MAÎTRE DE MUSIQUE.— Il est vrai. Nous avons trouvé ici
un homme comme il nous le faut à tous deux. Ce nous est une douce rente que ce Monsieur Jourdain, avec les visions de noblesse et de galanterie qu'il est allé se mettre en tête. Et votre danse, et ma musique, auraient à souhaiter que tout le monde lui ressemblât. MAÎTRE À DANSER.— Non pas entièrement; et je voudrais pour lui, qu'il se connût mieux qu'il ne fait aux choses que nous lui donnons.
MAÎTRE DE MUSIQUE.— Il est vrai qu'il les connaît mal,
mais il les paye bien; et c'est de quoi maintenant nos arts ont plus besoin, que de toute autre chose. MAÎTRE À DANSER.— Pour moi, je vous l'avoue, je me repais un peu de gloire. Les applaudissements me touchent; et je tiens que dans tous les beaux arts, c'est un supplice assez fâcheux, que de se produire à des sots; que d'essuyer sur des compositions, la barbarie d'un stupide. Il y a plaisir, ne m'en parlez point, à travailler pour des personnes qui soient capables de sentir les délicatesses d'un art; qui sachent faire un doux accueil aux beautés d'un ouvrage; et par de chatouillantes approbations, vous régaler de votre travail. Oui, la récompense la plus agréable qu'on puisse recevoir des choses que l'on fait, c'est de les voir connues; de les voir caressées d'un applaudissement qui vous honore. Il n'y a rien, à mon avis, qui nous paye mieux que cela de toutes nos fatigues; et ce sont des douceurs exquises, que des louanges éclairées. I- Identification du texte 1- Situation : Les scènes 1 et 2 de l’acte I sont l’exposition de la comédie ballet « Le Bourgeois Gentilhomme » écrite par Molière en 1670. L’action commence dans la journée ; dans la demeure de monsieur Jourdain. 2- Caractéristiques : Genre : Extrait d’une comédie. Type : Scène1 argumentatif / Scène 2 Descriptif. Didascalies : « l’ouverture se fait … une Sérénade ». « Parlant à ses musiciens… ». Personnages : Maître de musique et Maître à danser, M. Jourdain.
II – Hypothèses de lecture
Présentation des personnages. Comment sont-ils ? - Quand M. Jourdain arrive ; confirme- t- il l’opinion de ses deux maîtres ou non ?.
III- Axes de lecture.
Axe 1 : Caractéristiques de l’opposition.
A) Les lieux : Une pièce de la demeure de M. Jourdain B) Le temps : Le matin (M. Jourdain n’est pas encore réveillé) (L’unité de temps : la pièce commence le matin et se termine le soir)
C) Les personnages : scène 1 Le matérialisme du Maître de musique. -« Ce nous est une douce rente que ce Monsieur Jourdain ». -« Il est vrai qu’il les connait mal mais il les paie bien » L’idéalisme de Maître à danser
-« Pour moi, je l’avoue, je me repais un peu de gloire, les applaudissement me touchent …Il y a plaisir, ne m’en parlez point, à travailler pour des personnes qui soient capables de sentir les délicatesses d’un art… » AVEZ-VOUS BIEN LU ? 1. Onze personnages sont présents sur scène. Ce sont essentiellement le Maître à danser et le Maître de musique qui prennent la parole. 2. Nous sommes dans une maison bourgeoise dont le propriétaire a un train de vie aisé. Il semble amateur d’art et prêt à dépenser beaucoup d’argent : il fait venir à domicile des maîtres et donner des concerts dans sa maison.Il s’agit donc d’un homme fortuné (l. 19-20 et 55). Mais ce bourgeois est ignorant : en fait, il ne s’y connaît pas en matière d’art ; de plus, il est sot (l. 51 à 53). Il a décidé de devenir noble, de recevoir l’instruction et l’éducation nécessaires pour paraître gentilhomme. De là, s’ensuit un personnage un peu ridicule ; cela explique le ton supérieur et quelque peu méprisant sur lequel les maîtres parlent de ce bourgeois (l. 56 et 67). ◆ ÉTUDIER LE DISCOURS ET LA GRAMMAIRE 3. Substituts non pronominaux : « notre homme » (deux fois), « ce monsieur Jourdain », « ce bourgeois ignorant ». Les deux derniers sont péjoratifs, par l’utilisation de l’adjectif démonstratif « ce » et par celle de l’adjectif qualificatif « ignorant ». 4. Expressions : « Il est vrai », « Non pas entièrement », « Il est vrai », « Pour moi, je vous l’avoue »,« J’en demeure d’accord »,« Il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites ».Leur relation est donc très civile,polie,voire cordiale.Ils savent exprimer leur désaccord sans heurt – ce qui ne sera plus le cas dans les scènes suivantes. 5. Les termes appartenant au champ lexical de la gloire et du prestige sont les suivants : « applaudissements », « plaisir », « délicatesses », « beauté », « encens », « chatouillantes approbations », « caressées d’un applaudissement », « louanges éclairées ». Ceux appartenant au champ lexical de l’argent sont les suivants : « douce rente », « paie bien », « cet encens ne fait pas vivre »,« mêler du solide »,« louer avec les mains »,« argent »,« bourse »,« louanges […] monnayées », « paiera ». 6.Les maîtres débattent de l’importance de l’argent dans leurs arts,des satisfactions que l’art et sa pratique doivent leur apporter (matérielles et/ou spirituelles). La question essentielle est : « Vaut-il mieux un élève sot mais qui paie bien, plutôt qu’un élève qui n’a pas d’argent mais apprécie les arts à leur juste valeur et qui ait du goût ? » 7. Les maîtres sont d’accord sur la nécessité de leur art et, concrètement, veulent tirer profit du bourgeois : « Vous recevez fort bien […] » (l. 63-64).