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SUJET N° 4 : Qu'apporte de douter ?

INTRODUCTION

Le doute est l’état naturel de l’esprit qui s’interroge soit par l’incertitude concernant l’existence ou la
réalisation d’un fait, soit par l’hésitation sur la conduite à tenir, soit par la suspension du jugement
entre deux propositions contradictoires. Il devient une attitude du sujet pensant qui considère tout
jugement sur tout objet de connaissance comme douteux afin de tendre vers la plus grande certitude
possible, la certitude première étant celle du sujet pensant lui-même. C’est dans cette perspective
que notre sujet nous invite à analyser la conception selon laquelle « Qu'apporte de douter?
».Autrement le doute a-t-il une utilité dans l’esprit de découverte ? Dès lors, on peut se demander ce
qu’apporte vraiment le doute ? Peut-on penser que le doute n’apporte que paralysie de la pensée et
de l’action ?

DEVELOPPEMENT

Le doute est cette attitude critique vis-à-vis de tout ce qui passe pour certain, ou de ce qui se donne
comme un savoir. Ne pas se remettre en question est l'attitude dogmatique que combat la
philosophie. Il conduit à remettre en cause les préjugés, c’est-à-dire les jugements que nous
acceptons sans y avoir réfléchi. En effet, comme le remarque Descartes dans les Principes de la
philosophie (Première partie, article 1), nous avons été enfants avant que d’être hommes. Aussi
n’avons-nous pas disposé d’emblée de notre raison de sorte que nous sommes plein de préjugés
avant même de commencer à en faire usage. Or, le doute peut se comprendre cet état de l’esprit
dans lequel il est lorsqu’il ne donne ni ne refuse son assentiment à une proposition. Douter, c’est
donc remettre en cause ce que nous tenions pour vrai ou pour faux. C’est donc remettre en cause ses
idées ou plutôt les idées que nous croyons nôtres alors qu’elles nous ont été inculquées par notre
éducation. Mais ne conduit-il pas à paralyser l’action ? Le doute, comme doute méthodique au sens
de Descartes, est un instrument de découverte. Il consiste à tenir pour faux tout ce qui est
simplement douteux afin de découvrir s’il n’y a pas de vérité. Il ne peut pas ne pas déboucher sur la
certitude soit d’une vérité, soit sur la certitude de l’impossibilité d’accéder à toute certitude. En
conséquence, il apporte à qui s’y engage l’assurance d’arriver à la connaissance. Mais il reste limiter
et cantonner à la pensée. Dans le domaine de l’action, il s’agit tout au contraire de tenir pour vrai ce
qui paraît simplement douteux. Aussi le doute méthodique permet-il d’agir en connaissance de
cause. En effet, qui use du doute méthodique, agira comme si ses opinions sont vraies, tout en
sachant qu’elles ne le sont pas. Il ne prendra pas de simples coutumes pour des vérités absolues et
sera bien disposé pour les façons d’agir des autres. C’est en ce sens qu’il affirme : « Il fallait que je
rejetasse comme absolument faux tout ce dont je pouvais imaginer, le moindre doute, afin de voir s’il
ne restait point après cela quelque chose à ma croyance qui fut entièrement indubitable ».
Néanmoins, force est de préciser que le doute Cartésien se différencie fondamentalement du doute
sceptique. Il s’agit plutôt d’un doute méthodique, rationnel, provisoire. C’est une inspection de
l’esprit permettant au philosophe de suspendre son jugement jusqu’à l’acquisition d’idées claires et
distinctes. Philosopher aux yeux de DESCARTES, c’est soumettre la pensée à un examen critique, afin
de parvenir à l’élaboration d’un savoir exclusivement dicté par la raison. La méthode cartésienne, se
résume par certains principes, certaines règles parmi lesquelles on peut citer d’abord la règle de
l’évidence : « Il ne faut admettre aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être
telle ». Il s’agit ici d’une mise en garde contre la précipitation et les préjugés. Il ne faut donc tenir
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pour vrai ce qui est « clair et distinct » c’est à dire ce que je n’ai aucune possibilité de mettre en
doute. Il faut préciser que chez DESCARTES, l’évidence n’est pas ce qui saute aux yeux mais ce dont je
ne peux pas douter malgré tous mes efforts. Il y a enfin la règle de la synthèse : « Il faut conclure par
ordre mes pensées en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître pour
monter peu à peu comme par degré à la connaissance des plus composés ». La méthode de
DESCARTES sera perçue comme le triomphe du rationalisme. En effet, elle affirme l’indépendance de
la raison qui est la seule structure à nous fournir des idées claires et distinctes. Pour DESCARTES
l’activité intellectuelle doit commencer par la contestation méthodique des opinions reçues. Il va
donc remettre en question toutes ses connaissances et croyances. Il s’agit de douter de tout et
même de l’existence du monde extérieur parce que nos organes de sens nous ont déjà trompés.
C’est donc un doute systématique, provisoire et volontaire mais qui cherche à aboutir à la vérité
contrairement par exemple au doute sceptique. Cependant, il y a une chose dont je ne peux pas
douter c’est que je suis entrain de douter c’est à dire de penser. Le fait de penser est donc
indubitable et pour penser il faut que j’existe. C’est ainsi que DESCARTES peut tirer du Discours de la
méthode « je pense donc je suis ». La preuve de notre existence est donc faite à partir de notre
pensée. Toutefois, un tel doute est limité. Il repose subrepticement sur des affirmations, notamment
sur celle selon laquelle on peut arriver quelque part. Ne faut-il pas le radicaliser ? Dès lors, le doute
apporte-t-il quelque chose ou bien ne conduit-il pas à une paralysie générale de la pensée et de
l’action ?

Après avoir développé les arguments qui confirment l’importance du doute dans la démarche
philosophique, nous avons pu constater les limites et les insuffisances de notre sujet, que nous
sommes tenus de compléter et d’éclairer à travers d’autres considérations philosophiques. Le doute
sceptique conduit à remettre en cause toutes les connaissances. En effet, si l’on cherche des preuves
de tout ce qu’on avance, des démonstrations de tout ce qu’on pense, on ne peut pas ne pas en
trouver. Toute démonstration repose sur des principes. Si donc on veut démontrer les principes, il
faut d’autres principes et ainsi de suite à l’infini. Aussi le doute sceptique consiste à refuser
d’admettre quoi que ce soit hors de toute démonstration. Combattre les certitudes du cœur comme
le dit Pascal dans les Pensées , est le seul objet des pyrrhoniens. Mais ainsi, le doute sceptique
paralyse toute pensée. Car, si je n’admets rien, si je remets toujours en cause tout ce qui peut
s’affirmer, je ne peux même pas soutenir que je doute et ma pensée est comme paralysée. N’est-il
pas au moins compatible avec l’action ? Le doute sceptique paralyse nécessairement l’action. En
effet, pour agir, il faut se décider. Et pour se décider, il faut tenir pour vrai ce qu’on perçoit de la
situation, au moins en partie. Or, le doute sceptique élimine toute vérité, voire toute réalité. Il
conduit à se demander si on rêve ou si on est dans la réalité. À ce compte-là, il implique d’hésiter non
seulement quant aux moyens à mettre en œuvre mais également quant aux fins. Et s’il en propose
une, c’est finalement par inconséquence. Il implique donc s’il est poussé jusqu’au bout l’impossibilité
d’agir. Il conduit à une indifférence radicale puisque rien n’a alors d’importance. Par conséquent, le
doute sceptique n’apporte rien de bon. Néanmoins, sans le doute, il ne reste plus qu’à croire, c’est-à-
dire à adhérer à des idées qui sont peut-être fausses. Et même si la croyance se situe au terme d’une
longue réflexion, elle témoigne d’un abandon de la réflexion plutôt d’une véritable acceptation de la
vérité. Mais comment le doute pourrait-il apporter la condition de l’exercice de la pensée, voire de
l’action libre, sans paralysie ? S’il est vrai que le doute sceptique paralyse, c’est parce que c’est un
doute global qui porte sur la totalité. Par contre, dans la démarche de la pensée, dans son détail, le
doute est bien la condition de l’exercice de la réflexion. Pour cela, il suffit de le comprendre comme
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le refus de croire. ALAIN dit a ce propos « Le doute est le sel de l’esprit. Douter quand on s’aperçoit
qu’on s’est trompé ou que l’on a été trompé, ce n’est pas difficile ; je voudrais même dire que cela
n’avance guère ; ce doute forcé est comme une violence qui nous est faite ; c’est un doute de
faiblesse ; c’est un regret d’avoir cru, et une confiance trompée. ». En effet, on peut avec Alain dans
ses Propos, distinguer penser de croire en ce sens que, qui pense, n’affirme jamais que
provisoirement ce qu’il avance. Le savant qui travaille sur les gaz et qui conçoit ce qu’est un gaz
parfait, ne soutiendra pas sa théorie comme si elle était la seule possible et comme si elle était
définitive. Aussi a-t-il vis-à-vis des objections à ce qu’il peut penser une attitude bien différente du
croyant, voire du fanatique pour qui ce n’est que l’expression du mal, voire du Malin. Or, un tel doute
ne paralyse-t-il pas l’action ? Nullement, car lorsqu’on agit, il n’est nullement obligatoire de croire en
la réalité absolue de tout ce qu’on fait. On peut essayer. Et tel est le doute pratique. Ce qu’il apporte,
c’est la disposition à voir ce qui va ou ne va pas. C’est qu’en effet, celui qui croit est aveugle aux
échecs qu’il rejettera plutôt sur quelque bouc-émissaire plutôt que sur ce qui n’allait pas dans son
action. On le voit dans le domaine politique où les “idéologues” ont toujours une explication toute
prête et définitive pour ne pas douter de leurs “idées”. Un ennemi explique tous les maux. À
l’inverse, qui doute, sera capable de se remettre en cause, y compris pendant l’action. Le grand
homme d’État, c’est celui qui est capable de changer, parce qu’il a compris qu’il s’était trompé.
Mais le doute dans l’action concerne non pas les fins, mais les moyens. Le doute relatif aux fins
appartient à la pensée. Qui ne doute jamais des fins ne pense pas, il croit. Et par là même, il tombe
dans le dogmatisme, voire le fanatisme qui, toujours, sous prétexte de faire le Bien, est un
instrument de désolation. À l’inverse, le doute en ce qui concerne les fins a le mérite de ne pas les
tenir pour un absolu à réaliser coûte que coûte. Par là même qui en doute ne sera jamais conduit à
imposer tyranniquement ses idées.

CONCLUSION

Au terme de notre réflexion, le problème était de savoir ce qu’apporte vraiment le doute, autrement
dit s’il est bénéfique pour la pensée ou l’action ou bien s’il faut l’éviter. Si le doute méthodique
demeure dogmatique malgré l’apparence, le doute sceptique quant à lui est trop général. C’est pour
cela que le doute apporte la condition d’une pensée libérée et d’une libre action à la condition qu’il
s’exerce dans le détail de la pensée et de l’action, c’est-à-dire qu’il ne s’absolutise pas lui-même.
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SUJET N° 5 : La réflexion philosophique nous détache-t-elle du monde ?

INTRODUCTION

« La philosophie est dangereuse parce qu’elle détourne des tâches mondaines » disait Calliclès à
Socrate. Cet avis vis-à-vis de la philosophie est une stigmatisation de la philosophie tendant à la
confondre à une simple spéculation alors que les problèmes de la vie exigent des solutions pratiques
et ponctuelles. D’où la légitimité et la pertinence de la question « La philosophie nous détache-t-elle
du réel ? ». Une telle interrogation peut s’entendre ainsi : la philosophie est-elle une évasion, une
fuite de la réalité ? On pourrait tenter de répondre à cette question en se demandant quelle est la
nature du réel dont le philosophe tente de s’évader ? Le détachement qu’implique la philosophie
signifie-t-il toujours un abandon total des tâches mondaines ? Qu’est-ce qui justifie alors ce
détachement philosophique ?

LE DEVELOPPEMENT

La philosophie est traditionnellement perçue comme une remise en cause de nos manières
habituelles de penser et de vivre. Notre manière habituelle de penser est caractérisée par la
référence au sensible, c’est-à-dire au concret. C’est ce qu’on appelle le sens commun dont l’esprit est
piégé par les apparences et par le sensible. La philosophie par contre, parce qu’elle se veut une
connaissance fondée sur la raison, s’efforce de s’élever de ces apparences comme pour libérer
l’esprit des entraves que constituent les éléments de l’expérience. En tant que pensée pure
soustraite à la multiplicité et au devenir des choses sensibles, la philosophie est donc un divorce avec
le monde sensible. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’élan métaphysique qui, chez Kant
exprime un désir de connaître au-delà des limites de l’expérience. Dès lors, la philosophie apparaît
aux yeux du sens commun comme un discours aérien, une rêverie sans rapport avec le vécu de
l’homme et sans efficacité dans l’existence immédiate (cf. l’histoire de Thalès et de la servante de
Thrace). C’est pour cette raison que la philosophie est une subversion de nos manières habituelles de
vivre et de penser. Le philosophe est précisément ce sage dont la quête de la sérénité et de la
lucidité condamne à un mode de vie tout à fait particulier. La tranquillité de l’âme à laquelle aspire le
philosophe en fait un homme presque indifférent, détaché de toutes les préoccupations mondaines
non nécessaires. A cela s’ajoute la particularité d’un discours austère et complètement étranger au
vocabulaire du sens commun qui, pour cette raison, voit dans la philosophie un loisir ou une
distraction sans sérieux. Et pour certains grands penseurs comme Karl Marx et Nietzsche, la
philosophie n’est rien d’autre qu’une idéologie et un mensonge qui voilent la laideur et l’injustice
dans le monde. Marx, par exemple, considère la philosophie comme une entreprise intellectuelle
tendant à mystifier une domination qu’une classe exerce sur une autre, c’est-à-dire ne sorte
d’illusion destinée à légitimer une position sociale. C’est dans ce sillage qu’il affirmait : « les
philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, ce qui importe c’est de le transformer. » En d’autres
termes, le philosophe serait une solution illusoire des problèmes apparemment insolubles dans la
pratique humaine. Le discours philosophique doit donc s’enraciner dans la vie concrète de l’homme.
Elle ne se détache jamais totalement du monde. Karl MARX retient à ce propos que : « Les
philosophes ne sortent pas de terre comme des champignons. Ils sont les fruits de leur époque, de
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leur peuple dont les énergies les plus subtiles s’expriment dans des idées philosophiques ». C’est
dans une perspective voisine que Nietzsche traite Socrate d’un théorétique, c’est-à-dire quelqu’un
qui est fasciné par une vérité désintéressée alors que l’essence de l’homme est justement de
s’intéresser. Nietzsche voit à travers Socrate la figure du philosophe dont l’impuissance réelle
condamne à s’évader du monde réel des hommes pour un monde imaginaire. Dans la philosophie,
cette impuissance se mue en empire d’idées abstraites au sommet duquel trône le philosophe
comme un roi sur un royaume.

Après avoir développé les arguments qui confirment la thèse selon laquelle la réflexion
philosophique peut nous détacher du monde, nous avons pu constater les limites et les insuffisances
de notre sujet, que nous sommes tenus de compléter et d’éclairer à travers d’autres considérations
philosophiques. On voit par là que pour le sens commun ou pour certains philosophes, la philosophie
exprime toujours une sorte d’évasion de la vie réelle et ce, aussi bien dans le domaine de la pensée
que dans la conduite de la vie. Mais la question est de savoir si le sens de l’existence humaine est
accessible si on se réfère exclusivement au monde tel qu’il se donne aux sens. Le détachement du
philosophe ne se justifie-t-il pas par le caractère illusoire de l’existence du monde et par la volonté du
philosophe d’éclairer qui n’est pas directement transparent ? La philosophie, on le sait, est une
conquête ininterrompue de a vérité. Or, à cause de l’illusion et des apparences, cette dernière n’est
jamais donnée de manière directe, immédiate. Elle est pour cette raison un effort permanent
d’échapper aux pièges du monde sensible et aux plaisirs mondains qui offusquent la pensée et
détournent l’âme de ses préoccupations intellectuelles. On comprend dès lors pourquoi Platon
considère l’acte de philosopher comme un apprentissage à la mort. Il l’est parce que le corps, sujet
aux délices de la vie est le « tombeau de l’âme ». Autrement dit, nos sens nous trompent en nous
livrant une perception erronée du monde ; et les désirs et autres passions nous distraient en nous
ôtant toute possibilité d’être sereins. Dans ce sens philosopher c’est mourir du corps c’est-à-dire
s’affranchir du poids des contraintes liées aux exigences du corps. C’est d’ailleurs cette tâche de la
philosophie de nous affranchir des frivolités mondaines que Platon a voulu illustrer à travers
l’allégorie de la caverne. Le philosophe représente précisément le prisonnier libéré de l’obscurité et
de l’illusion pour contempler la vraie lumière. La caverne symbolise, en effet, le monde sensible et les
autres prisonniers, le sens commun. Aussi, l’évasion du philosophe, dans ce sens précis doit être
considérée comme une chose positive car elle aspire à un retour dans la caverne pour éclairer les
autres prisonniers qui représentent le sens commun. A travers cette allégorie, Platon nous livre une
conception dualiste du monde et la justification de la recherche philosophique. C’est ce qui pousse
DESCARTES à dire que « C'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher de les ouvrir, que de
vivre sans philosopher ; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue découvre n'est point
comparable à la satisfaction que donne la connaissance de celles qu'on trouve par la philosophie ; et,
enfin, cette étude est plus nécessaire pour régler nos mœurs et nous conduire en cette vie, que n'est
l'usage de nos yeux pour guider nos pas». La philosophie consiste donc à élaguer progressivement
toutes les entraves à la conquête de la vérité et toutes les pesanteurs qui empêchent de mener une
vie équilibrée. C’est cela même la double signification de la notion de sagesse dont le philosophe est
amoureux : une conception d’ensemble de l’univers et une prudence dans les affaires moyennant un
certain sens de l’éthique.

La sagesse philosophique n’est donc pas un abandon total et définitif du réel. La philosophie est au
contraire un attachement à la vraie vie ; celle qui échappe aux troubles issus de l’aveuglement de la
raison. La philosophie n’est-elle pas dès lors l’expression la plus authentique de la liberté ?
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CONCLUSION

Au terme de notre analyse, il convient de noter que cette réflexion autour de la problématique
de la position de la philosophie par rapport à la réalité du monde nous a amené à un résultat mitigé.
On a vu qu’à cause e sa nature spéculative, la philosophie donne souvent l’allure d’une fuite de la
réalité se traduisant par des méditations distantes du vécu des hommes. Seulement. La philosophie
nous détache du monde, certes, mais cela ne signifie nullement un désintérêt du monde. Ce
détachement consiste en un recul, une distance délibérément prise avec le monde des préjugés et
des fausses évidences. En ce sens, ce détachement est un examen critique, et la seule façon de
renouer solidement avec la réalité, car par rapport aux exigences de la connaissance de la vérité, il
est requis de libérer du monde des apparences et des illusions. Aussi on ne devrait pas dire que la
philosophie nous détache du réel mais plutôt des fausses réalités.
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SUJET N° 6 : La religion est-elle nécessairement en conflit avec la raison ?

INTRODUCTION

La religion un ensemble de pratiques ou d’actes extérieurs à travers lesquels l’homme manifeste


la relation qu’il entretient avec Dieu. Elle est constituée d’un ensemble de dogmes immuables qui
sont censée dire une vérité absolue, incontestable, indiscutable pour le croyant. Tandis que la raison
qui est le fondement de la réflexion philosophique est une faculté qui permet à l’être humain de
connaitre, juger et agir conformément à des principes. C’est cette distinction qui semble être établie
ici quand certaines considérations nous invitent à analyser la question selon laquelle « La religion est-
elle nécessairement en conflit avec la raison ? ». Autrement ces deux notions, de philosophie et
religion sont elles compatibles ? Pour mieux élucider cette problématique voici les questions
auxquelles nous allons tenter d’apporter des réponses. Dans quel sens la religion entre elle en conflit
avec la philosophie ? En réalité n’ya t il pas convergence entre ces deux modes de la pensée ?

DEVELOPPEMENT

Les rapports entre la philosophie et la religion ont été des rapports difficiles. Un conflit existe entre
elles et le philosophe est souvent perçu comme un athée tandis que le religieux est perçu comme un
borné. La religion admet un certain nombre de vérités dont l’ensemble constitue un dogme. Le
dogme c’est l’ensemble des vérités des croyances que constitue la substance des enseignements
religieux. Ces croyances et vérité sont consignés par le coran (Islam), la bible (Christianisme), la
Thora (Judaïsme). Comme le mythe, le discours religieux fait recours au surnaturel pour satisfaire les
besoins naturels. C’est une forme de pensée foncièrement distincte de la philosophie et de la
science. Par le mot religion on entend un ensemble de croyances de dogme et de pratiques
culturelles un rapport à la conscience divine de l’homme. Cela veut dire que le croyant participe à la
transcendance et à l’immanence. Il attribut à cet être des caractères essentiels. Le croyant à un
ensemble de prescription et de proscription imposé par Dieu qui est le garant de la vérité absolue.
L’exemple de Socrate revient, car il a été condamné parce que accusé de nier l’existence des dieux.
La religion unit l’homme à Dieu. Elle est censée dire une vérité absolue, incontestable, indiscutable
pour le croyant. Ce dernier considère comme vrai tout ce que dit la religion ou les textes sacrés et il
interprète toutes choses en fonction de la religion. Par exemple, pour expliquer la conception de
l’homme, le religieux parlera de créationnisme là où le scientifique parlera d’évolutionnisme. La
religion est donc fondée sur la foi. Croire, c’est donc adhérer, accepter sans exiger des preuves. La
croyance est une forme d’assentiment fondée sur la confiance. La religion repose également sur des
dogmes, c’est à dire des enseignements, des vérités absolues, immuables. Pour toutes ces raisons, la
religion s’oppose à la philosophie. Car en philosophie, c’est l’esprit critique qui caractérise le
philosophe. Celui-ci doit avoir un esprit de doute et de remise en question. C’est dans cette
mouvance que Kant dira à propos de la philosophie que « Chaque penseur bâtit ainsi dire son œuvre
sur les ruines de ses prédécesseurs mais jamais aucune n’est parvenue à devenir inébranlable en
toutes ses parties » ; or pour le croyant le doute n’est pas autorisé. Dans le passé, surtout au moyen-
âge, la philosophie et la religion ont entretenu des rapports de subordination. La philosophie était au
service de la religion ou, plus précisément, de l’Eglise. D’ailleurs, on disait que la philosophie est la
servante de la théologie. Les hommes de l’Eglise utilisaient la philosophie, surtout les textes
d’Aristote, pour confirmer les écritures saintes. C’est avec le temps que la philosophie est sortie de la
tutelle de la religion, mais elle en a fait les frais, à l’exemple de Galilée. Selon Blaise Pascal, la religion
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et la philosophie sont deux genres distincts. Il dit que l’homme est raison et cœur, précisant que
l’homme peut atteindre la vérité soit par le cœur soit par la raison. Mais Pascal ajoute qu’il y a des
choses que la raison ne peut pas savoir à l’exemple de Dieu, et c’est au cœur de le sentir. Voilà
pourquoi il a dit : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ». Spinoza abondera dans le
même sens lorsqu’il dit qu’entre la philosophie et la religion, il n’y a pas de parenté. Il poursuit : « Ni
la théologie ne doit être servante de la raison, ni la raison celle de la théologie, mais l’une et l’autre
ont leur royaume propre ». Plus généralement, on pourrait dire que, si la religion est acceptée , elle
rend la philosophie inutile. En effet, certains dogmes religieux peuvent être considérés comme des
réponses non philosophiques à des questions que se posent aussi les philosophes. Aussi le
philosophe qui cherche à répondre, philosophiquement, à ces mêmes questions, entreprend une
tâche ridicule du point de vue de la religion. Il ne restera donc au philosophe qu’à s’occuper de
domaines que la religion a bien voulu négliger. Mais pour les questions de métaphysique, d’éthique,
d’anthropologie au sens large et parfois de politique, le débat doit être considéré, du point de vue
religieux, comme clos. A l’opposé, on peut considérer que, du point de vue du philosophe , les
questions philosophiques n’ont pour lui de raison d’être que s’il estime qu’elles n’ont pas encore
reçu de réponse complète et définitive, émanant d’une religion quelconque, d’un autre philosophe
ou de quelque autre source que ce soit. C’est seulement en acceptant cette “vacuité” que la
philosophie a un sens.

