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Fula npogotigi

La jeune fille peule


Édition bilingue bambara / français
récit de Mohamed SUNBUNU
traduit du bambara par Cheikh Tidiane HAÏDARA

photo Archives nationales d’outre-mer, cote 8Fi392


Base Ulysse http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ulysse/sommaire
auteur Pierre Drouhin, commissaire de la marine
"Femme peulh", Soudan français (Mali) 1895-1901
Un bel exemple d'appropriation coloniale des corps. L'auteur ignorait vraisemblablement que cette jeune
fille put cacher un personnage aussi redoutable que celui de notre princesse peule Sira Indou Nying

– 1–
Ce texte bilingue bambara-français a été publié en 1987 par
l'Institut des Sciences Humaines à Bamako, Mali,
sous le titre

FULA NPOGOTIGI
(LA JEUNE FILLE PEULE)

RÉCIT DE
MOHAMMED LAMINE SUNBUNU
DIT LAJI
RECUEILLI - TRANSCRIT - TRADUIT ET ANNOTÉ PAR
SHEK TIJANI HAYDARA

On peut consulter un extrait du tapuscrit original de 1987 sur le site


BAMBARABIBLIO
Http://cormand.huma-num.fr/biblio/stats/nb_ouvrages.jsp?id=54&f=pgs1_sunbunu- fula_npogotigi.pdf

AVERTISSEMENT
(Shek Tijani Hayidara)

Ceci est un récit bamanan 1 construit sur une histoire peule. Aussi pour le
transcrire avons-nous cru devoir faire l'économie des lettres propres à
l'alphabet peul.
Ainsi au "ɓ" peul, comme dans "bibèlanbè", nous avons préféré le "b"
bamanan plus commode.
Par ailleurs et conformément à une vieille règle en la matière, nous avons
transcrit les noms propres – de tribus par exemple – tel que proférés par le
producteur du texte. Ainsi, "Bwaro" sera peut-être prononcé "Bolaro" en peul.
Le lecteur peul nous passera ces "fautes" s'il se souvient qu'il s'agit d'un récit
bamanan fait par un bamanophone natif2.
D'autre part, le traitement des mots français employés dans le récit a fait
problème : fallait-il les évacuer purement et simplement pour obtenir un texte
plus convenable, plus authentique parce qu'indemne de mots étrangers ?
Nous aurions alors trahi la pensée de l'auteur qui n'a certainement pas
recouru à ces emprunts par manque de vocabulaire !... Sans compte que nous
n'aurions pas été toujours sûrs d'avoir trouvé le mot juste en bamanan. Pour

1 On dit encore "bambara" mais bamanan et bamanankan (la langue bambara) sont
de plus en plus utilisés, surtout dans les pays anglophones.
2 locuteur natif du "bambara", sa "langue maternelle" comme on dit en français.

– 2–
concilier tous les partis ( socio-linguistes, amateurs de traditions
"authentiques" et simples lecteurs ), nous avons proposé en notes, au bas de la
page des "traductions" bamanan des mots français "fautifs".
La disposition versifiée ( que nous avons encore une fois adoptée ) n'est pas
sans inconvénients, déjà pour le texte bamanan, où le lecteur peut soudain
avoir une impression de bizarrerie voire d'arbitraire devant une
segmentation inhabituelle de la phrase, lorsqu'il oublie qu'il s'agit de la
transcription pure et simple d'une récitation et non pas encore d'écriture, de
littérature écrite. Il faut rappeler à ce sujet que le "texte" de Laji Sunbunu ne
se trouve pas dans sa forme originelle et qu'il s'agira plutôt d'un arrangement
tardif à partir de traductions successives bamanan et/ou soninké du texte
peul.
Mais l'inconvénient majeur est de déparer le texte français en rendant la
lecture difficile, voire bizarre. C'est que le français littéraire est une langue
plutôt écrite, s'accommodant mal des pirouettes et des ellipses du vers
bamanan.
Ce sont donc ces contraintes qui nous ont conduit à cette présentation.
D'abord un souci de lisibilité, principalement du texte bamanan. La difficulté
de lire le bamanan ne résulte pas que du manque d'habitude. Il faudrait
compter parmi les facteurs en cause la typographie, la structuration plus ou
moins aérée, le caractère plus ou moins dépouillé de la langue. Et la récitation
se faisant par unités de souffle (unités rythmiques) la lecture du texte peut
être plus aisée, si dans sa transcription, on respecte cette distribution du texte.
D'autre part, la traduction qui pour nous n'a pour but que d'éclairer et de
révéler le texte original ici, sert doublement ce dernier, puisqu'en facilitant
l'analyse structurale, il en révèle aussi la grammaire.
Enfin, la traduction vers pour vers est un puissant garde-fou. La tentation
n'est-elle pas en effet trop grande pour qui rejette la traduction littérale, de
construire un "autre récit" en français sous le couvert d'une traduction "très"
littéraire, le texte original ne servant ici que de canevas, et de prétexte à
toutes sortes d'envolées et de débordements. Notre disposition impose une
discipline : celle de rester aussi près que possible du texte original, sans
jamais forcer la langue de traduction.

– 3–
L'empire du Ouagadou3 II°-XIII° siècles, approximativement
représenté en superposition des états actuels 4. La tache plus ou moins
circulaire le représente dans sont étendue maximum, alors que le récit
légendaire de Laji Sunbunu le porte jusqu'à l'Atlantique à l'Ouest et au
Fouta Djalon au sud : les Peuls n'étaient peut-être pas ses vassaux, mais
sous sa dépendance, c'est possible. La tache horizontale en dessous de
"Koumbi Saleh" (capitale du Ouagadou) représente la zone où se
situerait l'action de Fula npogotigi / La jeune fille peule.

3 désigné aussi sous le nom d'Empire du Ghana, qui n'a rien à voir avec l'actuelle
République du Ghana, ni géographiquement ni historiquement.
4 Wikipedia https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ghana_empire_map-fr.png

– 4–
Guillaume de l'Isle et Jan B. Elwe
Carte de la Barbarie, le la Nigritie et de la Guinée
antérieure à 1726
Source : Bibliothèque du Congrès des États-Unis http://loc.gov

Dans cette carte très approximative, car il n'y a pas encore eu d'exploration
au-delà des côtes, on notera que les fleuves Sénégal et Niger sont encore un
seul et même fleuve. Il en sera ainsi jusqu'à la fin du XVIII° siècle!
La zone indiquée "ROYAU ME DES FOULES" correspond approximativement au
pays où se situerait l'action de La jeune fille peule, au nord du fleuve Sénégal
et au sud du pays des Maures (actuelle Mauritanie) dont les chevaux sont très
convoités. "Foules" signifie Peuls, les Peuls eux-mêmes se dénommant
Foulfouldés dans leur langue (Fula en bambara, prononcer Foula). On pourra
sourire à d'autres approximations comme "Fonte Guiallon" pour Fouta Djalon
et la légende rapportée : "pays naturel (càd. d'origine) des Foules". Mais cette
carte indique une accumulation des connaissances sur l'Afrique de l'Ouest qui
contraste avec les espaces vides peuplés de lions, éléphants, girafes mais aussi
de dragons autres monstres imaginaires décorant les cartes des siècles
précédents. Seules les côtes étaient assez bien connues des Européens,
l'intérieur n'était que suppositions basées sur des récits divers.
À l'époque où cette carte a été conçue, le récit de La jeune fille peule circulait
déjà, rapporté par les griots des différentes communautés.

– 5–
FÚLA NPÒGOTIGI

Ò (tùma) y'à sɔ̀rɔ Wagadu « Empire » bònyɛna.


Ù y' ù ka dùguw sìgi.
Ù yé « gouverneur-de-région » (w) sìgi.
Ù yé « gouverneur-de-région » mínnu sìgi
5 Ò « région » (w) kà cá kó júgu.
Ù y'à tà kàbini kwàji ìn ná…
Ù sìgir'à bɛ́ɛ rɔ́.
Tìlebin fɛ̀ kwàji mîn twá yé « Atlantique »…
Ù y'ù ka « gouverneur-de-région » sìgi à bɛ́ɛ rɔ́.
10 Ǹka ù b'à fɔ́ « gouverneur » mínnu mà kó Màgán.
Ù ye dɔ́ bìla kà táa sìgi Jalɔnkaw fàn fɛ̀.
Ò tɔ́gɔ yé Baramadanda.
Ù ye dɔ́ bìla kà táa sìgi Kɔn fàn fɛ̀.
Ù b'à fɔ́ ù mà sísàn kó Sogodɔgɔw.
15 Ǹka Saganɔgɔw dòn.
Òlû bɛ́ yèn « gouverner »
Ù ye dɔ́ sìgi, í y'à fàamu…
Ségu jàmana nɔ́… Ségu tùn tɛ́ yèn.
À mɛ́nna kà sàn cáman kɛ́
20 K'à sɔ̀rɔ Ségu yɛ̀rɛ̂ ma sìgi.
Ò dùgu tɔ́gɔ kùn yé kó Soro.
Ò tómon, ò fílɛ Kɔ́nɔdimini ni Másala cɛ́.
Ù b'à fɔ́ ò mà kó Soro tómon.
Kó surukuw dè bɛ́ yèn…
25 Soro tómon !
Mɔ̀gɔ mínnu sìgira yèn
ò jùruya1 dɔ́w dè yé…
Fàama lában dɔ́ dè dòn.
Kó Soro Silamaganba Kóyità2 :
30 Soro mishide3.
Ù ye dɔ́ sìgi Jalɔn
Futa Jalɔn fàn fɛ̀.

– 6–
LA JEUNE FILLE PEULE
récit du griot bambara Mohamed Lamine « Laji » Sunbunu
qui le tient d’autres conteurs bambara et soninké
qui eux-mêmes le tiennent de conteurs peuls,
récit traduit enfin en français par Sheikh Tidiane Hayidara.
Institut des Sciences Humaines, Bamako, Mali, 1987

L’empire de Ouagadou s’était agrandi.


Les gens de Ouagadou avaient fondé des villes.
Ils avaient créé des régions administratives, installé des gouverneurs.
Combien de ces gouverneurs avait-on installés ?
5 Un nombre considérable !
Tout ce territoire, depuis la mer,
Ils occupèrent tout ce pays,
L’océan Occidental qu’on nomme Atlantique :
Partout ils établirent leurs gouverneurs,
10 Qu’on appelait, dans la langue du pays, Magan.
Ils en établirent un chez les gens de Jalon.
Lui se nommait Baramadanda.
Ils en établirent un dans le pays de Kôn ;
De ceux qu’on nomme aujourd’hui Sogodogo.
15 Mais ce sont des Saganogo.
Oui ceux qui gouvernèrent ce pays.
Ils en établirent un, savez-vous ?
Dans le pays de Ségou… Mais Ségou n’existait pas encore.
Oui cela se passa plusieurs siècles
20 Avant que Ségou ne fût fondée.
Le cité s’appelait Soro.
Les ruines en sont visibles encore, entre Konodimini et Massala.
Le lieu est désigné sous le nom de Soro Tomo,
Lieu aujourd’hui hanté par les hyènes.
25 « Les ruines de Soro ».
Parmi cette lignée de proconsuls,
Émergera un descendant,
Un prince de l’époque récente,
Le fameux Silamaganba Koyita2 de Soro,
30 De Soro-La-Mosquée4.
Ils en établirent un au Djalon,
Oui dans les pays du Fouta-Djalon,

– 7–
Kà dɔ́ sìgi Ginebisawo fàn fɛ̀
Kà dɔ́ sìgi Senegali fàn fɛ̀
Kà dɔ́ sìgi, Futa fàn fɛ̀.
Òlû fána mánà fàra ù kàn : òlû yé fúlaw yé
5 Òlû « refouler » len nàna fàra ù kàn.
Ù ye sìgiyɔrɔ dí ù mà, kó Tukururu.
Ù ye dɔ́w sìgi Marakɛsi.
Ù ye dɔ́w sìgi, áwà — fó Tumutu.
Máhmud Koti (w) bɔ́ra ù dè rɔ́.
10 Ù ye dɔ́w sìgi fó Gáo fàn fɛ̀.
Ù ka « Empire » ìn bònyɛna.
« Empire » mîn yé Tukururu yé
Ò yé fúlaw yé ò tùn sìgira
Fó ò kɛ́ra « région » tán ni fìla yé.
15 Ǹka Wagadu dè bɛ ù bɛ́ɛ « coiffer ».
Wagadu dè bɛ ù bɛ́ɛ màra.
Ò fúlaw rɔ́,
Ù b'à fɔ́ kàbila dɔ́w mà
Mínnu sìgira Tukururu.
20 Ù b'à fɔ́ ò kàbila dɔ́w mà, kó Jalubèw,
Ù b'à fɔ́ ò kàbila dɔ́w mà, kó Bwarɔw,
Ù b'à fɔ́ ò kàbila dɔ́w mà...
Tribu (w)5 dè tɔ́gɔ yé nìn yé sá
Ù b'à fɔ́ ò kàbila dɔ́w mà, áyìwa í y' à fàamu kó Canbiw,
25 Ù b'à fɔ́ dɔ́w mà, Orbew.
Ù b'à fɔ́ dɔ́w mà, Filòbew.
Ù b'à fɔ́ dɔ́w mà, kó Bibɛlanbew,
Ù b'à fɔ́ dɔ́w mà, kó Saybòbew,
Ù b'à fɔ́ dɔ́w mà, kó Girlajòw,
30 Ò yé fúla kàbilaw yé.
Ǹka kùntigi kélen bɛ́ ù lá
Mîn bɛ òlû fúlaw bɛ́ɛ « commander ».
Ò b'à fɔ́ ù mà kó Saybòbew.
Òlû jàmu yé kó Bil6.
35 Ò dè yé ù fána ka « l'empereur »7 yé.
Ò « l'empereur » ò fána « soumis » nen bɛ́
màrakaw ka « l' Empire » dè lá.

– 8–
Un du côté de l’actuelle Guinée Bissau,
Un du côté de l’actuel Sénégal,
Un du côté du Fouta-Toro.
Les Peuls aussi vinrent leur faire allégeance,
5 Venus en vastes mouvements migratoires.
On leur assigna un territoire qu’on nomma Tekrour.
Ils en établirent un à Marrakech.
Ils en établirent un, eh bien, jusqu’à Tombouctou.
C’est de lui que descendront des gens comme Mahmoud Kâti
10 Ils en établirent un jusqu’au pays de Gao.
Or le royaume s’était agrandi,
Le fameux royaume du Tekrour,
Formé surtout de Peuls.
Eux aussi avaient fondé douze provinces,
15 Mais toujours sous la suzeraineté de Ouagadou.
L’État réellement souverain, c’est Ouagadou.
Or parmi ces Peuls,
Il y avait des clans.
Parmi les gens installés au Tekrour,
20 On désignait certains de ces clans sous le nom de Djéloubé,
On en désignait d’autres sous le nom de Bouaro,
On en désignait d’autres encore…
Il s’agit là des noms des différentes tribus
Sous le nom, eh bien, de Canbi,
25 D’autres encore, sous le nom de Orbè,
D’autres encore sous le nom de Fitobè,
D’autres sous le nom de Bibèlanbè,
D’autres sous le nom de Saybobè,
D’autres sous le nom de Girlajô.
30 Voici les tribus peules.
Mais toutes reconnaissent l’autorité d’un chef unique,
Le chef suprême des Peuls,
De la tribu des Saybobé,
Ceux dont le patronyme est Bil6.
35 Lui a rang d’empereur parmi les autres chefs peuls.
Mais devant l’empereur soninké, c’est un vassal.

– 9–
« histoire » dɔ́ kɛ́ra ò fúlaw fɛ̀, ń bɛ ò cógo fɔ́ í yé.
Ò « l' empereur » mîn bɛ́ yèn,
N'ò sìgilen bɛ́ ù kùn ná ù b'à fɔ́ ò mà,
- ù yɛ̀rɛ̂w bɛ́ɛ yé Sanburu yé -
5 Ò yé Sanburuw dè yé.
U b'a fò ò mà kó Sanburu Sanbunè.

Ò dè tùn yé ù ka « l'empereur » yé.


Ǹka ò fána kɛ́len bɛ́ kà gouverneur mínnu sìgi.
Ù tɛ màraka kán fɔ́ ù bɛ fúla kán dè fɔ́.
10 Ò « gouverneur » tùn yé mɔ̀gɔ tán ni fìla yé.
Áyìwa kó dònna òlû ni ɲɔ́ɔn cɛ́…
Ù ka « l'empereur », dénkɛ kélen b'à fɛ̀,
À ni dénmuso kélen.
Ù bònyɛna.
15 Dénkɛ ìn kɛ́ra kámalen yé.
À dɔ́gɔmuso, ò yé mùso cɛ̀ɲi yé kósɛ̀bɛ.
À ka « tribu » tán ni fìla ìn « kùntigi »
kélen ô kélen b'à fɛ̀ kà dénmuso ìn fúru.
À nàn'à dénkɛ ìn wéle.
20 À kó ń bɛ fɛ́n mîn dɔ́n…
À kó ń bɛ fɛ́n mîn dɔ́n…
À kó ń dénmuso ìn,
Ń dalen bɛ́ màa kélen dè lá, « tribu » kélen dè lá,
À kó ń bɛ ń dénmuso ìn dí ò mà.
25 Ò sìgilen bɛ́ án ni kɛ̀ɲɛka cɛ́.
À kó : ò mɔ̀gɔw,
Ù b'à fɔ́ òlû mà kó Bibɛlanbew.
Ò Bibɛlanbe nìnnú,
Ù ka kùntigi, áyìwa… ò tɔ́gɔ tɛ́ ń kɔ́nɔ.
30 À kó ń b'à fɛ̀ í bálema mùso ìn,
Ń b'à dí ò dè mà.
Ń dálen bɛ́ à lá,
À ka fárin…
Làdiri dòn,
35 À « honnête »8 len dòn,
Fónisere dòn,
À bi màloya.
À kó ń bɛ í dɔ́gɔmuso ìn dí ò dè mà.

– 10 –
Un drame éclata entre ces Peuls, que je vais te raconter.
Donc « L’empereur » pour ainsi dire,
Celui qui régnait à l’époque dont il s’agit,
S’appelait… c’est tout le clan qui s’appelait Sambourou.
5 Il se nommait donc Sambourou,
Et on l’appelait Sambourou Sambouné.

C’était lui leur chef suprême.


Quant aux gouverneurs qu’il avait établis,
Et qui ne parlaient pas soninké, mais peul,
10 Ils étaient au nombre de douze.
Or un drame allait éclater entre ces tribus…
L’empereur avait un fils :
… et une fille.
Ils avaient maintenant grandi.
15 Le garçon était devenu un jeune homme parfait,
Quant à sa sœur cadette, c’était une femme très belle.
Des douze chefs de tribus,
Chacun voulait la princesse pour épouse.
Un jour l’Empereur fit venir son fils.
20 Il dit : « Voici ce que je pense : »
Il dit : « Voici ce que je pense : »
Il dit : « À propos de ma fille… :
J’ai confiance en un seul chef de tribu.
C’est à lui que je veux donner ma fille.
25 Sa tribu est établie dans le nord.
Il dit : ces gens,
On les appelle les Bibèlanbè ».
Ces Bibèlanbè, eh bien…
Le nom de leur chef m’échappe à présent9.
30 Il dit « Ta sœur…
C’est à lui que je veux donner ta sœur.
J’ai confiance en lui :
C’est un homme sans peur,
Un homme intègre,
35 Un homme loyal,
Un homme généreux
Un homme rempli de dignité.
C’est à lui que je veux donner ta sœur cadette ».

– 11 –
À ye dɔ́gɔmuso ìn tà,
À y'à fúru ò mà.
À ma mɛ́n, ò kɔ́ fɛ̀,
À yɛ̀rɛ̂ fatura.
5 Ù y'à dénkɛ ìn tà,
K'ò sìgi,
K'ò kɛ́ « l'empereur » yé, ò dè b'à bɛ́ɛ « commander ».
Dɔ́gɔmuso ìn,
À furula ò mîn mà,
10 À ye dénkɛ kélen sɔ̀rɔ :
Ù y'ò tɔ́gɔda kó Hámàdi.
À bá yé… áwà, l'empereur dénmuso yé.
Ò dénkɛ ìn Hámàdi
À kó ka dí à fà yé.
15 À t'à fɛ̀ hálì à ka bɔ́ kà táa yɔ́rɔ lá.
Dénkɛ ìn tóra kà kɔ̀rɔbaya.
À tóra à bi kɛ́ màa yé.
À bi kɛ́ màa yé.
Fó à kɛ́ra kámalen yé.

20 À kɛ́ra kámalen yé tùma mîn ná,


Ù y'à sìgi nɛ̀gɛ kɔ́rɔ (k'à bólokò),
À ye kùlusi tà,
À n'à filanw.
À ni cɛ́ ô cɛ́ yé fílan yé,
25 À cɛ̀ ka ɲì ò yé.
À kɛ́ra fà ɲɔ̀ɔn yé jógoɲumanya rɔ́.
À kɛr'à fà ɲɔ̀ɔn yé fárinya nɔ́,
À kɛr'à fà ɲɔ̀ɔn yé cìyɛnfɔ rɔ́.
Jógo ɲùman bɛ́ɛ ye ɲɔ́ɔn kàmali à lá.
30 Ò dón,
Fúlaw bi hámi ni fɛ́n mîn yé,
Ù ka sò ɲíni kà dí ù dén mà
So mîn ɲɔ̀ɔn tɛ́ fúla tɔ̀w bólo.
Ò dún bi sɔ̀rɔ súrakaw dè fàn fɛ̀.
35 Ò dón,
Ò y'à sɔ̀rɔ súraka sìgira ù ka jàmana kàn.
Súraka nìnnú dè tɔ́gɔ yé kó Almoravides (w)10.

– 12 –
Il prépara la princesse,
Et la lui donna pour épouse.
Peu après,
L’Empereur mourut.
5 On prit son fils,
Et on l’intronisa
Chef suprême des tribus peules.
Quant à sa sœur cadette,
De son mariage avec les Bibèlanbè,
10 Elle eut un fils.
On le prénomma Hammadi,
Hammadi fils de l’ancienne princesse.
Or, ce Hammadi
Était si cher au cœur de son père
15 Que ce dernier le voulait toujours auprès de lui.
L’enfant, cependant, grandissait.
Il se développait à vue d’œil
Et prenait forme,
Il devint bientôt un jeune homme.

20 Quand il devint un jeune homme,


On le circoncit,
Et il entra dans la classe des hommes,
Avec tout son groupe d’âge.
Or de tout son groupe d’âge,
25 Il était le plus beau.
Il égala son père dans les vertus de la race.
Il devint, tout comme son père, un homme sans peur,
Il devint, tout comme son père, un homme véridique,
En somme, toutes les vertus se trouvèrent réunies en lui.
30 Or en ces temps,
Ce qui préoccupait le plus un Peul,
C’est d’offrir à son fils un cheval
Tel que n’en possède aucun autre peul.
Or, on ne trouvait cette race qu’auprès des Maures,
35 Et justement
Des Maures habitaient non loin de là.
Les Maures qu’on appelait Almoravides10.

– 13 –
Òlû bɛ tó kà nà bìn ù kàn,
Ù bi tó kà nà bìn ù kàn.
Ǹka àlê bi ù ka kán mɛ́n,
À n'ù díyara.
5 Dákabana sò ɲùmanw bɛ́ ù fɛ̀.
Sò hɔ́rɔnw bɛ́ ù fɛ̀.
Ǹka fúlaw bi tó kà bɔ́
Jàmana tìgi ìn dè bi tó kà bɔ́…
Kà táa súrakaw fɛ̀ yèn.
10 À n'ù ka dí.
À bɛ ù ka sòw kólon,
K'ù dège táama ná,
K'ù dège túlonkɛ lá,
K'ù dège bòli lá,
15 K'ù dège kɛ̀lɛ cógoyaw lá.
À ye sò ìn síya ɲíni súrakaw fɛ̀.
À sòw ɲwàn tɛ́ -
Súrakaw yɛ̀rɛ̂… à sò ìn sí bɛ́ súraka kàbila mîn fɛ̀,
Hálì súraka wɛ́rɛ tɛ à sɔ̀rɔ,
20 Sànkó fúla.
Ǹka àlê ye díya mìnɛ ù fɛ̀.
À bɛ ù ka sòw kólon ù yé.
À bi tó kà nà bɔ́ ù yé.
À bɛ sé kà nà tìle tán ni dúuru kɛ́ ù fɛ̀.
25 À bi kálo kélenw kɛ́ ù fɛ̀.
À bi sègi kà nà à ka « tribu » lá
Báwò ù tɛ́ kàbila kélen yé.
À ye sò ìn ɲíni tùma mîn ná
N'à ma sò ìn sɔ̀rɔ,
30 Sò ìn nàna sòden wólo.
Ò ɲwàn sòden ka dɔ́gɔ.
Sò sí ìn kɔ̀ni b'ò kàbila dè bólo
Ò súraka kàbila dè fɛ̀.

Áyìwa ! fó ò sòden séra kírikɛ tà yé,


35 Ù ye cí bìl'à mà à ka nà.
À nàna sòden ìn kólon,
À bi tó kà nà sɔ̀n,
À bi sòden ìn díla.

