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Travaux de l'Institut

Géographique de Reims

Qu'est-ce que la Géographie physique ?


Alain Reynaud, Roger Coque, François Durand-Dastès, Henri Enjalbert, Fernand Joly,
Jean-Louis Kretz

Abstract
What is physical geography ?
These interviews were made for a movie. Five french physical geographers give their point of view on the following issues : the
unity of physical geography, the position and the part of geomorphology, the position and the part of laboratory technics, the
applied physical geography, the position of physical geography in the university and in geography itself. The ideas are different,
because they reflect current disputes, and the answers are sometimes unexpected.

Résumé
Dans le cadre d'entretiens en vue de la réalisation d'un film, cinq géographes physiciens français donnent leur point de vue sur
les questions suivantes : l'unité de la géographie physique, la place et le rôle de la géomorphologie, la place et le rôle des
techniques de laboratoire, les applications de la géographie physique, la place de la géographie physique dans l'université et
dans la géographie. Les conceptions divergent, reflétant en cela les débats actuels, et les réponses sont parfois inattendues.

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Reynaud Alain, Coque Roger, Durand-Dastès François, Enjalbert Henri, Joly Fernand, Kretz Jean-Louis. Qu'est-ce que la
Géographie physique ?. In: Travaux de l'Institut Géographique de Reims, n°45-46, 1981. Analyse écologique. Réflexions
critiques, concepts, techniques, études de cas. pp. 37-44;

doi : https://doi.org/10.3406/tigr.1981.1096

https://www.persee.fr/doc/tigr_0048-7163_1981_num_45_1_1096

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Travaux de l'Institut de Géographie


de Reims, n° 45-46, 1981, pp. 37-44. Sous la direction d'
Alain REYNAUD
Université de Reims
Avec la participa¬
tion de :
Roger COQUE
QU'EST CE QUE Univ. de Paris I
Francois
DURAND-DASTES
LA GEOGRAPHÎE PHYSiQUE ? Univ. de Paris VII
Henri ENJALBERT
Univ. de Bordeaux II
Fernand JOLY
Univ. de Paris VII
Jean-Louis KRETZ
Univ. de Reims

Mots-clés
Résumé.-
Key
graphy
Abstract
movie.
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appliquée
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suivantes
morphologie,
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the
for
appli¬
dans
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part
la ap¬
fol¬
cinq
aen
géo¬

Les interventions que l'on va loin ci-dessous constituent la bande sonore d'un ilm réa¬
lisé en 1977 et 1978, avec l'aimable, collaboration de. six géographes firançal s il). Il s'agis¬
sait de. laisser s'exprimer librement ces géographes sur six thèmes que. j'avais retenus et
qui me semblent recouper certaines des interrogations actuelles sur la nature de la géographie
physique et les problèmes que pose sa pratique.

(1) Olivier DOLLFUS n'a pas souhaité que ses interventions soient reproduites ici.
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1. L'UNITE DE LA GEOGRAPHIE PHYSIQUE

La géographie. physique. étudie, dt nombreux domai,nej> : la végétation, leA faonme.6 du fieZie.,