Après avoir développé les arguments qui confirment les relations conflictuelles entre la religion et la
raison, nous avons pu constater les limites et les insuffisances de notre sujet, que nous sommes
tenus de compléter et d’éclairer à travers d’autres considérations philosophiques. Au fond, pour les
philosophes religieux, la philosophie ne peut servir qu’à “redécouvrir” par la raison ce que la foi, par
le biais de la révélation, a déjà enseigné. Cette conception de la philosophie comme « servante de la
théologie », héritée du Moyen-âge, ne peut pas disparaître si l’on admet, avant de philosopher, la
vérité d’une religion. Et, même si l’on fait mine de se défendre d’adopter une telle conception, on
voit mal comment il en serait autrement : « la vérité ne peut contredire la vérité », et si une vérité est
admise au préalable, la vérité religieuse, on sait déjà, avant même de commencer à philosopher, que
la deuxième la vérité philosophique sera identique à la première ou au moins compatible avec elle ; il
reste seulement à trouver des arguments philosophiques pour appuyer cette vérité unique, mais à
deux visages. C’est par exemple la position de Jean-Paul II qui ouvre ainsi l’encyclique Fides et ratio :
« La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la
contemplation de la vérité ». Mais si la métaphore est juste, les deux ailes doivent nécessairement
voler de manière concordante. Le chemin et le but étant bien sûr déterminés, dès l’envol, par l’aile
de la foi, l’aile de la raison n’a plus qu’à s’y plier. On pourrait ici nous faire l’objection suivante :
certes, si la religion est admise avant que la réflexion philosophique soit engagée, les jeux sont faits,
et la philosophie n’en sera pas vraiment une, puisque sa fin, dans les deux sens du terme, est déjà
connue, et surtout a été déterminée de l’extérieur de la philosophie. Mais qu’est-ce qui empêche un
philosophe de découvrir au préalable, par la philosophie, des vérités dont il remarquera ensuite la
conformité avec une religion donnée, adoptant ainsi cette dernière après , et non avant, la naissance
de sa réflexion philosophique ? Nous ne pouvons ici qu’acquiescer sur le plan théorique. Si un tel
itinéraire de pensée existait, c’est sans hésitation que nous lui accorderions le statut de philosophie.
Deux remarques s’imposent toutefois : Premièrement, nous ne pouvons manquer de signaler
l’extrême difficulté théorique d’un tel cheminement, ainsi que l’impossibilité pratique de vérifier
l’ordre de ses étapes, telles qu’elles ont été décrites ci-dessus. Il est en effet indéniable que, dans la
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quasi- totalité des cas, la religion apparaît bien avant la philosophie dans l’existence d’un individu.
Lorsque l’esprit de l’adolescent est suffisamment mûr pour philosopher, la religion y est souvent déjà
présente depuis bien longtemps. Il est vrai que certains ont su se dégager de l’influence de
l’éducation religieuse qu’ils ont reçue. Mais on voit bien que, sauf exception rarissime, c’est toujours
la religion qui précède la philosophie dans l’histoire d’un homme. De qui peut-on donc affirmer qu’il
a “redécouvert” dans la religion ce qu’il avait découvert dans la philosophie ? Deuxièmement, même
si une philosophie parvenait à justifier philosophiquement tous les dogmes voire toutes les pratiques
d’une religion donnée, cette philosophie n’aurait qu’une conformité extérieure et même fortuite
avec cette religion, puisque la seule justification véritable d’une religion est la révélation et que celle-
ci est, par définition, hors de portée de toute justification philosophique. Autrement dit, une telle
philosophie ne serait pas vraiment religieuse.

Enfin, le rapprochement foi et raison a été déjà constaté durant l'Antiquité. Un regard sur le
rétroviseur de l’histoire de l’humanité nous montre que cette réconciliation a été entreprise à
plusieurs reprises et de différentes manières. On le voit donc foi et raison sont deux manières
différentes d’exprimer la même réalité et vouloir les séparer reviendrait à ce que Leibniz disait « se
creuser un œil en espérant mieux voir avec un seul œil ».

CONCLUSION

Au terme de notre analyse, cette réflexion autour de la problématique de la comparaison entre la


religion et la raison a amené à un résultat mitigé. On pourrait ici nous faire l’objection suivante :
certes, si la religion est admise avant que la réflexion philosophique soit engagée, les jeux sont faits,
et la philosophie n’en sera pas vraiment une, puisque sa fin, dans les deux sens du terme, est déjà
connue, et surtout a été déterminée de l’extérieur de la philosophie. Ces deux modes de pensée sont
complémentaires. Mais qu’est-ce qui empêche un philosophe de découvrir au préalable, par la
philosophie, des vérités dont il remarquera ensuite la conformité avec une religion donnée, adoptant
ainsi cette dernière après, et non avant, la naissance de sa réflexion philosophique ? Nous ne
pouvons ici qu’acquiescer sur le plan théorique. Si un tel itinéraire de pensée existait, c’est sans
hésitation que nous lui accorderions le statut de philosophie.
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SUJET N° 8 : Opposer science et philosophie, est-ce légitime ?

INTRODUCTION

De nos jours l’homme est entrain d’étudier un bon nombre de disciplines. Parmi celles-ci on a la
philosophie et la science. La philosophie possède de nombreux points communs avec d'autres
activités humaines qui proposent, comme elle, des réflexions ou des conceptions générales touchant
notre existence et nos actions. Elle a un certain rapport à la connaissance, et elle est même comprise
en premier lieu comme le savoir même. Mais c'est le cas également pour la science devenue
indépendante de la philosophie. Si la science jouit auprès du public d’une bonne réputation, il n’en va
pas de même pour la philosophie. Ainsi nous allons d’abord monter les points communs entre la
philosophie et la science, ensuite leurs divergences et enfin élaborer la complémentarité entre ces
deux disciplines. En ce sens est-il légitime d’opposer philosophie et science ? Comment pouvons-
nous juger la pertinence de la philosophie qui renouvelle sans cesse son objet ? Est-il possible de
parler de complémentarité entre philosophie et science ? DEVELOPPEMENT Philosophie et
science sont nées au 6 ème siècle avant Jésus Christ à partir d’une rupture avec les premières
approches du réel. Insatisfaits des explications données par le mythe, la magie et la religion, les
premiers penseurs vont expliquer le cosmos en faisant appel à la raison. En effet, on assiste, dès lors,
à la naissance de la pensée rationnelle. De manière générale, le rapport est pensé en termes
d’opposition, de conflits. D’abord, la science comme la philosophie compte toutes deux de rendre
compte de l’intelligibilité des phénomènes naturels et culturels. Elles sont contre les évidences. Ce
faisant ces deux activités de l’esprit humain se fondent sur le principe et l’usage de la raison. Pour
mieux s’approprier du réel la philosophie et la science mettent en place des concepts .Elles
s’appuient sur une méthode réflexive faisant appel à la cohérence et à la rigueur. Ces deux types de
pensées se caractérisent par la recherche de la vérité. C’est pourquoi elles refusent le dogmatisme.
Ensuite, la philosophie et la science ont des différences de méthodes, d’orientations et de
préoccupations. La science est caractérisée par son objectivité alors que la philosophie est marquée
par la subjectivité. Lorsque les philosophes posent la même question, ils y apportent des réponses
différentes, subjectives. C’est parce que chaque philosophie exprime les sentiments de son auteur,
ses convictions personnelles, ses croyances. Il y a une pluralité en philosophie alors que dans les
sciences il y a une unité. La science est caractérisée par son exactitude parce qu’elle produit les
instruments de vérification de ses théories. La procédure de la science est particulière : elle passe par
l’observation, l’hypothèse, l’expérimentation, la vérification et l’élaboration d’une loi universelle.
Donc la philosophie en ce qui la concerne se caractérise par l’accord de la pensée par la pensée,
c'est-à-dire la raison. Mieux le critère de vérité demeure en dernière instance. Jean PIAGET dans son
ouvrage intitulé Sagesse et illusion déclare : « La philosophie pose des problèmes grâce à sa méthode
réflexive mais elle ne les résoud pas parce que la réflexion ne comporte pas en elle des instruments
de vérification. Les sciences de par leurs méthode d’expérimentation et de déduction règlent certains
problèmes mais en soulèvent sans cesse de nouveaux » . En philosophie la réponse à la question
posée est une position et non une solution. L’interrogation philosophique est toujours ouverte. La
science tout en réalisant des prouesses dans tous les domaines de la vie n’a pas une maitrise parfaite
des méfaits de ses résultats (sanitaire et industriels). Enfin, la philosophie et la science ne s’opposent
pas radicalement. Elles sont, à bien des égards, complémentaires. La philosophie en tant que
interrogation continuelle sur l’expérience humaine ne saurait faire abstraction de la science Car la
philosophie réfléchit sur les principes, les méthodes et les conclusions des sciences. La pensée
philosophique a toujours été le thème de la réflexion philosophique qui trouve sa nourriture dans
11

l’histoire des sciences. Par conséquent, la philosophie ne peut pas se déployer sans pour autant tenir
compte des résultats des sciences. C’est sous ce rapport que Gaston BACHELARD affirme « La science
crée en effet de la philosophie. Le philosophe doit infléchir son langage pour traduire sa pensée
contemporaine dans la mobilité ». HEGEL s’inscrit dans la même dynamique car il conçoit que la
philosophie accuse un retard nécessaire à la science. Mieux la philosophie ne voit le jour que lorsque
la science achève son œuvre. La science ne peut non plus mettre entre parenthèse la philosophie. La
science est incapable de répondre à toutes les questions que l’homme se pose. Seule la philosophie
est en mesure de répondre aux questions purement métaphysiques. Cependant, il nous semble
important de souligner que la réflexion philosophique ne peut en aucun cas parvenir à des certitudes
qui dépassent celle de la science. Pierre FOUGEYROLLAS écartait toute compétition entre la science
et la philosophie en affirmant : « Toute compétition entre la science et la philosophie serait ruineuse
pour celle-ci ». Par ailleurs, même si la science est une connaissance exacte, elle a cependant des
limites internes et des limites externes. Les limites externes concernent toutes les questions qui sont
hors de son domaine d’investigation, ce sont les questions métaphysiques. Ces préoccupations sont
prises en compte par la philosophie. Les limites internes se rapportent à la connaissance scientifique
qui n’est pas figée. Elle progresse, ce qui explique le progrès scientifique.

Après avoir développé les arguments qui confirment les différentes relations entre la science et la
philosophie, nous avons pu constater les limites et les insuffisances de notre sujet, que nous sommes
tenus de compléter et d’éclairer à travers d’autres considérations philosophiques. En effet, définie
comme amour de la sagesse, la philosophie a toujours nourri l’ambition de conquérir la totalité du
savoir en s’intéressant à tout ce que l’homme pouvait connaître. Ainsi l’histoire de la philosophie a
longtemps été confondue avec celle de la science. La philosophie était considérée comme la mère
des sciences c’est à dire le savoir qui englobait les autres savoirs et qui avait la prétention de dire la
vérité des autres savoirs. DESCARTES écrit « Toute la philosophie est comme un arbre dont les
racines sont la métaphysique, le tronc la physique et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes
les autres qui se réduisent à trois principales à savoir la médecine, la mécanique et la morale ». Force
est de constater que nous sommes aujourd’hui très loin de l’époque où la science était un
démembrement de la philosophie. Ayant clarifiées leur principe, délimitées leur objet et définies leur
méthode, les sciences vont se constituer en disciplines autonomes sans l’intervention de la
philosophie. Cette émancipation intervenue à partir du XVIIe sera possible grâce aux maths. En effet
la science va se détacher de la philo en s’inspirant de la méthode math, de sa précision de son
raisonnement formel, de sa vérification et de son calcul. Cette autonomie de la science semble
décréter aussi la fin de la philosophie. Constatant la situation délicate dans laquelle se trouve la
philosophie, Cheikh Anta DIOP écrit : « Aujourd’hui la philosophie traverse une période tés difficile
qu’on soit bien obligé d’appelé une crise. Certains penseurs n’hésitent même pas à parler de la mort
ou de la fin de la philosophie. Le malaise vient du fait que la source principale de philosophie semble
tarie. La production philosophique baisse en quantité et surtout en qualité ». La science grâce à ses
progrès a conquis la quasi- totalité du savoir et offre à l’homme un savoir beaucoup plus satisfaisant
et sécurisant. La vraie différence entre philo et science réside dans le fait que la philosophie s’occupe
des valeurs et la science du réel. Certes une philosophie est toujours redevable d’une certaine
mesure à ses devanciers mais cela ne suffit pas pour l’expliquer. Ce qui détermine l’œuvre
philosophie c’est le génie particulier qui se manifeste dans sa subjectivité. C’est ce génie individuel
qui fait la différence entre philosophie. LALANDE définit la science comme « un ensemble de
connaissances et de recherches ayant un degré suffisant d’unité, de généralité et susceptible
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d’amener les hommes qui s’y consacrent à des conclusions concordantes qui ne résultent ni de
conventions arbitraires, ni des goûts ou des intérêts individuels qui leur sont communs, mais de
relations objectives qu’on découvre graduellement et que l’on confirme par des méthodes de
vérification définies ». L’autre différence entre la philosophie et la science réside dans la valeur du
savoir et l’utilisation pratique de la connaissance. Si l’homme ne cherche que la tranquillité et la
maîtrise technique de la nature, il ne peut plus se fier à la philosophie. Le savoir et le pouvoir sont
incontestablement entre les mains de la science et de la technique ce qui résout la nécessité de la
philo par la négative. La science et la technique ont fait des progrès si impressionnants qu’il semble
naturel de leur confier le soin de répondre à l’ensemble des interrogations humaines. Cette confiance
à la science est justifiée par ses nombreuses découvertes et réalisations. Exemple : l’exploration de
l’espace avec une éventuelle possibilité de vivre dans d’autres planètes au cas où la terre serait
inhabitable (planète Mars), la lutte contre la vieillesse, la maîtrise de plusieurs calamités naturelles
ou à défaut la possibilité de les prévoir, l’éradication de certains fléaux etc.

Même si elles semblent divergentes, la philosophie et la science sont complémentaires, car les
faiblesses de l’une sont la force de l’autre et vice versa.

CONCLUSION

Au terme de notre analyse, il apparait que la philosophie et la science ne sont d’une part opposées,
d'où la difficulté de notre sujet « opposer philosophie et science est-elle légitime ?» . Au contraire
elles entretiennent des relations en ce qu’elles se rendent mutuellement service. Même si elles
semblent divergentes, la philosophie et la science sont complémentaires, car les faiblesses de l’une
sont la force de l’autre et vice versa. C’est pourquoi leur séparation constituerait un obstacle sérieux
au développement des connaissances humaines. Ces deux modes de pensée trouvent leur salut dans
une solidarité nécessaire.
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SUJET N° 9 : Faut-il opposer foi et raison ?

INTRODUCTION

La raison et la foi semblent s’installer dans une suspicieuse rivalité et une conflictuelle mutualité
depuis des millénaires. Certains mouvements extrémistes religieux utilisent des moyens violents pour
arriver à leurs fins, ce qui est contradictoire puisque leur religion prône la paix. Cela est révélateur
d’une opposition entre pensée rationnelle et croyance religieuse. Il convient tout de même de se
demander si la raison s’oppose vraiment à la foi. Depuis les origines, raison et croyance religieuse ne
s’opposent-elles pas ? Au contraire, n’iraient-elles pas de pair ?

DEVELOPPEMENT

Foi et raison apparaissent tout d’abord comme opposées. Il convient d’aborder les critiques de la foi
qui ont été faites, ses distinctions avec la raison, mais avant cela de voir quels sont les liens entre foi
et religion. Tout d’abord définissons les termes en question. La foi est une forme de croyance, elle se
distingue du savoir. La religion quant elle désigne « un ensemble donné de croyances et de pratiques
culturelles qui fondent les rapports entre les hommes et le sacré ». La religion semble donc fondée
sur la foi du pratiquant. Seulement son rôle est de la structurer, dans le cas contraire chacun aurait
une perception individuelle du divin et des moyens différents d’entrer en contact avec lui. Elle se
présente donc généralement comme étant une organisation de la foi au niveau social, intellectuel et
spirituel. Dans les religions révélées on a des rites qui se rattachent à des personnes qui ont vraiment
existé. Moïse avec le Judaïsme, Jésus avec le Christianisme, Mahomet avec l’Islam ou même le
Siddhârta avec le Bouddhisme. Ces personnages ont réellement vécu, leur existence historique n’est
pas mise en doute, cependant leurs actions religieuses sont de l’ordre de la foi. Saint Augustin écrit
qu’il y a une visée morale dans la religion, qui donne le chemin de vie au croyant, non pas pour lui
interdire des choses, mais pour le rendre heureux. La religion organise donc la foi du religieux dans le
but de le rendre heureux. La foi a cependant été critiquée par certains pour son manque de
raisonnement. L’athée, qui est celui qui ne croit en rien, pense généralement que la foi est un refuge
pour supporter les épreuves de la vie. On dira même que la foi est une forme d’aveuglement. Sartre
par exemple, considère Dieu comme un alibi. Selon lui, l’homme est parfaitement responsable de ses
actes. Selon Pascal, les critiques de la foi sont légitimes, mais preuves d’un manque de réflexion. Il
définit l’athéisme comme « marque d’une force d’esprit, mais jusqu’à un certain degré seulement ».
En effet, l’athée a une certaine force d’esprit parce qu’il a le courage d’affronter l’opinion commune,
il va faire face aux épreuves de la vie sans s’appuyer sur sa foi et créer une morale et des principes
par lui-même. L’athée va également devoir résoudre par lui-même les problèmes résolus par la Bible.
On a donc de nombreuses critiques de la foi, qui est souvent présentée comme incompatible avec la
raison. La distinction entre ces deux termes est souvent réalisée. Si les deux entraient en conflit, sans
doute le croyant choisirait la foi. Dans le livre de la Genèse , Abraham veut une descendance
nombreuse, mais il ne peut plus avoir d’enfants. Dieu lui dit alors « si tu veux avoir une descendance
nombreuse, tu dois tuer ta descendance » , il y a donc un choix contradictoire, Abraham devait donc
choisir entre foi et raison. Il prend alors un couteau et s’engage dans le sacrifice de son fils Isaac, mais
Dieu le retint : c’était un test. Si jamais il devait y avoir contradiction, le croyant choisirait la foi car il
fait confiance au divin. Une religion est formée de dogmes, choses que l’on demande de croire sans
comprendre. Dans le cas contraire, la religion serait une philosophie ou même une science. La
distinction que l’on fait entre foi et raison passe également par la différence entre sacré et profane.
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Le sacré est une réalité qu’on éloigne du reste parce qu’elle inspire un respect particulier car elle est
en relation avec le divin. Le sacré, c’est ce que doit éprouver la créature face à son créateur. Tout ce
qui n’est pas sacré est profane : pour passer du profane au sacré, il faut procéder à des rites qui ont
pour fonction d’assurer un passage. On distingue donc bien la foi de la raison. Enfin, les taxations des
philosophes athées sur la foi ont éclairci le débat. L'athéisme est une doctrine philosophique qui
soutient que Dieu sous toutes ses formes n'existe pas. Les philosophes athées se livrent à des
critiques acerbes de la religion. D'abord Barüch Spinoza avance que la religion est une illusion, une
fiction qui a pour origine l'anthropocentrisme et l'anthropomorphisme. Pour dire que la religion est
un fantôme dans la mesure où elle maintient l'homme dans l'ignorance, la certitude et l'angoisse
permanente. Nonobstant que toute la doctrine spinoziste atteste et confirme l'existence de Dieu qui
est la cause de soi, le philosophe athée propose de libérer les hommes en mirant les fondements de
la religion. Ludwig Feuerbach va s'attaquer au dogme fondamental de la religion. Selon lui, ce n'est
pas Dieu qui a créé l'homme, mais les hommes ont créé Dieu. Emboitant le pas de ses prédécesseurs,
Friedrich Nietzsche considère la foi comme un obstacle épistémologique qui freine l'homme dans son
élan de recherche de la connaissance. Il écrit dans Ecce homo : « je suis trop curieux pour accepter
une réponse grossière : Dieu est une réponse grossière, une goujaterie à l’esprit. Dieu signifie
défense de penser ». Donc, il faut se débarrasser de Dieu et de la foi. Seulement, Nietzsche ne va pas
tarder à constater la mort de Dieu quand il dit : « notre sérénité, l’événement le plus récent : la mort
de Dieu. » Ainsi, il conclut en disant que « la foi dans le Dieu chrétien a été dépouillée de la
plausibilité et commence à jeter ses premières ombres sur l’Europe ». Ainsi, la foi apparaît
premièrement comme opposée à la raison puisqu’elle s’appuie sur des faits qui n’ont pas
véritablement de preuves rationnelles, elle a été critiquée par de nombreux penseurs et est
fondamentalement distincte de la raison. Cependant croyance religieuse et pensée rationnelle
peuvent parfois avoir des rapports étroits.

