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Moments cinétiques et harmoniques sphériques

C. Winkelmann / Phelma

1 Relations de commutation

Notations: lettre majuscule = opérateur, en gras = vecteur

1.1 Relations constitutives


Par analogie avec les variables cinématiques classiques, on définit l’opérateur
quantique de moment cinétique orbital

L = R × P.

Ainsi on a par exemple


 
∂ ∂
Lx = Y Pz − Z Py = −i~ Y −Z .
∂z ∂y

On a alors
[Lx , Ly ] = i~Lz
ainsi que les relations obtenues par permutation circulaire.

Preuve :

[Lx , Ly ] = [(Y Pz − ZPy ), (ZPx − XPz )]


= Y [Pz , Z] Px + Py [Z, Pz ] X
= i~(−Y Px + X Py ) = i~Lz
Soit J un vecteur composé de trois opérateurs hermitiens Jx , Jy , Jz . Cet
opérateur sera appelé un moment cinétique si et seulement si

[Jx , Jy ] = i~Jz

et permutations circulaires. Un moment cinétique orbital est habituellement


noté L, le moment cinétique de spin est habituellement noté S.

1
1.2 Commutation avec H
2
P
Considérons l’hamiltonien H = 2m + V (R). A quelle conditions L commute-t-il
avec H (et sera donc une quantité conservée) ?

Calculons   2 
P
[Lx , H] = (Y Pz − Z Py ), + V (R)
2m
= (Pz Y, Py2 − Py Z, Pz2 )/2m + Y [Pz , V ] − Z [Py , V ]
   
 
∂V ∂V
= (Pz 2i~Py − Py 2i~Pz )/2m + i~ Y −Z
∂z ∂y
 
∂V ∂V
= i~ Y −Z
∂z ∂y
p
Si le potentiel est isotrope, c’est à dire V (x, y, z) = V (r) avec r = x2 + y 2 + z 2 ,
alors
∂V ∂r dV z
= = V 0 (r)
∂z ∂z dr r
On voit que dans ce cas, [Lx , H] = 0. On admettra que la réciproque est vraie,
d’où

[L, H] = 0 ⇐⇒ V (x, y, z) = V (r).

1.3 Commutation avec J2


On définit J2 = Jx2 + Jy2 + Jz2 , opérateur qui peut s’interpréter comme la norme
au carré du moment cinétique. Cet opérateur commute avec chaque composante
du moment cinétique :
J, J2 = 0
 
(1)
Preuve :

Jx , J2 = Jx , Jy2 + Jz2 = Jx Jy2 − Jy2 Jx + Jx Jz2 − Jz2 Jx


   

= ([Jx , Jy ] − Jy Jx )Jy − Jy ([Jy , Jx ] − Jx Jy )


+([Jx , Jz ] − Jz Jx )Jz − Jz ([Jz , Jx ] − Jx Jz )
= i~([Jz , Jy ] + [Jy , Jz ]) = 0
Par ailleurs, si chacune des composantes de J commute avec H, alors de
manière évidente  2 
J , H = 0.

2
1.4 Base commune de diagonalisation
Puisque H, Jz et J 2 commutent tous entre eux, ils admettent une base commune
de diagonalisation, que nous allons chercher à déterminer. Soit |ψi un élément
de cette base. On peut donc écrire en toute généralité:

H|ψi = E|ψi,

Jz |ψi = ~m|ψi,
J |ψi = ~2 j(j + 1)|ψi,
2

où E est l’énergie, ~m est la projection du moment cinétique sur l’axe z, et


~2 j(j + 1). Pour l’instant on sait que m ∈ R et j ∈ R+ . Dans la suite, on
trouvera les notations équivalentes de ce même vecteur propre:

|ψi = |ψj,m i = |j, mi.

2 Opérateurs d’échelle
On définit les deux opérateurs

J± = Jx ± iJy . (2)

2.1 Relations mathématiques utiles

[Jz , J± ] = ± ~J±
[H, J± ] = 0
 2 
J , J± = 0
[J+ , J− ] = 2~Jz

Par ailleurs
J+ J− = J 2 − Jz2 + ~Jz
J− J+ = J 2 − Jz2 − ~Jz
d’où
1
J 2 = Jz2 + (J+ J− + J− J+ ).
2

3
2.2 Action de J± sur la base de diagonalisation
Pour comprendre l’action de J± sur |j, mi, calculons

Jz J+ |j, mi = ([Jz , J+ ] + J+ Jz ) |j, mi

= ~(m + 1) J+ |j, mi.


