Vous êtes sur la page 1sur 22

HISTOIRE DU LIVRE

PREAMBULE

Parler de l’histoire du livre c’est retracer les techniques et inventions qui ont
modelé de l’antiquité à nos jours ce qu’on a pu considérer comme le produit
culturel le plus fameux que l’humanité ait créé jusqu’ici.

C’est la succession de sauts technologiques, esthétiques et commerciaux qui


ont au fur et à mesure amélioré l’accès à l’information, sa conservation ainsi
que la portabilité du livre et ses coûts de production.

C’est évoquer sûrement la rencontre entre le support et l’écriture, ses deux


principales conditions d’existence, mais c’est observer sans doute comment
l’odyssée du « compagnon de l’humain voyage » (Montaigne) s’entrelace si
magistralement avec l’histoire des idées et la marche des civilisations.

1
INTRODUCTION

Bref aperçu sur la Bibliologie et les sciences du livre

Le Larousse la définit comme « l’ensemble des disciplines qui ont le livre pour
centre d’intérêt (Bibliographie, Histoire du livre, psychologie de la lecture,
etc.) ».

Si le terme est utilisé pour la première fois par l’Abbé Rive en 1781, c’est
Georges Peignot, puis surtout Paul Otlet qui s’interrogea sur l’histoire de la
Bibliologie dans son Traité de documentation. Le livre sur le livre. Théorie et
pratique, paru à Bruxelles en 1934.

Elle passe d’une phase de collecte au 19ème siècle et de description (de plus en
plus scientifique avec l’idée d’expérimentation et de recherche causale) au
20ème à une phase plus explicative avec des auteurs comme R. Estivals qui la
définit non plus comme une science du livre mais de l’écrit, intégrant
aujourd’hui 3 technologies : l’imprimé classique, l’informatique et la
télématique (multimédia).

C’est dans cette vaine que J. Meyrat la définit comme étudiant « les conditions
de production et de distribution du livre, c'est-à-dire de l’écrit sous toutes ses
formes ».

Le livre ou l’écrit est ainsi le fruit d’une longue évolution que la Bibliologie
essaie de cerner en recourant à une multitude de disciplines connexes qui
vont de l’archéologie à la psycho sociologie de la lecture en passant par la
paléographie, etc.

La Bibliographie en particulier tente de répondre aux besoins d’information


variés devant une masse de plus en plus importante de documents, par la
création de classifications, de répertoires, etc. pour faciliter l’accès et la
diffusion du livre…

Elle peut être générale (la bibliographie nationale par exemple à l’échelle d’un
pays), spécialisée, sélective, courante, rétrospective…

2
La Bibliométrie quant à elle s’occupe à mesurer, à quantifier la bibliographie
avec des pionniers comme Musakowski en 1926 au Congrès international des
bibliothèques à Prague et le suisse Röthlisberger qui ouvre la voie au
professionnalisme et à la recherche concertée.

La création de l’institut international de coopération intellectuelle, ancêtre de


l’Unesco jouera également un rôle de premier plan dans le développement des
sciences du livre…

Définitions

Qu’est ce que l’Histoire ?

Du grec historia qui signifie enquête ou connaissance acquise par enquête, elle
a pour origine les « enquêtes » d’Hérodote (5ème siècle av. JC) qu’on appelle le
Père de l’histoire.

Elle se définit comme « récit des faits, des événements relatifs aux peuples et à
l’humanité en général ». C’est le regard que l’homme porte sur le passé avec
des motivations diverses, la compréhension et la transformation du réel pour
Jean Chesnaux par exemple…

L’Histoire est généralement divisée en 4 grandes périodes (trois dans la sphère


anglo saxonne) :

- l’Antiquité qui partirait des premières civilisations, de la découverte de


l’agriculture notamment, à la chute de l’empire romain d’occident en
476.
- le Moyen âge qui se termine au XVème siècle avec des événements
déterminants comme l’invention de l’imprimerie autour de 1450, la
découverte de l’Amérique en 1492, la Réforme luthérienne en 1517…
- les Temps modernes qui se termineraient avec la Révolution française de
1789, la Révolution industrielle, l’expansion coloniale…
- l’Epoque contemporaine qui débute vers la fin du XIXème siècle…

3
Qu’est ce que le Livre ?

Le Littré parle de la « réunion de plusieurs feuilles servant de support à un


texte manuscrit ou imprimé ».