Après avoir développé les arguments qui confirment les relations conflictuelles entre la foi et la
raison, nous avons pu constater les limites et les insuffisances de notre sujet, que nous sommes
tenus de compléter et d’éclairer à travers d’autres considérations philosophiques. La foi peut être
ainsi renforcée par la raison. En effet, c’est une croyance qui donne un sentiment de certitude
équivalent à celui que l’on peut ressentir à l’issue d’une démonstration mathématique, ce sentiment
est issu de trois sources distinctes : le cœur, l’expérience et la raison. Cette troisième source est donc
liée à la foi. Plus que ça, elle la construit. La métaphysique classique a essayé de montrer que la foi
peut être confortée par la raison : plusieurs théologues et philosophes ont tenté de consolider leur
foi avec des raisonnements logiques à travers la preuve de l’existence de Dieu. Il y a des preuves à
priori, et à posteriori de l’existence, parmi elles on compte les principales : la preuve ontologique de
Saint-Antoine, la preuve par l’infini et le parfait de Descartes, la preuve par la contingence du monde
ou même la preuve téléologique. Cette dernière raisonne à travers l’étude des fins de la nature.
Selon la téléologie, tout dans la nature concourt à des buts de manière si complexe que cela ne peut
être le fruit que d’un Dieu architecte. Kant a réfuté cette théorie, il pense que le principe de finalité
est introduit par l’être humain après observation pour pouvoir expliquer et comprendre, mais rien ne
prouve que ce principe existe dans la réalité. Autrement dit pour le philosophe la preuve
téléologique est anthropomorphique, c’est-à-dire qu’elle personnifie l’idée de Dieu. Il y a également
d’autres preuves morales de l’existence de Dieu, mais toutes sont réfutées par Kant, il a fait cela pour
renforcer la foi. En effet, les preuves n’ont pas montré que Dieu existe, mais n’ont pas montré le
contraire. Elles sont réfutables, et si on avait prouvé l’existence de Dieu, la foi se transformerait en
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savoir, et s’éteindrait : la religion serait alors une science. Pascal avait déjà plus ou moins pressenti
qu’on ne pouvait pas réellement prouver l’existence de Dieu, et quand bien même on l’aurait
démontré, ce n’est pas ce Dieu qui nous intéresse. En effet, l’architecte à moins d’importance selon
lui qu’un Dieu du cœur, qui puisse nous réconforter et nous suivre dans notre vivant. Il va donc
réfléchir sur l’attitude la plus rationnelle à adopter sur notre incertitude relative à l’existence de Dieu.
Le philosophe affirme qu’on va être à un moment donné obligé de faire un pari, puisque la vie en est
faite. Ce pari porte sur la vie éternelle promise par la religion, et sur notre chemin de vie. Pour
l’éternité de l’âme, si je parie que Dieu n’existe pas, je n’ai pas de vie éternelle, que j’ai raison ou que
j’ai tort. Mais si je parie que Dieu existe, j’ai toujours l’espoir d’être dans le vrai pour avoir la vie
éternelle. Il est donc pour Pascal plus raisonnable de parier sur l’existence de Dieu. Concernant le
chemin de vie à adopter, il faut se dire que les choses auxquelles je renonce sont infimes en
comparaison de la grandeur de ce qui m’attend après la mort. Pascal ne s’adresse évidemment pas
aux croyants, mais aux athées : il regarde leurs intérêts afin de les convaincre de changer d’attitude,
et peut-être même leur faire découvrir la foi. En définitive, la raison peut donc renforcer la foi, mais il
peut être aussi la même chose à l’inverse.

Enfin, le rapprochement foi et raison a été déjà constaté durant l'Antiquité. Un regard sur le
rétroviseur de l’histoire de l’humanité nous montre que cette réconciliation a été entreprise à
plusieurs reprises et de différentes manières. On le voit donc foi et raison sont deux manières
différentes d’exprimer la même réalité et vouloir les séparer reviendrait à ce que Leibniz disait « se
creuser un œil en espérant mieux voir avec un seul œil ».

CONCLUSION

Au terme de notre analyse, cette réflexion autour de la problématique de la comparaison entre la foi
et la raison a amené à un résultat mitigé. Bien que la pensée rationnelle et la croyance religieuse
peuvent paraître totalement opposées, les deux peuvent parfois se compléter l’une et l’autre : la foi
peut être renforcée par la raison comme la raison peut être renforcée par la foi. Seulement, la raison,
qui est la faculté humaine permettant de fixer des critères de vérité, n’est peut-être pas toujours
dans le vrai, car « l’erreur est humaine ». On peut alors se demander comment atteindre la vérité.
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SUJET N°12 : Etre libre, est-ce faire tout ce que l’on veut ?

INTRODUCTION

Le terme liberté est un mot qui suscite l’enthousiasme, l’adhésion. C’est une valeur pour laquelle des
hommes se sont battus et sont morts; et nul ne conteste qu’il vaut mieux être libre qu’esclave ou
prisonnier. De nos jours, dans les médias, on veut faire croire aux gens que la liberté, effectivement,
réside dans l’absence de contraintes. Ce sujet propose une vision spontanée de la liberté, qui invite à
analyser la question selon laquelle « Etre libre, est-ce faire tout ce que l’on veut ? ». Autrement dit,
l’homme peut-il toujours agir à sa guise, sans contraintes ? Pour mieux élucider cette problématique
nous allons tenter de répondre à ces questions : Est-ce que cette définition spontanée de la liberté
résiste à l’examen ? N’aboutit-elle pas à des conséquences tragiques ?

DEVELOPPEMENT

Quand on part de la définition basique de la liberté, c’est à dire qu’on pense la liberté à un
niveau physique; on se rend compte effectivement que la liberté c’est une certaine absence de
contraintes. Voici comment Hobbes dans le Léviathan définit la liberté au sens physique du terme : «
La liberté n’est autre chose que l’absence de tous les empêchements qui s’opposent à quelque
mouvement, ainsi l’eau qui est enfermée dans un vase n’est pas libre, à cause que le vase l’empêche
de se répandre ». Dans le même ordre d’idées, un homme enfermé dans une prison n’est pas libre au
sens physique du terme puisqu’il n’a pas une certaine liberté de mouvements. Si l’on s’en tient donc
au sens basique du mot liberté; la liberté, c’est avoir la possibilité de se mouvoir comme on veut dans
l’espace. La privation de la liberté de mouvement est une punition octroyée par la société où l’on
restreint la liberté physique. La liberté, au sens physique du terme, c’est se mouvoir comme on le
veut et le désire dans l’espace, c’est donc bien quelque part faire ce que l’on veut. Par ailleurs, si la
liberté c’est faire tout ce que l’on veut, cela suppose que liberté et obéissance sont incompatibles. Et
c’est vrai, qu’à première vue, la liberté paraît contraire à l’obligation et à la contrainte. Or, obéir, est
une contrainte, une obligation. Alors dans cette optique, seuls ceux qui n’obéissent pas dans la
société seraient libres. Les seuls qui seraient libres sont ceux qui commandent, qui donnent. En ce
sens, ceux qui commandent, les chefs et les dirigeants feraient tout ce qu’ils veulent. Les personnes
subordonnées, qui doivent obéir, au contraire, ne seraient donc pas libres. Or, comme il y a
beaucoup plus de subordonnés que de gens qui commandent, alors peu d’hommes sont libres, si être
libre c’est faire tout ce que l’on veut. Dans cette vision des choses, seule une élite dirigeante serait
libre. La thèse de la liberté totale est contradictoire (donc fausse) aussi bien à un niveau individuel
qu’à un niveau collectif. Par conséquent, aucune société n’a jamais vraiment permis la liberté totale
pour tout un chacun. Ainsi toute société repose et se fonde sur des interdits, l’interdit le plus
universel étant la prohibition de l’inceste. La liberté totale peut être aussi interprétée comme étant
la possibilité de faire un acte gratuit. Si je peux faire ce que je veux, je peux alors me déterminer à
faire un acte sans raison apparente. La liberté totale suppose que l’on dispose de son libre arbitre
puisque je suis tellement libre que je peux me déterminer à agir sans autre motif que ma propre
liberté. La liberté ne peut donc être définie comme étant la possibilité de faire tout ce que l’on veut.
Il faut sans doute mettre des restrictions dans cette définition spontanée de la liberté.

Si tout le monde faisait ce qu’il voulait sans limites, plus personne ne serait libre. C’est le philosophe
Hobbes dans le Citoyen qui imagine qu’à l’état de nature les hommes sont dotés d’une liberté sans
restriction, d’une liberté totale et cela s’avère un enfer. Chacun étant absolument libre de faire tout
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ce qu’il veut, « c’est la guerre de tous contre tous » nous dit Hobbes. La liberté totale est donc
contradictoire de manière intrinsèque. Comme la liberté à l’état civil doit être limitée, il faut la
moraliser afin que les rapports humains ne soient pas délétères. Dans la Déclaration de l’Homme
d’ailleurs la liberté du citoyen est bornée par la liberté d’autrui. Voici ce que stipule l’article IV, de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de la Constitution de 1791 : « La liberté consiste à
pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme
n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société, la jouissance de ces mêmes
droits; ces bornes ne peuvent être définies que par la Loi ». Autrement dit, la liberté à l’état civil n’est
pas totale, mais elle est normalement et idéalement la même pour tous. La liberté, c’est faire tout ce
que l’on veut sans nuire à autrui, ainsi le code de la route propose une liberté dans la conduite mais
accompagnée de limites. Les limitations de vitesse sont là pour assurer que personne n’abuse de sa
conduite. De même, la liberté à l’état civil met des limites au choix de son conjoint; par exemple on
ne peut épouser son frère ou sa sœur, car d’une telle union des enfants ayant des tares pourraient
naître. Dans le même ordre d’idées, le vol est interdit à l’état civil, car la première des libertés, c’est
le droit à la sécurité et le droit à la propriété. Ceux qui croient que la vraie liberté, c’est la liberté
totale font des confusions de plusieurs sortes.

Si je suis libre, je jouis de la liberté. Par contre, si je suis prisonnier ou esclave, je dois me libérer. La
libération est légitime quand il s’agit de contester une organisation sociale mauvaise; mais ce désir
de libération est absurde si je vis dans une société qui respecte les Droits de l’Homme. Or, dans nos
sociétés, beaucoup d’individus et de jeunes croient que la liberté, c’est tout contester ; ils opèrent
une confusion entre liberté et libération. Faire tout ce qu’ils veulent, en ce sens, c’est se libérer de
toute contrainte morale ou sociale, ce qui risque de nuire à autrui. Beaucoup d’individus font donc
aussi une confusion pernicieuse entre « être libre » et « être libertaire ». Le libertaire est dans une
logique de libération et aussi de transgression vis à vis des interdits sociaux. Mais le problème est
que le libertaire croit que la liberté consiste à ne pas avoir de limites; il a une vision illusoire de la
liberté, dans la mesure où il a une tendance anarchisante.

Dans la liberté à l’état civil, l’individu est bien obligé d’obéir à certaines règles pour que la vie sociale
soit possible. Par exemple, le citoyen doit accepter de se plier aux règles du code de la route. Dans la
vie en société, la coexistence des libertés est problématique : quand chacun fait ce qui lui plait, on
fait souvent ce qui déplait aux autres. Il faut donc poser des limites à chaque homme. C’est pourquoi
la Déclaration universelle des droits de l’Homme définit la liberté comme le pouvoir de faire « tout ce
qui ne nuit pas à autrui ». Et ce sont les lois qui veillent au bon fonctionnement de la société et qui
garantissent aussi les libertés individuelles. C’est dans ce cadre qu’on peut comprendre la pensée de
Jean Jacques Rousseau qui dit dans son Contrat social que la liberté est inséparable des lois. Il affirme
à ce sujet : « Il n’y a point de liberté sans lois ». Il est curieux d’affirmer cela, car la loi est souvent
ressentie par les individus comme une contrainte. Elle interdit à chacun de faire ce qui lui plait, mais
c’est en ce sens qu’elle protège autrui. Donc l’absence de lois dans une société peut aboutir à
l’écrasement du plus faible par le plus fort. Voilà pourquoi il faut distinguer avec Rousseau la liberté
naturelle de la liberté civile. La liberté naturelle est présente à l’état de nature où chacun fait ce qu’il
veut, alors que la liberté civile est assurée par la loi. Selon Rousseau, en obéissant à la loi, le citoyen
n’obéit qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant, car ce sont les citoyens qui font les lois et
qui s’y soumettent ensuite. «La liberté, c’est l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite », dit-il. Cette
pensée de Rousseau se retrouve chez Montesquieu qui considère que la liberté n’est effective que
dans son rapport avec la loi. C’est ce qui l’amène à dire que être libre, c’est avoir « le droit de faire
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tout ce que les lois permettent ». Cette liberté qu’il met en relation avec les lois, Montesquieu la
nomme liberté politique qu’il oppose à la liberté philosophique dans son ouvrage De l’esprit des lois
(1748). La «liberté philosophique» se rapporte à l’exercice de la volonté de l’homme comme l’ont
montré Descartes et Sartre qui mettent l’accent sur la volonté libre tandis que la «liberté politique»,
elle, renvoie aux droits du citoyen dans la société. Et c’est l’Etat qui offre aux citoyens le cadre
juridique qui leur permet d’agir en toute légalité sans léser leurs semblables. Ainsi, dans la société,
chaque droit que la loi me garantit est un devoir pour l’autre et vice-versa. C’est ainsi qu’on est passé
d’une notion abstraite de la liberté, pensée dans son unicité, à une conception concrète des libertés.
Autrement dit, envisagée dans leur pluralité, les libertés deviennent des droits ; ainsi parlera-t-on de
liberté d’expression, de penser, de marcher, d’association, de liberté syndicale etc. Diderot,
considérant la liberté comme une illusoire, écrit : «Il ne peut y avoir d’êtres libres, car nous ne
sommes que ce qui convient à l’ordre général, à l’organisation, à la chaîne des évènements» . La
liberté à l’état civil ne peut pas fonctionner sans le respect de certaines règles sociales. Et pour que
ces règles soient appliquées, il y a la nécessité d’individus qui exercent une autorité sur les autres.

Bien entendu, les personnes qui exercent une autorité doivent elles-mêmes pouvoir être contrôlées
et destituées de leur fonction si elles abusent de l’autorité qui leur est conférée par la société. Car
toute institution humaine repose sur un exercice de l’autorité, mais si celle-ci ne peut être remise en
cause, l’institution finit par être dévoyée. Il faut donc des organismes de contrôle pour chaque
institution. Mais les contrôleurs eux-mêmes doivent pouvoir être renvoyés s’ils exercent leur autorité
de manière partiale.

CONCLUSION

Au terme de notre analyse et au regard de ce qui précède, il était question de savoir si être
libre, c’est faire tout ce que l’on veut. On peut distinguer deux types de liberté, comme l’affirme
Montesquieu dans De l’esprit des lois (1748), à savoir la « liberté philosophique » qui se rapporte à
l’exercice de la volonté de l’homme et la «liberté politique» qui renvoie aux droits du citoyen dans la
société. Cette forme de liberté correspond à la liberté d’action dont dispose l’individu dans la cité.
Elle concerne le rapport du sujet aux autres et non pas à lui-même. C’est une liberté d’exécution et
non de décision. Au sens philosophique, il faut rappeler que la loi assujettit l’homme en le rendant
libre. La liberté ne pourrait donc être définie comme une absence de contraintes, ni pouvoir d’agir
indépendamment de tout motif. L’absence de contraintes ou de lois pourrait être la liberté, mais ce
serait sans doute celle de la jungle. Mais pour Rousseau, la liberté ne peut s’envisager que dans la
société au moyen du pacte social. MONTESQUIEU confirme qu’être libre, c’est avoir « le droit de
faire tout ce que les lois permettent ».
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SUJET N°10 : Ce qui fait l’homme tient plus de la culture que de la nature.

INTRODUCTION

La question des rapports de la nature et de la culture est une question centrale de la réflexion
philosophique. Elles constituent deux notions polysémiques et deux dimensions fondamentales de
l’existence humaine. Une telle réflexion semble s’ouvrir sur l’antériorité de l’une par rapport à
l’autre. Par bon sens la culture pourrait être définie comme une transformation de la nature. Des lors
les notions de nature et de culture restent incontournable pour cerner l’homme. C’est dans cette
perspective que notre sujet nous invite à analyser la conception selon laquelle « Ce qui fait l’homme
tient plus de la culture que de la nature ».Autrement dit, l’homme est un être composé du naturel et
du culturel même si sa culture contribue beaucoup plus à sa transformation. Pour mieux élucider
cette problématique voici les questions auxquelles nous allons tenter de répondre. Dans quel
contexte ce qui fait l’homme tient plus de la culture que de la nature ? Quelle est alors la part en
l’homme qui revient à la nature et quelle est la part qui revient à la culture ?

DEVELOPPEMENT

D’une manière générale la nature désigne un ensemble de caractères innés, physique ou moral
propre à un environnement dans lequel l’homme évolue et se réalise. Bref elle serait un ensemble de
caractères et de propriété permanente qu’on retrouverait chez tous les hommes. Elle fixe les
caractéristiques propres à une chose, un être, qui permet de le définir. Cette question est abordées
par Lucien MALSON dans son ouvrage intitulé Les enfants sauvages. Il y décrit l’expérience d’enfants
abandonnés à la naissance qui seraient recueillis et élevés par des loups. Les enfants se déplacent
comme des loups, se nourrissent comme eux, et agissent comme eux. Lorsqu’ils seraient retrouvés
par les hommes et réintégrés dans la société ils devront apprendre à parler, à manger, à boire, bref à
se comporter comme des hommes. De cette expérience on peut tirer plusieurs enseignements.
D’abord que le petit enfant humain à la naissance peut s’adapter dans des conditions différentes.
Tant qu’il vit avec les loups l’enfant ne mérite pas encore le nom d’homme. C’est pourquoi certains
affirment qu’on ne nait pas homme mais on le devient. On dit aussi que l’homme est un être
inachevé. Il est différent de l’animal qui à la naissance est déjà programmé, il est déjà ce qu’il sera
alors que l’homme doit apprendre. Selon MALSO N tous les individus intégrés à un groupe social sont
cultivés du moment qu’ils participent à une quelconque culture. C’est par cette participation qu’il
devient conscient. MALSON dit : « l’homme n’a pas de nature, il est plutôt une histoire » .La nature
lui donne les possibilités et les potentialités, mais il revient à la culture de les actualiser et de les
mettre en valeur. L’homme est ainsi le produit de multiples apprentissages. En somme on apprend à
parler, à manger à adopter tous les comportements humains. Karl MARX dira que cette histoire est
l’ensemble des rapports sociaux. I l n’aura pas tort de préciser dans sa 11ème thèse sur FEUERBACH
que « l’essence humaine n’est pas une abstraction inhérente à l’individu isolé, mais dans sa réalité
elle est l’ensemble des rapports sociaux ». Selon la conception Marxiste, l’homme est socialement
déterminé et historiquement situé. Donc il ne pourrait faire abstraction du milieu social. Il est
fondamentalement déterminé par la société. Selon la conception de Jean Paul SARTRE, l’homme
choisit librement son destin ; il doit donner une orientation à sa vie ; ce qui donne un sens à sa
personnalité. SARTRE dit déjà « l’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait, c’est-à-dire ce qu’il fait
de sa nature ». Des lors, il est capable de faire des performances affectives et physiques. Il a besoin
d’un espace socioculturelle pour s’épanouir. Il est donc synthèse du naturel et du culturel c’est-à-dire
20

hérité et inventeur. La plupart des actes humains sont naturels et culturels. Le rire, le manger, le
marcher sont façonnés par la culture. Donc il ya une coexistence du naturel et du culturel chez
l’homme. Il sera doc difficile de séparer l’inné de l’acquis. La nature et la culture constituent deux
aspects distincts qui expriment une seule et même réalité.

Après avoir développé les arguments qui confirment la thèse selon laquelle ce qui fait l’homme tient
plus de la culture, nous avons pu constater les limites et les insuffisances de notre sujet, que nous
sommes tenus de compléter et d’éclairer à travers d’autres considérations philosophiques relatives à
la nature. Par contre la culture est l’ensemble des aspects intellectuels d’une civilisation et des
formes acquises de comportements. Elle englobe tout ce qui est acquis par les coutumes, la vie en
société, les civilisations etc. (éducation, religion, coutume, tradition, meurs, langage, rite).En effet,
être cultivé c’est ajouter à sa nature des comportements appris dans le milieu social ou vit l’homme.
Par conséquent, la culture implique un apprentissage, une formation dont le but est d’élever l’être au
dessus de sa condition matérielle de sauvage qui à la suite a besoin d’éducation. Cette éducation vise
à développer les bonnes dispositions naturelles qui sont en lui. Il ressort de tout cela que la nature
peut être perçue comme un milieu donné à l’homme qui est considéré par une somme de
dispositions innées, héréditaires. C’est en ce sens que RALPHLINTON défini la culture comme « un
mode de vie d’une société donnée c’est-à-dire l’ensemble des façons de sentir, de penser, d’agir que
manifeste une société à travers des faits sociaux comme l’art, la religion, la technique ». Il convient
donc de noter que toutes les sociétés ont leurs cultures, du fait que dans toutes les sociétés les
hommes s’adonnent à l’organisation de la vie sociale pour ne pas être des animaux, en créant des
langues, des religions, des outils, des œuvres d’art qu’ils transmettent aux futures générations. C’est
dans cette perspective que KANT dit « l’homme ne peut devenir homme que par le billet de
l’éducation » . Il importe donc de noter que la culture est une réalité humaine qui permet à l’homme
de rompre avec son état de nature. Ainsi pour distinguer ces deux notions de nature et de culture, il
faut simplement dire que la nature biologique d’un être se transforme par hérédité tandis que la
culture se communique par héritage. Toute société réunit des hommes qui vivent en société, en
communauté. Ils sont régis par des règles qui façonnent le comportement des membres du groupe.
En effet, tout groupe humain considère sa civilisation comme étant la plus valable, comme étant
l’unique, préférant rejeter dans la nature tout individu dont le comportement n’est pas conforme à
celui de ses membres. Cet état de fait pose le problème de l’inter culturalité qui est une situation
dans laquelle des civilisations, des ethnies ou des religions font face les unes des autres. Chacun
considère les valeurs qui lui sont étrangères comme barbares. C’est pourquoi DESCARTES nous
enseignera « qu’il est bon de savoir quelque chose des mœurs des divers peuples afin que nous ne
pensions pas que tout ce qui est contre nos modes soit ridicule et contre raison ». Cet
ethnocentrisme surtout perceptible chez les blancs a servit de fondement à l’entreprise coloniale et à
la traite négrière. Par ailleurs, ce mépris culturel est à l’origine du racisme. Pour les racistes, les
diversités culturelles que l’on rencontre entre les peuples s’expliquent par des diversités de nature.
L’idéologie raciste prétend que ce sont les inégalités biologiques des groupes humains qui entrainent
la diversité culturelle. Cependant les hommes de tous les continents, de toutes les races ont une
civilisation. A cet effet, il n’existe pas d’homme inculte puisque chaque groupe humain a sa
civilisation. Ce qui laisse dire que les hommes sont égaux en dignité. Cela montre que la nature
humaine est partout la même. Les hommes ne sont différents que de par leurs cultures. Cependant,
certaines cultures peuvent être matériellement plus riches que d’autres alors qu’en termes de
civilisation, les unes peuvent être supérieures aux autres, car ce qui fait la civilisation, c’est la
21

technique. La diversité des cultures n’est donc pas nécessairement négative, parce qu’elle peut être
source d’enrichissement. C’est en ce sens que SENGHOR parle d’enracinement et ouverture : «
s’enraciner à sa propre culture irriguée par une tradition vivante, et s’ouvrir à l’autre à sa richesse ».
Mais aujourd’hui on a tendance à noter une uniformisation des cultures sur la base des valeurs
matérielles et économiques de sorte que les pays économiquement forts diffusent et imposent une
culture de consommation universelle.

