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Mélanges de la Casa de Velázquez

Nouvelle série
41-2 | 2011
Le droit hispanique latin du VIe au XIIe siècle

Les premières mosquées et la transformation des


sanctuaires wisigothiques (92H/711-170H/785)
Las primeras mezquitas y la transformación de los santuarios visigodos (92H/
711-170H/785)
The first mosques and the conversion of Visigothic sanctuaries (92H/711-170H/
785)

Susana Calvo Capilla

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/mcv/4074
DOI : 10.4000/mcv.4074
ISSN : 2173-1306

Éditeur
Casa de Velázquez

Édition imprimée
Date de publication : 1 novembre 2011
Pagination : 131-163
ISBN : 978-84-96820-73-9
ISSN : 0076-230X

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Référence électronique
Susana Calvo Capilla, « Les premières mosquées et la transformation des sanctuaires wisigothiques
(92H/711-170H/785) », Mélanges de la Casa de Velázquez [En ligne], 41-2 | 2011, mis en ligne le 01
novembre 2013, consulté le 25 septembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/mcv/4074 ;
DOI : https://doi.org/10.4000/mcv.4074

Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International
- CC BY-NC-ND 4.0
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
miscellanées

Les premières mosquées


et la transformation des sanctuaires
wisigothiques (92H/711-170H/785)

Susana Calvo Capilla


Universidad Complutense de Madrid

La conquête islamique de la péninsule Ibérique est connue fondamenta- 131


lement grâce aux sources écrites, arabes et latines. Ces dernières décennies,
l’archéologie est venue à l’appui des historiens de la période, surtout en ce
qui concerne les transformations matérielles qui se sont produites sur ce ter-
ritoire pendant les viiie et ixe siècles. Cependant, pour utiliser de manière
complémentaire ces deux ressources, les historiens doivent tenir compte des
dificultés et des risques que comporte l’interprétation des textes, d’une part,
et des vestiges archéologiques d’autre part.
Les récits de la conquête islamique, aussi bien en Orient qu’en Occi-
dent, ont été écrits après les événements, plus de cent ans après les faits en
al-Andalus (entre la in du ixe et le xiie siècle). Dans la plupart des cas, les
traditionnistes et les historiens arabes étaient inluencés par les circonstances
personnelles et politiques de leur propre temps. En conséquence, on peut sus-
pecter une réécriture du passé ou, du moins, une interprétation des faits qui
adopte les perspectives propres à chaque auteur1. De plus, les traditions histo-
riques en question sont enrichies par des éléments fantastiques, légendaires et
anecdotiques, en déinitive des topoi édiiants, exégétiques ou partiaux2. En ce
qui concerne les premiers lieux de culte musulmans et la transformation des
églises en al-Andalus, les auteurs donnent aux faits une portée symbolique
ou idéologique qui dépasse leur seule signiication religieuse. Les spécialistes
de l’archéologie ont encore, pour leur part, de grandes dificultés à identiier
de façon iable les changements provoqués, dans les premiers temps de l’occu-
pation islamique, par le processus d’islamisation, c’est-à-dire à comprendre le
passage d’une société chrétienne à une société islamique.

1
Martinez-Gros, 1997, pp. 16-18, 87-114; Manzano Moreno, 1999, pp. 431-432. Je tiens à
remercier Zaïneb Ben Lagha pour la relecture attentive de cet article.
2
Pour des analyses plus générales sur la chronologie des sources arabes et les limites de leur véra-
cité historique voir Noth, 1994; Donner, 1998; Elad, 2002.

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Notre objectif, dans cet article, est d’analyser les différentes sources (tex-
tuelles et archéologiques) traitant des mosquées érigées par les musulmans lors
du premier siècle d’al-Andalus, mais aussi d’aborder le sort réservé aux sanc-
tuaires chrétiens3. Le point de départ de cette étude est une phase d’une grande
complexité, et exige que l’on distingue plusieurs modèles d’islamisation, corres-
pondant aux différents processus de conquête et d’occupation des territoires.
Dans les villes islamiques, les mosquées du vendredi (masÄÑid al-ÑÄmi‘)
constituent un espace dont la fonction dépasse la seule piété. Elles étaient
avant tout un lieu de prière en commun, ce qui renforçait les liens de la com-
munauté des idèles, un aspect fondamental dans la période de formation
d’al-Andalus. De plus, la mosquée était aussi un important espace « poli-
tique » car elle servait de cadre à la cérémonie d’investiture (bay‘a) des émirs,
des califes et de leurs successeurs. Les émirs andalous, depuis ‘Abd al-RaÜmÄn
I, recevaient ainsi le serment d’obéissance des troupes, des clans et des repré-
sentants du peuple au pied du minbar ou chaire de la grande mosquée de
132 Cordoue4. Le nom du souverain était par la suite prononcé lors du prêche
(áuéba) du vendredi dans toutes les mosquées du territoire. Dans ce sens, les
masÄÑid al-Ñami‘ sont des espaces qui remplissent des fonctions aussi bien
religieuses que sociales et politiques.
Pendant le demi-siècle qui commence avec l’arrivée des musulmans en
92/711 et s’achève avec le débarquement de ‘Abd al-RaÜmÄn I en 138/756,
se déroule — selon les sources — le processus d’installation des popula-
tions musulmanes arabes et berbères sur le territoire. Les troupes sont en
mouvement continu, les frontières ne sont pas déinitivement établies et la
population locale chrétienne est majoritaire. Ces différents groupes de popu-
lation se disputent le contrôle des terres et du pouvoir. Les conditions ne sont
donc pas idéales pour la construction d’édiices de culte de grande enver-
gure, tandis que le degré d’islamisation de la population n’est pas encore
sufisant. Si l’on examine ce qui s’est déroulé en Orient, on peut penser plu-
tôt à l’existence de structures simples pour faire la prière du vendredi, telles
que les muãallÄ, des oratoires en plein air, ou à l’aménagement de structures
anciennes où l’on pouvait facilement disposer un mur de qibla ou une niche-
miÜrÄb orientés vers La Mecque5.

3
Voir notre première approche de ce sujet dans Calvo Capilla, 2007.
4
La première bay‘a d’al-Andalus a été célébrée dans le muãallÄ d’Archidona et dans la mosquée
de Cordoue en 138/756. C’était la proclamation de ‘Abd al-RaÜmÄn I : Ibn al-Qutiyya, Ta’ràá iftitÄÜ
al-Andalus, 1926, p. 19 (trad. p. 69).
5
D’après l’évêque Arculfe, à Damas (ville conquise en 14/635) et à Jérusalem (conquise en
17/638) les premiers lieux de prière furent installés par les conquérants musulmans dans les por-
tiques de deux bâtiments anciens, d’une part le temenos du temple de Jupiter (converti en église
de saint Jean Baptiste) où fut élevé plus tard la mosquée omeyyade (ca. 714), et de l’autre, la stoa
d’Hérode, sur l’esplanade du Temple, où fut érigée plus tard la mosquée al-AqãÄ. Dans les deux cas,
il faudra attendre la in du viie siècle, sous le règne du calife marwÄnide ‘Abd al-MÄlik et de son
ils al-Walàd (65-96/685-715), pour voir se réaliser la construction des grandes mosquées que l’on
connaît aujourd’hui (Wright, 1848, 10-11).

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Jusqu’à l’arrivée du premier prince omeyyade, ‘Abd al-RaÜmÄn b. Mu‘Äwiya


al-DÄáil, et avec lui l’établissement d’un pouvoir central assez fort et d’un
émirat indépendant, le pouvoir islamique n’était pas encore consolidé dans
la Péninsule6. À partir de son arrivée, les troupes se sédentarisèrent et un
nouvel état se mit en place. Le rythme des conversions à l’islam, la fondation
de nouvelles villes et la construction de grandes mosquées s’accélérèrent. En
168H/785, ‘Abd al-RaÜmÄn I ordonna alors la construction de la grande mos-
quée de Cordoue.

Les mosquées des conquérants


D’après les textes arabes, les premières fondations religieuses des musul-
mans dans la péninsule Ibérique se trouvaient dans des endroits stratégiques,
importants du point de vue symbolique, et liés à un événement de la con-
quête. Les mosquées servaient à rendre visible la présence de l’islam dans le
nouveau territoire. Les auteurs arabes attribuent la fondation de ces oratoires 133
à des personnages connus pour leur grande piété et leur prestige moral, les
tÄbi‘ën, et placent les actions des conquérants sous l’autorité morale de ces
derniers, ce qui conférait une plus grande respectabilité à l’islam et aux pre-
mières mosquées d’al-Andalus7.
La « Mosquée des étendards » d’Algésiras ou Mosquée de MësÄ.
L’histoire de la mosquée des « étendards » ou des « drapeaux » est rappor-
tée dans deux sources qui traitent de l’histoire de la conquête d’al-Andalus :
le FatÜ al-Andalus, œuvre anonyme écrite probablement au xiie siècle, et la
RisÄla d’al-óassÄnà, un ambassadeur marocain du xviie siècle qui afirme
s’appuyer sur des textes arabes plus anciens. Toutes les deux semblent utiliser
une même source, probablement MuÜammad b. Muzayn (m. après 1078),
auteur cité par l’ambassadeur8:
MuÜammad b. Muzayn dit : « MësÄ fit rassembler autour de
lui les drapeaux des Arabes […] pour les consulter à propos de la

6
Un processus similaire s’est produit en Égypte sous le califat de Mu‘Äwiya ibn Abà SufyÄn (41-
60/661-680), qui a réussi à imposer une administration eficace et centralisée dans la province et à
exercer une iscalité plus effective en faisant un recensement de la population arabe installée dans les
grandes villes comme FuséÄé. La province d’Égypte était contrôlée par l’État omeyyade et contribuait
à son soutien. Il faut aussi attendre cette époque pour percevoir une transformation matérielle et
urbaine de grande ampleur à FuséÄé : les tentes furent remplacées par des maisons à cour centrale.
Voir Foss, 2009.
7
Calvo Capilla, 2007, pp. 157-159.
8
À propos de la date de rédaction de ces deux œuvres, voir FatÜ al-Andalus, 1994 pp. XXIII-XXIX ;
FatÜ al-Andalus, 2002, p. 21. La RiÜla ou RisÄla al-šaràiya d’al-óassÄnà fut éditée et traduite par
J. Ribera en 1926 dans un appendice du Ta’ràá iftitÄÜ al-Andalus d’Ibn al-Qëéiyya, avec le titre « Unas
cuantas noticias acerca de la conquista de España » (trad. pp. 163-184 et éd. pp. 189-214). Ibn Muzayn
s’était servi pour composer son œuvre du Livre des drapeaux (KitÄb al-rÄyÄt) de MuÜammad b. MësÄ
al-RÄzà (m. 277/890), mais aussi d’Ibn öabàb (m. 238/852) et d’Ibn öayyÄn (m. 469/1076).