René Malo dans Art du livre (1930) le définit comme la « réunion de cahiers
imprimés cousus ensemble et placés sous une couverture commune ».

Pour la conférence de l’Unesco de 1964 c’est une « publication non périodique


imprimée comptant au moins 49 pages, pages de couverture non comprises,
éditée dans le pays et offerte au public ».

Enfin la Grande Encyclopédie retient la « reproduction écrite d’un texte destiné


à la divulgation sous une forme portative ».

On s’arrêtera ainsi sur trois fonctions essentielles du livre (support de


l’écriture, diffusion et conservation de textes variés, portabilité).

On remarquera que le livre est aujourd’hui un objet organisé (pagination,


chapitres, etc.), avec des outils d’accès (sommaire, index, bibliographie…).

Il revêt plusieurs formes selon ses destinataires, sa fabrication, son format, ses
usages, etc.

On parle également de chaîne du livre avec ses maillons acteurs :

- l’Auteur, c’est le créateur (on parle de responsabilité principale) qui cède


tout ou partie ses droits d’exploitation à…
- la Maison d’édition qui a une fonction intellectuelle et économique…(en
France l’Auteur ne cède pas ses droits intellectuels contrairement aux
usages dans les pays anglo saxons où il peut renoncer aux dits droits qui
deviennent propriété de la Maison d’édition).
- le Diffuseur est chargé de promouvoir le livre dans le commerce…
- le Libraire qui vend aux particuliers et aux…
- Bibliothèques censées garantir l’accès plus ou moins libre et
démocratique au livre…

4
Chapitre I

LE LIVRE DANS LA PERIODE ANTIQUE

Très tôt l’Homme s’est fait une religion quand à la nécessité de garder la trace,
grâce au signe il quittera la préhistoire pour entrer dans l’HISTOIRE…

A – L’Ecriture

Par le biais de l’écriture les hommes sont en effet parvenus à représenter


graphiquement par des signes inscrits ou gravés sur un support les langues. Ce
qui leur a permis d’échanger de l’information sans le truchement de la voix et
de façon plus durable.

Datant d’environ 5300 ans elle est apparue principalement dans 3 foyers de
civilisation pratiquant déjà l’Agriculture et fortement urbanisés.

Mésopotamie-3300, Egypte-3200, Chypre-2200, Crète-1900, Chine-1400, Asie


centrale-900…

Son invention

Elle aurait pour origine les transactions commerciales entre régions éloignées.
En effet il a fallu mettre en place des Contrats pour gérer les éventuelles
contestations.

Les Contrats étaient des boules creuses de glaise enfermant des Calculi
(sphères, cônes, cylindres…) symbolisant des nombres, en plus des formes
conventionnelles représentant les choses échangées.

Puis on en vint, en plus des sceaux, à graver sur la boule qu’on brisait en cas de
contrôle, des signes sur l’extérieur pour en indiquer le contenu quantitatif (le
nombre) et qualitatif (les objets contractés).

Ce système va évoluer avec l’aplatissement de la boule de glaise dont les deux


faces furent utilisées pour dessiner les contrats à l’aide d’un roseau nommé
Calame dont la base de l’écriture était sous forme de Coin, on parle aussi de
Clou. C’est la naissance de l’écriture cunéiforme dont les plus anciens

5
spécimens ont été découverts à URUK (actuel Warka en Irak) capitale du pays
de Sumer.

Son évolution

On s’est attaché d’abord à dessiner le monde à partir de signes symboliques,


des Pictogrammes (un signe =un objet), des Idéogrammes (un signe=une idée)

Puis on est arrivé à noter lettres et syllabes avec l’écriture phonétique


dessinant ainsi la parole.

