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II – Fondations et histoire

Comme expliqué ci-dessus, le Danemark est une démocratie constitutionnelle où le


monarque sert un rôle symbolique. De telle sorte qu’aujourd’hui l’Etat est structuré comme
une démocratie représentative. Mais ce n’est qu’une avancée très récente par rapport à
l’histoire du territoire marquée par une longue période liée à la royauté. Nous passons en
revue dans un premier instant l’histoire de l’Etat, avant d’en étudier l’apparition
démocratique et ses remises en cause.
Même si l’espace danois est habité depuis plus de 12000 ans, le début — ou du
moins les prémices d’une nation danoise — sont datés du VIe siècle, avec l’apparition des
mentions d’un peuple danois dans les écrits. Néanmoins, jusqu’au Xe siècle, on peut
considérer que, en partie à cause du territoire complexe et vaste danois, ce “peuple” était
plutôt constitué de chefferies, colonies vikings et royaumes non unis. Effectivement, le 1er
roi danois serait Gorm l'Ancien ayant “rétablit l’ordre” au sein du territoire disparate danois
au Xe siècle —qui témoignait pourtant d’une certaine puissance puisque les scandinaves
commerçaient et naviguaient fortement durant cette ère —, et étant le père de Harald à la
dent bleue (Bluetooth)1, ce dernier ayant été responsable des débuts d’une cohésion
populaire à une culture plus ou moins commune avec sa christianisation du Danemark. Une
autre partie pertinente dans le cadre de notre bref revue historique est la période de
l’Union de Kalmar2 qui, sous la forme d’une union, parfois instable, entre le Danemark, la
Suède et la Norvège, a montré à la fois la possibilité d’une ouverture danoise sur le
continent européen mais qui a surtout révélé à travers évènements tels que le Bain de sang
de Stockholm en 15203 une certaine volonté dominatrice de la part du Danemark.
En conséquence de tout cela, nous pouvons remarquer que le Danemark comme
démocratie est un fait assez nouveau puisqu’il s’agit de l’une des plus vielles monarchie
encore existante, bien qu’à titre plus ou moins symbolique. Découvrons alors comment la
première ébauche d’une démocratie danoise est apparue et dans quel contexte s’est-elle
montrée comme nécessaire.