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façon dont ils devaient mener l’expédition. […] Il dit que la noble
assemblée (al-mašhada) eut lieu dans le même endroit occupé
aujourd’hui par la Mosquée des drapeaux (MasÑid al-rÄyÄt) d’Alge-
siras, et qu’on la nomma ainsi parce que ce jour étaient réunis
tous les étendards, lesquels ont [aussi] donné leur nom au livre
d’al-RÄzà ». Il ajoute que MësÄ b. Nuãayr ne quitta pas ce lieu et
ne dispersa pas l’assemblée avant d’ordonner de faire de ce lieu
(ittaáÄÇa-hu) l’emplacement d’une mosquée et d’en délimiter les
contours (taáéàé mawÅi‘)9.

MësÄ s’est occupé, selon cette source, de tracer ou délimiter le terrain


(taáéàé) où la mosquée allait être érigée, en veillant sans doute à orienter cor-
rectement sa qibla. En donnant à MësÄ le rôle principal dans cette action,
c’est-à-dire désigner la qibla de la première mosquée d’al-Andalus, l’auteur du
texte le met au même niveau de prestige que les deux autres grands conqué-
rants musulmans : ‘Amr b. al-‘îã, le fondateur d’al-FuséÄé (Égypte), et ‘Uqba
134 b. NÄi‘, le fondateur de QayrawÄn (Ifràqiya). Ces deux derniers étaient consi-
dérés comme des ãaÜÄba ou Compagnons du Prophète, parce qu’ils étaient
nés avant la mort de MuÜammad en 11/632. MësÄ, selon certaines sources,
était lui-même un tÄbi‘ ou « Successeur des Compagnons »10.
Dans le cas d’al-Andalus, les auteurs arabes répètent les topoi employés par
les récits des conquêtes (futëÜÄt) islamiques d’Orient et d’Afrique du Nord.
MësÄ marche sur les pas de ses prédécesseurs d’Égypte et d’Ifràqiya. En effet, il
était habituel, après la conquête d’un territoire, de fonder une ville qui deve-
nait par la suite sa capitale, et de faire une pause dans l’avancée militaire au
proit des missions d’islamisation religieuse et d’arabisation de la population.
Plusieurs ãaÜÄba, ou Compagnons du Prophète, intervinrent dans l’orien-
tation de la qibla de la première mosquée du vendredi sur le campement
des troupes arabes à FuséÄé, en Égypte, conquise par ‘Amr b. al-‘îã (20/641-
22/643)11. De même, ‘Uqba b. NÄi‘ en 50/670 fonda la grande mosquée
QayrawÄn et ixa lui-même l’orientation (taqwàm) du bâtiment, qui est
devenu le modèle de toutes les mosquées d’Occident selon les sources arabes12.
Le cas d’Algésiras montre donc certains parallélismes avec celui de Qay-
rawÄn, une ville-campement où le conquérant, ‘Uqba ibn NÄfà‘, s’était occupé
de choisir lui-même l’emplacement de la grande mosquée (action qu’on
désigne en arabe par le verbe iátaééa), et d’établir l’orientation de la qibla
(indiquée par le verbe qÄma). Les oratoires de QayrawÄn et d’Algésiras appa-

9
Al-óassÄnà, RisÄla, trad. cit. pp. 170-171, éd. p 198 ; et FatÜ al-Andalus, 1994, p. XXV.
10
Wensinck, « ‘Amr b. al-‘îã », 1960, p. 451; Christides, 2000, « ‘Uqba b. NÄi’ », pp. 789-90.
11
Fu’ad Sayyid, 1998, p. 16-21.
12
Entre autres, Ibn ‘IÇÄrà, BayÄn al-Mugrib II, p. 13; trad. E. Fagnan, Histoire de l’Afrique et
de l’Espagne, p. 99 ; Ibn al-A∑Ir, al-KÄmil fà l-ta’ràj, Annales du Maghreb et de l’Espagne, pp. 386-
387. Voir aussi Rius, 1998-1999, pp. 54-57, 136-150 et 172-191 et 1996, pp. 785-827. al-Nuwayrà
(m. 732/1332), NihÄyat al-‘arab, Historia de los musulmanes de España y África, p. 15. Voir aussi Ibn
Haldën, Histoire des Berbères, I, p. 329.

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raissent comme les premiers édiices religieux du territoire conquis, servant


par conséquent de modèle aux autres mosquées13.
Al-öimyarà, le géographe du xive siècle, reprend dans sa description
d’al-Andalus la tradition de la première mosquée d’Algésiras. Il rapporte
plusieurs versions, différentes et contradictoires, sur l’origine de la mosquée
des Étendards, ce qui prouve qu’à partir des xie et xiie siècles (le moment où
écrivent al-Bakrà, al-‘UÇrà et al-Idràsà, les sources exploitées par al-öimyarà)
la mémoire des faits historiques liés à l’oratoire était déjà loue14.
La grande mosquée de Saragosse et les fondations religieuses des tÄbi‘ën
Les textes attribuent aux tÄbi‘ën qui auraient accompagné MësÄ lors de la
conquête d’al-Andalus la fondation de la première mosquée de Saragosse. Les
tÄbi‘ën ou « Successeurs des Compagnons du Prophète » étaient des person-
nages dotés d’un prestige moral extraordinaire et d’une réputation de grande
piété. Ils se sont chargés, comme les ãaÜÄba ou « Compagnons du Prophète »
avant eux, de répandre l’islam dans les régions conquises par l’enseignement 135
du Coran et de la Sunna. Autrement dit, ils sont présentés par les auteurs
arabes comme les responsables de la dimension religieuse de la conquête,
surveillant la répartition scrupuleuse du butin et des terres, aussi bien que
la correcte orientation des premières mosquées et le respect de l’orthodoxie.
Parmi les noms de tÄbi‘ën associés à la péninsule Ibérique, les seuls qui ont
pu venir avec les troupes arabo-musulmanes, d’après les études de M. Marín,
sont ‘Alà b. RabÄÜ (mort à QayrawÄn vers 113/732) et öanaš b. ‘Abd AllÄh
al-üan‘Änà. Si l’on peut admettre qu’ils accompagnaient MësÄ en 94/712-13,
il semble très douteux qu’ils soient décédés en al-Andalus, comme l’afirment
pourtant certains auteurs qui font le récit de la conquête15. Leur activité d’ins-
truction religieuse a forcément dû être assez brève dans le cas d’al-Andalus,
puisque ces tÄbi‘ën sont repartis pour Damas avec MësÄ en 95H/713-14. Leur
présence parmi les conquérants arabes de la péninsule Ibérique, douteuse d’un
point de vue historique, servait aux traditionnistes musulmans à rehausser le
prestige religieux et moral de la conquête effectuée par MësÄ, prestige dont avait
été privée l’incursion de ¢Äriq 16.
Les auteurs arabes attribuent à ‘Alà b. RabÄÜ et öanaš b. ‘Abd AllÄh
al-üan‘Änà, qui avaient aussi la réputation d’être de bons astronomes, la fon-
dation (voire l’orientation) des mosquées de QayrawÄn, Saragosse et Madàna
Ilbàra (près de Grenade)17.
13
Marçais, 1991, pp. 39-40.
14
Calvo Capilla, 2007, pp. 151-153.
15
Marín, 1981. Sur le rôle primordial joué par la religion et les compagnons du Prophète dans
les récits des FutëÜÄt, voir Noth, 1994, p. 22 et 101.
16
Ibn al-FaraÇI, Ta’ràá ‘ulamÄ’ al-Andalus, p. 256 (nº 913), cité par Chalmeta, 1994, pp. 184-
198 et 221. Voir aussi Marín, 1981, p. 30.
17
Selon Ibn al-Haéàb (xive siècle), IáÄéa, apud Dozy, 1881, I, pp. 330-331, texte arabe dans l’ap-
pendice nº XXVII ; Samsó, 1985-1986, p. 91 ; Ríus, 2001.