Cependant tout système d’écriture est représentation d’une alliance entre


l’image et la parole.

Le cunéiforme se répandra dés le IIème millénaire dans le Golf persique, en


Méditerranée, en Iran, dans le Caucase, en Asie mineure, en Palestine…

La propagation de l’Alphabet

Ce fut le fait des Araméens dont les plus anciens documents écrits proviennent
du nord de la Syrie (IX siècle av. JC) qui servirent à consigner de nombreuses
autres langues.

Leur alphabet finit par remplacer le cunéiforme et l’araméen devient peu à


peu une langue internationale dans tout le moyen orient. Elle sera la langue
officielle de l’Empire perse (550-330 av. JC).

L’Expérience égyptienne

Sur la vallée du Nil, chaque année après les crues, les limites des champs
étaient brouillées. Le besoin de repères tangibles et incontestables donnera
naissance à l’Ecriture (comme il donnera naissance à la Géométrie) :
Médouneter (paroles sacrées) ou Hyerogluphikos en grec (gravures sacrées).

Elle a une vocation politique et religieuse et est censée garantir l’ordre du


monde.

Elle se décline sous deux formes, Hiératique dans l’administration avec des
signes simplifiés pour copier rapidement, et Démotique (populaire) qui sera
l’écriture officielle à partir du VIIème siècle av. JC.

6
3 types de signes à retenir pour l’essentiel :

- les logogrammes où un signe = un mot ;


- les phonogrammes où un signe = un son ;
- les déterminatifs qui précisent dans quelle catégorie le signe doit être
classé.

B – Les premiers supports

On aurait commencé à écrire sur la pierre (Sumer), sur de la soie (Chine), mais
le 1er véritable support livresque est le Bois (biblos) ou liber dont le sens
premier est l’écorce intérieure d’un arbre.

1-Le Papyrus

La préparation de cette plante des bords du Nil passait par plusieurs étapes
avant de supporter l’écriture. Les tiges dont on enlevait la moelle étaient
ensuite humidifiées, séchées, collées avant d’être découpées en rouleaux ou
volumen qui pouvaient atteindre 10 mètres.

Cet assemblage de feuilles plus léger et plus facile à transporter que les
tablettes sera le principal support antique du livre, en Egypte, en Grèce et à
Rome…

2-Le Parchemin

Du grec pergaminum , inventé par Eumène II Roi de Pergame au III siècle av. JC,
il remplace progressivement le papyrus. Obtenu à partir de peaux d’animaux
(mouton, veau…) il offre une meilleure conservation.

Mais il reste lent à préparer et cher à cause de la rareté du matériau.

Le rouleau de papyrus ou de parchemin (volumen) est enroulé autour de 2 axes


en bois verticaux n’offrant ainsi qu’une lecture séquentielle. Au nombre de ses
inconvénients, on ne pouvait lire et prendre note en même temps, ni écrire au
recto et au verso…

Il n’en reste que les rouleaux de la Torah…

7
C- Les Scribes

De scribere ou écrire en latin, le scribe est en Egypte un lettré respecté,


souvent administrateur, comptable et écrivain public. C’est un Haut
fonctionnaire dans la cour du Pharaon, exempt d’impôt et de service militaire…

D- La culture du livre dans l’antiquité

Il est à constater l’absence de droits sur les œuvres dans la période antique, ni
droits d’auteur, ni droits d’éditeur…

Chacun pouvant recopier des œuvres et même les modifier. Le seul gain de
l’auteur reste son immortalité.

Il faut remarquer également l’importance de la censure politique ou religieuse.

C’est ainsi que l’œuvre de Protagoras fût brulée, de même en 303 l’empereur
Dioclétien ordonne de brûler les livres chrétiens…ces derniers également
feront les pyromanes avec les œuvres des « mécréants ».

L’enjeu était de faire disparaître les traces des idées de l’adversaire, le privant
ainsi de postérité voir d’immortalité.

La censure et le contrôle furent également l’œuvre des élites tentées de


conforter leurs systèmes politiques.

