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Lorsqu’en 1814 l’Europe assiste à la fin des guerres Napoléoniennes et que face au
traité de Kiel du 14 janvier qui contraint le Danemark de céder la Norvège à la Suède, les
Norvégiens décident de rejeter cette décision au profit de leur indépendance, on assiste en
fait à l’amorce d’une restructuration de l’Europe par les puissances vainqueures de
Napoléon qui s’affirme lors du Congrès de Vienne. C’est dans ce contexte que le Danemark
se voit considéré par les autres acteurs géopolitiques comme une puissance dépassée. Il
connait alors un temps de crise aussi considéré comme son âge d’or puisque l’on assite en
parallèle à l’explosion de la culture danoise avec l’apparition de grands savants, philosophes
1 C’est en fait sur les Pierres de Jelling, puissant témoignages historiques érigés par les deux monarques dont il
est question ici, qu’apparaissent des écrits attestant d’une unification du royaume danois par le roi Harald,
bien que ceux-ci ne puissent éventuellement pas être neutres.
2 Cette union est ce que l’on peut qualifier d’union personnelle (union différente de l’actuelle Union
européenne par exemple) caractérisée par le fait qu’en vertu d’un contrat, deux Etats souverains pourtant
distincts se voient attribuer un chef d’Etat commun.
3 Ce massacre qui prend place lors de l’invasion de la Suède par l’armée danoise était ordonné par Christian II
de Danemark à l’encontre des revendications suédoises pour quitter l’union de Kalmar. La violence des
évènements (92 morts) est une des causes de la fin de l’union de Kalmar en 1523 avec la sortie de la Suède.
et artistes. C’est ensuite fatalement en lien direct avec les changements décidés lors du
congrès de Vienne, poussant la Sainte Alliance à réprimer les contestations
antimonarchiques, que se crée un engrenage de revendications et de répressions. Plus tard,
alors que les idées libérales et nationalistes se propagent sur le continent, en dépit de la
volonté d’expansion des empires de la Sainte Alliance, et que certains Etats, tels que l’Italie
pontificale avec les réformes de Pie XI en 1846, reconnaissent modérément ces
revendications, la situation s’intensifie jusqu’à un point de rupture le 22 février 1848 avec la
troisième révolution française, s’opposant au pouvoir de Louis-Phillipe, qui était alors
devenu coercitif envers les débats émergents à propos de nouvelles idées. C’est cette date
qui est souvent évoquée lorsque l’on parle du printemps des peuples 4. Ces évènements
amènent, en parallèle, à la montée des libéraux nationaux au Danemark, menés par Orla
Lehmann. On observe aussi l’apparition des assemblées de suggestion devant le roi où des
demandes d’un constitution sont refusées par ce dernier. Mais ce même roi, Christian VIII, à
sa mort, ordonne à son successeur Frederik VII d’introduire une constitution pour
l’ensemble de l’Etat. Le 5 juin 1849, les Danois assistent alors à l’introduction de la
monarchie constitutionnelle et à la séparation des pouvoirs avec d’une part le législatif
assuré par le Folkering et le Londstinget ; et d’autre part l’exécutif assuré par le
gouvernement et le roi. Le judiciaire est lui indépendant. Moins d’un siècle plus tard, en
1915, les femmes obtiennent le droit de vote pour le Folkering. Par suite, le régime
démocratique est remis en cause lors de la Seconde Guerre Mondiale, là où malgré un pacte
de non-agression avec les nazis, le Danemark est envahi par l’Allemagne le 9 avril 1940.
Toutefois, l’occupation s’avère, dans un premier temps, légère et les autorités conservent
une partie de leur fonction. Mais après une trop forte oppression de l’Allemagne, le
gouvernement démissionne et laisse le régime nazi au pouvoir le 19 septembre 1943. En
revanche, la résistance danoise qui s’était développée en parallèle permet au Danemark de
figurer parmi les Alliés de la fin de la guerre. Le retour au régime démocratique se fait
finalement peu après la libération. On assiste ensuite à l’adhésion danoise à l’OTAN puis, en
1973, à la CE qui deviendra l’Union Européenne actuelle.
La démocratie danoise s’est donc mise en place assez rapidement, avec des réformes
nouvelles et l’apparition d’une constitution aujourd’hui essentielle au fonctionnement des
institutions du Danemark.
III – Les enjeux sociaux et politiques danois, ainsi que les limites du régime
Il est vrai que même si son histoire est riche et que sa politique est claire, le
Danemark n’échappe pas aux différents faits de sociétés qui construisent son portrait
politique et qui peuvent à la fois renforcer et remettre en cause ses fondements. Nous
voyons tout d’abords le cas du Groenland, qui est plutôt intéressant tant il est nuancé, puis
nous abordons le cas tantôt controversé, tantôt acclamé de la politique migratoire danoise.
4 Le printemps des peuples est une période historique qui désigne l’année 1848 et ses conséquences,
puisqu’entre février et juillet, une vague d’insurrections en faveur d’idées nationales et libérales a touché
l’Europe tout entière. Néanmoins, certaines des nouveautés mises en vigueur durant ce printemps sont
balayées plus tard la même année. Au final ces évènements amènent à des acquis plus durables mais lents,
comme avec l’étude sociale de Karl Marx.
