loi qui invente le mot « départementalisation1 ».
C’est aussi lui qui ouvre les débats à l’Assemblée le 12 mars 1946 en déclarant : "L’intégration
réclamée serait l’aboutissement normal d’un processus historique. L’ambition est d’être sur un
pied d’égalité avec les autres départements français ». Pour comprendre les motivations d’une
telle revendication par l’un des chantres de l’anticolonialisme, il faut en revenir à la situation
des populations des « quatre vieilles colonies » à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale. C’est
donc d’abord pour en finir avec cette misère sociale que les quatre représentants des vieilles
colonies formulent la proposition de départementalisation, ainsi que le précise l’historien
guadeloupéen René Bélénus (2016)2, lors de sa conférence à l’Université des Antilles, intitulée :
« La loi de 1946 : enthousiasme et désillusion ». Il montre ainsi comment ces territoires se
caractérisaient alors par une grande précarité économique et sociale, une forte malnutrition (la
viande reste un produit de luxe inaccessible à la plupart des familles), une faible espérance de
vie (quarante ans) et une importante mortalité infantile (230 décès pour 1000 naissances).

Pourtant, les désillusions quant à cette égalité réelle avec la France sont précoces et, dès
1956, Aimé Césaire rappelle que : « l’égalité ne souffre pas de rester abstraite [...]. Il n’y a pas

1
Il serait pourtant faux de croire que c’est Aimé Césaire qui a porté cette question sur les fonts baptismaux. Pour
en savoir plus, voir Marc Séfil (2014).
2
Cette conférence n’a pas été publiée mais seulement produite oralement.
de nationalité maigre » (Césaire 1956 : 13) ce qui revient à dire, ainsi que le souligne l’historien
Jacques Dumont que « tout frein à une complète égalité renvoie à une citoyenneté inachevée,
voire contestée » (Dumont 2010 : 80). Et Dumont, de préciser également :

L’utilisation volontaire de différents niveaux de discours vise à souligner que du


côté antillais, l’accès tant attendu au statut de département n’étanche pas ce que l’on
peut appeler une soif d’égalité, entretenue par trois cents ans d’appartenance. La
départementalisation, qui tarde à être effective, ne modifie pas fondamentalement
la relation de dépendance. L’organisation économique ne rompt pas avec celle de
la société de plantation et l’absence d’industrie perdure. La politique sociale est
même analysée aujourd’hui comme un substitut au développement économique
(Dumont 2010 : 13).

Cette « soif d’égalité » ne sera pas satisfaite et Aimé Césaire ne manqua pas, à
plusieurs reprises, de souligner sa profonde déception quant aux faibles avancées que le
statut de « département » avait permis dans les îles, notamment en matière d’égalité réelle
avec la France. Ainsi, en 1956, il déclarait :

La crise des départements d’outre-mer n’est pas autre chose que la crise de la
départementalisation elle-même (…) des peuples frustrés du droit de se gouverner
eux-mêmes, frustrés du pouvoir d’orienter, fut-ce dans une mesure infime, leur
propre destin (…) se réveillent à une revendication nouvelle : celle de leur
personnalité et de l’autogestion (Césaire 1956 : 80).

Cette vision déceptive est encore plus affirmée en mars 1964, lors du discours d’accueil
que Césaire prononça à l’occasion de la visite du Général De Gaulle à la Martinique :

On ne pourra pas éluder plus longtemps le problème qui obsède notre jeunesse : le
problème de la nécessaire refonte de nos institutions, je veux parler de nos
institutions locales pour qu’elles soient plus adaptées à nos situations antillaises
(…) pour qu’elles soient plus respectueuses de notre particularisme évident (…)
faisant davantage place à l’initiative locale, à la responsabilité locale, de telle sorte
que nous n’ayons plus le sentiment que puisse éprouver une collectivité d’hommes
pauvres mais fiers, le sentiment qu’elle assiste, impuissante, au déroulement de sa
propre histoire (…) (Césaire 1964).

La réponse sans appel de De Gaulle marqua alors la rupture de Césaire avec le gaullisme
et son engagement au service de la revendication autonomiste pour la Martinique : « Entre
l’Europe et l’Amérique, il n’y a que des poussières, et on ne construit pas des États sur des
poussières » (Césaire, 1964). En 2016, soit soixante-dix ans après le vote en faveur de la
départementalisation des quatre anciennes colonies, la question de l’égalité réelle reste entière.
Le député guadeloupéen Victorin Lurel a déposé ainsi un projet de loi sur l’égalité réelle, le 18
mars 20163. Dans le dossier de presse élaboré à cette occasion, la ministre des outre-mer, Érica
Bareigts, s’exprime en ces termes dans son mot d’introduction :

3
Voici le lien vers le rapport relatif au projet de loi sur l’égalité réelle : https://www.assemblee-
nationale.fr/14/rapports/r4064.asp
La loi pour l’égalité réelle en Outre-mer adoptée définitivement le 14 février 2017 a pour objet de réduire les
inégalités et permet aux territoires de choisir en liberté et en lien avec l’État, leur modèle de développement social,
économique et culturel, en valorisant leurs atouts, leur identité et leurs spécificités. Pour atteindre et maintenir
Tout au long du quinquennat, les Outre-mer ont été au cœur des priorités du
gouvernement. Néanmoins, malgré ces efforts significatifs, ces territoires souffrent
toujours d’écarts et de retards significatifs par rapport à l’Hexagone sur des
questions aussi cruciales que le taux d’emploi, la mortalité infantile ou le taux de
pauvreté. Est-il normal, dans la République qui est la nôtre, fondée sur les principes
d’égalité et de fraternité, que certains de nos concitoyens souffrent encore de
pareilles injustices en raison de leur lieu de vie ? Il est temps d’assurer à nos
compatriotes ultramarins l’égalité réelle, c’est-à-dire l’égalité dans les faits : c’est
toute l’ambition de cette loi (Bareigts 2016).

