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Études internationales
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ABSTRACT : This article offers an analysis of the humanitarian space. This wor-
king area, which has significantly changed over the past decades, entails to take
into account the future of the humanitarian actor within the new international
context. The main challenges are the organisational spectrum which shapes this
actor and dilutes the humanitarian rhetoric and principles and the politisation of
the humanitarian space. In fact, the reticence of the humanitarian actor to evolve
in harmonization with the new international reality required to reconsider his role
and existence in conflict area.
Keywords : humanitarian space, humanitarian organizations, responsibility to protect
Yamashita (2004), Cornish (2007) et Smith (2008) ont exploré la relation sou-
vent antagoniste entre les acteurs humanitaire et militaire. Bien que cette relation
soit bien documentée, peu ont exploré l’impact de leurs rapports sur la tendance
à la politisation de l’espace humanitaire et ses conséquences sur l’identité et la
pérennité du mouvement humanitaire lui-même. Spécifiquement, l’hypothèse de
la présente étude est la suivante : la réticence de l’acteur humanitaire à évoluer
dans ce nouvel environnement de travail le force à reconsidérer les principes qui
ont édifié le mouvement humanitaire, tels que l’indépendance et la neutralité, qui
sont à la base de son existence. Ce questionnement contraint l’acteur humani-
taire à revoir son rôle et à remettre en question sa présence, voire son existence
en zone de conflit.
L’espace de travail de l’acteur humanitaire s’est indubitablement méta-
morphosé depuis le dernier siècle et en particulier depuis les dernières décen-
nies6. En effet, comme l’indique Ryfman dans Une histoire de l’humanitaire,
la fin de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre froide aura vu « l’essor
impressionnant de la Croix-Rouge […] et [l’apparition] des organismes sans but
lucratif qui adopteront rapidement l’appellation d’organisation non gouverne-
mentale » (2008 : 37). Le mouvement humanitaire, incarné par un système de
valeur humaniste et opéré par des organisations non gouvernementales, comble
un besoin auquel les États et les institutions internationales ne peuvent répondre.
Malgré la reconnaissance accrue du rôle de l’acteur humanitaire et des
organisations non gouvernementales humanitaires, peu d’études explorent
l’humanitaire en relations internationales. En effet, les études en sécurité tendent
à ignorer systématiquement le secteur humanitaire et les organisations transna-
tionales de type ONG humanitaires (Lischer 2007 : 101). Les interventions mili-
taires justifiées par des raisons humanitaires sont particulièrement documentées,
mais sous l’angle éthique et légal du conflit et en utilisant une approche clas-
sique réaliste et étato-centriste (Holzgrefe et Keohane 2003 ; Farer et al. 2005 ;
Pawlowska 2005 ; Bellamy et Williams 2006 ; Ayub et Kouvo 2008). Ce n’est
que depuis quelques années que la littérature sociopolitique s’intéresse à l’action
humanitaire de manière plus spécifique (Lischer 2007 ; Egnell 2008 ; Spearin
2008 ; Vaughn 2009)7. En analysant l’évolution du concept de l’espace humani-
taire au cours de la dernière décennie, cet article contribue aussi à l’intégration
des champs de la sécurité internationale et de l’humanitaire afin de refléter la
nature changeante du concept de sécurité et d’approfondir le rôle grandissant de
l’acteur humanitaire en relations internationales.
Pour faire cette analyse de l’évolution de l’espace humanitaire, nous débu-
terons en présentant le débat entourant le concept de l’espace humanitaire, les
éléments théoriques ainsi que la problématique de la politisation de cet espace.
Nous analyserons ensuite deux époques importantes, soit la période suivant
la naissance du concept de l’espace humanitaire et celle de son application,
10. Pour la dimension doctrinale des variations identitaires de l’acteur militaire, voir entre autres
le texte de Hoffmann (2001) ; pour le débat sur les variétés d’interventions militaires pour des
raisons humanitaires, voir le texte de Holzgrefe (2003).