– 14 –
Ces gens venaient razzier leurs villages,
Car ces gens vivaient un peu de rapine.
Mais lui le roi savait parler leur langue,
Il se lia d’amitié avec eux.
5 Or ces gens possédaient des chevaux superbes,
Oui, des chevaux pur-sang !
Or, de temps en temps, ce Peul partait,
Le chef des Peuls Bibèlanbè,
Pour des randonnées en pays maure,
10 Car il s’entendait bien avec eux.
Il dressait leurs chevaux,
Il les entraînait au pas,
Il les entraînait aux différents jeux équestres,
Il les entraînait à trotter, à galoper,
15 Et il les entraînait à charger, comme au combat.
Il voulut obtenir des Maures un spécimen de leurs chevaux.
À la vérité, des chevaux sans pareil.
Combien parmi les Maures pouvaient se flatter d’en posséder ?
Même des Maures n’obtiendraient pas cette faveur,
20 À plus forte raison un Peul.
Mais lui les poursuivait de ses assiduités.
Il leur dressait leurs chevaux,
Il leur rendait des visites fréquentes.
Faisant chez eux des séjours de dix, quinze jours,
25 Parfois, un mois,
Puis il rentrait dans sa tribu,
Puisqu’il n’était tout de même pas des leurs !
Lorsqu’il eut cherché un spécimen de cette race,
Et qu’on lui eût opposé un refus catégorique…
30 Une des juments vint à mettre bas :
Un poulain comme on en vit rarement…
Cette race semblait la propriété exclusive de l’unique tribu,
Comme le monopole de cette unique tribu maure.

Bientôt le poulain fut en âge d’être sellé,


35 On l’envoya quérir.
Il vint et entreprit de dresser le poulain,
Il venait souvent, régulièrement,
Et il s’occupa désormais du poulain.

– 15 –
À b'à jogow dòn sò ìn ná.
À bi bòliw kɛ́.
À bi sò ìn dège bòliw lá.
Sò tɛ sé k'à dàn.
5 À cɛ̀ɲiya… sò t'à bɔ́ cɛ̀ɲiya ná.
À y'à dɔ́n… à ɲɛ́bɔra sò ìn fɛ̀.
À t'à sɔ̀rɔ sànni ná.
À t'à sɔ̀rɔ délili lá.
Bárì hálì à kó à n'à ka sòmuso bi nà
10 K'ù ka sò siw dɔ́ bìl'à lá
Súrakaw ma sɔ̀n.
Àlê ni sò ìn bòlila
Kà n'à ka « tribu » lá.

À bɛ fɔ́ ù dè mà Bibɛlanbew, ù jàmu yé kó Bil.


15 À ni sò nàn'à ka yɔ́rɔ rɔ́
Ò ma kún súrakaw fɛ̀.
Súrakaw wúlila kà n'à kámà.
À y'à ka tribu màaw fàra ɲɔ́ɔn kàn.

Ù ye súrakaw kùn bɛ̀n.


20 Ù ye súrakaw cíyɛn.
Sò ìn tór'à bólo.

Áyìwa…
À fána sò ìn sí sɔ̀rɔla àlê fɛ̀ k'à sábabu kɛ́ ò yé.
Áyìwa !…
25 À bɛ sò ɲíni à dénkɛ ìn dè yé,
Dénkɛ ìn mîn tɔ́gɔ yé Hámàdi.
Áwà — ò bi yɛ̀lɛn sò ìn kàn
Ò yɛ̀rɛ̂ fána yé sò dɔ́n
B'í kó à fà cógo.
30 Ù ni súrakaw kɔ̀ni ka tériya lábanna júguya lá.

Júguya ìn kólogirinya òlû Bibɛlanbew kàn.


À sábabu yé
« l'empereur » dénmuso ìn díra àlê fà mà.
Ù b'à fɔ́ òlû mà : Bil.
35 N'ù b'à fɔ́ ù mà Bibɛlanbew

– 16 –
Cultivant en lui les réflexes qu’il voulait,
L’entraînant au galop,
L’entraînant à toutes les courses.
Bientôt il devint un coursier inégalable.
5 Un très, très beau cheval !
L’homme sut qu’il s’était pris de passion pour le cheval,
Qu’il ne l’aurait pas par achat,
Et il ne l’aurait pas non plus par supplication.
N’avait-il pas déjà tenté d’amener sa jument ?
10 Il l’aurait croisée avec l’un des étalons.
Les Maures avaient encore refusé.
Il s’enfuit avec le cheval,
Jusqu’à sa tribu.

Ce sont eux qu’on appelle les Bibèlanbè, on les nomme Bil.


15 Il emmena le cheval au pays.
Les Maures ne purent supporter l’outrage.
Ils levèrent une troupe en représailles.
Lui avait rassemblé les hommes de la tribu.

Ils firent front aux Maures,


20 Ils décimèrent les Maures,
Il garda le cheval.

Eh bien,
Voilà comment il put posséder un spécimen de cette race, rare entre toutes.
Or, il se trouve
25 Que c’est à son fils qu’il destinait le cheval,
Son fils prénommé Hammadi,
Qui, à présent montait le cheval,
Car il était versé dans l’art équestre
Autant que son père.
30 L’amitié qui les liait aux Maures avait tourné en hostilité.

Une hostilité qui devenait pesante sur les Bibèlanbè.


La cause en est ceci
Que c’est à son père qu’échut la main de la princesse
De ceux qu’on nomme : Bil.
35 On les désigne aussi sous le nom de Bibèlanbè.

– 17 –
Ò júguya kólogirin tùn bɛ́ fúlaw fɛ̀
Àlê ka tribu kàn.

Fà ìn nàna sá.


Fà sàra sàn mîn,
5 Ù y'àlê dénmisɛnman tà kà sìgi ù ka « tribu » kùnná
Kà kɛ́ Bibɛlanbew ka kùntigi yé.
À kɛ́len Bibɛlanbew ka kùntigi yé
Ní à sìgira,
À bá nàn'à wéle.
10 À kó à mà à kó ń b'à fɛ̀ í ka táa bɔ́ ń bálimakɛ yé,
í bɛ́nkɛ.
Ń b'ò dè ɲíni í fɛ̀
Í ka táa.
Júguya mîn tùn bɛ́ í fà kàn…
15 Í fà ka fárin.
Fúlaw bɛ́ɛ b'à fɛ̀
À ka « tribu » màa bɛ́ɛ b'à fɛ̀
Ǹka « tribu » tɔ̀w nìnnú t'à fɛ̀
À dùn ye ê tó à kɔ́.
20 Ê sìgir'à nɔ̀ nɔ́.
Ê yé dénmisɛn yé…
Táa bɔ́ í bɛ́nkɛ yé
Í n'í bɛ́nkɛ ka ɲɔ́ɔn fàamu.
À kó ń ti táa bɔ́ ń bɛ́nkɛ yé.
25 À bá kó : í ti táa bɔ́ í bɛ́nkɛ yé mùn ná ?
À kó ê m'à dɔ́n
Í juguw ka cá « tribu » tɔ̀ nìnnú ná wà ?
À kó nê bi táa bɔ́ à yé mùn ná ?
À kó nê sìgira
30 Nê yɛ̀rɛ̂ yé jàmanatigi yé
Í kó ń bɛ́nkɛ yé jàmanatigi yé cógo mîn ná
À kó í n'í bɛ́nkɛ tɛ́ kélen yé11.
Í bɛ́nkɛ yé « l'empereur » dè yé
Ê dùn yé « tribu » kùntigi dè yé
35 Ê y'í ka « tribu » « Roi »12 dè yé.
À b'í n'à fɔ́ « gouverneur-de-région ».
Ê b'í bɛ́nkɛ bɔ́ wà ?
À kó nê kɔ̀ni tɛ táa bɔ́ à yé.

– 18 –
Une hostilité bien pesante de la part des Peuls,
sur la tribu.

Or le père vint à mourir.


L’année même de ce deuil,
5 On l’installe à la tête de la tribu.
Il devint le chef des Bibèlanbè.
Lorsqu’il fut désigné chef des Bibèlanbè,
Et qu’on l’eut intronisé,
Sa mère le fit venir.
10 Elle lui dit : « Je voudrais que tu ailles rendre visite à mon frère,
ton oncle.
Je te le demande instamment,
Va le voir.
L’hostilité qui pesait sur ton défunt père…
15 Il se trouve que ton père était un brave…
Et tous les Peuls l’aimaient,
Du moins tous ceux de sa tribu.
Mais les autres tribus lui étaient hostiles.
Or c’est toi sa postérité
20 Et tu es son successeur.
Tu es encore jeune…
Va voir ton oncle,
Afin que vous vous entendiez.
Il dit : « Je n’irai pas voir mon oncle. »
25 Sa mère dit : « Et pourquoi tu n’irais pas voir ton oncle ? »
Elle dit : « Ne sais-tu pas que tu as beaucoup d’ennemis parmi les autres
tribus ? »
Il dit : « Et pourquoi irais-je le voir, moi ? »
Il dit : « J’ai été intronisé, que je sache ?
30 Je suis désormais chef de province,
Tout comme mon oncle est chef de province. »
Elle dit : « Tu n’es pas comparable à ton oncle.
Ton oncle est l’empereur13
Quand toi, tu n'es qu’un chef de tribu.
35 Toi, tu es le roi de a tribu,
Un peu comme un proconsul14.
Vaux-tu ton oncle ? »
Il dit : « Ce n’est pas moi qui irais le voir !

– 19 –
Hálì ní nê ma ń bɛ́nkɛ bɔ́
Nê ye mîn bɔ́
Ò bɛ nê wàsa.
Ò kóyara bá yé.
5 Bá kúman'à fɛ̀ kà dɛ́sɛ.
Bá b'à wéle tùma ô tùma
k'à ládi.
Ní í ka kàbila dáwula ka bòn
Í bɛ́nkɛ ka kàbila dáwula mánà fàra à kàn
10 Saybòbew mánà fàra à kàn
Ò kɔ̀ni yé barikaba yé
Í fà sàya, ò tɛ dɔ́n.
Ní « tribu » mîn bìnn'í kàn
Í fà ka kɛ̀lɛ jàma ka cá ò bɛ́ɛ tá yé
15 Í bɛ́nkɛ fána, hákàjá ò bɛ́ ò cógo rɔ́.
Ò mîn y'à bɛ́ɛ ka kùntigi yé
Ń b'í déli ń dén ! táa bɔ́ í bɛ́nkɛ yé
À ma sɔ̀n.

Bá ìn t'à fɛ̀ nìn kúma ka wɔ̀yɔ.


20 Mɔ̀gɔ ɲùman mínnu b'à lá,
À n'à téri mínnu bɛ́ yèn,
N'à bɛ òlû ka kúma mɛ́n,
Ba séra òlû mà
K'à dɛ́li kà dɛ́sɛ.
25 Bíri ! ján !
À ma sɔ̀n.
Bá séra màa kɔ̀rɔbaw mà ù ka « tribu » lá
Ù k'à dɛ́li
À ma sɔ̀n.
30 Fó kúma ìn pòrokotora kà táa sé à bɛ́nkɛ mà.
Júguya ma dòn à n'à bɛ́nkɛ cɛ́ sá wà ?

Bá dɛ́sɛr'à lá, bá y'à tó yèn.


Àlê yé « jeune-homme »15 yé.
À ma mùso fúru.
35 Bá kɔ́nɔgwanna
Bá y'à ɲíni à fɛ̀ :
À kó nê fàmana ń bálimakɛ mà.

– 20 –
Je ne vaux pas mon oncle ? soit !
Ce que je vaux,
Cela me suffit. »
Ces paroles déplurent à la mère.
5 La mère lui parla en pure perte.
Elle le faisait venir sans cesse,
Le pressait de conseils
« Ta tribu jouit d’une grande réputation, je le sais
Mais si à cela s’ajoute la réputation de la tribu de ton oncle
10 Si les Saybobé deviennent tes alliés,
Cela ne formera-t-il pas une puissance formidable ?
La mort de ton père ne se ressentirait pas.
Qu’une tribu vienne à attaquer,
Elle trouvera devant elle l’armée, plus nombreuse, de ton père
15 Et l’armée de ton oncle n’est pas moins nombreuse,
Puisqu’il est votre chef suprême…
Je t’en conjure, mon fils, va voir ton oncle. »
Il refusa.

La mère ne voulait pas que ces paroles s’ébruitent.


20 Les gens de confiance de la tribu,
Les amis de son fils,
Tous ceux qu’il était susceptible d’écouter,
La mère alla trouver tout ce monde
Et leur demanda de prier son fils.
25 En vain ! Ils insistèrent de cent façons
Il refusa.16
La mère alla trouver les vieillards de la tribu,
Afin qu’ils le supplient.
Il refusa.
30 À la fin la nouvelle de l’incartade parvint jusqu’aux oreilles de l’oncle.
Créant un début d’animosité entre les deux hommes.

La mère n’ayant pu convaincre son fils abandonna la partie…


Lui, était porté par la fougue de la jeunesse,
Quel souci ? il n’était même pas marié.
35 La mère était désemparée.
Elle lui fit alors une demande :
Elle dit : « Voici bien longtemps que je n’ai vu mon frère,

– 21 –
Ń bi táa ń ɲɛ́ dá ń bálimakɛ kàn…
… ní ê ma sɔ̀n !…17
À kànâ nà t'à sɔ̀rɔ mɔ̀ɔw táalen bɛ́…
Bá ka táali nìn bálimakɛ fɛ̀ yèn
5 À kànâ nà t'à sɔ̀rɔ mɔ̀gɔw táalen bɛ́ bálimakɛ fúnu à dén kánmà
Dénkɛ kélen ìn mîn b'à fɛ̀, kámà.

Ba ìn wúlila.
Tùma mîn ná n'à séra kɔ̀rɔkɛ fɛ̀ yèn,
Kɔ̀rɔkɛ y'à màrahaba kùnbɛ̀n kósɛbɛ
10 Kà à bìsímila.
À ɲɛ́nafin tùn b'à lá.
À ye tìle dánmadɔ kɛ́ kɔ̀rɔkɛ ìn fɛ̀ yèn
Ǹka à táakun « principalement »18
Áwà…
15 Mɔ̀gɔ dè bɛ́ ù fɛ̀ yèn
Ò yé… ù fà mîn sàra -
Ò yé cɛ̀ kɔ̀rɔba yé
Ò tɔ́gɔ yé Jugudu.
Ò y'ù ka ɲàmakala yé.
20 Ɲàmakala dáwulama.
Ò tùn bi nkɔ̀nin fɔ́ à fà yé
mùso ìn yɛ̀rɛ̂ fà yé
Kàbini fà ìn sàra
Ò ye nkɔ̀ninfɔ dábìla
25 À kó àlê tɛ nkɔ̀ni fɔ́ fúla sí yé tún.
Hálì dénkɛ ìn sìgir'à nɔ̀ ná,
À ma sɔ̀n kà nkɔ̀ni fɔ́ ò yé.

À kó àlê ka nkɔ̀nifɔ bánna.


Bá ìn táara à ni ò dè gùndo.
30 À kó ń dénkɛ bɛ́ kà kó kɛ́ à kó í y'à fàamu…
À y'à ka gùndo fɔ́ ò yé.
Ń kó à ka nà bɔ́ à bɛ́nkɛ yé.
À y'í bàn.
Ń ye mɔ̀ɔw bìla k'à dɛ́li.
35 À ma sɔ̀n.
Áwà !
Nê yɛ̀rɛ̂ wúlila kà nà

– 22 –
Je voudrais aller voir mon cher frère…
Puisque toi tu ne veux rien entendre !… »
En effet, si les méchantes langues allaient se mettre en train
La Reine mère devait aller au-devant de son frère.
5 Les méchantes langues n’étaient-elles pas en train de dresser son frère
contre son fils ?
Contre son unique fils ?

La reine mère donna le départ.


Lorsqu’elle arriva chez son frère aîné,
10 Celui-ci lui fit un accueil digne d’une princesse et d’une sœur.
On lui souhaita la bienvenue de mille façons.
Comme on brûlait de la voir ici !
Elle passa quelques jours auprès de son frère.
Quant au but principal de son voyage…
15 Eh bien !… qu’en était-il ?
Il se trouvait dans le palais un homme
Qui fut autrefois attaché à la personne de leur défunt père.
Un vieillard, aujourd’hui,
Du nom de Diougoudou :
20 Un griot de la famille,
Un griot de très grand renom,
Qui jouait du nkoni19 pour son défunt père.
Il s’agit naturellement du père de la Reine mère20.
Du jour où le père mourut,
25 L’autre renonça à jouer du nkoni…
Il déclara solennellement que lui ne jouerait plus pour un Peul vivant.
Lors même que le prince succéda à son père,
Il ne voulut point jouer pour lui.

Il disait : « J’ai fini de jouer du nkoni ! »


30 Voilà à qui la Reine mère s’était confiée.
Elle dit : « Vous imaginez-vous ce que mon fils a fait ? »
Et elle lui révéla son secret :
« Je lui ai demandé de venir voir son oncle.
Il a refusé.
35 J’ai chargé des gens de le supplier,
Il a encore refusé.
Alors je me suis levée et je suis venue.

– 23 –
Ń ka nà tɛ́ ń bálimakɛ ɲɛ́nafin-bɔ dànma yé kóyi
Ń ka nà kùn yé, áwà — ń bi nà ê (dè nɔ̀fɛ̀)
Í ka t'à dɛ́li ń yé :
À fɔ́ra k'ê tɛ fúla sí dɛ́li tún.
5 Kàbini ánw fà sàra
Í tɛ nkɔ̀ni fɔ́ fúla sí yé tún
Ń b'à fɛ̀ í ka nkɔ̀ni fɔ́ à yé
Mɔ̀gɔ dòn, à ka bòn à yɛ̀rɛ̂ bólo
Í k'à dɛ́li !
10 Ní í y'à dɛ́li,…
À ka n'à bɛ́nkɛ fò
Ù kànâ nà táa júguya dòn à ni ń bálimakɛ cɛ́
Kà táa ń ni ń bálimakɛ fára.
Nê y'à dɔ́n « force »21 tɛ́ àlê rɔ́ kà tɛ̀mɛ ń bálimakɛ kàn.
15 À kànâ nà táa ń dén fàga.

Màsakɛ yé dùndare22 yé.

Ò sɔ̀nna.
Áyìwa ! kó sègin í ka táa í sìgiyɔrɔ.
Nê tɛ nkɔ̀ni fɔ́ fúla yé
20 Ǹka ń nà nkɔ̀ni fɔ́ àlê yé
Ń tɛ fúla dɛ́li tún
Ǹka ń ná àlê dɛ́li.
À bɛ́ kà kàanagɛlɛya mîn kɛ́
À k'à dábìla.
25 À ka nà túubi à bɛ́nkɛ yé.
À ka nà bɔ́ à bɛ́nkɛ yé.
Bá ìn sèginna kà táa à sìgi yɔ́rɔ rɔ́.
À nàna dénkɛ ìn sɛ́gɛrɛ.
À kó ń táara ń ni ń bálimakɛ yé ɲɔ́ɔn yé.
30 Áwà ! à ye bònyɛ mínnu kɛ́ à yé à y'ù jìra à lá
À ye mɔ̀gɔ mínnu dá à kàn kà nà à y'ù jìra
À y'í sìgi : à ma fɛ́n fɔ́ dén ìn kɔ̀ni yé
K'à fɔ́ à yé banbaadɔ bìla kà nà.
Banbaadɔ ìn tɔ́gɔ yé Jugudu.
35 Ò Jugudu, dénkɛ b'ò fɛ̀.
Ò tɔ́gɔ dè yé kó Ámàdu Jugudu.
O Amadu Jugudu de bi nkɔ̀ni fò « l'Empereur remplaçant »23 in yè,

– 24 –
Si je suis là, ce n’est pas simple désir de voir mon frère.
La raison de ma venue, eh bien, c’est toi…
Je te charge de la mission d’aller le supplier.
On a dit que tu ne ferais plus cet honneur à un Peul
5 Depuis la mort de notre père…
Que tu ne jouerais plus pour un Peul,
Or je veux que tu ailles jouer du nkoni pour lui.
C’est un homme imbu de lui-même,
Supplie-le !
10 Supplie-le, afin
Qu’il vienne faire acte d’allégeance à son oncle,
Je crains qu’on n’aille créer de l’animosité entre lui et mon frère
Et par là-même me séparer de mon frère.
Je sais, moi, qu’il n’est pas plus puissant que mon frère,
15 Je crains qu’il n’aille me tuer mon fils !… »

Les princes sont des gens imbus d’eux-mêmes22.

Diougoudou accéda à sa demande.


« Voilà ! Rentre à présent, et va t’asseoir tranquillement
J’avais dit : Je ne joue plus pour un Peul,
20 Mais je jouerai pour lui.
J'avais dit : je ne solliciterai plus un Peul,
Mais je le solliciterai, lui.
Cette obstination où il s’enferme comme dans une tour,
Il faut qu’il en sorte,
25 Et il viendra faire amende honorable auprès de son oncle.
Oui ! Il faut qu’il vienne visiter son oncle. »
La Reine mère s’en retourna chez elle :
Elle vint trouver son fils.
Elle dit : « Je suis donc allée et j’ai pu voir mon frère ».
30 Elle lui montra les présents qu’on lui avait faits :
Elle lui présenta la suite que son frère lui avait donnée ».
Elle s’installa alors et ne dit plus rien à son fils,
Et surtout pas qu’elle lui envoyait un griot en ambassade,
Le griot Diougoudou.
35 Or ce Diougoudou avait un fils avec lequel on le confondrait,
Prénommé Amadou Diougoudou,
Le même qui joue du nkoni pour le nouveau

– 25 –
mîn yé « l'empereur » dénkɛ yé
Ǹka Jugudu kɔ̀rɔba yɛ̀rɛ̂ kɔ̀ni tɛ nkɔ̀ni fɔ́.

Cɛ̀kɔrɔba ìn yé « permission »24 ɲíni « l'empereur » fɛ̀


À kó à b'à fɛ̀ k'í yáala, fúlaw ka yɔ́rɔw ni ɲɔ́ɔn cɛ́.
5 Áwà ! à b'à fɛ̀ kà táa bɔ́ — à dénkɛ yé.
À bɛ́lɛnninden — à bàlemamuso dén.
Ò tùn ma sɔ̀n…
Ǹka ò sègira ò sɔ̀nna.
Ò ye « autorisation » d'à mà.
10 À ye cí bìla k'à fɔ́ à yé
kó àlê bi ná.
Ò bònyɛn'à mà
Kó à tɛ nà25.
Fúla bɛ́ɛ y'à mɛ́n k'à fɔ́ k'à bɛ nà.
15 Áwà — Bibɛlanbew ka wɛ̀rɛ lá
Ù b'à fɔ́ mínnu mà : Bil !
Á ! ù kó : fúlaw !
Kɔ́rɔfɔ dùurura jàmana kɔ́nɔ.

Ù wílila : ù nàna jìgin à kàn


20 À y'à sɔ̀rɔ à y'à ka dùgu lábɛ̀n
À y'à tériw « averti » à ye…
Fúla mínnu b'à fɛ̀.
À ka màaba mínnu b'à fɛ̀…
À y'òlû bɛ́ɛ « averti »26
25 Ò kɛ́ra ù mà bònyɛ yé, à ni kàrama yé
K'à fɔ́ Jugudu kɔ̀rɔba bi nà fɔ́lɔ
À ka táama bi nà fɔ́lɔ òlû ka wɛ̀rɛ dè lá.

Bárì kàbini « l'empereur » kɔ̀rɔba ìn sàra


Sanburu Sanbunɛ sàra
30 À ma wàyasi kɛ́27 ní nìn tɛ́.
« Peut-être »28 ù n'à ka nkɔ̀ni mɛ́n.

À nàna jìgin wɛ̀rɛ lá.


Ò kɛ́ra kóba yé kósɛbɛ.
Ù y'à kùnbɛ̀n kà « réception »29 ba k'à yé.

– 26 –
chef suprême des Peuls :
Quant à Diougoudou l’ancien, il ne jouait plus.

Le vieillard demanda une autorisation d’absence au chef suprême.


Il voulait entreprendre une grande tournée entre les campements peuls
5 Et il voulait aller voir son fils,
Ou plutôt son neveu, le fils de sa sœur.
L’autre refusa, d’abord.
Puis il se ravisa et accepta.
Il lui accorda la permission de partir.
10 Diougoudou envoya un émissaire auprès de l’enfant prodigue,
Pour annoncer sa venue prochaine,
Cela lui parut formidable.
Il n’en croyait pas ses oreilles,
Mais tous les Peuls savaient déjà que l’homme venait.
15 Eh oui ! dans le campement des Bibèlanbè
Ceux qu’on nomme Bil !
Les gens s’exclamaient, s’étonnaient : «Et en quel honneur ? »
La rumeur bientôt couvrit l’ensemble des campements.

Ils se sont donc levés et ils vinrent le trouver.


20 Lui, entre-temps, avait eu le temps de pavoiser sa ville.
Il avait avisé ses amis ;
Tous les Peuls de la tribu
Et les dignitaires de sa cour,
Il les avait tous avisés.
25 Et tout ce beau monde se trouva honoré jusqu’à l’extrême.
Se pouvait-il vraiment que le grand Diougoudou
Inaugurât sa tournée par leur campement ?

Car, depuis la mort du vieil «Empereur»30,


Depuis la mort de Sambourou Sambouné,
30 Diougoudou en était à sa première sortie.
Peut-être auraient-ils le privilège inespéré d’entendre son nkoni.

Quand il mit pied à terre, au campement,


Ce fut un évènement mémorable.
On lui fit un accueil de Prince. On donna une grande réception.

