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Méthode de la dissertation en philosophie

La dissertation en philosophie est l’héritière de la « dispute » médiévale, où deux étudiants de


l’université s’affrontaient sur une même question, en défendant respectivement le « pour et le
contre ». Ainsi, l’objet de la dissertation n’est pas de donner immédiatement son point de vue,
une réponse à la question posée, mais de proposer un dialogue, une discussion entre différents
points de vue possibles, voire des réponses opposées, pour parvenir à une réponse raisonnée et
mûrement réfléchie. Il n’y a pas une seule dissertation possible pour un sujet donné, les
chemins peuvent être multiples, mais il faut que ce cheminement soit ordonné et structuré.

Règle I :
Lire et analyser très attentivement le sujet. Il ne faut pas focaliser exclusivement son attention
sur le thème du programme (par exemple, la vérité ou la liberté) et oublier la question posée.
La dissertation n’est pas une récitation du cours. Il faut analyser la question qui vous est
posée. Chaque terme du sujet est important.

Règle II :
Analyser les termes du sujet ne se réduit pas à en donner une définition toute faite qu’on ne
réutilise plus par la suite. Il faut que cette analyse donne à réfléchir sur le sujet. Il faut ainsi
penser aux différents sens des mots, et en quoi cette diversité peut faire varier la réponse au
sujet. Par exemple, l’expression « Peut-on » dans un sujet peut signifier « est-il possible » ou
« a-t-on le droit », ce qui n’est pas la même chose. Certains sujets portent seulement sur une
seule signification. Par exemple, pour le sujet « Peut-on désobéir aux lois ? », « peut-on »
renvoie à l’autorisation morale, car il va de soi, ce qui est donc peu intéressant, qu’il est
possible de désobéir aux lois. Mais pour certains sujets, on peut donner une double
interprétation à « Peut-on », comme pour le sujet suivant : « Peut-on se libérer du passé ? ».
« Peut-on » peut ici être interprété à la fois comme une possibilité (la capacité de s’affranchir
du poids du passé), ou comme une autorisation morale (Doit-on garder en mémoire le passé,
lui être fidèle ?).

Règle III : La problématisation du sujet.

Une étape cruciale du travail de la dissertation. Attention ! La question posée dans le sujet
et la problématisation sont deux choses tout à fait distinctes. La problématisation ne
consiste pas à répéter la question posée sous une forme légèrement différente, mais elle
consiste à montrer que la réponse à la question posée ne va pas de soi. Il s’agit, ainsi, de
montrer en quoi la question posée renferme certaines difficultés qui justifient la dissertation et
le développement d’une réflexion philosophique. Pour problématiser le sujet, il faut donc
remettre en question la réponse qui semble la plus évidente au sujet, une opinion qui n’est pas
assez interrogée. Par exemple, considérons le sujet : « Être libre, est-ce faire tout ce que l’on
désire ? », une réponse qui semble évidente se présente à nous, issue de l’opinion commune :
« oui, la liberté consiste dans la capacité de réaliser tous nos désirs ». Il s’agit pour
problématiser le sujet de remettre en question cette « fausse évidence », cette opinion qui
semble aller de soi et qui, pourtant, exige d’être interrogée.
Exemple : « Être libre, est-ce faire tout ce que l’on désire ? » Oui, nous associons
habituellement la liberté à la capacité de réaliser nos désirs sans contrainte (Réponse qui
semble aller de soi). Et pourtant, l’expérience montre que les hommes peuvent parfois être
esclaves de leurs désirs, comme dans l’addiction ou en raison d’une passion très intense. La
liberté n’est-elle pas dans la maîtrise de soi et non dans l’abandon à ses désirs ? De plus, le
désir n'est pas le plus souvent le résultat d’un choix, c’est un sentiment qui s’impose à nous :
la liberté ne réside-t-elle pas au contraire dans le pouvoir de choisir et de prendre des
décisions réfléchies ? (remise en question de l’opinion qui semblait aller de soi).
La problématisation est le cœur de l’introduction de la dissertation.

Règle IV :
L’introduction doit se composer d’une accroche (un exemple tiré d’une œuvre, de l’actualité,
de l’expérience ordinaire, etc.. qui éveille l’attention du lecteur et permet d’introduire la
question), de l’analyse et de la problématisation du sujet, et d’une annonce du plan. Rédiger
une bonne introduction est d’une grande importance pour la dissertation. Vous ne devez en
aucun cas négliger la rédaction de l’introduction qui pose les bases de la dissertation.