Ainsi la nature apparait comme une donnée, une puissance que la culture actualise et rend effective.
« L’homme est un être bio-culturel » nous dit Morin et si l’on admet qu’on a le naturel posons-nous
la question de savoir ce qu’il faut en faire ou ce qu’on peut en faire. La nature et la culture
s’articulent chez l’homme, c’est ce qui fait remarquer François Tacoba « comme n’importe quel
caractère le comportement d’un être humain est façonné par une incessante interaction de gènes et
du milieu », par conséquent la culture semble donner forme aux dispositions naturelles tout en se
traduisant comme un espace à travers lequel l’homme se libère, se recrée en connivence avec l’esprit
intelligent.

CONCLUSION

Au terme de notre analyse et au regard de ce qui précède, il était question de savoir si ce qui fait
l’homme tient plus de la culture que de la nature. Il convient de noter que l’homme en tant que
animal culturel est capable de se discipliner. En se disciplinant il passe fondamentalement dans le
processus de socialisation. Donc ce qui fait l’homme tient plus de la culture que de la nature. A
travers l’analyse des rapports de la nature et de la culture il convient de noter que l’homme est
composé du naturel et du culturel. Si la nature apparait comme ce qui est commune à tous les
hommes, la culture est au contraire un système de différence ? Il serait donc important d’effacer les
différences entre les cultures. KANT dit « La discipline transforme l’animalité en humanité » .
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SUJET N°19 : À quoi sert l'esprit critique ?

INTRODUCTION Le mot " critique " vient du grec " kritikos ", qui signifie " capable de juger, de
discerner. " Le terme " esprit " sous- entend un état permanent, comparable dans une certaine
mesure à un trait de caractère qui ne s'efface pas. L' " esprit critique " serait donc la tournure d'esprit
propre à celui qui, dans chacun des objets qu'il a la possibilité d'observer, cherche à discerner le bien
du mal, le vrai du faux. La philosophie étant la recherche du vrai, il apparaît indispensable d'avoir
connaissance de la nature de l'esprit critique si l'on veut appréhender cette science. Comment
fonctionne l'esprit critique ? A quoi s'oppose-t-il ? Quels sont les difficultés rencontrées par celui qui
y fait appel ? L'esprit critique connaît-il des limites, et, si oui, quelles sont-elles ? L'esprit critique est-il
la " voie royale " vers la connaissance de la vérité ?

DEVELOPPEMENT

Exercer son esprit critique, c'est douter. Pour accéder à la connaissance pleine et entière de la valeur
d'une chose, il faut nécessairement remettre en cause sa légitimité, son fondement. Celui qui ne
doute pas de ce qu'il voit ou de ce qu'on lui a dit n'atteindra jamais la vérité : il fera confiance à
l'opinion commune, souvent erronée et toujours malléable, ou à ses sens, généralement trompeurs.
Pour juger d'une chose, il faut donc douter. Le doute est la première étape vers la sagesse
universelle, il est la porte de la philosophie en même temps que la condition de sa naissance. Nous
avons vu que, pour douter, il était nécessaire de mettre de côté l'opinion commune et le message de
nos sens, c'est à dire le savoir que nous donne l'expérience. L'Homme doit donc atteindre la vérité en
faisant appel, non à l'expérience, mais à la raison. L'Homme doit s'interroger seul sur l'objet dont il
cherche à déterminer la valeur. Il doit pour cela découvrir son fondement, sa légitimité. Seule une
personne faisant appel à sa raison est susceptible de juger à la fois du bien-fondé d'une opinion, de
sa finalité. L'Homme doit donc découvrir la valeur, le fondement et les origines de chaque chose, ou
se laisser tromper par les apparences et ne pas pouvoir accéder à la vérité. L'esprit critique tel que
nous l'entendons s'oppose donc à de nombreuses autres attitudes mentales vis-à-vis d'une opinion,
d'un objet. Il s'oppose tout d'abord à la croyance inconditionnelle en une " fausse vérité " ou en une
chose qui ne peut être prouvée. Le croyant affirme quelque chose sans pouvoir en donner de
preuve ; l'Homme faisant appel à son esprit critique ne souscrit à aucune affirmation sans en avoir au
préalable examiné la légitimité. On peut difficilement imaginer deux attitudes plus antagonistes.
L'homme exerçant son esprit critique s'oppose également aux empiristes, qui font de l'expérience
sensible la source de toute connaissance. Faire appel à son esprit critique implique avoir une
tournure d'esprit rationaliste, c'est à dire ne pas faire systématiquement confiance au message
sensible. Le Docteur Komokon KEITA s’engage dans la même dynamique quand il considère la
philosophie comme : « Une réflexion critique une recherche, une tentative de saisie totale par la
pensée de toutes les formes d’activités et leur signification par l’amélioration de leurs conditions
humaine ». Ce n'est qu'en doutant de soi-même qu'on peut remettre en cause une telle cosmogonie,
et ce n'est qu'en faisant appel à la logique qu'on peut en prouver la fausseté. Ératosthène a prouvé
par les mathématiques que la Terre était ronde bien avant que Magellan n'accomplisse son tour du
monde, et Galilée a démontré que notre planète tournait autour du soleil avant que les premiers
astronautes puissent l'attester. Faire appel à son esprit critique, on l'a vu, c'est savoir étudier à fond
un problème, en se posant toute une série de questions sur chacun de ses éléments constitutifs afin
d'en déterminer la nature. Cette méthode de travail, qui doit mener vers la vérité, s'oppose à celle
des sophistes, premiers tenants de la théorie selon laquelle " tout se vaut " et qui pensaient que
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toute vérité était relative. Les sophistes enseignaient aux jeunes Athéniens fortunés l'art oratoire,
l'art de convaincre. Dans ses dialogues, Platon les présente comme des charlatans capables de
soutenir, au moyen d'arguments spécieux et démagogues, n'importe quelle thèse, même si celle-ci
ne correspond pas à l'idéal de vérité vers lequel doivent tendre les philosophes. Le philosophe faisant
appel à son esprit critique, c'est à dire à la raison, est donc opposé au sophisme, et, d'une manière
générale, à toutes les doctrines enseignant le caractère relatif de la vérité.

Mais avant d'aboutir à un résultat probant, nombreuses sont les difficultés qui se présentent à la
personne désirant faire bon usage de son esprit critique. De plus, on aurait tort de voir dans le
rationalisme un moyen d'accéder à la connaissance suprême, à la connaissance de tout. L'esprit
critique implique le doute. Faire appel à son esprit critique, c'est utiliser sa raison. L'esprit critique
connaît donc les mêmes limites que la raison. De même, il y a des cas où l'esprit critique ne peut pas
s'exercer sans une certaine éducation. Rappelons que les philosophes, les penseurs et les
scientifiques faisant appel à leur esprit critique restent des êtres humains, et que, de ce fait, ils sont
comme tout un chacun sujets à l'erreur et victimes de lacunes, de préjugés. La philosophie a pour
point de départ l’étonnement. L’étonnement traduit l’incompréhension, l’inquiétude,
l’émerveillement d’où le désir de savoir . Dès lors, la philosophie reste d’abord une réflexion ; mais
dire qu’elle est réflexion revient à dire qu’elle commence par une prise de conscience de certains
problèmes à côté desquels l’homme passe le plus souvent sans y prêter attention. La réflexion
devient une critique des idées admises, car réfléchir, c’est d’abord s’interroger. Ainsi la philosophie
peut être définie comme une réflexion critique sur la totalité de l’expérience humaine . C’est dans
cette mouvance que le professeur Assane SYLLA déclare : « La philosophie est une réflexion critique
tendant à atteindre le maximum de clarté,de cohérence et de profondeur dans la compréhension et
l’explication des phénomènes concernant les êtres naturels et leurs créations culturelles au niveau
de leur existence, de leur essence, de leur légitimité et de leur valeur ». Cependant force est de
préciser que l’esprit critique n’est pas un esprit spontané. La célèbre « maïeutique » de Socrate est
l’art d’ « accoucher les idées». C’est une méthode, une attitude, qui à poser des questions jusqu’à ce
que l’interlocuteur arrive à fonder définitivement son discours sur des bases irréfutables ou bien
prenne conscience de ce manque afin de ne pas imposer la vérité, mais pour permettre à chacun de
la faire sienne. Socrate prend la position de celui qui ne sait rien. La Maïeutique Socratique est donc
un jeu de questions réponses consistant à accoucher les esprits des hommes en vue de faire
découvrir des vérités qu’ils portent en eux. Socrate par le biais de cette méthode aide ses
interlocuteurs à réfléchir et à prendre conscience. En même temps il faisait comprendre à ses
interlocuteurs qu’ils croyaient savoir alors qu’en réalité qu’ils ne savaient pas ; d’où l’ironie
Socratique : « Tout ce que je sais,je ne sais rien ». Cette profession de foi assigne à la philosophie sa
noble mission de participer à l’éveil des consciences, conscience représentant le seul moyen pour
l’homme de se connaitre soi-même. Platon dit déjà : « Une vie sans examen ne mérite pas d’être
vécue ». L’esprit critique peut aussi se mesurer à travers à travers le doute Cartésien. Cette méthode
utilisée par Descartes consiste à opérer une conversion de l’esprit en rupture avec l’enfance et la
tradition, afin de parvenir à des entreprises grandioses. C’est pourquoi DESCARTES commence son
itinéraire philosophique par une remise en question des préjugés reçues et des pseudos certitudes.
C’est en ce sens qu’il affirme : « Il fallait que je rejetasse comme absolument faux tout ce dont je
pouvais imaginer, le moindre doute, afin de voir s’il ne restait point après cela quelque chose à ma
croyance qui fut entièrement indubitable ». Il s’agit d’un doute méthodique, rationnel, provisoire.
C’est une inspection de l’esprit permettant au philosophe de suspendre son jugement jusqu’à
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l’acquisition d’idées claires et distinctes. Philosopher aux yeux de Descartes, c’est soumettre la
pensée à un examen critique, afin de parvenir à l’élaboration d’un savoir exclusivement dicté par la
raison. On peut également se demander si la découverte de grandes vérités définitives est, non
seulement possible, mais souhaitable.

Le rationalisme absolu est souvent critiqué dans la mesure où il ne laisse aucune place au rêve et à
l'imagination, pourtant bien agréables. Si l'on doit exercer son esprit critique sur chaque objet de la
vie, on risque fort de passer à côté d'elle comme ces photographes acharnés qui ne voient le monde
qu'à travers leurs objectifs.

CONCLUSION

Au terme de notre analyse et au regard de ce qui précède, il était question de savoir à quoi sert
l'esprit critique ? Ainsi, l'esprit critique ne tend pas forcément à une vérité mais permet aux Hommes
de constituer leur propre personnalité, leur propre pensée. La constitution de l'esprit critique passe
par la connaissance et ce point n'est pas négligeable car c'est par nos connaissances que nous
constituons notre être, nos centres d'intérêts, notre entourage. L'esprit critique permet la possibilité
de vouloir rompre avec les croyances (quasi) collectives, mais pour cela il faut que notre démarche
suive une logique cohérente. L'esprit critique, comme le dit si bien Sartre: « condamne à chaque
instant à inventer l'Homme » car par cette démarche l'Homme tend vers de nouvelles libertés. Ainsi,
nous pouvons nous demander si c'est l'esprit critique qui forge la liberté ou bien si c'est la
connaissance qui tend vers la liberté.
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SUJET N°17 : L’art nous éloigne-t-il de la réalité?

INTRODUCTION

De la littérature au cinéma, en passant par la peinture et la poésie, sans oublier la sculpture et la


musique, l’art est partout. L’art fait parti de l’humanité et accompagne chaque homme au quotidien.
L’homme a fait de l’art une de ses caractéristiques premières, et ce depuis la préhistoire. Peindre des
formes animales sur la paroi d’une grotte, sculpter des formes humaines dans l’ivoire ou le marbre,
peindre des portraits ou des paysages, écrire des livres. Toutes ces choses que l’Homme a faites pour
exprimer ses pensées, ses sentiments non rationnels sont désignés comme « ART ». Cela nous amène
à nous poser la question suivante : « L’art nous éloigne-t-il de la réalité ? » Autrement dit l’art nous
écarte il du réel ? Pour mieux élucider cette problématique nous tenterons de répondre à ces
questions : Dans quel contexte l’art nous éloigne-t-il de la réalité ? N’est-il pas une représentation de
toutes ces choses concrètes qui nous entourent ?

DEVELOPPEMENT

L’art permettrait ainsi de se détourner de l’essence des choses, et donc de se détourner de


la réalité. En effet l’art c’est la recherche du beau. Pour voir le beau il faut avoir une conscience
imageante et un jugement esthétique qui consiste à se séparer de la réalité. Dans un premier temps
nous verrons que l’art est en fait synonyme d’éloignement du concret. Dans un second temps nous
examinerons la prise de position inverse, c’est à dire qu’au contraire l’art nous permet de
comprendre la réalité. L’art se base sur des sensations particulières à savoir la vue et l’ouïe. Il repose
sur le domaine du sensible, des sensations, et des sens. Autrement dit l’art appartient au domaine
des faibles, puisque ce sont ces sensations, qui nous emprisonnent dans le faux. Nos sensations, à
nous les hommes, nous trompent. Les sensations spontanées, disparaîtront aussi vite qu’elles sont
apparues. Les sensations n’existent pas sur le long terme et n’ont donc aucune importance, ni
aucune authenticité. Elles ne correspondent pas à la réalité. Les seules choses, vraies, qui ont de
l’importance sur le long terme sont les représentations psychiques et philosophiques. C’est à dire les
pensées appartenant au monde intelligible. L’art est donc une chose qui nous rive vers nos
sensations, nous éloignant un peu plus de « ce monde intelligible », déjà compliqué à atteindre.
D’autant plus que l’art n’est qu’une copie de ce que l’on voit. C’est à dire la copie d’une copie, qui n’a
par conséquent rien de véritable, tant elle est éloignée de la réalité. Un portrait par exemple est la
copie, d’une copie que le cerveau de l’artiste a faite. Platon disait de l’art qu’il n’était qu’un «
simulacre » de la réalité. Prenons donc l’exemple de Platon qui se figurait l’humanité au fond d’une
caverne. Au fond de celle ci les choses sensibles, vouées à disparaître, comme l’art. Au dehors de
cette caverne, les représentations philosophiques, psychiques des choses, comme les pensées. Ainsi
l’art en se basant sur des sensations forcément fausses, prive l’homme de la vérité et donc de la
réalité. L’art n’est pas que la représentation hasardeuse et mensongère de la réalité, il est aussi la
représentation d’une certaine classe : la classe dominante. En effet si l’on fait une analyse sociale de
la société, il apparaît que l’art et la recherche du beau n’est réservée qu’à une certaine tranche de la
société, la plus aisée. L’art est donc au service de la classe chez qui il remporte le plus de succès,
puisqu’elle est la seule en mesure de lui permettre d’exister. Les artistes ne donnent donc qu’une
image de ce qu’ils voient, d’une vision erronée par l’appartenance même à cette classe dominante.
Ainsi les artistes ne sont rien d’autre que les portes- voies de la classe qui les finance, et dont ils
dépendent. Prenons l’exemple d’un film sur la condition de vie des ouvriers dans les mines. Seule les
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personnes pouvant aller au cinéma verront ce film, réalisé, financé, scénarisé, par des personnes non
issue de classe ouvrière et qui n’ont par conséquent aucun contact avec cette réalité. Si par hasard
elles sont issues de cette classe « dominée », elles ne montreront pas la réalité de la condition, celle
ci étant bien trop ennuyeuse, le film n’aurait aucun succès. Marx avait dit « La religion c’est l’opium
du peuple », la même formule peut s’appliquer au cas présent. En effet non seulement l’art ne
représente pas les faits réels, mais il transforme la réalité en images artificielles permettant à la
classe dominante d’asseoir son pouvoir. « Panem et circenses » disaient les empereurs romains. L’art
outre une forme de manipulation provoque un jugement esthétique. Pour établir un jugement
esthétique, il ne faut se concentrer que sur l’objet en question, oublier les liens avec son entourage.
Il faut donc faire abstraction de la réalité, ainsi l’essence même de l’art est destinée à nous faire
oublier la réalité. Pour la recherche du beau, l’art a donc pour unique moyen de neutraliser la réalité.
C’est à dire qu’une fois « coupées du monde » toutes les choses sont belles. Voilà le pourvoir de l’art,
en nous éloignant de la réalité, il parvient à embellir n’importe quoi. L’art nous éloigne donc
littéralement de la réalité. Pour reprendre l’exemple du film : un beau film, est qualifié ainsi, si
j’oublie ce que je suis, et qui je suis en le regardant. Subjuguée je dirais que « c’est de l’art », car ce
film m’a fait disparaître moi-même. Une fois le film fini, les lumières rallumées, je reviendrais à la
réalité après l’avoir quittée. L’art nous éloigne de la réalité de par sa nature même.

Ces arguments justifient la thèse que l’art nous éloigne de la réalité, soit en nous manipulant soit en
faisant appel à un jugement esthétique. Cependant on peut aussi soutenir la thèse qu’au contraire
l’art nous permet de comprendre la réalité, voir même de la créer. Les artistes nous offrent en effets
des perceptions visuelles ou auditives, pures et sans artifices et sans les « taches » que la réalité peut
apporter. Expliquons : quand les artistes décident de montrer une chose, certes fictive, mais grâce à
cette fiction, je comprends le réel. En fait l’art nous donne des clés de compréhension du réel, car il
montre les choses de façons à ce que nous puissions les percevoir. Les Artistes mettent des mots, des
visages, des objets sur ces choses que nous ne comprenons pas, nous permettant ainsi de les
concevoir beaucoup plus facilement et de les appréhender. Dans son livre Germinal, par exemple,
Émile ZOLA, peint la condition ouvrière. Après avoir lu ce « qu’est » réellement la condition ouvrière
je suis capable de la reconnaître, et de lui donner un nom. Donner un nom au chose de la vie
concrète grâce à la fiction, constitue le pouvoir à proprement dit de l’art. Si l’on pousse le
raisonnement encore plus loin on pourrait affirmer que « Le paysage copie le paysagiste », comme
Oscar WILDE l’a soutenu dans Le déclin du mensonge . On peut justifier cette position, d’abord par le
fait que la « nature » ou le paysage ( la réalité) est un concept que l’Homme à inventé. Ensuite la «
nature » n’est qu’un phénomène qui apparaît à notre conscience. Notre conscience nous en donne
des données subjectives, ayant peu de vérité. L’art est donc la réalité, puisqu’il nous permet de
trouver les mots pour nommer ce qui nous entoure. En ce sens c’est la nature qui change en fonction
de la perception que l’homme en a et les noms qui lui attribut. Le paysage copie donc l’artiste. En
transformant en image la soi-disant réalité, l’art incarne la réalité elle-même. L’art est donc plus vrai
que nature, il ne peut que nous rapprocher de celle ci. Qui mieux que Meursault incarne l’absurdité ?
Qui mieux que Phèdre incarne la folie amoureuse ? En outre l’art purifie notre vision de toute
atteinte de notre conscience. Il faut admettre que la réalité est parasitée par notre conscience, qui
nous emprisonne dans une vision rudimentaire et pratique de notre environnement. Cette même
conscience me représente le monde de manière schématisé, pour me faciliter l’existence. Elle enlève
toute la complexité des choses, pour ne garder que l’armature sans relief ni originalité. Si je regarde
mon bureau par exemple, ma conscience ne me montre que des livres, des manuels, des stylos sur
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un fond marron. Or en réalité, ce sont des manuels de toutes les couleurs, des livres de toutes les
tailles et stylos de toutes les formes, et la couleur du bois n’est pas marron, elle dépend de l’endroit
où je regarde, des ombres, des rainures… Tous ces détails, ma conscience les place sous une unique
étiquette, pour me faciliter le contact avec mon environnement. La conscience efface donc tous les
détails, les spécificités de chaque chose, pour les rassembler sous une seule dénomination, et ne pas
encombrer le rapport à la réalité. C’est sur cette perception erronée que l’art agit. L’art rend en
quelque sorte l’âme que chaque objet a perdu quand notre conscience l’a analysé. Il réhabilite tout
les détails en les mettant en avant. Si un artiste peignai ou photographiai ce bureau, on ne verrait
plus un « simple bureau avec des manuels, des livres, des stylos », on verrait un paysage complexe et
authentique. Ainsi l’art nous ouvre les yeux sur la vérité de ce qui nous entoure. Il permet de
transformer une vague impression en certitude. Ma conscience pervertie par mes sens, m’empêche
d’interpréter la réalité autrement que par une « simplification pratique ». L’art au contraire nous
rapproche de ce que l’on peut autrement jamais voir, ni approcher. L’art rétabli donc un lien plus «
propre » avec notre entourage.