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L’importance stratégique de Saragosse, dans les premiers temps de la pré-


sence islamique en al-Andalus, était comparable à celle de Séville et Cordoue.
La ville, de fondation romaine, devint pour les conquérants musulmans un
centre pour les opérations vers le nord de la vallée de l’Èbre et vers les Pyré-
nées, à la frontière avec le royaume franc. Comme la vallée du Guadalquivir,
celle de l’Èbre a été un des principaux lieux d’installation de la population
arabe et berbère au viiie siècle18.
Plusieurs textes, surtout à partir du xie siècle, rapportent une tradition liée
aux deux tÄbi‘ën cités plus haut, selon laquelle leurs tombes étaient à Sara-
gosse19. Les textes d’al-öimyarà20 et d’Ibn al-Aèàr (m. 630/1233) 21 insistent sur le
fait que la grande mosquée de Saragosse a été fondée par ces deux personnages,
pieux et très compétents du point de vue astronomique, ce qui a fait de cette
qibla un modèle prestigieux. « Haééa » est le terme plus usuel pour désigner
l’action de délimiter un espace, en l’occurrence celui du culte ; le verbe « qÄma »
sert à spéciier l’érection du mur de qibla orienté vers La Mecque. Un indice de
136 la valeur symbolique de ces premières fondations serait la conservation de la
première niche du miÜrÄb dans les élargissements successifs, en raison de son
caractère sacré. C’est précisément ce qui s’est passé dans les mosquées de Sara-
gosse et QayrawÄn, un autre exemple du parallélisme entre ces deux lieux de
culte. L’auteur anonyme du ñikr bilÄd al-Andalus (xive siècle) ajoute que les
tÄbi‘ën étaient enterrés à l’extérieur du miÜrÄb, une niche en forme de bloc
monolithique couronné par une coquille22.
Les fouilles menées dans le sous-sol de la cathédrale de La Seo de Sara-
gosse, et autour d’elle, ont mis au jour l’existence d’un forum romain à cet
emplacement. Il s’agit de l’un des deux forums impériaux de Caesaraugusta,
construit à l’époque de l’empereur Auguste et réaménagés plus tard par
les Julio-Claudiens. Sous la mosquée, les archéologues ont trouvé unique-
ment l’angle du podium d’un temple romain, mais l’édiice islamique a été
bâti pour l’essentiel sur un espace vide ou abandonné de la place publique
romaine23. On ne sait rien, pour le moment, de l’emplacement de la basilique
chrétienne, même si elle a dû être érigée non loin de là24 (ig. 1).
Un cas très similaire, quoiqu’un peu plus tardif, est celui de la première
grande mosquée de Séville, fondée par ‘Abd al-RaÜmÄn II, en 214/829 selon

18
Calvo Capilla, 2007, pp. 153-156.
19
Al-‘UÇrà (m. 1085), trad. F. de la Granja, p. 11 ; et d’Al-Bakrà (m. 1094), KitÄb al-masÄlik wa-
l-mamÄlik, Geografía de España, pp. 40-41 et KitÄb al-masÄlik wa-l-mamÄlik, pp. 131-132. Ibn ‘IÇÄrà
signale que « öanaš fonda (« assasa ») la mosquée et construisit son miÜrÄb », BayÄn II, pp. 40-41.
20
Al-Himyarà, al-RawÅ al-mi’éÄr fà áabar al-aqéÄr, trad. p. 119 et éd. p. 97.
21
Ibn al-A∑àr, Al-KÄmil fà l-ta’ràá, Annales du Maghreb et de l’Espagne, p. 56 et al-KÄmil fà
l-ta’ràá, p. 41.
22
Le Dikr bilÄd al-Andalus, trad. p. 76 et éd. p. 70 ; Souto, 1989.
23
Hernández Vera, 2004.
24
Hernández Vera, Bienes Calvo, 1998, pp. 32-38.

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Fig. 1. — Saragosse. Plan des fouilles sous la cathédrale de La Seo avec les vestiges du
forum romain (à gauche) et les vestiges de la mosquée (nous avons souligné les restes
correspondants à la phase initiale du viii-ixe siècles (à droite). [Hernández Vera et
Bienes Calvo, 1998]

137
l’inscription de fondation25. Elle aussi a été bâtie sur les restes d’un édiice
romain tardif, contigu au forum de l’ancienne Hispalis romaine. Dans les deux
villes, le paysage monumental et l’urbanisme classique devaient être encore
visibles à l’arrivée des musulmans malgré la ruine, le dépeuplement et les trans-
formations réalisées durant la période wisigothique (où elles sont devenues des
sièges épiscopaux). Les géographes arabes signalent la présence de vestiges de
monuments anciens dans ces deux villes. À Saragosse, on peut d’ailleurs encore
aujourd’hui deviner la trame orthogonale des voies romaines26.
Parmi les structures trouvées sous la cathédrale de Saragosse, les murs
appartenant à la mosquée du viiie siècle, construits avec de la pierre d’albâtre,
ont permis aux archéologues de dessiner un plan presque carré, semblable à
celui de la première mosquée de Cordoue. À Saragosse, l’espace était aussi
divisé en deux moitiés, l’une pour la salle des prières, comportant probable-
ment cinq nefs, et l’autre pour la cour. Cette mosquée fut élargie sur ordre de
l’émir MuÜammad I en 242/856-57. Du deuxième édiice restaient les sou-
bassements de ses cinq nefs et de son miÜrÄb, qui avait la forme d’une niche
semi-circulaire signalée à l’extérieur du mur de la qibla par un contrefort27.
Le choix d’un terrain à l’abandon au sein de l’ancien forum romain a per-
mis aux musulmans non seulement de placer la mosquée du vendredi en

25
Ocaña Jiménez, 1947.
26
Le réseau urbain de Saragosse, organisé autour du Cardo et Decumano maximus, était visible à
l’époque musulmane comme l’indique la description d’al-Idràsà, qui dit que la ville avait « des rues
larges et de beaux édiices », KitÄb Nuzhat al-muštÄq fà iátirÄq al-ÄfÄq, Geografía de España, p. 180 ;
KitÄb Nuzhat al-muštÄq fà iátirÄq al-ÄfÄq, p. 190; Beltrán Martínez, 1991, p. 17. Al-Bakrà dit qu’à
Séville il y avait de nombreux vestiges de l’Antiquité, comme des colonnes monumentales. Il parle
aussi des ruines romaines d’Italica. KitÄb al-masÄlik wa-l-mamÄlik, Geografía de España, pp. 32-34
et KitÄb al-masÄlik wa-l-mamÄlik, pp. 90.
27
Hernández Vera, 2004, pp. 65-91.

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plein centre-ville, mais aussi d’orienter sa qibla correctement vers La Mecque,


sans être conditionnés par des structures préexistantes. Le nouveau bâtiment,
qui rompait avec l’alignement général du forum, était orienté en direction
du soleil levant en hiver, avec toutefois une petite déviation28, comme à la
mosquée de QayrawÄn.
Saragosse et Séville nous montrent donc qu’au contraire de ce qui semblerait
logique et de ce qu’afirment parfois les textes, toutes les mosquées d’al-Anda-
lus n’ont pas été construites sur les vestiges d’une ancienne église. Cela serait lié
au fait que beaucoup de sanctuaires restèrent ouverts au culte chrétien quelque
temps après l’installation des musulmans, mais aussi au fait que les nouveaux
maîtres de la ville voulaient mettre en valeur l’islam en choisissant pour la mos-
quée un endroit emblématique et adapté à leurs besoins.
Ce type de solution a des précédents en Orient et en Afrique du Nord.
Robert Schick, dans son étude sur la Palestine, signale que les églises byzan-
tines se sont très rarement converties en mosquées puisqu’elles restaient
138 d’habitude ouvertes au culte. Par contre, les musulmans construisaient des
oratoires ex novo, de préférence dans des endroits distincts29. Deux autres
exemples découverts récemment par l’archéologie sont ceux de Palmyre
(Syrie) et de Jerash (Jordanie). À Palmyre, Denis Genequand a identiié un
mur orienté vers la Mecque, signalé par un miÜrÄb, dans un édiice romain
à cour centrale placé à côté du Tetrapylon, le carrefour du cardo et decumano
maximus (ig. 2, pl. 1). La qibla appartenait probablement à une mosquée
érigé avec des matériaux anciens, vraisemblablement d’époque marwÄnide
(64-132/684-750)30. Le cas de Jerash est presque identique à celui de Palmyre :
la mosquée fut installée sur les vestiges d’un édiice civil romain attenant au
Tetrapylon, d’époque marwÄnide également31. Le quartier chrétien et ses
églises ont été respectés dans les deux villes. Les musulmans ont choisi un
espace vide ou en ruines au centre de la ville pour ériger ex novo la mosquée,
symbole du triomphe de l’islam et du pouvoir consolidé des Omeyyades dans
la région (ig. 2).
Le processus d’islamisation urbanistique des capitales andalouses, de
même que l’arabisation et la conversion de la population à l’islam, se sont
achevés vers la in du xe siècle. Il restait encore à cette date des vestiges des
édiices anciens à l’intérieur des villes comme Cordoue et Tolède. La mosquée
connue aujourd’hui sous le nom du couvent de Santa Clara de Cordoue fut
construite à la in du xe siècle sur un terrain où se trouvaient les ruines d’un

28
Rius, 1998-99, pp. 148 et 188.
29
Schick, 1995, p. 130 sqq. Dans le BilÄd al-ŠÄm, les églises sont restées en usage. En effet,
l’archéologie n’atteste pas pour le moment de destructions généralisées : Burns, 2005, pp. 105-106.
En Ifràqiya le phénomène s’est produit de la même façon selon Pentz, 2002, pp. 56-57.
30
Genequand, 2008, pp. 3-15. La construction de la qibla est assez grossière et semble indiquer
une structure très simple.
31
BARNES et alii, 2006.

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139
Fig. 2. — Palmire (Syrie), localisation et plan des restes de la mosquée ou « muãallà »
près du Tetrapylon. (Genequand, 2008)

Pl. 1. — Palmire, Syrie. Détail de la « qibla » avec le mihrab de la « muãallà »

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édiice romain tardif. Une relecture des structures découvertes au cours des
fouilles de l’église a récemment mis en question leur identiication comme
église paléochrétienne ou byzantine32.
La mosquée tolédane du Cristo de la Luz ou de BÄb al-Mardëm, située à
proximité d’une porte de la ville qui portait le même nom, fut construite en
390/999-1000 par AÜmad ibn al-öadàdà, membre d’une famille de notables
de Tolède. L’édiice a été érigé en empiétant sur une chaussée romaine (dotée
d’une canalisation, en très bon état de conservation) et sur un petit bâtiment
antique (pl. 2 et 3). La chaussée donnait accès à la partie nord de la ville en
traversant la porte ou BÄb al-Mardëm. Aussi, la mosquée était-elle le premier
édiice que l’on voyait en pénétrant dans la ville33.