Lorsqu’en 1814 l’Europe assiste à la fin des guerres Napoléoniennes et que face au
traité de Kiel du 14 janvier qui contraint le Danemark de céder la Norvège à la Suède, les
Norvégiens décident de rejeter cette décision au profit de leur indépendance, on assiste en
fait à l’amorce d’une restructuration de l’Europe par les puissances vainqueures de
Napoléon qui s’affirme lors du Congrès de Vienne. C’est dans ce contexte que le Danemark
se voit considéré par les autres acteurs géopolitiques comme une puissance dépassée. Il
connait alors un temps de crise aussi considéré comme son âge d’or puisque l’on assite en
parallèle à l’explosion de la culture danoise avec l’apparition de grands savants, philosophes
1 C’est en fait sur les Pierres de Jelling, puissant témoignages historiques érigés par les deux monarques dont il
est question ici, qu’apparaissent des écrits attestant d’une unification du royaume danois par le roi Harald,
bien que ceux-ci ne puissent éventuellement pas être neutres.
2 Cette union est ce que l’on peut qualifier d’union personnelle (union différente de l’actuelle Union
européenne par exemple) caractérisée par le fait qu’en vertu d’un contrat, deux Etats souverains pourtant
distincts se voient attribuer un chef d’Etat commun.
3 Ce massacre qui prend place lors de l’invasion de la Suède par l’armée danoise était ordonné par Christian II
de Danemark à l’encontre des revendications suédoises pour quitter l’union de Kalmar. La violence des
évènements (92 morts) est une des causes de la fin de l’union de Kalmar en 1523 avec la sortie de la Suède.
et artistes. C’est ensuite fatalement en lien direct avec les changements décidés lors du
congrès de Vienne, poussant la Sainte Alliance à réprimer les contestations
antimonarchiques, que se crée un engrenage de revendications et de répressions. Plus tard,
alors que les idées libérales et nationalistes se propagent sur le continent, en dépit de la
volonté d’expansion des empires de la Sainte Alliance, et que certains Etats, tels que l’Italie
pontificale avec les réformes de Pie XI en 1846, reconnaissent modérément ces
revendications, la situation s’intensifie jusqu’à un point de rupture le 22 février 1848 avec la
troisième révolution française, s’opposant au pouvoir de Louis-Phillipe, qui était alors
devenu coercitif envers les débats émergents à propos de nouvelles idées. C’est cette date
qui est souvent évoquée lorsque l’on parle du printemps des peuples 4. Ces évènements
amènent, en parallèle, à la montée des libéraux nationaux au Danemark, menés par Orla
Lehmann. On observe aussi l’apparition des assemblées de suggestion devant le roi où des
demandes d’un constitution sont refusées par ce dernier. Mais ce même roi, Christian VIII, à
sa mort, ordonne à son successeur Frederik VII d’introduire une constitution pour
l’ensemble de l’Etat. Le 5 juin 1849, les Danois assistent alors à l’introduction de la
monarchie constitutionnelle et à la séparation des pouvoirs avec d’une part le législatif
assuré par le Folkering et le Londstinget ; et d’autre part l’exécutif assuré par le
gouvernement et le roi. Le judiciaire est lui indépendant. Moins d’un siècle plus tard, en
1915, les femmes obtiennent le droit de vote pour le Folkering. Par suite, le régime
démocratique est remis en cause lors de la Seconde Guerre Mondiale, là où malgré un pacte
de non-agression avec les nazis, le Danemark est envahi par l’Allemagne le 9 avril 1940.
Toutefois, l’occupation s’avère, dans un premier temps, légère et les autorités conservent
une partie de leur fonction. Mais après une trop forte oppression de l’Allemagne, le
gouvernement démissionne et laisse le régime nazi au pouvoir le 19 septembre 1943. En
revanche, la résistance danoise qui s’était développée en parallèle permet au Danemark de
figurer parmi les Alliés de la fin de la guerre. Le retour au régime démocratique se fait
finalement peu après la libération. On assiste ensuite à l’adhésion danoise à l’OTAN puis, en
1973, à la CE qui deviendra l’Union Européenne actuelle.
La démocratie danoise s’est donc mise en place assez rapidement, avec des réformes
nouvelles et l’apparition d’une constitution aujourd’hui essentielle au fonctionnement des
institutions du Danemark.

III – Les enjeux sociaux et politiques danois, ainsi que les limites du régime

Il est vrai que même si son histoire est riche et que sa politique est claire, le
Danemark n’échappe pas aux différents faits de sociétés qui construisent son portrait
politique et qui peuvent à la fois renforcer et remettre en cause ses fondements. Nous
voyons tout d’abords le cas du Groenland, qui est plutôt intéressant tant il est nuancé, puis
nous abordons le cas tantôt controversé, tantôt acclamé de la politique migratoire danoise.

