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Les deux séances se proposent d’introduire les étudiants et les étudiantes à la sociologie
de la lecture en donnant les bases de cette discipline, apparue dans les années 1950-60
en France. On pointera l’accent sur la pluralité des regards (histoire, sociologie,
littérature, psychologie, etc.) qui constitue une spécificité nationale. On évoquera la
naissance de la sociologie de la lecture, puis um panorama sélectif de plus de cinquante
ans de travaux scientifiques. L’objectif est aussi de sensibiliser les étudiants et les
étudiantes à la présence de l’objet-livre et à la symbolique tant de la littérature que de la
lecture, au sein de la société française : un fil rouge avec l’idée d’une « nation littéraire
» made in France sera développé à travers des mini-pastilles quant aux évolutions de
l’image du lecteur, du marché de l’édition ou de la littérature de jeunesse, par exemples
– et ce, depuis 50 ans, et du fait de l’accélération des technologies informatiques et
numériques et des effets de la culture transmédiatique.
Méthodes et problèmes
Histoire de la lecture
Laurent Jenny, © 2003
Dpt de Français moderne – Université de Genève
Sommaire
Introduction
Le livre
Le texte
L'œuvre
Brève histoire des supports du texte
Le volumen
Le texte du volumen
Lecture du volumen
Le codex
Du volumen au codex
Maniement du codex
Le texte du codex
Écriture cursive
Le livre imprimé
Lente démocratisation du livre imprimé
Premières conclusions
Lecture orale et lecture silencieuse
Lecture orale
Le rôle de la voix
Écriture orale
Lecture silencieuse
Ruminatio
Lecture in silentio
Lecture à haute voix
Pratique collective
Pratique personnelle
Des textes et des images
Repérage
Contrepoint
Visualisation
L'image, aide à la lecture
L'emblème
L'essor de l'illustration
Dialogue du texte et des images
Du codex à l'écran
Le texte tabulaire
L'hypertexte
Nouvelles dimensions
Conclusion
Bibliographie
Introduction
Faire des études littéraires, comme vous vous apprêtez à le faire, c'est tout à la fois lire
des livres,
des textes
et des œuvres.
Nous avons un peu tendance à traiter ces 3 termes comme un seul. Mais pourtant il
s'agit de réalités bien différentes, quoiqu'elles soient entre elles dans des rapports
d'interaction et de dépendance.
1. Le livre
Le livre est un support d'inscription des textes et nous verrons particulièrement
aujourd'hui que ce support n'a pas toujours existé sous sa forme récente. Vous savez
qu'il est en train de se métamorphoser sous nos yeux avec l'arrivée des supports
numériques. Il n'y a évidemment pas de coïncidence nécessaire entre texte et livre. Le
support livre peut renfermer moins qu'un texte (une partie d'œuvres complètes) ou
beaucoup plus qu'un texte (un assemblage de textes), voire à la fois plus et moins (dans
le cas d'une anthologie). D'autres supports, comme nous le verrons avec les supports
électroniques, contiennent ou plutôt renvoient à toute une bibliothèque, ce qui
bouleverse évidemment les limites de ce qu'on entend ordinairement par livre.
2. Le texte
Un texte c'est une suite de signes qu'on a délimités comme un ensemble de sens, par une
opération toujours plus ou moins arbitraire ou libre. Il peut s'agir de la décision de
l'auteur qui met le point final à une suite d'esquisses ou au contraire remanie sans cesse
son texte. Souvenons-nous par exemple de Montaigne qui voulait que le texte de son
livre bouge et évolue avec sa propre vie. L'éditeur, qui est une sorte de lecteur
professionnel, peut aussi jouer son rôle en décidant que telle édition du texte fait foi, et
qu'on doit en soustraire tels éléments ou y intégrer tels autres. La délimitation d'un texte
résulte nécessairement d'un choix, d'une volonté de constituer un sens; et dans l'histoire
ces décisions sont constamment révisées, ce qui fait que l'histoire des œuvres est
fluctuante, et jamais figée. Pensons par exemple à la façon dont se sont métamorphosées
les œuvres de Victor Hugo ou de Marcel Proust ces dernières années au fil des
rééditions (la Recherche du temps perdu est ainsi passé de 3 à 4 volumes « Pléiade »
intégrant de nombeux textes considérés jusque là comme indignes de publication).
Pour bien situer cette notion de texte, je voudrais encore souligner un point, c'est sa
relative indifférence au support livre. Une fois qu'un texte est fixé, il demeure le même,
qu'on l'imprime sur un rouleau, en livre de poche, sur papier Bible ou qu'on le fasse
défiler sur écran. Le texte d'un poème de Baudelaire resterait identique à lui-même,
même si on le lisait dans le cadre d'une installation où il serait écrit avec de tubes de
néon rouge posés sur une prairie. En revanche, il suffirait qu'on en change quelques
signes pour que ce ne soit plus le même texte.