Destruction et coexistence : l’afirmation de l’islam


et les églises des mozarabes.

140 La destruction des temples polythéistes


Généralement les auteurs arabes insistent sur le fait que les temples « des
polythéistes » furent saccagés et détruits par les conquérants lors de leur
avancée dans la Péninsule, soulignant ainsi, de façon symbolique, le triomphe
de l’islam. Al-RÄzà (historien du xe siècle) dit par exemple, dans son histoire
d’al-Andalus conservée dans sa version postérieure en langue romane :
E este [‘Abd al-RaÜmÄn I] nunca llegó en España buena yglesia que
non la estruyese ; e avia en España muchas e buenas de tiempo de los
godos e de los romanos. E este tomava todos los cuerpos de los chris-
tianos creyan e adoravan e llamavan santos, e quemavalos todos34.

Ainsi, les conquérants (dirigées par ¢Äriq) mirent le feu à une église de Cor-
doue, située à l’extérieur de la porte de Séville, où s’étaient refugiés quelques
Cordouans35. Pour la même raison, les auteurs arabes parlent des masÄÑid
al-ÑÄmi‘ édiiées sur des terrains occupés auparavant par une église : kÄna fà /
bi-mawÅà‘i-hi kanàsa36.
Mérida, capitale de la Lusitania, une des trois provinces de l’Hispania
impériale, et siège épiscopal de premier ordre à l’époque wisigothique, est un

32
Cette mosquée urbaine était située non loin de la grande mosquée, à l’intérieur de l’enceinte.
Marfil Ruiz, 1996.
33
Ruiz Taboada, Arribas Domínguez, 2007.
34
« Et celui-là [‘Abd al-RaÜmÄn I] n’est jamais arrivé dans une belle église en Espagne sans la
détruire, et il y en avait beaucoup et de très riches de l’époque des Wisigoths et des Romains. Et il
prenait les corps [des saints ou martyrs] auxquels les chrétiens croyaient, qu’ils vénéraient et qu’ils
appelaient saints et les brûlait », Crónica de 1344, p. 183.
35
FatÜ al-Andalus, trad. p. 14, notes 30-32. AábÄr MaÑmë‘a, trad. p. 25 et éd. p. 12.
36
Par exemple les mosquées al-ÑÄmi‘ de Cordoue et Algésiras, dans le FatÜ al-Andalus, trad. p. 90
et éd. p. 77 ; et celle de ¢urruš : Ibn öayyÄn (m. 469/1076), Muqtabis V, p. 111-112 et Crónica del
Califa ‘AbderraÜmÄn III an-NÄãir entre los años 912 y 942, p. 135.

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141

Pl. 2. — Tolède, Mosquée-église du Cristo de la Luz, façade sudouest sur la chaussé

Pl. 3. — Tolède, canalisation romaine de la chaussée trouvée


au nord de la mosquée-église du Cristo de la Luz

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bon exemple de ce processus. Selon l’auteur anonyme des AábÄr MaÑmë‘a,


une collection de traditions concernant la conquête et l’émirat mise par écrit
vers 328/940, les musulmans et les chrétiens négocièrent la paix après le long
siège de la ville :

[…] à condition que les biens de ceux qui étaient morts le jour de
l’embuscade et de ceux qui s’étaient enfuis vers la Galice reviendraient
aux musulmans, et que les biens (« amwÄl ») et ornements (« Üilya »)
des églises [iraient] à MësÄ37.

Dans une grande ville comme Mérida, les églises étaient nombreuses et
riches au moment de la conquête, ainsi que l’afirme l’auteur des AábÄr
MaÑmë‘a, mais on n’a guère d’informations sur ces dernières, si ce n’est leur
nom à l’époque wisigothique38. D’après les sources, elles furent dépouillées
puis abandonnées. La grande mosquée fut probablement érigée à côté de la
cathédrale, consacrée à sainte Jérusalem, ou sur le terrain où elle se trouvait.
142 De manière générale, comme dans le cas de Mérida, les informations sur les
mosquées urbaines sont encore très rares39.
Par contraste, on dispose d’abondantes informations textuelles et archéolo-
giques sur le sanctuaire de Sainte-Eulalie de Mérida. L’église, construite dans
la deuxième moitié du ve siècle sur un martyrium plus ancien, a conservé son
statut de temple mozarabe au moins jusqu’à la moitié du ixe siècle, quand le
nombre de chrétiens s’est dramatiquement réduit40. Un indice de la dévo-
tion à cette sainte martyre et de l’importance du pèlerinage au sanctuaire à
l’époque wisigothique est la construction, à la in du vie siècle, d’un xeno-
doquium ou hospice, par l’évêque Masona, pour accueillir les pèlerins et les
malades qui visitaient sa tombe. Les riches pilastres visibles aujourd’hui sur
les portes d’accès à la citerne de l’alcazaba islamique pourraient provenir de
la spoliation de cet hospice ; son emplacement serait un exemple de la grande
valeur symbolique que les musulmans accordaient aux matériaux romains et
wisigothiques41 (pl. 4).

37
AábÄr MaÑmë‘a, trad. p. 30 et éd. p. 18. On peut trouver la même information pour Séville dans
Ibn ‘IÇÄrà, BayÄn II, éd. p. 17 et trad. p. 23.
38
AábÄr MaÑmë‘a, trad. p. 29 et éd. p. 16. Ibn ‘IÇÄrà, BayÄn II, trad. p. 21-22 : « Mérida, capi-
tale ancienne, possédait des monuments anciens admirables : un pont, des palais et des églises
magniiques ».
39
L’archéologie, très active à Merida, a trouvé récemment des restes d’édiices civils des viiie-
ix siècles. Ils ont été construits tout au long de la muraille sud, sur les terrains vides situés entre le
e

mur et les demeures de la ville. Les structures sont assez complexes et leur plan rappelle celui des
palais wisigothiques de Pla del Nadal (Valence) et Recopolis (Tolède), mais on ne connaît pas encore
leur fonction : Mateos Cruz, Alba Calzado, 2000 ; Rosselló Mesquida, 2005.
40
Par la suite, l’église de Sainte-Eulalie est tombée en ruine : Mateos Cruz, Alba Calzado, 2000,
pp. 143-168 ; Valdés, 1995, p. 267 et 1998, pp. 159-161.
41
Sastre de Diego, 2005, p. 465-473. Sur les spolia de Mérida, al-RÄzà raconte qu’un homme qui
aimait les « beaux marbres » les recherchait dans les monuments anciens de la ville pour construire
ses propres œuvres : Crónica del Moro Rasis (AábÄr mulëk al-Andalus), p. 71-74.

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143
Pl. 4. — Mérida, Badajoz. Pilastres wisigothiques
de la porte de la citerne de l’Alcazaba islamique

Les églises ouvertes au culte chrétien


Malgré les afirmations contenues dans les récits de la conquête sur la des-
truction des sanctuaires chrétiens — qui semblent relever du topos plutôt
que de la réalité —, de nombreuses églises (comme Sainte-Eulalie de Mérida)
sont restées en usage pour des raisons diverses. Le respect des pactes de red-
dition, évoqué par les textes, relète surtout l’existence d’une communauté
chrétienne très nombreuse et par les enjeux politiques et économiques qui
en découlent42. Une source rédigée vers 349/961, le Calendrier de Cordoue,
contient non seulement un catalogue des travaux saisonniers dans la cam-
pagne autour de la capitale, mais aussi une espèce de sanctoral chrétien avec
le nom des églises et monastères de Cordoue et de sa périphérie43. Mais tous

42
Au cours de leurs conquêtes, les musulmans étaient souvent de connivence avec les hiérar-
chies ecclésiastiques locales. Plusieurs évêques ont, dans ce cadre, servi de médiateurs auprès des
conquérants arabes : l’évêque de Damas a négocié le pacte de capitulation avec HÄlid b. al-Halàd. À
Jérusalem, le patriarche Sophrone a signé le pacte de capitulation avec ‘Umar en 17/638. En Égypte,
les monastères ont joué un rôle économique important au viie siècle après la conquête musulmane,
d’après Foss, 2009 M. Acién a suggéré qu’en Espagne les pactes signés par les évêques avec les con-
quérants leur permettaient de conserver leurs privilèges économiques. En échange les évêques
collaboraient avec le nouvel État pour le prélèvement des impôts, en utilisant le recensement ecclé-
siastique. Au fur et à mesure que l’islamisation avançait, l’Église a perdu son pouvoir ; le processus
d’acculturation s’accompagnanit de son affaiblissement (Acién, 2000, pp. 430-32).
43
Les églises étaient situées dans les faubourgs (al-rabÄÅ) comme celui d’al-¢arrÄzàn. Parmi ces
églises on peut citer celle de Saint-Zoïle, la Kanàsa al-AsrÄ ou « église des prisonniers », celles de
Saint-Paul, de Saint-Cyprien, des Trois-Saints, ainsi que la basilique de Saint-Aciscle. Il y avait aussi
des monastères (dayr) dans les environs. Voir Le Calendrier de Cordoue. Sur l’important site de Cer-
cadilla, Fuertes, Hidalgo, 2005.