Par ailleurs

J 2 J+ |j, mi = J+ J 2 |j, mi = ~2 j(j + 1) J+ |j, mi

et
H J+ |j, mi = J+ H |j, mi = E J+ |j, mi.
On reconnait donc que J+ |j, mi est lui-même un vecteur propre de Jz (valeur
propre m + 1), de J 2 (valeur propre inchangée, j(j + 1)) et de H (valeur propre
inchangée, E). Le vecteur J+ |j, mi est donc, à une constante de normalisation
près, égal à |j, m + 1i. J+ transforme donc un vecteur de la base |j, mi et un
autre, |j, m + 1i. De la même manière, on montre que J− transforme |j, mi en
|j, m − 1i, à une constante de normalisation près.

On peut calculer le préfacteur de normalisation en calculant la norme de


J+ |j, mi:
kJ+ |j, mik2 = hj, m|J− J+ |j, mi
= hj, m|(J 2 − Jz2 − ~Jz )|j, mi
= ~2 (j(j + 1) − m(m + 1)).
Par conséquent
p
J+ |j, mi = ~ j(j + 1) − m(m + 1) |j, m + 1i

.
De la même manière, on trouve

kJ− |j, mik2 = ~2 (j(j + 1) − m(m − 1)),

et donc p
J− |j, mi = ~ j(j + 1) − m(m − 1) |j, m − 1i.

2.3 Contraintes sur les valeurs de m et j


Les résultats précédents montrent que si ~m est valeur propre de Jz alors ~(m +
1) et ~(m − 1) l’est aussi. On admettra que les seules valeurs propres possibles
sont générées ainsi.
En combinant les contraintes sur la positivité des deux normes calculées
ci-dessus, on trouve
−j ≤ m ≤ j.

4
Finalement, la distribution des m doit être symétrique autour de 0, car les
directions +z et −z sont physiquement équivalentes. Par conséquent, l’ensemble
des m possibles est soit une suite d’entiers relatifs, soit de demi-entiers relatifs,
de norme inférieure à j.
Enfin, écrivons mmax = j − , avec 0 ≤  < 1. Supposons 0 < . Dans ce
cas, le terme sous la racine dans l’expression de J+ |j, mmax i est négatif. Cette
possibilité est donc écartée, donc  = 0 et mmax = j, ce qui conduit à

J+ |j, mmax = ji = 0.

De même
J− |j, −mmax i = 0.
Finalement, j ≥ 0 est donc soit un entier, soit un demi-entier. Les m possi-
bles pour un j donné sont de la forme m = −j, −j + 1, ..., j − 1, j.
p
2
pRemarque: si on définit la norme du moment cinétique comme hJ i =
~ j(j + 1), celle-ci est toujours supérieure à ~j et donc à ~m. Cette différence
est due aux fluctuations quantiques du moment cinétique dans les directions
perpendiculaires à z.

3 Un exemple fondamental : le moment cinétique


de spin 1/2
Considérons le plus petit système de moment cinétique non-trivial : j = 1/2.
Il s’ensuit que m = ±1/2. Par économie d’écriture, on notera les vecteurs
|j = 1/2, m = ±1/2i = |±i.
Soit S l’opérateur moment cinétique associé à ces valeurs propres. Par
définition des valeurs propres j et m, on a dans la base ci-dessus
 
~ 1 0
Sz =
2 0 −1
et
3~2
 
2 1 0
S = .
4 0 1
En écrivant l’action de S± sur les vecteurs |±i respectivement, on trouve
 
0 1
S+ = ~
0 0
et  
0 0
S− = ~ .
1 0
En inversant les relations de l’Eq. (2), on détermine Sx et Sy , ce qui permet
d’écrire in fine
~
S = σ,
2

5
où le vecteur
 d’opérateurs
 σ est constitué
 de trois
 matrices

0 1 0 −i 1 0
σx = , σy = et σz = , appelées matrices de
1 0 i 0 0 −1
Pauli.

4 Application du moment cinétique orbital : états


liés dans un potentiel Coulombien
4.1 Harmoniques sphériques
En coordonnées polaire, l’opérateur gradient s’écrit
∂ 1 ∂ 1 ∂
∇ = ur + uθ + uϕ .
∂r r ∂θ r sin θ ∂ϕ
Par conséquent, le moment cinétique orbital s’écrit
 
∂ 1 ∂
L = R × P = −i~ r (ur × ∇) = −i~ uϕ − uθ .
∂θ sin θ ∂ϕ

On remarquera que l’opérateur L ne contient ni r, ni ur , ni ∂r . Il agit
uniquement sur la partie angulaire des fonctions d’onde.
On déduit de ce résultat immédiatement que

Lz = − sin θ Lθ = −i~ ,
∂ϕ
puis que

∂2 1 ∂2
 
2 2 1 ∂
L = (R × P) · (R × P) = −~ + + .
∂θ2 tan θ ∂θ sin2 θ ∂ϕ2
L’équation aux valeurs propres sur Lz implique alors

−i~ ψ(r, θ, ϕ) = ~m ψ(r, θ, ϕ),
∂ϕ

c’est-à-dire que ψ(r, θ, ϕ) = A(r, θ) eimϕ , avec m ∈ Z. On note ici que la con-
servation de Lz impose la dépendance en ϕ de la fonction d’onde.