Ainsi l’empereur Auguste réunira autour de lui la plupart des grands écrivains
inaugurant ce qu’est aujourd’hui le contrôle des médias par les politiques…

Malgré tout d’importants fonds documentaires ont été rassemblés dans


l’antiquité. La fameuse Bibliothèque d’Alexandrie contenait en sa période de
splendeur quelques 500 000 volumes. On peut citer également à Athènes la
Bibliothèque du Ptolemaion…

8
Chapitre II

LE LIVRE DANS L’EMPIRE ROMAIN

Ici va s’opérer une rupture consécutive à 3 facteurs majeurs : la conscience


éditoriale plus marquée, l’expansion de la langue latine et le développement
des bibliothèques.

A – Le développement de l’édition

Si l’activité du livre reste peu connue en Grèce, à Rome les sources deviennent
plus explicites sur la connaissance du livre.

L’édition du livre en effet se développe au Ier siècle av. JC avec la littérature


latine et commencent à se former des cercles de lettrés. Des corps de métier
apparaissent dans le domaine de l’édition et de la distribution.

Ainsi se mettent en place des stratégies de plus en plus conscientes en matière


d’édition et de diffusion et apparaissent des corporations qui dépassent les
cercles d’amis et se positionnent pour la première fois dans les métiers du livre.

Atticus (109-32 av. JC) l’un des pionniers va éditer Démosthène et Platon
quand les frères Sossi vont éditer Horace.

Désormais la distribution du livre se professionnalise petit à petit et se fera sur


des marchés de plus en plus éloignés.

B – L’imposition de la langue latine et le développement des bibliothèques

Dans sa stratégie de conquête Rome va s’attacher à imposer la langue latine à


tous les peuples de l’empire, c’est ce qu’on a appelé la romanisation. Ce qui va
entrainer une plus large diffusion du livre jusqu’en Espagne et en Afrique.

Ainsi se répandront partout des cercles de plus en plus spécialisés dans


l’évaluation littéraire et philosophique des œuvres.

9
Parallèlement les bibliothèques se développent sous l’impulsion d’abord de
privés et de mécènes, tel Sammonicus, érudit romain qui vécut vers 200 av. JC
dont la bibliothèque avoisinera les 60 000 volumes.

Rome connaîtra alors un développement fulgurant des bibliothèques dans tout


le territoire de l’empire.

Vers la fin du IVème siècle prés d’une quarantaine de bibliothèques


essaimèrent jusque dans les municipes (communes), à Baés, Cumes, Pompei,
Ephèse en Asie mineure, Tingad à Afrique du nord…

Cette influence va s’étendre jusqu’à l’empire byzantin avec des institutions


prestigieuses comme la Bibliothèque Sainte Catherine du Sinaï où l’on
découvrit en 1844 des fragments de l’ancien Testament et tout le nouveau
Testament.

C – Les limites de la fonction culturelle du livre dans l’empire romain

D’abord les difficultés de conservation et la censure ont fait que beaucoup


d’œuvres ne nous sont pas parvenues. Il en est ainsi de l’essentiel de l’œuvre
du grand tragique Sophocle (496-406 av. JC.

Par ailleurs Sénèque (4 av. JC – 65 ap. JC) dans son Traité sur la tranquillité des
âmes raille le prestige qui est plus souvent recherché que la connaissance dans
le rassemblement des collections qui dit « Tel homme a des livres qui ne
servent jamais à ses études, mais pour l’ornement de sa salle à manger.
Aujourd’hui les bains et les termes sont garnis d’une bibliothèque devenue
l’ornement obligé de chaque maison. On ne cherche les chefs d’œuvre que pour
en parer les murailles ».

Cependant les efforts consentis dans la diffusion du livre et les progrès


accomplis dans les métiers du livre sous l’empire romain, préfigurèrent à n’en
pas douter la Révolution éditoriale du moyen âge.

