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N ous publions ici les trois annexes relatives à notre COURRIER N° 31, du
11 septembre 1959. Rappelons qu’il s’agissait d’extraits :
1
ANNEXE I
Revendications Lulua 2
Luluabourg, le 8 juillet 59 4
cl. : B. 2. 5
"Monsieur le Gouverneur, 8
… 9
… 12
La Ville de Luluabourg est évidemment comprise. Elle est en fait devenue le cœur de 13
l’ensemble formé par les Circonscriptions Lulua.
Je suis convaincu qu’un referendum de tous les notables quelque peu importants des 15
Territoires repris ci-dessus enregistrerait l’accord unanime ou presque, des
intéressés qu’ils font partie, avec la population dont ils sont les chefs, d’une même
entité politique et géographique.
… 16
A l’arrivée des européens, les populations Lulua n’étaient pas encore stabilisées. Les 17
divers groupes ne niaient pas leur parenté, mais aucun des nombreux chefs n’avait
encore réussi à asseoir son pouvoir politique sur tous les autres. Cependant, à
l’arrivée de VON WISMAN, KALAMBA était un des notables les plus en vue, sinon le
plus en vue, et il ne cachait pas son désir de s’assujettir tous les autres chefs. Ce
KALAMBA MUKENGE, grâce à l’appui de VON WISMAN, réussit à s’imposer. Ceux
qui lui étaient hostiles furent éliminés.
Son prestige et son autorité devinrent assez grands pour que lorsqu’il se révolta 18
contre les européens, il fut suivi par la très grande majorité des chefs Lulua, même
ceux qui n’admettaient pas dépendre politiquement de lui.
Il est hors de doute que sans notre intervention, KALAMBA et sa famille se seraient 19
imposés à tous les Lulua. Actuellement, son prestige reste énorme.
… 20
Ce con lit est particulièrement aigu dans les limites de la Ville de Luluabourg. 22
Ailleurs, il existe en puissance. De la solution qui sera adoptée pour Luluabourg
dépend la paix publique dans tous les endroits où cohabitent Baluba et Lulua.
… 23
Une fois regroupés, Baluba et Lulua furent érigés en "che feries". Pour les Lulua, il n’y 24
eut pas de grands drames, puisqu’ils possédaient terres et chefs. Pour les Baluba,
cette organisation aurait dû être plus compliquée, car ils ne possédaient ni terre ni
chefs. On ne se fit pas de souci inutile, on donna des terres Lulua aux Baluba, et
comme chefs, on plaça le plus souvent d’anciens auxiliaires de l’Administration.
… 25
Si on admet que les Baluba ont des droits fonciers sur les terres qu’ils occupent 26
actuellement, ces droits ne remontent qu’aux années 1925 - 1930.
… 28
Cette situation ne changea que lorsque, rompant avec leur ancienne mentalité, les 29
Lulua commencèrent à envoyer leurs enfants à l’école, leurs jeunes gens au service
des européens. Ils s’aperçurent alors que toutes les situations qu’ils briguaient
étaient occupées par des Baluba, que ceux-ci les traitaient en inférieurs, et que la
plupart des européens faisaient fi de leurs o fres de service, ou ne leur donnaient que
les emplois les plus subalternes. Peu à peu, sous l’in luence des quelques rares
évolués issus de leurs rangs, de quelques notables sentant leurs privilèges
coutumiers en péril, la jeunesse Lulua bientôt suivie par la masse des anciens
commença à réagir. En 1953 l’Association "Lulua- Frères" fut créée. Elle eut
rapidement une très large audience.
… 30
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Conclusion : 33
… 35
a. Voulez-vous voir reconnaître par l’Administration une che ferie unique ayant à
sa tête KALAMBA ?
b. Voulez-vous que l’organisation actuelle, en C.I. distinctes, soit maintenue,
mais que KALAMBA soit reconnu comme Chef de tous les Lulua ?
c. idem que b) mais avec la variante : "… que Kalamba soit reconnu comme le
représentant attitré de tous les Lulua" ?
… 39
Il est non moins certain que les Lulua, et plus particulièrement les groupements qui 43
se trouvaient sur place à l’arrivée des premiers immigrants, ont des droits
coutumièrement imprescriptibles sur le domaine foncier occupé, petit à petit, par les
Baluba.
… 45
… 47
D’autre part, les Lulua voudraient enlever aux Baluba, qu’ils considèrent comme 48
"étrangers", tout droit politique. Leur but est évidemment d’éviter une défaite aux
prochaines élections. On pourrait leur donner partiellement satisfaction en
réglementant le droit de vote des habitants de la Ville et de la zone annexe. On
pourrait, par exemple, prévoir que seuls auraient le droit de vote ceux qui ont une
résidence e fective et régulière de 10 ans au minimum. Le rôle serait établi en
donnant aux Lulua la possibilité de contrôler si la condition ci-dessus est remplie.
Une seconde condition pourrait être l’obligation pour tout habitant désireux de 49
participer au vote, ou d’être élu, de reconnaître son appartenance au "peuple" Lulua.
… 50
Si je me suis étendu sur ce problème, c’est parce que j’estime qu’il est urgent de 51
trouver une solution. Je confirme ma lettre n°66/D.269.c. du 25 mai 1959 et tout
spécialement sa conclusion.