leJ> i>oJU>, le. climat , le.i> e.aux coun.anteJ6 . Lu man.ue.t6 reflètent cette, multiplicité de* centrer
d' inteA.it. Pourtant, depuis queJtqueA années, on pa/ile. volontiers d'um géographie, physique.
globale, dans laqueZle. le.& diére.ntej> branches n' appaAai6.6e.nt plu6 isolées lté uneA dej> au¬
tres. Y a-t-il ou non uniXé de. la. géographie physique. 1
Jean-Louis kretz.- C'est le problème de la synthèse en géographie. Dans l'enseignement
et l'aménagement, la géographie physique globale est sans doute possible. C'est une forme de
vulgarisation. Au niveau de la recherche, l'étude physique d'un milieu exige une certaine spé¬
cialisation.
Henri enjalbert.- Il y a une unité de la géographie physique. On ne peut pas séparer les
différentes disciplines qui ont donné naissance aux paysages actuels. Et on ne peut pas non
plus les séparer de la géographie humaine puisque celle-ci intervient comme l'un des éléments
qui ont contribué à faire évoluer le paysage. La géographie physique forme donc un tout.
On peut certes privilégier, dans certains cas, l'un des aspects suivant le but poursuivi,
mais il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un ensemble, qu'il s'agit du cadre naturel,
que ce cadre naturel se situe oar rapport aux activités humaines avec des caractéristiques
qui tiennent à la géomorphologie, à la climatologie, à la végétation, et que ces différentes
disciplines sont liées entre elles.
François durand-dastes . - Oui, il y a une unité de la géographie physique dans la mesure
où il y a un système de la nature, comme on disait autrefois. Ce système a des composantes
extrêmement variées et l'étude de l'ensemble de ces comoosantes peut faire l'objet d'une ré¬
flexion globale.
Fernand JOLY.- Comme toute science, la géographie physique demande une double nécessité :
d'une part une analyse approfondie et d'autre part un point de vue, un retour â une certaine
vue globale. D'où selon les moments, selon les personnes, selon les moyens aussi, d'une part
un émiettement des spécialités : c'est ce qui s'est passé en gros durant la période 1900-1950 ;
et d'autre part la recherche ou le retour à une certaine géographie dite globale. Ce double
aspect est nécessaire : de Martonne enseignait autrefois qu'il était indispensable de prospec¬
ter à fond le détail, sans pour autant perdre de vue l'idée directrice.
En ce qui concerne la géographie globale, elle répond à un stade, à un certain besoin,
au moment précisément où, d'une part, 1 'éparpillement des sciences composant la géographie
physique est considérable et, d'autre part, au moment où l'intérêt du public se porte de nou¬
veau sur la nature, avec tout l'ensemble des concepts contenus sous le nom d'écologie.
Mais la géographie globale n'est qu'une approche parmi d'autres, qui peut d'ailleurs
être faite de deux façons : d'une manière analytique comme par exemDle dans la géographie des
paysages des Soviétiques qui s'appuie sur toute une série de mesures stationnel les extrêmement
nombreuses, et au contraire d'une manière synthétique par le biais des écosystèmes, comme le
propose ou l'a proposé Bertrand.
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Roger coque.- Est-ce qu'il y a unité de la géographie physique ? Je dirais oui, en ce


sens qu'elle a un objet d'étude précis, qui est le milieu naturel. Mais il est bien certain
que cette étude peut être abordée d'une façon analytique, en portant l'attention sur les difé-
férentes composantes du milieu naturel, relief, climat, biogéographie, hydrologie, etc. Mais
elle peut être abordée d'une autre façon, disons plus synthétique, plus globale, en considé¬
rant le paysage comme une expression du jeu de tous les facteurs naturels.
En fait, telle qu'elle est, la géograohie physique globale?à l'heure actuelle, donne mal¬
gré tout une priorité à une des composantes du milieu naturel, qui est la couverture végétale,
Il faut également remarquer que, lorsqu'on étudie une des composantes — comme le relief — tou¬
te étude géomorphologique suppose que l'on tienne compte aussi des autres éléments du milieu
naturel, c'est-à-dire le climat, la couverture végétale et les eaux. De telle sorte, au fond,
qu'il y a une simple différence dans la hiérarchie des composantes du milieu naturel, entre
une étude des différentes branches de la géographie physique telle qu'elle se pratique actuel¬
lement, et la géographie physique globale.