Ces propos ont pour objet d’éclairer un des aspects essentiels des relations entre l’État
français et les départements d’outre-mer, en l’occurrence ici, plus spécifiquement la Martinique
et la Guadeloupe. Si ces éléments ne sont pas pris en compte, il s’avérera difficile de
comprendre ce que nous dirons par la suite de l’éducation et de la politique éducatives aux
Antilles françaises. Il convient donc de retenir deux points essentiels : la difficulté pour l’État
français à prendre en compte les spécificités antillaises, et notamment, l’implantation
caribéenne de ce territoire au plan géographique mais aussi culturel ; le refus d’impulser un
développement économique autonome qui prendrait appui sur les atouts du territoire : énergie
solaire, production halieutique, gestion de la biodiversité, tourisme vert, etc.
Il en découle que le fonctionnement économique de l’île repose essentiellement sur des
transferts de fonds, depuis la « Métropole » :

[…] nous poserons que l'économie martiniquaise est passée en trente ans d'une
économie coloniale traditionnelle, fondée sur la plantation cannière et l'exportation
du sucre puis du rhum, à un système économique particulier basé sur l'afflux de
transferts publics externes comme élément essentiel de développement (De Miras
1988).

Ainsi :

[…] cette impulsion déterminante de l'Etat est singulière du fait de son caractère
non productif : la richesse distribuée localement par l'Etat n'est pas la contrepartie
d'une activité marchande de production […] Le corollaire de cette situation est la
primauté nécessaire et symétrique d'un secteur tertiaire, situé à l'aval des flux

l’objectif de l’égalité réelle, le Gouvernement a instauré un nouvel outil qui change l’approche des politiques des
Outre-mer : la co-construction des différentes lois avec les acteurs économiques, sociaux, parlementaires,
étatiques, locaux a débouché sur des plans de convergence, qui concrétisent une approche nouvelle et
respectueuse de la diversité des territoires.
publics, répondant à la demande finale induite par les salaires et l'aide sociale versés
par l'Etat (De Miras 1988).

Ces constats sont encore valables trente-cinq ans plus tard, ainsi que le montre l’extrait suivant
du rapport du Sénat :

[C]ette situation est très largement imputable à


l'importance des transferts publics assurés par la métropole. Par exemple, ainsi que
l'ont expliqué de nombreux interlocuteurs rencontrés sur place, dans l'hypothèse d'une
suppression des transferts publics, la Guyane retrouverait à peu près le même niveau de
vie que le Surinam. Selon le rapport établi par Mme Eliane Mossé à la demande du
Gouvernement, le taux des transferts publics, calculé comme le solde entre les dépenses
de l'Etat et de la sécurité sociale et les recettes de ces administrations, s'établit à 35 % du
PIB environ en Martinique et Guadeloupe, 43 % en Guyane et 48 % à la Réunion.
Le montant des transferts publics ainsi injectés chaque année dans les DOM
atteindrait 45 à 50 milliards de francs, ces transferts bénéficiant essentiellement aux
ménages (rémunérations dans la fonction publique, prestations sociales, avantages
fiscaux) et dans une moindre mesure, aux entreprises (subventions, commandes
publiques, avantages fiscaux)4.

Nous sommes donc face à une économie qui vit sous perfusion, avec de grands écarts entre les
différentes catégories de la population : 1% de la population (les Blancs créoles, auxquels il
faut associer les représentants des multinationales possèdent presque toutes les entreprises5) ;
les fonctionnaires bénéficiant de la prime de vie chère, ont un niveau de vie satisfaisant ; les
agriculteurs rencontrent des difficultés, ainsi que les dirigeants des TPME (très petites et
moyennes entreprises qui emploient 61% des emplois marchands non agricoles6) qui sont la
plupart du temps dans des situations de précarité économique :

Les microentreprises sont très présentes dans le commerce, la construction et également


les activités touristiques, telles que l’hôtellerie et la restauration et aussi dans le
transport. Elles sont aussi des acteurs importants dans la santé, la réparation automobile,
ainsi que les services à la personne. De manière générale, elles sont davantage tournées

4
Cette citation est extraite du rapport du Sénat du 20 juillet 2022 : https://www.senat.fr/rap/r99-366/r99-3661.html.
On peut aussi la compléter avec ce constat tiré de la même source : « n définitive, l'économie des départements
d'outre-mer est fortement dépendante à l'égard de la métropole et les échanges extérieurs sont très
déficitaires. Ces échanges se font essentiellement avec la métropole (à hauteur de 60 à 65 %) ; les relations
commerciales avec les pays environnants restant le plus souvent marginales. Le taux de couverture des
importations par les exportations est très faible et tend constamment à diminuer : en 1998, il s'élevait seulement à
7 % pour la Guadeloupe, 17 % pour la Guyane, 17 % pour la Martinique et 8 % pour la Réunion.
Par ailleurs, selon les témoignages de nombreux interlocuteurs, la part de l'économie souterraine et du travail
clandestin est très importante, même si elle est par définition très difficile à quantifier.
5
https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/les-5-familles-qui-dominent-la-martinique_1449696.html
On peut aussi renvoyer à l’article de Jean-François Bruneaud (2011 : 92), et en particulier à cette citation : « Les
longues grèves de février 2009, sous l’égide du Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP) en Guadeloupe et du Collectif
du 5 février en Martinique, s’expliquent en partie par des inégalités économiques et sociales fondées sur des
logiques de domination raciale et ethnique. Schématiquement, l’économie serait sous le contrôle des békés et
l’administration sous celui des (hauts) fonctionnaires blancs métropolitains ».. Voir aussi Desse (2006).
6
Ces données sont tirées des enquêtes de l’INSEE d’avril 2013 : aechos31ma%20(1).pdf
vers l’économie locale qui dépend d’ailleurs en très grande partie de ces très petites
entreprises souvent individuelles et peu capitalisées7.