Jusqu’à présent le chef KALAMBA et les principaux notables Lulua ont accepté de 52
prêcher le calme à la population. Je leur ai dit que les problèmes qu’ils estiment
vitaux, non sans raison, sont à l’étude, et que nous n’accepterions pas d’avoir la main
forcée. Mais il est évident qu’un atermoiement excessif peut provoquer le pire.
J’insiste donc pour qu’une décision soit prise dans le plus bref délai possible, et, en
tout état de cause, avant les prochaines consultations."
ANNEXE II
"MOUVEMENT SOLIDAIRE" 54
BRUXELLES. 59
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… 62
Les journaux congolais et les représentants attitrés du peuple congolais n’ont cessé 63
de signaler l’origine de cette opposition dans le chef de l’Administration Coloniale
qui, sans doute dans le but de pouvoir régner et dominer le plus longtemps possible,
dresse directement ou indirectement, sournoisement ou ouvertement, des tribus
contre les autres.
… 64
… 66
Si aucune mesure exemplaire n’était prise sans délai contre ces détracteurs du 67
Congo, le Mouvement Solidaire Muluba, afin de sauvegarder la paix sociale, se
verrait dans l’obligation de conclure :
1°/- que les représentants attitrés de la Belgique étant les premiers à saboter
leur propre déclaration gouvernementale du 13 janvier 1959, le peuple muluba
considère cette déclaration comme caduque ;
2°/- que devant les intentions malhonnêtes de l’Administration Coloniale, le
peuple muluba se considérerait en droit d’exiger son indépendance immédiate
et inconditionnelle ;
3°/- qu’il serait tout à fait disposé dans l’intérêt de la paix sociale et dans les
conditions qu’il soumettrait, à se replier momentanément sur les territoires de
son empire dont les limites pourraient être présentées ultérieurement ;
4°/- regrette de devoir annoncer o ficiellement au Parlement Belge que dans
l’éventualité ci-dessus le peuple muluba ne tolérera la présence sur son
territoire d’aucun colonial belge, fut-il un simple technicien ;
…
6°/- assure ses autres frères congolais de ses sentiments inaltérables de sincère
fraternité et espère qu’ils ne se laisseront pas prendre par des fausses
promesses et même au prix do sacrifices aux manœuvres colonialistes, de
division et de séparation ;
7°/- rejette dès à présent sur la Belgique toutes les responsabilités quant aux
troubles sociaux et politiques que pourrait engendrer l’attitude scandaleuse de
son Administration Coloniale ;
ANNEXE III
Le 1er juillet 1959, dans la salle de PRESENCE AFRICAINE, 220, rue Belliard à 71
Bruxelles éclata une vive altercation entre M. Pholien et M. Albert Kalonji, à l’issue
d’un débat sur la nécessité d’un gouvernement congolais, thèse présentée à cette
tribune par MM. Pierre DE VOS, correspondant du journal LE MONDE, et Jacques
MARRES, avocat à Stanleyville, tous les deux membres du Comité de Rédaction de la
revue EURAFRICA, organe de la FEDACOL. La presse a fait écho à cette discussion
aussitôt après l’arrestation de Kalonji et la visite de M. Pholien à Luluabourg. Nous
possédons l’enregistrement de cet échange de vue d’où nous extrayons les passages
significatifs suivants.
"Kalonji : … Il y eu au Kasaï une motion signée par tous les partis politiques et les 72
Associations tribales, se justifiant par l’obstruction que font les fonctionnaires de
voir les élections générales au su frage universel être organisées dans le pays
immédiatement avant la fin de l’année et pouvant ainsi nous donner un
gouvernement provisoire avant décembre 1959, de manière à imposer aux uns et aux
autres un maître visible, palpable, qui alors organisera l’initiation politique jusqu’à
ce que, en 1961, il y ait indépendance totale sur la base des travaux du Congrès que
nous avons tenu à Luluabourg….
M. Pholien : je suis un Monsieur d’un certain âge, qui va vous paraître comme un 74
revenant, un fossile des âges révolus et cependant je vais vous dire mon opinion…
L’ordre du jour est de savoir s’il est opportun de constituer un gouvernement au
Congo. J’ai généralement des idées absolues sur toutes les questions, et ici j’ai une
idée absolue qui est NON. … car ce gouvernement ne sera pas un gouvernement, ce
sera un mot… ce sera un mythe. …Si vous aviez un gouvernement à Léopoldville, à
Luluabourg ou dans une capitale, il serait incapable par ses propres moyens, sans
l’aide de l’administration belge, d’empêcher le morcellement du Congo…moi je suis
très attaché à l’unité du Congo. Mais il faut bien s’entendre… le Congo n’a pas une
vocation à l’unité… c’est la raison pour laquelle je dis il faut être fédératif.
"Je ne vois pas comment qualifier autrement ce personnage dont les partisans 79
allèrent de porte en porte, à Luluabourg, prêcher la grève générale, et de qui les
propos semaient le trouble dans les esprits. Sans connaître le dossier ni les griefs qui
sont à la base de sa relégation, connaissant l’administration, je fais, quant à moi,
confiance à son esprit d’équité et à son extrême patience." "Présence Congolaise" du
29 août attaquait vigoureusement "Le bla-bla des sénateurs attardés" dans un
éditorial qui visait MM. Van Remoortel, Hougardy et Pholien. Ce dernier est, avec M.
De Vleeschauwer, vice-président des Amitiés Belgo-Sud Africaines.
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