3. L'œuvre
Quant à l'œuvre, elle ne se confond évidemment ni avec le livre (c'est par métonymie
que nous disons que nous lisons des livres; nous lisons ce qui se trouve inscrit dans les
livres) ni même avec celle de texte. Effectivement un littéraire ne s'intéresse pas
seulement à des suites de signes abstraits du temps et de l'histoire, il s'intéresse à des
œuvres. Et je définirais volontiers l'œuvre comme l'ensemble que constituent un projet
de sens, un texte et une réception. Une œuvre surgit dans un monde historique défini,
que nous avons besoin de connaître pour la comprendre; elle répond au projet d'un
auteur singulier qui vise à travers elle un ensemble d'intentions, et c'est pourquoi nous
nous intéressons aussi aux auteurs, à leur existence, à leurs idées; mais rien ne dit que
les textes qu'écrivent réellement les auteurs coïncident totalement avec leurs projets. La
réception des œuvres révèle souvent beaucoup de leurs virtualités de sens.
livre,
texte
et œuvre,
nous pouvons examiner comment les supports du texte ont évolué, contribuant à en
modifier la forme et la pratique de lecture.
La grande rupture dans l'Antiquité se fait entre deux autres supports qui ont connu
successivement une très grande diffusion: le volumen et le codex.
I.1. Le volumen
Le volumen est un rouleau-livre en papyrus. Au IIe siècle avant Jésus-Christ il est déjà
répandu dans le monde hellénistique et commence à faire son entrée à Rome. Il sera le
support principal des textes littéraires jusqu'au IIe siècle après Jésus-Christ.
Le rouleau reste lié à la culture des classes dominantes et sa fabrication est coûteuse, à
la fois parce que la matière première est importée d'Egypte et parce qu'il suppose un
artisanat très qualifié. C'est ce qui va entraîner son déclin à partir du IIe siècle après
Jésus-Christ.
I.2. Le codex
L'apparition du codex (pluriel: codices), qu'on peut définir comme livre avec des pages
cousues ensemble est liée à l'utilisation de nouveaux supports d'inscription comme le
parchemin. Même s'il a existé des codices de papyrus ou de tablettes de bois, c'étaient
des matériaux peu pratiques pour cet usage.
Pline l'Ancien ( Histoire naturelle, XIII,11) raconte que le roi d'Egypte Ptolémée, voulut
défendre le secret de fabrication du papyrus pour assurer la prééminence de la
bibliothèque d'Alexandrie. Il en interdit donc l'exportation. Son rival Eumène, souverain
de Pergame, aurait ainsi été contraint au IIe siècle à la recherche de nouveaux supports
comme les peaux de mouton ou d'agneaux (le mot parchemin signifie
étymologiquement de Pergame). En fait le procédé était connu avant cette époque, les
premiers cahiers de parchemin datent d'un siècle plus tôt (Manguel 1996, 156).
Mais le moindre coût et la rapidité de production créa un marché plus important de gens
qui pouvaient s'offrir des exemplaires à lire en privé, et qui n'avaient donc plus besoin
de livres en grands caractères et formants, de sorte que les successeurs de Gutenberg
commencèrent peu à peu à fabriquer des volumes plus petits, qu'on pouvait mettre dans
sa poche.
Mais évoquer seulement les rapports entre textes et livres sans tenir compte des
pratiques de lecture très différentes qui se sont succédées dans l'histoire nous donnerait
une vision très abstraite et fictive de la littérature.
Quand il lisait, ses yeux parcouraient la page et son cœur examinait la signification,
mais sa voix restait muette et sa langue immobile. N'importe qui pouvait l'approcher
librement et les visiteurs n'étaient en général pas annoncés, si bien que souvent, lorsque
nous venions lui rendre visite, nous le trouvions occupé à lire ainsi en silence car il ne
lisait jamais à haute voix.
II.1. Lecture orale
II.1.1. Le rôle de la voix
Sans doute dans l'Antiquité la lecture silencieuse n'est-elle pas tout à fait ignorée, mais
c'était un phénomène marginal. La lecture silencieuse est peut-être pratiquée dans
l'étude préliminaire du texte et pour le comprendre parfaitement. Mais les écrits (scripta)
restent inertes tant que la voix ne leur a pas donné vie en les transformants en mots
(verba). L'écriture littéraire – au sens vaste du terme, qui comprend aussi bien poésie,
philosophie, historiographie, traités philosophiques et scientifiques – est composée en
fonction de son oralisation. Elle est destinée à une lecture expressive modulée par des
changements de ton et de cadences selon le genre du texte et les effets de style (Cavallo
in Cavallo et Chartier 1997, 89). Par ailleurs l'écriture en continu sans séparation entre
les mots (scriptio continua), devenue courante à partir du Ier siècle (et succédant à
l'usage des interpunctua marquant la séparation entre les mots) rend nécessaire la lecture
à haute voix pour comprendre les textes:
Pour comprendre une scriptio continua, il fallait donc plus que jamais l'aide la parole:
une fois la structure graphique déchiffrée, l'ouïe était mieux à même que la vue de saisir
la succession des mots.
