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ICONOCLAST FILMS

Elias Belkeddar est autodidacte. Lorsque son frère Mourad était stagiaire à 30
ans, il faisait de la régie à 18 ans. Cinq ans plus tard il se fait engagé par Pulse,
une société de production publicitaire et télévisuelle. Elias dit avoir travaillé sur
beaucoup de clips notamment certains du groupe Flying Lotus. Ces
expériences lui ont permis de nouer des liens avec plusieurs chefs opérateurs
londoniens.
Par la suite, Elias travaille avec un producteur de clips chez Iconoclast, avec
succès, mais il se lasse rapidement. Il se dit mauvais commerçant, et se sent
plus attiré par la fiction. Il créée donc le département fiction d’Iconoclast,
Iconoclast Films. Aujourd’hui, depuis sept ans, la société a accouché d’une
dizaine de long métrages et d’une quarantaine de court-métrages, entre autres.
Par ailleurs, au départ, la publicité finançait le cinéma chez Iconoclast. Ce n’est
maintenant plus le cas. Iconoclast Films est complètement indépendant, il n’y a
pas de frais généraux communs. Les deux sociétés logent juste dans le même
immeuble.
Après avoir résumé son parcours, Elias évoque la question de la temporalité de
fabrication des films. D’après lui, la temporalité des sociétés anglo-saxonnes
et coréennes est plus courte que celle des sociétés françaises dont il discerne
en règle générale une certaine inertie dans l’écriture, en partie dû à notre
culture de l’auteur en quête d’inspiration. Elias précise qu’en France, il y a un
cadre de création confortable nécessaire. Mais selon lui, il ne doit pas pour
autant créer de l’inertie. « Le système français n’a que des qualités mais qui
peuvent générer de l’inertie par le confort. »
Elias se sent plus enclin à soutenir un cinéma indépendant avec une ambition
internationale, porteur d’une conscience de ce qu’est un budget et des réalités
du marchés. D’après lui, certains projets ne peuvent pas s’écrire sur une durée
trop longue, c’est pourquoi il faut parfois savoir éviter une série de compromis
qui augmenteraient le coût du film, ne pas hésiter à fixer un délai d’écriture.

Sa ligne édito se définit par beaucoup de premiers longs, une stratégie qui
s’explique aussi par le fait qu’Iconoclast Films est une jeune société qui doit
faire ses preuves. Il faut donc arriver sur le marché avec des talents. Il faut
créer une famille, s’identifier comme une marque et ensuite la faire prospérer
artistiquement. Les premiers films, c’est une manière d’être à égalité avec les
talents. Tout le monde apprend. Elias nous invite également à se rendre compte
de ce que c’est que de demander 3 millions d’€ quand on fait un premier film.
L’auteur est comme une vitrine pour la société. Il permet de séduire les
annonceurs. Avec les talents, il n’y a que des contrats moraux. Pour la
disponibilité d’écriture et pour la crédibilité, c’est important qu’ils ne travaillent
pas ailleurs. C’est une question d’écosystème.
Pour dénicher des talents, Elias attire notre attention sur le format court. Lui-
même regarde énormément de court-métrages, reçoit des liens de festivals de
courts (avec un pré-tri généralement). Il ne regarde pas forcément beaucoup
de longs et ne cherche pas à draguer les talents des autres sociétés de
production.
Beaucoup de producteurs se retrouvent bloqués à faire de la lèche à leurs
talents, le problème étant que par la suite, ces derniers finissent par être
incapables d’entendre la vérité. Il faut garder ce rapport de vérité, de sincérité
avec le talent, ne pas hésiter à partager ses failles de producteur, ses erreurs,
car de toute façon tout finit par se savoir. Elias précise que la plupart du temps,
ce qui tue les relations de travail, c’est l’orgueil.
Elias ne va pas beaucoup sur les tournages car ce n’est pas forcément tout le
temps très agréable pour les cinéastes qu’on soit là pour des questions
d’autorité. On fait un pari, on fait confiance. Et puis cela prend du temps. Il faut
donc plutôt se reposer sur des directeurs de production de confiance.
Travailler avec Netflix, c’est céder tous les droits à la plateforme ce qui laisse
peut de remontées pour le producteur. Avec eux, on ne touche qu’un salaire.
Par ailleurs, Netflix impose un gros contrôle sur la production et sur l’écriture,
à moins d’avoir d’énormes talents. Ils travaillent sur une temporalité très très
courte.
Elias s’interesse de très près aux équipes techniques. C’est vital selon lui. Il
opte donc pour une conduite très interventionniste sur plusieurs domaine
(fabrication, rendu de la direction artistique, costumes, décors, images). Il lâche
au passage que selon lui, en France, nous manquons de personnalité dans la
direction image. On y préfère souvent la direction d’acteur et l’écriture. Là-
dessus Elias dit se sentir plus apte à ne pas apprendre à Zidane comment jouer
au foot. Il choisit la bonne personne selon lui et la laisse faire.
« Si on a peur du conflit, il ne faut pas faire ce métier. » Le conflit fait partie
intégrante de la mentalité d’une équipe de tournage. Gérer 80 personnes qui
ne se connaissent pas et qui travaillent beaucoup, avec des imprévus et des
difficultés, cela ne peut qu’entraîner du conflit.
Elias recommande de savoir écrire, vendre et lire, pour vivre plus de choses,
s’identifier à plusieurs boulots, se nourrir de tout. Cela permet aussi d’être en
mesure de refuser des choses.

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