Signalons que 12,3% de la population en âge de travailler était au chômage au premier trimestre
20228.
Ce panorama économique doit être mis en relation avec les tensions « ethniques » qui traversent
régulièrement les sociétés antillaises, parce que les « possédants », ainsi que tous les directeurs
des grandes administrations, sont des « Blancs ». Les Martiniquais ont de plus en plus
l’impression d’être des « spectateurs » de leur propre vie et vivent très mal cette dépendance
économique et culturelle dans laquelle ils se trouvent. L’arrivée importante de
« Métropolitains » dans l’île qui ne s’accoutument pas au mode de vie « à l’antillaise » et
cherchent à le contester devant les tribunaux, créent de nouvelles formes de tension, inédites
jusqu’alors (Bruneteaux, Pulvar 2022). Depuis le mouvement en faveur des réparations de
l’esclavage (MIR), des jeunes de plus en plus nombreux, résidant dans l’île ou dans les
diasporas, se revendiquent de l’Afrique et rejettent l’idéologie de la créolité, jugée trop
assimilatrice. Ce sont des activistes qui mènent des actions « spectaculaires » : déboulonnage
des statues, invasion des supermarchés, occupation des anciennes habitations, destruction des
outils de production que sont les rhumeries9…
Comme nous avons brièvement essayé de le montrer, la départementalisation, en accélérant de
manière brutale, le processus d’assimilation des Antillais vis-à-vis de la « métropole » française
a ravivé un certain nombre de tensions ethniques liées à des inégalités socio-économiques
importantes. Après ce que l’on pourrait appeler l’euphorie de la départementalisation qui
conférait la citoyenneté française est venu le temps du désenchantement face au constat de
l’impossibilité d’être des français à part entière. Ces désillusions sont allées de pair avec une
prise de conscience progressive du déni de spécificités antillaises, notamment dans l’éducation.

2. Approche historique. Des années 1950 à la fin des années 1970 : la mise en œuvre
des programmes de l’Éducation Nationale française

Comme partout en France, la départementalisation a supposé que la Martinique soit soumise


au régime de l’Éducation Nationale, tel qu’il est conçu en France. Il existe un système éducatif
unique pour tous, fondé sur une « matrice monolingue » comme ferment de l’unité républicaine.
Pierre Escudé met en évidence cette idéologie du monolinguisme et du mono-culturalisme que
véhicule la conception même de la notion d’ « Éducation Nationale » lorsqu’il écrit :

La province ne peut être que le lieu exotique des vieilles origines, des langues
primitives, de l’enfance – pays des limbes, des contes et du folklore qui est le fond
d’écran du romantisme. Le bretonnant et positiviste Renan ne dit pas autre chose,
un siècle après Barère : « Toute sa vie, on aime à se rappeler la chanson en dialecte
populaire dont on s’est amusé dans son enfance. Mais on ne fera jamais de science,
de philosophie, d’économie politique en patois. » Deux siècles après, c’est encore
la doxa du ministre de l’Éducation nationale, Claude Allègre : il vaut mieux former
« des informaticiens maîtrisant le français et parlant anglais plutôt que des bergers
parlant corse ou occitan » (Escudé 2013 : 339).

7
Ibid.
8
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2122310
9
https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/destruction-statues-victor-schoelcher-est-justifiee-militants-
condamnee-certaines-figures-martiniquaises-835524.html
À la Martinique, la conséquence en est que les enfants créolophones sont scolarisés
dans des écoles où seul le français est autorisé comme langue de scolarisation. Alors que
les enfants ne parlent que créole dans leurs familles, le français leur est enseigné comme
s’il constituait leur langue maternelle, ce qui n’était absolument pas le cas au début des
années 1950. Raphaël Confiant témoigne ainsi de ce vécu :

J’étais scolarisé dans les années 50 et à l’époque, en Martinique, on tolérait la


pratique du créole. Je dis bien qu’on la tolérait. La situation pouvait en effet varier
d’un établissement à un autre. Dans certaines écoles, on pouvait lire sur les murs «
Interdit de parler créole », on pouvait être puni par les enseignants pour usage du
créole. Il y avait donc d’un côté une certaine forme de répression à l’égard du créole,
et de l’autre une valorisation du français (Confiant 2005).

Des années 1950 aux années 1970 environ, les enfants ne bénéficiaient donc pas de la
didactique du Français Langue Étrangère (F.L.E) et étaient vertement tancés lorsqu’ils
commettaient des « créolismes », c’est-à-dire quand ils introduisaient des termes ou structures
créoles dans leurs énoncés en français. Plus grave encore, il n’y avait pas de contextualisation
didactique. Les petits Martiniquais et les petits Guadeloupéens entendaient parler, dans les
problèmes de mathématiques qu’ils devaient résoudre, de la vitesse des trains, des centimètres
de neige qui sont tombés. Ils étaient confrontés en littérature à des descriptions de lieux et de
coutumes qui ne ressemblaient en rien aux leurs et devaient emmagasiner des mots nouveaux
qui ne correspondaient pas aux réalités qu’ils connaissaient10.
De fait, en plus des difficultés liées à la discipline elle-même, comme cela peut être le cas pour
les mathématiques, les élèves doivent affronter la lecture des consignes et leur compréhension,
sachant qu’ils ne peuvent pas se représenter le monde qui leur est proposé, à travers les textes
des problèmes de mathématiques ou les lectures d’auteurs classiques qu’ils étudient. La
télévision ne sera répandue dans les foyers qu’à partir de la fin des années 196011 (Francetv,
2014) et tout le monde n’en sera pas équipé dans les campagnes du fait du réseau
d’électrification qui est alors en train d’être mis en place.
Se crée donc une disjonction entre le monde vécu et le monde enseigné à l’école, à tel point que
certaines réalités locales sont réinterprétées à la lumière de ce qui est présenté dans l’univers
scolaire. Le « fleuri-noël » qui est une sorte de buisson produisant des fleurs blanches est ainsi
vu comme « arbre à neige ». À la moindre baisse des températures (autour des 21 degrés),
chacun a envie de porter un pull. Les champs de blé semblent plus familiers que les champs de
canne, etc. La grange devient une réalité plus proche que l’usine à sucre.
Ces divers exemples suffisent à montrer comment les élèves tendent à se percevoir comme ce
qu’ils ne sont qu’en partie : des petits Français, voire des petits Européens. L’école ne leur
apprend pas à investir leur identité caribéenne, reliée à l’héritage africain. Toute la
problématique autour du soin des cheveux qui, à cette époque, n’est acceptable que lorsqu’il
est « défrisé » renvoie à cette sorte de « vie par procuration » que vivent les élèves et leurs
familles.
Ajoutons à cela que les programmes d’histoire et de géographie sont exclusivement centrés sur
la France, l’Europe et les États-Unis. Il fut un temps, vite aboli heureusement, où les élèves
antillais apprirent que leurs ancêtres étaient des Gaulois, mais au-delà de cet aspect caricatural,
ce qu’il convient de retenir, c’est la négation de l’histoire et la géographie de la Martinique dans