Alberto Manguel (1996, 68) note que Cicéron, de même que plus tard Augustin, ont
besoin de répéter le texte avant de le lire à haute voix. Dans le déchiffrement, le lecteur
se laisse guider par des cellules rythmiques qui l'aident à structurer le texte. Il jouit
d'ailleurs d'une certaine liberté dans la façon de couper l'énoncé et de faire des pauses. Il
ajoute éventuellement des signes de séparations entre les mots ou les phrases, et dans le
cas d'un poème peut noter la métrique. Lire c'est un peu comme interpréter une partition
musicale et le corps y est le plus souvent engagé par des mouvements des bras et du
thorax.
II.2.1. Ruminatio
La lecture à voix basse, appelée murmure ou rumination (ruminatio), sert de support à la
méditation et d'instrument de mémorisation. Jusqu'à la Renaissance, on pratique en effet
surtout une lecture intensive d'un petit nombre de livres (essentiellement religieux) qui
sont quasiment appris par cœur, voire incorporés par le lecteur. Ce type de lecture est
dominant jusqu'au XIIe siècle. L'écrit est surtout investi d'une fonction de conservation
et mémorisation.
Au XVIIe siècle les lectures publiques à haute voix sont très courantes. On en a un
témoignage vivant dans le Don Quichotte de Cervantès. Un débat oppose le curé parti à
la recherche de Don Quichotte, et qui a brûlé tous les livres de chevalerie qui lui ont
dérangé l'esprit et l'aubergiste qui a accueilli Don Quichotte. L'aubergiste défend la
lecture:
Dans le temps de la moisson, quantité de travailleurs viennent se réunir ici les jours de
fête, et parmi eux il s'en trouve toujours un qui sait lire, et celui-là prend un de ces livres
à la main et nous nous mettons plus de trente autour de lui, et nous restons à l'écouter
avec tant de plaisir qu'il nous ôte plus de mille cheveux blancs.
Durant ces lectures très festives, tout le monde est libre d'interrompre le récit et de faire
des commentaires. Ces lectures collectives ou familiales se prolongeront, sous des
formes diverses jusqu'à la fin du XIXe siècle.
Cette forme de lecture se trouvait à la jonction entre la passion individuelle, qui isole de
l'entourage et de la société, et la soif de communication à travers la lecture. Il résulta de
cet immense besoin de contact avec la vie derrière la page imprimée une confiance
complètement nouvelle, d'une intensité jamais atteinte auparavant et même une amitié
imaginaire entre l'auteur et le lecteur, entre le producteur de littérature et son
destinataire.
Sans doute le lecteur – et la lectrice – sont-ils physiquement isolés, mais ils ont le
sentiment d'appartenir à une communauté privilégiée d'adeptes. Ce qui se constitue ainsi
au XVIIIe siècle c'est un type de lecture moderne – (mais peut-être pas contemporaine
si l'on admet qu'au XXe siècle on assiste à un mode de perception du livre plus distrait,
sans véritable hiérarchie ni continuité entre les types de livre, et qui transpose parfois à
la lecture les habitudes du zapping).
Je soulignerai, pour commencer, que l'apparition d'images dans les textes n'a rien de
surprenant: elle découle de la spatialité et de l'icônicité de la lettre elle-même. Ou pour
le dire autrement: la lettre est elle-même une sorte de dessin, dont nous avons tendance
à oublier la spatialité au profit de son sens mais il suffit qu'elle soit ornée pour que nous
prenions conscience de son existence graphique.
On peut distinguer trois principaux rôles de l'illustration dans les textes (Le Men in
Chartier et alii 1995, 229):
le repérage,
le contrepoint et
la visualisation imaginaire.
Entre ces fonctions il y a cependant de multiples interférences.
III.1. Repérage
Dès le XIe siècle un certain nombre de repères visuels sont mis en place pour faciliter
l'identification des unités de sens du texte. Ainsi on voit apparaître le symbole du pied-
de-mouche indicatif du paragraphe (avant que le paragraphe ne soit signalé par un
blanc). Mais aussi des têtes de chapitre en couleur rouge, des initiales tantôt rouges et
tantôt bleues. Cette lettre initiale, au contact de motifs décoratifs venus de traditions
barbares nordiques (celtiques en particulier) va devenir de plus en plus illustrative et se
transformer en lettre historiée (le mot hystoire à partir du XIIIe siècle désigne la
représentation d'une scène à plusieurs personnages) – c'est-à-dire en forme
typographique abritant des images de plus en plus complexes et qui s'émancipent de leur
simple fonction de repérage pour la doubler d'une fonction représentative. D'où la
possibilité d'effets de redoublement entre texte et image, et de visualisation des scènes
décrites.
De même d'autres repères textuels vont être l'occasion de visualisations. La page de titre
fait son apparition vers 1480 et elle est souvent composée comme un tableau
allégorique. Les culs-de-lampe qui séparent des chapitres auront plus tard de même une
fonction de plus en plus icônique.