L’art éloigne donc bel et bien de la réalité. D’un autre côté l’art matérialise la réalité, c’est à dire qu’il
montre les choses de façons à ce que l’on puisse les reconnaître. Les artistes donnent des visages,
des noms, des cadres à des situations, certes fictives, mais tellement plus fiable que la vague
impression que nous donne la réalité. De plus l’art rétablit un lien plus étroit avec la réalité, au lieu
de nous en éloigner, ce que fait notre conscience. Grâce à l’art nous pouvons, nous les Hommes,
approcher la splendeur de la réalité.

CONCLUSION

Notre raisonnement désormais terminé nous pouvons rappeler les termes de la question initiale :
L’art nous éloigne-t-il de la réalité ? Différents point de vue s’opposent quant à la réponse à cette
question. Pour conclure, l’art nous dévoile la réalité, par la représentation du monde et la création de
mots pour décrire la réalité par exemple. Les artistes nous aide à voir le monde réel et nous détache
de notre vision pratique et pragmatique. De plus, la fiction permet de mentir pour mieux saisir le
réel. Cependant, certaines personnes pensent le contraire. Les artistes nous rivent au monde sensible
et nous habituent à l’erreur. L’art constitue l’expression de la société telle qu’elle est, et où les
artistes sont au service d’une classe dominante. Enfin, l’art se définit par la neutralisation de la réalité
en la transformant en image.
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SUJET N°18 : L’art est-il un moyen d’accéder à la vérité ?

INTRODUCTION De nombreuses personnes se déplacent pour aller dans des musées et contempler
des œuvres d’art. Les musées sont des lieux où l’on fait abstraction du monde extérieur pour
s’imprégner des œuvres. Cela nous amène à nous poser la question suivante : « l’art est-il un moyen
d’accéder à la vérité ? » Autrement dit l’art nous projette-il à la vérité ? Pour mieux élucider cette
problématique nous tenterons de répondre à ces questions : Dans quel contexte l’art est-il un moyen
d’accéder à la vérité ? N’est-il pas une représentation des choses concrètes qui nous entourent ?
DEVELOPPEMENT

L’art est une activité de création, par laquelle un homme, en transformant la matière brute, grâce à
un savoir-faire et du génie, travaille à mettre en forme, à produire une forme. Dès lors la création
artistique et même la fréquentation des œuvres d'art valent pour elles-mêmes. Contrairement à ce
qu'on dit souvent à tort, l'artiste ne crée pas pour transmettre un message, ce qui réduirait sa
création à un médium, à un moyen et l'amateur d'art ne va pas à la rencontre des œuvres pour autre
chose que d'aller à leur rencontre et en jouir. L'art ouvre les yeux, dévoile aussi il peut être ce qui
nous permet d'accéder à une connaissance, à la vérité. Dès lors, on peut peut-être voir l'art comme
un moyen détourné pour accéder à la vérité, mais encore faudra-t-il penser de quelle vérité, il s'agit.
Le sens premier de l’art est un savoir-faire technique, pas au sens général mais au sens particulier.
L’art devient la recherche de la production de la beauté. Le but est alors purement esthétique. La
réalité peut se définir comme un ensemble d’images bien réelles, comme un lien rationnel entre les
choses. Et par conséquent, les images les moins cohérentes les unes avec les autres constituent alors
le monde imaginaire. Ainsi la recherche de l’esthétique, devenue plaisir et divertissement ne nous
conduit-elle pas vers un monde imaginaire ? Nous allons d’abord voir que l’art ne nous occulte pas la
réalité mais nous la révèle, puis dans un second temps que l’art nous éloigne en effet de la vérité.
L’art n’est pas un obstacle à la réalité. Au contraire, il nous la révèle. Il faut désamorcer le réel pour le
rendre beau. Par exemple, les artistes en créant les mots ne nous éloignent pas de la vérité. L’art
nous la dévoile et nous la crée. Enfin, selon Oscar Wilde, montrer la réalité à travers un roman est la
mort de l’art. Quand Zola écrit Germinal, il recopie en quelque sorte ses notes de façon
encyclopédique, autant alors se passer de l’art et écrire un reportage. En effet, pour Wilde, la fiction
nous permet au contraire de mentir pour saisir le réel. Le mensonge, l’invention, l’art nous amènent
à la vérité. Les choses n’existent que parce qu’on les a d’abord utilisées, nommées, décrites à travers
l’art, lorsqu’on en voit la beauté. Ainsi, aujourd’hui on prête attention au brouillard non pas parce
qu’il y en a, mais parce que des peintres et des poètes en ont donné une description mystérieuse. De
plus, Wilde soutient que la nature copie l’art. On peut considérer ce postulat comme véridique car la
nature est la création de l’esprit humain. En effet, la nature est un mot, un concept créé par l’esprit
humain. De plus, la nature est constituée de phénomènes. La conscience humaine possède des
catégories a priori qui s’imposent aux phénomènes. Par exemple, on impose des choses au monde,
comme le fait qu’il est constitué de trois dimensions et pas plus. Ainsi, « la nature copie le paysagiste
» et l’artiste révèle la vérité. Cependant, l’art est également considéré comme un divertissement qui
se trouve dans la recherche de moments agréables et qui semblerait alors nous détourner de la
réalité. Le but de l'art n'est pas de nous faire accéder à la vérité et en détourne même parfois.
L'artiste est d'abord un artisan, qui cherche à imprimer dans la matière une forme, qui soit certes son
empreinte (cogito pratique de Hegel) mais qui soit surtout belle. Le but de l'art est le beau et non pas
le vrai. C'est à d'autres que semble confier le souci de la vérité et de la connaissance. Non seulement
l'art ne cherche pas la vérité mais il peut même en détourner. C'est ce qu'il fait en nous divertissant
29

et en nous faisant fuir la triste réalité, en l'embellissant et même en nous trompant. Ceci étant dit,
même si l'art n'est pas un moyen d'accéder à la vérité dans le sens où là n'est pas son but, ne peut-il
pas être malgré tout être une voie d'accès à la vérité et cela justement parce qu'il ne la cherche pas?
Ces arguments justifient la thèse que l’art est un moyen d’accéder à la vérité en faisant appel à un
jugement esthétique. Cependant on peut aussi soutenir la thèse qu’au contraire l’art n’est qu’une
illusions. Les œuvres d'art sont les témoins d'une époque, d'une société, elles peuvent en cela être
une source de connaissances. Comme le disait Aristote, on prend plaisir aux imitations car elles nous
permettent soit de nous rappeler ce que l'on savait déjà, soit d'apprendre. On peut ici aussi penser
aux effets de la tragédie grecque, qui permettent au spectateur la catharsis et par là une prise de
conscience salvatrice. L’artiste ne se contente pas de copier la réalité, il la révèle. C'est le sens de la
fameuse phrase du peintre Paul Klee, « non rendre le visible » mais « rendre visible » , ce qui se
cache. L'art a un pouvoir de révélation, et nous permet donc d'accéder à certaines vérités. L'artiste
ayant un autre regard sur le monde et l'homme, un regard désintéressé, non guidé par le souci de
connaître, est capable de voir ce qui s'offre à lui. La réalité ne lui apparaît plus voilée, dira Bergson ,
pour qui la volonté naturelle et utilitaire de capturer le réel nous empêche de le saisir dans sa
particularité et sa singularité. L'artiste est donc capable de nous ouvrir les yeux et de nous révéler
une certaine vérité qui nous échappait sous nos représentations quotidiennes, rationalisées. Il
pourrait nous faire saisir aussi bien la vérité d'un instant, que nous montrer l'universel, qui se cache
derrière la diversité. Mais finalement ce que nous révèle l'art, ne serait-ce pas qu'il n'y a pas qu'une
vérité et que ce que nous tenons pour vrai ne l'est pas nécessairement? L'art est un moyen de nous
interroger sur nos vérités, « de spectacle attrayant pour l'œil, l'art est devenu projectile avec le
dadaïsme » disait Walter Benjamin . En effet, on peut penser que si l'art contemporain a rompu avec
les règles, le beau comme fin, il a pour but de bousculer nos certitudes et représentations. Dès lors
l'art nous pousse à nous interroger sur nos vérités. L’art et la diversité des œuvres d'art soulignent
aussi que la vérité peut être plurielle, et que c'est par approximation successives que nous pouvons
l'approcher. Même si on peut trouver ici un prétexte à se contenter d'un relativisme facile. L'art
révèle aussi que la science permet une certaine connaissance de la réalité, mais qu'elle ne l'épuise
pas. L'art révèle la richesse du réel. A coté du mythe, de la religion, de la magie et de la technique,
l'art apparait comme l’une des formes les plus anciennes de la culture humaine. Comme dans ces
premières d’expression de la raison humaine, l'art manifeste un souci de l'homme de découvrir le
monde et de le rendre habitable. Une des raisons les plus puissantes qui poussent vers l'art et même
vers les sciences, c'est le désir de s'évader de l'existence terre a terre douloureusement
contraignante et de son vide désespèrent, c'est-a- dire son manque de sens. L'art porte à l'éternité,
fixe dans la permanence ce qui par nature est changeant, éphémère, fugace. André MALRAUX dira
dans se sens que : « L'art est un antidestin ». Et sur ce plan nous avons beaucoup d'auteurs qui ont
immortalisé par leurs œuvres, leurs versions du réel : Picasso, Rembrandt, Van Gogh (les peintres),
Victor Hugo, Albert Camus, Léopold Sédar Senghor, Ousmane Sembène etc. L'art exprime ainsi un
profond besoin de transcendance, d’évasion, mais aussi de transfiguration du réel et de sublimation.
L'art il faut aussi le souligner est avant tout création. Création originale et spécifique. L'œuvre d'art
est d'abord et avant tout une œuvre d'imagination, de la sensibilité et de la subjectivité. Bref, l'art est
à la fois rapport avec la nature (réel), recherche de la vérité, intention créatrice, talent, liberté. Ici, il
s’agit d’étudier les rapports entre l’œuvre d’art et la vérité. Qui, de l’œuvre d’art ou de la vérité, a
plus de valeur ? La question est diversement appréciée. Selon Platon , l’œuvre d’art a plus de valeur
que la vérité, mais Nietzsche soutient le contraire. Aux yeux de Platon, puisque l’art est une imitation
imparfaite des objets intelligibles, il nous détourne de la quête de la vérité qui est la vocation de
30

l’homme. A son avis, la vérité est du domaine des essences tandis que l’art relève de l’illusion. Pour
cette raison, Platon estime que la vérité a plus de valeur que l’œuvre d’art. Nietzsche, par contre,
soutient que l’art a plus de valeur que la vérité. A l’en croire, l’art nous réconcilie avec le monde dans
lequel nous vivons, le monde du désir et des instincts dont nous nous détournons quand nous
recherchons la vérité. Et dans une belle formule, il dit : « Nous avons l’art afin de ne pas mourir de la
vérité ». L’art nous occulte le monde réel pour nous amener vers un monde imaginaire. Platon est
suspicieux vis-à-vis de l’artiste. Dans sa conception d’une société idéale, la place des artistes se
trouve en dehors de cette société car ils nous trompent avec leurs œuvres d’art. Platon oppose le
monde intelligible, des pensées avec le monde sensible. Selon lui, l’accomplissement d’un homme
réside dans la pensée. Hors, les artistes nous rivent au sensible, nous remplissent la tête. Par
exemple, lorsqu’un peintre peint le portrait d’une personne, il en fait une copie de la réalité sensible.
En effet, on ne peut pas connaître les pensées de cette personne à travers la peinture. On ne peut
pas savoir si l’homme était plutôt bon ou bien vicieux. Ainsi, les artistes nous habituent à l’erreur. On
peut faire un beau tableau d’une personne mauvaise.

En effet, l'écart qui existe entre le visible et l'invisible, le réel et l'irréel, crée chez l'homme, à toutes
les époques et dans toutes les civilisations, l'angoisse, la curiosité et le désir de créer qui est aussi la
marque du génie humain. L'art constitue ainsi un mode connaissance et d’expressions originales du
réel.

CONCLUSION

Notre raisonnement désormais terminé nous pouvons rappeler les termes de la question initiale :
l’art est-il un moyen d’accéder à la vérité ? Différents point de vue s’opposent quant à la réponse à
cette question. Pour certain l’art n’est qu’un stupide simulacre, fait par des artistes mauvais, de la
verité. L’art permettrait ainsi de se détourner de l’essence des choses, et donc de se détourner de la
vérité. L’art, qui plus est, est par sa définition même, un éloignement de la réalité. L’art éloigne donc
bel et bien de la réalité. D’un autre côté l’art matérialise la réalité, c’est à dire qu’il montre les choses
de façons à ce que l’on puisse les reconnaître. De plus l’art rétablit un lien plus étroit avec la réalité,
au lieu de nous en éloigner, ce que fait notre conscience. Grâce à l’art nous pouvons, nous les
Hommes, approcher la splendeur de la réalité.
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SUJET N°12 : Etre libre, est-ce faire tout ce que l’on veut ?

INTRODUCTION Le terme liberté est un mot qui suscite l’enthousiasme, l’adhésion. C’est une
valeur pour laquelle des hommes se sont battus et sont morts; et nul ne conteste qu’il vaut mieux
être libre qu’esclave ou prisonnier. De nos jours, dans les médias, on veut faire croire aux gens que la
liberté, effectivement, réside dans l’absence de contraintes. Ce sujet propose une vision spontanée
de la liberté, qui invite à analyser la question selon laquelle « Etre libre, est-ce faire tout ce que l’on
veut ? ». Autrement dit, l’homme peut-il toujours agir à sa guise, sans contraintes ? Pour mieux
élucider cette problématique nous allons tenter de répondre à ces questions : Est-ce que cette
définition spontanée de la liberté résiste à l’examen ? N’aboutit-elle pas à des conséquences
tragiques ? DEVELOPPEMENT Quand on part de la définition basique de la liberté, c’est à dire
qu’on pense la liberté à un niveau physique; on se rend compte effectivement que la liberté c’est une
certaine absence de contraintes. Voici comment Hobbes dans le Léviathan définit la liberté au sens
physique du terme : « La liberté n’est autre chose que l’absence de tous les empêchements qui
s’opposent à quelque mouvement, ainsi l’eau qui est enfermée dans un vase n’est pas libre, à cause
que le vase l’empêche de se répandre ». Dans le même ordre d’idées, un homme enfermé dans une
prison n’est pas libre au sens physique du terme puisqu’il n’a pas une certaine liberté de
mouvements. Si l’on s’en tient donc au sens basique du mot liberté; la liberté, c’est avoir la
possibilité de se mouvoir comme on veut dans l’espace. La privation de la liberté de mouvement est
une punition octroyée par la société où l’on restreint la liberté physique. La liberté, au sens physique
du terme, c’est se mouvoir comme on le veut et le désire dans l’espace, c’est donc bien quelque part
faire ce que l’on veut. Par ailleurs, si la liberté c’est faire tout ce que l’on veut, cela suppose que
liberté et obéissance sont incompatibles. Et c’est vrai, qu’à première vue, la liberté paraît contraire à
l’obligation et à la contrainte. Or, obéir, est une contrainte, une obligation. Alors dans cette optique,
seuls ceux qui n’obéissent pas dans la société seraient libres. Les seuls qui seraient libres sont ceux
qui commandent, qui donnent. En ce sens, ceux qui commandent, les chefs et les dirigeants feraient
tout ce qu’ils veulent. Les personnes subordonnées, qui doivent obéir, au contraire, ne seraient donc
pas libres. Or, comme il y a beaucoup plus de subordonnés que de gens qui commandent, alors peu
d’hommes sont libres, si être libre c’est faire tout ce que l’on veut. Dans cette vision des choses,
seule une élite dirigeante serait libre. La thèse de la liberté totale est contradictoire (donc fausse)
aussi bien à un niveau individuel qu’à un niveau collectif. Par conséquent, aucune société n’a jamais
vraiment permis la liberté totale pour tout un chacun. Ainsi toute société repose et se fonde sur des
interdits, l’interdit le plus universel étant la prohibition de l’inceste. La liberté totale peut être aussi
interprétée comme étant la possibilité de faire un acte gratuit. Si je peux faire ce que je veux, je peux
alors me déterminer à faire un acte sans raison apparente. La liberté totale suppose que l’on dispose
de son libre arbitre puisque je suis tellement libre que je peux me déterminer à agir sans autre motif
que ma propre liberté. La liberté ne peut donc être définie comme étant la possibilité de faire tout
ce que l’on veut. Il faut sans doute mettre des restrictions dans cette définition spontanée de la
liberté.

Si tout le monde faisait ce qu’il voulait sans limites, plus personne ne serait libre. C’est le
philosophe Hobbes dans le Citoyen qui imagine qu’à l’état de nature les hommes sont dotés d’une
liberté sans restriction, d’une liberté totale et cela s’avère un enfer. Chacun étant absolument libre
de faire tout ce qu’il veut, « c’est la guerre de tous contre tous » nous dit Hobbes. La liberté totale est
donc contradictoire de manière intrinsèque. Comme la liberté à l’état civil doit être limitée, il faut la
moraliser afin que les rapports humains ne soient pas délétères. Dans la Déclaration de l’Homme
32

d’ailleurs la liberté du citoyen est bornée par la liberté d’autrui. Voici ce que stipule l’article IV, de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de la Constitution de 1791 : « La liberté consiste à
pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme
n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société, la jouissance de ces mêmes
droits; ces bornes ne peuvent être définies que par la Loi ». Autrement dit, la liberté à l’état civil n’est
pas totale, mais elle est normalement et idéalement la même pour tous. La liberté, c’est faire tout ce
que l’on veut sans nuire à autrui, ainsi le code de la route propose une liberté dans la conduite mais
accompagnée de limites. Les limitations de vitesse sont là pour assurer que personne n’abuse de sa
conduite. De même, la liberté à l’état civil met des limites au choix de son conjoint; par exemple on
ne peut épouser son frère ou sa sœur, car d’une telle union des enfants ayant des tares pourraient
naître. Dans le même ordre d’idées, le vol est interdit à l’état civil, car la première des libertés, c’est
le droit à la sécurité et le droit à la propriété. Ceux qui croient que la vraie liberté, c’est la liberté
totale font des confusions de plusieurs sortes. Si je suis libre, je jouis de la liberté. Par contre, si je
suis prisonnier ou esclave, je dois me libérer. La libération est légitime quand il s’agit de contester
une organisation sociale mauvaise; mais ce désir de libération est absurde si je vis dans une société
qui respecte les Droits de l’Homme. Or, dans nos sociétés, beaucoup d’individus et de jeunes croient
que la liberté, c’est tout contester ; ils opèrent une confusion entre liberté et libération. Faire tout ce
qu’ils veulent, en ce sens, c’est se libérer de toute contrainte morale ou sociale, ce qui risque de
nuire à autrui. Beaucoup d’individus font donc aussi une confusion pernicieuse entre « être libre » et
« être libertaire ». Le libertaire est dans une logique de libération et aussi de transgression vis à vis
des interdits sociaux. Mais le problème est que le libertaire croit que la liberté consiste à ne pas avoir
de limites; il a une vision illusoire de la liberté, dans la mesure où il a une tendance anarchisante.

Dans la liberté à l’état civil, l’individu est bien obligé d’obéir à certaines règles pour que la vie
sociale soit possible. Par exemple, le citoyen doit accepter de se plier aux règles du code de la route.
Dans la vie en société, la coexistence des libertés est problématique : quand chacun fait ce qui lui
plait, on fait souvent ce qui déplait aux autres. Il faut donc poser des limites à chaque homme. C’est
pourquoi la Déclaration universelle des droits de l’Homme définit la liberté comme le pouvoir de
faire « tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Et ce sont les lois qui veillent au bon fonctionnement de la
société et qui garantissent aussi les libertés individuelles. C’est dans ce cadre qu’on peut comprendre
la pensée de Jean Jacques Rousseau qui dit dans son Contrat social que la liberté est inséparable des
lois. Il affirme à ce sujet : « Il n’y a point de liberté sans lois ». Il est curieux d’affirmer cela, car la loi
est souvent ressentie par les individus comme une contrainte. Elle interdit à chacun de faire ce qui lui
plait, mais c’est en ce sens qu’elle protège autrui. Donc l’absence de lois dans une société peut
aboutir à l’écrasement du plus faible par le plus fort. Voilà pourquoi il faut distinguer avec Rousseau
la liberté naturelle de la liberté civile. La liberté naturelle est présente à l’état de nature où chacun
fait ce qu’il veut, alors que la liberté civile est assurée par la loi. Selon Rousseau, en obéissant à la loi,
le citoyen n’obéit qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant, car ce sont les citoyens qui font
les lois et qui s’y soumettent ensuite. «La liberté, c’est l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite », dit-
il. Cette pensée de Rousseau se retrouve chez Montesquieu qui considère que la liberté n’est
effective que dans son rapport avec la loi. C’est ce qui l’amène à dire que être libre, c’est avoir « le
droit de faire tout ce que les lois permettent ». Cette liberté qu’il met en relation avec les lois,
Montesquieu la nomme liberté politique qu’il oppose à la liberté philosophique dans son ouvrage De
l’esprit des lois (1748). La «liberté philosophique» se rapporte à l’exercice de la volonté de l’homme
comme l’ont montré Descartes et Sartre qui mettent l’accent sur la volonté libre tandis que la
33

«liberté politique», elle, renvoie aux droits du citoyen dans la société. Et c’est l’Etat qui offre aux
citoyens le cadre juridique qui leur permet d’agir en toute légalité sans léser leurs semblables. Ainsi,
dans la société, chaque droit que la loi me garantit est un devoir pour l’autre et vice-versa. C’est ainsi
qu’on est passé d’une notion abstraite de la liberté, pensée dans son unicité, à une conception
concrète des libertés. Autrement dit, envisagée dans leur pluralité, les libertés deviennent des
droits ; ainsi parlera-t-on de liberté d’expression, de penser, de marcher, d’association, de liberté
syndicale etc. Diderot, considérant la liberté comme une illusoire, écrit : «Il ne peut y avoir d’êtres
libres, car nous ne sommes que ce qui convient à l’ordre général, à l’organisation, à la chaîne des
évènements» . La liberté à l’état civil ne peut pas fonctionner sans le respect de certaines règles
sociales. Et pour que ces règles soient appliquées, il y a la nécessité d’individus qui exercent une
autorité sur les autres.