10
Ces expériences sont tirées du vécu de l’autrice de cet article, née en 1970 de parents instituteurs et scolarisée
dans une école de campagne à la Martinique. Voir aussi Chamoiseau (2002) et Céco (2016 : 13-26.
11
La télé fait son apparition en outre-mer vers le milieu des années 1960. En Martinique, c’est en juillet 1964
qu’elle est installée, avec la seule chaîne ORTF. En Guadeloupe, c’est en décembre 1964.
les apprentissages et le silence assourdissant sur la Caraïbe12 (Diné 2017). Comme l’histoire de
l’indépendance haïtienne n’est pas enseignée dans les écoles, que Toussaint Louverture reste
un illustre inconnu pour bon nombre de Martiniquais et de Guadeloupéens, Haïti n’est
« connue » qu’au travers de ses immigrés pauvres et fait horreur. Il en va de même des Saint-
Luciens à la Martinique et des Dominicains à la Guadeloupe, issus respectivement des îles
anglophones de Sainte-Lucie et de la Dominique qui ont accédé à l’indépendance et dont les
habitants ont un niveau de vie bien inférieur à celui du plus pauvre des Martiniquais ou
Guadeloupéens.
Il faut bien comprendre que les petits Martiniquais apprennent en premier lieu qu’ils sont
français, qu’ils doivent apprendre le français, le créole étant une langue qui ne leur permettra
pas de gravir les échelons sociaux. Ainsi que nous l’avons indiqué précédemment, le rêve de la
majorité des Martiniquais nés entre 1940 et 1960 est de voir leurs enfants devenir fonctionnaires
de l’État français pour échapper à la situation d’ouvriers agricoles, être détenteurs d’un emploi
fixe et bien rétribué, du fait de la prime de 40% de vie chère qui va s’appliquer à partir de l’
année 1950. Pour cela, il faut passer des concours en langue française, connaître bien l’histoire
de la France, sa géographie (notamment pour les concours des Postes et Télécommunications
qui recrutent énormément). Les Martiniquais sont dans une course contre la misère. Ils aspirent
à une reconnaissance sociale qu’ils ne peuvent acquérir que par la voie du fonctionnariat. Les
banques ne leur prêtent pas d’argent pour monter des entreprises. La terre appartient aux Blancs
créoles « Les Békés ». Le secteur tertiaire est leur seule chance.
Dans ces conditions, le regard qui est porté sur la Caraïbe par nombre d’entre eux, y
compris les enseignants, est plutôt condescendant. Haïti apparaît comme un repoussoir, dans la
mesure où les immigrés haïtiens qui viennent travailler dans les champs de canne sont réputés
fuir une existence misérable au plan social et insoutenable au plan politique, du fait de la
dictature de Jean-Claude Duvalier. En effet, entre 1972 et 1980, de nombreux Haïtiens
demandent l’asile en Martinique et en Guadeloupe. Jean-Claude Duvalier, au début des années
1970, a décidé de procéder à la réouverture des frontières, ce qui a provoqué un regain du
phénomène migratoire des couches basses de la population haïtienne. Comme l’explicite Evens
Jabouin :

Ils seront donc des milliers à quitter l’île entre 1972 et 1980 pour se rendre
notamment aux Bahamas et en Floride, mais aussi dans les îles de la Martinique et
de la Guadeloupe. Cette « vague » aussitôt déclenchée commence à inquiéter au
plus haut point les autorités des pays de destination, qui semblent n’être pas prêts à
accueillir des migrants si pauvres et aussi foncés de peau. Leurs dirigeants se sont
mobilisés pour empêcher que cette « masse innombrable» de « déshérités » ne

12
Anaïs Diné (2017) explique ainsi que : « La zone culturelle caribéenne ou la Caraïbe de la culture des plantations
n’est pas une définition « géographique » au sens propre puisqu’elle transcende les frontières politiques et inclue
des parties de pays. Elle est définie à partir de la proposition de Charles Wagley qui propose d’étudier les
Amériques à partir de sphères culturelles : Indo-Amérique, EuroAmérique et l’Amérique des Plantations. Elle
inclut donc tous les pays, régions et parties de pays, construits sur le modèle socio-économique de la plantation,
c’est-à-dire, la Caraïbe ethno-historique et les communautés caribéennes des côtes mexicaines, de l’Amérique
Centrale, de l’Amérique du Sud33 . C’est cette définition qui est utilisée par l’UNESCO dans son Histoire Générale
de la Caraïbe, définissant la région comme : « englobant non seulement les îles mais également les zones côtière
d’Amérique du Sud, de la Colombie aux Guyanes, et les zones riveraines de l’Amérique Centrale, dans la mesure
où les activités des habitants de ces zones du continent les reliaient parfois aux habitants des îles. En dépit de la
variété de langues et de traditions résultant de la rencontre —par choix ou par contrainte— de peuples de cultures
diverses, les habitants de la Caraïbe partagent de nombreux points communs, dérivés de l’histoire et des
expériences communes de ses habitants ».
déferle de manière incontrôlable et incontrôlée sur leur territoire respectif (Jabouin
2018).