III.2. Contrepoint
L'image n'est pas toujours un redoublement de la lettre. Elle peut au contraire inverser
son sens, la tourner en dérision ou parler d'autre chose. L'époque où cette fonction de
contrepoint des images dans les textes s'est développée de la façon la plus spectaculaire
est le XIVe siècle où l'on voit apparaître des livres d'heures (c'est-à-dire des livres de
prière comprenant des psaumes, des hymnes, des prières spéciales à différents saints et
un calendrier) très richement ornés. Mais cette ornementation est souvent très
surprenante. Par exemple dans telle page du livre d'heure dit de Marguerite (second
quart du XIVe siècle), la lectrice pouvait voir une Adoration des Mages richement peinte
dans la lettre initiale D, mais cette image sainte est doublée par de curieux motifs dans
les marges. En bas de la page on aperçoit trois singes parodiant les attitudes des Mages.
À droite une figure à bonnet de fou grimace, à gauche un ange à tête de singe tire sur la
lettre comme s'il voulait la défaire, et dans les marges de la page suivante on aperçoit
des objets hétéroclites tels un chaudron et un papillon. Ainsi s'opposent mais aussi
dialoguent Parole de Dieu et une fatrasie visuelle qui en est un peu comme le refoulé.
(Camille 1992, 22). Ces singeries en marge des livres d'heures nous indiquent bien que
si le lisible et le visible émergent d'une même source, en un point ils peuvent diverger et
presque se contredire.
III.3. Visualisation
Dans l'espace du livre, même les images élaborées, et apparemment les plus illustratives
entrent dans des rapports complexes avec le sens des textes.
Ce type de livres très illustrés pour public de lecteurs peu instruits fait songer à un type
de livre qui se répandra plus de 10 siècles plus tard, à partir de 1462 et qu'on a appelé
Bibliae pauperum, bibles des pauvres (sans doute abusivement car il s'agissait de livres
assez chers). L'imagerie biblique est passée des fresques des églises, aux vitraux imagés
des églises gothiques et enfin au livre. Il s'agit de grands livres d'images où chaque page
est divisée en deux scènes ou plus – associant parfois des scènes de l'Ancien Testament
et du Nouveau Testament. Le livre, posé sur un lutrin, est ouvert à la page appropriée et
exposé aux fidèles. La plupart de ces fidèles sont incapables de lire les mots en
caractères gothiques qui constituent une sorte de légende autour des personnages
représentés.
Mais la majorité reconnaissait la plupart des personnages et des scènes, et était capable
de lire dans ces images une relation entre les récits de l'Ancien Testament et du
Nouveau, du simple fait de leur juxtaposition sur la page.
L'image a donc ici pour rôle de faire dialoguer des textes. Il se peut aussi que ces
images aient été un support de verbalisation pour le prêtre chargé du prêche et une
illustration de textes bibliques lus à haute voix.
III.3.2. L'emblème
Au XVIe siècle on a vu apparaître un genre qui a tout de suite connu un immense succès
et qui propose une autre relation entre textes et images, c'est le genre de l'emblème. Un
emblème est une image destinée à illustrer une maxime ou une vérité morale. Il offre
souvent l'apparence d'une sorte de rébus. Ici ce n'est plus, comme dans les livres
d'heures, l'image qui vient brouiller le sens du texte, c'est au contraire le texte qui est la
clé d'une image énigmatique.
IV.2. L'hypertexte
Cette forme associative qui marque la configuration de la page sur écran est aussi
caractéristique du document hypertextuel au-delà de la page et même du texte. Avant d'y
venir, on peut remarquer que le texte sur support informatique apparaît à la fois en
défaut et en excès vis-à-vis du livre imprimé. La lecture en effet est limitée au nombre
de lignes qui apparaît sur l'écran en sorte qu'on a toujours une saisie partielle du texte
(ce qui nous ramènerait aux formes de lecture du volumen). Effectivement le faire
défiler sur écran nous enchaîne à la linéarité du texte bien plus que cela n'autorise une
appréhension synthétique. De ce point de vue le support électronique semble en
régression vis-à-vis du livre imprimé, ou même du codex en général, qui peut être
feuilleté très rapidement et dans lequel il est aisé de se déplacer. Mais cet inconvénient
est évidemment largement compensé par la possibilité qu'offre le texte sur support
électronique de se lier à d'autres textes.
Il faut rappeler que le terme hypertexte a été inventé en 1965 par Ted Nelson. Il voulait
désigner par là une nouvelle forme de document sur ordinateur dans lequel chaque unité
textuelle donne lieu à un accès non séquentiel (c'est-à-dire qu'on ne passe pas d'un
élément textuel à un autre par simple contiguïté comme c'est le cas dans la lecture
linéaire d'un texte suivi, qu'il soit soit rouleau ou sur codex). Le lecteur a le choix
d'interrompre le fil de sa lecture en cliquant sur les éléments d'une liste ou sur certains
mots du texte qui offrent des liens avec d'autres blocs textuels. Ce mode de parcours du
texte peut d'ailleurs s'enchâsser à l'infini, de bloc textuel en bloc textuel. Le texte ainsi
créé est donc doté d'une structure arborescente et non plus linéaire comme l'était le livre.