10
Chapitre III

LE LIVRE AU MOYEN AGE

Vers la fin de l’antiquité et au moyen âge des phénomènes importants vont


révolutionner l’univers du livre : l’apparition du Codex, l’avènement du papier
et la révolution éditoriale du XIIème siècle.

A- Le Codex ancêtre du livre moderne

Bloc de bois ou livre en latin son format actuel est une invention romaine, avec
des pages reliées par les marges et une couverture.

Comparativement au volumen il offre l’accès aux pages numérotées au départ


par des lettres et aux chapitres de manière directe.

Adopté par la chrétienneté ce sera le support de la Bible à la différence du


volumen qui accueillit la Torah.

Son format dépend de la pliure du feuillet : in folio (en 2), in quatro (en 4), in
octavo (en 8).

Il fut connu en Amérique chez les Aztèques et les Mayas où le découvrirent les
conquistadores espagnols, mais aussi en Chine bien avant son invention en
Europe.

Le Codex va révolutionner profondément la structure du livre avec l’apparition


plus tard des index, des tables des matières, etc.

B- L’avènement du Papier

Invention chinoise (IIIème siècle) le papier va remplacer le parchemin.

Feuilles minces issues de fibres cellulosiques végétales ou animales il sera


introduit en Europe par les arabes à la suite de la bataille de Talas (Kirghistan)
qui les opposa aux armées chinoises en 751…

11
Samarkand aux confins de la Perse et de la Turquie (dans l’actuelle
Ouzbékistan) en fût le premier grand centre musulman de production.

Sa fabrication va recourir rapidement aux progrès technologiques de la


mécanique et de la chimie.

Les premiers matériaux furent constitués de lin, de chanvre et de coton. Ce


matériau était humidifié, pourri et broyé dans des cuves.

Après le broyage sera fait, avec les progrès de la mécanique, par les Piles à
maillets apparues au XIIIème siècle, puis plus tard avec la fameuse Pile
hollandaise de 1673…

La pâte à papier d’aujourd’hui est plutôt un mélange de fibres de bois et de


papier avec du liant.

Le papier est aussi de plus en plus recyclé. En 2002 par exemple sur les 11
millions de tonnes de papier consommés 5 millions ont été recyclés.

Le papier se présente sous différentes qualités ou grammages et sous


différents formats. Son unité de mesure est la rame.

C’est un véritable produit de la culture moderne :

« Par sa blancheur le papier peut suggérer une idée de pureté (…).Sa


disponibilité ouvre le porte à l’imagination, à l’interrogation abstraite, à
l’inconscient ». Cuvelier (1982).

C- Le rôle des monastères

Il faut rappeler d’abord que la chute de Rome va entrainer de profondes


mutations fort préjudiciables à l’histoire du livre…

Mais au plan éditorial la continuité des efforts d’organisation va être assurée


par l’Empire romain d’orient.

Le développement de la littérature religieuse :

12
En fait l’histoire de la religion s’est d’abord bâti sur l’enseignement oral, du
Christ essentiellement. Ce qui a entraîné des variations et une certaine
dispersion des messages.

D’où la nécessité de normaliser et d’unifier le message chrétien autour des


thèmes fondamentaux comme la Trinité, la Charité, etc.

L’Empereur Constantin (272 – 337 AP. JC) premier empereur romain chrétien
va s’y employer avec bonheur…

Il convoque en 325 le Concile de Nicée et place l’Eglise au cœur des activités


éditoriales.

Les Abbayes et les Monastères vont jouer un rôle de premier plan dans la
diffusion et l’édition du livre en prenant entre autres le relais de
l’enseignement ecclésiastique.

On peut citer le monastère de Vivarium au sud de l’Italie fondé par le moine


Cassiodore (485-580 AP. JC) dans le but de développer et transmettre la
culture savante et les sciences profanes dans un lieu chrétien. Faute de maîtres
pour ses moines il fournit des livres et initie ainsi une grande période pendant
laquelle la Bibliothèque va se substituer à l’Université. Il va tenter d’uniformiser
les codes de l’écriture, met en place les règles pour la reprographie et la
reliure, créant même un système de lampes pour l’étude de nuit…

« Restaurateur des sciences » et «grand héros des bibliothèques », avec Isidore


de Séville il a fortement contribué à « passer » la culture antique en occident.