Si l’attitude des autorités françaises présentes sur les territoires martiniquais et


guadeloupéens est hostile, au point que les expulsions d’immigrés haïtiens se multiplient dans
la période indiquée, celle des populations martiniquaise et guadeloupéenne ne l’est pas moins.
Surtout Haïti représente, aux yeux de ces populations, le futur de leurs îles si elles venaient à
accéder à l’indépendance.
On comprend que, dans ces conditions, les Martiniquais et Guadeloupéens gardent les
yeux rivés vers la France, au point de ne pas se reconnaître comme Caribéens et de ne pas être
en mesure de situer leurs pays sur la carte de la Caraïbe. Pourtant, de manière paradoxale, ces
Antillais sont friands de musique haïtienne, de calypso et de salsa ; de nombreux échanges entre
groupes musicaux se font entre les diverses îles, et surtout avec Haïti. Au-delà de cette
coopération musicale, les îles proches de la Caraïbe n’attirent guère les Martiniquais et les
Guadeloupéens, excepté à l’occasion de voyages où ils peuvent s’offrir des hôtels de luxe et
jouer quelque peu aux « colons ».

3. De la fin des années 80 à nos jours : des revendications identitaires et linguistiques


au plan éducatif qui suscitent un rapprochement avec la Caraïbe

Comment la situation évolue-t-elle à partir de la fin des années 1980 à nos jours ?
Il faut mettre en évidence l’importance du rôle du créole dans cette évolution. À partir de
l’accession au pouvoir de François Mitterrand en 1981, la « matrice monolingue » de
l’Éducation Nationale qui avait commencé à se desserrer avec la révolution de 1968 créant un
climat favorable à une relecture des relations de l’État français et de ses langues, se desserre
encore davantage :

[…] à partir des années 1981, les circulaires Savary institutionnalisent la place de «
l’enseignement des langues régionales dans le service public d’éducation nationale
», l’encadrent (les premiers postes de conseillers pédagogiques en langues et
cultures régionales [LCR] sont créés dans le primaire) et permettent son
développement. La loi no 84-52 du 26 janvier 1984, dite loi Savary, ouvre la porte
à la première création d’un concours d’enseignement public spécifique pour les
langues régionales […] Cette inscription confirme l’ouverture de l’école aux
langues régionales avec la création de CAPES pour l’ensemble des autres langues
: corse en 1990 , catalan et occitan / langue d’oc en 1991, basque en 1992, alsacien
(avec l’ajout d’une option au CAPES d’allemand) en 1993, créole en 2001 et
tahitien en 2004 (Escudé 2013 : 344).

Cette reconnaissance du créole au plan institutionnel a joué un rôle essentiel dans la mesure où
il a favorisé le développement des relations entre la Martinique, la Guadeloupe et les autres îles
créolophones de la Caraïbe, en particulier Sainte-Lucie, La Dominique et Haïti. En effet, bien
que Sainte-Lucie et la Dominique soient des îles anglophones, en raison de l’occupation
française qu’ont connue ces territoires, les créoles qui s’y sont développés sont des créoles à
base lexicale française qui permettent une très grande intercompréhension avec les créoles de
Martinique, Haïti et Guadeloupe. En 1981, a lieu à Sainte-Lucie, la troisième rencontre du
Comité International des Études Créoles (C.I.E.C.). Les chercheurs créolophones se
rassemblent sous le nom de « Bannzil Kréyol » (Mamanthé, 2007). En 1983, la quatrième
conférence du Centre International des Études Créoles se déroule en Louisiane. Les membres
de Bannzil Kréyol décident de créer une journée internationale du créole le 28 octobre de
chaque année (Mamanthé 2007).
Ces événements sont importants parce qu’ils marquent l’avènement de collaborations inédites
jusqu’alors entre « Caribéens ». La fondation en 1983 de l’Université des Antilles et de la
Guyane va favoriser la coopération avec les Universités de la Caraïbe, encore que « la barrière
des langues » constitue un frein aux échanges, tout autant que le rattachement de l’U.A.G au
droit français.
Quoi qu’il en soit, les Antilles commencent à se tourner vers leurs territoires de
proximité mais ne peuvent prendre d’initiatives sans l’accord de l’État français. De fait, les
associations qui, telle la CARICOM qui est fondé en 1973, se créent pour favoriser l’intégration
régionale caribéenne, et témoigner de cette volonté de reconnaître la zone caraïbe comme
espace autonome, capable de se fédérer13, ne peuvent intégrer comme membres les
Départements Français d’Amérique. Il a fallu attendre l’année 2012 pour que la France renonce
à son rôle de pays observateur et soutienne les démarches d’adhésion à la CARICOM en tant
que membres associés, de la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane (Direction de
l’environnement, de l’aménagement et du logement, 2016). Ainsi « Le 26 février 2014, le
Secrétaire Général de la CARICOM, Irwin Larocque, a invité le Président du Conseil régional
de la Martinique, Serge Letchimy, à venir plaider l’adhésion de la Martinique devant la
Communauté » (Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement 2016).
S’il nous paraît important d’insister sur ces éléments, c’est en raison de l’impact qu’ils auront
dans la prise de conscience progressive par les Martiniquais et les Guadeloupéens, d’une
appartenance « caribéenne », au-delà de l’identité française dont ils se revendiquent tout en la
niant dans le même temps. La prise de conscience de cette appartenance va se manifester par
l’apparition de manuels scolaires et elle sera lente, parce qu’il faut d’abord que les Martiniquais
s’approprient leur propre langue et leur propre « identité » créoles, ce qui n’est pas évident.
Trois facteurs vont jouer un rôle-clé14 (Zou 2006). L’arrivée des socialistes au pouvoir
en France en mai 1981 en est un. Les socialistes préconisent alors une forme de décolonisation
culturelle et permettent la création de radios libres qui vont utiliser la langue créole comme
langue d’émission, pour être au plus près des préoccupations des Martiniquais. Ces derniers
vont de plus en plus prendre conscience d’une réalité « locale » qui n’est pas assimilable à la
réalité « nationale » française. La création de l’hebdomadaire Antilla très engagé à gauche, va
fournir une tribune à tous les Martiniquais qui souhaitent dénoncer le processus d’assimilation
qu’a suscitée la départementalisation.
Autre facteur-clé : l’appel d’Édouard Glissant, en 1981, en faveur des États Généraux de
l’Enseignement, en vue d’une antillanisation de l’enseignement. Des réunions ont lieu qui
concernent l’adaptation de l’enseignement et aboutissent à la rédaction d’un « Manifeste des
États généraux de l’enseignement », dirigé par Édouard Glissant. L’année 1981 est aussi
marquée par la publication d’un ouvrage important par ce même auteur Le discours antillais,
sur la base de réflexions menées au sein même de divers collectifs. Dans cet ouvrage, Glissant
analyse en profondeur le lent processus d’assimilation, issu de la colonisation toujours à l’œuvre
de manière sourde, qui a coupé les Martiniquais de leur environnement proche. La place que
Glissant accorde à la Caraïbe et aux Amériques15 (Glissant 1981) vise à resituer la Martinique