Il tend à réaliser concrètement l'idéal d'une bibliothèque infinie telle qu'elle a pu être
rêvée par Borgès l'une des nouvelles de ses Fictions (La bibliothèque de Babel).
Nous ne devons pas méconnaître que cette structure hypertextuelle est en passe de
modifier profondément les pratiques de la lecture et l'identité même de ce qu'on entend
par texte. Sur le plan de la lecture, l'hypertexte introduit une dimension nouvelle
d'interactivité qui fait du lecteur le créateur de son propre parcours, et quelque sorte le
co-auteur de son texte. Il peut d'ailleurs garder trace de l'originalité de son parcours.
Cette mutation de la fonction lecteur vers une fonction auteur est encore accentuée dans
tous les cas où le lecteur peut intervenir en annotant ou réécrivant le texte qu'il est en
train de lire et de composer. La souplesse du medium informatique qui accueille sans
difficulté des ajouts ou des modifications textuelles en se recomposant automatiquement
ouvre ainsi de nouvelles possibilités de glose.
Conclusion
C'est dans cet éclairage historique des mutations du texte et de la lecture que je voudrais
situer ce cours de méthodologie de l'analyse littéraire. Il en ressort clairement, me
semble-t-il, qu'apprendre à lire, pour un littéraire, c'est être attentif aux dispositifs
textuels qui se sont succédé, dans leur complexité – qui est tout à la fois langagière (les
textes littéraires sont des objets de sens denses et riches de significations impliquées que
nous devons apprendre à repérer) et non-langagière (le texte littéraire apparaît dans un
environnement esthétique et historique qui enrichit également sa signification). Les
textes ne viennent pas seuls sur une scène abstraite qui serait la littérature. Ils émergent
d'un monde de supports matériels, d'images, de pratiques, et de projets de sens
individuels. Ce sont ces ensembles complexes que nous voudrions vous aider à
déchiffrer en vous fournissant des instruments d'analyse appropriés.
Bibliographie
Adler, Jeremy et Ernst, Ulrich (1988). Text als Figur: visuelle Poesie von der Antike bis
zur Moderne. Weinheim: VCH.
Camille, Michael (1992). Images dans les marges: aux limites de l'art médiéval. Paris:
Gallimard, 1997.
Cavallo, Guglielmo et Chartier, Roger (dirs) (1997). Histoire de la lecture dans le
monde occidental. Paris: Seuil.
Chartier, Roger et alii (1995). Histoires de la lecture, Un bilan des recherches. Paris:
IMEC, éditions de la Maison des Sciences de l'homme.
Chartier, Roger (1996). Culture écrite et société. Paris: Bibliothèque Albin Michel
Histoire.
Christin, Anne-Marie (1995). L'Image écrite ou la déraison graphique. Paris:
Flammarion.
Coron, Antoine (1993). Avant Apollinaire, vingt siècles de poèmes figurés in Poésure et
peintrie: "d'un art, l'autre". Marseille: Musées de Marseille.
Harthan, John (1981). The History of the illustrated book: the Western tradition.
London: Thames and Hudson.
Harthan, John (1990). Anatomie de l'emblème, Littérature, n°78, mai 1990.
Harthan, John (1997). Récit et images, Littérature, n°106, juin 1997.
Manguel, Alberto (1996). Une histoire de la lecture. Arles: Actes-Sud, Babel, 1998.
Massin, Robert (1970). La Lettre et l'image: la figuration dans l'alphabet latin du
huitième siècle à nos jours. Paris: Gallimard.
Vandendorpe, Christian (1999). Du papyrus à l'hypertexte. Paris: Editions La
Découverte.
Edition: Ambroise Barras, 2003-2004 // Analyse d'audience
Méthodes et problèmes
Lire, cette pratique
Laurent Jenny, © 2004
Dpt de Français moderne – Université de Genève
Sommaire
Les deux lectures
Lecture privée et lecture critique
Lecture et jeux
La lecture privée
Rites de lecture
L'actualisation mentale des textes
Lecture privée et échange communicationnel
L'identification
Aspects de l'identification littéraire
L'embrayage de l'identification
La lecture critique
Le lecteur comme poseur de puzzles
Une relation duelle
Une activité de synthèse
L'exemple de la construction du personnage
Un jeu à règles variables
L'exemple de la versification de Rimbaud
Enjeux de la lecture: jeu littéraire et apprentissage du monde
Conclusion
Bibliographie
I. Les deux lectures
Lire, cette pratique écrivait Mallarmé, suggérant que la lecture littéraire relevait d'un
savoir et d'une expérience spécifiques. C'est qu'on n'en finit pas d'apprendre à lire. Un
critique des années 70, Jean Ricardou, distinguait pour sa part plusieurs formes
d'analphabétisme. Selon lui, lorsqu'on ne sait vraiment pas lire, on voit des formes (des
lettres) mais pas de sens; puis on apprend à lire et on passe à une autre sorte
d'analphabétisme: on voit du sens mais plus de formes (on devient victime d'une sorte
d'hallucination imaginaire qui nous fait oublier la matérialité du signifiant). La pratique
de la lecture, ce pourrait être la recherche d'une accommodation juste entre formes et
sens.