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n’obtiennent pas la même visibilité ni le même financement que les régions aux-
quelles l’Occident accorde une attention prioritaire. En revanche, les opérations
de l’acteur humanitaire y sont plus indépendantes de celles des acteurs politico-
militaires. En fait, les populations affectées par des crises oubliées, recevant peu
d’intérêt médiatique et par conséquent financier, obtiennent moins d’aide que les
autres11. L’architecture du système humanitaire est donc intimement liée à l’inté-
rêt des donateurs occidentaux pour quelques grandes crises, ce qui ne reflète
pas la dynamique actuelle de l’action humanitaire et s’écarte d’une approche
impartiale basée sur les besoins des populations ciblées par l’action humanitaire
(Vaux 2006 : 240).
Néanmoins, certains doutent qu’un espace humanitaire impartial et dépo-
litisé soit réellement concevable (Eberwein 2001 ; Lischer 2007 ; Kleinfeld
2007). Plusieurs chercheurs ont également démontré que l’aide humanitaire qui
se veut dépolitisée a parfois des effets pervers et paradoxaux sur les objectifs
désirés (Roberts 1996 ; Campbell 1998 ; Girod et Gnaedinger 1998). Schimmel
(2006 : 309) expose que certaines interventions humanitaires ont volontairement
créé une distance entre l’humanitaire et les acteurs militaire et politique, et,
subséquemment, ont entraîné des effets négatifs sur les victimes. Ces dernières
recherchaient une protection que certains États pouvaient leur apporter, mais
ces États se sont vus écartés par une action humanitaire dépolitisée. Les crises
humanitaires qui touchent la République centrafricaine et le Tchad (Karlsrud et
da Costa 2009), ainsi que les conflits en Bosnie et en Somalie (Hyndman 2003),
sont des exemples où les interventions humanitaires ont eu l’effet inverse de
celui espéré. Se retrouvant le théâtre d’opérations militaires violentes, ces inter-
ventions n’ont pu fournir l’aide et la protection souhaitées aux victimes.
Mais la politisation de l’espace humanitaire passe avant tout par celle
de l’acteur humanitaire lui-même. Pour Coutu, la politisation de l’humanitaire
signifie « l’arrimage de l’action humanitaire à des décisions ou des actions éta-
tiques de différentes natures. Plus largement, la politisation de l’humanitaire est
synonyme de la reconnaissance de cet acteur non étatique en tant que médiation
structurelle, de son institutionnalisation et de son intégration » (2007 : 113).
La politisation de l’humanitaire est alors synonyme de sa militarisation, d’où
l’arrivée du concept de New Humanitarianism apparu dans la dernière décennie.
Cette politisation confère à l’acteur humanitaire un statut paradoxal où, incarné
par des organisations transnationales non gouvernementales, il se retrouve le
substitut de l’État qui donne, comme celui qui reçoit. Siméant et Dauvin ajoutent
que l’humanitaire s’inscrit « dans les champs de forces plus larges qui sont à la
fois ceux de l’action publique, du monde du travail et du militantisme, […] des
administrations gouvernementales, en matière d’aide, voire de politique étran-
gère, comme dans d’autres domaines » (Siméant et Dauvin 2004 : 20).
Mouffe suggère que les tentatives de scinder l’influence politique des
autres sphères environnantes restent pertinentes, mais visent un idéal utopique.
11. Médecins sans frontières publie régulièrement des données et informations sur certaines des
crises humanitaires dites « oubliées ». Voir aussi la publication de CRASH.
454 François AUDET
Elle explique que lorsqu’un universalisme dépolitisé est promu et que les pra-
tiques apolitiques sont encouragées, les luttes de pouvoir sont inévitablement
dissimulées, renvoyant à une logique d’hégémonie politique (Mouffe 1993).
En utilisant le cadre d’analyse critique de Mouffe, Natter et Jones (1997) ont
proposé une approche basée sur le postulat que les « espaces » sont toujours poli-
tisés. Suivant cette approche, Kleinfeld (2007) conclut que le discours dominant
des acteurs humanitaires désirant créer une zone dépolitisée n’est simplement
pas réalisable. Schimmel confirme justement que le politique et l’humanitaire
doivent au contraire travailler en proximité pour assurer une meilleure coordina-
tion des opérations humanitaires complexes (Schimmel 2006 : 314).