13
La CARICOM est composé de quinze états-membres (Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize,
Dominique, Grenade, Guyane, Haïti, Jamaïque, Montserrat, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-
les-Grenadines, Suriname, Trinité-et-Tobago) et de cinq états associés.
14
Nous prenons appui pour toute cette partie sur le mémoire de D.E.A de Zou (2006).
15
Voir les chapitres « Paysages, pays », p. 223-234, et « Poétiques », p. 235-273, où l’auteur développe une
réflexion autour du « Chili » (p. 228-230), du « paysage cubain » (p. 231-234), « Le roman des Amériques » (p.
254-261) et « La soirée haïtienne (p. 265-266).
dans son environnement immédiat et à dénoncer la manière dont l’Histoire officielle de la
Martinique a été en quelque sorte surdéterminée par rapport à l’Histoire de France, alors qu’elle
relève aussi de l’histoire de l’indépendance cubaine, haïtienne, etc. À la voix d’Édouard
Glissant s’ajoute celle de Guy Cabort-Masson (1981) qui, à la faveur de ces États généraux,
dénonce de manière virulente l’inertie du corps enseignant martiniquais (dont il fait partie en
tant qu’instituteur ; précisons qu’il en démissionnera rapidement). Il traite les enseignants d’
« élite férocement rétrograde », en proie à un assimilationnisme forcené. Pour Cabort-Masson
(1981) :
« En Martinique, l’enfant échoue pour une raison de culture. L’enfant martiniquais qui vit dans
son créole […] doit nécessairement échouer dans cette école dont le moule est à Paris ». Ces
propos font écho à ceux du syndicat SNI-PEGC qui, suite à un colloque organisé en 1979 sur
le thème « Quelle école pour demain ? », avait dénoncé le caractère figé et inadéquat de l’école
à la Martinique. On peut aussi citer Roland Tell, inspecteur de l’Éducation Nationale, qui, dans
ce même numéro d’avril d’Antilla déplore une école où l’enseignement est coupé du milieu
naturel de l’enfant et de la conscience collective.
Ces divers appels à une adaptation de l’école se poursuivront en mai 1982 avec la
fondation du Comité de Coordination pour l’Antillanisation de l’Enseignement (CCAE) qui
organise les Assises pour l’antillanisation de l’enseignement. Les échos de ces mouvements
restent faibles au niveau de la population, la majorité des enseignants n’étant pas encore
sensibilisés à ces questions. En 1983, le CCAE devient l’AMCAE, l’Association Martiniquaise
de Coordination pour l’Antillanisation de l’Enseignement, dont la présidente est Marie-Denise
Grangenois, institutrice elle aussi.
Les avancées sont minces et il faudra attendre mai 1989 pour entendre parler à nouveau
de l’AMCAE au moment où commence à être posée la question de l’introduction du créole à
l’école. L’année 1989 voit de nouvelles prises de position sur le sujet, avec notamment
l’intervention du syndicat SMPE-CGTM qui prône la fondation d’ « une école martiniquaise
bien intégrée dans son environnement et préparant l’émancipation culturelle, politique et
économique » (Mandibélé 1985). En 1991, la question de l’introduction du créole à l’école se
fait prégnante et crée des tensions entre les membres de l’AMCAE et les créolistes. Pour
l’AMCAE (1991), la question de l’antillanisation de l’enseignement ne se résume pas à celle
de l’introduction du créole à l’école, alors que cette question est la priorité des créolistes
rassemblés autour de Jean Bernabé et Raphaël Confiant. Dès 1976, Jean Bernabé avait créé le
GEREC-F (Groupe d’Étude et de Recherche en Espace Créole), la création de l’Université des
Antilles et de la Guyane ayant permis que ce groupe soit labellisé par le Ministère de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Pour l’AMCAE, mais aussi pour le SMPE-CGTM, l’antillanisation de l’enseignement suppose
la prise en compte de la culture, de l’identité créole et du bilinguisme. En juin 1990, le SMPE-
CGTM avait rappelé « l’absolue nécessité d’une école martiniquaise, pensée par les
Martiniquais, et répondant aux besoins réels des jeunes Martiniquais et de leur pays » (SMPE-
CGTM 1990).
À la toute fin des années 1990, il est admis de manière unanime que les programmes scolaires
doivent être « adaptés » ou « antillanisés ». Cela transparaît, par exemple, dans le projet
académique 1999-2002 qui s’interroge sur la manière d’intégrer la langue et la culture créoles
dans les cursus d’enseignement (Bulletin Officiel 2000). Cette préoccupation est aussi portée
dans le rapport Tamaya-Lise de 1999 qui recommande une adaptation de la politique éducative.
Enfin, le dernier facteur-clé est constitué par la publication du Bulletin Officiel n° 8 de
l’Éducation Nationale du 16 février 2000 qui va autoriser l’adaptation des programmes
d’histoire et de géographie dans les Départements Français d’Outre-Mer :
L'adaptation des programmes d'histoire et de géographie ne bouleverse pas
l'architecture des textes actuellement en vigueur dont elle maintient l'essentiel des
contenus. Les finalités de ces programmes, qui veulent aider les élèves à connaître
et à comprendre le monde d'aujourd'hui, reposent sur des valeurs universelles, celles
des Droits de l'homme, de la démocratie et de la République. Cependant, construits
en métropole, ils prennent prioritairement en compte son environnement européen.
Enseigner ces programmes dans les Caraïbes ou au sud de l'océan Indien suppose
que les élèves apprennent à se situer localement et régionalement et qu'ils soient
conscients d'une histoire qui ne se confond pas toujours avec celle de la France.
Les principes qui ont guidé l'élaboration de ce texte sont simples. Chaque fois que
cela a paru nécessaire cette adaptation propose des développements qui, en
géographie, doivent permettre aux élèves de se situer dans les territoires où ils
vivent : le département lui-même mais aussi l'espace caribéen, l'Amérique pour la
Guadeloupe, la Guyane et la Martinique […] Il s'agit en somme d'aider les élèves à
mieux comprendre qui ils sont et où ils vivent (Bulletin Officiel 2000).