Bien entendu, les personnes qui exercent une autorité doivent elles-mêmes pouvoir être
contrôlées et destituées de leur fonction si elles abusent de l’autorité qui leur est conférée par la
société. Car toute institution humaine repose sur un exercice de l’autorité, mais si celle-ci ne peut
être remise en cause, l’institution finit par être dévoyée. Il faut donc des organismes de contrôle pour
chaque institution. Mais les contrôleurs eux-mêmes doivent pouvoir être renvoyés s’ils exercent leur
autorité de manière partiale.

CONCLUSION

Au terme de notre analyse et au regard de ce qui précède, il était question de savoir si être
libre, c’est faire tout ce que l’on veut. On peut distinguer deux types de liberté, comme l’affirme
Montesquieu dans De l’esprit des lois (1748), à savoir la « liberté philosophique » qui se rapporte à
l’exercice de la volonté de l’homme et la «liberté politique» qui renvoie aux droits du citoyen dans la
société. Cette forme de liberté correspond à la liberté d’action dont dispose l’individu dans la cité.
Elle concerne le rapport du sujet aux autres et non pas à lui-même. C’est une liberté d’exécution et
non de décision. Au sens philosophique, il faut rappeler que la loi assujettit l’homme en le rendant
libre. La liberté ne pourrait donc être définie comme une absence de contraintes, ni pouvoir d’agir
indépendamment de tout motif. L’absence de contraintes ou de lois pourrait être la liberté, mais ce
serait sans doute celle de la jungle. Mais pour Rousseau, la liberté ne peut s’envisager que dans la
société au moyen du pacte social. MONTESQUIEU confirme qu’être libre, c’est avoir « le droit de
faire tout ce que les lois permettent ».
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SUJETS DU DOMAINE I : LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE


1- La réflexion philosophique nous détache-t-elle du monde
2- Peut-on douter de tout ?
3- « La philosophie, écrit un philosophe, boîte ». Est-ce à dire qu’elle va
tomber ?
4- L’engagement politique et la réflexion philosophique sont-elles
compatibles ?
5- La tâche de la philosophie est-elle de nous débarrasser de nos illusions et
préjugés ?
6- La philosophie est la science qui met fin au règne des certitudes. Cette
définition de la philosophie vous paraît-elle recevable ?
7- Philosopher, est-ce nier le savoir ?
8- Faire de la philosophie, ce n’est pas poser un savoir, c’est contredire un
passé, ruiner des certitudes. Qu’en pensez-vous ?
9- La certitude est le signe d’une pensée morte. Qu’en pensez-vous ?
10- La philosophie est-elle une entreprise de remise en cause de toutes les
certitudes ?
11- « La philosophie ne nous paraît pas recherche de savoir. Au contraire, elle
nous paraît dissolution de tout savoir acquis ». Quelle réflexion vous suggère ce
propos ?
12- Douter est-ce renoncer à la vérité ?
13- Le philosophe est-il nécessairement l’homme de son temps ?
14- La raison a-t-elle toujours raison ?
15- « Malheur au penseur qui n’est pas le jardiner mais le terrain de ses plantes
». Que vous suggère cette affirmation ?
16- La philosophie se nourrit-elle essentiellement de ce qui n’est pas elle ?
17- La philosophie n’est pas seulement une réflexion libre, elle est aussi une «
discipline de libération ». Qu’en pensez-vous ?
18- Suffit-il de prendre la vie avec philosophie pour philosopher ?
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19- Le plus grand bien dans un Etat consiste-t-il à avoir de vrais philosophes à
sa tête ?
20- La philosophie est une aventure de la raison qui naît de l’insatisfaction et
s’achève dans la déception. Qu’en pensez-vous ?
21- Croire et savoir.
22- Deux excès : exclure la raison, n’admettre que la raison. Que vous suggère
cette pensée ?
23- Le fait que la philosophie revendique son droit d’être inutile est-il suffisant
pour la récuser ?
24- L’inutilité de la philosophie nous autorise-t-elle à la rejeter ?
25- Les hommes actuels peuvent-ils dialoguer avec les philosophes du passé ?
26- L’idée d’une philosophie locale ne vous semble-t-elle pas paradoxale ?
27- Existe-t-il une philosophie africaine ?
28- L’avenir est-il comme une page blanche ?
29- Y a-t-il des vérités indiscutables ?
30- Il n’y a pas de vérité sacrée, interdite à la pleine investigation de l’homme.
Qu’en pensez-vous ?
31- Si quelqu’un pense et voit clair en tout, c’est qu’il a cessé de philosopher.
Qu’en pensez-vous ?
32- La sagesse est-elle périmée dans ce monde actuel ?
33- La métaphysique comme œuvre de la raison n’est-elle qu’une illusion ?
34- La certitude que nous offrent les sciences nous autorise-t-elle à renoncer à
la métaphysique ?
35- La métaphysique est dépassée a-t-on dit. Qu’en pensez-vous ?
36- Faut-il rejeter la métaphysique ?
37- C’est l’insuffisance des donnés sensibles qui fait naître la métaphysique.
Qu’en pensez-vous ?
38- Peut-on concevoir un homme sans valeur ?
39- Le réel se réduit-il à ce qu’on perçoit ?
36

40- Suffit-il de percevoir les objets pour les connaître ?


41- Suffit-il de voir pour savoir ?
42- La philosophie peut-elle aider à mieux vivre ?
43- La philosophie est plutôt une façon d’être qu’un savoir. Qu’en pensez-vous ?
44- La religion peut-elle avoir la même fonction que la philosophie ?
45- La religion est-elle aliénation ?
46- La philosophie a-t-elle quelque chose à apporter au savant ?
47- La philosophie promet-elle le bonheur ?
48- Ce que les sciences humaines nous font connaître de l’homme suffit-il pour
connaître l’homme ?
SUJETS DU DOMAINE II : LA VIE SOCIALE
1- Pour une culture, s’ouvrir est-ce se perdre ?
2- La diversité culturelle est-elle un obstacle à l’unité de l’humanité ?
3- L’homme est à la fois producteur et produit de la culture ?
4- Dominer la nature, peut-il être pour l’homme un idéal suffisant ?
5- Les devoirs de l’homme varient-ils selon les cultures ?
6- L’homme est-il libre ou tient-il à le devenir ?
7- Le travail est-il nécessaire pour être libre ?
8- Le travail est-il une obligation, une contrainte ou une nécessité ?
9- Est-ce pour se reposer que l’homme travaille ?
10- Peut-on agir moralement en étant inconscient ?
11- Peut-on être libre sans être heureux ?
12- Vivre en société, est-ce vivre par et pour la société ?
13- La liberté de l’Etat pour ou contre l’Etat ?
14- L’Etat est-il un mal nécessaire ?
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15 - La mondialisation ne fait que détruire les Etats et nier la souveraineté des


nations. Qu’en pensez-vous ?
16- La violence peut-elle avoir raison ?
17- Une société sans conflit, est-elle possible ? Est-ce souhaitable ?
18- Peut-on tout attendre de l’Etat ?
19- Bien informés, nous sommes des citoyens. Mal informés, nous sommes des
sujets. Qu’en pensez-vous ?
20- Peut-on refuser d’obéir à la politique par respect à la loi morale ?
21- Ethique et politique
22- Par le langage, peut-on agir sur la réalité ?
23- Est-il légitime d’assimiler notre temps de travail à notre temps de liberté ?
24- L’exigence d’autonomie individuelle exclut-elle la conformité aux nomes ?
25- « L’homme se distingue de l’animal par le fait qu’il naît prématuré ». Qu’en
pensez-vous ?
26- Les techniques libèrent-elles l’homme plus qu’elles ne le déshumanisent ?
27- L’homme doit-il craindre que les machines travaillent pour lui ?
28- Peut-on se servir de la violence à des fins morales ?
29- « Langage et travail sont des manifestations dans lesquelles l’individu ne se
conserve plus et ne se possède plus, mais par lesquelles il laisse son intimité
sortir tout à fait de soi et la livre à autrui ». Que pensez-vous de cette
affirmation de Hegel ?
30- Langage et pensée sont-ils dissociables ?
31- Le langage et le travail sont-ils spécifiques à l’homme ?
32- Peut-on penser à ce que l’on veut dire sans dire ce que l’on pense ?
33- Est-on d’autant plus libre qu’on est conscient ?
34- L’idée d’inconscient exclut-elle l’idée de liberté ?
35- L’idée de liberté est-elle compatible avec le concept d’inconscient ?
36- La notion d’inconscient introduit-elle la fatalité dans la vie de l’homme ?
38

37- Le recours à l’inconscient autorise-t-il l’alibi de l’inconscience ?


38- Sur quelles raisons pouvons-nous nous appuyer pour admettre l’existence
d’un inconscient ?
39- L’inconscient permet-il autant que la conscience de définir l’homme ?
40- La connaissance de l’inconscient apporte-t-elle quelque chose d’essentiel à
la connaissance de l’homme ?
41- Obéir, est-ce renoncer à la liberté ?
42- Exiger l’obéissance est-ce nécessairement porter atteinte à la liberté ?
43- La contrainte annihile-t-elle la liberté ?
44- La contrainte est-elle le contraire de la liberté ?
45- Y a-t-il contradiction entre être libre et être soumis aux lois ?
46- Etre libre, est-ce être autonome ?
47- Peut-on restreindre la liberté sans la nier ?
48- La liberté peut-elle se définir comme l’obéissance à la raison ?
49- Est-il facile d’être libre ?
50- Est-il pertinent de revendiquer une liberté à laquelle nous sommes
condamné ?
51- « Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui
affranchit ». Qu’en pensez-vous ?
52- Y a-t-il des guerres justes ?
53- Peut-on dire que l’homme occupe une place particulière dans le monde ?
54- Les différences entre les hommes ont-elles seulement un fondement
biologique ?
55- Etre conscient de soi, est-ce être maître de soi ?
39

TEXTES SUPPORTS RENFORCEMENT DES CAPACITES METHODOLOGIQUES

TEXTE 1

Il faut détruire le préjugé très répandu que la philosophie est quelque chose de très difficile du fait
qu'elle est l'activité intellectuelle propre d'une catégorie déterminée de savants spécialisés ou de
philosophes professionnels ayant un système philosophique. Il faut donc démontrer en tout premier
lieu que tous les hommes sont "philosophes", en définissant les limites et les caractères de cette
philosophie spontanée, propre à tout le monde , c'est-à-dire de la philosophie qui est contenue :
dans le langage même, qui est un ensemble de notions et de concepts déterminés et non certes
exclusivement de mots grammaticalement vides de contenu ; dans le sens commun et le bon sens
dans la religion populaire et donc également dans tout le système de croyances, de superstitions,
opinions, façons de voir et d'agir qui sont ramassées généralement dans ce qu'on appelle le folklore.
Une fois démontré que tout le monde est philosophe, chacun à sa manière, il est vrai, et de façon
inconsciente - car même dans la manifestation la plus humble d'une quelconque activité
intellectuelle, le "langage" par exemple, est contenue une conception du monde déterminée -, on
passe au second moment, qui est celui de la critique et de la conscience, c'est-à-dire à la question :
est-il préférable de " penser " sans en avoir une conscience critique, sans souci d'unité et au gré des
circonstances, autrement dit de "participer " à une conception du monde " imposée mécaniquement
par le milieu ambiant ; ce qui revient à dire par un de ces nombreux groupes sociaux dans lesquels
tout homme est automatiquement entraîné dès son entrée dans le monde conscient.

A.GRAMSCI, Introduction à l'étude de la philosophie et du matérialisme historique


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TEXTE 2

Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. (…) En même temps
qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature et
développe les facultés qui y sommeillent. (…) Notre point de départ c’est le travail sous une forme
qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celle du
tisserand, et l’abeille confond par la structure de ses cellules de cire l’habileté de plus d’un
architecte. Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte,
c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le
travail aboutit préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère
seulement un changement de formes dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son
propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit
subordonner sa volonté.

KARL MARX, LE CAPITAL , tome I, Livre I, III éme Section, Chap VII ..….
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TEXTE 3

L’humanité est condamnée à vivre dans l’ère de la solidarité, si elle ne veut pas connaitre celle de la
barbarie. La solidarité c’est d’abord l’acceptation des différences, qu’elles soient d’ordre biologique
ou le produit de la géographie de l’histoire. C’est renoncer à toute idée de hiérarchie entre les
peuples et les nations. C’est abandonner une fois pour toutes la visions historiques de ceux qui, de la
Grèce a la Rome antiques aux impérialismes modernes, ont toujours confondu civilisations et
puissances, et relégué au rang de << barbare>> les peuples subjugués, comme ceux qui refusaient de
l’être. Mais la solidarité implique plus : elle commende que par-delà les diversités, on s’efforce de
bâtir, à l’échelle mondiale, un ordre économique, sociale et culturel nouveau, qui transcende les
égoïsmes nationaux et permette à l’homme d’organiser rationnellement l’espace, de telle sorte que
chacun puisse y vivre libre et heureux dans la fraternité avec son prochain, quel qu’il soit.

Amadou Mahtar MBOW , Pour un monde solidaire et plus humain

TEXTE 4

En quoi consiste la dépossession du travail ? D’abord dans le fait que le travail est extérieur à
l’ouvrier, c'est-à-dire qu’il n’appartient pas à son être ; que, dans son travail, l’ouvrier ne s’affirme
pas, mais se nie ; qu’il ne s’y sent pas satisfait, mais malheureux ; qu’il n’y déploie pas une libre
énergie physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. C’est pourquoi l’ouvrier
n’a le sentiment d’être à soi qu’en dehors du travail ; dans le travail, il se sent extérieur à soi-même.
IL est lui quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il n’est pas lui. Son travail n’est pas volontaire,
mais contraint. Travail forcé, il n’est pas la satisfaction d’un besoin, mais seulement un moyen de
satisfaire des besoins en dehors du travail. La nature aliénée du travail apparaît nettement dans le
fait que, dès qu’il n’existe pas de contrainte physique ou autre, on fuit le travail comme la peste. Le
travail aliéné, le travail dans lequel l’homme se dépossède, est sacrifice de soi, mortification. Enfin,
l’ouvrier ressent la nature extérieure du travail par le fait qu’il n’est pas son bien propre, mais celui
d’un autre, qu’il ne l’appartient pas, que dans le travail l’ouvrier ne s’appartient pas à lui-même, mais
à un autre. On en vient donc à ce résultat que l’homme (l’ouvrier) n’a de spontanéité que dans ses
fonctions animales : le manger, le boire et la procréation, peut-être encore dans l’habitat, la parure,
etc. ; et que, dans ses fonctions humaines, il ne se sent plus qu’animalité : ce qui est animal devient
humain, et ce qui est humain devient animal.

KARL MARX , Ebauche d’une critique de l’économie politique . ..….


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TEXTE 5 Dans la mesure où une science est méthodique, dans cette même mesure, il devient
accidentel que ses résultats soient le fait de tel savant plutôt que tel autre. L’œuvre du génie de la
pensée, l’œuvre philosophique tout spécialement est bien différente de l’œuvre scientifique : elle
s’en distingue surtout par ceci qu’elle est, de par sa nature même imprévisible et qu’elle apparaît
dans l’existence comme une sorte de miracle. Chose caractéristique, il se passe exactement le
contraire pour l’œuvre scientifique : les plus grandes découvertes de la science ont été faites presque
simultanément et d’une manière indépendante par plusieurs personnes à la fois qui ignoraient que la
même découverte avait été faite par une autre personne. Je mentionnerais, pour ne citer que
quelques exemples entre mille, la découverte par Galilée et Léonard de Vinci du principe de
l’inertie ; celle du principe de l’équivalence de la chaleur et du travail dans cet autre principe,
découlant du premier, de la conservation de l’énergie. Jusqu’à un certain point, la méthode amène ici
le progrès comme d’elle-même. Les savants sont plus les serviteurs de la méthode que ses maîtres et
l’on pourrait toujours dire à leur propos ; si la découverte n’avait pas été faite par celui-ci, elle aurait
été faite par un autre. Aussi, l’homme qui connaît l’état de la science à son époque sait que toutes les
découvertes, avant même d’être faîte sont déjà ordinairement comme on dit « dans l’air ».

MAX SCHELLER , Le Saint, le Génie, le Héros ..….


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TEXTE 6

On peut d’abord traiter le langage comme un produit de la culture : une langue, en usage dans une
société, reflète la culture générale de la population. Mais en un autre sens, le langage est une partie
de la culture ; il constitue un des ses éléments, parmi d’autres. Rappelons-nous de la définition
célèbre de Tylor, pour qui la culture est un ensemble complexe comprenant l’outillage, les
institutions, les croyances, les coutumes et aussi, bien entendu, la langue. Selon le point de vue
auquel on se place, les problèmes posés ne sont pas les mêmes. Mais ce n’est pas tout : on peut aussi
traiter le langage comme condition de la culture, et à un double titre : diachronique, puisque c’est
surtout au moyen du langage que l’individu acquiert la culture de son groupe ; on instruit, on éduque
l’enfant par la parole, on le gronde, on le flatte avec des mots. En se plaçant à un point plus
théorique, le langage apparaît aussi comme condition de la culture, dans la mesure où cette dernière
possède une architecture similaire à celle du langage. L’une et l’autre s’édifient au moyen
d’oppositions et de corrélations, autrement dit, de relations logiques. Si bien qu’on peut considérer
le langage comme une fondation, destinée à recevoir les structures plus complexes parfois, mais du
même type que les siennes, qui correspondent à la culture envisagée sous divers aspects.

CLAUDE LEV-STRAUSS
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TEXTE 7

Une des conquêtes de la linguistique actuelle est d’avoir est d’avoir aperçu et soigneusement
distingué, différentes fonctions du langage : sa fonction de communication interhumaine immédiate,
d’abord. Puis une fonction expressive(ou émotive chez quelques auteurs, celle par laquelle le
locuteur manifeste son affectivité, volontairement, à travers ce qu’il dit, grâce au débit à l’intonation,
au rythme de ce qu’il dit). Puis encore, selon certains une fonction appellative(ou connotative),
distincte de la précédente, celle par laquelle le locuteur cherche à provoquer chez son auditeur
certains tonalités affectives sans les partager. Puis encore une fonction d’élaboration de la pensée ;
puis enfin une fonction esthétique (ou poétique). Jakobson attribue même au langage une fonction
métalinguistique, celle par ou le langage sert à parler du langage lui-même. Et finalement une
fonction phatique, celle grâce à laquelle le langage semble servir qu’à maintenir entre les
interlocuteur une sensation de contact acoustique ou de contact psychologique de la proximité
agréable dans le bavardage social à vide ou la conversation d’amoureux, diseurs de riens, par
exemple. Tout le monde est d’accord sur ce point : la fonction communicative est la fonction
première, originelle et fondamentale du langage, dont toutes les autres ne sont que des aspects ou
des modalités non nécessaires.

Georges Mounin, chefs pour la linguistiques Seghers , 1968 ..….


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TEXTE 8

Un second résultat concerne l’attitude à l’égard de certaines productions de la pensée africaine


telles que nous les révèle l’ethnologie. Leur façon de procéder n’est ni purement philosophique, ni
purement ethnologique, mais ethno- philosophique. L’ethnophilosophie expose objectivement les
croyances, les mythes, les rituels, puis brusquement, cet exposé objectif se mue en profession de foi
métaphysique, sans se soucier ni de réfuter la philosophie occidentale, ni fonder en raison son
adhésion à la pensée africaine. De la sorte l’ethnophilosophie trahit à la fois l’ethnologie et la
philosophie. L’ethnologue décrit, expose, explique, mais ne s’engage pas quant au bien fondé de ce
qui est ainsi décrit, expliqué. Elle trahit aussi la philosophie parce que la pierre de touche qui lui
permet d’opérer un choix entre les diverses opinions est avant tout l’appartenance ou la non
appartenance à la tradition africaine, alors qu’un exposé philosophique est toujours une
argumentation, une démonstration ou une réfutation. Ce qu’un philosophe retient et propose est
toujours, du moins en droit, la conclusion d’un débat contradictoire.

Marcien TOWA, Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle. ..….
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TEXTE 9

Voici le fondement de la critique de la religion : l’homme fait la religion, la religion ne fait pas
l’homme. Et en effet, la religion est la conscience et le sentiment de l’homme qui ne s’est pas encore
trouvé ou qui s’est déjà perdu. Mais l’homme ce n’est pas un être abstrait, extérieur au monde.
L’homme’ c’est le monde de l’homme, l’Etat, la société. Cet Etat, cette société, produisent la religion,
conscience pervertie du monde, parce qu’ils sont un monde perverti. La religion est la théorie
générale de ce monde, sa logique sous une forme populaire, son « point d’honneur » spiritualiste,
son enthousiasme, sa sanction morale, sa raison générale de consolation et de justification. Elle est la
réalisation fantastique de l’essence humaine, parce que l’essence humaine n’a pas de véritable
réalité. La lutte contre la religion est donc une lutte indirecte contre la misère réelle. La religion est le
soupir de la créature accablée, le cœur d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit d’un temps
sans esprit. Elle est l’opium du peuple.

Karl MARX , Critique de la Philosophie du droit de Hegel ..….


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TEXTE 10

La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument a
l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que
celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal ;
elle ne pense pas ; elle traduit des besoins en connaissances. En désignant des objets par leur utilité,
elle s’interdit de les connaitre. On ne peut rien fonder sur l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle
est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait, par exemple, de les rectifier sur des points
particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire
provisoire. L’esprit scientifique nous interdits d’avoir une opinion sur des questions que nous ne
comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut
savoir poser des problèmes. Et quoi qu’on dise, dans la vie scientifique les problèmes ne se posent
pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit
scientifique.

Gaston Bachelard , La formation de l’esprit scientifique


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TEXTE 11

Dans la mesure où une science est méthodique, dans cette même mesure, il devient accidentel que
ses résultats soient le fait de tel savant plutôt que tel autre. L’œuvre du génie de la pensée, l’œuvre
philosophique tout spécialement est bien différente de l’œuvre scientifique : elle s’en distingue
surtout par ceci qu’elle est, de par sa nature même imprévisible et qu’elle apparaît dans l’existence
comme une sorte de miracle. Chose caractéristique, il se passe exactement le contraire pour l’œuvre
scientifique : les plus grandes découvertes de la science ont été faites presque simultanément et
d’une manière indépendante par plusieurs personnes à la fois qui ignoraient que la même
découverte avait été faite par une autre personne. Je mentionnerais, pour ne citer que quelques
exemples entre mille, la découverte par Galilée et Léonard de Vinci du principe de l’inertie ; celle du
principe de l’équivalence de la chaleur et du travail dans cet autre principe, découlant du premier, de
la conservation de l’énergie. Jusqu’à un certain point, la méthode amène ici le progrès comme d’elle-
même. Les savants sont plus les serviteurs de la méthode que ses maîtres et l’on pourrait toujours
dire à leur propos ; si la découverte n’avait pas été faite par celui-ci, elle aurait été faite par un autre.
Aussi, l’homme qui connaît l’état de la science à son époque sait que toutes les découvertes, avant
même d’être faîte sont déjà ordinairement comme on dit « dans l’air ».