L’humanitaire apolitique semble donc irréaliste. Plusieurs auteurs sou-
tiennent en effet que l’acteur humanitaire et son espace de travail doivent être
implicitement subordonnés, voire instrumentalisés à des fins politiques. Même
si le débat est encore en cours, Eberwein (2001), Frangonikolopoulos (2005),
Kleinfeld (2007) et Egnell (2008) exposent des exemples d’instrumentalisation.
Duffield (2007) explique que l’aide humanitaire occidentale est le reflet des poli-
tiques publiques intérieures et sert les intérêts des pays riches qui désirent se libérer
de certaines fonctions du secteur public. Selon Kennedy (2004), l’humanitaire fut
en tout temps une activité hautement politique. Bensaïd ajoute que « l’humanitaire
c’est encore de la politique qui ne veut pas dire son nom » (1999 : 77). Coutu
conclut que « la politique phagocyte l’aide humanitaire en la subordonnant à la
logistique technico-communicationnelle militaire, transférant ainsi l’humanitaire
de la sphère privée à la sphère publique tout en le transformant en une pratique
d’intervention et non plus seulement d’aide ou d’assistance, les trois n’étant pas
des équivalents conceptuels » (2007 : 115).
La subordination de l’humanitaire au politique semble donc faire consen-
sus. Non seulement l’acteur humanitaire agit sous l’influence des intérêts poli-
tiques, mais plusieurs pays instrumentalisent et institutionnalisent délibérément
l’action humanitaire au sein même de leurs politiques étrangères. Ainsi, certains
États prennent de telles initiatives depuis déjà quelques années. C’est le cas
de l’Australie, du Canada, des États-Unis12 et de la France, qui utilisent dans
leur politique internationale des approches intégrées basées sur le trio humani-
taire, militaire et commercial (Smith 2008 ; Gouvernement du Canada 2009 ;
Kelleher 2006 ; Gouvernement français 2008 ; UK Ministry of Defence 2006).
Si l’on constate que cette approche intégrée semble trouver un certain consen-
sus au regard des politiques d’intervention des pays occidentaux, tous ne sont
pas d’avis que l’harmonisation de l’humanitaire et du militaire soit une option
souhaitable, tant pour la préservation des principes humanitaires que pour les
objectifs stratégiques d’efficacité opérationnelle13. Par exemple, Egnell (2008 :
12. Sous l’impulsion du secrétaire à la Défense Robert Gates, l’administration Obama semble
engagée dans ce que Sami Makki appelle une « révolution dans les affaires civilo-militaires ».
L’administration Obama vient de réaffirmer la volonté de diversifier et d’intégrer les capacités
civiles et militaires. C’est le sens du concept smart power ou des « 3D » (défense, diplomatie
et développement), concepts encore à la mode à Washington (Makki 2010).
13. Par un consensus des acteurs humanitaires européens, le Plan d’action de Plaisians (PAP)
propose un mécanisme de veille multi-acteurs qui vise à promouvoir la protection de l’espace
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15. C’est dans ce contexte particulier que le concept de sécurité humaine est apparu dans le Rap-
port sur le développement humain du PNUD de 1994, pour intégrer progressivement l’agenda
politique mondial du développement. Ainsi, la sécurité humaine fait maintenant partie de la
politique d’aide au développement de plusieurs pays (Audet et Desrosiers 2008 ; Smith 2008).
C’est également dans ce contexte que la notion traditionnelle de sécurité de l’État prônée par
les réalistes et l’acteur militaire s’est graduellement transformée en une notion plus large de
« sécurité des collectivités humaines », que Barry Buzan (1991) subdivise en cinq secteurs
dans lesquels quasiment tous les défis sécuritaires, anciens et nouveaux, trouvent leur place.
L’ACTEUR HUMANITAIRE EN CRISE EXISTENTIELLE 457
18. La stratégie zero casualty fait référence au désir de ne faire aucune victime civile lors des
bombardements effectués par l’Alliance atlantique (Fenrick 2001).