– 27 –
À nàna jìgin, í y'à fàamu áwà, Hámàdi kàn
Mîn yé Bil(w)31 ka kùntigi yé.
À jìginna ò fɛ̀.
À kó à tɛ nkɔ̀ni fɔ́ fúla yé
5 Kó ǹka à nà nkɔ̀ni fɔ́ sú ìn nɔ́
À ka màsakɛ tɔ́gɔma yé.
À ná nkɔ̀ni fɔ́ ò yé sú ìn ná.
Fúlaw bɛ́ɛ ye ɲɔ́ɔn sɔ̀rɔ yèn.
Fúlamusow, àní fúlakɛw
10 Àní kámalenw, àní cɛ̀kɔrɔbaw.
À ye njaro jùruw lámàga :
À yé sé njaro lá bɛ́ɛ yé.
À ye fúlaw tà kàbini ù lásali lá
Kà n'à bìla fó ù lában ná
15 Mîn ye kábakow kɛ́,
Mîn ye kábakow kɛ́
Mîn ye kábako kɛ́
Mîn ye kábako kɛ́.
Fó kà n'à sé Hámàdi ma.
20 À bɔ́ra màa mínnu
ni màa mínnu ná.

Hámàdi ye fɛ́n bɛ́ɛ nì à ná.


À kó ń t'í ka fóyì fɛ̀.
Í tɛ fóyì dí nê mà mîn ma dí nê mà.
25 À kó ń t'í ka fóyì fɛ̀ :
Í tɛ fóyì dí nê mà mîn ɲɔ̀ɔn ma dí nê mà.
Hà ! à kó nê dùn bi mùn kɛ́ ?
À kó í nàna ń ní dè nɔ̀fɛ̀ wà ?
N'í bɛ́ ń ní fɛ̀, ń b'ò d'í mà.
30 À kó ń nàna fɛ́n nɔ̀fɛ̀ mîn n'í ní dàma ka kán.
Ní í k'í y'à dí ń mà…
Ò tùma, ń bɛ sɔ̀rɔ k'à fɔ́ í yé.
Ń nàna mîn ɲíni
N'í y'ò dí ń mà
35 Ń b'à fɔ́ í yé.
N'í m'ò dí…, ń t'à fɔ́ í yé.
À kó í ye fɛ́n ô fɛ́n ɲíni ń fɛ̀,
Hálì ní ń ní dòn - ń y'à d'í mà.

– 28 –
Il venait…, et oui, rendre visite à Hammadi,
Le prince des Bil.
Il descendit donc au palais.
Il rappela qu’il s’était interdit de jouer pour un Peul désormais,
5 Mais il jouerait ce soir
En l’honneur de l’homonyme de son roi32,
Il jouerait ce soir en l’honneur d’un tel personnage.
Tous les Peuls se retrouvèrent là :
De nobles dames et les chevaliers,
10 Les jeunes gens et les vieillards.
Il fit gronder les cordes du njaro33,
Il n’avait pas son pareil dans le science du njaro,
Il reprit l’histoire des Peuls depuis leurs origines, et remonta jusqu’à la
génération actuelle.
15 Citant tel qui a accompli tels exploits,
Tel autre qui a accompli tels exploits,
Et tel autre !
Et tel autre !
Descendant jusqu’à Hammadi lui-même.
20 Et il récita sa généalogie et rappela les hauts faits
qui illustrèrent chacun de ses ancêtres.

Hammadi l'avait gratifié de toutes sortes de biens.


Il dit : « Je n’accepterai rien de toi.
Tu ne me donneras rien qui ne me fût déjà donné. »
25 Il dit : « Je n’accepterai rien de toi.
Tu ne me donneras rien qui ne soit semblable à ce qui me fût déjà donné. »
« Mais alors, dit-il, que devrais-je faire, moi ? »
Il dit : « Es-tu en quête de ma vie ? »
Si c'est ma vie que tu veux, je te la donne.
30 Il dit : « Je suis en quête d’une chose qui égale ta vie.
Si tu déclares que tu me l’abandonnes,
Alors je te la nommerai.
C’est ainsi : ce que je recherche :
Si tu me l’abandonnes,
35 Je te le révèle.
Si tu ne me l’abandonnes pas, je ne te dirai rien »
Il dit : « Tout ce que tu me demanderas,
Même si c’était ma vie, je te l’abandonne. »

– 29 –
Áyìwa ! à kó tàbarikala (= tabaraka allah)
Fúlaw tɛ wúli kà bɔ́ ù ka kúmakan kàn
Á y'à tànu ! à y'à tànu
À kúman'à kàn, à kúman'à kàn !
5 À kúman'à kàn ! à kó í b'ò kɛ́.
Kàbini ń wúlidon kà nà, ń y'à dɔ́n
Ní ń ye fɛ́n ô fɛ́n ɲíni í fɛ̀, í b'ò dè kɛ́.
À kó ń y'à ɲíni í fɛ̀
Í ka táa túubi í bɛ́nkɛ yé
10 Í ka táa bɔ́ í bɛ́nkɛ yé
Í ka táa í ɲɛ́da í bɛ́nkɛ kàn
Í k'à dɔ́n à k'í dɔ́n.
Í yɛ̀rɛ̂ kó í y'à dí kà bán.
Fúla dè yé í yé.
15 Bibɛlanbe dè yé í yé.
Í tɛ kúma fɔ́ í bɛ mîn wúli.
Fàamaden dè yé í yé
À kó ń sɔ̀nna.
À kó à bánna.
20 À k'ò tùma í ye fɛ́n ô fɛ́n dí yàn
N'í y'ò dí ń mà, ń b'ò mìnɛ.
À ye bònyɛ cáman k'à yé.
Fúlaw ye bònyɛ cáman k'à yé
À ye síra ɲíni ù fɛ̀
25 À sèginna kà táa.

À ye cí bìla kà táa à fɔ́ à bɛ́nkɛ yé


K'à bi nà.
Ò y'à sɔ̀rɔ bɛ́nkɛ fúnunen b'à kàn.
À bi nà kà n'í ɲɛ́ d'à kàn
30 À k'à bɛ́nkɛ dɔ́n, bɛ́nkɛ k'à dɔ́n.

Bɛ́nkɛ kó : mɔ̀gɔ bɛ dén wólo


à tɛ kɛ́ í fɛ̀.
À kó nìn kɔ̀ni yé nê júgu dè yé
Nê y'à ka kìbaru mɛ́n
35 Kó à kó…
À bònyɛn'à yɛ̀rɛ̂ bólo.
À kábar'à yɛ̀rɛ̂ lá.

– 30 –
« Eh bien ! grâces soient rendues à Allah !
Puisque les Peuls ne reviennent pas sur leur parole ! »
Et il le loua, le louant de plus belle,
Et il l’exalta, et il le glorifia.
5 Le magnifiant encore ! Il dit : « Je savais que tu ferais ainsi.
Je savais en partant déjà,
Que tu m’accorderais tout ce que je demanderais. »
Il dit : « Je te demande ceci :
Va faire amende honorable à ton oncle.
10 Va rendre visite à ton oncle,
Va voir ton oncle,
Afin que tu le connaisses et qu’il te connaisse…
N’as-tu pas solennellement déclaré que tu me l’accordais ?
Tu es un Peul,
15 Tu es un Bibèlanbè.
Tu ne peux reprendre ce que tu as donné,
Tu es un fils de roi. »
Il dit : « J’accepte ».
Il dit : « Alors, c’est parfait ».
20 Il dit : « Alors tout ce que tu m’avais offert,
— Si tu me le donnes à présent, je l’accepte ».
Il lui fit beaucoup de cadeaux.
Les Peuls aussi lui firent beaucoup de cadeaux.
Alors, il prit congé d’eux.
25 Et il s’en retourna.

Il34 envoya annoncer à son oncle


Qu’il venait,
L’oncle qui avait eu tout le temps de se fâcher contre lui.
Il venait lui rendre visite,
30 Afin qu’il connaisse son oncle et que son oncle le connaisse.

L’oncle dit : « Ainsi on peut avoir mis enfant au monde


sans en être aimé,
Car enfin, ce garçon est mon ennemi !
Et ses propos me sont parvenus, certes !
35 Il aura osé dire…35
Ne s’est-il pas enflé d’orgueil ?
Trop imbu qu’il est de lui-même ?

– 31 –
N'í y'à yé ń ma táa à n'à ka
Kàbila bɛ́ɛ cɛ̀
Kà n'ù bìla sòbinkanna
Ń bàlemamuso kósɔ̀n dòn
5 Ń kànâ nà jí dá à ɲɛ́ ná.
Nê yɛ́lɛl'à lá dè.
À nàna !
À fɔ́r'à bi nà dón mîn ná
Ù y'à kùnbɛ̀n ni sòw yé.
10 À yɛ̀rɛ̂ ye kírike dá à ka sòw lá
À n'à ka kɛ̀lɛ jàma nàna
À ye múgu wúli, múgu !…
Kìsɛ t'à kɔ́nɔ
Màrifa kán ye yɔ́rɔ bɛ́ɛ lábɔ
15 Hɛ̀n ! Bɛ́nkɛ kó yálà à nàna…
ń bón dè wà ?
Kó ée ! à nàna…, à dònkan dòn.
À b'à fɛ̀ à dòn kán (kànâ dògo)36.
Kó : dénmisɛnw kɔ̀ni !

20 À nàna.
À y'í cún kà bɔ́ sò kàn.
Jàma b'à nɔ̀ fɛ̀
À b'à ka « armée »37 ɲɛ́.
À nàna sé à bɛ́nkɛ mà
25 À nan'í bíri, à bɛ́nkɛ kɔ́rɔ
K'í « prosterner »38 ò kɔ́rɔ, à mɛ́nna !…
Bɛ́nkɛ y'í bólo dá à kùn ná
À ni bɛ́nkɛ ìn bɔ́len bɛ́ ɲɔ́ɔn fɛ̀.
Bɛ́nkɛ ìn y'à wúli k'à dɔ̀.
30 Kó à ka wúli k'í sìgi.
À wúlila k'í sìgi.
À kó yálà ê nàna ń bón dè wà ?
Kó ń ma nà í bón.
À kó í dùn…
35 Kà ò múgu tì dùn kùn yé mùn yé ?
À kó í k'à dɔ́n k'à fɔ́ ń nàna
Ń k'à dɔ́n k'à fɔ́ k'í kɛ́ra cɛ̀ yé wà ?
À kó : àyí ! à k'ò tɛ́ !

– 32 –
Si vous êtes témoins quex je me suis abstenu
D’aller le razzier avec toute sa tribu,
Et ils auraient servi ici comme palefreniers,
C’est uniquement par égard, par miséricorde pour ma sœur !
5 Et pour ne point l’accabler de chagrin.
Ne sait-il pas qu’il me fait rire, moi ? »
Le voici donc !
Le jour annoncé étant arrivé,
Une troupe de cavaliers partit à sa rencontre.
10 Lui-même avait fait harnacher plusieurs chevaux.
Il arriva avec le gros de son armée.
Il fit donner une salve bien nourrie :
Mais les cavaliers tiraient à blanc ! Sans balle.
La ville retentit des coups de feu des arrivants.
15 « Mais alors ! s’exclama l’oncle : est-ce qu’il serait venu
pour me bombarder ? »
« Sûrement pas ! Sire ! simplement il a voulu ne pas manquer son
entrée … et qu’on sache qu’il est là. »
Il dit : « Hé ! ces jeunes ! »

20 Le voici !
Il sauta à terre,
Suivi de son escorte.
Il marchait devant ses troupes fièrement, mais sans hâte.
Il parvint devant son oncle,
25 Il s’inclina très bas devant son oncle,
Il resta longtemps incliné devant son oncle.
L’oncle posa une main affectueuse sur sa tête.
Et l’on vit comme il ressemblait à son oncle.
L’oncle le releva et il se mit debout.
30 Il l’invita à s’asseoir,
Alors seulement il s’assit.
Il dit : « Tu es donc venu pour me bombarder ? »
Il dit : « Je ne suis pas venu te bombarder »
Il dit : « Mais alors, et ces façons… ces façons
35 De remplir ma ville de coups de fusil ? »
Il dit : « Juste que vous sachiez que je suis venu ».
« Que je sache plutôt que tu es devenu un homme ? »
Il dit : « Non ! Ce n’est point cela ».

– 33 –
À kó nê y'à mɛ́n k'í kó… áwà !
Í bá y'í dɛ́li k'í ka nà bɔ́ nê yé.
Í ka nà bɔ́ nê yé í ma sɔ̀n
Fó à ye mɔ̀ɔw bìla k'í dɛ́li
5 À kó ń bɛ́nkɛ !
À kó n'í ye ń ɲìninka,
À kó ń bɛ kúma í yé.

À kó ń dùsukasilen dòn.


À kó nê fà, ń ka bɔ́ yàn
10 kà táa dùgu rɔ́
Ò man dí à yé.
Ń b'à kɔ́rɔ ábada
À ma fɛ́n wɛ́rɛ sɔ̀rɔ nê kélen kɔ́.
Ń bá fána, ń ka bɔ́ à kɔ́rɔ, kà táa yɔ́rɔ rɔ́,
15 kàbini nê séra, cɛ̀ya yé…
Mɔ̀gɔw b'à fɔ́ ée !
Nìn n'à bɛ́nkɛ bɔ́len bɛ́ ɲɔ́ɔn fɛ̀
Nê b'à fɛ̀ k'í yé -
Ù ma sɔ̀n
20 Kà ń bìla kà nà.
Ń bá m'à fɔ́
Ń fà m'à fɔ́.
Ò dígira nê ná kójugu.
N'ò dímiya mɔ̀na ń kɔ́nɔ
25 Ń fána ka ń dùsu súma ò nɔ́…
Ù ma sɔ̀n k'ò fɔ́, fó nê fà sàra.
Nê sìgilen ò nɔ̀ rɔ́ tùma mîn ná,
Nê bá dè hákilila39 k'à fɔ́ ń ka nà bɔ́ ê yé
Ń káarilen kɔ́.
30 Ń y'à kɛ́ kà dá nìn dè kàn
À ɲɛ́ji bɔ́ra
Bɛ́nkɛ yɛ̀rɛ̂ ɲɛ́ji bɔ́ra.

Ù y'ù bólo dòn ɲɔ́ɔn bólo.


À kó : ń dén
35 À kó : ń yáfara í mà
À kó mùso hákili,
Àní dén nádiyanye,

– 34 –
Il dit : « J’ai appris aussi que tu aurais dit, eh bien…
Ta mère t’aurais supplié de venir me voir.
Hein ? de venir me voir, et tu aurais refusé.
Et elle a même dû envoyer des gens te supplier… »
5 Il dit : « Mon oncle ! »
Il dit : « Si tu m’interroges, »
Il dit : « Je parlerai »

Il dit : «Tel que tu me vois je suis un homme chagriné.


Pour feu mon père, l’idée de me voir le quitter
10 pour quelque destination que ce soit,
Cela lui était pénible.
J’ai grandi littéralement sous ses yeux.
Il n’avait eu de fils que moi.
Il en est de même de ma mère, l’idée de me voir partir…
15 Leur était insupportable, j’avais grandi cependant.
Et les gens s’exclamaient à ma vue :
O ! que ce jeune homme ressemble à son oncle !
Et j’ai désiré te rencontrer.
Ils ne voulurent jamais,
20 Mais alors jamais me laisser venir.
Feu mon père ne l’a pas voulu,
Ma mère pas davantage !
Cela m’a profondément bouleversé.
J’ai grandi dans cette frustration, avec cette rancœur
25 Que je savourais un peu comme une revanche.
Ils ne voulurent rien entendre jusqu’à la mort de mon père
Et pendant que je rumine ma rancœur,
Ma mère soudain réalise que je dois aller visiter mon oncle
alors que j’avais renoncé à de semblables projets.
30 Si j’ai agi comme je l’ai fait, en voici les raisons »
Et des larmes surgirent de ses yeux
des larmes coulaient des yeux de l’oncle.

Ils se serrèrent alors les mains.


Il dit : « O ! mon enfant ! »
35 Il dit : « Je te pardonne ! »
Il dit : « Son esprit de femme40
Et un amour maternel exagéré »

– 35 –
À k'ò dè ye ń bàlemamuso sɔ̀rɔ.
À kó : n'ò tɛ́ à tɛ màa sí sɔ̀rɔ
mîn bɛ́ í kó nê cógo.
À kó í fà tá sá…
5 Ò kɔ̀ni yé, áwà — dén nádiyanye.
Àní à ni súrakaw bɛ́ ɲɔ̀gɔnna mîn kɛ́…
Án y'à kìbaru mɛ́n.
Ǹka mîn y'à kɛ́ án mà « renfort » bìla
Kà táa dí à mà,
10 Án m'à mɛ́n k'à fɔ́ súrakaw y'à ka kɛ̀lɛ cíyɛn.
Ò dè kósɔ̀n dòn…
Kó ń y'à bɛ́ɛ yàfa.
À tóra dùgu kɔ́nɔ.
À kó dùgu fíl'í kɔ́rɔ.
15 Kàbi Ála y'à dá, à ma dùgu yé mîn bɛ́ í kó ò cógo :
Ù bi sów dè dɔ̀
Jàbi bɛ dá ni jíri mîn yé
Ù b'ò dè kɛ́ kà sów bíli
Kà sánkansow k'à lá.
20 À y'ò y'ò yɔ́rɔ dè lá.

N'ò tɛ́ òlû ka sów yé bùguw ni… áwà — só kelen-kelenw,


Àní sánkanso kélen-kélen
Mínnu bɛ́ àlê yɛ̀rɛ̂ ka yɔ́rɔ lá.
À tór'à bɛ́nkɛ fɛ̀ yèn, fó à ye kálo kɛ́.
25 Ábada, à bɛ́ bɛ́nkɛ ìn kɔ́rɔ
Bɛ́nkɛ ìn y'à ka sò yé mînkɛ́,
Sò hásidiya ye bɛ́nkɛ mìnɛ.
Dón ô dón,
Bɛ́nkɛ bɛ bín tà kà n'à bìla sò ìn kɔ́rɔ
30 À yɛ̀rɛ̂ bólo.
Ù mánà bàsi dún k'à bán
Kà tíla kà nɔ́nɔ kɛ́nɛ bɔ̀n à kàn…
N'ù y'à dún, í y'à fàamu
Ò bɛ bàsi k'à lá
35 Kà nɔ́nɔ kɛ́nɛ k'à lá
Kà táa sìgi sò ìn kɔ́rɔ.
Sò ìn b'à dún.
À bɛ sò ìn fílɛ : à cɛ̀ ka ɲì cógo mîn ná.

– 36 –
Il dit : « Voilà ce qui égara ma sœur »
Il dit : « N’eût été cela elle aurait su que personne
ne peut lui être proche comme moi. »
Il dit : « Quant à la part de ton père…
5 Eh bien c’est encore cet attachement excessif à son fils unique
Et la querelle qui l’opposa aux Maures…
Nous eûmes vent de l’affaire, certes ;
Et si nous n’avons pas dépêché des renforts auprès de lui
C’est qu’en aucun moment nous n’avons craint
10 de le voir défait par les Maures.
Voilà les raisons… »
Il dit : « Je pardonne tout ».
Lui resta dans la ville
Et il lui dit : « Voici ma ville, à ta portée ».
15 Jamais de sa vie il n’avait admiré une ville d’une telle magnificence.
C’étaient des édifices haut dressés.
Et l’arbre à henné une fois débité.
C'est ce qui sert à couvrir ces maisons
Toutes pourvues d’étages.
20 Ce fut là, une découverte pour lui.

Car dans son pays, les gens habitent surtout dans des huttes,
Avec de place en place une case carrée à terrasse,
Les seules maisons à étage étant celles du palais royal.
Il séjourna chez son oncle tout un mois.
25 Pas un seul jour, il ne quitta son oncle.
Mais quand l’oncle eut remarqué son cheval,
Il en conçut une envie irrésistible.
Tous les jours
Il portait de l’herbe au cheval
30 De ses propres mains.
Lorsqu’il y avait du couscous au menu, et qu’on s’était régalé,
On versait une quantité de lait frais sur le reste...
et les convives revenaient à l’assaut.
Alors le maître de maison remettait du couscous,
35 Répandait du lait frais dessus,
Et allait porter cela au cheval.
Et le cheval prenait la suite des autres convives.
L’homme alors s’abîmait dans la contemplation du cheval.

– 37 –
Jariba41 dòn !
À cɛ́naa ka jàn
K'à dísi bònyɛ, k'à kónkoron bònyɛ.
À núnkala ka jàn : à yé sé kà jí mìn
5 Séli bɛ̀ngɛ kɔ́nɔ.
À tló fìla, n'í y'ò yé,
À n'à dísi42 n'à ntɔ́rɔn !
K'à gáran-siri yɔ́rɔ mìsɛnya
À shíbɛn43 b'à tà à kɔ́nɔ kɔ́rɔ
10 K'à t'à bìla fó à kɔ́ cɛ́mancɛ rɔ́.
Ò dè yé sò hɔ́rɔnw yé.

Áyìwa, tùma mîn ná, n'ò kɛ́ra,


À nàna síra ɲíni à bɛ́nkɛ fɛ̀.
À kó ń mɛ́nna yàn sá.
15 Ń bá ɲɛ́nafin bɛ́ ń ná.
Ń ye mɔ̀gɔ tó ń kɔ́,
Ò ka kɛ́ ń ka « lieutenant »44 yé ń kɔ́.
Ń bɛ síran súrakaw ɲɛ́.
N'ù y'à dɔ́n ń wàyasera
20 Kà nìn ɲɔ̀ɔn wàyasi jàn kɛ́ -
Nê ni ń ka « armée » mɔ̀gɔ ɲùman bɛ́ɛ nàna
Ù kànâ nà wúli kà táa bìn…
Ǹka ń ye mínnu fána tó ń kɔ́ yèn,
Ń y'à jìgi ù tɛ sé òlû lá.
25 Ń bɛ́nkɛ, ń bɛ síra ɲíni í fɛ̀, ń bɛ táa.
À kó ń ye síra d'í mà.
Í bɛ táa dón jùmɛn ?
À y'à ka táali dwáda.

À kó án ka fára ɲɔ́ɔn ná síbiri


30 Wálà gèjuma.
Kó ò fìla, í k'à fílɛ.
N'í ye dón mîn sɔ̀rɔ ò lá…
Kó n'ò kɛ́ra, án ka ɲɔ́gɔnye bɛ nɔ̀gɔya
Áyìwa ! à y'í lábɛ̀n.
35 À tùn bɛ́nà táa síbiri dón
Júma wúla fɛ̀
À y'í pári45

– 38 –
C’était un pur sang maure, un Diaribé !
Le ventre étiré, bien galbé,
Le poitrail large, la croupe énorme,
Le chanfrein droit et si noble, que la tête eût pu se désaltérer
5 Dans un pot pour ablutions.
Quant à ses oreilles, fines, dressées en permanence,
Des sabots comme sculptés, rabotés !
Les pâturons minces, minces,
La ligne d’épis allait du bas du ventre
10 Jusqu’au milieu du dos…
Tels sont les chevaux de race46.

Enfin, un jour,
Il avoua à son oncle son désir de prendre congé.
Il dit : « Je crois que mon séjour s’allonge.
15 Il me tarde de revoir ma mère.
J’ai laissé au pays
Quelqu’un à qui j’ai délégué mes pouvoirs,
Car je crains le danger maure…
S’ils savent que je suis parti
20 Pour un si long voyage…
Je suis venu avec les meilleurs de mon armée.
Je crains qu’ils ne soient tentés de faire un coup de main...
Pas trop toutefois, car ceux que j’ai laissé au pays…
Sauront faire front à une attaque éventuelle…
25 Oncle ! je demande à prendre congé de toi je veux partir. »
Il dit : « Je t’accorde le congé.
Et maintenant, quel jour pars-tu ? »
Il fixa un jour.

Il dit : « Séparons-nous plutôt un samedi


30 Ou encore un vendredi
Choisis entre ces deux jours.
Et quel que soit ton choix,
Il y a des chances que nous nous revoyons bientôt. »
Il se prépara donc.
35 Il devait partir dans la journée du samedi.
Vendredi – Après-midi,
Il prit ses habits ;

– 39 –
À y'à sɔ̀rɔ buge47
Ò dlòki dè bɛ́ dáwula lá
À bɛ dòn mìsi bìɲɛ dè kɔ́nɔ
À bɛ bɔ́ háwusa fàn dè fɛ̀.
5 Ò jàlamugu bɛ́nkɛ y'ò d'à mà.
Ò dlòkiba, à y'ò d'à mà.
Sakiya kùlusi, à y'ò d'à mà
Àní suduya mîn bɛ dòn à kɔ́rɔ.

Fúlakɛ ìn y'í pári


10 À ye sóminɛnw d'à ka sò ìn ná
Kà nsìra mìnɛnw k'à kàn
Kà sò ìn màsìri.
À yɛ̀lɛnna à ka sò kàn.
À bi dùgu yáala..
15 À b'à fɛ̀ k'à bɛ́nkɛ ka « capitale » yé
À k'à yɔ́rɔw yé.
À y'à sɔ̀rɔ à ye yɔ́rɔ cáman yé.
Ǹka Banbaadɔw bɛ́ yèn.
Ù bìlal'à ɲɛ́.
20 À táara kà táa sé yɔ́rɔ rɔ́,
Á ! à kó nê ná fùradama ń ma sé yàn dɛ́ ?
Ù kó ɔ̀nhɔ́n !
Nìn « quartier »48 dílalen bɛ́ ni cógo kɔ̀ni nɔ́
Í bɛ́nkɛ ìn bɛ́ kà nìn yɔ́rɔ dè lábɛ̀n tàn
25 Í b'à sɔ̀rɔ nìn yɔ́rɔ dílalen bɛ mɔ̀gɔ dè yé
À b'à ka sò kàn
À b'à ka sò ìn kàn,
à bɛ sò ìn túlonkɛ.