Règle V : Le plan

Le plan doit être « dialectique », ce qui veut dire qu’il doit faire dialoguer différentes réponses
à la question posée et comporter trois parties. Le plan thématique est exclu. Par exemple, si le
sujet est : « Être libre, est-ce faire tout ce que l’on désire ? », vous ne devez pas faire une
première partie sur la liberté et une seconde sur le désir. Chaque partie doit
correspondre à une réponse possible à la question posée dans le sujet. Le plus souvent, la
première partie approfondit la réponse au sujet qui semble à première vue la plus évidente. Et
la seconde rassemble des objections à la première partie, ou offre une réponse contraire. La
difficulté porte donc principalement sur la troisième partie. Voici quelques idées de stratégie
possible pour la troisième partie :
-dépasser l’opposition entre les deux parties précédentes en proposant une « troisième voie »
(« ni-ni »). Exemple : « Faut-il rechercher la vérité au-delà des apparences ? ».
I. Oui, la science doit aller au-delà des apparences sensibles qui sont trompeuses.
II. Non, il faut savoir apprécier les apparences et les observer, il y a une vérité dans
l’apparence.
III. L’apparence permet d’exprimer et de manifester ce qui n’apparaît pas et qui n’est pas
immédiatement visible, dans l’art en particulier. C’est grâce à l’apparence que nous allons au-
delà de l’apparence.

-remettre en question un présupposé du sujet : certains sujets ont un présupposé que l’on peut
remettre en question pour construire une troisième partie. Par exemple, le sujet « Suffit-il
d’obéir aux lois pour être juste ? » a comme présupposé l’idée que l’obéissance aux lois est
une condition de la justice. Mais une troisième partie pourrait remettre en question ce
présupposé en se demandant si l’obéissance aux lois ne peut pas, parfois, provoquer des
injustices (retournement complet du sujet).

-situer la question dans un autre domaine, par exemple dans l’art ou la politique. Exemple : La
liberté est-elle une illusion ? On peut faire une troisième partie sur la liberté au sens politique,
après avoir mené une réflexion sur la relation entre déterminisme et libre arbitre sur un plan
métaphysique (la liberté est une illusion sur le plan métaphysique, mais pas sur le plan
politique, par exemple).

-proposer une distinction conceptuelle. Par exemple, sur le sujet « Le bonheur est-il la fin de
l’existence humaine ? », on propose le plan suivant :
I. Oui, nous le recherchons tous, c’est le but ultime de la vie.
II. Non, il y a des fins supérieures au bonheur, comme le devoir ou la vérité. Par exemple, un
homme peut renoncer au bonheur par devoir moral.
III. Il faut distinguer bonheur et satisfaction. L’obéissance au devoir moral offre un
contentement intérieur et durable qui se distingue des satisfactions passagères ou
superficielles.
Règle VI : Le développement

Remarque globale : prenez soin de la « clarté » de votre discours. Le correcteur doit


pouvoir suivre la progression ordonnée de votre devoir et de votre argumentation.
Le développement doit se présenter comme un ensemble ordonné d’arguments correspondant
à chaque partie du plan, en distinguant parties et sous-parties. Chaque sous-partie correspond
à un seul argument qui soutient la thèse générale de la partie en question. Par exemple, pour le
sujet « Faut-il rechercher la vérité au-delà des apparences ? », la thèse générale de la première
partie sera : « Oui, la recherche de la vérité doit dépasser les apparences », et le premier
argument (qui correspond à la première sous-partie) sera : « l’apparence est ce que l’on voit
au premier abord, sans avoir pris le temps de connaître et d’étudier la chose ou la personne.
Donc il ne faut pas s’y fier. Par exemple, un fruit peut paraître agréable, alors qu’il est
empoisonné ». Un second argument ajoutera, toujours dans cette première partie, une seconde
sous-partie : « les sens ne nous montrent pas la réalité telle qu’elle est, la science doit aller au-
delà des apparences sensibles ».
ATTENTION : chaque sous-partie doit commencer par l’argument philosophique, et non par
un exemple. L’exemple doit venir seulement illustrer l’argument, dans un second temps. Il
en va de même pour la référence à un auteur. Ne commencez pas le paragraphe par « Selon
Descartes », mais par l’argument en lui-même. Ensuite, vous vous appuyez par exemple sur
un texte de Descartes. Choisissez bien vos exemples.

Règle VII : La conclusion

La conclusion doit formuler de façon synthétique la solution à laquelle vous êtes parvenu, en
rappelant en quoi elle est le résultat d’un cheminement de pensée, mais ATTENTION, il ne
faut pas résumer toute votre dissertation dans la conclusion. De plus, il faut donner une
solution dans la conclusion. Pas de conclusion comme : « certains pensent cela », « d’autres
pensent ceci ». Il est inutile de proposer une ouverture, la conclusion doit présenter un
achèvement, elle constitue le résultat du dialogue mené dans la dissertation.

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