19. Le concept de la responsabilité de protéger est apparu en 2002, dans la foulée du rapport
Brahimi sur les opérations de paix. L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le prin-
cipe de la responsabilité de protéger, sous le titre « Devoir de protéger les populations contre
le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité », lors
du 60e sommet mondial de 2005. Pour en savoir plus, voir le lexique du Réseau francophone
de recherche sur les opérations de paix (ROP).
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21. L’approche pangouvernementale (ou son équivalent anglophone whole of government fra-
mework) vise l’intégration des politiques commerciales, diplomatiques, de défense et de déve-
loppement international. L’une des principales conséquences de cette politique a été de donner
un pouvoir légitime et un financement à l’acteur militaire pour la réalisation d’interventions
pour des raisons humanitaires.
22. Le cadre pangouvernemental a été instauré dans le document intitulé Le rendement du Canada
2002, et il a évolué au fil des consultations ministérielles tenues au cours des années. Le terme
« pangouvernemental » remplace désormais l’approche 3D, car il embrasse un plus large
spectre d’institutions gouvernementales maintenant impliquées dans les conflits.
23. De moins de 7 millions de dollars en 2000, l’aide canadienne en Afghanistan a atteint plus de
100 millions de dollars en 2008. Cette stratégie du gouvernement du Canada a uni les fronts
diplomatiques, du développement et de la défense par l’intermédiaire du ministère des Affaires
étrangères et du Commerce international (MAECI), de l’Agence canadienne de développement
international (ACDI) et du ministère de la Défense nationale (MDN) (Audet et al. 2008). Avec
les investissements promis pour la reconstruction en Haïti, cette situation pourrait être appelée
à changer.
462 François AUDET
Ensuite, l’acteur humanitaire estime que l’acteur militaire n’a pas les
compétences nécessaires pour la mise en œuvre d’activités humanitaires. Les
militaires poursuivent l’objectif de « sécuriser » la région par une action armée.
Qu’il soit justifié ou non, l’usage de la force déstabilise nécessairement l’envi-
ronnement socioéconomique et augmente les risques pour la population civile.
Enfin, l’acteur humanitaire déplore l’instrumentalisation des actions huma-
nitaires par les militaires (von Pilar 1999). En effet, l’acteur militaire a maintes
fois utilisé des activités et une rhétorique humanitaires dans le but de gagner
des adeptes chez la population locale et les belligérants des conflits en indiquant
même que les ONG américaines constituaient des « multiplicateurs de force » et
étaient des « agents de la politique étrangère américaine » et « des instruments
de combat contre le terrorisme » (Powell 2001 ; Lischer 2007). Ce discours a été
repris par le directeur d’USAID, l’agence d’aide internationale du gouvernement
américain, concernant l’aide humanitaire en Irak qui maintient que « les ONG
doivent obtenir de meilleurs résultats et mieux promouvoir les objectifs de la
politique étrangère des États-Unis » (Natsios 2003). Le commandant militaire
britannique de Mazar-i-Sharif a repris les mêmes propos lorsqu’il a demandé
aux organisations humanitaires de collaborer avec les ÉPR en partageant leurs
informations. Dans l’éventualité où il y a résistance à la divulgation d’informa-
tions de la part des ONG, cela pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur le
financement qui leur est accordé (Bercq 2005).