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ces sanctuaires chrétiens ne dataient pas de l’époque préislamique. Certains,


localisés hors de l’enceinte, avaient été construits après 92/711. Selon Ibn
‘IÇÄrà, lors de la cession par les chrétiens de « leur partie de la basilique de
Saint Vincent » aux musulmans, pour construire le masÑid al-ÑÄmi‘ de Cor-
doue (ca. 169/785), ‘Abd al-RaÜmÄn I leur proposa en échange de bâtir des
édiices à l’extérieur de la ville, pour remplacer les « églises qui avaient été
détruites au moment de la conquête »44. Euloge conirme la coexistence de
sanctuaires anciens et récents dans un texte où il rapporte les persécutions
subies par les mozarabes de Cordoue à l’époque de MuÜammad I (238-
273/852-886). Il y évoque la destruction d’églises « récemment construites
et [de] temples bâtis avec beaucoup d’effort et d’art par nos aïeux, dans les
temps de paix et qui existaient depuis plus de trois cents ans » dans la ville45.
Les collections de fatwÄ-s d’al-Andalus indiquent aussi clairement l’exis-
tence d’églises ouvertes au culte, au moins pendant la période omeyyade et
celle des Taifas, même à l’intérieur des murailles des villes46. Un cas très connu
144 est celui de Tolède où, selon Ibn öayyÄn, en 257/871 les Tolédans demandè-
rent à l’émir MuÜammad I la permission de réparer le minaret de la grande
mosquée qui était tombé. Ils voulaient « le reconstruire avec les fonds du
ÜarÄÑ et ajouter à la salle de prière l’église qui était contigüe au minaret »47.
À Écija (Séville), d’après al-öimyarà, il y avait une église pour les chrétiens
(« li-l-naãÄrÄ »), près de la grande mosquée48.
À Grenade, au xvie siècle, lors des travaux de construction de l’église de
Sainte-Marie sur le terrain occupé auparavant par la grande mosquée de l’Al-
hambra, les ouvriers ont retrouvé certains vestiges d’édiices préislamiques,
parmi lesquels une inscription latine de grande valeur. Cette inscription,
conservée au Musée de l’Alhambra, commémore la fondation de trois églises à
Grenade par un noble wisigoth appelé Gundiliuva entre les années 594 et 607.
Les historiens ne sont pas d’accord sur la signiication exacte de cette triple
fondation offerte à la Trinité, ni sur l’emplacement de ces trois églises dédiées
à saint Vincent, saint Jean Baptiste et saint Étienne49. L’une d’elles au moins,
peut-être Saint-Vincent, devait se trouver sous la mosquée de l’Alhambra.
Quant aux deux autres, elles posent davantage de problèmes d’identiication.
On trouve dans les sources arabes certains toponymes qui pourraient être en

44
Ibn ‘IÇÄrà, BayÄn II, éd. p. 229, traduit par Rubiera, 1981, p. 111.
45
Euloge, Memoriale Santorum, livre II, chap. III, apud Arjona Castro, 1982, p. 47; Arce
Sainz, 2003, pp. 293-303. Nous avons mentionné plus haut une église détruite par TÄriq lors de sa
conquête de Cordoue en 92/711.
46
Voir par exemple Ibn Sahl (m. 486H/1093), WatÄ’iq fà aÜkÄm qaÅÄ’ ahl al-dimma fà l-Andalus ;
Calvo Capilla, 2002, pp. 240-244 ; Mazzoli-Guintard, 2003, pp. 85-94.
47
Ibn öayyÄn, Muqtabis II-2, p. 327. Le áarÄÑ était un impôt sur les biens immeubles qui pesait
sur les « tributaires » chrétiens et juifs ; il s’additionnait à la Ñizya, impôt de capitation (Lévi-Pro-
vençal, 1990, p. 111).
48
Al-Himyarà, RawÅ, trad. p. 21 et éd. p. 15.
49
Résumé de la polémique dans Gimeno Pascual, 2009, pp. 35-37.

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relation avec elles50, mais c’est Ibn al-Haéàb (m. 776H/1374-75) qui fournit le
plus d’informations. Dans son IÜÄéa, il décrit les ruines d’une église fondée
par un « grand seigneur des chrétiens », que le roi wisigoth avait chargé de
diriger une armée. Elle était située à l’extérieur de la porte d’Elvira et « était
sans pareille quant à sa construction et sa décoration ». Il ajoute que cette
église fut démantelée par les Grenadins un jour de mai de l’année 492/1099,
suite à l’exhortation de l’émir almoravide Yësuf b. TÄšufàn. Ibn al-Haéàb a pu
encore contempler ces ruines imposantes51. Ailleurs, dans la même œuvre, il
décrit les restes d’un autre bâtiment ancien dont la forme insolite attire son
attention. C’était une structure pentagonale (áamsun), construite en pierre
de taille et contigüe à un autre édiice (binÄ’) ancien de construction « solide
et unique ». Ibn al-Haéàb semble ne pas connaître la fonction de ce binÄ’,
situé sur la rive gauche du leuve Genil, près des ruines d’un cirque ou d’un
théâtre (mal‘ab). Il est possible, comme le propose Velázquez Basanta, que la
description corresponde à un baptistère et à une basilique paléochrétienne
ou wisigothique. 145
Donc, à l’époque d’Ibn al-Haéàb, dans la deuxième moitié du xive siècle, les
ruines encore visibles de deux anciennes églises de Grenade étaient admirées
pour la perfection de leur construction et la qualité de leurs matériaux. En
outre, on constate qu’une des églises de la ville, sûrement déjà fermée au culte,
ne fut saccagée et démolie qu’à l’époque almoravide, à la in du xie siècle.

La sécularisation des lieux de culte chrétien

La Kanisa et le masÑid Rubàna de Séville


L’histoire de l’assassinat du deuxième gouverneur d’al-Andalus, qui igure
dans les traditions de la conquête, constitue un cas très intéressant de sécu-
larisation d’un temple chrétien. ‘Abd al-‘Azàz, ils de MësÄ b. Nuãayr, succéda
à son père au pouvoir. Installé à Séville, première capitale d’al-Andalus,
‘Abd al-‘Azàz avait épousé la veuve du roi Rodrigue, s’attirant ainsi l’oppo-
sition de certaines factions de l’armée arabo-musulmanes qui l’accusèrent
d’avoir apostasié et de favoriser les chrétiens et les opposants l’ont assassiné
en 98/716 quand il assistait à la prière. Le FatÜ al-Andalus et Ibn al-Qëéiyya
indiquent que cet événement a eu lieu dans le « MasÑid Rubàna », qui avait été
construite (ibtanÄ) devant la porte de sa maison, c’est-à-dire devant l’église
consacrée à sainte Ruine52.
Deux éléments peuvent être soulignés dans cette histoire. D’abord, la mos-
quée a été édiiée près de la résidence du gouverneur, cette association du

50
Canto, 1995, pp. 343-346 ; Valdés, 1995, pp. 64-65.
51
Ibn al-õaTàb, IÜÄéa fà aábÄr óarnata, pp. 107-108, apud Velázquez Basanta, 2007.
52
FatÜ al-Andalus, trad. pp. 32-33 et éd. p. 22. Ibn al-Qëéiyya, Ta‘ràá iftitÄÜ, trad. p. 53 et éd.
p. 11. Ibn ‘IÇÄrà, BayÄn II, éd. p. 23 et trad. p. 32.

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siège du pouvoir avec le principal lieu de prière étant habituelle dans les pre-
mières villes islamiques d’Orient et l’Afrique du Nord (Këfa, 17/638, WÄsié,
84/703, Qayrawan, 50/670)53. En al-Andalus, le « MasÑid Rubàna » de Séville
constitue l’exemple le plus ancien de cette union physique des pouvoirs poli-
tique et religieux, dont le représentant était le gouverneur54.
Deuxièmement, Ibn al-Qëéiyya semble préciser que la mosquée avait été
construite ex novo à côté de l’église de Sainte-Ruine, alors que celle-ci avait
perdu son caractère religieux et était devenue la résidence du gouverneur. Ibn
al-Qëéiyya précise que la kanàsa Rubàna dominait la campagne de Séville, ce
qui semble indiquer qu’elle ne se trouvait pas dans le centre de la ville, mais
en dehors de ses murailles.55
En outre, le terme « kanàsa » est assez large et peut signiier monastère ou
sanctuaire. La Kanàsa Rubàna était-elle un sanctuaire constitué d’un ensemble
de bâtiments réutilisés par les musulmans ? Les sources wisigothiques signa-
lent que les saintes Juste et Ruine furent enterrées dans le cimetière de
146 Séville, situé aux abords de la ville56. On peut se demander si, sur les tombes
des deux martyres sévillanes, très vénérées, ne furent pas érigés un sanctuaire
de pèlerinage, un monastère ou une nécropole ad sanctos comme sur les
tombes d’autres martyrs d’époque romaine : saint Aciscle de Cordoue57, saint
Fructueux de Tarragone, saint Félix de Gérone et sainte Eulalie de Mérida (à
Cáceres)58. Cette hypothèse expliquerait, dans le cas de Ruine, la survivance
du lieu et la dénomination arabe postérieure de RÄbiéat ‘Anbar.
D’après les textes arabes, les monastères situés dans les environs des villes,
en dehors des murailles, ont parfois servi aux conquérants arabes de point
d’appui pour l’attaque de la localité. On trouve des exemples d’une telle tac-
tique à Damas, selon le récit d’al-BalÄÇurà, ou à Babylone-FuséÄé, en Égypte59.