2. LA PLACE ET LE ROLE DE LA GEOMORPHOLOGIE

La géomorphologie, occupe, depuis longtemps une place. prépondérante. au 6eln de. la géogra¬
phie phyilque.. V Innombrables travaux ont été publiée depuis plus d'un deml-i>lècle, appuyé t>
éur deé H.e.cke.nckeA minutieuses de teAraln. Quelle place, et quel rôle, la géomorphologie, doit-
elle. joueA aujourd'hui dans la géographie physique. 1
Femand JOLY.- Ni plus ni moins que les autres spécialités ; seulement elle a été plus
travaillée et par conséquent est, dans l'ensemble, plus affirmée. Dans la chaîne des sciences
de la terre, la géomorphologie se place en aval de la géologie et en amont de la pédologie et
de la biogéographie.
Jean-Louis kretz.- Cette place est exorbitante mais fondamentale, car c'est la seule
branche de la géographie physique qui ne soit pas concurrencée à l'extérieur. Cette place est
aussi pernicieuse, car c'est à travers la géomorphologie que sont appréhendés les autres as¬
pects de la géographie physique. Par exemple, on s'intéresse à la climatologie parce qu'elle
conditionne la biogéographie, la pédologie, donc l'érosion, donc le relief. Mais cette place
est aussi paradoxale parce que, à sa façon, la géomorphologie assure l'unité de la géographie
physique dont elle est l'élément intégrateur.
Henri enjalbert.- C'est une place imoortante, parce que la géomorphologie nous fournit
le cadre du milieu naturel. Les formes du terrain commandent le développement des sols, de la
végétation, de l'écoulement des eaux et conditionnent, par conséquent, la plupart des activi¬
tés humaines qui se sont ensuite développées dans ce cadre.
Mais, surtout, il faut bien voir qu'il y a continuité lors du passage de la phase géomor¬
phologique ou morphogénétique qui a réalisé les reliefs actuels et leur modelé, aux conditions
actuelles de climat et de végétation qui sont différentes et qui introduisent des éléments
nouveaux. Par conséquent, la géomorphologie est donc une introduction à l'étude des autres
disciplines qui concernent le milieu naturel.
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François durand-das te s.-Historiquement, la géomorphologie a été longtemps, en France en


tout cas, pratiquement assimilée à la géographie physique. On en est revenu et c'est très bien.
Roger coque .- A l'heure actuelle, la géomorDhol ogie occupe effectivement une place et un
rôle prépondérants dans la géographie physique ; cela tient sans doute à des raisons histori¬
ques. Elle s'est constituée en science peut-être plus précocement que les autres. Mais il faut
ajouter que, à l'heure actuelle, les autres branches de la géographie physique se développent
rapidement, ce qui tend à remettre en question cette prépondérance. Et je trouve que c'est une
évolution heureuse, à la fois pour la géographie physique, c'est-à-dire l'étude du milieu na¬
turel, mais également pour la géomorphologie elle-même, qui utilise les données des autres
branches de la géographie physique.

3. LE ROLE ET LA PLACE DES TECHNIQUES DE LABORATOIRE

La géographie physique a élargi V aA.6e.nal de 6et> techniques . Le travaiJi en laboratoire a


conquis droit de cÂjté et ta plupart des Institute de Géographie. possèdent désormais un labora¬
toire de. géographie, physique., plus ou moins bien équipé. Quel eût le, rôle. des techniques de.
laboratoire, et, que peut-on en attendre ?
Roger coque.-En géomorphologie, certains voient une opposition entre géomorphologues de
terrain et géomorphologues de laboratoire. Je pense qu'il ne doit pas y avoir opposition et
que le laboratoire est absolument indispensable à la recherche géomorphologique contemporaine.
Ce qu'il faut, c'est que les résultats du laboratoire soient subordonnés aux données du ter¬
rain, ce qui permet d'éliminer des solutions hasardeuses obtenues en laboratoire, mais égale¬
ment d'opérer une sélection sévère entre ces différentes solutions. Donc, subordination du la¬
boratoire au terrain, mais emploi du laboratoire.
Femand JOLY.- Le travail du laboratoire, c'est un outil, un outil indispensable, mais ce
n'est qu'un outil, de sorte qu'il ne faut pas prendre les moyens pour la fin. Et il ne faut
pas faire du laboratoire uniquement pour la forme. Il faut en faire pour répondre à des ques¬
tions qui sont posées sur le terrain.
Jean-Louis kretz.- Beaucoup de bien, à condition qu'elles ne servent pas simplement à
donner une caution scientifique aux recherches.
Henri enjalbert . - Le premier mérite de ces techniques de laboratoire, c'est d'exister.
C'est-à-dire qu'on les a sous la main pour analyser certains phénomènes. Ce qui serait dange¬
reux, ce serait de penser que ces méthodes peuvent en elles-mêmes fournir la réponse à des
problèmes d'ensemble, alors que le plus souvent elles ne peuvent apporter que des vérifica¬
tions partielles. Donc, il faut utiliser ces méthodes de laboratoire mais avec circonspection
et ne pas leur demander plus qu'elles ne peuvent fournir. En un mot, il faut mesurer mais il
faut d'abord savoir ce que l'on mesure.
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4. A QUOI SERT LA GEOGRAPHIE PHYSIQUE ?