Comme on le voit, il est clairement spécifié que les programmes ne sont pas « bouleversés »
fondamentalement. Il s’agit de simples adaptations visant à permettre à l’élève de mieux se
situer dans son environnement. Il a fallu attendre plus d’un demi-siècle pour que l’État français
prenne conscience de la nécessité de ces adaptations et les consignent dans un « Bulletin
Officiel ». Commentant ce BO et le contenu des manuels qui en sont issus, tel le Manuel
Hachette pour la classe de seconde, Gabrielle Burac (Burac 2002 : 130) regrette que : À aucun
moment il n'est fait allusion aux révoltes d'esclaves aux Antilles. Le « nègre marron », esclave
fuyant les habitations pour être libre, qui symbolise la résistance face à un tel système, n'a
aucunement sa place ». Toutefois, elle reconnaît que l’édition de manuels pour les DOM a
permis aux élèves de disposer d’une « abondance de documents écrits (extraits de rapports,
discours politiques...), photographiques et iconographiques [qui] viennent illustrer et appuyer
les différents épisodes historiques, ce qui avait cruellement manqué aux élèves antillais durant
les décennies antérieures ». Elle ajoute que « la présence des grandes lignes de l'histoire et de
la géographie caribéennes leur permet d'élargir leurs connaissances relatives à cette zone encore
si peu connue des Antillais ! » (Burac 2002 : 130).
Ces diverses avancées aboutissent en 2003 au projet des « Humanités créoles »
qu’élabore le Corps d’Inspection de la Martinique (2003), mais qui ne sera pas mis en œuvre,
vu qu’il fait l’objet d’un refus violent par l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale en
dépit de l’implication dans ce projet du doyen des Inspecteurs Pédagogiques Régionaux de la
Martinique, Bernard Alaric. De leur côté, les créolistes, et en particulier Raphaël Confiant, ne
voient pas d’un bon œil ce projet des « Humanités créoles » qu’ils considèrent comme un
moyen de retarder l’enseignement des langues régionales à l’école.
L’année 2005 marque l’officialisation de l’enseignement du créole à l’école. Rappelons
qu’en 2001, le CAPES Créole était créé. En 2009, les choses sont encore loin d’être réglées,
même si certains progrès sont indéniables. Parmi les revendications portées par les Antillais
lors des États Généraux de l’Outre-mer, on note une prégnance de celles relatives à
l’enseignement de l’histoire des outre-mer et de l’enseignement de l’histoire de l’esclavage
dans la région caraïbe et l’étude comparative des sociétés des pays voisins. L’adaptation des
programmes n’a pas rendu obligatoire l’enseignement de l’histoire de l’esclavage et nombre
d’élèves antillais font toute leur scolarité sans entendre parler d’esclavage ou des pays de la
Caraïbe, pourtant si proches. Il faut ajouter que le statut de Régions Ultrapériphériques (R.U.P)
de la Martinique et de la Guadeloupe depuis le traité de Maastricht a favorisé les échanges avec
l’Europe, notamment à l’Université avec le programme d’échange européen ERASMUS.
Il semble donc que le chemin parcouru ait été long et parsemé d’embûches pour que
l’école aux Antilles, et singulièrement en Martinique, puisse adapter ses programmes à son
environnement, à sa culture et à ses langues. Il n’empêche que ces évolutions n’ont pas eu
l’ampleur attendue, dans la mesure où les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres,
anciennes Écoles Normales, devenus depuis des Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat
et de l’Éducation (INSPE), n’ont pas revu en profondeur la manière de former les enseignants
qui restent pour la plupart mal à l’aise, lorsqu’il s’agit d’enseigner ce qui relève des réalités
« locales », notamment la littérature et l’histoire.
C’est en 2010, sous la présidence de Corinne Mencé-Caster, qu’a été créé au sein de
l’Université des Antilles et de la Guyane le CREEF (Centre de Recherches et de Ressources en
Éducation et Formation), équipe de recherche spécialisée dans la contextualisation didactique
dans toutes les disciplines. La présence de la Caraïbe dans l’enseignement reste encore timide
et est surtout laissée à l’initiative des enseignants plus ou moins engagés. Elle s’affirme
néanmoins. En 2017, c’est-à-dire de manière toute récente, le Ministère de l’Éducation
Nationale a publié des ressources pour aider à « l’enseignement des territoires de la Caraïbe
française » (Éduscol 2017). Ainsi, le Bulletin Officiel n° 11 du 16 mars 2017 précise la
nécessité de mener à bien la « présentation du premier empire colonial français, axée sur
l’espace de vie des élèves de La Réunion, des Antilles et de la Guyane, contribue en à fixer
quelques repères spatiaux et chronologiques forts (conquête, peuplement, exploitation, Code
Noir...) » et de contextualiser : « Des études couvrant les différentes parties du monde
permettront de choisir une ou deux études s’inscrivant dans un DROM ou dans son
environnement régional ».
Dans tous les cas, on remarque que la lutte qui a été menée pour l’antillanisation de
l’enseignement s’est d’abord concentrée sur le territoire de la Martinique lui-même : il
s’agissait d’activer la prise de conscience chez les Martiniquais de leur identité « créole »
articulée autour de la langue et de la culture. La présence de la Caraïbe semble diffuse, même
si des voix se sont élevées, qui ont cherché à rappeler la « caribéanité » de la Martinique et de
la Guadeloupe : Édouard Glissant dans Le discours antillais et les créolistes avec la création de
l’association « Bannzil kréyol ».
Il faut noter néanmoins que c’est la reconnaissance de cette identité « créole » et sa prise en
compte dans l’enseignement et les pédagogies éducatives qui ont permis à la Martinique de se
décentrer de la France et de tourner les yeux vers les pays de son environnement proche. La
démocratisation des voyages a permis aux Martiniquais de découvrir les îles proches de chez
eux.
De plus en plus, sont organisés des voyages pédagogiques dans la Caraïbe, financés par
des fonds INTERREG, mais la focalisation sur l’Europe est loin d’avoir disparu. Si les
Martiniquais se sentent quelque peu « caribéens », c’est par d’autres moyens que l’école : la
musique, les voyages personnels, les associations qui favorisent les échanges entre les pays
anglophones, francophones et hispanophones de la Caraïbe et la Martinique.
Conclusion