MAX SCHELLER , Le Saint, le Génie, le Héros ..….


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TEXTE 12 Dans la formation d’un esprit scientifique, le premier obstacle, c’est l’expérience
première, c’est l’expérience placée avant et au-dessus de la critique qui, elle, est nécessairement un
élément intégrant de l’esprit scientifique. Puisque la critique n’a pas opéré explicitement,
l’expérience première ne peut, en aucun cas, être un appui sûr. Nous donnerons de nombreuses
preuves de la fragilité des connaissances premières, mais nous tenons tout de suite à nous opposer
nettement à cette philosophie qui s’appuie sur un sensualisme plus ou moins facile, plus ou moins
romancé, et qui prétend recevoir directement ses leçons d’un donné clair, net, sûr, constant,
toujours offert à un esprit toujours ouvert. Voici alors la thèse philosophique que nous allons alors
soutenir : l’esprit scientifique doit se former contre la nature, contre ce qui est en nous et hors de
nous, l’impulsion de la nature, contre l’entrainement naturel, contre le fait coloré et divers. L’esprit
scientifique doit se former en se réformant.

Gaston BACHELARD

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TEXTE 13

L’humanité est condamnée à vivre dans l’ère de la solidarité, si elle ne veut pas connaitre celle de la
barbarie. La solidarité c’est d’abord l’acceptation des différences, qu’elles soient d’ordre biologique
ou le produit de la géographie de l’histoire. C’est renoncer à toute idée de hiérarchie entre les
peuples et les nations. C’est abandonner une fois pour toutes la visions historiques de ceux qui, de la
Grèce a la Rome antiques aux impérialismes modernes, ont toujours confondu civilisations et
puissances, et relégué au rang de << barbare>> les peuples subjugués, comme ceux qui refusaient de
l’être. Mais la solidarité implique plus : elle commende que par-delà les diversités, on s’efforce de
bâtir, à l’échelle mondiale, un ordre économique, sociale et culturel nouveau, qui transcende les
égoïsmes nationaux et permette à l’homme d’organiser rationnellement l’espace, de telle sorte que
chacun puisse y vivre libre et heureux dans la fraternité avec son prochain, quel qu’il soit.

Amadou Mahtar MBOW , Pour un monde solidaire et plus humain.


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TEXTE 14

Les normes sociales regroupent l’ensemble des règles et prescriptions portant sur la façon de
concevoir, de penser, de sentir et d’agir. Ce sont des échelles de référence ou d’évaluation qui
définissent une marge de conduites, d’attitudes et d’opinion permises et répréhensibles. Les normes
sociales contribuent à guider notre comportement. Elle nous apporte ordre, stabilité, et, dès lors,
prédiction. Véritable lubrifiant social, les normes jouent un rôle primordial dans le fonctionnement
social en réduisant la confusion et l’incertitude. De ce fait l’harmonie dans nos interactions dépend
directement de la bonne application des normes sociales. Parfois, les normes sont explicitement
associées à des punitions ou à des récompenses. Les normes n’ont toujours pas besoin de bâton ou
de la carotte pour être suivi de manière scrupuleuse. Le plus souvent, nous sommes intimement
convaincus de leur bien fondé. Certaines normes sont à ce point inscrites dans notre organisation
sociale que nous ne songeons pas un instant à y déroger ou à les remettre en question. On le voit,
suivre les normes sociales rend la vie facile.

Jacques Philippe LEYENS et Vincent YZERBYTS , Psychologie sociale .


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TEXTE 15

Qu’est-ce que l’Etat ? Il semble qu’on puisse adopter la définition proposée par Georges BURDEAU ;
l’Etat, c’est le pouvoir politique institutionnalisé. Il s’agit d’un pouvoir politique dont l’exercice est
soumis à des règles établies pour fonder sa légitimité. Individualisé le pouvoir politique est un
pouvoir de fait ; il est à qui le prend ou le possède. Le pouvoir politique institutionnalisé est un
pouvoir de droit : celui qui l’exerce n’en est pas maître ni propriétaire avec liberté d’en user selon
son bon abus que s’il se conforme à des institutions indépendantes de sa volonté, de ses passions et
de ses intérêts individuels. Cette forme de pouvoir politique suppose une prise de conscience et une
représentation collective de la société civile comme réalité et comme valeur supérieure à l’individu,
y compris cet individu qui a le pouvoir. C’est déjà la signification de la notion romaine de « Republica
» (Chose publique).

Jean William LAPIERRA , Le pouvoir politique. ..….


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TEXTE 16

Personne n’a jamais vu l’Etat. Qui pourrait nier cependant qu’il soit une réalité ? La place qu’il
occupe dans notre vie quotidienne est telle qu’il ne pourrait en être retiré sans que du même coup
soient compromises nos possibilités de vivre. Nous lui prêtons toutes les passions humaines : il est
généreux ou ladre, ingénieux ou stipude, cruel ou débonnaire , discret ou envahissant…De même que
l’histoire de l’Etat résume notre passé ,son existence dans le présent nous parait préfigurer notre
avenir. Cet Etat, il nous arrive de le maudire mais nous sentons bien que, pour le meilleur comme le
pire, nous sommes liés à lui. Nous voyons des gouvernants, des services, des territoires ; nous voyons
des règles et il nous suffit de les enfreindre pour connaitre de la façon la plus tangible, sous les traits
du gendarme et du juge, l’autorité dont elles sont investies. Dans tous ces faits, il ya sans aucun
doute des signes qui sont autant d’approches conduisant à l’Etat. Mais aucun d’eux isolément, ni leur
addition ou leur synthèse, ne constitue l’Etat. Son existence n’est pas tangible ; elle est de l’ordre de
l’esprit. L’Etat est, au sens plein du terme une idée.

Georges BURDEAU , L’Etat, Edition du Seuil , 1970 ..….


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TEXTE 17

Il n’y a point de liberté sans lois, ni là ou quelqu’un qui est au-dessus des lois : dans l’état même de
nature l’homme n’est libre qu’a la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre
obéit, mais il ne sert pas : ils a des chefs et non pas des maitres ; il obéit aux lois, mais, il n’obéit
qu’aux lois et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on
donne dans les républiques, au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs
atteintes l’enceintes sacrée des lois : ils en sont les ministres, non les arbitres, ils doivent les garder,
non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son Gouvernement, quand dans celui
qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le
sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain. Vous avez des lois bonnes
et sages, soit elles-mêmes, soit par cela seul que ce sont des lois. Toute condition imposée à chacun
par tous ne peut être onéreuse à personne, et la pire des lois vaut encore mieux que le meilleur
maitre, car tout maitre a des préférences et la loi n’en a jamais.

ROUSSEAU , Lettres , t3 ..….


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TEXTE 18

C’est dans les activités sociales, sous-tendues par la sensibilité religieuse, que s’intègre, très
naturellement, la littérature et l’art. Cependant, on ne saisirait pas l’essence de la littérature et de
l’art Négro-africain en s’imaginant qu’ils sont seulement utilitaire et que le négro-africain n’a pas le
sens de la beauté. Certains ethnologues et critiques d’art sont allés prétendant que les mots « beauté
» et « beau » étaient absents des langues négro-africaines. C’est tout le contraire. Ainsi le wolof du
Sénégal, les mots taar et rafeet, « beauté » et « beau », s’appliquent de préférence aux humains.
S’agissant des œuvres d’art, le wolof emploiera les qualificatifs jekk, yem, mat que je traduirais par «
qi convient », « qui est à la mesure de », « qui est parfait ». Encore une fois, il est question d’une
beauté fonctionnelle. Le beau masque, le beau poème est celui qui produit, sur le public, l’émotion
souhaitée : tristesse, joie, hilarité, terreur. Significatif est le mot baaxai […], « bonté », dont se
servent les jeunes dandys pour désigner une belle fille. Comme quoi, la beauté est, pour eux, « la
promesse du bonheur ». Par contre, une bonne action est souvent qualifiée de « belle ».

Léopold Sédar SENGHOR , Liberté 1 Négritude et humanisme .


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TEXTE 19

Qu’est-ce que l’artiste ? C’est un homme qui voit mieux que les autres, car il regarde la réalité nue et
sans voile. Voir avec des yeux de peintre, c’est voir mieux que le commun des mortels. Lorsque nous
regardons un objet, d’habitude, nous ne le voyons pas ; parce que ce que nous voyons, ce sont des
conventions interposées entre l’objet et nous ; ce que nous voyons ce sont des signes conventionnels
qui nous permettent de reconnaitre l’objet et de le distinguer pratiquement d’un autre, pour la
commodité de la vie. Mais celui qui mettra le feu à toutes ces conventions, celui qui méprisera
l’usage pratique et les commodités de la vie et s’efforcera de voir directement la réalité même, sans
rien interposer entre elle et lui, celui-là sera un artiste.

Léopold Sédar SENGHOR , Liberté 1 Négritude et humanisme. ..….


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TEXTE 20

C’est un vieux précepte que l’art doit imiter la nature ; on le trouve déjà chez Aristote. D’après cette
conception, le but essentiel de l’art consisterait dans l’imitation, autrement dit dans la reproduction
habile d’objets tels qu’ils existent dans la nature, et la nécessité d’une pareille reproduction faite en
conformité avec la nature serait une source de plaisirs. Cette définition assigne à l’art un but
purement formel, celui de refaire une seconde fois, avec les moyens dont l’homme dispose, ce qui
existe dans le monde extérieur, et tel qu’il y existe. Mais cette répétition peut apparaitre comme une
occupation oiseuse et superflue, car quel besoin avons-nous de revoir dans des tableaux ou sur la
scène, des animaux, des paysages ou des évènements humains que nous connaissons déjà pour les
avoir vus ou pour les voir dans nos jardins, dans nos intérieurs ou, dans certains cas, pour en avoir
entendu parler par des personnes de nos connaissances ? On peut même dire que ces efforts inutiles
se réduisent à un jeu présomptueux dont les résultats restent toujours inférieurs à ce que nous offre
la nature.

HEGEL ..….………………………………………………………………………………………………………………………

TEXTE 21

L’art est ce qu’il y a de plus élevé ; c’est aussi ce qu’il y a de plus difficile et de plus fragile. Si ses
conditions ne sont pas respectées, ce qui revient à dire, au fond, si la liberté n’est pas tenue en
haleine, il cesse d’exister. Chacun comprend que l’art périt en devenant automatique, et qu’il périt
aussi bien en perdant contact avec le monde. L’effort de production artistique révèle que travail,
réflexion, invention et liberté sont solidaires, que l’œuvre naît de l’exécution plus que du projet, et
qu’on ne pense son œuvre qu’en l’accomplissant, en la faisant naître sous ses doigts, sans qu’elle ait
jamais d’autre modèle qu’elle-même. N’est-ce pas l’évidence qu’un sculpteur sur bois ne voit l’effet
d’une entaille qu’après l’avoir creusée et qu’un peintre ne voit l’effet d’une touche qu’après l’avoir
posée ; qu’ils ne peuvent, en conséquence, méditer que le couteau ou le pinceau à la main ? Un tel
travail suppose une lutte constante et progressive avec une matière déterminée, lutte à la faveur de
laquelle peut se dégager le style qui est la marque de l’œuvre humaine et le signe de la réussite.
BRIDOUX

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TEXTE 22

Il reste à dire maintenant en quoi l’artiste diffère de l’artisan. Toutes les fois que l’idée précède et
règle l’exécution, c’est industrie. Et encore est-il vrai que l’œuvre souvent, même dans l’industrie
redresse l’idée en ce sens que l’artisan trouve mieux qu’il n’avait pensé dès qu’il essaye ; en cela il est
artiste, mais par éclairs. Toujours est-il que la représentation d’une idée dans une chose, je dis même
d’une idée bien définie comme le dessin d’une maison, est une œuvre mécanique seulement, en ce
sens qu’une machine bien réglée d’abord ferait l’œuvre à mille exemplaires. Pensons maintenant au
travail du peintre du portrait ; il est clair qu’il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu’il
emploiera à l’œuvre qu’il commence ; l’idée lui vient à mesure qu’il fait ; il serait même rigoureux de
dire que l’idée lui vient ensuite, comme au spectateur et qu’il est spectateur aussi de son œuvre en
train de naître. Et c’est là le propre de l’artiste. Il faut que le génie ait la grâce de nature et s’étonne
lui-même. Un beau vers n’est pas d’abord un projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au
poète ; et la belle statue se montre belle au sculpteur à mesure qu’il la fait ; et le portrait naît sous le
pinceau . Ainsi, la règle du beau n’apparaît que dans l’œuvre et y reste prise, en sorte qu’elle ne peut
servir jamais, d’aucune manière, à faire une autre œuvre.

Alain, Système des Beaux-Arts


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Français
Sujet : En quoi le roman et la nouvelle sont-ils particulièrement efficaces pour dénoncer les
injustices?

Depuis toujours les hommes sont accablés par les injustices, que l’on retrouve même dans la
bible « Le riche commet une injustice, et il frémit d'indignation; le pauvre est maltraité, et il
demande pardon. ». Le roman et la nouvelle sont deux genres narratifs racontant une
histoire fictive qui progresse par l’intermédiaire de personnages, dans un lieu et à un
moment donnés. Il existe d’autres procédés que celui de l’écriture d’un roman ou d’une
nouvelle pour dénoncer une injustice pourtant ceux-ci se révèlent particulièrement efficaces.
Le large choix dont dispose l’auteur pour écrire son roman ou sa nouvelle permet de mettre
en valeur son point de vue et ses idées qui sont souvent suivies par le lecteur grâce à
l’attachement que ce dernier porte au protagoniste.

***

Le roman et la nouvelle laissent une liberté quant au choix du sujet, du registre, … Le registre
naturaliste est utilisé pour dénoncer des injustices sociales. Dans l’Assommoir d’Emile Zola,
Gervaise et Coupeau sont deux ouvriers confrontés à une condition sociale trop injuste. Pour
l’écriture l’auteur dispose aussi d’un large choix pour la composition de son récit. Le choix de
mettre une chute dans une nouvelle, peut être un moyen efficace de dénoncer des
injustices. Comme dans La Parure de Guy de Maupassant. Mathilde Loisel, femme modeste,
demande à son amie Mme Forestier de lui prêter un bijou pour une soirée.
Malheureusement, Mathilde perd la parure de diamants. Elle en rachète une qu’elle rend à
Mme Forestier. Pour la rembourser, elle est son mari passent des années à travailler sans
relâche dans la misère. Un jour Mathilde croise son amie et décide de lui raconter la vérité
sur la perte de son bijou, Mme Forestier lui avoue alors que la parure était fausse et ne
coûtait que 500 francs. Cette nouvelle est troublante pour le lecteur. Car jusqu’à la chute
celui-ci pense que la condition de Mathilde est juste, l’injustice est dénoncé de manière
brutale est déconcertant créant pour le lecteur un paradoxe, ce qui l’oblige à réfléchir.

Comme pour tout texte, l’auteur veut nous faire passer un message. Dans le roman et la
nouvelle, il écrit de manière subjective, nous confrontant à ses idées, et son opinion. C’est à
travers sa pensée que le lecteur découvre l’histoire ; ainsi l’auteur nous impose ses idées. Le
choix du point de vue n’est pas anodin : un point de vue omniscient permet de constater
l’injustice, un point de vue externe propose une observation de l’injustice, un point de vue
interne décrit l’injustice subie ou commise par le narrateur. Par exemple, Histoire d’un fou,
d’Emile Zola : Henriette fais passer Maurin son maris pour un fou qui la bat. Toutes les
actions de Maurin sont interprétées comme des actes de folie, à tel point qu’il en devient
réellement fou. Dans ce cas, le point de vue omniscient permet de montrer l’injustice, chose
qui n’aurait pas été possible avec du point de vue externe d’un voisin, par exemple, qui
croyait Maurin fou. Ces deux genres littéraires poussent le lecteur à réfléchir et à prendre
position. Pendant la lecture, le lecteur est dans une phase passive. Il s’imprègne des idées de
l’auteur. Après la lecture, il est dans une phase active, il réfléchit par lui-même. Cela permet
au lecteur de s’impliquer dans sa lecture. Ce procédé le pousse à être en accord avec
51

l’auteur, et à comprendre l’injustice. * A travers du roman et de la nouvelle, le narrateur


peut raconter la vie du personnage qui subit l’injustice. On peut connaître ses sentiment, son
histoire, les causes de cette injustice … Le lecteur en sait beaucoup sur le protagoniste. Il
s’attache à lui et peut même s’identifier à lui. L’injustice engendre un sentiment de pitié ou
de révolte sur le lecteur. Dans Boitelle de Guy de Maupassant, Boitelle et une jeune femme
noire sont follement amoureux. Mais les parents de Boitelle refusent leur mariage en raison
de la couleur de femme. Les 2 amants ne se marient donc pas et Boitelle ne connaît plus
jamais le bonheur. Comme nous connaissons l’histoire et l’évolution de leur amour cette
injustice nous touche bien plus que

si elle était écrite sans détails. Ces détails peuvent d’ailleurs être considérés comme des
arguments défendant l’injustice racontée. Ces arguments nous poussent souvent à un
sentiment de révolte ou de pitié pour le personnage par rapport à l’injustice qu’il subi.

***

Le roman et la nouvelle obligent le lecteur à réfléchir tout en introduisant l’avis du narrateur.


C’est pourquoi c’est deux genres littéraires sont particulièrement efficaces pour dénoncer les
injustices. Pourtant « Le sentiment d'injustice ne suffit pas pour vaincre l'injustice. » de
François Mittérand. Il ne faut pas s’arrêter à dénoncer les injustices mais aller plus loin pour
les combattre, or cela est au-delà des capacités des romans et des nouvelles.
52

QU’EST-CE QUE L’HUMANISME ?


I - INTRODUCTION
Les sens du mot « humanisme »
1. philosophie qui met l’homme et les valeurs humaines au-dessus de tout
2. mouvement intellectuel de la Renaissance, né en Italie au XIVème siècle, qui s’étend
progressivement en Europe et s’épanouit au XVIème siècle. Il est marqué par un
retour aux textes antiques qui servirent de modèle de vie, d’écriture et de pensé.
Principaux représentants : Ficin, Pétrarque, Erasme, Pic de la Mirandole.
3. conception philosophique pour laquelle l’homme constitue la valeur suprême ou
encore une fin et non un moyen.

La notion d’humanisme est inséparable de l’idée d’un progrès considérable.


L’humanisme fait de l’homme lui-même l’objet de sa recherche. Il exalte l’aptitude de
l’homme, centre et image du monde, à se connaître lui-même, à maîtriser le monde et à
comprendre Dieu à travers ses créations.
L’humanisme considère tout homme comme digne de respect, il défend l’intégrité
humaine contre les fanatismes ou tyrannies qui la menacent. Il reconnaît même la nature
humaine chez le « sauvage » du Nouveau monde à qui les conquérants européens étaient
tentés de nier toute âme.
Chez les Romains, « humanitas » désigne toute chose élevant l’homme à une place à
part parmi les autres êtres vivants. Durant le MA, on parle de « humaniores litterae » ou
« lettres humaines » (= ensemble des connaissances profanes, enseignées dans les facultés des
arts) qui s’opposent aux « diviniores litterae » (= lettres divines, enseignées dans les facultés
de théologie, qui commentent la Bible)
Au XVIème s. les « lettres humaines » sont : les principales disciplines enseignées au Moyen
Age et les études des textes antiques. Ceux qui s’intéressent à ces lettres humaines sont
appelés des humanistes.
Pour les humanistes, l’homme est placé au centre de toute question. S’appuyant sur la
sagesse des auteurs antiques, ils souhaitent bâtir une société différente, ils désirent atteindre la
perfection, que ce soit dans le domaine humain, moral ou dans le domaine artistique. Le
support de ce changement est constitué par les textes antiques et non plus par les écritures
saintes, comme c’était le cas au MA.
53

Personnes à l’origine de ce bouillonnement : Erasme, Guillaume Budé, Jacques


Lefèvre d’Etaples, Pic de la Mirandole, Ficin, la famille Estienne.

III- LA NAISSANCE DE L’HUMANISME


La représentation que l’homme se fait du monde change radicalement au XVIème siècle
1/ Les grandes découvertes
 Les voyages : Christophe Colomb découvre l’Amérique en 1492 ; en 1497 : Vasco de
Gama ouvre la voie des Indes et Cabot découvre le Labrador ; 1519-1522 : Magellan
fait pour la première fois le tour du monde. : la rotondité de la Terre devient une
réalité.
 Copernic bouleverse la représentation du monde en affirmant que la Terre tourne
autour du Soleil.
 Développement de la médecine et de l’anatomie : la connaissance du corps humain
progresse énormément également. L’homme appartient à la nature, bien connaître son
corps participe de l’étude du monde.

2/ L’invention de l’imprimerie
L’invention de l’imprimerie en 1443 par Gutenberg (Allemagne) permet de diffuser
les livres en de nombreux exemplaires (alors qu’ils étaient auparavant recopiés à la main) :
large diffusion des nouvelles connaissances.
En une génération, l’espace et le temps ont totalement changé de valeur et de mesure
Le brusque élargissement du monde extérieur provoque une profonde
transformation du monde psychique. Tout ce qui était certain devient douteux. Les
campagnes s’appauvrissent, le commerce devient prodigieusement florissant grâce à la
navigation, la civilisation urbaine se développe. C’est en même temps un bouleversement
social.
Même le sentiment religieux est touché en cette ère de transition. Jusqu’à présent,
l’Europe est sous le joug de l’Eglise qui brandit la menace de l’excommunication lorsqu’on
lui résiste. A côté des conquistadores des mers, ceux de l’esprit se questionnent. L’attitude
humble et suppliante de l’homme face à Dieu fait place au sentiment de sa valeur personnelle,
il se sent le centre du monde, il ressent un sentiment de puissance et de griserie nommé
« renaissance ». A côté de l’Eglise, se dresse la science. Des universités surgissent dst te
l’Europe.
54

3/ Conditions historiques favorables


 En 1453, les Turcs envahissent Constantinople et de nombreux Grecs s’enfuient
pour se réfugier en Italie, emportant avec eux des manuscrits dans leur langue
d’origine. leur langue, leur culture. Au lieu de lire des traductions latines, on lit les
textes grecs originaux. Ces textes seront traduits et découverts grâce aux progrès de
l’imprimerie
 Les guerres d’Italie menées par François 1er vont mettre les Français en contact avec
la culture et la civilisation italiennes, la Renaissance italienne ayant déjà eu lieu au
XVème siècle (Quattrocento) François 1er fait venir d’Italie savants et artistes et l’élite
de la société française s’ouvre à la peinture et à la littérature italienne. Il veut
concurrencer la renaissance italienne. Il crée le Collège royal où sont enseignés le
latin, l’hébreu et le grec. Invention de « dépôt légal » : il faut un « privilège royal »
pour éditer un livre puis en déposer in exemplaire à la bibliothèque royale.