Vans tous lu> domaines du savoÂA, la question du V application se. pose. Des étants nom-
bn.e.ux ont ete fiatts pou/i tenteA d' utÂZtseA la géographie. physique., que. ce. soit poux, la cons¬
truction d'une. route. ou pour contribuer à la lutte, contre la po&Lutlon. A quoi. sert la géogra¬
phie, physique ?
Roger coque.- Pas seulement à faire la guerre. Je pense que, désormais, aucune person¬
ne avertie ne peut nier la réalité d'une géographie physique appliquée.
Jean-Louis KRETZ.- C'est une mauvaise question si elle évoque simplement l'utilité immé¬
diate. La géographie physique contribue à une meilleure connaissance de la nature, à une meil¬
leure diffusion de cette connaissance ; c'est fondamental.
Femand JOLY.- Au fond, son objectif est clair : on peut dire de la géographie physique
que c'est la science de la répartition, à la surface du globe, des phénomènes et des combinai¬
sons de phénomènes bio-physico-chimiques dans leurs causes et dans leurs conséquences. Alors,
elle a eu, elle a encore un aspect formel qui a été longtemps lié à ce qu'on appelait la géo¬
graphie des lieux vidai ienne et, d'autre part, un aspect fonctionnel, dynamique, lié à la géo¬
graphie des systèmes.
Ses méthodes sont celles des sciences naturelles, sa logique est celle des sciences de la
terre et de la vie, et non celle des sciences humaines. Cette géographie physique a alors un
double rôle : d'une part, élaborer ses résultats Dropres, pour elle-même, non anthropocentri -
que, et d'autre part fournir aux autres - y compris à la géographie humaine et au génie ci¬
vil — des renseignements, des informations utiles. On passe de la géographie humaniste à la
géographie applicable.
Henri enjalbert.- Si on l'intègre dans une géographie globale, il est bien évident que la
géographie physique sert de support aux travaux de géographie humaine. Par conséquent, 1 'étude
de la géographie physique précède celle de la géographie humaine. Mais en réalité, le plus sou¬
vent, c'est par l'étude des données de géographie humaine que nombre de thèses de géographie
physique apparaissent. Les terres vierges du Kazakhstan n'ont été connues que quand on les a
eu mises en culture et qu'il y a eu un certain nombre de déboires à leur sujet, ce qui a fait
connaître leur caractère spécifique.
François DURAND-DASTES . - Actuellement, il y a deux directions : c'est la mise en valeur
d'un système de la nature et puis la réflexion sur les effets de ce système de la nature sur
le système homme-nature. Et là on peut attendre des enrichissements du savoir de cette réfle¬
xion dans les années à venir. Et servir à enrichir le savoir, c'est servir à quelque chose.
Jean-Louis KRETZ.- Les applications de la géographie physique doivent correspondre à un
besoin, à une demande. Besoin de qui et pour faire quoi ? Tout est là. Trop souvent pour don¬
ner des arguments scientifiques et rationnels à des choix qui, en réalité, ne le sont pas. L'
utilité de la géographie physique vient parfois d'une certaine aptitude à se faire utiliser et
même récupérer.
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5 . LA PLACE DELA GEOGRAPHIE PHYSIQUE DANS L'UNIVERSITE