À séra sánkanso mà.


30 À séra sánkanso ìn mà
Mùso bɛ́ sánkanso ìn sán fɛ̀.
Ò bɔ́ra kà n'í jɔ̀ sánkanso ìn fìlantɛrɛ lá
« Ornement » (w)49 kɛ́len b'à kàn
Sanu, àní kɔ́rɔbɔ mìsɛnw.
35 Lagigiw !
Lagigi-pɛmew
Í y'à fàamu ? ò kɛ́len bɛ́ k'à màsìri.

– 40 –
C’était alors l’époque du buge,
Le buge c'est un grand boubou qui était à la mode.
On le conservait en rouleaux dans les cornes de vache50.
Ces tissus nous venaient du pays haoussa.
5 De ce bleu indigo l’oncle lui offrit aussi un turban51,
Du même bleu il lui offrit un grand boubou
Avec le dessous assorti.
Il lui offrit aussi un pantalon sakiya52.

L’homme était habillé de pied en cap.


10 Il harnacha son cheval
Il le couvrit de caparaçons de cuivre étincelants,
L’équipa au possible, des pieds à la tête.
Il monta à cheval.
Il commença l’étonnante randonnée.
15 Il voulait voir la capitale de son oncle,
En découvrir tous les aspects
Sûr ! Il avait déjà vu pas mal de la ville.
Mais des griots avaient formé une suite,
Qui le précéda dans sa promenade.
20 Ainsi il parvint en un endroit
Ah non ! – s’écria-t-il, jamais je n’étais arrivé ici ?
Exact ! dirent-ils,
Ce quartier est effectivement d’une autre facture.
Ton oncle y a mis tout son génie architectural,
25 Sûrement un quartier résidentiel, se disait le cavalier.
Paradant sur son magnifique palefroi,
Lui faisant exécuter des courbettes, des croupades,
des dérobades, des voltiges…

Le voici devant une maison à étage.


30 Le voici au pied de la magnifique maison.
Or une femme se tenait à l’étage.
Elle s’avança vers une fenêtre de l’étage.
Parures sur parure53 ! La dame était couverte de bijoux :
De l’or, des perles fines,
35 De l’ambre !
Des perles précieuses.
Ciel ! La femme s’était parée au possible.

– 41 –
À bɛ́ kà dìsa bɔ́ à kùn ná
À kùnsigi bɛ bìn fó à kɔ́ fɛ̀.
À ye dìsa bɔ́ à kùn ná, í y'à fàamu
K'ò dá à kàn ná, tàn.
5 À dísi n'à ɲɛ́da bɛ́ɛ bɛ́ kɛ́nɛ mà
Àlê m'ò yé.

So bɛ́ túlonkɛ lá


Ò y'í kán sàma à mà :
À kó : hé ! à kó í kàn'í ka sò fàa !
10 À kó í ka sò ɲwàn cáman ye túlon kɛ́
nìn yɔ́rɔ ìn nɔ́ yàn
À y'í kùn kɔ́rɔtà
À ɲɛ́dara ò kàn.
À gálabu kárira
15 Á ! kúma bánn'à dá
Fó jí kɔ́rɔkɔrɔr'à kán ná.
Ò y'à « fixé »54
À yɛ̀rɛ̂ y'ò « fixé »
À y'à kùn bíri.
20 Áyìwa ! à kó ń m'à fɔ́ sò kɔ̀ni ma túlonkɛ
í ka sánkanso ìn kɔ́rɔ yàn.
Ǹka nê ka sò ìn ɲwàn ma túlonkɛ yàn dɛ́.
À kó í ka sò ìn ɲwàn cáman
ye túlon kɛ́ yàn.
25 À kó nê ka sò ìn ɲwàn !…
À kó nê m'à dɔ́n ní màa mîn bɛ́ yèn
n'ò bɛ nà túlonkɛ nìn yɔ́rɔ ìn ná55
ê ka sánkanso ìn kɔ́rɔ yàn.
À kó ê dùn yé jɔ́nì yé ?

30 À kó nê ?
À kó ɔ̀nhɔ́n !
Áyìwa !
À kó nê yé mɔ̀gɔ mîn yé ń k'ò fɔ́ í yé wà ?
À kó ɔ̀nhɔ́n !
35 À kó nê yé mɔ̀gɔ dè yé,
Mîn ni cɛ̀ ma kúma ɲwàn fɔ́ ábada fó wúla ìn ná
Ée ! à k'ò t'í tɔ́gɔ yé

– 42 –
Elle avait détaché le châle qui couvrait sa tête,
Et la nappe de cheveux ondoyait jusque dans son dos.
Elle avait détaché le châle, vois-tu ?
Elle l’avait jeté sur une épaule, ainsi56
5 Ainsi la gorge, le visage, tout était découvert.
Mais lui n’avait encore rien vu.

Le cheval cabriolait, caracolait, et tantôt paradait, tantôt trottinait.


Elle l’apostropha, à tue-tête.
Elle dit : « Hé ! Toi ! veux-tu donc meurtrir ton cheval ? »
10 Elle dit : « Plusieurs chevaux comme le tien ont caracolé
sous ces murs. »
Il leva la tête.
Il la vit :
Quelque chose se brisa en lui,
15 Ciel ! la voix lui manqua.
Une sorte de sanglot s’éleva de sa poitrine.
Elle le regarda fixement.
Il lui rendit son regard.
Et bientôt, baissa les yeux.
20 « Eh bien, put-il articuler, je ne dis pas que des chevaux et leurs
cavaliers n’aient pas joué sous ces murs.
Mais un cheval semblable au mien ? Non ! »
Elle dit : « D’autres chevaux semblables au tien
ont pris leurs ébats ici même. »
25 Il dit : « Des chevaux semblables au mien ? »
Il dit : « Mais qui donc aurait pu monter semblables chevaux
et venir jouer jusqu’ici ?
Sous les murs de cette magnifique maison ? »
Il dit : « Mais toi, qui es-tu ? »

30 Elle dit : « Moi ? »


Il dit : « Oui ! »
« Bien » !
Elle dit : « Que je te dise quelle personne je suis ? »
Il dit : «Oui »
35 Elle dit : « Je suis une personne
Cette personne qui n’avait jamais parlé avec un homme avant ce soir. »
« Oui mais… dit-il : cela n’est point ton nom ?… »

– 43 –
À kó ń b'à fɛ̀ í k'í tɔ́gɔ dè fɔ́ ń yé.
À kó nê yé màa dè yé
Màa mîn ma síbiri ɲɛ́ kélen táama
dùgukolo kàn ábada
5 Fó n'à kɛ́ra sánfɛla ìn yé kà táa kà nà.
À k'ò t'í tɔ́gɔ yé.
À kó ń k'í k'í tɔ́gɔ dè fɔ́ ń yé.
À kó nê yé màa dè yé mîn ma ɲɔ̀ dòn à dá kɔ́nɔ ábada.
À kó ê dùn bɛ mùn dún ?
10 À kó mìsi mîn bi fàa, ò sɛ́mɛ
À ni támàro.
À ni nɔ́nɔ.
À kó nê bálola n'ò dè yé.
À k'ò sí t'í twá yé
15 À kó bì yé dón jùmɛn yé
À kó bì yé gèjuma yé.
À kó ń ye mínnu fɔ́ í yé, n'ò y'í wàsa…
Ń tɛ ń twá fɔ́ í yé.

À hákili cíyɛnna.
20 À ye kàrafe yɛ̀lɛmɛ.
À kó soyaala ma bɔ́.
À ye dùgulen banbaadɔ dɔ́w ɲìninka.
À kó nìn yé jɔ́nì yé ?
Ù kó nìn yé í bɛ́nkɛ dénmuso dè yé.
25 Nìn y'í bɛ́nkɛ dénmuso fɔ́lɔ dè yé
Ée ! à kó nìn furulen bɛ́ jɔ́nì mà ?
Nìn y'à cɛ̀ ka só dè yé wà ?
Ée ! kó : « Roi ». à m'à fɔ́ ê yé kó à ni cɛ̀ dè
ma kúma ní wúla ìn ná tɛ́ wà ?
30 Í sigar'ò kúma ná wà ?
À kó : ò tùma à ma fúru wà ?
À kó : àyí !
À ye kàrafe yɛ̀lɛmɛ
k'ù ka sègin
35 Á ! à bɛ sègin kà táa bɛ́nkɛ fɛ̀ yèn.
À nàna ; à nísɔn ka gó.
Fàrigwan y'à mìnɛ.
À nàna.

– 44 –
Il dit : « Je veux que tu me dises plutôt ton nom. »
Elle dit : « Je suis une personne…
Cette personne qui n’a pas encore marché un empan
sûr la terre de Dieu.
5 En dehors des va-et-vient que je fais ici, dans mes appartements. »
Il dit : « Ce n’est point là ton nom. »
Il dit : « C’est ton nom que je veux que tu me dises. »
Elle dit : « Je suis une personne… qui n’a encore jamais mangé de mil. »
Il dit : « Mais alors, de quoi te nourris-tu ? »
10 Elle dit : De la moelle des vaches qu’on abat ;
De dattes,
et lu lait ».
Elle dit : « «Voici ce dont j’ai été nourrie. »
Il dit : « Mais rien de tout cela n’est ton nom »
15 Elle dit : « Quel jour sommes-nous, aujourd’hui ? »
Il dit : « Nous sommes vendredi »
Elle dit : « Si tu peux, satisfais-toi de ce que je t’ai dit…
Mais je ne te dirai pas mon nom. »

Il était désemparé
20 Il tourna bride.
Il dit : « Je renonce à cette randonnée. »
Il se mit à questionner des griots de sa suite.
Il dit : « Qui est celle-là ? »
Ils dirent : « Celle-là est la fille de votre oncle,
25 Celle-là est la fille aînée de votre oncle. »
« Mais dit-il, à qui est-elle mariée ?
C’est sûrement ici la maison de son mari ? »
« Mais enfin, sire, ne vous a-t-elle pas déclaré
n’avoir jamais parlé à un homme avant ce soir ?
30 Douteriez-vous de ces paroles ? »
Il dit : « Mais alors, elle n’est pas mariée ? »
Ils dirent : « Non ! »
Il tourna bride
et dit : « Rentrons ! »
35 Ciel ! À présent, il rentre au palais de son oncle.
Le voici ; plutôt de mauvaise humeur.
Il est fiévreux.
Le voici.

– 45 –
À jìginna kà bɔ́ à ka só kàn.
À bɛ́nkɛ kó : sòyaala ma bɔ́ wà ?
Kà dùgu lájɛ wà ?
Kó sòyaala bɔ́ra.
5 À kó ń b'à fɛ̀ kà táa
Ń bɛ ń sàra í lá.

Áyìwa : Bɛ́nkɛ kó í bɛ́ fɛ́n mîn fɛ̀ à fɔ́ ń yé.


Ní í bɛ́ jɔ̀nw cáman fɛ̀, ń b'ò d'í mà
À ye jɔ̀n cáman d'à mà.
10 À kó ń bɛ́nkɛ : à kó ń t'ò fɛ̀.
N'í bɛ́ sánu fɛ̀ : à ye sánu cáman d'à mà.
À kó ń t'ò fána fɛ̀.
N'í bɛ́ mìsi fɛ̀, à ye mìsi cáman d'à mà.
Ní í bɛ́ sò fɛ̀ ń ye sò cáman d'í mà.
15 À kó : ń bɛ́nkɛ à kó ń t'ò fána fɛ̀.
À kó : í dùn bɛ́ mùn fɛ̀ ?
Nê yɛ̀rɛ̂ « pilasi »57 ìn sá wà ?
À kó ń bɛ́nkɛ, ń t'ò fána fɛ̀.
À kó : í bɛ́ mîn fɛ̀ í dùn t'ò fɔ́ ń yé ?
20 À kó ń bɛ́ fɛ́n kélen pé dàma dè fɛ̀ í bára.
Í ka « Royaume » ìn kɔ́nɔ.
À kó fɛ́n kélen pé dàma, ò bɛ ê wàsa ?
À kó : ɔ̀nhɔ́n
À kó : ò dùn yé mùn yé ?
25 À kó ń bɛ́nkɛ ! à kó ń bɛ síran
k'ò fɔ́ í ɲɛ́ ná.
À kó : à fɔ́. nê ye à lìmaniya58 d'í mà
Í bɛ́ fɛ́n mîn fɛ̀, à fɔ́.

À kó : fó n'í y'à dí yàn fɔ́lɔ dɛ́.


30 Máabɔ kɛ ye mîn kɛ́ à lá
À y'ò ɲwàn k'à bɛ́nkɛ lá.
Hà ! à kó fó ń k'ò fɔ́ í yé ?
À kó : ɔ̀nhɔ́n !
N'í y'à fɔ́ nê yé k'à fɔ́
35 nê bɛ́ fɛ́n mîn fɛ̀
Ní ń y'à fɔ́ í yé, ní ń m'à sɔ̀rɔ màloya bɛ ń fàa.
À k'ò ka fìsa í k'à fɔ́ nê yé…59

– 46 –
Il descend de cheval,
L’oncle dit : « La randonnée n’a donc pas eu lieu ?
Pour voir la ville ? »
Il dit : « La randonnée a bien eu lieu. »
5 Il dit : « Mais je voudrais prendre congé à présent
S’il te plaît. »

« Bien, dit l’oncle, à présent, dis-moi ce que tu désires


Si tu désires des esclaves en quantité, je te les donne. »
Il lui a donné des esclaves en quantité.
10 Il dit : « Mon oncle, je n’en veux pas ».
« Si tu désires de l’or… il lui donna beaucoup d’or… »
Il dit : « Cela non plus je n’en veux pas ».
« Si tu désires des vaches, il lui donna des vaches en quantité,
Si tu désires des chevaux, je te donne des chevaux en quantité. »
15 Il dit : « Mon oncle : je ne veux pas de cela non plus ».
Il dit : « Mais alors, que veux-tu ?
Peut-être ma place de chef suprême des Peuls ? »
Il dit : « Mon oncle, je ne veux pas de cela non plus. »
Il dit : « Eh bien, dis-moi alors ce que tu désires ? »
20 Il dit : « Je ne désire qu’une seule chose chez toi…
Une seule dans ton royaume tout entier »
Il dit : « Une seule et unique chose, et cela te suffirait ? »
Il dit : « Oui ! »
Il dit : « Alors, quelle est-elle, cette chose ? »
25 Il dit : « Mon cher oncle ! » Il dit : « Je craindrais
de te faire un tel aveu. »
Il dit : « Dis-le ; C’est moi qui t’autorise à le dire.
Dis ce que tu veux ! »

Il dit : « À moins que tu ne me l’abandonnes sans conditions… »


30 Le piège que le vieux griot lui avait tendu,
Il tendit le même piège à son oncle.
« Ah oui ? s’exclama-t-il, je devrais te promettre cela ? »
Il dit : « Oui !
Car enfin, si tu m’engages
35 à avouer ce que je désire…,
Si j’avouais…, et me retrouvais éconduit, j’en mourrais de honte.
Mon silence est donc meilleur qu’un aveu,

– 47 –
N'í y'à fɔ́ nê yé í y'à dí nê mà
K'ò tùma nê b'à fɔ́ í yé.
À kó ɔ̀nhɔ́n !
Í bɛ fɛ́n kélen mîn ɲíni, ń y'ò d'í mà
5 À kó nê b'í dénmuso ìn dè fɛ̀.
À kó nê b'ò dè fɛ̀.
À kó nìn tɔ́gɔ yé Sìra Indu
Mùso nìn tɔ́gɔ yé Sìra Indu,
Kó àlê b'ò dè fɛ̀.
10 Bɛ́nkɛ y'à fílɛ, k'à fílɛ, Bɛ́nkɛ yɛ́lɛla
À k'ê ye à yé mínì ?
À kó nê y'à dɔ́n à bɛ́ yàn.
Nê táara fó à ka sánkanso kɛ̀rɛfɛ̀.
Bɛ́nkɛ kó à kó ń y'à d'í mà.
15 À kó ń y'à lámàra ê yɛ̀rɛ̂ dè yé.

Ń b'à dí jɔ̂n mà mîn ka fìsa ê yé ?


Í fà, nê bàlemamuso dír'ò mà
Ò dén yé ê yé.
Nê dén yé ê yé.
20 Nê dùn fà dén tɛ́ ê fà yé
Ní nê ma mùso dí ń dén mà
Ń bɛ t'à dí fúla jùmɛn kélen ma
Mîn ye ê bɔ́ ?
À kó ń y'à d'í mà.
25 Dón ô dón ka d'í yé, í k'à kɔ́ɲɔ kɛ́.
Ntàmanw gosira.
Tungerenw60 fɔra.
Banbaadɔw sìra kà galo61.
Táali ma bɔ́.
30 Gèjuma mîn dar'ò kàn
Kɔ́ɲɔ kɛr'ò lá.

Ù ka « armée » bɛ́ɛ ye ɲɔ́ɔn sɔ̀rɔ yèn


Ù ye dwákun k'à túlonkɛ lá
Fó kà táa dwákun bán.
35 Mîn kɛ́ra òlû ka kó yé sá,
Ò yé ò yé.
Mîn kɛ́ra mùso yɛ̀rɛ̂ ni cɛ̀ ka kó yé…

– 48 –
Mais si tu me l’abandonnes d’avance,
Dans ces conditions, j’avoue immédiatement ce que je veux. »
« Bien, dit-il…
L’unique chose que tu désires, je te l’abandonne. »
5 Il dit : « C’est ta fille que je veux »
Il dit : « C’est elle que je veux. »
Il dit : « Celle qui se nomme Sira Indou
La femme se nommait Sira Indou… »
C’est elle qu’il voulait…
10 L’oncle le jaugea, des pieds à la tête ; l’oncle sourit.
Il dit : «Où l’as-tu vue, toi ? »
Il dit : « Je savais qu’elle était là.
Je suis allé jusqu’au pied de sa maison. »
L’oncle dit, il dit : « Je te la donne. »
15 Il dit : « C’est justement pour toi que je la gardais ! »

« Qui mieux que toi pourrait prétendre à sa main ?


À ton père, on a donné ma sœur :
Celle qui t’a donné le jour.
De ce fait tu deviens mon fils62,
20 Or ton père n’était pas fils de mon père ?…
Si je ne t’accordais la main de ma fille à toi,
À qui donc l’accorderais-je
Qui te vaille, toi ? »
Il dit : « Je te la donne donc ;
25 Fais le mariage le jour que tu voudras. »
Les ntaman63 crépitèrent,
Les tungeren60 résonnèrent.
Et toute la nuit les griots chantèrent à tue-tête.
Le départ fut annulé.
30 Le vendredi suivant,
Le mariage eut lieu.

Toute l’armée se trouva réunie sur place.


Les noces durèrent toute une semaine,
Jusqu’au septième jour de la semaine.
35 Pour ce qui concerne les noces,
Voici ce qu’il en fut.
Mais qu’advint-il des nouveaux mariés…

– 49 –
Ní cɛ̀ ìn nàna í lábɛ̀n, à bi táa
À ka kɔ́ɲɔ bón ná…
Ù ye mùso kò.
Ù bi táa mùso dí à mà.
5 À dònna só mîn kɔ́nɔ
Ù kɛ́nen bɛ́ kà hɛndɛsɛw64 kɛ́ só kɔ́nɔ
K'à pári ù ka fúla párili làhalaw lá
À ni mìnɛnw yé
À ni « tapiw » yé
10 Bɛ́ɛ bɔ́ra k'à n'à mùso tó yènninnɔ̀.

À kúman'à mùso fɛ̀.


À y'í bólo d'à mùso kàn
À mùso kó : í bólo bɔ́ ń kàn.
À kó sísàn kɔ̀ni nê dè y'à kànu ê ka nê yé
15 Nê y'à kànu ê ka nê dɔ́n.
À kó n'ò tɛ́ ê ma hálì nê ɲìninkali kɛ́.
À kó : ò tɛ́ !
Ê dogora nê ná dè.
Màa sí ma ê ka kó fɔ́ ń yé.
20 Nê fána ma sé yàn ní nìn tɛ́.
Áyìwa ! à kó nê fána bɛ fɛ́n kélen ɲíni í fɛ̀
Í k'ò kɛ́.
Nê yé í mùso yé.
N'í bɛ́ nê fɛ̀…

25 Kàbi Ála ye nê dá


Nê ma jòli yé ń ɲɛ́ ná fɔ́lɔ.
Fɔ́ ê bi nà ń súngurunya tà mînkɛ́,
Ní ń b'ò jòli yé.
Sánì ń k'ò jòli yé…
30 Í bɛ́ sò mîn, í tùn bɛ́ sò mîn kàn
Í b'ò dè fɛ̀ wá í bɛ́ nê dè fɛ̀ ?
À kó ń bɛ́ ê dè fɛ̀ kà tɛ̀mɛn sò kàn.
À kó í ka sò ìn fàa, ń k'à jòli yé.
Ò tùma ná, í bɛ sɔ̀rɔ kà nê yɛ̀rɛ̂ jòli yé.

35 À kó ń b'ò k'í yé.


À kó n'ò kɔ̀ni kɛ́ra, í bi sé k'à fɔ́

– 50 –
Lorsque l’homme se prépara à entrer
Dans la chambre nuptiale ?
On avait préparé la mariée65,
À présent on la conduisait à son mari.
5 Entrons dans la chambre :
Les murs en étaient ornés de lambris d’osiers,
De nattes multicolores, de corbeilles suspendues
Et d’autres objets encore.
Et c’était une débauche de tentures accrochées et de tapis au sol.
10 Tout le monde bientôt s’échappa, on le laissa avec sa femme.

Il adressa la parole à sa femme.


Il voulut passer une main sur le corps de la femme -
La femme dit : « Ôte ta main de mon corps ! »
Elle dit : « Ainsi c’est moi qui aurais pris l’initiative de notre rencontre !…
15 C’est moi qui ai voulu que tu me connaisses. »
Elle dit : « Car enfin, t’es-tu seulement inquiété de moi ? »
Il dit : « Ce n’est point cela.
Le fait est qu’on t’a cachée à moi,
Personne ne m’avait parlé de toi auparavant,
20 Et tu sais que c’est mon premier séjour ici. »
« Bien, dit-elle. À mon tour je te demande une chose
Que tu feras pour moi :
Je suis ta femme.
Si tu m’aimes… »

25 « Jamais depuis que je suis au monde,


Je n’ai vu le sang de mes yeux.
Ce que tu feras surgir de mon intime tout-à-l’heure.
Devra-t-il être ma première expérience du sang
d’ici que je contemple ce sang-là…
30 Le cheval que tu montais tout à l’heure…
Dis-moi : Est-ce lui que tu aimes, ou est-ce moi que tu aimes ? »
Il dit : « C’est toi que je préfère au cheval. »
Elle dit : « Eh bien, tue ton cheval afin que je voie son sang.
Après quoi tu pourras voir mon sang à moi. »

35 Il dit : « Je ferai cela pour toi. »


Elle dit : « À cette condition, tu pourras prétendre

– 51 –
… k'í b'í bólo dá ń kàn.
À y'í sìgi à y'í míiri.
À y'à ka gàwali tà.
Kálo jɛ́len bɛ́.
5 Mɔ̀gɔ bɛ́ɛ jàmanen bɛ́ ù ka yɔ́rɔ lá
Fó n'à kɛ́ra mùso kɔ̀rɔ mínnu b'ù sìgi dá lá.
À bɔ́ra dá fɛ̀.
Mùso n'à ka màsiriw bɔ́r'à nɔ̀fɛ̀.
À nàna sòkɛ ìn sìrilen yé : à kó
10 Kó sòkɛ ìn ka nà sìri à dá lá.
À yɛ̀rɛ̂ bi sì yɔ́rɔ ô yɔ́rɔ, sò ìn bi sìri yèn.

So yé à yé, sò y'í kùnkɔrɔtà, sò hìnhìnna.


À ye gàwali kɔ́rɔtà.
Sò y'í kùn kɔ́rɔtà k'à fílɛ mînkɛ́,
15 So hìnhìnna…
À bólo ni fɛ́n yɛ́rɛyɛrɛla.
À bólo ni gàwali yɛ́rɛyɛrɛla.

À mɛ́nna.
À ma sé kà gàwali ìn kɛ́ k'à bón.
20 À sèginna : à y'à kɔ́rɔtà
À ma sé.
À sèginna : à y'à kɔ́rɔtà…

Mùso y'à bólo ni gàwali mìnɛ :


K'ù ka yɛ̀lɛn sánfɛ̀.
25 Ù yɛ̀lɛnna.
Ù ye dwákun bɛ́ɛ kɛ́ só kɔ́nɔ k'à bán.
Mùso ìn ma kúm'à fɛ̀.
À ma sé kà sò ìn fàa.
Fó kɔ́ɲɔ bɔ́ra
30 K'à sɔ̀rɔ à ma mùso ìn dɔ́n mùso yé.
Ò m'à dɔ́n cɛ̀ yé.
Mùso nímisar'à ka kúma fɔ́li lá
Bárì à b'à cɛ̀ fɛ̀.

Mùso míirira : à kó nê ni sò ìn dè dàma ka kán


35 nìn yé sá kɛ̀ ?

– 52 –
… poser ta main sur mon corps. »
Il s’assit, il se recueillit.
Il prit sa lance Gaoual.
La lune inondait toutes choses de sa clarté.
5 Les convives s’étaient tous retirés.
À l’exception des vieilles matrones qui assistent la mariée.
Il sortit de la chambre.
La femme encore parée de tous ses bijoux, le suivit.
Il aperçut le cheval attaché à son piquet.
10 Il avait ordonné que le cheval soit attaché devant sa porte.
Où qu’il se trouvât, il aimait à savoir le cheval à ses côtés.