Constantin se révélera ainsi comme le vrai continuateur de l’esprit romain par


la perpétuation des institutions, l’architecture, la construction de bibliothèques
à Byzance…

Très attiré par les biens culturels et soutenu par des mécènes très actifs, il a
cherché à rétablir la cohérence des collections dispersées par les chocs entre la
civilisation romaine et les invasions « barbares ».

Ces efforts déboucheront sur une forte organisation dans les monastères où la
prière est articulée au travail intellectuel.

13
C’est ainsi qu’y naîtront les Scriptorium, embryons d’imprimerie où se faisait la
copie et la décoration des manuscrits, au Mont Cassin, à l’Abbaye de St Aignan
en France, avec des Minutiaristes (illustration), des Enlumineurs (décoration)…

De véritables chaînes du livre que dirige l’Amarius, moine expérimenté et


souvent bibliothécaire, qui s’occupe du choix des consommables, de la rotation
des équipes, du contrôle de conformité, de la diffusion…

Avec emphase J. M. Preux parle de ces « Ateliers impressionnants


d’organisation(…) à l’ombre des monastères comme autant d’îlots de pérennité
du savoir et de l’art au milieu d’une mer agitée d’invasions, de razzias, de
violence de toute espèce. Les scriptoria (…) étaient souvent des modèles de
répartition du travail, voir une préfiguration du travail à la chaîne ».

Il faut enfin retenir également le rôle très important joué par la civilisation
islamique.

Les arabes constituèrent d’impressionnantes bibliothèques, les bayt al hykhma


ou maisons de la sagesse qui essaimèrent à l’âge d’or islamique.

Ils introduisirent le papier en Espagne en 1056, en Italie en 1102 et en France


au milieu du XIIIème siècle ainsi qu’une bonne partie des œuvres grecques en
occident. Ils donnèrent à la science de grandes figures…

Avicenne (980-1037 AP. JC) philosophe et médecin persan fût de ceux là.
Jusqu’au XVIIème siècle, avant Harvey, l’enseignement de la circulation
sanguine reposera sur son fameux Qanun al tib. Il fût l’un des plus grands
commentateurs d’Aristote.

Sans oublier le rôle de la civilisation arabo musulmane dans la fondation des


premières universités du monde…

14
D- La Révolution éditoriale du XIIème siècle

La période monastique du livre, malgré de formidables efforts, consacre


essentiellement la littérature sacrée et religieuse en latin, langue de l’Eglise.

Les traités de maths, médecine, astronomie, etc. ne représentent que 25 % des


collections et les livres restent ainsi encore peu nombreux…

Au XIIème siècle le renouveau des villes booste la production de livres dont les
structures de production se développent autour des universités naissantes.
Toutes choses qui vont déboucher sur la laïcisation du livre avec le
développement des matières profanes (Droit, Histoire, romans, etc.).

Le développement du commerce et de la bourgeoisie va jouer un grand rôle


avec les éditions en langues « vulgaires ». S’ensuit le développement du métier
de libraire.

C’est aussi l’époque de création de grandes bibliothèques royales avec en


France St-Louis (1226-1270) ou le Roi intellectuel Charles V (1338-1380).

Parallèlement aux bibliothèques privées les bibliothèques publiques se


développent et accueillent de plus en plus les membres de professions
libérales, préfigurant le grand boom des siècles de l’Imprimerie.

Au regard de toutes ces avancées significatives connues par le livre et la


diffusion du savoir on peut convenir que trop de caricatures sur le moyen âge
ne résistent pas à l’analyse, avec J. Le Goff :

« Le long Moyen âge est pour moi le contraire du hiatus qu’ont vu les
humanistes de la Renaissance et, sauf exceptions, les hommes des lumières.
C’est le moment de la création de la société moderne, d’une civilisation
moribonde ou morte sous ses formes paysannes traditionnelles, mais vivante
par ce qu’elle a créé d’essentiel dans nos structures sociales et mentales. Elle a
créé la Ville, la Nation et l’Etat, l’Université, le Moulin et la Machine (…) le
Livre ».