4 Le printemps des peuples est une période historique qui désigne l’année 1848 et ses conséquences,
puisqu’entre février et juillet, une vague d’insurrections en faveur d’idées nationales et libérales a touché
l’Europe tout entière. Néanmoins, certaines des nouveautés mises en vigueur durant ce printemps sont
balayées plus tard la même année. Au final ces évènements amènent à des acquis plus durables mais lents,
comme avec l’étude sociale de Karl Marx.
La colonisation danoise qui s’est faite aux alentours des années 1721 – 1741 est un
cas particulier puisqu’elle est dite philanthropique, ce qui en d’autres termes signifie que la
modernisation apportée par les colons était dans un but d’amélioration des conditions de
vies des locaux. Et il est vrai qu’elle s’est faite sans réel usage de la force. Néanmoins face à
différents témoignages recueillis5, on pourrait parler d’une contrainte cachée, voire d’une
coercition culturelle. En 1950, la Groenland devient une province danoise, entraînant de ce
fait un processus de “danisation” de la société groenlandaise impliquant une modernisation
avec pour objectif la sédentarisation des populations dans les grandes villes, ceci permettant
l’acculturation et le contrôle par les danois. Ainsi s’est effectuée une mise en place
d’infrastructures sur un modèle danois. Mais loin de pénaliser les populations locales, ces
infrastructures ont permis d’améliorer les conditions de vie générales du territoire, avec
l’apparition de réseaux d’eaux usées, d’habitations isolées et équipées. Néanmoins ce
progrès s’est fait aux prix de quelques sacrifices et d’un travail augmenté de la part des
Groenlandais6. Conséquemment à cela, à partir de 1960, plusieurs Danois sont partis vivre
sur l’archipel, ces-derniers ayant été privilégiés par des logements presque gratuits et ayant
été promis à des salaires plus élevés que sur le territoire danois métropolitain. A ce moment
donné, les groenlandais aussi pouvaient profiter de logements modernes au prix amoindris
sur un modèle danois. En parallèle, le travail des locaux devint bien plus éprouvant d’une
manière brutale puisque, du fait des nouveaux besoins (eau, logements), les Groenlandais
ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins avec les activités piscicoles et issues de la chasse.
De surcroît, la restructuration économique permet l’implantation d’entreprises et
l’exploitation des ressources du territoire. C’est pourquoi, durant cette période de
danisation, les Groenlandais subissent une marginalisation économique 7 telle que des
locaux ayant connu cette période racontent que le travail groenlandais n’était pas assez
reconnu, de plus que l’arrivée soudaine de la culture et du mode de fonctionnement danois
avaient bouleversé les habitudes de ces mêmes travailleurs. Mais un point important et
plutôt positif a été l’éducation. Effectivement, même si les locaux ont nécessairement eu
besoin d’une adaptation linguistique, ceux-ci ont été accompagné (encore plus les jeunes),
et l’école a été réformée, notamment avec la séparation de l’Eglise avec celle-ci. Il a aussi eu
l’envoi de jeunes à l’école au Danemark. En revanche malgré une intégration volontaire au
sein des Danois, les Groenlandais ont pu connaître une interdiction d’intimité avec leurs
pairs au Danemark. Mais en réalité, les relations entre les deux peuples étaient et sont
toujours plutôt bonne. Enfin, à partir de 1972, suite à l’entrée du Danemark dans la
Commission Economique Européenne, s’est manifesté un mouvement contestataire de
l’autorité danoise de telle sorte que, en 1979, le Groenland a gagné un statut d’autonomie
interne. Finalement en 2009, une nouvelle loi remplace celle de 1979, au profit d’un certain
droit au peuple groenlandais de disposer de lui-même.

5 L’article principal pour illustrer cette partie s’appuie sur des témoignages d’habitants d’un petit
village du Groenland, Ilulissat. Andréa Poiret, « La politique de « danisation » des populations locales groenlandaises et ses
effets à travers la mémoire des habitants d’Ilulissat », Géoconfluences, janvier 2021. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-
scientifiques/dossiers-regionaux/arctique/articles-scientifiques/danisation-groenland-memoire

6 De plus, jusqu’à 1970, les Groenlandais n’étaient pas autorisés à travailler aux côtés des Danois.
7 Il existait en effet des différences de salaires entre danois et groenlandais.
Ainsi le cas du Danemark et du Groenland se distingue de par sa multitude d’aspects
à la fois sociaux, économiques et politiques, et montrent un système de cause à
conséquences entre progrès d’une part et mise en difficulté d’autre part.