Le cheval le vit, le cheval leva la tête, le cheval hennit.


Il leva la lance :
Alors le cheval leva la tête et le regarda
15 Le cheval hennit.
Sa main trembla sous l’arme,
Oui ! sa main tremblait avec la lance Gaoual…

Et cela dura.
Il ne put se résoudre à frapper la bête de son Gaoual.
20 De nouveau, il leva la lance,
Il ne put achever son geste.
De nouveau il leva l’arme :

La femme saisit sa main fermée sur la lance Gaoual,


Elle l’invita à monter.
25 Ils montèrent.
Ils achevèrent la semaine dans la chambre nuptiale.
La femme ne prononça pas un mot,
Et lui ne put immoler le cheval.
Les noces prirent fin
30 Sans qu’il ait connu sa femme,
Ni que celle-ci l’eût éprouvé comme homme.
La femme regretta ses paroles,
Car elle aimait son mari.

Et la femme s’interrogeait : « Est-ce que le cheval aurait la même valeur


35 que moi, aux yeux de cet homme ?

– 53 –
À bɛ́ sò ìn dè fɛ̀ kà tɛ̀mɛ nê kàn.
Mùso fúnuna.
À ka kúma fɔ́ nímisa y'à mìnɛ.

Kɔ́ɲɔ bɔ́len…
5 Bɛ́nkɛ kó : à kó « waladu » t'à lá
À b'à lábɛ̀n.
Bɛ́nkɛ y'à kɔ́ɲɔbɔ ni kɔ́ɲɔbɔfɛn ô fɛ́n ka kán
ni Fàamaden kɔ́ɲɔbɔ yé.
À y'ò bɛ́ɛ kɛ́ k'à kɔ́ɲɔbɔ :
10 Jɔ̀nw cáman.
Sòw cáman.
Áwà màrifa cáman66.
« Armes » cáman.
« Munitions »67 cáman.
15 Bɛ́nkɛ y'ò d'à mà kà t'à bìla
Kà banbaadɔw bìl'à nɔ̀fɛ̀.
Ù ye njaro tà kàbini ù ka « capitale » lá68
Fó kà t'à bìla fó nìn fána ka « capitale » lá.
Ò y'à sɔ̀rɔ à y'à ɲíni à bɛ́nkɛ fɛ̀.
20 Ń ɲìnɛna ò yɔ́rɔ kɔ́
À kó : waladu ma bán.
Waladu dè yé kálo sàba yé
Í mánà mùso fúru,
À bi waladu kɛ́, kálo sàba.
25 Mùso bɛ kɔ́ɲɔbɔ kà t'à d'í mà.
Bɛ́nkɛ kó waladu t'à lá.
À kó waladu b'à lá.
À kó nê bɛ waladu ìn kɛ́ yàn.
K'í ti t'í ka só ?
30 Mùso ná t'í sɔ̀rɔ yèn…
À k'ò tùma ; n'í kó waladu b'à lá,
à kó í n'í sìgi yàn.
À y'í sìgi yèn.
À y'à fɔ́ dùgulenw yé mínnu yé cɛ̀kɔrɔbaw yé
35 Banbaadɔ nìnnú yé
À kó ù ka màa ɲíni à yé
Mîn yé dén ìn bɛ́ só mîn ná
Mîn y'ò « construit »69

– 54 –
Non ! C’est plutôt qu’il me préfère le cheval ? »
La femme se trouva vexée.
Elle regretta d’avoir parlé.

Lorsque la semaine nuptiale fut achevée,


5 L’oncle dit : « Il n’y aura pas de oualadou,
Préparez-vous à partir. »
L’oncle dota sa fille de tout ce qu’on s’attendait à trouver
dans la dot d’une princesse :
Il fit le maximum pour la doter :
10 Des esclaves en quantité,
Des chevaux en quantité,
Des fusils66 en quantité,
Des armes en quantité,
Des munitions en quantité.
15 L’oncle lui donna de tout cela et lui donne une suite :
Il lui donna des griots.
Ceux-ci reprirent la musique héroïque des Peuls :
Ils jouèrent tout le temps du voyage entre les deux capitales.
Il avait insisté auprès de son oncle,
20 Ce que nous avions omis.
Il avait dit : « Nous tenons à notre oualadou. »
Le oualadou est un préavis de trois mois
Lorsqu’on épouse une jeune fille peule,
Elle reste en stage chez elle trois mois.
25 Elle est alors dotée et envoyée chez son mari.
L’oncle avait voulu déroger à la règle.
Le neveu insistait au contraire qu’on observât le oualadou.
Il dit : « Je veux passer cette période ici. »
« Tu ne veux pas rentrer chez toi ?
30 Ta femme te rejoindrait plus tard !
Puisque tu milites en faveur du oualadou,
je te souhaite bien du plaisir dans ton attente. »
Il s’installa donc.
Il s’adressa à des autochtones
35 Choisis parmi les anciens
Et parmi les griots.
Il les pria de lui faire connaître
Ceux qui avaient construit le petit château de la princesse…

– 55 –
Á' ka t'ò ɲwàn jɔ̀ à ka wɛ̀rɛ lá
K'à « meubler »70 b'í k'ò cógo
À bi táa mùso ìn jìgin
à ka só ɲɔ̀ɔn kɔ́nɔ
5 Ò y'ò dɔ̀ k'ò bán
Ù nàn'à f'à ɲɛ́ ná.
À sɔ̀rɔla kà síra ɲíni bɛ́nkɛ ìn fɛ̀.
À ni mùso táara.
Mùso ìn bɔ́ra só mîn kɔ́nɔ
10 À táara dòn fɛ́n kɔ́nɔ mîn ka ɲì ò yé.

Mɔ̀gɔ mínnu bɛ́ « canton »71 ná,


ù bɛ n'à ka yɔ́rɔ fílɛ
À ni mùso ìn tóra tèn.
À ma sé kà sò fàa…
15 Mùso fána…
À ma sé kà sé mùso mà.
À bɛ nà dɔ́rɔn, ù b'ù dá ɲɔ́ɔn kɛ̀rɛfɛ̀
À bɛ hámi, à bɛ míiri :
Fà ye sò ìn dè ɲíni kà dí àlê mà
20 Fà sàra kà sò ìn tó àlê dè bólo.
(sò ìn sɔ̀rɔla cógo mîn ná,
ń y'ò cógo fɔ́ í yé).
À ɲwàn tɛ́ màa sí fɛ̀.
À mùso ìn fána ɲwàn tɛ́ màa sí fɛ̀.
25 Àlê kɔ̀ni, nìn fɛ́n fìla ìn
Nìn fìla bɛ́ɛ « garder » li72 tùn ka d'à yé
N'Ála tùn ye nɔ̀gɔya k'à mùso dùsukun ná
Ò tùn ka d'à yé.
Fàamaden dòn : à ka bòn à yɛ̀rɛ̂ bólo.
30 À tɛ kúma fɔ́ n'à bɛ wúli kà b'ò kàn.
Fó sàn yɛ̀lɛmɛna.
À ni mîn ye dénmisɛnya kɛ́ ɲwán fɛ̀
Ò fána yé fúla hɔ́rɔn yé : ò dè y'à ka « premier-ministre » yé.
À y'ò dè k'à ka « premier-ministre »73 yé
35 Nìn yé Làji Sunbunu yɛ̀rɛ̂ ka kúma yé : máana dɔ́ tɛ́.
À n'ò dè yé kélen yé.
Ò ye mùso ɲíni
Ò mùso kɔ́ɲɔ…

– 56 –
Il voulait bâtir une pareille maison dans son campement.
Il voulait la meubler semblablement.
Car il voulait loger sa femme dans une maison semblable
à celle qu’elle avait quittée.
5 La maison fut bientôt achevée.
On vint l’en aviser,
Alors seulement il prit congé de son oncle.
Il partit avec sa femme.
La femme avait certes quitté une maison somptueuse,
10 Ce qu’elle trouva devant elle surpassa en tout ce qu’elle laissait.

Les gens venaient des contrées voisines


Admirer la maison :
Les choses demeurèrent inchangées, avec sa femme,
Car il ne put immoler son cheval...
15 Ni sa femme de son côté…
Il ne put non plus toucher sa femme.
Il venait, ils couchaient l’un près de l’autre :
Il se rongeait de souci, il s’absorbait dans des méditations :
Feu son père avait tenu à lui chercher cette monture.
20 Et c’était ce cheval, le meilleur de son héritage.
Nous savons dans quelles circonstances le père
avait fait la conquête du cheval.74
Personne d’autre que lui ne possédait un cheval pareil,
Et personne d’autre que lui ne possédait une femme comme sa femme :
25 Et il demeurait perplexe entre ces deux objets.
Il aurait plutôt voulu les garder tous deux.
Si Dieu voulait bien amener quelque clémence dans le cœur de sa femme,
Voilà qui lui plairait.
C’était un prince du sang : il avait l’orgueil de la race,
30 Il ne pouvait revenir sur son engagement75.
Maintenant, une année était passée.
Son camarade d’enfance
Qui était lui aussi de noble souche – et son premier ministre,
Oui c’est celui-ci qu’il avait nommé son premier ministre.
35 - C'est Laji Sunbunu lui-même qui parle ici, il ne s'agit pas d'un commentaire -
Cet autre lui-même
Lui s’était fiancé depuis peu.
Or les noces étaient là,

– 57 –
Ò nàna kà n'ò fɔ́ à yé
Kó ń mùso kɔ́ɲɔ bɛ dòn.
Jɔ́nì ni jɔ́nì bɛ táa ń fɛ̀.
À kó jɔ́nì dùn bɛ táa kà tɛ̀mɛ nê yɛ̀rɛ̂ kàn ?
5 Ée ! à kó ê yɛ̀rɛ̂ bɛ táa ?
À kó nê ka táa ê ka kɔ́ɲɔ ná
Ò yé « nê yɛ̀rɛ̂ » yé wà ?
Ní nê ma táa ê ka kɔ́ɲɔ ná
Ɲìninkali bɛ táa kɛ́ jɔ́nnì kélen ná ?
10 Banbaadɔw bɛ kúma jɔ̂n fɛ̀ ?
Nê n'ê dè wolola ɲwán fɛ̀.
Án mɔ̀na ɲwán fɛ̀.
Án ye kàlan kɛ́ ɲwán fɛ̀.
Cógo jùmɛn ná ê bɛ nê ɲìninka
15 Yála nê bɛ táa ê ka kɔ́ɲɔ ná ?
À kó : ń y'à fɔ́…
À kó : í ma fóyì kɔ̀ni fɔ́ ò yé.
Ò kɔ́ɲɔ sú
ù y'ù lábɛ̀n ; ù ye kírike dá
20 Ù táara à ka ò dùgu rɔ́.
À táara fó ɲɛ́ fɛ̀…
Ù fána y'ù lábɛ̀n k'ù kɔ̀nɔ.

Ò kɛ́ra sìɲɛna yé, sìɲɛna mîn ka bòn kósɛbɛ.


Ò y'à sɔ̀rɔ…
25 À tɔ́gɔma…
Ò yé, í y'à fàamu ɛ̀ɛ ! Bwarɔw ka kùntigi yé.
Òlû fána fà sàra k'ù dénkɛ fìla tó.
Fàdenya bɛ́ òlû n'àlê cɛ́,
Fóyì man júgu ò yé.
30 Ò yé à tɔ́gɔma yé : ò fána tɔ́gɔ yé
Hámàdi 76
Fúlaw ka dénkɛ fɔ́lɔ tɔ́gɔ yé kó Hámàdi.
Ò fúla kùntigi fána sàra k'à dénkɛ fìla tó.
Tɔ̀ kélen tɔ́gɔ yé Bàba
35 Bàba ìn ni Hámàdi…,
Hámàdi ìn bɛ ɲìninkali kɛ́ à ka kìbaru lá
À bɛ ɲìninkali kɛ́ à ka kìbaru lá

– 58 –
L’autre, venant lui annoncer son mariage
Dit : « Les noces de ma femme sont pour bientôt,
Qui doit m’accompagner ? »
Il dit : « Qui donc mieux que moi-même ? »
5 « Comment ? s’écria-t-il, le roi en personne ? »
Il dit : « Que je me rende à ton mariage ;
Qu’y a-t-il d’extraordinaire à cela ?
Si je ne devais aller à ton mariage,
Qui mieux que moi pourrait répondre de toi ?
10 À qui les griots adresseront-ils leurs dithyrambes ?
Nous sommes pratiquement nés ensemble,
Ensemble nous avons grandi,
Ensemble récité le qur'an.
De quel droit me reprendrais-tu,
15 Si moi je prétends t’accompagner au lieu de tes noces ? »
Il dit : « J’ai simplement dit. »
Il dit : « Tu n’as certes rien dit là qui tienne ! »
Le soir des noces,
Ils s’apprêtèrent, sellèrent leurs chevaux.
20 Ils se rendirent dans ce village de leurs « amours »,
Ils firent une longue course…
On les attendait.

Ce fut une veillée mémorable.


Dans le même temps quelqu’un veillait :
25 L’homonyme !
Il s’agit du chef des Bouaro77.
Eux aussi, car ils sont deux frères, avaient hérité de leur père.
Une animosité78 sévissait entre ces deux et notre prince
Telle qu’il est impossible d’imaginer pis :
30 Or il se trouve que comme son émule il se nommait
Lui aussi Hammadi.
Chez les Peuls, le fils aîné est prénommé Hammadi.
Donc cet autre chef peul était mort en laissant deux fils.
L’autre s’appelle Baba.
35 Baba et Hammadi : voici les deux frères.
Or ce Hammadi se tenait informé de ses faits et gestes.
Il se tenait informé de ses faits et gestes

– 59 –
Fó ù y'à mɛ́n k'à bɛ táa, í y'à fàamu
À térikɛ ìn ka kɔ́ɲɔ ná.
Ò y'í lábɛ̀n
Kà sánu ɲíni k'ò kɛ́ sírabara kɔ́nɔ
5 Kà yɛ̀lɛn à ka sòmusonin kàn
Kà sú táama kà tìle táama,
F'à nàna sé yɔ́rɔ ìn nɔ́ sú fɛ̀
Àlê ka « capitale » lá sú fɛ̀.
À y'í « déguisé »79 kà nà dòn dùgu kɔ́nɔ.

10 À n'à ka sìkara (sìkara b'í kò « valise »)


Ù ka finiw b'ò kɔ́nɔ.
À n'à ka sò.
À ye jàtigila ɲíni ; à y'à sɔ̀rɔ à ye « enquête »80 kɛ́.
À ka « espion » (w)81 ti bán dùgu kɔ́nɔ
15 Kà táa jìgin mùso kɔ̀rɔnin dɔ́ kàn.
Mùsokɔrɔnin ìn y'à ka « complice »82 yé.
Ò ye sùmanw tóbi à yé.

Nìnnú nàna bɔ́ tùma mîn ná,


N'ù táara nìn kɔ́ɲɔ ìn ná
20 À sìra mùsokɔrɔnin ìn fɛ̀ yèn.
Mùsokɔrɔnin ìn ye sùmanw tɔ́bi à yé
Kà nɔ́nɔw d'à mà ; à ye dúmuni kɛ́.
À y'í dá.

À nàna mùsokɔrɔnin ìn kúnu


25 À kó yálà Hámàdi dùn ?
À kó Hámàdi ka só bɛ́ mínnì.
Mùsokɔrɔnin ìn kábar'à lá.
À kó ê bɛ Hámàdi ka só ɲìninkali kɛ́
sú ìn ná, dùgutilama ìn ná mùn ná ?
30 Hámàdi tɛ́ yàn.
Hámàdi táar'à térikɛ ka kɔ́ɲɔ ná.
Dùgu bɛ́ɛ y'à dɔ́n ò táar'ò lá.
À k'à bá fɛ̀ mùsokɔrɔnin ìn k'à ka só jìra à lá
Àlê b'à fɛ̀ kà sì kà tɛ̀mɛn
35 À b'à fɛ̀ k'à bá yé
Wáli à mùso.

– 60 –
Et un jour la nouvelle leur parvint du départ prochain du prince pour
les noces de son ami.
Il se prépara.
Il remplit d’or une grosse tabatière
5 Et enfourcha une quelconque jument.
Il marcha la nuit et il marcha le jour.
Enfin, une nuit, il parvint à destination.
Il parvint dans la capitale de l’autre.
Il se déguisa et entra dans la ville.

10 Chargé de sa sikara, une sorte de valise,


Où les Peuls rangeaient leurs habits de voyage
Et tenant sa jument par la bride.
Il cherchait une maison où descendre : il avait mené son enquête
Car ses espions pullulaient dans la ville.
15 Il élut domicile chez une petite vieille.
Cette même petite vieille qu’il avait pour complice,
Celle-ci lui prépara son manger.

Les deux amis avaient donc quitté la ville


Et ils poursuivaient leur randonnée nuptiale.
20 Lui s’installa chez la petite vieille,
La petite vieille lui donna à manger.
Elle lui offrit du lait, il mangea,
Et bientôt se coucha.

Il réveilla la petite vieille.


25 Il dit : « Et Hammadi ?… »
Il dit : « Où se trouve la demeure de Hammadi ? »
D’étonnement, la petite vieille s’exclama :
Elle dit : « Et quel besoin as-tu, toi, de connaître la maison de
Hammadi, à cette heure tardive de la nuit ?
30 Hammadi n’est pas dans la ville.
Hammadi s’est rendu aux noces de son ami.
Et chacun, en ville, sait que c’est là qu’il s’est rendu. »
Il demanda à la petite vieille de lui indiquer la maison,
Il restait juste pour la nuit et il passait,
35 Il voulait voir sa mère,
Ou à défaut son épouse.

– 61 –
À b'à ka fòli t'ò bólo
Ò kó à mà : ê dùn yé jɔ̂n yé ?
Mùsokɔrɔnin kó : à kó ń tɛ sé k'ò kɛ́.
Mùsokɔrɔnin kó à tɛ sé k'ò kɛ́.
5 À y'í bólo dòn à kùn.
À ye sìra bàra ìn bɔ́, à falen bɛ́ sánu ná
Wolo-sira bàra ìn mîn bɛ díla fɛ́n ná…
À ye à dáyɛ̀lɛ
À ye sánu jɔ̀lɔkɔ tà kà bɔ́ à kɔ́nɔ
10 K'à kɛ́ í kómi…83
Kó mùsokɔrɔnin mà : kó ń bɛ nìn d'í mà.
Táa yèn jìra ń ná.
Ée !… à kó ń ti sé kà sì.
Ń dùn b'à fɛ̀, ń bɛ kúma nìn fɔ́
15 Ni Hámàdi nàna kà bɔ́ à ka kɔ́ɲɔ yɔ́rɔ
À ka fɔ́ à yé.
À k'ò kúma fɔ́ ń yé.
À kó gùndo dòn.
Ò fɔ́li nàfa sí t'í kàn.

20 Áyìwa… mùsokɔrɔnin kó :


Ń bɛ táa yèn jìra í lá…
Ǹka ń tɛ dòn.
Ń t'í « accompagner »
À k'ò b'à ɲɛ̀
25 À ni mùsokɔrɔnin ìn táara ɲɔ́ɔn fɛ̀
F'ù táara kà táa sé à só dònda lá :
Kó yàn dòn.
À kó í tɛ yɔ́rɔ jìra ń ná áyìwa
Ń bi sé kà — í ka só ìn — áyìwa —
30 Tàamashyɛnw n'à lahalaw fɔ́ ń yé
Ń bi sé kà táa cógo mîn nɔ́,
ní mɔ̀gɔ tɛ ń bàli kà dòn ?
À kó yálì í bi táa màa fàa…
À kó ń bi táa… kó bɛ́ ń ni jɔ̂n cɛ́ ?
35 Ń bi táa jɔ̂n fàa ?
Mùsokɔrɔnin ye gɛ̀lɛya dòn à rɔ́.
À ye sánu wɛ́rɛ bɔ́ k'ò dí mùsokɔrɔnin mà.
Mùsokɔrɔnin dònna n'à yé.

– 62 –
À elles, il laisserait ses salutations.
L’autre lui dit : « Et qui donc es-tu ; toi ? »
La petite vieille dit : « Cela, je ne puis le faire. »
La petite vieille dit qu’elle ne pouvait faire cela.
5 Il plongea une main dans ses poches,
Il en sortit la tabatière remplie d’or.
Il s’agit de ces tabatières faites de cuir frais.
Il ouvrit la tabatière,
en retira une longue chaîne d’or.
10 Il la fit balancer ainsi devant ses yeux.
Il dit à la petite vieille : je t’offre ceci,
Va me montrer la maison.
Il dit : « Je ne veux pas passer la nuit.
Or ce que j’ai à dire,
15 Je veux lorsque Hammadi sera rentré des noces,
Je veux qu’on le lui transmette. »
Elle dit : « Dis-moi ces paroles. »
Il dit : « C’est un secret
Te le divulguer ne te servirait de rien ».

20 « Dans ces conditions…, commença la petite vieille,


je te montrerai la maison
Mais je n’entrerai pas,
Je ne t’accompagnerai pas. »
Il dit : « Cela suffira ».
25 Il partit en compagnie de la petite vieille.
Ils parvinrent bientôt devant l’entrée de la maison.
« C’est là » souffla-t-elle.
Il dit : « Tu ne veux pas m’en dire plus ?
Eh bien me dire
30 Les signes, les indications
Grâce auxquels je pourrais me diriger,
sans que quelqu’un puisse m’empêcher ? »
Elle dit : « Est-ce que tu aurais des desseins de meurtre ? »
« J’irais, moi ? avec qui ai-je le moindre litige ?
35 Qui irais-je assassiner dans cette maison ? »
La petite vieille ne voulait rien entendre.
Il sortit encore de l’or qu’il donna à la petite vieille.
La petite vieille passa devant lui.

– 63 –
À kó mîn y'à yɛ̀rɛ̂ ka sìso yé
À yɛ̀lɛnda yé nìn yé.
Í bɛ dòn nìn yɔ́rɔ fɛ̀.
Mùsokɔrɔnin bòlila kà sègin kà t'à ka só.

5 Àlê yɛ̀lɛnna.
À bɛ́ k'í màsìri…
À n'à ka « espion » mínnu bɛ́ dùgu kɔ́nɔ
Ù bɛ cógoyaw fɔ́ à yé :
Cɛ̀ ìn ni fìni mínnu bɔ́ra yèn,
10 N'à bɛ táa nìn ka kɔ́ɲɔ ná
À k'ò ɲɔgɔnw dòn…
À wúlila kà táa, à yɛ̀lɛnna.
À ye dá kɔ́nkɔn mùso ìn dá lá.
À kó ń nàna : à y'à kúma kán « déguiser »
15 Mùso kó : yálà ê nàna mùn ná ?
Ê ma kɔ́ɲɔ bán wà ?
Í térikɛ ka kɔ́ɲɔ
Ê nàna k'ò tó wà ?
À k'í ɲɛ́nafin ye ń mìnɛ, ń nàna.
20 À kó nê kɔ̀ni ɲɛ́nafin t'í lá !…
À kó : í ɲɛ́nafin ye ń nàti.
Nê térikɛ ìn, ń n'à wolola ɲwán fɛ̀.
Án ye dénmisɛnya kɛ́ ɲwán fɛ̀.
Án mɔ̀na ɲwán fɛ̀, án ye kùlusi tà ɲwán fɛ̀.
25 Ń ye í ka kɔ́ɲɔ… ê furuli dè bìla
k'à mùso furuli dè kɔ̀nɔ
Ní ò tɛ́, sò fàgali, à ni fú bɛ́ɛ ka kán nê yé.
À kó ń y'à bìla kà mîn kɔ̀nɔ, ń ma fóyì fɔ́ í yé
Kó nê bɛ sò ìn ɲɔ̀ɔn tán dòn ê rɔ́.

30 Ǹka ń ye láhidu mîn dí ń fílankɛ ìn mà


Àní ń tɔ̀ɲɔgɔn ìn mà,
N'ò yé ń ka « premier-ministre » yé :
N'à mùso bɛ fúru dón mîn…
Nê táar'à bìla,
35 à b'à mùso fúru.
Ń ye ń sàra à lá nê yɛ̀rɛ̂ fána bɛ nà ń tá fúru

– 64 –
Elle dit : « Voici sa chambre personnelle.
Voici l’escalier d’accès.
Tu devras passer par là ».
La petite vieille s’échappa et s’enfuit jusque chez elle.