De la même manière, l’équation aux valeurs propres sur L2 nous en fournit


la dépendance en θ. On écrit
 2
m2

2 2 2 ∂ 1 ∂
L ψ = ~ `(` + 1)ψ = −~ + − ψ,
∂θ2 tan θ ∂θ sin2 θ
où on notera la disparition de ∂/∂ϕ au profit de im.
Les solutions de cette équation différentielle du second ordre en θ peuvent
être trouvées simplement grâce à la méthode algébrique suivante :

6
• On détermine Lx et Ly , opérateurs différentiels du premier ordere, par
projection de L.
• On introduit L± = Lx ± iLy .
• On sait que L+ |`, m = `i = 0. Ceci est une équation différentielle du
premier ordre en θ. On trouve que la dépendance en θ est ∝ sin` (θ).
p
• On applique L− |`, m = `i = ~ `(` + 1) − `(` − 1) |`, m = ` − 1i pour
trouver la dépendance en θ des autres vecteurs prpres du moment cinétique
orbital.
Les solutions communes des deux équations aux valeurs propres du moment
cinétique ainsi déterminées sont appelées les harmoniques sphériques, notées
Y`m (θ, ϕ). q
15
Exemple : Y21 = − 8π sin θ cos θ eiϕ .
Le préfacteur de normalisation est choisi de telle manière que
Z 2π Z π
dϕ dθ sin θ |Y`m |2 = 1.
0 0

Conclusion : Si [L, H], c’est-à-dire que le moment cinétique est une quan-
tité conservée, alors les vecteurs propres de H ψ = E ψ peuvent s’écrire sous la
forme
ψ`m (r, θ, ϕ) = R`m (r) Y`m (θ, ϕ).

4.2 Hamiltonien de l’atome d’hydrogène


P2
On considère l’Hamiltonien H = 2m + V (r), où

q2 κ
V (r) = − =−
4π0 r r
est l’énergie potentielle d’un électron dans le champ coulombien d’un proton
(dorénavant m désigne la masse de l’électron et non pas la valeur propre de
Lz ). Cet Hamiltonien néglige les effets relativistes et considère que le noyau est
ponctuel et immobile (approximation de Born-Sommerfeld).
On a alors pour toute fonction ψ

L2 ~2 ∂ 2
P2 ψ = ψ− (r ψ).
r r ∂r2
Preuve : Notons Λ = L/(−i~). On a Λ = R × ∇ = −∇ × R, car ce
produit vectoriel ne mélange pas les opérateurs Pi et Ri sur la même composante
vectorielle. Par conséquent Λ2 = −(R × ∇) · (∇ × R). On utilise alors les deux
identités vectorielles suivantes A · (B × C) = (A × B) × C et A× (B × C) =
B(A·C)−(A·B)C pour montrer que Λ2 = −∇ R(R · ∇) − R2 ∇ . En utilisant

les trois relations ∇ · r = 3, r · ∇ = r ∂r et ∇r2 = 2r on arrive finalement à

7
Λ2 ∂2 2 ∂ Λ2 1 ∂2
∆= 2
+ 2+ = 2 + r,
r ∂r r ∂r r r ∂r2
ce qui est équivalent au résultat énoncé plus haut.

L’équation aux valeurs propres Hψ`m = Eψ`m , où ψ`m est également vecteur
propre de Lz et L2 , se réécrit alors simplement comme une équation différentielle
sur r

~2 ∂ 2 m
 2 
~ `(` + 1) κ
Eum ` = − u + − um
` ,
2m ∂r2 ` 2mr2 r
où on a fait le changement de variable um m
` (r) = r R` (r).

On effectue alors les changements de variable ρ = r/a et 2 = −E/Ei , où


a = ~2 /mκ ≈ 0, 53 Å est le rayon de Bohr et Ei = mκ2 /(2~2 ) ≈ 13, 6 eV est
l’énergie d’ionisation. Notons qu’on suppose ici E < 0 car on cherche des états
liés.
L’équation différentielle radiale revient finalement à résoudre

d2 u
 
`(` + 1) 2 2
− +  − u = 0.
dρ2 ρ2 ρ

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