De son côté la lecture critique implique nécessairement un regard second sur le texte,
c'est-à-dire une relecture. Elle se veut méthodique et exhaustive parce qu'elle conçoit le
texte comme un ensemble organisé où tout est cohérent et tout fait sens. Elle est
(souvent) productive d'une interprétation, qui éclaire non seulement le texte lu, mais
d'autres textes et le phénomène littéraire dans son ensemble. Elle est (parfois)
productive d'un autre texte, commentaire ou critique.
Cependant, cette opposition des lectures, si elle était aussi radicale, ne serait pas
seulement attristante, elle serait aussi fausse. Effectivement nous allons voir que ces
deux formes de lectures sont en fait solidaires et qu'heureusement aucune n'est exempte
de plaisir, mais il faut distinguer différentes sortes de plaisirs.
Si l'on adopte le point de vue de Picard, on saisit mieux quels sont les deux types
d'investissements nécessaires à la lecture: impossible de lire sans entrer dans un jeu de
rôles (ou alors le livre nous tombe des mains), mais impossible de lire en ignorant tout à
fait le jeu des règles littéraires (ou alors le livre devient arbitraire, voire
incompréhensible). Si l'on admet que la lecture privée est dominée par le plaisir du jeu
de rôles et que la lecture critique est dominée par le plaisir du jeu de règles, on
comprend mieux leur complémentarité. Essayons de préciser les caractères de chacune
d'entre elles.
Dans cette charmille, le silence était profond, le risque d'être découvert presque nul, la
sécurité rendue plus douce par les cris éloignés qui, d'en bas, m'appelaient en vain,
quelquefois même se rapprochaient, montaient les premiers talus, cherchant partout,
puis s'en retournant, n'ayant pas trouvé; alors plus aucun bruit; seul de temps en temps
le son d'or des cloches qui au loin, par-delà les plaines, semblait tinter derrière le ciel
bleu, aurait pu m'avertir de l'heure qui passait...
On peut dire que cet individualisme de la lecture est une de ses données modernes, ne
serait-ce que parce que, comme on l'a vu dans le cours sur l'Histoire de la lecture, dans
l'Antiquité, la lecture se faisait essentiellement à voix haute (St Augustin, à la fin du IVe
siècle nous signale comme une singularité que son maître St Ambroise pratique la
lecture à voix basse).
Bien des scènes romanesques m'évoquent des fantasmes purement personnels, sans
qu'ils aient nécessairement de rapports avec le monde imaginaire que le texte me fait
découvrir. Baudelaire disait ainsi qu'il voyait en Madame Bovary un homme, mais on
peut penser que c'est un fantasme purement personnel, et difficile à faire partager à
d'autres.
Peut-on communiquer avec d'autres sur un texte à partir de nos seules impressions
subjectives? Sans doute cela arrive-t-il souvent, mais si j'échange avec autrui mes
associations libres ou mes impressions les plus personnelles sur un texte, je renseigne
l'autre sur moi-même beaucoup plus que sur le texte. Il se peut qu'alors nous en
apprenions beaucoup sur notre sensibilité et sur notre imaginaire respectifs. Mais, il
n'est pas sûr que nous parvenions à une meilleure connaissance du texte ou à une
évaluation plus sûre de son intérêt.
II.4. L'identification.
La projection subjective dans le texte a cependant une vertu positive, c'est qu'elle nous
permet littéralement d'entrer dans le texte, de l'investir de façon vivante en nous
identifiant à un personnage voire à plusieurs. Ce processus, je vous propose de
l'observer tel qu'il est décrit dans un roman, Madame Bovary, (car il arrive que les
personnages de romans soient aussi des lecteurs de roman et qu'on nous les décrive dans
leur pratique de la lecture).
Dans le couvent où elle est pension, Emma se fait prêter des romans par une vieille fille
qui travaille à la lingerie:
I,6
Comme Flaubert, mais pour des raisons un peu plus particulières, nous pouvons tous
dire:Madame Bovary, c'est moi. En effet, nous sommes tous sujets, quand nous lisons,
au type de fascination imaginaire qui nous est ici décrit (même si les formes de
l'imaginaire ont changé et ne sont plus guère nourries par le bric-à-brac pseudo
médiéval d'une littérature romantique populaire).