Aborder la problématique de l’éducation et des politiques éducatives dans les Antilles


françaises suppose de retracer l’histoire des rapports entre ces territoires et leur ancienne
« métropole » aux plans politique, social et économique. Au cœur de cette exploration s’invite
la question de la colonialité comme forme de domination latente qui subsiste comme vestige de
la colonisation proprement dite.
En effet, la politique assimilationniste qui a été le corollaire de la départementalisation
a généré, chez nombre d’Antillais, une sorte d’écartèlement schizophrénique entre l’identité
française acquise de droit par l’octroi de la citoyenneté et l’identité afro-caribéenne qu’il
s’agissait, en réalité, de conquérir, par une mise à distance de l’identification à la France. La
mémoire des événements traumatiques de la Traite et de la colonisation a généralement
constitué un frein à l’adhésion pleine à l’assimilation à la France, mais de manière paradoxale,
elle a aussi généré une sorte de consentement « inavoué », donnant lieu à un constant
mouvement de balancier. Il en a découlé toute une série de paradoxes dont témoignent les
revendications éducatives : la lutte pour la reconnaissance du créole par les intellectuels et
certains enseignants militants s’est souvent heurtée de plein fouet aux réticences et refus des
parents qui ne souhaitaient pas voir cette langue enseignée à leurs enfants. De même, les
rapports ambigus, voire la distance, à l’égard des pays caribéens n'ont pas toujours été en phase
avec la volonté affichée par nombre d’hommes politiques et d’intellectuels antillais, de ré-
enracinement dans ce sous-espace.
Au plan éducatif, ces oscillations se sont traduites par une tension quasi permanente
entre le devoir d’appartenance à une Caraïbe encore méconnue et globalement non-francophone
et la fascination savamment entretenue envers la France et les potentiels débouchés qu’elle
offrait en termes de carrière professionnelle et de promotion sociale. Il faut voir aussi dans cette
attraction envers l’ancienne métropole, la quête d’une reconnaissance d’ordre symbolique qui
est à rattacher au déni d’humanité qu’a représenté l’esclavage et dont Frantz Fanon a exprimé
le caractère ambigu et contradictoire, au moyen de l’énoncé éponyme de son célèbre texte
Peaux noires masques blancs.
L’imbrication de ces différents facteurs auxquels il convient d’ajouter l’angoisse de la
misère matérielle, projetée par une Caraïbe indépendante mais pauvre dont Haïti est la figure
prototypique, explique sans doute pourquoi les avancées en matière de vernacularisation des
contenus et des savoirs éducatifs ont été lentes et souvent chaotiques. Celles-ci, bien
qu’indéniables, ne permettent pas encore de garantir la visibilité pleine et entière de la Caraïbe
dans l’éducation et les politiques éducatives aux Antilles françaises. En tant qu’enclave
européenne dans la Caraïbe, la Martinique et la Guadeloupe continuent d’avoir pour
enseignements fondamentaux ceux de l’histoire et de la géographie françaises, européennes et
états-unienne. L’approche de l’histoire ou de la géographie de l’Afrique subsaharienne reste
lacunaire, voire inexistante. L’enseignement portant sur les territoires caribéens proches est
officialisé mais reste néanmoins marginal.
L’Université des Antilles (anciennement Université des Antilles et de la Guyane) dont
les axes de recherche sont spécialisés sur les problématiques caribéennes n’a pas encore
réellement réussi à faire bouger les lignes au niveau de l’enseignement primaire et secondaire,
lequel se trouve placé sous l’autorité du rectorat. Pour autant, l’intégration de l’institut de
formation des enseignants du primaire et du secondaire au sein de l’Université des Antilles,
depuis 2012, a représenté un moyen d’articuler plus fortement entre eux les savoirs de
l’enseignement supérieur, orientés vers la Caraïbe, et ceux du primaire et du secondaire, plus
tournés vers la France et l’Europe.
C’est de ce dialogue nourri entre l’Université et le rectorat mais aussi de l’ approche
critique de l’histoire des politiques éducatives dans les Antilles françaises que l’on peut espérer
une forme de rééquilibrage visant à réconcilier les multiples identifications historico-culturelles
et à favoriser, chez les élèves antillais, une image de soi plus conforme à l’ancrage géographique
et aux sillons de l’Histoire.

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