III. LES IDEES HUMANISTES

1/ Le renouveau de la pensée religieuse


 La redécouverte de La Bible et des Pères de l’Eglise entraîne un mouvement de
profonde rénovation religieuse. Pour le courant évangéliste, dont étaient proches
Erasme et Rabelais, chacun doit lire et méditer directement les Ecritures. La prière
individuelle se libère des dogmes et des liturgies imposées.
Les humanistes ne rejettent pas la foi chrétienne mais cherchent à la vivre de façon plus
personnelle, plus exigeante, plus authentique.

 Naissance de la Réforme
Un courant naît dans l’Eglise, impulsé par Luther, puis Calvin qui conteste, au nom
même de la foi et des Ecritures l’autorité de l’Eglise catholique, ses sacrements, ses structures.
Mais le protestantisme s’éloigne ensuite de l’humanisme, parce qu’il rejette le libre arbitre.

2/ La Renaissance artistique
Le Quattrocento italien a précédé la renaissance française, la peinture modifie la
représentation du portrait et de l’espace. François 1 er fait venir en France de grands artistes
comme Léonard de Vinci.
55

Ce renouveau se manifeste dans la sculpture qui s’inspire des modèles grecs, et surtout dans
l’architecture et la décoration des châteaux dont la fonction défensive s’efface au profit de
l’élégance esthétique : ce sont les châteaux de la Loire : Azay-le (Rideau, Chambord,
Chenonceaux. : décors d’une vie raffinée et emblème de la puissance royale.

3/ La diversité des tendances littéraires


 Début du siècle, les œuvres sont encore influencées par les goûts du MA (Rabelais) :
traduction d’un grand roman de chevalerie espagnol Amadis de Gaule (1540) / on écrit
encore vers 1500 des poèmes dans la langue du pouvoir et du savoir, le latin.
 A partir de 1540-1550, tendances nouvelles :
Ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) fait du français la langue officielle. C’est à partir de
ce moment que s’instaurent les grands genres qui vont caractériser la littérature française.

- JODELLE : 1ère tragédie classique Cléopâtre captive (1553).

- MARGUERITE DE NAVARRE : l’Heptaméron, nouvelles (a pour modèle les dix journées


du Décaméron de Boccace, texte traduit en France dès 1414.Mais, interrompu en 1549 par la
mort de Marguerite, l’Heptaméron ne rassemble que 72 nouvelles se déroulant en sept
journées. Comme dans l’ouvrage de Boccace, les nouvelles s’inscrivent dans une histoire-
cadre. Dix voyageurs sont réunis dans une abbaye, alors qu’un violent orage a coupé toute
communication. Pour passer le temps, cette société écoute des histoires vraies dans des
registres divers. La réussite de cet ouvrage tient au fait qu’il privilégie aussi la conversation,
car chaque nouvelle est suivie des commentaires tenus par l’ensemble des auditeurs.)

- MONTAIGNE utilise la prose dans les Essais pour dire son expérience d’homme en toute
liberté.

 La Pléiade et le tournant de la poésie

La Pléiade est composée d’un groupe de 7 poètes, dont RONSARD, DU BELLAY, qui
veulent rompre avec l’héritage du Moyen Age pour faire renaître la forme et l’esprit des
genres de l’Antiquité dans une langue poétique renouvelée. Dans Défense et illustration de la
langue française (1549), véritable manifeste du groupe, Du Bellay soutient que l’imitation des
Anciens nourrit la créativité. Leurs plus belles réussites seront dans le lyrisme amoureux. (Les
56

Amours de Cassandre de RONSARD, où le poète chante son amour pour Cassandre, qui se
mariera un an plus tard)

IV. LA DESILLUSION HUMANISTE

François 1er se montre d’abord tolérant à l’égard des idées religieuses nouvelles de la
Réforme. Mais en 1534, l’affaire des Placards le fait changer d’attitude.

(L'affaire des Placards fait référence à un événement historique de la Renaissance. Les


placards dont il est question étaient des écrits injurieux et séditieux qui ont été affichés dans
les rues de Paris et dans diverses villes du royaume (Tours, Orléans) dans la nuit du 17 au 18
octobre 1534. Ces affiches ont été placardées jusque sur la porte de la chambre royale de
François Ier au château d'Amboise ce qui constituait un affront envers la personne même du
roi et sa foi. Ces placards étaient intitulés "Articles véritables sur les horribles, grands et
insupportables abus de la messe papale, inventée directement contre la Sainte Cène de notre
Seigneur, seul médiateur et seul Sauveur Jésus-Christ". Ce titre évocateur est en fait une
attaque directe envers l'Eucharistie.

L'auteur était Antoine Marcourt, pasteur d'origine picarde de Neuchâtel. En réponse,


François Ier confessa ouvertement sa foi catholique et déclencha la persécution et l'exil de
nombreux protestants (départ de Jean Calvin pour la Suisse).)

La guerre entre protestants et catholiques sera meurtrière, alternant avec des périodes
de calme éphémère. 1572 : le massacre de la Saint-Barthélemy, décidé par Catherine de
Médicis, élimine de nombreux chefs protestants.

La guerre prend fin avec l’avènement d’Henri IV (1589), protestant converti au


catholicisme qui accordera la liberté de culte aux protestants par l’Edit de Nantes en 1598.

Les horreurs de la guerre civile auront opposé un cruel démenti aux espoirs humanistes
du début du siècle.
57

LE RÉALISME
I- ORIGINE DU RÉALISME

Le mouvement est apparu d'abord en peinture vers 1830 et en littérature entre 1840 et
1890. Le concept de réalisme en peinture a probablement intéressé Champfleury qui exigeait
du romancier "la sincérité dans l'art". Le réalisme s'est donc exprimé par un souci de "coller
au vrai" à travers un travail d'expression, de structure, en un mot la stylisation. Or, il ne s'agit
pas d'une tendance isolée mais d'un mouvement en relation étroite avec l'évolution des
mentalités et des données sociales. La Révolution industrielle, l'importance prise par le
prolétariat, les mouvements ouvriers, déterminent de nouvelles sources d'intérêt pour les
artistes. Le progrès des sciences, la découverte de la photographie, d'abord stricte
reproduction du réel, ont également une influence importante au moment où la Révolution
met fin aux illusions romantiques.

II- CARACTÉRISTIQUES DU RÉALISME

Champfleury, dans Le Réalisme (1857) écrit : « La reproduction exacte, complète,


sincère du milieu où l'on vit, parce qu'une telle direction d'études est justifiée par la raison,
les besoins de l'intelligence et l'intérêt du public, et qu'elle est exempte de mensonges, de
toute tricherie ».

Dès lors la littérature réaliste puise ses thèmes dans l'observation du monde
contemporain, social et historique : il s'intéresse aux choses, aux gens et aux situations qui
n'étaient pas jusque là considérés comme artistiques. Ainsi, dès 1835, Balzac, dans Le Père
Goriot, décrit un intérieur où tout est sale, nauséabond, délabré, écœurant. La création
picturale et littéraire se tourne aussi vers ceux qui vivent dans ces cadres médiocres : ouvriers,
artisans, prostituées, marginaux, représentés dans les aspects souvent les plus sordides de leur
existence.

Les romanciers réalistes (Balzac, Flaubert, Stendhal qui est à la fois romantique et
réaliste, Maupassant ...) ont pour objectif de représenter le monde d’une manière impartiale et
complète (ils ont le souci de l’observation et recherchent le fait vrai). Ils aiment photographier
le réel. A ce propos Stendhal disait que « le roman est un miroir que l’on promène le long de
la route ».
58

Chez Balzac, l’action est située dans le temps et l’espace avec précision. Les êtres
sont, pour lui, influencés par leur milieu de vie et le décor de leur existence est créé à l’image
de leur caractère (un bon exemple est la pension de Madame Vauquer dans Le Père Goriot :
l’endroit, qui est repoussant, est à l’image de la maîtresse des lieux !).

Certains écrivains réalistes réaliseront des enquêtes afin de restituer la réalité dans
toute son exactitude. Pensons notamment à la description de l’empoisonnement de l’héroïne
dans Madame Bovary de Flaubert. Ce dernier refuse même de laisser transparaître ses
sentiments personnels lorsqu’il décrit ses personnages. Ainsi, Champfleury, premier
théoricien du réalisme, dans Le Figaro (août 1856), affirme : « Le romancier ne juge pas, ne
condamne pas, n’absout pas. Il expose des faits ». Ce souci constant du réel explique aussi
que l'étude psychologique des individus perde de son importance au profit de l'analyse du
milieu et de la mise en relief des types sociaux. C'est en cela que le Réalisme ouvre la voie au
Naturalisme, qui le prolonge sous une forme qui se veut encore plus scientifique.
Le réalisme poussé à l’extrême s’appellera le naturalisme que l’on trouve chez Émile Zola
dont les œuvres s’appuient sur une documentation abondante.

III- LES THÈMES DU RÉALISME

Types sociaux
 Exclus
 Marginaux : pauvres, alcooliques, prostituées, etc.
 Bourgeois médiocres

Rapport des classes


 Exploitation des ouvriers, du prolétariat, par les riches bourgeois
 Impossibilité d’échapper à la misère, de changer de classe
 Déchéance toujours possible

Mœurs
 Ambition – égoïsme – hypocrisie
 Perte des valeurs morales au profit des valeurs capitalistes
 Tares héréditaires (la physiologie influence la psychologie) – soumission aux impulsions,
aux passions viles
 Impossibilité de l’amour (ça ne marche jamais)
59

CONCLUSION

En conclusion le réalisme se révolte contre le romantisme. Ce dernier courant mettait


en avant le goût du rêve, du mystère et du fantastique (les écarts de l’imagination étaient
fréquents chez les écrivains romantiques). Il ne faut pas oublier que le romantisme déformait
parfois la vérité pour des raisons esthétiques.

Le réalisme peut être mis en relation avec le positivisme (courant philosophique du 19 e


siècle) qui professe le respect des faits matériels et étudie les hommes d’après leur
comportement et leur milieu (le positivisme était opposé au rêve, à l’imagination, à la
métaphysique). Le domaine d’élection du réalisme est le roman où l’on peut observer un
grand réalisme de l’observation. Sur le plan pictural, on peut citer Gustave Courbet qui fut un
grand peintre réaliste.
60

LE RÉALISME
I- ORIGINE DU RÉALISME

Le mouvement est apparu d'abord en peinture vers 1830 et en littérature entre 1840 et
1890. Le concept de réalisme en peinture a probablement intéressé Champfleury qui exigeait
du romancier "la sincérité dans l'art". Le réalisme s'est donc exprimé par un souci de "coller
au vrai" à travers un travail d'expression, de structure, en un mot la stylisation. Or, il ne s'agit
pas d'une tendance isolée mais d'un mouvement en relation étroite avec l'évolution des
mentalités et des données sociales. La Révolution industrielle, l'importance prise par le
prolétariat, les mouvements ouvriers, déterminent de nouvelles sources d'intérêt pour les
artistes. Le progrès des sciences, la découverte de la photographie, d'abord stricte
reproduction du réel, ont également une influence importante au moment où la Révolution
met fin aux illusions romantiques.

II- CARACTÉRISTIQUES DU RÉALISME

Champfleury, dans Le Réalisme (1857) écrit : « La reproduction exacte, complète,


sincère du milieu où l'on vit, parce qu'une telle direction d'études est justifiée par la raison,
les besoins de l'intelligence et l'intérêt du public, et qu'elle est exempte de mensonges, de
toute tricherie ».

Dès lors la littérature réaliste puise ses thèmes dans l'observation du monde
contemporain, social et historique : il s'intéresse aux choses, aux gens et aux situations qui
n'étaient pas jusque là considérés comme artistiques. Ainsi, dès 1835, Balzac, dans Le Père
Goriot, décrit un intérieur où tout est sale, nauséabond, délabré, écœurant. La création
picturale et littéraire se tourne aussi vers ceux qui vivent dans ces cadres médiocres : ouvriers,
artisans, prostituées, marginaux, représentés dans les aspects souvent les plus sordides de leur
existence.

Les romanciers réalistes (Balzac, Flaubert, Stendhal qui est à la fois romantique et
réaliste, Maupassant ...) ont pour objectif de représenter le monde d’une manière impartiale et
complète (ils ont le souci de l’observation et recherchent le fait vrai). Ils aiment photographier
le réel. A ce propos Stendhal disait que « le roman est un miroir que l’on promène le long de
la route ».
61

Chez Balzac, l’action est située dans le temps et l’espace avec précision. Les êtres
sont, pour lui, influencés par leur milieu de vie et le décor de leur existence est créé à l’image
de leur caractère (un bon exemple est la pension de Madame Vauquer dans Le Père Goriot :
l’endroit, qui est repoussant, est à l’image de la maîtresse des lieux !).

Certains écrivains réalistes réaliseront des enquêtes afin de restituer la réalité dans
toute son exactitude. Pensons notamment à la description de l’empoisonnement de l’héroïne
dans Madame Bovary de Flaubert. Ce dernier refuse même de laisser transparaître ses
sentiments personnels lorsqu’il décrit ses personnages. Ainsi, Champfleury, premier
théoricien du réalisme, dans Le Figaro (août 1856), affirme : « Le romancier ne juge pas, ne
condamne pas, n’absout pas. Il expose des faits ». Ce souci constant du réel explique aussi
que l'étude psychologique des individus perde de son importance au profit de l'analyse du
milieu et de la mise en relief des types sociaux. C'est en cela que le Réalisme ouvre la voie au
Naturalisme, qui le prolonge sous une forme qui se veut encore plus scientifique.
Le réalisme poussé à l’extrême s’appellera le naturalisme que l’on trouve chez Émile Zola
dont les œuvres s’appuient sur une documentation abondante.

III- LES THÈMES DU RÉALISME

Types sociaux
 Exclus
 Marginaux : pauvres, alcooliques, prostituées, etc.
 Bourgeois médiocres

Rapport des classes


 Exploitation des ouvriers, du prolétariat, par les riches bourgeois
 Impossibilité d’échapper à la misère, de changer de classe
 Déchéance toujours possible

Mœurs
 Ambition – égoïsme – hypocrisie
 Perte des valeurs morales au profit des valeurs capitalistes
 Tares héréditaires (la physiologie influence la psychologie) – soumission aux impulsions,
aux passions viles
 Impossibilité de l’amour (ça ne marche jamais)
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CONCLUSION

En conclusion le réalisme se révolte contre le romantisme. Ce dernier courant mettait


en avant le goût du rêve, du mystère et du fantastique (les écarts de l’imagination étaient
fréquents chez les écrivains romantiques). Il ne faut pas oublier que le romantisme déformait
parfois la vérité pour des raisons esthétiques.

Le réalisme peut être mis en relation avec le positivisme (courant philosophique du 19 e


siècle) qui professe le respect des faits matériels et étudie les hommes d’après leur
comportement et leur milieu (le positivisme était opposé au rêve, à l’imagination, à la
métaphysique). Le domaine d’élection du réalisme est le roman où l’on peut observer un
grand réalisme de l’observation. Sur le plan pictural, on peut citer Gustave Courbet qui fut un
grand peintre réaliste.
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LA PHILOSOPHIE DES LUMIERES

I- CONTEXTES
1/ CONTEXTE HISTORIQUE :
1715 : mort de Louis XIV et début du mouvement des Lumières.
1750-1762 : apogée du mouvement avec la publication de l’Encyclopédie de Diderot et
d’Alembert.
A partir de 1762 : les idées des Lumières sont diffusées dans une large partie de la
population alors que jusque là elles n’étaient connues que par l’élite.

2/ CONTEXTE SOCIAL
On assiste au XVIIIème siècle à une profonde transformation de la vie culturelle : une
véritable opinion publique se constitue, indépendante du pouvoir politique en place. (Ce
phénomène ne concerne pas vraiment le peuple, trop peu alphabétisé.)
Ecrire tend à devenir une profession indépendante. De plus en plus d’écrivains, comme le
dramaturge Beaumarchais, luttent pour faire reconnaître leurs droits. Certains parviennent à
vivre de leur plume (Voltaire), ce qui garantit l’indépendance de leur pensée.
 Le livre a une plus large diffusion : le nombre d’ouvrages et le nombre d’exemplaires
pour chaque ouvrage augmente considérablement. On voit apparaître des exemplaires
brochés (ex. la Bibliothèque bleue de Troyes) qui circulent dans les couches sociales
moins favorisées et sont lus à haute voix à ceux, nombreux, qui ne savent pas lire.
 Les lieux de rencontre et d’échange d’idées entre personnes cultivées se multiplient,
autant dans la sphère privée (par ex. le salon de Mme Du Deffand ou celui de Mme
Geoffrin) que dans la sphère publique (cafés comme le café de la Régence évoqué par
Diderot au début du Neveu de Rameau, ou clubs).
 Les gazettes et les périodiques prennent le relais des conversations : les débats
d’idées sortent ainsi du milieu restreint des salons privés. Le premier quotidien en
France, Le Journal de Paris paraît en 1777.
 La correspondance a également une large place dans la diffusion des idées
nouvelles, à l’intérieur et à l’extérieur du territoire français. Elle prolonge par écrit les
conversations. (Voltaire écrit près de vingt mille lettres à plus de sept cent
destinataires différents parmi lesquels Catherine II, impératrice de Russie et Frédéric
II de Prusse.)
64

 Les conversations trouvent un écho dans la littérature sous la forme de dialogues


philosophiques (Diderot affectionne ce genre : cf. Supplément au voyage de
Bougainville ou Le neveu de Rameau)
II- LA PHILOSOPHIE DES LUMIÈRES
1/ Définition du concept « Lumière »

Le nom « Lumières » désigne métaphoriquement le mouvement intellectuel qui naît


en Europe au XVIIIème siècle. La métaphore évoque le passage de l’obscurité de la nuit à la
lumière d’un jour nouveau, c’est-à-dire d’une société qui repose sur la tradition et la
référence aux textes sacrés à une société qui privilégie la connaissance rationnelle et
l’esprit critique.(cf. « Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise
des Lumières » E. Kant)
La philosophie des Lumières ne constitue pas un système de pensée élaboré par un
seul auteur de référence mais un mouvement qui regroupe des intellectuels de formations
diverses et partageant des valeurs communes.
Les collaborateurs de l’Encyclopédie viennent de tous les horizons : d’Alembert est
mathématicien, Buffon biologiste, Montesquieu juriste, Voltaire, Diderot sont avant tout des
écrivains.
Tous partagent les mêmes convictions fondamentales mais chacun a une personnalité
marquée : en matière de religion Voltaire est déiste, Diderot et Helvétius sont matérialistes
(proches de l’athéisme). Le plus connu pour son engagement est Voltaire (affaire Calas), mais
tous sont, à leur façon, des militants.

2/ Qu’est-ce qu’un « philosophe » au XVIIIème siècle ?


Dumarsais dans l’article « philosophe » de l’Encyclopédie le définit ainsi :
 Intellectuellement c’est un homme qui ne se fie qu’à sa raison
« La raison est à l’égard du philosophe ce que la grâce est à l’égard du chrétien. »
« L’esprit philosophique est […] un esprit d’observation et de justesse, qui rapporte tout à ses
véritables principes ».
 Socialement c’est un homme qui aime vivre en société.
« …un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile »
 Moralement c’est un homme honnête et responsable, conscient de ses devoirs envers
la société.
65

« …le philosophe est jaloux de tout ce qui s’appelle honneur et probité. La société civile est,
pour ainsi dire, une divinité pour lui sur la terre.»

III- LES VALEURS COMMUNES AUX PHILOSOPHES DES LUMIÈRES


· Le rejet du despotisme et de l’Eglise qui imposent des préjugés aux peuples pour
mieux les soumettre à leur pouvoir.
Ils sont favorables à une monarchie « éclairée », constitutionnelle. (Le peuple est jugé
trop ignorant pour participer au pouvoir. Seul Rousseau développe l’idée de la
souveraineté populaire.)
Ils combattent en faveur de la tolérance et pour la liberté de culte en matière de religion.

· La confiance en la raison humaine.


Les philosophes cherchent à développer par tous les moyens l’esprit critique de
leurs contemporains : contes philosophiques de Voltaire ou articles de l’Encyclopédie où
le lecteur doit savoir déchiffrer les idées subversives que cachent certains articles
apparemment anodins. (Ex. article « nommer » reproduit p.230 du manuel)
Ils condamnent la censure et affirment le droit à la liberté d’expression, facteur de
progrès social.

· La foi dans le progrès de l’humanité.


Les philosophes des Lumières croient en effet au progrès : l’homme, pensent-ils, a
son avenir entre ses mains. (Voltaire : Candide « Il faut cultiver notre jardin. ».)
L’amélioration de la condition humaine dépend donc de la diffusion des idées
philosophiques dans la société et du développement d’une économie libérale à visage
humain (refus de l’esclavage).

· Le droit au bonheur.
Les philosophes reconnaissent à l’être humain le droit à un bonheur immédiat,
conforme à la nature, qui est un épanouissement à la fois individuel et collectif. Ils
réhabilitent le plaisir. Leurs idées vont donc à l’encontre de la religion chrétienne qui
voit dans la vie terrestre une épreuve et une purification par la souffrance.
66

CONCLUSION

On appelle "philosophes du XVIIIème" des écrivains qui ont mis, avec optimisme,
leur plume au service des "Lumières" contre l'obscurantisme, en particulier dans les
domaines de la morale, de la politique et de la religion.
Préoccupés du bonheur et du bien-être des hommes, soucieux de s'inscrire dans la
réalité de leur temps, ils se sont battus avec les armes de l'observation scientifique, de
l'esprit critique, de la logique et de la Raison contre les préjugés, les explications
surnaturelles, les superstitions et toutes les formes de fanatisme, d'oppression et de
persécution, ont œuvré, par l'audace de leurs écrits, pour le progrès de la civilisation, la
liberté de conscience et d'expression et ont défendu les valeurs d'humanité, d'égalité et
de fraternité.

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