5 Lui monta.
Il s’était masqué.
Auprès des espions qu’il entretenait dans la ville,
Il avait pris des leçons utiles.
Ainsi les habits que le prince84 avait pris
10 Au moment de partir aux noces de son ami,
On lui conseillait de mettre des vêtements semblables.
Fort de tous ces atouts il monta.
Il frappa à la porte derrière laquelle devait se trouver la Reine.
Il dit : « Me voici » : il prit soin de déguiser sa voix85.
15 La femme dit : « Et qu’est-ce qui t’amène ?
Tu n’achèves donc pas la semaine nuptiale ?
Il s’agit des noces de ton ami ?
Et tu l’auras laissé ainsi ? »
Il dit : « Je brûlais de te revoir, je suis venu. »
20 Elle : « Ce n’est pas moi que tu brûles de revoir. »
Il dit : « Le désir de te voir seul m’amène.
Cet ami vois-tu nous sommes pour ainsi dire nés ensemble
Et nous avons passé l’enfance ensemble,
Nous avons grandi ensemble, subi ensemble l’épreuve du fer 86.
25 Ton mariage, je n’ai voulu le consommer et te connaître
Que lorsque mon alter ego connaîtrait sa femme.
En dehors de ces raisons immoler mon cheval ne me coûterait rien. »
Il dit : « Voici les conditions que je m’étais fixées sans t’en avoir rien dit.
À mes yeux, dix de ces chevaux ne te valent pas, toi. »

30 « Mais cette promesse que j’avais faite à mon camarade d’âge,


À ce compagnon de toujours
Qui se trouve aussi être mon premier ministre,
D’attendre le jour de son mariage,
Eh bien je l’ai accompagné
35 jusqu’aux lieux où il allait connaître sa femme…
Et j’ai alors pris congé de lui.
Je viens moi aussi connaître la mienne. »

– 65 –
Mùso nísɔndiyara n'ò kúma yé
Ù yɛ̀lɛnna sánfɛ̀ kà t'ù dá.
Mɔ̀gɔ hákili wúlilen : npògotigi kwálen b'í bólo,
Í bi sé kà mùn kɛ́, n'ò bɛ sé kà fɛ́n kɛ́
5 N'í hákili ma sìgi ?
À y'í tùrukuturuku mùso ìn ná
Fó mùso tùn bɛ nà jógin.
Ò ye mànkan bɔ́, à wúlila.

Tùma mîn ná, n'àlê yɛ̀rɛ̂ kɔ̀ni jáati87


10 À hákili b'à lá à ye mùso ìn kɔ̀ni fúru sà
Bárì àlê « verser » la88
À jìginna.
À ye gàwali tà
Kó mùso ka gàwali d'à mà -
15 K'í b'à yɔ́rɔ dɔ́n89
Ò y'ò sín à mà.
À ye gàwali tà.
Mùso kàsira.

À jìginna kà nà.
20 Sò ìn sìrilen bɛ́.
Ò y'à sɔ̀rɔ, nìn ye sò ìn tó à kɔ́
Kà sòmuso dɔ́ mìnɛ
Kà táa térikɛ ìn ka kɔ́ɲɔ ná.

À nàna sò ìn dá bɔ́ bín ná.


25 Ò k'í kùn kɔ́rɔtà k'à fílɛ, à hìnhìnna.
Ò tóra ò bi fɛ́nkɛ
Áwà ! bɔ̀lɔ rɔ́.
À ye gàwali ìn tà.
À y'à bàri à lá.
30 K'à kìsɛ dòn fó k'à kàla dòn à fɛ̀.
Sò ìn yɛ́rɛyɛrɛla kuru-kuru-kuru-kuru-kuru.
Sò bìnna.
À ni mùso yɛ̀lɛnna sánfɛ̀.
À kó ń bi táa, ń térikɛ kùnfa bɔ́
35 Ń ti sé kà dùgujɛ yàn : bárì banbaadɔw bɛ́ kúma ná.
À jìginna : à nàna

– 66 –
Ces paroles réjouirent le cœur de la femme.
Ils montèrent et se mirent au lit.
Un mâle excité, devant une fille nubile,
Qu’est-ce qu’il peut faire de vraiment fait
5 Tant qu’il n’a pas maîtrisé ses nerfs ?
Ce furent alors moult déhanchements et allegro ! et presto !
Au point qu’il aurait blessé la jeune femme…!
Celle-ci étouffa un cri… il se releva.

Lorsqu’il se fut convaincu dans l’intime de son âme…


10 Lorsqu’il fut certain d’avoir connu la jeune femme
Puisque lui s’était vidé de ce torrent qui le brûlait,
Il descendit.
Il voulut prendre la lance Gaoual.
Il dit à la femme de lui passer la lance Gaoual.
15 Elle dit : « Tu sais bien où elle se trouve,
La voici. »
Il saisit la lance Gaoual.
La femme pleurait.

Il descendit dans la cour :


20 Le cheval était entravé.
L’autre avait laissé son cheval au palais,
Préférant prendre une jument,
Pour cette randonnée nuptiale.

Il arracha le cheval de sa mangeoire.


25 La bête ayant levé la tête et l’ayant vu, hennit.
Elle s’agita, et se mit à tourner,
Eh bien, autour de son piquet.
Il saisit la lance Gaoual,
Il l’en frappa.
30 La lance pénétra jusqu’à la hampe.
Le cheval trembla convulsivement…
Il s’abattit d’un coup.
Il remonta avec la femme.
Il dit : « Je pars, me présenter à mon ami,
35 Je ne puis passer la nuit ici, car les griots doivent discourir encore. »
Il descendit : le voici.

– 67 –
À sínna mùsokɔrɔnin ka só mà.
À y'à ka sò mìnɛ : à bòlila
À táara.

Tùma mîn ná n'ò kɛ́ra


5 À kɛ́ra à b'í n'à fɔ́
í ye fílen dè fá jí lá,
Í y'à fàamu, álhamdulilayi…
Áyìwa, k'à bɔ̀n « Roi » ìn kàn, í y'à fàamu
À bɛ́ kɔ́ɲɔ yɔ́rɔ rɔ́.
10 Nɛ́nɛ y'à mìnɛ.
Í y'à dɔ́n nìn ɲwàn kó máa k'í lá tàn,
« Intuition »90 bɛ k'í lá mɛ̀nɛ.
-
À jàtigɛra
15 À jàtigɛlen
à kó térikɛ mà : à kó ń bi táa só
À kó kó dɔ́ fɔ́ra ń kɔ́, ń bi t'à lájɛ
Térikɛ k'ò yé mùn kó yé ?
Kó kɔ̀rí hɛ́rɛ dòn ?
20 À kó tàamashyɛn bɛ́, n'ò kɛ́ra nê ná
Kó dɔ́ dè kɛ́ra
Á ! térikɛ k'ò tùma…
Nê bi táa
Ń bi t'í fɛ̀
25 Á ! kɛ́ kà tó yàn.
Mɔ̀gɔ mínnu ka kán k'à « accompagner »
À ye mɔ̀gɔ dánmadɔ mìnɛ ò nɔ́
Ù ye kírikew dá.

À nàn'à ka só.91
30 À ye òlû jɔ̀.
À yɛ̀rɛ̂ y'à ka dú dáyɛ̀lɛ.
À dònna.
À sínn'à ka sò sìriyɔrɔ lá.
À y'à sɔ̀rɔ sò bìnnen bɛ́.
35 Jòli wòyolen bɛ́.
Áwà tàma géngennen bɛ́ sò lá, í y'à fàamu.
Jòli wòyolen dòn.

– 68 –
Il avisa la maison de la petite vieille.
Il détacha sa jument et s’enfuit.
Il était parti.

Juste à ce moment,
5 Il arriva ceci qu’on eût dit que
quelqu’un avait rempli une calebasse d’eau,
Eh bien, je ne sais si tu me croiras…,
Et en aurait renversé le contenu sur le Roi
Qui alors se trouvait au lieu des noces.
10 Il fut pris d’un coup de froid.
Quand pareille chose arrive à un homme,
Il est naturel qu’il en reçoive le contrecoup
par une sorte de télépathie…
Il eut un violent tressaillement.
15 Lorsqu’il eut ce tressaillement,
Il dit à son ami : « Je rentre à la maison ».
Il dit : « Quelque chose est arrivé en mon absence, je dois aller voir. »
L’ami demanda ce que c’était,
Est-ce qu’un malheur était arrivé ?
20 Il dit : « Lorsque j’observe certains signes en moi,
Je sais qu’il s’est passé quelque chose
« Ah oui ? s’écria l’ami qui ajouta : Dans ces conditions
je pars moi aussi
Je t’accompagne. »
25 « Non ! Toi tu restes. »
Parmi les gens de son escorte,
Il prit quelques braves.
Ils sellèrent les chevaux…

Le voilà devant le palais.91


30 Il laissa là les gens de son escorte.
Il ouvrit la porte, lui-même.
Il entra.
Il se dirigea vers l’écurie.
Il trouva le cheval abattu.
35 Du sang partout !
La lance était fichée dans le corps du cheval.
Du sang partout !

– 69 –
Yɔ́rɔ bɛ́ɛ nɔ́rɔkɔlen bɛ́ jòli fɛ̀
À nàna
À ye sò ìn fílɛ.
À múnumununa sò ìn fɛ̀
5 Kà múnumunu à fɛ̀.
À ye tàma ìn bɔ̀ kà bɔ́ sò lá.
À y'í kánbɔ ù mà, k'í dɔ̀ dá lá
K'ù k'à ka jɔ̀nw kúnu.

Gùndo mîn b'àlê n'à mùso cɛ́


10 K'à fɔ́ à t'à fúru
n'à ma sò ìn fàa
Màa sí t'ò dɔ́n f'ù fìla.
Hámàdi dá m'à fɔ́ màa yé
Sìra Indu Ɲingi dá m'à fɔ́ màa yé
15 À k'ù ka dìngɛba sèn
Ù ye dìngɛba sèn fó k'à dùnya
K'à kɔ́nɔ bònyɛ.
À ye jɔ̀n mɔ̀gɔ dámadɔ wéle.
À k'ù ka sò ìn tà k'à bìl'à kɔ́nɔ
20 Ù ka jóli nìnnú bɛ́ɛ síɲɛ k'à bɛ́ɛ k'à kɔ́nɔ
Tàma mîn kɛ́ra k'à gòsi…
Màa sí kànâ kúma.
Mɔ̀gɔ dánma mîn ye dìngɛ ìn sèn
Kà t'à bìla fó fájiri lá
25 N'ù ye sò ìn dòn,
À y'ù dɔ̀ : à kó à fílɛ !
Màa ô màa mîn b'à rɔ́,
N'à y'à fɔ́ màa yé k'à fɔ́ kó sò ìn sàra
Ń b'ò kùntìgɛ.
30 Òlû b'ò fɔ́ wà ?

À ye sò dátugu.
À yɛ̀lɛnna.
À táar'í kò.
À nàn'à mùso fɛ̀.
35 À ye mùso tó dlán kàn.
À y'í dá à dànma dlán kàn.
Mùso dùsu fújununa.

– 70 –
Le sol était couvert de sang.
Il s’approcha.
Il se mit à contempler son cheval.
Et il tournait autour du cheval,
5 Et il tournait autour du cheval.
Il arracha la lance du corps du cheval.
Il appela ses gens et se tint devant la porte.
Il ordonna qu’on réveillât ses serviteurs.

Le secret qui le liait à sa femme,


10 Ce pacte suivant lequel il ne la toucherait
qu’après avoir immolé son cheval,
N’était connu que d’eux-mêmes :
Hammadi n’en avait parlé à personne
Et Sira Indou Nying n’en avait parlé à personne.
15 Il leur ordonna de creuser une grande fosse.
Ils creusèrent une grande fosse ; ils la firent profonde.
Ils la firent spacieuse.
Il réunit un certain nombre de serviteurs.
Il leur ordonna de mettre le cheval dans la fosse,
20 De racler tout le sang qui souillait le sol et de le jeter dans la fosse.
Et d’y ajouter la lance du meurtre :
« Et que personne n’en parle ! » ajouta-t-il
L’ensemble des hommes qui avaient creusé toute la nuit,
Peinant jusqu’à l’aube,
25 Et qui ensuite avaient enterré le cheval :
Il les réunit et dit : « Je vous prends à témoin :
Quiconque parmi vous
S’aviserait de révéler que le cheval est mort,
Je lui couperai la tête »
30 Ces gens iraient-ils jaser ?

Il couvrit le cheval.
Il monta.
Il prit un bain.
Il vint à sa femme…
35 Puis il lui laissa le lit.
Il prit un lit à part.
La femme en fut ulcérée :

– 71 –
Mùso t'à dɔ́n k'à cɛ̀ tɛ́ !…
Mùso y'à tó yèn.
Mùso y'à fílɛ sá : à ye kúma mîn fɔ́ àlê yé
Ò yé nkàlon yé.
5 À b'à térikɛ dè ka kɔ́ɲɔ kɔ̀nɔ.
À y'à dɔ́n tígitigi : à bɛ́ sò ìn dè fɛ̀ kà tɛ̀mɛn àlê kàn.
Mùso kɔ̀ni sábalila.
À ni mùso tóra tèn.
Ù bɛ sì só kɔ́nɔ
10 Nk'ù tɛ sì dlán kélen kàn.

Ù ye sàn kélen yɛ̀lɛmɛ tèn.


Mùso pasara fó kà táa pàsa s'à dàn ná.
Bá y'à dénmuso ìn ɲìninka.
À b'à ɲìninka : mùn b'í lá -
15 À bálimakɛ dén, n'ò yé Sìra Indu Ɲingi yé
À b'à fɔ́ fóyì t'à lá.
Í tɛ sé kà dúmuni kɛ́
Í tɛ sé kà nɔ́nɔ mìn
Í tɛ sé kà sògo dún
20 Ntámàro, í t'ò dún.
Í b'í dɔ́ɔnindɔɔnin dún tèn.
Fɛ́n mîn b'í lá, à fɔ́ :
À ye fúrakɛlaw wéle
Kà fɛ́n bɛ́ɛ lájɛ̀len kɛ́.
25 Mùso ìn kɔ̀ni háminen dòn.
Cɛ̀ ìn yɛ̀rɛ̂ fána fàri bòlila
Mîn kɛ́ra ù ka kóɲɛ yé,
Ò yé ò yé.

Mùso nàn'à fɔ́ à yé dón dɔ́


30 Ò fɔlɔla, ò kúman'à fɛ̀
À kó à mà : ń bálimakɛ !
À kó : ń bɛ nà fɛ́n ɲíni í fɛ̀,
Ò ka gɛ̀lɛn í mà
Ǹka í k'í jíjà k'ò kɛ́ ń yé.
35 K'ò yé mùn yé ?
À kó ń fàmana ń fà mà.
Ń fàmana ń bá mà.

– 72 –
La femme ne sachant pas… que ce n’était point son mari !...92
La femme s’abstint de faire une scène.
Mais la femme s’interrogeait : « Les explications qu’il m’a données
N’étaient donc que mensonges ».
5 Et c’est le mariage de son ami, qu’il attendait !
Au contraire il sait pertinemment que c’est son cheval qu’il préfère. »
Mais la femme s’arma de patience.
Il resta ainsi avec la femme :
Ils couchaient dans la même chambre,
10 Mais ils dormaient dans des lits séparés.

Ils passèrent une année ainsi.


La femme avait dépéri jusqu’à l’extrême.
La Reine mère interrogeait sa nièce.
Elle lui demandait : « Qu’as-tu donc ? »
15 Car Sira Indou Nying n’était-elle pas la fille de son frère ?
Elle disait ne souffrir de rien.
« Tu ne peux plus rien prendre :
Tu ne peux boire du lait
Tu ne peux manger de la viande
20 Les dattes, tu n’y touches pas.
C’est tout juste si tu goûtes aux plats.
Ce dont tu souffres, dis-le ! »
Elle fit venir des médecins.
Elle se dévoua autant qu’elle put,
25 La femme demeurait rongée par son souci.
L’homme aussi avait maigri.
«Ce qu’il était advenu d’eux
C’est cela »93.

Un jour la femme lui dit :


30 Car c’est-elle qui, la première, rompit le silence.
Elle lui dit : « O ! mon ami ! »94
Elle dit : « Je vais te demander une chose
qu’il te sera peut-être pénible de m’accorder,
Mais tu tâcheras de me l’accorder. »
35 « Et de quoi s’agit-il ? »
Elle dit : « Voilà bien longtemps que je n’ai pas vu mon père,
Voilà bien longtemps que je n’ai pas vu ma mère.

– 73 –
Ń b'à ɲíni í fɛ̀
Í ka ń bìla ń ka táa ń ɲɛ́ dá ù kàn.
Ń bɛ nà.
Ée !…
5 À kó nê yɛ̀rɛ̂ bɛ t'í bìla kɛ̀.
K'í bìla kà táa…
Ée ! à kó ń t'ò kɛ́ !
À kó ń b'à fɛ̀ í ka ń kélen dè bìla kà táa.
Ée ! à kó ń t'ò kɛ́.
10 Ê kélen ?
À kó : ɔ̀nhɔ́n !
Kàbi Ála ye ń dá, ń ma sɛ̀gɛn
Ń b'à fɛ̀ kà sɛ̀gɛn.
Kàbi Ála ye ń dá ń bɛ hɛ́rɛ mîn nɔ́…
15 Mɔ̀gɔ tɛ sé kà tó hɛ́rɛ rɔ́ tèn, f'í ka
í yɛ̀rɛ̂ sɛ̀gɛn…
Ní ń n'ê95 táara ɲɔ́ɔn fɛ̀, ò bi kɛ́ mànkanba yé kójugu.
Ń tɛ́nà díɲɛ sɔ̀rɔ k'à dɔ́n ò lá.
Ń tɛ́nà jàmana dɔ́n ò lá.
20 Ń b'à fɛ̀ í ka ń kélen dè bìla kà táa.
Ní ń kélen táara…
Áwà ! ń b'à ɲíni í fɛ̀…
í mánà « permission » mîn dí ń mà96
Ò tɛ dáfa ábada ń bi nà.
25 À kó à mà : ń tɛ sé k'í bìla kà táa
À y'à dɛ́li, k'à dɛ́li, k'í kàle à yé
K'à fɔ́ k'à bi nà.
À k'í ka kélen táali dùn,
Ò kùn yé mùn yé ?
30 À kó ń b'ò dè ɲíni í fɛ̀.
Ń ye mîn fɔ́ í yé,
Kùn sí t'à lá n'ò tɛ́.
Áyìwa !… kó bìsímila ! à y'à lábìla.
Ò táar'à fɔ́ à bá yé
35 K'à sigalen bɛ́ bàna mîn nɔ́, k'à bɛ t'ò fúrakɛ.
Bá kó à tɛ sé kà táa ní màa ma táa…
À kó : àyí !… à ma sɔ̀n.
Án ye tìle dámadɔ bɔ́ ɲɔ́ɔn ná :

– 74 –
Je te le demande instamment,
Laisse-moi aller les voir.
Je reviendrai. »
« Comment cela ?
5 Mais je te conduirai moi-même !
Te laisser aller ?
Que non ! cela, je ne puis le faire. »
Elle dit : « Je désire justement que tu me laisses aller seule.
« Comment cela ? Cela, je ne puis le faire.
10 Toi, toute seule ? »
Elle dit : « Justement
Depuis que je suis au monde, je n’ai connu aucune peine.
Je veux à présent peiner.
La tranquillité dans laquelle j’ai toujours vécu,
15 Personne ne peut demeurer dans un tel état, sans éprouver le besoin de
prendre de la peine.
Si je partais avec toi, cela ferait un grand remue-ménage ;
Et je ne pourrais connaître le monde,
Je ne pourrais connaître le pays.
20 Je veux plutôt que tu me laisses aller seule.
Ainsi si je partais seule…
Et je te demande de me croire : la période d’absence que tu
m’accorderas
Ne viendra pas à terme, que je serai de retour. »
25 Il lui dit : « Je ne puis te laisser aller seule. »
Elle le supplia, insista et lui jura solennellement
Qu’elle reviendrait.
Il dit : « Mais enfin, ce voyage solitaire…
Quelle en est le motif véritable ? »
30 Elle dit : « C’est ce que je désire.
En dehors de ce que je t’ai déjà exposé,
Il n’y a aucune autre raison. »
« Eh bien, soit ! » dit-il, il donna son accord.
Il alla en aviser sa mère :
35 Son épouse voulait aller se faire soigner du mal
Qu’elle soupçonnait…
La Reine mère dit qu’on ne pouvait la laisser voyager seule...
Il dit : « Justement ! Elle refuse de partir autrement.
Nous avons discuté des jours durant :

– 75 –
À ma sɔ̀n.
À ye ń dɛ́li : ń dùn fána kó ń sɔ̀nna.
Ń t'à fɛ̀ k'ò wúli.
Bá kɔ̀ni hámina.
5 Ù y'à kélen bìla kà táa.
À n'à ka gadanin.
Ù ye sú táama, ù ye tìle táama.
Ù ye kírike dá ù ka sòw lá tùma mîn nà
Ù yé sú táama, ù ye tìle táama
10 Fó ù séra à fà ka « capitale » ba lá.
Ù ser'à fà ka « capitale » lá
À nàna. à jìginna.
Ù ser'à bá fɛ̀ yèn.
À bá kó : bìsimilayi !
15 À kó mùn dòn ? í n'í cɛ̀ dè kɛ̀lɛla wà ?
À kó : àyí
À k'ò kɔ̀ni yé nkàlon yé
Í bòlila dè wà ?
Ée ! à kó hɔ́rɔn bɛ bòli wà ?
20 À kó : mîn kɛ́ra, à k'à k'ò fɔ́.
À ye fɛ́n lákàli, à n'à cɛ̀ bɛnna mîn kàn
À y'ò fɔ́.
Ée ! à kó ê yé kábako mɔ̀gɔ yé.
À kó : ń bá, kàbi Ála ye ń dá
25 À kó nê ma sɛ̀gɛn.
Kàbi Ála ye ń dá, ń ma fóyì kɛ́ dùgukolo kɔ́kàn.
Fó án ye táa mîn kɛ́
Ní ń yɛ̀lɛnna sò kàn kà táa…
Kó ń ye mîn ɲíni ń cɛ̀ fɛ̀, ń cɛ̀ sɔ̀nn'ò mà.
30 À kó ń nàna, ń bɛ́ ń cɛ̀ fɛ̀ cógo ô cógo
Ń nàna ń ɲɛ́ d'áw fána kàn
á'ɲɛ́nafin tùn dònna ń ná.
Bá y'à jàlaki kósɛbɛ.
À kó nê bɛ sé kà nìn fɔ́ í fà yé cógo dì ?
35 ɔ́ ! dùgu mánà jɛ́, í t'à fɔ́ à yé !

À y'à fɔ́ — áyìwa « Roi » yé


À kó : à dénmuso nàna.
À kó à nàna cógo jùmɛn ná ?

– 76 –
Mais elle ne veut rien entendre.
Elle m’a supplié, à la fin j’ai dû lui donner mon accord.
Et cela, je ne voudrais pas revenir là-dessus. »
La Reine mère était soucieuse.
5 On la laissa aller seule
Avec sa jeune servante.
Elles marchèrent la nuit, elles marchèrent le jour.
Lorsqu’elles eurent sellé leurs chevaux,
Elles marchèrent la nuit, elles marchèrent le jour.
10 Alors elles parvinrent dans la capitale de son père.
Les voilà dans la capitale de son père.
Elle arriva. Elle descendit de cheval.
Elles allèrent d’abord chez sa mère.
« Justes cieux ! » s’exclama celle-ci.
15 Elle dit : « Qu’est-ce que c’est ? Tu es en querelle avec ton mari ? »
Elle dit : « Non. »
Elle dit : « Ce ne peut être vrai, cela !
Es-tu en fuite ? »
« Comment, dit-elle, une personne de noble naissance fuit-elle ? »
20 Elle dit : « Alors, dis-moi ce qui s’est passé. »
Elle exposa les termes de l’accord conclu avec son mari.
C’est ce qu’elle lui rapporta.
« Est-ce possible ! Hein ! s’écria-t-elle. Toi tu es une nature étonnante. »
Elle dit : «Mère, depuis que Dieu m’a créée… »
25 Elle dit : « Jamais je n’ai souffert,
Depuis que Dieu m’a créée, je n’ai jamais rien fait par moi-même,
Sauf la peine que je me suis donnée, au cours du voyage,
De me tenir sur le cheval qui me portait.
Alors, ce que j’ai demandé à mon mari, c’est ce qu’il m’a accordé.
30 Et me voilà, ajouta-t-elle. J’ai beau aimer mon mari,
Je suis venue vous voir vous aussi,
car vous commenciez à me manquer. »
La mère lui reprocha sévèrement sa conduite.
Elle dit : « Et comment présenter cette affaire à ton père ? »
35 Quand il fera jour, tu le lui diras !

Elle annonça la chose au roi.


Elle lui dit que sa fille était arrivée.
Il dit : « Et comment est-elle venue ? »

– 77 –
Bá ye fɛ́n lákàli à yé dénmuso ye mîn lákàli à yé.
À k'ò yé nkàlon yé.
À kó : à bòlila dè.
À nàna cógo mîn ná
5 À bî ségin tèn…
Nê yɛ̀rɛ̂ t'à fɛ̀ k'à yé.
Bá y'à dɛ́li fó à ye yàmaruya dí.
À y'à dénmuso « reçoit »97 à ka só.