La colonisation danoise qui s’est faite aux alentours des années 1721 – 1741 est un
cas particulier puisqu’elle est dite philanthropique, ce qui en d’autres termes signifie que la
modernisation apportée par les colons était dans un but d’amélioration des conditions de
vies des locaux. Et il est vrai qu’elle s’est faite sans réel usage de la force. Néanmoins face à
différents témoignages recueillis5, on pourrait parler d’une contrainte cachée, voire d’une
coercition culturelle. En 1950, la Groenland devient une province danoise, entraînant de ce
fait un processus de “danisation” de la société groenlandaise impliquant une modernisation
avec pour objectif la sédentarisation des populations dans les grandes villes, ceci permettant
l’acculturation et le contrôle par les danois. Ainsi s’est effectuée une mise en place
d’infrastructures sur un modèle danois. Mais loin de pénaliser les populations locales, ces
infrastructures ont permis d’améliorer les conditions de vie générales du territoire, avec
l’apparition de réseaux d’eaux usées, d’habitations isolées et équipées. Néanmoins ce
progrès s’est fait aux prix de quelques sacrifices et d’un travail augmenté de la part des
Groenlandais6. Conséquemment à cela, à partir de 1960, plusieurs Danois sont partis vivre
sur l’archipel, ces-derniers ayant été privilégiés par des logements presque gratuits et ayant
été promis à des salaires plus élevés que sur le territoire danois métropolitain. A ce moment
donné, les groenlandais aussi pouvaient profiter de logements modernes au prix amoindris
sur un modèle danois. En parallèle, le travail des locaux devint bien plus éprouvant d’une
manière brutale puisque, du fait des nouveaux besoins (eau, logements), les Groenlandais
ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins avec les activités piscicoles et issues de la chasse.
De surcroît, la restructuration économique permet l’implantation d’entreprises et
l’exploitation des ressources du territoire. C’est pourquoi, durant cette période de
danisation, les Groenlandais subissent une marginalisation économique 7 telle que des
locaux ayant connu cette période racontent que le travail groenlandais n’était pas assez
reconnu, de plus que l’arrivée soudaine de la culture et du mode de fonctionnement danois
avaient bouleversé les habitudes de ces mêmes travailleurs. Mais un point important et
plutôt positif a été l’éducation. Effectivement, même si les locaux ont nécessairement eu
besoin d’une adaptation linguistique, ceux-ci ont été accompagné (encore plus les jeunes),
et l’école a été réformée, notamment avec la séparation de l’Eglise avec celle-ci. Il a aussi eu
l’envoi de jeunes à l’école au Danemark. En revanche malgré une intégration volontaire au
sein des Danois, les Groenlandais ont pu connaître une interdiction d’intimité avec leurs
pairs au Danemark. Mais en réalité, les relations entre les deux peuples étaient et sont
toujours plutôt bonne. Enfin, à partir de 1972, suite à l’entrée du Danemark dans la
Commission Economique Européenne, s’est manifesté un mouvement contestataire de
l’autorité danoise de telle sorte que, en 1979, le Groenland a gagné un statut d’autonomie
interne. Finalement en 2009, une nouvelle loi remplace celle de 1979, au profit d’un certain
droit au peuple groenlandais de disposer de lui-même.
5 L’article principal pour illustrer cette partie s’appuie sur des témoignages d’habitants d’un petit
village du Groenland, Ilulissat. Andréa Poiret, « La politique de « danisation » des populations locales groenlandaises et ses
effets à travers la mémoire des habitants d’Ilulissat », Géoconfluences, janvier 2021. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-
scientifiques/dossiers-regionaux/arctique/articles-scientifiques/danisation-groenland-memoire
6 De plus, jusqu’à 1970, les Groenlandais n’étaient pas autorisés à travailler aux côtés des Danois.
7 Il existait en effet des différences de salaires entre danois et groenlandais.
Ainsi le cas du Danemark et du Groenland se distingue de par sa multitude d’aspects
à la fois sociaux, économiques et politiques, et montrent un système de cause à
conséquences entre progrès d’une part et mise en difficulté d’autre part.
8 Mode politique qu’adopte un Etat afin d’assurer des dépenses plus ou moins élevées au profit de ses
citoyens.
9 Le Danemark voit sa notion de nation établie autour d’un peuple, d’une ethnie plus qu’autour d’une
idéologie. L’unicité culturelle est donc défendue par certains politiques danois.
10 Le taux de chômage est bas mais la population est faible.
du contexte de revendications de l’époque. Enfin nous avons étudié deux cas particuliers de
la politique danoise qui pouvaient parfois remettre en cause certains principes
démocratiques, ou qui étaient simplement intéressant à étudier pour dresser un portrait
court, mais clair de l’Etat actuel des choses. Pour conclure ce dossier-étude, le Danemark est
une nation complexe qui fascine, tant par sa politique, que par sa société qui est souvent
qualifiée de l’une des plus heureuses au monde. De ce fait, pour une étude plus approfondie
sur l’ensemble du Danemark, au-delà de sa politique, il serait intéressant d’en faire un
portrait social détaillé, de la culture jusqu’au mœurs, afin de nous éclairer et d’en
comprendre les rouages.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/arctique/articles-scientifiques/danisation-groenland-
memoire
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat/immigration-le-danemark-est-il-un-modele-1653127