Ce que nous voyons à l'œuvre chez Emma, c'est un processus d'identification, une
attitude psychologique que nous pouvons rapprocher du jeu de rôles, puisqu'il s'agit de
jouer à être comme. Vous savez qu'un des grands romans de la littérature européenne,
Don Quichotte de Cervantès, nous raconte l'histoire d'un homme qui a cédé au vertige
de l'identification littéraire. À force de lire des romans de chevalerie, il a perdu de vue la
dimension ludique de l'identification littéraire. Il a oublié sa propre identité en se
prenant lui-même pour un chevalier de l'époque médiévale. Mais tout lecteur sain
d'esprit sait contenir ses identifications dans les limites du faire comme.
Par ailleurs, au fil de la lecture, nous glissons d'une identification à une autre. Nous
pratiquons un jeu de rôles où, selon les sollicitations du texte, nous tenons un peu tous
les rôles (quitte à opérer des clivages internes entre les bons et les méchants). Ainsi nous
sommes successivement et tout à la fois Emma, la petite bourgeoise de province,
Charles, son poussif mari, Rodolphe, le séducteur cynique et même peut-être Homais, le
pharmacien ridicule et odieux, chantre du progrès et des vertus laïques.
L'exemple le plus simple qu'on puisse en donner, c'est le récit à la première personne, du
type L'Étranger de Camus. Parce que Meursault, le héros-narrateur du livre, dit je dès la
première ligne, nous sommes sollicités à partager ses sensations et ses pensées, à nous
les approprier, aussi étranges soient-elles. De ce point de vue, vous voyez que l'intérêt
de la littérature est de nous faire intérioriser des expériences tout à fait inconnues et de
nous les faire vivre par délégation. C'est particulièrement évident dans le cas de
L'Étranger, car Meursault est un être que personne ne comprend et que tout le monde
rejette.
Retenons pour le moment que, si la lecture est un jeu de rôles, les rôles y sont largement
mis en scène par le texte lui-même. C'est ce qui rend ce jeu de rôles intelligent, c'est ce
qui en fait aussi déjà un jeu de règles – et non pas un simple écran de projection de nos
imaginaires privés. Bien lire, ce n'est donc nullement refuser l'identification, c'est
comprendre à quelles identifications nous sommes invités, comment est modulée notre
proximité ou notre distance à ce qui est raconté. Peut-être commençons-nous par là à
mieux comprendre qu'une analyse précise des règles littéraires peut nous préserver des
déformations subjectives de la lecture.
En effet, le lecteur (en dépit de son apparence immobile, silencieuse, voire légèrement
somnolente) est infiniment plus actif qu'un simple récepteur. Ce que lui propose le texte
littéraire, c'est bien moins une signification toute prête qu'un ensemble d'instructions
pour construire un sens à partir d'informations partielles. Voici donc une nouvelle image
du lecteur, non plus un dévoreur de livres, confondant rêve et réalité, mais un
constructeur.
...en dépit des apparences, ce n'est pas un jeu solitaire: chaque geste que fait le poseur
de puzzle, le faiseur de puzzles l'a fait avant lui; chaque pièce qu'il prend et reprend,
qu'il examine, qu'il caresse, chaque combinaison qu'il essaye et essaye encore, chaque
tâtonnement, chaque intuition, chaque espoir, chaque découragement, ont été décidés,
calculés, étudiés par l'autre.
Selon Picard, le puzzle nous offre une bonne image de certains aspects de la lecture,
particulièrement deux:
... Vers la fin du mois d'octobre dernier, un jeune homme entra dans le Palais-Royal au
moment où les maisons de jeu s'ouvraient...
Balzac est coutumier de ce type d'entrées en matière où un personnage nous est d'abord
présenté de l'extérieur, sans que nous puissions rien deviner de son histoire, de ses
préoccupations ou de ses pensées. Quelques pages plus loin, cependant, nous entrons
dans l'intimité des impressions et des réflexions du même personnage et nous nous
rendons compte qu'il s'apprête à se suicider.
S'il déposait un moment le fardeau de son intelligence et de ses souvenirs pour s'arrêter
devant quelques fleurs (…), bientôt saisi par une convulsion de vie qui regimbait encore
sous la pesante idée du suicide, il levait les yeux: là des nuages gris, des bouffées de
vent chargées de tristesse, une atmosphère lourde lui conseillaient encore de mourir.
Bien sûr la construction d'une totalité de représentation est un peu plus complexe dans
le cas de la lecture que dans celui du puzzle. Tout d'abord le lecteur doit rassembler et
synthétiser des informations explicites qui lui sont données successivement. Les textes,
en effet, ont de la mémoire, ou plutôt une virtualité de mémoire. C'est-à-dire qu'au fil du
discours ils font implicitement référence à des information qu'ils ont antérieurement
délivrées. Mais il revient au lecteur d'être, si l'on peut dire, la mémoire vive du texte,
c'est-à-dire de convoquer ces informations au bon moment et de faire au fur et à mesure
qu'il en rencontre de nouvelles une synthèse cohérente.