53
Voir Creswell, 1989, pp. 9-10 et 40-41.
54
À Séville, à l’époque émirale, le dÄr al-imÄra se situait auprès de la grande mosquée d’Ibn ‘Ada-
bbas (Valencia, 1988, p. 163). À Cordoue, l’alcazar et la mosquée étaient reliés par un pont (sÄbÄé).
55
Selon Ibn ‘IÇÄrà, au xie siècle, la mosquée était connue comme celle où « fut assassiné ‘Abd al-
‘Azàz b. MësÄ b. Nuãayr », Ibn ‘IÇÄrà, BayÄn III, La caída del Califato de Córdoba y los Reyes de Taifas,
pp. 168-69. Ibn öayr (m. 575/1179), Fahrasa, x, p. 183, 244 et 437 (Valencia, 1988, pp. 592 et 551).
Des références plus tardives situent la kanàsa Rubàna ou RÄbiéat ‘Anbar à l’extérieur de la ville, près de
la porte BÄb ‘Anbar, un nom qui s’est maintenu jusqu’à la in de la période islamique Les documents
chrétiens mentionnent un endroit appelé Robayna, situé dans l’Aljarafe, où s’élevait une église qui
pourrait lui correspondre (Ayala Martínez, 1995, doc. nº 420).
56
PUERTAS Tricas, 1975, pp.41-43 et 56.
57
Il n’y a pas d’accord sur l’emplacement de cette église. L’hypothèse la plus crédible la situe dans
l’ancien palais de Cercadilla, construit dans la banlieue nord de Cordoue, à l’époque de la Tétrar-
chie (in iiie siècle). Une des salles de réception triconque a été transformée en église au ive siècle,
et autour d’elle a été aménagée une nécropole. Le palais est devenu le premier siège épiscopal de
Cordoue (Hidalgo Prieto, 2005).
58
Une excellente étude des sanctuaires wisigothiques se trouve dans Moreno Martín, 2009.
59
Un des généraux arabes qui a conquis Damas, HÄlid b. al-Halàd, s’était installé dans un dayr
des alentours pendant le siège : al-BalÄÇuri, KitÄb FutëÜ al-buldÄn, The origins of the Islamic state,
pp. 186-188; Elisséeff, 1965, pp. 277-290 ; Fu‘ad Sayyid, 1998, pp. 6-15.

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Il est possible que le choix de ‘Abd al-‘Azàz ait été lié à cette circonstance, même
s’il y avait d’autres raisons stratégiques. Par ailleurs, la sécularisation des ins-
titutions monastiques avait aussi des précédents en Orient. Par exemple, dans
le monastère byzantin d’al-Fudayn, à Mafraq en Jordanie, les archéologues
ont trouvé des signes de l’occupation islamique à l’époque omeyyade sous la
forme de luxueux objets d’usage domestique. Les musulmans construisirent
à côté de cette enceinte, une autre qui abritait une petite mosquée et un bain60.
Abandon, ruine et transformation des églises
Au cours des dernières décennies, l’archéologie a mis au jour des sites qui
documentent non seulement le processus d’islamisation et l’installation des
populations musulmanes dans les villes et les villages wisigothiques, mais
aussi la désacralisation des églises. La durée de ce processus était en partie
conditionnée par les circonstances de l’installation et, quand il y avait traité
de reddition, par les clauses de ce dernier (ãulÜ). Selon les conditions, reli-
gieuses, politiques ou économiques, des traités que rapportent les textes, les 147
musulmans devaient respecter les biens de la population indigène et leurs
églises, qui restaient ouvertes au culte jusqu’au moment où, en raison des
conversions à l’islam, elles étaient abandonnées et tombaient en ruine.
Le site aujourd’hui connu comme El Tolmo de Minateda, à Albacete, four-
nit des informations précieuses sur le processus d’islamisation d’une petite
ville, sur le plan religieux, social et urbain. Elo à l’époque wisigothique, Madà-
nat Iyyih dans les textes arabes, était un siège épiscopal assez important au
viie siècle et au moment de l’arrivée des musulmans. Les dimensions et la
qualité de réalisation de la basilique et du palais épiscopal contigu témoignent
de son importance. La conquête islamique de la région de Tudmàr, toujours
selon les sources écrites, s’est accompagnée d’un pacte de capitulation (connu
sous le nom de « Pacte de Théodemir »), qui a permis aux chrétiens de gar-
der leurs biens et leurs églises. Les archéologues ont de grandes dificultés à
distinguer les espaces musulmans (minoritaires à l’époque) au viiie siècle :
les demeures et la céramique découvertes suivent les modèles locaux, les
morts sont enterrés dans les mêmes nécropoles, et l’église reste ouverte aux
chrétiens. Ni l’outillage, ni les monnaies, ni la trame urbaine ne révèlent de
modiications attribuables à une évolution des mœurs ou du comportement
social. Ce n’est qu’après la conversion à l’islam de la plupart de la popula-
tion indigène (et son arabisation), au ixe siècle, que l’archéologie commence
à repérer les indices de changements. D’abord dans les édiices religieux : la
basilique et le palais sont abandonnés et tombent en ruine, leurs matériaux
sont pillés. Toutefois, le terrain de l’église a été respecté : c’est uniquement
autour et en périphérie de ce dernier, au niveau des portiques et du baptis-

60
Bisheh, 2000, pp. 133-135. Le même auteur offre plus de détails dans « Al-Fudayn, Mafraq, Jor-
danie », MWNF – Museum With No Frontiers, http://www.discoverislamicart.org/database_item.
php?id=monument;ISL;jo;Mon01;6;es. [Consulté le 28-VII-2009].

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Pl. 5. — Tolmo de Minateda, Albacete. Vue générale des vestiges de la basilique

tère, situés à son extrémité occidentale, que les musulmans ont installé de
nouvelles structures destinées à l’artisanat et aux habitations61. À cette date,
un siècle après la conquête, les musulmans devaient avoir construit des mos-
quées ailleurs (non encore localisées) [pl. 5].
Les fouilles récentes effectuées à l’église wisigothique de Santa María de
Melque (Tolède) ont également apporté des informations sur les change-
ments provoqués par l’arrivée des musulmans à l’échelle de ce monastère
rural. Plusieurs indices et matériaux, parmi lesquels les stuques décoratifs et
des fragments de céramique, permettent de dater l’église au viie siècle (pl. 6).
Selon les dernières hypothèses formulées par les archéologues, de nouveaux
occupants auraient converti les dépendances monastiques en lieux d’habi-
tation aux ixe et xe siècles, alors que l’église était peut-être encore un lieu de
culte chrétien62. Quant à l’église wisigothique d’El Gatillo de Arriba (Cáceres),
il s’agit probablement une modeste église martyriale. Quelque temps après
l’installation des musulmans dans le village, l’église et la nécropole autour
d’elle furent abandonnées. L’église fut ensuite vidée de ses pierres tombales et
l’espace intérieur fut remanié ain d’être utilisé comme demeure63.
L’église et le baptistère wisigothiques d’Algézares (Murcie) constituent
un édiice assez original par son plan, mais modeste du point de vue de sa
construction. Les archéologues y ont retrouvé des indices de présence musul-

61
Gutiérrez Lloret, 2002 et 2007.. Le même problème se pose dans d’autres sites archéolo-
giques, comme par exemple à Istabl ‘Antar (Le Caire, Égypte) : Foss, 2009 b, pp. 270-272.
62
Ce qui expliquerait qu’à la in du xie siècle, lorsque la Taifa de Tolède fut conquise par
Alphonse VI, les chrétiens purent la restaurer (Caballero Zoréda, 2004).
63
Caballero Zoréda, Sáez Lara, 2009.

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149
Pl. 6. — Sainte Marie de Melque, Tolède. Façade ouest de l’église

mane datant de l’époque émirale. La présence de lampes à huile islamiques


en céramique, apparues en grande quantité dans les oratoires de la RÄbiéa
de Guardamar, indiquerait selon Sonia Gutiérrez Lloret que l’église a été
transformée en mosquée. Pourtant, cette hypothèse s’appuie sur des indices
insufisants : les lampes à huile se trouvent aussi en abondance dans les strates
d’époque islamique des édiices domestiques. De plus, elles ont été décou-
vertes à l’extérieur de l’église, et non à l’intérieur64.
Des problèmes d’interprétation similaires se posent pour la basilique wisigo-
thique de Casa Herrera (Badajoz). La présence d’une niche avait laissé penser
à la conversion de l’église en mosquée. Cependant, la lecture et l’analyse des
grafiti arabes, gravés sur les fûts des colonnes qui séparent ses nefs, ont révélé
un usage de la basilique comme prison à l’époque émirale, aux ixe et xe siècles65.
En dernier lieu, on citera la ville-palais wisigothique de Recópolis (Zorita de
los Canes, Guadalajara). Le palais a été construit à la in du vie siècle et est devenu
un centre urbain et commercial assez important pendant les deux siècles qui ont
suivi. Une grande partie des dépendances du palais ont été occupées tout au long
du viiie siècle et remaniées pour servir de demeures, d’ateliers artisanaux et de
magasins, mais, vers le milieu du ixe siècle, la ville a été abandonnée66.
Tous les exemples précédents semblent indiquer que le processus d’isla-
misation et de transformation sociale et urbanistique des petites villes et des
agglomérations rurales anciennes a été long. Au début, alors qu ils étaient encore
peu nombreux, les musulmans nouvellement arrivés s installaient dans des struc-
64
Gutiérrez Lloret, 1996, pp. 297-301.
65
Barceló, 2000 et 2002; Calvo Capilla, 2007, pp. 164-165.
66
Olmo Enciso et alii, 2008; Agustí García, Olmo Enciso et alii, 2004.