Dénmuso ye fɛ́n fɔ́ à yé


10 Nìn fɔ́cogo yé…
À kábakoyara dénmuso lá
À kó : ê y'ánw lámɔ̀ cógo mîn ná
Mɔ̀gɔ bi sé kà tó tèn cógo jùmɛn kélen ná ?
Í ma sɛ̀gɛn kɛ́, í ma báara kɛ́.
15 Í ma dùgu kólo fóyì kɛ́
K'í kɛ́n tèn.98
Ń y'ò dè fɔ́ ń cɛ̀ yé, ń cɛ̀ sɔ̀nna.
N'ò tɛ́, nê bɛ́ ń cɛ̀ fɛ̀ kà tɛ̀mɛn bɛ́ɛ kàn
Áyìwa fà y'à tó yèn…
20 À kó í dùn b'à fɛ̀ kà tìle jòli kɛ́ yàn ?
À kó ní ń yé áw yé
Ní áw ye dùga99 kɛ́ ń yé,
Ń ti sé kà tɛ̀mɛn dɔ́gɔkun kàn yàn
Á ! à kó bìsímila…
25 Dɔ́gɔkun dafara tùma mîn ná,
À kó ń bi táa : ń cɛ̀ fána ɲɛ́nafin bɛ́ ń ná
Àní ń tɛ́nɛmuso.
Áyìwa kó nìn sèn ìn kɔ̀ni, ń bɛ mɔ̀gɔw dá í kàn kà táa.
À kó ń nàna cógo mîn ná
30 À kó : ń bɛ táa tèn.
Ò kó ò lìmanaya tɛ́ nê fɛ̀ !
Ée ! à kó ń cɛ̀ ye lìmanaya sɔ̀rɔ kà nê bìla kà nà.
À kó mùn b'ê kɛ́ɲɛ kà lìmanaya sɔ̀rɔ ?
Mɔ̀gɔ tɛ nê dɔ́n Fàamaden yé.
35 Fàama fìni tɛ́ ń ná.
Fóyì fóyì tɛ́ ń ná.
Áyìwa, ń bɛ́ kà ń « déguiser » : cɛ̀ finiw fána dè bɛ́ ń ná.
Mɔ̀gɔ sí kɔ̀ni tɛ áwà nê kɔ̀ni jàte fóyì yé.

– 78 –
La mère lui exposa ce que sa fille lui avait raconté.
Il dit : « C’est du mensonge cela. »
Il dit : « Elle doit être en fuite.
Telle qu’elle est arrivée,
5 Telle elle s’en retournera…
Je ne veux même pas la rencontrer, quant à moi. »
La mère le supplia, et à la fin il consentit à la voir.
Il reçut sa fille dans son palais.

La fille lui exposa son affaire


10 D’une manière telle !…
Oui sa fille l’étonna.
Elle lui dit : « Tel que tu nous as élevées,
Comment une personne pourrait demeurer de la sorte,
Sans jamais avoir peine, sans jamais avoir travaillé,
15 Sans avoir rien fait au monde,
Comme une oie engraissée ?
C’est ce dont je me suis plainte à mon mari et mon mari m’a entendue :
Rien d’autre, car j’aime mon mari plus qu’il n’est permis. »
Alors, le père la laissa tranquille.
20 Il dit : « Et tu resteras parmi nous combien de jours ? »
Elle dit : Il me suffira de vous avoir vus…
Et si en plus je peux bénéficier de vos bénédictions
Et je ne resterai pas plus d’une semaine. »
Il dit : «Ainsi soit-il. »
25 Lorsque la semaine fut achevée,
Elle dit : « Il faut que je parte. J’ai hâte de revoir mon mari et ma tante. »
« Bien, mais cette fois, je te fais escorter. »
Elle dit : « Telle que je suis venue,
Telle je repars. »
30 « Je ne puis me faire à cette idée. »
« Mais enfin ! puisque mon mari a pu se faire à l’idée de me laisser
venir seule.
Pourquoi est-ce que tu ne t’en ferais pas une raison ?
Nul ne soupçonne que je suis une princesse.
35 Je n’en ai ni les habits,
Ni d’autres signes d’aucune sorte.
En plus, je ne voyage que déguisée : grimée en jeune cavalier.
Sois sûr que personne ne me prêtera la moindre attention ».

– 79 –
Fà kábakoyar'à lá
Fà y'à bìla kà táa.

À y'à sɔ̀rɔ à y'à ka gùndo fɔ́ mîn yé


À mɔ̀na mùso mîn bólo.
5 À y'à ka kóɲɛ fɔ́ ò yé
N'ò bɛ sé kà « arrangement »100 sɔ̀rɔ à lá
nìn dón.
N'ò mà « arrangement » sɔ̀rɔ à lá
Àlê b'à yɛ̀rɛ̂ fàa.

10 Ò y'à sɔ̀rɔ cɛ̀ ìn tùn y'à fɔ́ à yé.


Ń ɲìnɛna ò kɔ́ -
À tùn y'à fɔ́ cɛ̀ ìn yé dè :
À kó n'í b'í ka sò dè fɛ̀
Kà tɛ̀mɛn nê kàn…
15 Kàb'í ye sò ìn fàa
Kà n'à bìla sísàn ná
Fóyì ma dòn nê n'í cɛ́.
Ń í tɛ́ ń fɛ̀, í tɛ ń bìla wà ?

Cɛ̀ ìn y'à fɔ́ à yé dè :


20 À kó nê tɛ́ kóyi !
À kó : ê tɛ́ ?
À kó : àyí !
À kó : ê tɛ́ ?
À kó àyí !
25 À kó jɔ̂n dùn dòn ?
À kó : ń t'à dɔ́n, ń fána t'à dɔ́n.
Ń ye ń kàli Ála lá, ń t'à dɔ́n…
À sérila kà bìn ò yɔ́rɔ bɛ́ɛ
F'à kirinna.

30 Ò kɔ́ ò dè kɛr'à ka « permission » ɲíni cɛ̀ ìn fɛ̀


kà táa yé.
À ye nìn ɲɛ́fɔ
À lámɔ̀na mùso mîn bólo
À ye nìn ɲɛ́fɔ ò yé
35 Tùma mîn ná, n'à ye nìn ɲɛ́fɔ ò yé

– 80 –
Tout ceci étonna fort le père.
Le père la laissa partir.

Or, à qui avait-elle confié son secret ?


La femme qui l’avait élevée ;
5 C’est à elle qu’elle s’était confiée.
Si celle-là pouvait trouver une issue honorable,
Ce serait tant mieux.
Si celle-là ne pouvait trouver une issue honorable,
Elle se donnerait la mort.

10 Or, son mari lui avait révélé…


Ce que j’avais omis dans mon récit…
Ou c’est plutôt elle qui avait interrogé son mari :
Elle avait dit : « Si c’est ton cheval que tu aimes :
Mieux que tu ne m’aimes…
15 Du jour où tu l’as abattu,
Jusqu’au moment où je te parle,
Rien ne s’est passé entre nous.
Si tu ne m’aimes plus, de grâce, répudie-moi ! »

Le mari lui parla en ces termes :


20 Il dit : « Mais, ce n’est pas moi. »
Elle dit : « Ce n’est point toi ? »
Il dit : « Non ! »
Elle dit : « Ce n’est pas toi ? »
Il dit : « Non ! »
25 Elle dit : « Mais, qui donc est-ce ? »
Il dit : « Je l’ignore – oui, je l’ignore moi aussi.
J’en jure solennellement par Dieu que je l’ignore. »
Elle tomba à la renverse,
Sans connaissance.

30 C’est après ces circonstances qu’elle demanda à son mari


l’autorisation d’aller chez elle.
Elle raconta donc tout ceci
À son ancienne gouvernante,
Elle le lui raconta dans le détail.
35 Lorsqu’elle lui eut raconté tout ceci,

– 81 –
Ò ka hámi bònyɛna
n'àlê tá yé.
Ò kó : án b'à tìgi ɲíni
Án b'à yé.
5 Án b'án bólo d'à kàn.

Mùsokɔrɔ mîn n'à mɔ̀n'ò bólo


N'à ye nìn lákàli ò ɲɛ́na
Ò yé hákili tìgi dè yé.
Fúla sí tɛ́ jàmana kɔ́nɔ n'à t'à dɔ́n…
10 Màa mîn ka kán kà nìn k'à lá,
À b'ò mɔ̀gɔw dɔ́n.
À bɛ́ɛ yé kùntigiw yé.
Ù bɛ́ɛ yé « Chef de tribu » dè yé.
« tribu » mínnu tɛ́ mínnu fɛ̀
15 Ò y'ò dɔ́n.
À yé « l'empereur » dénmuso ìn lábɛ̀n.
À y'à ka « calcul » (w) kɛ́.
À ka « calcul » (w) mɔ̀na.
K'án ka sé nùmuw mà.
20 Ù séra nùmuw mà.
Ù ye mùru díla.
Mùru nìn, « double-tranchant »101
Mîn dá ka dí.
À fàn fìla bɛ́ɛ dá ka dí.
25 À b'í kó sìrife.
À bɛ kùn dí.
À y'ò dòn fóroko kɔ́nɔ.
À y'í lábɛ̀n : ù ye súrafanaw tà.
À ye mùsow kà màsiriw ɲíni, màsiri mínnu cɛ̀ ka ɲì.
30 Màsiri nìnnú kɛr'à lá.
Ù y'ù « déguiser » : ù ye cɛ̀ finiw dòn
Ù n'ù ka « servante »102 dénmisɛn bɛ́ ɲɔ́ɔn fɛ̀.
Ò y'ù « accompagner »103.
Ù bɛ bɔ́ « tribu » lá ù bɛ táa « tribu » lá.
35 N'ù nàna, ù bi jìgin ù ka gálaba kɔ́rɔ
Kɛ́nɛba kàn « lieu-public »104 lá.
Mɔ̀gɔ bɛ n'ù lájɛ.
Ù b'ù ɲìninka ù ka nàli cógoya lá.

– 82 –
Celle-ci en fit un souci encore plus grand
que la jeune femme ne s’en était fait.
Celle-ci dit : « Nous chercherons le coupable,
Nous le trouverons,
5 Nous lui mettrons la main dessus.

La vieille dame qui l’a élevée


Et à qui elle avait raconté son histoire
Était une personne d’esprit.
Pas un Peul ne se trouve dans le pays qu’elle ne connaisse.
10 Les personnes susceptibles de lui avoir fait ce qu’on lui avait fait,
Elle les connaissait.
C’étaient tous des chefs,
C’étaient tous des chefs de tribu.
Les tribus qui ne s’aimaient pas.
15 Elle les connaissait.
Elle prépara la fille du chef suprême.
Elle échafauda un plan d’action,
Elle vit que son plan était au point.
« Allons trouver les forgerons » dit-elle.
20 Elles se rendirent auprès des forgerons.
Ils leur confectionnèrent un couteau,
Un couteau à deux tranchants
Aux lames acérées.
Les deux lames étaient également acérées.
25 On aurait dit un couteau à raser,
Et à coup sûr on aurait pu se raser avec.
Elles rangèrent cet instrument dans une gaine.
Elle se prépara alors : elles prirent des provisions de bouche.
Elle commanda des bijoux, parmi les meilleurs.
30 Elle lui fit essayer ces bijoux.
Elles se déguisèrent alors, elles prirent des tenues d’homme,
Suivies en tout cela par la petite servante.
Celle-ci les accompagnait.
Elles allaient d’une tribu à une autre.
35 Lorsqu’elles arrivaient, elles s’installaient sur la place du village
La grande place, le lieu public,
Et les gens venaient les voir.
Ils les questionnaient sur le but de leur voyage.

– 83 –
Ù b'à fɔ́ ánw kɔ̀ni nàna.
Án b'án ka nàli cógoya fɔ́ áwà,
Mɔ̀gɔw dè yé mínnu yé Fàamaw yé
Mínnu yé nìn « tribu » ìn kùntigiw yé.

5 Ù bɛ́ ù « reçoit »
N'ù y'ù « reçoit », mùsokɔrɔ ìn b'à ka kúma dámìnɛ
À b'à fɔ́ nìn kɔ̀ni yé mùso dè yé.
À k'à tɛ fúru cɛ̀ sí mà
Gùndo b'à lá ní cɛ̀ mîn y'ò dɔ́n,
10 N'ò tɛ́ ní mîn ye cɛ̀farinya kɛ́
Mîn n'à ɲɔ́ɔn ma kɛ́
Ábada díɲɛ kɔ́nɔ
Ù ka fúlaw lá.
Kámalen dòn.
15 Mɔ̀gɔ ɲùman dòn.
Dɔ́nnibaga dòn.
Àlê b'ò dè ɲíni
À bɛ fúru ò mà.
« courage »105 bɛ́ mîn ná
20 N'à ka kìsɛ
Ò mɔ̀gɔ mínnu bɛ́ ò « Roi » kɔ́rɔ
Ù b'ò « Roi » ka « courage » fɔ́ à yé
K'à ka dɔ́nni fɔ́ à yé
K'à ka fónisireya fɔ́ à yé.
25 À bɛ kó mínnu kɛ́
K'ò bɛ́ɛ fɔ́ à yé.
Nk'ù tɛ s'à ka gùndo ìn mà
Ù tɛ sùrunya ò lá.
À b'à fɔ́ ń ye nìn mɛ́n
30 Nìn díyara ń yé
À b'ò tànu
À bɛ bárika dá ò yé
À b'à fɔ́ : ń bɛ yáala hálì bì ń bɛ ɲìninkali kɛ́.
Gùndo mîn bɛ́ ń ná í sùrunyan'à ná
35 Ǹka í ma s'à mà.
Ń bɛ́ « sondage »106 kɛ́ hálì sá.
Ní ń yé cɛ̀ yé…
Ń tɛ kɛ́ wùlu yé

– 84 –
Elles disaient : « Nous sommes venues à vous,
Mais nous nous expliquerons seulement
Une fois mises devant vos chefs,
Ceux qui dirigent cette tribu. »

5 On les recevait alors.


Lorsqu’on les avait reçues, la vieille dame commençait son discours.
Elle disait : « La femme que voici, en montrant la princesse,
Eh bien, elle ne veut prendre pour époux
Que l’homme qui devinera son secret, car elle a un secret :
10 L’homme qui aura accompli un acte de bravoure
Tel que personne n’en aura fait autant
Nulle part depuis que le monde existe
Et tout cas parmi les Peuls.
C’est un homme dans la jeunesse,
15 Un homme généreux,
Un homme de science.
Voici d’homme qu’elle cherche,
Celui qu’elle épousera.
Un homme de courage,
20 Un homme énergique. »
Les membres de la cour présents sur les lieux se mettaient alors en train,
Exaltaient le courage du roi,
Mais aussi sa science,
Mais aussi sa générosité,
25 Et tous les exploits qu’il avait accomplis.
Ils n’omettaient rien des mérites de leur chef,
Mais ils ne touchaient pas à son secret à elle.
En vérité ils n’en approchaient pas :
Elle disait : « Je vous ai entendus
30 Et vous m’en voyez ravie ! »
Elle les louait,
Elle les remerciait.
Elle disait : « Toutefois, je continue mes recherches.
Vous avez presque atteint le niveau de mon secret.
35 Mais vous n’y êtes pas parvenus,
Je poursuis donc ma quête.
Si je rencontrais un homme…
Car je ne me ferai pas chienne enragée,

– 85 –
Kà bɛ́ɛ cín
Áyìwa !…
Ń bɛ cɛ̀ dè ɲíni
Ń ka cinni bɛ dàn mîn kélen mà.

5 À b'à ka hámi ìn — áwà — fɔ́.


Áyìwa… ń k'à b'à fɔ́ fɔ́cogo mîn nɔ́,
À b'à fɔ́ « parabole »107… (fɔ́cogo dè lá).
Ní màa mîn séra k'à ka « parabole » ìn kɔ́rɔdɔn,
À b'à dɔ́n ò tìgi b'à ka gùndo dɔ́n.
10 À bɛ yáala, à bɛ táa « tribu » wɛ́rɛ lá.
À y'ò mîn kɛ́ yèn
À b'ò ɲwàn wɛ́rɛ kɛ́ yèn.
À ma mɔ̀gɔ sí sɔ̀rɔ,
Mîn bɛ sùrunya à ka hámi ìn ná
15 N'ò b'ò fɔ́ à yé.
À bɛ à jɛ́ya ù mà kɔ̀ni
Ń tɛ fúru cɛ̀ fìla kɔ̀ni mà.
Ń bɛ fúru cɛ̀ kélen dè mà
Mîn bɛ ń ka gùndo ìn dɔ́n.

20 Fó à táara kà táa sé « tribu » lá.


« tribu » mîn bɛ́, n'ò yé fúlaw yé
Ù ka fárin.
Ò y'à cɛ̀ « concurrent »108 bèlebelebaw yé
Kàbini ù fàw lá
25 Kà n'à bìla ù yɛ̀rɛ̂w lá.
Mùsokɔrɔ ìn b'ò dɔ́n.
Ù séra yèn.

À kó n'à y'à sɔ̀rɔ à ka kán kà sɔ̀rɔ yɔ́rɔ kɔ̀ni nɔ́.


N'à ma sɔ̀rɔ nìn nɔ́
30 Ò tùma ná, à ɲínini bɛ gɛ̀lɛya.
« Parce-que »109 ń bɛ nìnnú dɔ́n kàbi ù lásigi lá.
« Haine »110 mîn b'ù ni, áwà í cɛ̀ ka « dénbaya » cɛ́,
Ń b'ò dɔ́n.
Ní mɔ̀gɔ ô mɔ̀gɔ ka sùrun nìn kó sífaya kɛ́ lá,
35 ò yé nìn yé.
À y'ò fɔ́ mùso ìn yé

– 86 –
Je ne mordrais pas tout le monde.
Voilà !
Je cherche un homme…
L’homme qui sera seul à connaître ma morsure. »

5 Et elle reprenait son histoire,


Mais dans un langage tel…
Elle racontait cela sous forme de parabole.
Si quelqu’un perçoit le mystère de sa parabole,
Alors elle saurait que cette personne connaît son secret.
10 Elle repartait, elle allait dans une autre tribu.
Le scénario qu’elle avait monté ailleurs,
Elle le montait ici.
Elle ne trouva pas un homme
Qui approchât seulement son secret.
15 Mais à chaque interlocuteur,
Elle tenait à parler franchement :
« Je n’épouserai pas deux hommes, quoi qu’il en soit.
J’épouserai seulement un homme
Celui-là qui aura su mon secret. »

20 Enfin elle parvint à une tribu…


Une tribu de Peuls de vieille souche
Des braves.
Parmi les émules du clan de son mari,
Depuis leurs ancêtres respectifs
25 Jusqu’à leur propre génération.
Cela, la vieille dame le savait.
Elles parvinrent là.

Elle dit : « Si ce que nous cherchons doit se trouver quelque part…


Si nous ne le trouvons point là,
30 Alors, la recherche en sera longue et pénible.
Parce que je connais ces gens depuis leur origine.
Quelle haine les oppose à la famille de ton mari,
Cela, je le sais aussi.
Si quelqu’un est susceptible de faire ce qui t’a été fait
35 C’est ici qu’il le faut chercher. »
C’est ce qu’elle déclara à la jeune femme.

– 87 –
Ù sér'ó « tribu » lá, ù lábɛnnen
Tùma mîn ná, n'ù séra yèn,
Ù jìginna ù ka galaw kɔ́rɔ.
Áyìwa dùgumɔ̀gɔw nan'ù lájɛ.
5 Ù y'ù ka hámi fɔ́ ù yé :
Ù b'ù « expliquer »111 mɔ̀gɔ dè yé
Mîn yé, áwà « tribu » mɔ̀gɔw yé
Mîn y'à fàama yé
Mîn sìgilen b'ù kùn ná.
10 Ù táar'ò fɔ́ ò yé.
Ù kó mùso dɔ́ nàna.
Dákabana mùso dòn.
Kúma b'à fɛ̀
À b'à fɛ̀ k'à láse yàn.

15 À bɛ mɔ̀gɔ ɲíni
N'à y'ò yé
áwa !… à b'à ka hámi fɔ́ ò yé.
Ò y'à « reçoit »
K'à kà mɔ̀gɔw lájɛ, hákilitigiw lájɛ à kɔ́rɔ.
20 À y'à fílɛ,
À y'à ka hámi fɔ́.
À ye mîn fɔ́ yɔ́rɔ tɔ̀ nìnnú ná
À y'ò ɲwàn fɔ́
K'à jíidi kà tɛ̀mɛn ò kàn.
25 Òlû kó n'í bɔ́ra yàn
Í máa táa yɔ́rɔ ô yɔ́rɔ
Í tɛ fúla yé mîn ka fárin nìnnú yé.
Í tɛ fúla yé mínnu ka « générosité » kà bòn
Kà nìnnú tá bɔ́.
30 Í tɛ fúla yé mîn hákili ka bòn kà nìnnú bɔ́.
Í tɛ fúla yé mîn bɛ sé kà mɔ́nɛ dòn
À fadenkɛ rɔ́, í y'à fàamu,
mɔ́nɛ mîn tɛ bɔ́ kà nìnnú bɔ́.
Í t'ò fúla sɔ̀rɔ jàmana ìn kɔ́nɔ.
35 À kó áyìwa, nìn ye báara mínnu kɛ́
Ù k'ò « relater » à yé.
Hálì n'ù ma s'à bɛ́ɛ mà

– 88 –
Elles arrivèrent à la tribu, parées de leurs atours.
Lorsqu’elles parvinrent là,
Elles s’installèrent sur la place publique.
Les habitants du village vinrent s’enquérir d’elles.
5 Elles leur exposèrent la raison de leur présence parmi eux,
Mais elles s’expliqueraient dans le détail
Seulement devant les notables de la tribu,
Devant le chef pour tout dire,
Celui qui dirige la tribu.
10 On courut alerter ce dernier.
Une femme venait d’arriver,
Une femme extraordinaire.
Elle avait un propos
Qu’elle tenait à lui communiquer.

15 Elle cherchait un homme


Lorsqu’elle le rencontrerait,
Eh bien…, elle lui exposerait son problème.
Il la reçut.
Il fit venir les dignitaires et les gens d’esprit de la cour.
20 Elle avisa alors :
Elle exposa son problème.
Les propos qu’elle avait tenus ailleurs,
Elle tint les mêmes ici.
En développant encore plus.
25 Eux dirent : « En partant d’ici,
Tu pourras parcourir la région de long en large,
Tu ne verras point de Peuls plus braves que ceux-ci,
Tu ne verras point de Peuls aussi généreux
que ceux-ci,
30 Tu ne verras point de Peuls d’un plus grand esprit, que ceux-ci,
Tu ne verras point de Peuls capables autant que ceux-ci de plonger leur
rival dans l’amertume,
Sans lui laisser la moindre chance d’en sortir.
Tu ne trouveras pas de tels Peuls dans le pays. »
35 Elle dit : « Eh bien venons-en aux exploits de votre homme.
Racontez-moi ses exploits.
Ils n’auraient d’ailleurs pas besoin de toucher à tout… »

– 89 –
Ù kó màa mîn t'à fɛ̀ kà nìn yé,
N'ù bɛ́ áwà kóɲɛ ná, júguya bɛ́ ù ka « famille » (w)112 ni ɲɔ́ɔn cɛ́,
Kà n'à bìla án bɛ́ bì dón ìn mîn ná.
Áwà, ù ye àlê cɛ ka « dú » fɔ́.
5 À ye mɔ́nɛ dòn òlû lá
Fó kà táa díɲɛ wíli
À mɔ́nɛ tɛ bɔ́.
Ù dònna kúma ìn nɔ́
F'ù nàna, ù bɛ nà táa sé yɔ́rɔ rɔ́…
10 À k'ù ka dàn yàn.
À y'à dɔ́n
À bɛ mîn ɲíni nìn dòn.
Nk'òlû dùn yé mɔ̀gɔ fìla dè yé.
Ò mɔ̀gɔ fìla, kélen yé kɔ̀rɔbalen yé.
15 Ù fìla bɛ́ fà lá, ù bɛ́ bá lá
Òlû dè fà sàra k'ù tó,
Kélen tɔ́gɔ yé Hámàdi,
Kélen tɔ́gɔ yé Bàba.
Hámàdi, ò yé kɔ̀rɔbalen yé.
20 Bàba, ò yé ncínin yé.
Nìn cɛ̀ fìla bɛ́ɛ yé cɛ̀farin yé
Fó kà táa fárinya s'à dàn ná.

Kélen ìn mîn yé Bàba yé, n'ò yé dɔ́gɔnin yé


Ò ka fárin fó kà táa fárinya s'à dàn ná.
25 À kélen bɛ sé kà kàrafe kɛ̀mɛ gwɛ́n
Ǹka nàbara yé ò yé.
À sèn fìla « paralysé » len113 dòn.
À tɛ sé kà yɛ̀lɛn sò kàn
N'í m'à tà k'à yɛ̀lɛn sò kàn.
30 N'í y'à yɛ̀lɛn sò kàn
Ù n'í juguw máa ɲɔ́ɔn kùnbɛ̀n yɔ́rɔ ô yɔ́rɔ
À bɛ sò dɔ́n cógo mîn
À tɛ bɔ́ sò ìn kàn kà bìn.
À bɛ kɛ̀lɛ kɛ́
35 À kíni fɛ̀ àní à núman fɛ̀.
« mêlée »114 bi k'à lá
À bɛ s'ù bɛ́ɛ lá.
À bɛ sègin kà nà.

– 90 –
Ils dirent : « Il y a un homme qui ne souhaiterait pas voir vivre celui-ci.
Une noire inimitié oppose leurs familles respectives
Depuis des générations jusqu’au moment où nous vous parlons. »
« Eh bien… » alors ils citèrent nommément la famille de son mari.
5 « Il leur a fait un affront… tel,
Que jusqu’à la fin du monde,
On ne pourra le laver. »
Ils entrèrent, alors dans le récit…
Et cela se développait, évoluait vers des détails tel que…
10 Non ! elle leur intima d’en rester là.
Elle savait maintenant
Que ce qu’elle cherchait, c’était cela même :
Cependant, eux les princes peuls étaient deux.
Des deux, l’un est l’aîné.
15 Les deux sont de même père et de même mère.
Leur père était mort alors qu’ils étaient encore jeunes tous les deux.
L’un s’appelait Hammadi.
L’autre s’appelait Baba.
Hammadi est l’aîné.
20 Baba lui est le cadet.
Les deux hommes étaient des braves
Jusqu’à l’extrême limite de la bravoure.

Le nommé Baba, le cadet.