Et Michelet de parler à ce propos de « vieux temps remis debout ».

15
Chapitre IV

L’ère de l’imprimerie et la modernité

Les procédés techniques qui atteindront avec Gutenberg, entre 1440 et 1455,
une phase décisive constitueront la plus grande révolution que le livre ait
connue.

Certes encore artisanal le livre sera de plus en plus produit en de nombreux


exemplaires. Objet unique en plusieurs exemplaires, sa production va
connaître une véritable entreprise qui va mobiliser de plus en plus de capitaux
sur des marchés de plus en plus étendus.

Ce qui débouche sur une baisse des coûts et une plus forte diffusion…

A-Le contexte des temps modernes

Au XV siècle un courant artistique et intellectuel parti d’Italie balaie l’Europe :


c’est la Renaissance qui ouvre l’ère moderne avec son chapelet de mutations.

La découverte de l’Amérique avec son apport d’or massif, l’inauguration d’une


période de grands voyages, le développement de la métallurgie (les poinçons)
vont booster le commerce mondial.

L’essor de la Bourgeoisie et la révolution luthérienne vont créer de nouveaux


lecteurs.

De tout cela il résultera un développement fulgurant de l’Imprimerie avec plus


de 8 millions de livres produits entre 1450 et 1500.

B-L’Invention de l’Imprimerie

Gutenberg (1394-1468) , orfèvre de formation est né à Mayence où il travaille


ainsi qu’à Strasbourg. On le considère comme le père de l’imprimerie moderne.

Pourtant l’utilisation des caractères mobiles qu’on considère comme sa grande


révolution aurait connu des précurseurs en Chine et en Corée. On parle de
16
l’impression avec cette technique du plus ancien texte connu en Corée en
1397.

Mais c’est le mayençais qui va perfectionner la Presse en bois (Xylogravure).

Il va associer le texte à la gravure, crée des caractères en métal (types) qu’il


coule dans un moule en bois pour obtenir une lettre de chaque poinçon…

Le procédé assez laborieux avec beaucoup d’abréviations et très peu d’espace


va donner un premier livre majeur : la B 52 avec ses 42 lignes et ses pages en 2
colonnes, Bible qui sera tirée en 180 exemplaires.

Malgré la continuité avec le moyen âge le livre imprimé ne varie pas d’un
exemplaire à l’autre. Premier objet fabriqué en série le livre annonce ainsi l’ère
industrielle. Avec un texte qui se fige l’on tend à l’idée de rationalité et
d’uniformisation.

L’imprimerie rapidement se répand en Allemagne (à Cologne, à Frankfort qui


accueille la première Foire du livre en 1480), en France en partir de 1470
notamment à Paris et à Lyon.

C-Les impacts politico sociologiques

Sur le plan politique, au XVIème siècle les imprimeurs étaient souvent des
libraires établis dans les villes et les quartiers universitaires.

Des dynasties se constituèrent (Estienne) et propulsèrent une plus forte


diffusion des idées et par conséquent de la contestation.

Les pouvoirs surveillent de plus en plus l’imprimerie.

En 1537 François Ier crée le Dépôt légal et l’Eglise l’Index. Les Ateliers
clandestins et la contre façon se développent pour faire face.

Sur le plan sociologique, avec l’arrivée de nouveaux lecteurs potentiels on


assiste à la baisse des prix même si seuls 10 % de la population savait lire.

Au plan technologique il n y aura pas d’évolution jusqu’au XIXème siècle avec la


Presse à vapeur…

17
18
Chapitre VI

Le XXème siècle et la révolution numérique

A-Dans la continuité du XIXème

Avec l’industrialisation et l’alphabétisation massive c’est toujours l’apparition


de nouveaux genres (romans feuilletons, romans de gare…

Avec la guerre de 39 le contrôle réapparait avec les Nazis et le régime de Vichy,


on inspecte les bibliothèques et surveille les écrits.