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tures préexistantes en respectant les églises, où continuait de se dérouler le culte


chrétien. Quand les musulmans tendaient à devenir plus nombreux, les églises
et les cimetières chrétiens étaient laissés à l’abandon et n’étaient que rarement
réemployés. La basilique de Casa Herrera (Badajoz), le monastère de Santa María
de Melque (Toledo), le palais de Recópolis (Guadalajara), les églises d’Algezares
(Murcie) et d’El Gatillo (Cáceres) montrent que, malgré une occupation initiale
des lieux à l’époque émirale, les musulmans n’ont en général pas converti les sanc-
tuaires en mosquées, et ne les ont pas non plus détruits totalement. Ils les ont
souvent pillés et parfois sécularisés. Les sites mentionnés laissent penser qu’une
réorganisation de la population se produisit tout au long des viiie et ixe siècles : les
villages, palais ou monastères en milieu rural furent abandonnés au proit de villes
de fondation récente, le tout répondant à une nouvelle stratégie de peuplement67.
Ce processus d’abandon explique que la dégradation de nombre de ces églises
rurales ait été très lente, au point que, deux ou trois siècles plus tard, les chrétiens
qui repeuplèrent les terres reprises aux musulmans purent encore les restaurer68.
150
La conversion des églises en mosquées
Il semblerait logique que les musulmans, pour faire la prière, aient d’abord
réutilisé les églises locales avant de construire leurs premières mosquées du
vendredi, de la même façon que les chrétiens, après la conquête d’al-Anda-
lus, ont transformé de façon systématique les mosquées en églises. Pourtant,
d’après les exemples que nous venons d’exposer et d’après les sources arabes,
ce phénomène de conversion a été plutôt exceptionnel. C’est pour cette raison
que nous avons laissé cette question pour la in. Nous disions plus haut que
les traditionnistes, en évoquant dans leurs récits de la conquête d’al-Andalus
la spoliation puis la destruction des temples chrétiens pour y construire, sur
le même terrain, des mosquées, traduisaient plus leur point de vue idéolo-
gique qu’ils n’énonçaient des faits avérés, comme on le voit à travers les cas de
Séville et Saragosse. Les fouilles archéologiques pratiquées en Espagne n’ont
pas permis de trouver pour le moment d’indices clairs du phénomène de
conversion ou de partage des églises entre les deux communautés, chrétienne
et musulmane. Il convient d’ailleurs de se demander si ces conversions ont
toujours laissé des traces architectoniques perceptibles aujourd’hui.
Avant de continuer, il faut souligner les réticences que les musulmans
éprouvaient à prier à l’intérieur d’une église. Il est signiicatif qu’en Orient,
les seuls personnages qui ont fait la prière dans un sanctuaire chrétien, selon
les récits des FutëÜÄt, sont les premiers califes ou les compagnons du Pro-
phète, et ce toujours de façon exceptionnelle, au moment de la conquête de
certaines villes emblématiques, et avec l’autorisation des autorités ecclésias-

67
Manzano, 2006, pp. 267-268 et 292.
68
Bango Torviso, 1979.

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tiques locales. En tout cas, l’utilisation des églises pour la prière musulmane,
qu’il ait été ou pas un phénomène généralisé lors de la conquête, a été
condamné par les juristes et théologiens musulmans postérieurs, comme l’a
indiqué Suliman Bashear. Tout un corpus légal et religieux a été constitué
pour prévenir cette pratique en se fondant, entre autres, sur les arguments
suivants : d’abord, la présence d’idoles ; ensuite, l’orientation vers l’est ;
enin, l’impureté (« naÑÄsa ») du lieu, due au fait que les chrétiens mangent
du porc et boivent du vin69. C’est seulement en cas de besoin, après une
puriication systématique et une réorientation de l’édiice, que les temples
chrétiens pouvaient servir de cadre à la prière des musulmans70.
Les cas de conversion signalés par les auteurs arabes se produisaient d’ha-
bitude dans des endroits symboliques. Al-WÄqidà (ixe siècle) par exemple,
indique dans son récit de la conquête de l’Égypte que le général ‘Amr trans-
forma en mosquée une église de BÄbalyën (Babylonie ou Qaãr al-Šam‘), là où
les troupes byzantines avaient fait face aux attaques de l’armée musulmane,
installée à al-FuséÄé71. On parlera plus bas des cas de Damas et de Cordoue, 151
où les musulmans, selon les auteurs arabes, se sont emparés d’une partie des
églises-cathédrales, lors de la conquête, pour en faire des lieux de prière. Kep-
pel Archibald Cameron Creswell a repéré dans les sources orientales plusieurs
cas de conversion et de partage au Proche Orient, à öÄma, à l’église Saint-
Jean de öoms (en Syrie tous deux) et à DiyÄrbakir (Turquie)72.

Fig. 3. — Las Vegas de Pueblanueva, Tolède. Plan du mausolée avec les éléments ajoutés à
l’époque médiévale pour la transformation de ce bâtiment en lieu de prière, d’abord chré-
tien et puis musulman. À droite, la niche considérée comme mihrab. (T. Hauschild, 1978)

69
Bashear, 1991. Prier vers l’est était considéré dans certains milieux religieux comme un signe
de culte rendu au diable, malgré le fait que MuÜammad avait dirigé les prières vers Jérusalem jusqu’à
la révélation des versets II, 142-145.
70
De manière signiicative, la racine du terme employé dans les textes arabes d’al-Andalus pour
évoquer la puriication d’un édiice religieux, « éahhara », est la même que celle du vocable qui désigne
la pureté rituelle des personnes, « éahÄra ». Ibn ‘IÇÄrà, Al-BayÄn al-MuÉrib, IV, p. 42 (cas de Valence).
71
Fu‘ad Sayyid, 1998, p. 17.
72
Creswell, 1989, pp. 6, 60-65 et 84-100.

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Parmi les cas possibles de conversion de lieux de culte en al-Andalus, on


peut citer seulement le mausolée romain tardif de Las Vegas de Pueblanueva
(Tolède) qui présente des indices solides73. Ce mausolée, construit à la in
du ive siècle, fut transformé en église et plus tard en mosquée. Toutefois, les
archéologues n’ont pas réussi à dater les transformations et l’abandon du
bâtiment. La forme assez développée de la niche, si c’est vraiment un miÜrÄb,
indique selon nous que la conversion en mosquée a dû se produire à une date
assez postérieure à la conquête islamique74 (ig. 3, p. 151).
Cordoue et Valence : l‘islamisation des enceintes épiscopales
L’absence d’informations sur les premières fondations religieuses concerne
aussi la capitale d’al-Andalus, Cordoue. Les sources concernant les origines
de son masÑid al-ÑÄmi‘ sont succinctes et ambiguës, ce qui a donné lieu à
différentes interprétations, comme l’indique Manuel Ocaña dans son étude
de 194275. Grâce aux travaux de Félix Hernández au début du xxe siècle, l’ar-
152 chéologie a dissipé une partie de ces doutes, sans pour autant parvenir à des
certitudes.
Deux œuvres anonymes tardives, les AábÄr MaÑmë‘a (xe siècle) et le FatÜ al-
Andalus (xiie siècle), nous offrent des informations indirectes sur l’existence
d’un premier oratoire cordouan76. Ces deux sources suggèrent la coexistence
d’une kanàsa kabàra et d’un masÑid al-ÑÄmi‘, vraisemblablement en usage à
la même époque et situés très près du qaãr, à l’endroit même où ‘Abd al-
RaÜmÄn I construisit la grande-mosquée. Cependant, on ne sait presque rien
de l’aspect de ce premier oratoire, qui a dû subsister jusqu’en 168/785 : s’agis-
sait-il d’un édiice ex novo ou bien cet oratoire avait-il été installé dans une
structure préexistante comme à Damas et Jérusalem ?
L’historien ‘úsÄ b. AÜmad al-RÄzà apporte un renseignement intéressant sur
la fondation de l’oratoire cordouan, recueilli par Ibn öayyÄn dans le Muq-
tabis. Selon lui, la « mosquée bénie » avait été érigée par ‘Abd al-RaÜmÄn
ibn Mu’Äwiya, l’Immigré, « sur les fondations des conquérants arabes (al-
fÄtiÜàn) de la Péninsule»77. Al-RÄzà ne parle pas ici de partage et attribue la
trace des fondations de la première mosquée de Cordoue aux conquérants,

73
Calvo Capilla, 2007, p. 165-166.
74
Hauschild, 1978. La découverte au xixe siècle dans la crypte du mausolée, d’un sarcophage du
ive siècle orné des igures, mutilées, du Christ et des Apôtres appuierait l’hypothèse d’une date tar-
dive de la conversion, probablement postérieure au xe siècle. Des niches similaires se trouvent dans
les petites mosquées rurales de Sa Nitja (Menorca) ou Vascos (Tolède), d’une époque plus tardive
(Calvo Capilla, 2007, pp. 174-177).
75
Nous avons déjà traité ce sujet dans Calvo Capilla, 2010, pp. 283-292 ; Ocaña Jiménez, 1942,
pp. 347-366 et 1979, pp. 275-282.
76
AábÄr MaÑmë‘a, trad. p. 65/ 88-89, et éd. p. 61/93 ; FatÜ al-Andalus, trad. p. 57/78 et éd.
nº 59/22 ; Torres Balbás, 1957, pp. 340-341.
77
Ibn öayyÄn, Muqtabis II- 1, fº. 141vº. et Muqtabis II- 1, Crónica de los emires Alhakam I y
‘Abdarrahman II entre los años 796 y 847, p. 173. Ce texte n’a pas été pris en compte par M. Ocaña.