Les cas de cette instrumentalisation sont multiples en Afghanistan et
exacerbent la tension entre les humanitaires et les militaires. Par exemple, des
organisations humanitaires ont accusé la coalition militaire d’avoir volontaire-
ment violé les frontières de l’espace humanitaire en dispersant délibérément des
explosifs d’aspect visuel identique à celui des stocks alimentaires. Les soldats
étaient déguisés en civils et fournissaient une aide alimentaire aux populations
locales, conditionnellement à la transmission d’informations stratégiques
(Hanlon 2005 ; Vaughn 2009). Dans cette confusion des genres, un représentant
des talibans a même stipulé que les organisations humanitaires travaillaient pour
les Américains et étaient devenues des cibles légitimes pour la résistance (Owen
et Travers 2007). Dans le sud du pays, l’armée américaine a distribué des pros-
pectus demandant à la population de communiquer aux forces de la coalition
toutes informations relatives aux talibans, à Al Qaïda et à Gulbuddin Hekmatyar
en échange d’une aide humanitaire (Bercq 2005). Ces incidents ont été maintes
fois critiqués et décriés par plusieurs organisations humanitaires (MSF 2007 ;
Krahenbuhl 2004b). Effectivement, ces situations engendrent une confusion dans
l’espace humanitaire face aux belligérants qui considèrent maintenant l’acteur
humanitaire comme partie prenante du conflit et, par le fait même, comme un en-
nemi potentiel. L’érosion de l’espace humanitaire a obligé plusieurs organisations
à quitter certaines zones d’opération où elles travaillaient depuis longtemps, alors
que d’autres ont quitté le pays de leur propre gré (Egnell 2008 : 411). Par consé-
quent, un vaste territoire du pays se retrouve maintenant sans aide humanitaire,
ce qui laisse une population civile dans des conditions encore plus difficiles24.
24. À titre d’exemple, le 28 juillet 2004, MSF annonçait la fermeture de tous ses programmes et
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d’analyse utilisé ne devrait plus être orienté vers les acteurs eux-mêmes et leur
conception de la sécurité, mais vers le droit. De futures analyses devraient
approfondir cette idée pour évaluer l’impact et le réalisme de la légalisation de
l’espace humanitaire.
26. Bien que les sociétés militaires privées aient presque toujours été présentes sur les champs de
bataille, elles sont maintenant devenues des acteurs à part entière des conflits contemporains.
L’évolution de la privatisation de la violence introduit la perspective d’une révolution de
l’identité des acteurs actifs dans un conflit (Charlier 2009).
L’ACTEUR HUMANITAIRE EN CRISE EXISTENTIELLE 467
cependant pas le cas de toutes, puisqu’il existe une très grande variété d’orga-
nisations qui se déclarent humanitaires, mais qui ont des modes opérationnels
divers et des interprétations plus ou moins vagues des principes du mouvement
humanitaire. Les organisations dites humanitaires partagent donc une vaste
gamme de missions et de mandats, qui vont des activités classiques urgentistes
aux rôles diplomatiques et d’intervention en résolution de conflits, notament. Ce
large spectre organisationnel dilue l’identité de l’humanitaire, qui a du mal à se
faire entendre dans cette époque de « sécurité ».
La divergence d’interprétations de l’espace humanitaire chez les acteurs
humanitaires eux-mêmes met en relief des modes opérationnels qui, bien qu’ils
puissent parfois s’avérer contradictoires, sont souvent complémentaires. Par
exemple, le mouvement de la Croix-Rouge ne pourrait envisager une interven-
tion politisée et il privilégie la négociation à huis clos pour s’assurer d’avoir
accès aux bénéficiaires. Du côté de Médecins sans frontières, même si cette
organisation adhère aux principes humanitaires, elle ne pourrait réaliser une
intervention sans livrer de plaidoyer ou en ne dénonçant pas les violations des
droits humains, même si cela implique une prise de position politique et, éven-
tuellement, son exclusion d’une région ou d’un pays en crise. Mais ce large
spectre organisationnel nuit directement aux efforts de l’acteur humanitaire, qui
n’arrive pas à dégager un consensus opérationnel et conceptuel. L’acteur huma-
nitaire devra harmoniser son discours pour empêcher que ses arguments et ses
principes se dissipent. Enfin, l’acteur humanitaire doit éviter à tout prix de perdre
sa crédibilité tout en étant capable, comme nous le suggérons, de reconsidérer
son espace de travail par la légalisation de l’espace humanitaire.
François AUDET
Observatoire canadien sur les crises et l’aide humanitaire
Université de Montréal
3744, rue Jean-Brillant
Bureau 581
Montréal (Québec) H3T 1P1
francois.audet@umontreal.ca
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