La géographie physique est enseignée le plus souvent dans des U.E.R. de Lettres et Scien¬
ces humaines. Que pens sa de cette situation apparemment paradoxale ?
Jean-Louis kretz.-Qu'une thèse sur les altérations du granite confère à son auteur le
titre de docteur ès-lettres, voilà qui me choque.
Henri enjalbert.-C'est le résultat de toute une histoire sur laquelle nous ne pouvons
pas revenir. Mais je pense aussi que c'est une chose remarquable et intéressante, parce qu'on
a pu ainsi faire progresser parallèlement étude physique et étude humaine, et arriver à une
notion globale, ce qui me parait du plus grand intérêt.
Roger coque.- Cela présente de gros inconvénients et pose de gros problèmes à la géogra¬
phie physique puisque, effectivement, étant données les orientations de la géographie physique
— et en particulier de la géomorphologie -,nous aurions besoin d'étudiants qui aient une soli¬
de formation scientifique. Or, dans les universités littéraires, évidemment, ils ne possèdent
pas cette base. Par conséquent, nous devons colmater des brèches. Et puis, autre inconvénient ,
cela nous prive des étudiants des universités de sciences qui seraient intéressés par la géo¬
graphie physique, notamment par la géomorphologie. Je sais que, maintenant, on voit se dévelop¬
per dans ces universités des départements de géographie physique et que, prolongeant l'ensei¬
gnement de la géologie, on y fait de la géomorphologie.
François durand-dastes . - L'essentiel, c'est qu'elle soit enseignée dans des Instituts de
Géographie. Le reste, après, c'est une affaire d'entente interuniversitaire et de commodité.
Femand JOLY.- C'est une catastrophe : au niveau du recrutement des étudiants, au niveau
des moyens matériels, au niveau des liaisons scientifiques et au niveau des débouchés. Une né¬
cessité existe : c'est celle, en tout cas, d'un statut scientifique de la recherche en géogra¬
phie physique.
6. LA PLACE DE LA GEOGRAPHIE PHYSIQUE
DANS LA GEOGRAPHIE

Quelle doit être la place de la géographie physique dans V ensemble de la geographic ?


La géographie physique des géographes physiciens peut-elle être la même que la géographie phy¬
sique des géographes tout court ? Une intégration est-elle possible ou fiaut-il encourager V
autonomie de la géographie physique ?
Roger coque.- Je dirais résolument et de façon réaliste : autonomie, parce que le géo¬
graphe ne peut pas être une bonne à tout faire. Mais cette autonomie devrait être tempérée
par l'établissement de relations privilégiées entre les géographes physiciens et les géogra¬
phes humains, de façon à analyser précisément et comol ëtement ce qui est vraiment l'objet de
la géographie, c'est-à-dire les rapports de l'homme avec son milieu, à la fois envisagés dans
1 e temps et 1 espace.
'

Henri enjalbert.-Le géographie physique est partie intégrante de la géographie. Pour


moi, il n'y a pas de géographie sans une base d'étude physique. Mais il faut bien entendre
par géographie physique une analyse des faits en tenant compte des faits de géographie humaine.
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Il n'y a pas de connaissance a priori de la géographie physique. C'est par l'intermédiaire,