Dans ce travail, le lecteur est parfois aidé par les commentaires du narrateur qui
proposent eux-mêmes des synthèses et des interprétations des personnages. Ainsi, dans
le roman balzacien, le travail est mâché au lecteur. Le narrateur nous expose toutes les
lois psychologiques ou sociologiques qui sont supposées motiver les personnages. Il
nous décrit en termes généraux les aspirations et les comportements d'un jeune homme
de province qui monte à Paris pour y faire une carrière de poète, ou ceux d'un banquier,
d'une femme entretenue, d'une épouse vertueuse, etc. Et les actions des personnages
sont toujours des illustrations particulières de ces prétendues lois.
Mais, dans bien d'autres romans, ces lois générales demeurent tacites ou sont
inexistantes. À cet égard, plus le narrateur est silencieux, plus le lecteur est sollicité
dans son activité de construction et d'interprétation. Il doit y parvenir à partir de sa
propre connaissance du monde, ou à partir de la connaissance encyclopédique des
mondes historiques et culturels qui font l'horizon du texte lorsque ces mondes sont
éloignés de lui dans le temps ou dans l'espace.
Il faut noter que certains romans du XXe siècle, comme ceux de Samuel Beckett ou
d'Alain Robbe-Grillet, lancent de véritables défis au lecteur. Non seulement le narrateur
s'abstient d'aider le lecteur dans la compréhension du personnage. Mais il lui arrive de
rendre impossible cette compréhension tant les informations qu'il donne sont lacunaires
ou contradictoires.
Il est clair dès lors que lire un poème de Rimbaud, ce n'est pas seulement comprendre
son contenu, c'est aussi comprendre quel jeu il joue, quelle règle il nous propose à
chaque fois. Et ces changements de règles ne sont pas dénués eux-mêmes de
signification. Ainsi, le poème qui attaque le plus violemment les règles de la
versification classique fait allusion à une grande révolte politique, la Commune de Paris,
en 1872. Plus tard, en revanche, Rimbaud pratique une versification qui est moins
subversive que flottante. Il ne transgresse plus les règles, il les desserre. Et cela n'a
évidemment pas la même signification.
À cette question, nous pouvons fournir une réponse assez proche de celles qu'on
propose à propos du jeu en général. Les anthropologues, en effet, nous apprennent que
le jeu a des fonctions sérieuses. Il existe dans toutes les sociétés humaines et dans bon
nombre de sociétés animales et il a une fonction d'apprentissage. Jouer, cela sert à
anticiper et à répondre à des situations inédites et non encore maîtrisées.
Or c'est exactement ce que fait la littérature à travers les différents genres. Elle anticipe
des situations psychologiques, sociales et affectives nouvelles. Elle leur trouve des
solutions sur un plan hypothétique. Elle propose des réponses personnelles à des états
du monde encore inexistants.
Prenons l'exemple de Baudelaire. Dans ses Petits poèmes en prose, il s'est donné pour
tâche de saisir les nouveaux rapports sensibles qui découlent de l'existence dans la
grande ville. Effectivement, à partir du milieu du XIXe siècle, les habitants des grandes
villes sont confrontés à de nouvelles expériences fondées sur la surprise, la solitude, le
brassage des classes sociales, l'éphémère des rencontres, le choc des rencontres des
spectacles et des modes. Baudelaire a cherché, dans une forme nouvelle mêlant le
prosaïque et le poétique, à créer une esthétique et à esquisser imaginairement un style de
vie propre à accueillir ces aspects de la vie moderne.
Conclusion
J'espère, pour finir, vous avoir montré que la pratique académique ou critique de la
lecture n'excluait rien de ce qui a pu constituer votre plaisir spontané de la lecture
privée. Bien plutôt, la lecture critique affine et étend le plaisir de la lecture privée en
approfondissant le jeu de l'identification ou de la règle, en le nuançant, bref en créant un
dialogue plus dynamique entre les suggestions du texte et les réactions du lecteur. Sartre
définissait la lecture comme une liberté dirigée. Le monde du texte propose mais il est
clair que c'est la richesse de la vie intellectuelle du lecteur qui dispose, en donnant vie
aux univers de sens que l'auteur invente pour lui.
Bibliographie
Barthes, Roland (1973). Le Plaisir du texte. Paris: Points/Seuil.
Compagnon, Antoine (1998). Le lecteur in Le démon de la théorie. Paris: Seuil.
Iser, Wolfgang (1976). L'Acte de lecture. Bruxelles: Mardaga.
Nouvelle revue de psychanalyse, n°37 – La lecture (1988). Paris: Gallimard.
Picard, Michel (1986). La lecture comme jeu. Paris: Minuit.
Todorov, Tzvetan (1971). Comment lire in Poétique de la prose. Paris: Seuil.
Todorov, Tzvetan (1978). La lecture comme construction in Les genres du discours.
Paris: Seuil.
Edition: Ambroise Barras, 2004 // Analyse d'audience