Pour terminer ce dossier-étude, étudions la politique migratoire du Danemark, à la


fois enviée et contestée. Dans un premier temps cette politique nouvelle, car jusqu’alors le
Danemark était assez ouvert sur la question de l’immigration, menée par le gouvernement
socio-démocratique, se caractérise par sa fermeté. Les restrictions sont nombreuses et sont
faites pour décourager les potentiels migrants de venir intégrer le pays. Mais cette fermeté
— des examens nécessaires à l’entrée dans le pays mais aussi des renvois strictes — trouve
sa justification auprès des “ghettos” danois. En effet, le Danemark se présente comme un
Etat providence8 et le pouvoir actuel explique que l’immigration incontrôlée serait fatale
pour ce système permettant un confort de vie remarquable : “la générosité ne peut se faire
au prix d’une immigration non contrôlée”. De plus, selon certaines théories défendues par
Copenhague, le multiculturalisme extrême rompt avec la solidarité de la nation 9. En
conséquence, la politique actuelle met en place des plans “anti-ghettos” avec la mise en
place de sanctions plus sévères pour les individus non danois qui commettent des délits aux
alentours de zones jugées critiques ; avec aussi le durcissement du rassemblement familial.
On défend donc ici un pragmatisme total mais avec fermeté et humanité. C’est le cas de
l’accueil des immigrés acceptés qui accèdent à un traitement très positif avec des aides
sociales et un accès à l’enseignement. Par-là, le Danemark apparaît aux yeux des
demandeurs d’asile comme un territoire plutôt inhospitalier, ce qui a effectivement
contribué à réduire en grand nombre les demandes d’asile. Enfin, cette politique est
possible au sein de l’UE car le Danemark dispose d’un opt-out, une option de retrait dans
l’Union européenne qui peut être accordée à tous les Etats-membres mais qui doit être
négociée. La politique danoise n’est d’ailleurs pas validée unanimement au sein du
continent et fait l’objet de plusieurs contestations. Enfin un point peut-être moins important
mais tout aussi intéressant est le fait que, malgré un déficit de travailleurs 10, le Danemark
refuse un grand nombre de possibles d’ouvriers ressortissants non-européens ; ceci étant
parfois critiqué par certaines entreprises qui manquent d’effectif. Finalement, quelques
limites de cette politique sont donc les faiblesses du marché du travail, une vision des
choses peut-être trop radicale remise en cause par les politiciens étrangers et même
certains membres de la droite danoise.

Nous avons ainsi vu comment la démocratie parlementaire danoise fonctionnait, à


travers la vision décentralisée de l’organisation de l’Etat. Nous avons aussi vu que le
monarque servait de symbole et qu’au-delà de ses quelques prérogatives assez peu
importantes, il n’exerçait pas de véritable rôle politique. Après cela a été vue, en bref,
l’histoire antique du Danemark (son apparition) et l’arrivée de la constitution par influence

8 Mode politique qu’adopte un Etat afin d’assurer des dépenses plus ou moins élevées au profit de ses
citoyens.
9 Le Danemark voit sa notion de nation établie autour d’un peuple, d’une ethnie plus qu’autour d’une
idéologie. L’unicité culturelle est donc défendue par certains politiques danois.
10 Le taux de chômage est bas mais la population est faible.
du contexte de revendications de l’époque. Enfin nous avons étudié deux cas particuliers de
la politique danoise qui pouvaient parfois remettre en cause certains principes
démocratiques, ou qui étaient simplement intéressant à étudier pour dresser un portrait
court, mais clair de l’Etat actuel des choses. Pour conclure ce dossier-étude, le Danemark est
une nation complexe qui fascine, tant par sa politique, que par sa société qui est souvent
qualifiée de l’une des plus heureuses au monde. De ce fait, pour une étude plus approfondie
sur l’ensemble du Danemark, au-delà de sa politique, il serait intéressant d’en faire un
portrait social détaillé, de la culture jusqu’au mœurs, afin de nous éclairer et d’en
comprendre les rouages.

Sources (tu les mets où tu veux :


Andréa Poiret, « La politique de « danisation » des populations locales groenlandaises et ses effets à travers la mémoire des habitants
d’Ilulissat », Géoconfluences, janvier 2021.

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/arctique/articles-scientifiques/danisation-groenland-
memoire

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat/immigration-le-danemark-est-il-un-modele-1653127

Divers articles wikipedia sur la question

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