le plus souvent, des faits de géographie humaine que nous connaissons la géographie physique.
Il est donc nécessaire de ne pas les séparer et, d'autre part, il n'est pas possible d'étudier
la géographie humaine sans avoir précisé quelles sont les données de la géographie physique.
François durand-dastes . - Autonomie ou intégration : eh bien un peu des deux. Il est par¬
faitement légitime que la géographie physique ou même certaines branches de la géographie phy¬
sique se développent de façon autonome et qu'elles réalisent des travaux qui tiennent au fait
qu'il s'agit vraiment d'une branche du savoir particulière. La géomorphologie a son unité, la
cl imatologie aussi .
Mais je trouve qu'on peut très bien faire de la géographie physique, de la morphologie,
avec une formation de géographe ; on est, à ce moment-là, un géographe qui fait de la morpho¬
logie, et c'est une bonne formation pour faire de la morphologie que d'être géographe ; et la
compagnie des géographes pour un morohologue est une bonne compagnie. Ceci dit, il y a toute
une possibilité d'orientation vers l'intégration très étroite du savoir acquis dans ce tra¬
vail, dans un ensemble d'une autre discipline qui s'appelle, elle, la géographie et qui intègre,
bien entendu, une composante importante qui est la géographie physique, en oarticulier avec
tout le problème de l'interaction de l'action humaine — comme on dit — et des composantes du
milieu physique.
Donc, il n'y a aucune raison qu'il n'y ait pas des sciences géographiques du milieu phy¬
sique jouissant d'une certaine autonomie , mais il y a aussi une géographie physique intégrée à
la géographie. Alors, suivant son tempérament, suivant sa formation, on va al 1er plus ou moins loin
dans l'une ou l'autre direction, mais toutes les deux sont légitimes. Je ne vois pas du tout
pourquoi on les considérerait comme totalement opposées.
Femand JOLY.- La place de la géographie physique dans l'ensemble de la géographie, c'est
un gros problème et, bien sûr, très discuté. Dans la géographie considérée comme une science
de l'espace terrestre, la géographie physique est une des faces de cette géographie. Et, dans
l'ensemble, tous les géographes ont un même point de vue, un même état d'esprit : la recherche
d'inventaires, la recherche de répartitions, l'explication d'un certain nombre d'équilibres.
Seulement leurs méthodes, leurs logiques et leurs moyens sont très différents. Entre la géo¬
graphie physique et la géographie humaine, ces problèmes de logique, de méthodes, sont extrê¬
mement divergents, sinon antagonistes.
Un problème se pose tout de même entre elles deux : c'est la place de l'homme. Pour la
géographie physique, l'homme est un facteur parmi d'autres, de plus en plus influent bien sûr,
mais c'est un facteur parmi d'autres. Pour la géographie humaine, c'est le point central et la
géographie physique n'est qu'un accessoire, quelquefois même négligeable. Alors, faut-il cou¬
per les ponts ? Au niveau de la recherche : incontestablement oui. Dans l'enseignement, on
peut prendre des nuances, car il faut tout de même qu'il y ait quelqu'un qui fasse la liaison
entre l'homme et son environnement. Alors au niveau de l'enseignement secondaire, au niveau de
l'enseignement du premier cycle, au niveau de l'agrégation, une certaine unité peut se conser¬
ver. Au niveau du second cycle et du troisième cycle, il faut absolument diverger. Maintenant,
la collaboration sur des thèmes communs est toujours possible et je pense que la géographie
tout entière ne pourrait qu'y gagner.
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CONCLUSION

Nouô avoné demandé à WenxJi EnjatbeAt de. conclu/te -ôua le thème, de. l' évolution de. la. géo¬
graphie phyé-ique. depuis un dem-i-éi-ècle..
Henri enjalbert.- Au début du siècle, l'enthousiasme pour la géographie physique a été
tel que, très vite, cette géograDhie physique a pris une très grande place dans les travaux
de tous les géographes de la génération 1910-1930. Par la suite, il y a eu quelques tendances
à exagérer la spécialité de chacune des disciplines de la géographie, qu'il s'agisse de la
géomorphologie, de la climatologie ou de l'hydrologie.
Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est voir qu'un regroupement est nécessaire, une sorte de
retour à une géographie physique globale, sans oublier ses liaisons avec la géographie humai¬
ne. Ne serait-ce que pour mieux comprendre des tendances et des courants d'idées nouveaux, en
particulier ceux qui concernent l'environnement, l'écologie, les pollutions, en d'autres ter¬
mes tout ce qui intervient de plus en plus dans ce que l'on appelle la qualité de la vie, c'
est-à-dire en gros l'application de la géographie humaine à la vie des sociétés.

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