L’Imprimerie est sous contrôle et l’on traque la littérature de résistance avec


ses pamphlets et ses tracts.

B- : L’explosion du système éducatif

Au début des années 60 les phénomènes évoqués au chapitre précédent font


exploser le système éducatif.

Les choses vont culminer en 1968 avec l’accès aux études supérieures de
couches de la population jusqu’ici laissées en rade.

Cela va générer différents niveaux de lectorat, mais plus de partage et plus


d’uniformisation avec les émissions littéraires comme celle de B. Pivot…

Le livre va devenir un objet de consommation courante…

C-L’évolution éditoriale

L’éditeur Gallimard vient bousculer Hachette et Flammarion en 1911


notamment avec l’édition d’André Gide qui sera prix Nobel en 47.

La maison va en comptabiliser d’autres ainsi que des Goncourt et des Pulitzer,


c’est la période de grâce des prix littéraires…

C’est également la période des best seller et le livre devient objet de


marketing.

19
Dans la foulée Hachette met sur le marché le premier Livre de poche,
accessible et à bas prix. Du point de vue de son accessibilité le livre devient
libre de droit d’auteur 70 ans après la mort et ouvre l’ère des rééditions.

Ainsi de nouveaux circuits commerciaux voient le jour face au succès de l’objet


livre (Carrefour, Auchan, Fnac…) et raidissent les professionnels, libraires
notamment.

Pour juguler cette concurrence les lois J. Lang créent en 1981 le prix unique du
livre. Mais cela n’empêche pas une baisse de rentabilité.

La concurrence de l’audiovisuel s’installant également on assistera à


l’émergence des Médiathèques où le livre côtoie disques, vidéos… et s’installe
dans le multimédia.

Dans les années 70-80 on assistera à une forte concentration avec l’immersion
de grands groupes éditoriaux :

Hachette achète Stock, le Livre de poche, Arlequin, Calmann lévi…

Le Groupe de la cité achète Laffont, Presses de la cité, Bordas, Julliard, Dunod…

Cela va déboucher sur une multiplication des titres et un lectorat plus varié.

D-La révolution numérique

L’Internet : mariage de l’informatique et des télécommunications.

Apparu en 1974 l’International network est un réseau de réseaux (publics,


prives, commerciaux…) qui s’interconnectent pour offrir d’énormes ressources
d’information.

De son évolution on peut retenir :

1983 Les centres de ressources se connectent aux universités

1990 Apparition du Web

1993 Apparition du 1er navigateur

Et l’internet d’envahir alors notre quotidien.

20
Roger Chartier le considère comme la 3ème révolution du livre après l’écriture
et l’imprimerie.

Bouleversement majeur dans la conception des connaissances où après le


codex on semble avec le défilement à l’écran retourner au volumen.

Tout le monde devient auteur et se gomme la séparation des tâches…avec plus


d’interactivité et d’universalité qui rappelle le siècle des lumières.

Seulement l’accès à l’information est de moins en moins gratuit malgré tout,


d’où les batailles pour se soustraire de la logique commerciale (Open Access,
A2k…).

Par ailleurs on peut s’émouvoir des choix culturels de moins en moins libres et
des contenus mouvants…

Le Livre électronique (Ebook)

En 1971, Michael Hart un étudiant de l’Illinois fonde le projet Gutenberg avec


ambition de diffuser gratuitement par voix électronique le plus grand nombre
d’œuvres littéraires…

Avec l’apparition du Web son projet est en branle : des centaines d’œuvres
sont numérisées en mode texte par des milliers de volontaires.

En 1994 le 100ème livre est en ligne (Shakespeare), en 2000 le 3000ème (Proust.


A l’ombre des jeunes filles en pleurs.1919).

Aujourd’hui le Ebook cherche à se rapprocher le plus de l’aspect du livre


classique qui psychologiquement semble ancré dans nos gènes à jamais…

21
22

Vous aimerez peut-être aussi