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probablement en référence aux Arabo-musulmans arrivés dans la péninsule


Ibérique avec MësÄ b. Nuãayr en 92/711. Dans son NafÜ al-éàb, al-Maqqarà
(xviie siècle) transmet une anecdote racontée par Ibn BaškuwÄl (xiie siècle)
et qui rappelle également le lien des conquérants avec les premières qibla-s
d’al-Andalus (aussi celle de Cordoue), attribuées aux tÄbi‘ën MësÄ b. Nusayr
(sic) et öanaš al-üan‘Änà 78.
La plupart des chroniques de la conquête conservées ne font aucune allu-
sion, directe ou indirecte, à la question du partage de l’église de Saint-Vincent
de Cordoue entre les chrétiens et les musulmans. Dans le BayÄn al-MuÉrib
d’Ibn ‘IÇÄrà, historien maghrébin du xive siècle, nous trouvons l’allusion la
plus ancienne et la plus connue à cet événement. Le récit d’Ibn ‘IÇÄrà com-
mence par établir une comparaison explicite entre Cordoue et Damas en
ce qui semble une addition de sa propre main, au xive siècle79: « Quand les
musulmans conquirent al-Andalus, ils suivirent ce qu’avaient fait Abë ‘Ubayda
et HÄlid [à Damas]…» 80, ce qui indique que l’auteur connaissait les récits
légendaires évoqués dans les sources orientales sur la conquête de Damas et 153
sur le partage de l’église de Saint-Jean Baptiste81. Il souligne de cette façon le
lien familial entre les Omeyyades d’al-Andalus et les Omeyyades d’Orient et,
dans le même temps, il parvient à expliquer un chapitre de l’histoire que les
sources anciennes laissent dans le vague : la fondation du premier oratoire
musulman de Cordoue.
Cependant, les fouilles archéologiques faites dans le sous-sol de la mos-
quée de ‘Abd al-RaÜmÄn I, dirigées par Félix Hernández entre 1932 et 1936,
n’ont pas conirmé le partage ni la réutilisation des bâtiments anciens retrou-
vés82 (pl. 7 et 8, p. 154).
Une découverte assez récente fournit de nouvelles données pour l’inter-
prétation du cas cordouan. Le « quartier épiscopal » wisigothique de Valence,
mis au jour sous la place de l’Almoina, à côté de la cathédrale, s’était installé
sur les vestiges des édiices du forum romain. À l’époque wisigothique le siège
épiscopal atteignit toute sa splendeur grâce à la présence de la tombe du mar-
tyr saint Vincent, très visitée, et au développement de la nécropole ad sanctos.
Enin, à l’époque islamique, sur une partie de l’enceinte a été construit le

78
Al-Maqqarà, Nafh al-éib, dans Analectes sur l’histoire, p. 369 et The History of the Mohammé-
dan Dynasties, pp. 225-26.
79
Le mythe damascène du partage entre musulmans et chrétiens, élaboré entre les ixe et xiie siè-
cles, connut un très grand succès et fut largement transmis tout au long des siècles suivants. Ce
mythe est probablement arrivé en al-Andalus assez tôt, si l’on en croit ce que dit Ibn ‘IÇÄrà, qui
attribue l’information à al-RÄzà (xe siècle). Cependant, il est fort possible que ce soit une addition de
sa plume, comme l’indique la méthode de travail des compilateurs : Molina, 2006 ; Ibn ‘AsÄkir, La
description de Damas, pp. 27-38 ; Bahnassi, 1990; Burns, 2005 ; Flood, 2001.
80
Ibn ‘IÇÄrà, BayÄn II, éd. fol. 244-45 et trad. p. 378 ; Rubiera, 1981, p. 111.
81
Calvo Capilla, 2010, pp. 283-292.
82
Seul un pavement d’opus signinum retrouvé sous le portique occidental de la cour peut être
daté entre l’année 711 et la construction de la grande-mosquée par ‘Abd al-RaÜmÄn I (Marfil,
2000, pp. 127-130, note 42 ; Fernández-Puertas, 2009, pp. 9-132).

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Pl. 7. — Cordoue, Grande Mosquée. Mosaïques paléochrétienes


154

Pl. 8. — Cordoue, Grande Mosquée. Éléments décoratifs des édiices


religieux wisigothiques trouvés dans le sou-sol de la mosquée

palais musulman, dont on a retrouvé les jardins avec leurs bassins, et le cime-
tière. La basilique fut dépouillée de ses matériaux nobles et, après sa ruine,
son terrain fut probablement occupé par la grande mosquée, qui se trouvait
peut-être sous l’actuelle cathédrale83. Comme à Cordoue, le centre politique,
militaire et religieux de la ville musulmane fut donc progressivement établi à
l’emplacement de l’ancien complexe épiscopal (ig. 4).

83
Ribera i Lacomba, 2005; Ribera i Lacomba, Rosselló Mesquida, 2000.

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155

Fig. 4. — Valence, place de l’Almoina. Plan des structures du VIIe siècle appartenant au
quartier épiscopal érigé sur les ruines du forum romain. (A. V. Ribera i Lacomba, 2005)

Conclusion
La question du processus d’islamisation de la péninsule Ibérique s’enrichit
continuellement des nouvelles découvertes archéologiques et du réexamen
des sources textuelles. Il n’est donc pas question pour nous de prétendre
avoir épuisé le sujet. Nous avons essayé de souligner ici la variété des modèles
d’islamisation à l’œuvre dans la péninsule Ibérique — tout particulièrement
à propos des lieux de culte (construction de mosquées et transformation
d’églises) — et l’originalité ou la dépendance de ces modèles par rapport au
reste du monde islamique.
C’est la nature même de la conquête de ces territoires (par les armes ou
par la négociation, aboutissant à la signature de pactes) qui semble avoir
dicté les modèles locaux d’islamisation. Les auteurs arabes expliquent que
la conquête d’une ville par les armes aboutissait à la désacralisation de ses
églises, cependant que la conquête obtenue par la négociation réservait une

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partie des sanctuaires locaux au culte chrétien. L’importance des villes a


joué elle aussi, semble-t-il, un rôle important : en milieu rural, de nombreux
endroits (villages, monastères ou palais) furent occupés de façon temporaire
— l’archéologie datant les transformations des deux premiers siècles de pré-
sence islamique (viii - ixe siècle) —, mais ils furent ensuite abandonnés au
proit des villes de fondation nouvelle (ce qui a facilité l’étude des vestiges).
Le processus d’islamisation fut long et progressif, de sorte que les archéolo-
gues rencontrent de sérieuses dificultés pour identiier le changement des
formes de vie et déterminer le passage d’une société chrétienne à une société
musulmane.
Dans les grandes villes, le processus d’islamisation religieuse, sociale
et urbaine fut également lent. Plusieurs exemples montrent que le centre
urbain, parfois occupé par les ruines du forum romain, converti habituel-
lement en siège épiscopal, connut une évolution graduelle qui se init par la
construction de la mosquée al-ÑÄmi‘. On trouve également des cas de « par-
156 tage » temporaire de l’espace épiscopal entre les communautés musulmane et
chrétienne, comme les fouilles de l’Almoina, à Valence, semblent le suggérer,
et comme les textes l’indiquent aussi — en dépit de leur dimension légen-
daire, semble-t-il — à propos de l’église Saint-Vincent de Cordoue. Beaucoup
d’églises et de sanctuaires chrétiens, la plupart situés à l’extérieur de la ville,
restèrent en usage au moins jusqu’au xe siècle, de la même façon que dans les
villes anciennes la transformation urbaine semble ne s’être achevée qu’à la in
de l’époque omeyyade.
Quant aux lieux de culte, il est curieux de constater que nous connaissons
mieux aujourd’hui le sort qui fut réservé aux sanctuaires wisigothiques que les
caractéristiques matérielles des premières mosquées construites, qui semblent
n’avoir laissé presque aucune trace ou, au moins, une trace identiiable. Les
premiers, comme en témoignent plusieurs cas, ne furent désaffectés qu’après
une période au cours de laquelle ils étaient restés accessibles aux chrétiens.
Puis, à la suite des conversions massives à l’islam, ils furent sécularisés ou
simplement abandonnés et tombèrent en ruine. Les oratoires islamiques, par
contre, sont assez mal connus du point de vue matériel. Seules les sources
écrites nous informent sur les fondations des musulmans dans les premiers
temps de leur installation dans la péninsule Ibérique : mosquées d’Algési-
ras, de Rubàna à Séville, de Saragosse ou de Cordoue. Mais les informations
données par les auteurs arabes sont tardives et peu précises du point de vue
descriptif, ce qui complique le travail des historiens de l’art. L’absence de fon-
dations religieuses semble plutôt témoigner d’un degré d’islamisation assez
faible parmi les conquérants au viiie siècle.
Malgré ces inconvénients, les lieux communs et les légendes que les auteurs
arabes ont incorporés à leurs récits de la conquête contiennent une infor-
mation indirecte précieuse sur les liens d’al-Andalus avec l’Islam oriental
et nord-africain. D’abord sur le terrain de l’historiographie, parce que les

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auteurs d’al-Andalus semblent avoir été inluencés par l’école des historiens
égyptiens, entre autres, tout en connaissant très bien par ailleurs les sources
littéraires et rhétoriques employés dans les récits des FutëÜÄt. On retrouve en
effet dans leurs textes les mêmes topoi sur la conquête, le recours aux conqué-
rants et aux « tÄbi‘ën » pour justiier toute une série d’actions qui ponctuent
la conquête, des versions contradictoires expliquant un même toponyme
(comme dans le cas de la mosquée des étendards d’Algésiras), et une même
tendance à insister, pour des raisons symboliques, sur la destruction des
temples des « polythéistes » dans les nouveaux territoires.
Ensuite, ces récits indiquent que les modèles d’islamisation et d’occupation
à l’œuvre dans la Péninsule étaient très semblables aux modèles dévelop-
pés dans d’autres régions, spécialement en Afrique du Nord. On peut donc
aussi supposer l’existence de liens artistiques entre ces régions à l’époque de
la conquête et de l’émirat indépendant d’al-Andalus, comme ce fut le cas
plus tard. Certaines questions demeurent sans réponse : quel fut le proto-
type architectonique adopté pour l’érection des premières mosquées et quelle 157
fut son inluence dans les constructions postérieures comme la mosquée de
Cordoue, la plus ancienne qui soit conservée ? Quel était le bagage cultu-
rel et artistique des conquérants ? Ou encore, quel rôle a joué la tradition
architecturale antérieure de la péninsule Ibérique dans la construction de ces
premières mosquées ?

Bibliographie
Acién Almansa, Manuel (1999), « Poblamiento indígena en al-Andalus e
indicios del primer poblamiento andalusí », Al-Qantara, 20-1, pp. 47-64.
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