Était brave jusqu’à l’extrême limite de la bravoure.
25 À lui seul, il mettait en déroute cent cavaliers.
Mais c’était un perclus des jambes :
Ses deux jambes étaient paralysées115.
Il ne pouvait monter à cheval par lui-même.
Il fallait le prendre et le hisser sur le dos du cheval.
30 Une fois qu’on l’avait hissé sur le cheval,
S’ils en venaient à en découdre avec troupes ennemies,…
Il était si habile à cheval !
Jamais il ne se laissait désarçonner.
Il chargeait alors,
35 De droite comme de gauche,
Il entrait dans la mêlée,
Il en sortait vainqueur.
Il revenait au camp,

– 91 –
N'ù y'à jìgin kà bɔ́ sò ìn kàn
À bánnen yé ò yé…
Áwà ò kɔ̀ni bɛ́ tèn.
Kɔ̀rɔkɛ ìn fána ka fárin
5 Nk'à tɛ Bàba bɔ́ fárinya nɔ́.
Tùma mîn ná n'ù ye kɔ̀rɔkɛ ka báara fɔ́ à yé
À kó sísàn
Gùndo mîn bɛ́ ń ná
À ka sùrun
10 Hámàdi ìn ná
Kà tɛ̀mɛn màa wɛ́rɛ kàn.
Nê ye mîn fɔ́ à yé,
Nê tɛ kɛ́ wùlu yé
Kà bɛ́ɛ cín.
15 Nê bɛ dàn màa kélen mà.
Ń bɛ́ ń ka díɲɛnatigɛ k'ò tìgi bólo
Fó kà táa sé ń nàkan mà.
Ò kúma
Ò mìnna Hámàdi lá.
20 Ń b'à fɛ̀ kà fúru nìn mà
Ò kúma
Ò díyara Hámàdi yé.
À nísɔndiyara
Ò yé nísɔndiya dàn yé, kà kàfo à ka mɔ̀gɔw mà.
25 Ò y'à dúnanjigin, k'à bìsimila.
Ò nàna fúru ɲíni à fɛ̀
À sɔ̀nna fúru mà.
À furula ò mà.
À kó ń bɛ fúru í mà « condition »116 mîn kɔ̀ni ná,
30 Ò yé kélen yé :
Ń t'à fɛ̀ ń ni fúlamusow
kà fàra ɲɔ́ɔn kàn
Ń n'ù ka sìnaya kɛ́.
Í bɛ ń dàma yɔ́rɔ díla ń yé
35 Ò sɔ̀nna ò mà.
Ò ye yɔ́rɔ lábɛ̀n à yé.
Yɔ́rɔ mîn cɛ̀ ka ɲì
Mîn ni à ka kán.
Ò y'à bìla yèn

– 92 –
Mais dès lors, qu’on l’avait descendu de cheval
Il était réduit à rien.
Tel était le cadet.
L’aîné aussi était brave,
5 Mais il n’atteignait pas Baba dans la bravoure.
Lorsqu’on lui eut narré l’exploit de l’aîné,
Elle déclara : « Enfin !
L’énigme de ma vie,
Si elle avait un visage ressemblerait
10 À votre Hammadi
Plus qu’à toute autre personne.
Je vous l’ai déjà dit :
Je ne me ferai pas chienne enragée,
Je ne mordrai pas tout le monde,
15 Je m’en tiendrai à un seul homme,
Et je passerais ma vie avec celui-ci
Jusqu’à la fin de mes jours. »
Le propos ainsi présenté,
Hammadi fut convaincu.
20 « Je veux donc l’épouser. »
Le propos, encore une fois,
Plut à Hammadi.
Il s’en réjouit visiblement,
Sans fard aucun, et sa cour s’en réjouit avec lui.
25 Il l’accueillit chez lui et lui souhaita la bienvenue.
Puis il lui fit part de son ardent désir de l’épouser.
Elle accepta sa demande,
Et le mariage fut célébré.
Elle avait cependant dit : « Je t’épouserai à une condition,
30 Une seule condition :
Je ne veux pas vivre dans le même ménage
que les autres femmes peules
Et ainsi vivre avec elles la rivalité des coépouses.
Tu m’aménageras un domaine à moi ».
35 L’autre accepta cette condition,
Il lui aménagea une maison à elle.
Une maison charmante entre toutes
Et qui était digne d’elle.
Il l’installa là.

– 93 –
Kà « surveillante » (w)117 bìl'à kɔ́rɔ.
À lámɔ̀na mùsokɔrɔba mîn bólo
Mùsokɔrɔba hákilima ìn -
K'ò bìla yèn.
5 Ò ni à n'à ka « servante » mîn bɛ́ ɲɔ́ɔn fɛ̀
Ù yé « díɲɛ dɔ̀n » kɛ́ ɲɔ́ɔn fɛ̀.118
Fúru sìrila.
Ù bɛ́ bàrokɛ ù fɛ̀ yèn.
Nkɔ̀niw bɛ fɔ́.
10 Masalaw bɛ bɔ́.
Fɛ́n bɛ́ɛ lájɛ̀len bɛ kɛ́.
Cɛ̀ ìn máa dílan ɲíni à fɛ̀
À b'à fɔ́ cɛ̀ yé : à bɛ́, ń bólo bɛ́ jí rɔ́.
N'à bólo bɔ́ra jí rɔ́,
15 À bɛ cɛ̀ mîn ɲíni, nìn dòn.
À ni cɛ́ bɛ másala mîn kɛ́
F'à y'à « découvrit »119
K'à fɔ́ màa mîn y'àlê « déshonorée »120
Ò dè yé cɛ̀ ìn yé.

20 Màa mîn y'àlê « séduit »121,


Ò dè yé cɛ̀ ìn yé.
À nísɔndiyara cɛ̀ ìn kɔ́rɔ kó sɛ̀bɛ.
À kó ń ka wúli kà ê ɲíni
Ń y'à dɔ́n
25 ń wólo fùradama
Ń ni mɔ̀gɔ sí ma gòsi ɲɔ́ɔn ná
Ni ê tɛ́
Ń ka tó ê mà.
Ò ka fìsa ń ma
30 kùnnadali yé
À y'à yɛ̀rɛ̂ bánge cɛ̀ ìn yé.
Ń tɛ́ cɛ̀ fɛ̀ cɛ̀ mîn tɛ́ ń fɛ̀.
Tígitigi ! í ye kúma mîn fɔ́122
tìɲɛ dòn.
35 Nê cɛ̀ ìn
Gùndo mîn bɛ́ ń n'à cɛ́, ń fà t'à dɔ́n.
Nê yɛ̀rɛ̂ b'à dɔ́n à yɛ̀rɛ̂ b'à dɔ́n.
À b'à ka sò dè fɛ̀ kà tɛ̀mɛn nê kàn.

– 94 –
Il lui affecta des servantes.
Quant à sa vieille gouvernante,
La vieille femme pleine de sagesse,
On la mit là aussi.
5 Dans sa suite se trouvait aussi sa petite servante,
Sa petite compagne des jours mauvais.
Le mariage fut alors célébré.
La cour se transporta là.
On y jouait du nkoni,
10 On y donnait des récitals,
Enfin tout ce qui peut animer une chambre nuptiale.
Lorsque l’homme voulait user de ses droits conjugaux,
Elle lui disait être indisposée :
Mais dès qu’elle serait remise en état,
15 Il saurait que l’homme qu’elle cherchait, elle l’avait trouvé !
Et c’était de longues causeries dans l’intimité.
Elle put ainsi découvrir119
Que l’homme qui s’était joué d’elle,
Était celui-là même qui se livrait présentement à elle.

20 L’homme qui l’avait séduite


Était bien cet homme-là.
Elle se montra enchantée de sa compagnie.
Elle dit : « Si je me suis mise en quête de toi,
C’est que je sais
25 Que depuis que je suis au monde,
Nul ne m’a touchée,
Si ce n’est toi.
J’ai pensé alors : M’en tenir à lui seul
Vaudrait mieux que de m’entendre rappeler à tout bout de champ
30 ma forfaiture. »123
Elle révéla à l’homme son identité.
« Je ne veux pas d’un homme qui ne m’aime pas.
C’est exactement ce que tu as dit.
La vérité même.
35 Mon mari quant à lui…
Le secret que nous partageons, et que mon père ignore,
Moi je le connais, et lui il le connaît !…
C’est son cheval qu’il préfère à sa femme.

– 95 –
Nê yɛ̀rɛ̂ fána t'àlê fɛ̀.
Mîn bɛ́ nê fɛ̀,
N'ò hámina
Kà nìn wále ìn kɛ́
5 Nê y'ò mùso yé sá fó « yomali kíyama »124.
Ò kúma díyar'ò yé.

Tùma mîn ná n'ò díyar'ò yé,


Áyìwa, à nàna fɔ́ ò yé.
Ń bólo bɛ́nà bɔ́ jí rɔ́.
10 Ń ka kòli bi bán.
Ń b'à fɛ̀ í ka « invitation » ba125 kɛ́.
Í k'í ka màabaw « inviter »126.
Sú ìn ná kɔ̀ni
án bɛ jɛ̀ cɛ̀ya àní mùsoya lá.
15 Ò nísɔndiyara n'ò yé.
Ù yé « invitation » ba kɛ́.
À bɛ́ yɔ́rɔ mîn ná, n'ò y'à bìla ò dú kɔ́nɔ
Ù ye bàro kɛ́ yèn
Bàro ɲùman.
20 Fó dùgutila lá
À k'à ka mɔ̀gɔw ka t'ù dá.

Mùsokɔrɔ ìn ye fɛ́n mîn fɔ́ à yé,


N'ù y'ò lábɛ̀n,
Ò yé « drogue »127 dè yé.
25 Ò « drogue » bɛ bɔ́ yíri mîn ná,
Ò b'ánw fɛ̀ yàn
Án b'à f'ò mà jòro.
Ò jòro,
Ù b'ò dè bɔ́.
30 Ní ù y'ò dén kári,
Ù b'ò múgu shyɛ́n, k'à b'ò kɔ́kan.
Ù b'ò ni fɛ́n wɛ́rɛw ɲágami ɲɔ́ɔn ná
K'à ni dí ɲágami
K'à — n'à kɛ́ra nɔ́nɔ nɔ́,
35 Kà ntámàro k'à lá,
Ní ù y'à n'ò fɛ́nkɛ,
À bɛ díya kó sɛ̀bɛ

– 96 –
Eh bien, je ne l’aime pas, moi non plus.
Celui qui m’aimait,
Et dont la passion le poussa
À faire ce qu’il a fait,
5 Lui, je suis sa femme désormais et jusqu’au-delà de ce monde… »
Ces paroles plurent à l’homme.

Quand elle vit l’homme si heureux,


Alors, elle lui dit
Elle dit : « J’arrive à la fin de mes ennuis.
10 Je vais devenir propre.
Je veux que tu donnes une grande réception.
Tu inviteras tous les dignitaires de la tribu,
Cette nuit
nous nous connaîtrons comme homme et comme femme. »
15 L’autre se réjouit fort de cela,
Il donna une grande réception.
C’est dans sa demeure à elle, celle qu’il lui avait affectée,
Qu’eut lieu la causerie.128
Une causerie réussie en tout.
20 Maintenant la nuit était avancée.
Il donna congé à ses gens.

Ce que la vieille dame avait proposé


Et qu’elles avaient préparé
N’était ni plus, ni moins qu’un barbiturique.
25 De quel arbre provient ce barbiturique ?
Nous avons cet arbre ici,
On l’appelle jiro.
Ce jiro comment le prépare-t-on ?
On en récolte une certaine quantité.
30 Quand on a réuni quelques fruits de cet arbre,
On recueille la substance poudreuse qui en couvre les gousses.
On mélange cette poudre avec d’autres ingrédients,
On y ajoute du miel et on mélange.
On verse ce mélange dans du lait,
35 On ajoute des dattes
Qu’on laisse bien tremper, et on malaxe le tout.
Alors on obtient un breuvage succulent,

– 97 –
Ù b'à kɛ́ nɔ́nɔkɛnɛ ná.
Ní í y'ò nɔ́nɔkɛnɛ mìn kà bán,
Áwà, sísàn kɔ̀ni, í tɛ sé kà fóyì kɛ́
Ní sùnɔgɔ tɛ́.
5 Kó bɛ́ɛ bɛ k'í lá
Áwà — k'í tó sùnɔgɔ ìn ná.
Mɔ̀gɔw wúlila tùma mîn ná
À y'í lábɛ̀n
K'à « parfumée »129
10 Kà wusulanw k'à lá
K'à ka huladuw130 n'à ka màsiriw bɛ́ɛ k'à kàn.
Hámàdi y'à yé
À hákili nyágamina.
À k'ù ka nà ni nɔ́nɔ yé !
15 Àlê cɛ̀ bɛ nɔ́nɔ mìn
Ù nàna ni nɔ́nɔ yé.

À ye nɔ́nɔ ìn mìn


F'à fara
Ù táar'ù dá yɔ́rɔ rɔ́
20 Ù y'ù dá…
Ù y'ù dá kà bán
Hámàdi sùnɔgɔra.
À ma kúnu tún.
Tùma mîn ná n'à sùnɔgɔra, n'à ma kúnu
25 À wúlila à y'à fílɛ, à y'à sɔ̀rɔ à bɛ sùnaa.
À táara à ka áwà, à lámɔ̀baa mùso ìn sɛ́gɛrɛ.
Ò bɛ sì yɔ́rɔ mîn ná, à y'ò kúnu.
À kó à sùnɔgɔra.
Ò kó án tùn bɛ fɛ́n mîn ɲíni,
30 Ò yé nìn yé.
Ù nàn'à mà
K'à yɛ̀lɛma
À ma kúnu.
Ù y'ù lábɛ̀n.
35 À ye cɛ̀ ka finiw bɔ́ à lá
À y'ù dòn à lá.
À tún ye sɛ́bɛn yé mínnu bɛ́ cɛ̀ lá,
Ni nɛ̀gɛ tɛ sé k'à mìnɛ,

– 98 –
Qu’on verse dans du lait frais.
Si vous buvez de ce lait frais,
Eh bien, vous ne pouvez plus rien faire
Si ce n’est dormir.
5 On pourrait faire de vous tout ce qu’on voudrait,
Et vous dormiriez encore.
Lorsque les gens se retirèrent,
Elle se prépara,
Elle se parfuma,
10 Elle passa et repassa devant son encensoir.
Elle se para de ses plus beaux atours.
Lorsque Hammadi la vit,
Il en perdit la tête.
Elle ordonna qu’on apporte du lait :
15 Son mari allait prendre son lait nocturne.131
On apporta le lait.

Il but de ce lait
Jusqu’à satiété.
Ils passèrent alors dans la chambre.
20 Ils se mirent au lit.
Dès qu’ils se furent mis au lit,
Hammadi s’endormit.
Il ne se réveilla plus.
Lorsqu’il se fut endormi de ce sommeil de plomb,
25 Elle se leva, le toucha et vit qu’il dormait.
Elle s’en fut rejoindre, eh bien, sa vieille gouvernante
Là où celle-ci reposait ; elle la réveilla.
Elle dit : « Il s’est endormi. »
Elle dit : « Ce que nous cherchions.
30 Le voici. »
Elles vinrent à lui,
Elles le retournèrent,
Il ne broncha pas.
Elles se préparèrent.
35 Elle dépouilla l’homme de ses habits,
Et s’en vêtit.
Les talismans qu’elle avait vus sur l’homme
Et qui le rendaient invulnérable aux balles,

– 99 –
À y'ò dòn à lá.

Cɛ̀ m'à ka gùndo sí dògo à lá.


À ka « séjour »132 ìn kɔ́nɔ
À y'ò fúraw bɛ́ɛ k'à lá.
5 À ye cɛ̀ ka kùlusi bɔ́
K'ò dòn
K'ò ka dulokiw bɔ́
K'ò dòn
K'ò kà sɛbɛnw k'à lá.
10 Áwà ù ye cɛ̀ kántìgɛ
K'à kùnkolo tìgɛ.
À kó án bɛ nìn kɛ́ dì ?
Ù y'à bìla fóroko kɔ́nɔ
K'ò méleke fìni kólon nɔ́.133
15 Ù y'à bìl'ù ka fóroko kɔ́nɔ
K'à sèn fìla tìgɛ
K'à bólo fìla tìgɛ.
À ka « servante » mîn bɛ́ yèn
Ò nàna mùru ìn kɛ́…
20 Kà à kɔ́rɔla tìgɛ.
Ù y'ò méleke.
Ù y'à dòn fóroko kɔ́nɔ.
Ù kó án bi mùn kɛ́ sísàn ?
À kó án tɛ fóyì kɛ́ táali kɔ́.
25 Sòkɛ fìla mîn bɛ́ yèn
Á' ka kírike dá ò lá.
Áw ka táa — nê ɲɛ́
Nê bɛ tó yàn.
Mùsokɔrɔ ìn kó à kó ê dùn bɛ tó yàn cógo dì ?
30 À kó fúlaw dòn.
Nê yé fúla yé.
Án bɛ́ɛ yé hɔ́rɔn yé.
À kó nê t'ù sònya
Kà bòli.
35 Ń ye mîn kɛ́
Ń b'à fɔ́ ù yé.
Ní ń y'à dɔ́n fájiri sùrunyana
Ń bɛ kúlo ù ka wɛ̀rɛ lá

– 100 –
Elle les mit :

L’homme ne lui avait rien caché de ses secrets


Durant son séjour au Campement.
Elle se passa tous les philtres qu’elle trouva,
5 Elle enleva les pantalons de l’homme,
Elle les mit.
Elle enleva ses boubous,
Elle les mit.
Elle prit possession de ses amulettes.
10 Alors, elles égorgèrent l’homme
Elles lui coupèrent la tête.
« Et, ça, dit-elle, qu’allons-nous en faire ? »
Elles la jetèrent dans un sac :
Elles l’enveloppèrent d’un chiffon,
15 Puis elles la mirent dans leur sac.
Elles lui coupèrent les deux pieds,
Elles lui coupèrent les deux mains.
La petite servante qui les assistait
Saisit alors le couteau
20 Et… elle lui coupa ses parties.
Elles enveloppèrent tout cela,
Elles le mirent dans le sac.
Elles dirent : « Et maintenant, qu’allons-nous faire ? »
Elle dit : « Nous allons détaler, c'est tout.
25 Les deux chevaux qui sont là,
Sellez-les, vous !
Vous, partez ! Prenez de l’avance,
Moi, je reste ici. »
La vieille dame dit : « Comment est-ce que tu resterais ici toi ? »
30 Elle dit : « Ce sont des Peuls.
Je suis peule, moi-même,
Nous sommes d’égale naissance, »
Elle dit : « Je ne veux pas les prendre en traître134
Et partir à la sauvette.
35 Ce que j’ai fait,
Je veux le leur dire.
Lorsque les lueurs de l’aube pointeront,
Je lancerai mon cri de guerre à travers le campement,

– 101 –
K'à fɔ́ ù yé.
Sò sí tɛ́ yàn mîn bɛ sé kà nìn sò ìn sɔ̀rɔ.
Ò b'à sɔ̀rɔ áw ye dɔ́ kɛ́.
Ń bi kún áw rɔ́.
5 Òlû y'ò kɛ́ ò cógo rɔ́.
Àlê wúlila
Fájiri fɛ̀.
À táara dáfìla kùnkan fìla gòsi ù ka gála kɔ́rɔ.135
À kó fúlaw : n'áw bɛ wúli
10 Á' yé wúli.
À kó à ka kùntigi yé mîn yé,
N'ò yé Hámàdi yé,
À kó nê y'à fàa.

À kó wà : ń táara.
15 À y'à ka kàrafe yɛ̀lɛma
À ye síra mìnɛ ù nɔ̀fɛ̀.
À y'à ka sò wúli ù nɔ̀fɛ̀.

Fúlaw bìnna kírikeda lá.


Fàn bɛ́ɛ fɛ̀ mànkan wúlila
20 Kúlo wúlila.
Ù girinna kà t'à ka yɔ́rɔ rɔ́.
Ù ma táa fóyì sɔ̀rɔ yènninnɔ̀ « cadavre »136 kɔ́
Mîn « mutilé » len137 bɛ́..
À sèn n'à bólow tigɛlen bɛ́.
25 Kúlo wúlila ù ka wɛ̀rɛ kɔ́nɔ.
Ù ye kírikew dá.
Ù wúlil'à nɔ̀fɛ̀.
Àlê yɛ̀rɛ̂ y'à ka mɔ̀gɔw gwɛ́n
À ma kún ù nɔ́.
30 À bɛ kún ù nɔ́ tùma mîn ná
Ò y'à sɔ̀rɔ mídi sùrunyana.
À y'à sɔ̀rɔ ù ye cáman kɛ́.
Tùma mîn ná n'à y'à sɔ̀rɔ ù ye cáman ìn kɛ́,
À kó án ka táa.

35 Nìnnú y'ù gwɛ́n !


Ò yé gwɛ́nni dè yé !

– 102 –
Et je le leur dirai.
Il n’y a pas un cheval ici capable de rattraper ce cheval.
À ce moment-là… vous, vous aurez fait du chemin.
Je vous rattraperai. »
5 Celles-ci firent comme on le leur avait ordonné.
Quant à elle, elle se leva.
Lorsque l’aube parut,
Elle s’en fut tirer deux coups de fusil sur la place publique.
Elle lança : « O ! Peuls, ce que vous pouvez faire,
10 Faites-le. »
Elle dit : « Celui qui était votre chef,
Celui qui se nomme Hammadi, »
Elle dit : « Je l’ai mis à mort ».

Elle dit : « Adieu, donc ! »


15 Alors elle tourna bride,
Elle piqua des deux, à leur suite.
Elle allait à fond de train, sur leurs traces.

Les Peuls commençaient à seller leurs chevaux.


Partout c’était un tohu-bohu incroyable.
20 Des cris s’élevèrent,
Les gens se ruèrent vers la résidence de l’étrangère.
Ils ne trouvèrent là qu’un cadavre,
Un cadavre mutilé,
Les pieds et les mains amputés.
25 Les cris redoublèrent dans le campement.
Ils sellèrent les chevaux,
Ils se lancèrent à sa poursuite.
Elle-même pourchassa ses gens
Sans pouvoir les rattraper.
30 Lorsqu’enfin elle put les rattraper,
Il n’était pas loin de midi,
Elles avaient fait du chemin.
Lorsqu’elle vit qu’elles avaient fait du chemin,
Elle dit : « En avant. »

35 Ceux-ci s’étaient lancés à leur poursuite,


Train d’enfer !

– 103 –
Ù m'ù sɔ̀rɔ.

Ù ye tìle bán ù nɔ̀fɛ̀


Fó kà táa mídi sé
Kà mídi tɛ̀mɛn
5 Kà sélifàna sé
Kà sélifàna tɛ̀mɛn
Ù ma kún ù nɔ́.
Kà làgansàra sé
Ù ma kún ù nɔ́
10 Fó kà táa sé fɔ́ fìtiri bɛ sùrunya.
Bàba ìn b'à ka sò kàn.
À kó : áw mîn bɛ́ ń nɔ̀fɛ̀
Á' bɛ sègin.
Nê bɛ táa ń kɔ̀rɔkɛ fɛ́n ìn nɔ̀fɛ̀.
15 Hálì ní ń bɛ t'à fàa ù ka yɔ́rɔ dè rɔ́,
Ń b'ò kɛ́.
À kó áw ka sègin.
Á' ka táa.
Á' k'à lábɛ̀n.
20 Á' ka jíw ni dúmuniw tà.
Á' ka nà.
Nìn tɛ́ tìle kɛ́len táama yé tún.
Án b'à tà sísàn ná
Fó kà táa dwákun bán.
25 Ù bɛ yɔ́rɔ mîn ɲíni
N'ù bɛ táa yèn.
Sánnì ù ka sé yèn,
Án ka kún ù nɔ́
Ǹka súrɔfana ma wúli án bólo.

30 Òlû ye kàrafe kàron.138


À kélen ye síra mìnɛ.
Dúmuni mîn bɛ́ mîn bólo,
Jí mîn bɛ́ mîn bólo,
Ù y'ò tɔnin bɛ́ɛ fàra àlê tá kàn.
35 À bɛ táa !
À bɛ táa !
À bɛ táa !

– 104 –
Ils ne les rattrapèrent point.

Ils les pourchassèrent toute la matinée,139


Jusqu’au milieu du jour.
Jusqu’au-delà…
5 Jusqu’à l’heure de la prière médiane
Jusqu’au-delà…
Ils ne les avaient toujours pas rattrapées,
Jusqu’à l’heure de la prière du déclin du jour.
Ils ne les avaient toujours pas rattrapées,
10 Jusqu’aux approches de la prière du crépuscule.
Baba fonçait, ne faisant qu’un avec son cheval.
Il dit : « O ! vous qui me suivez !
Retournez sur vos pas !
Quant à moi, je poursuis cette créature de mon frère.
15 Et dussé-je aller la tuer sous les yeux de ses gens,
Je le ferai.
Quant à vous, retournez sur vos pas.
Partez.
Vous vous préparerez alors,
20 Vous prendrez de l’eau et des vivres,
Et vous reviendrez.
Ce n’est plus la course d’un jour,
Il faut compter, à partir d’aujourd’hui,
Encore une semaine de marche
25 Pour atteindre leur destination,
Le point vers où elles se dirigent.
Avant qu’elles ne parviennent là,
Il faut que nous les rattrapions,
Mais nous sommes partis sans provision. »

30 Eux tournèrent bride,


Et il poursuivit seul sa route.
Ce qu’il restait de vivres à chacun,
Ce qu’il restait d’eau à chacun,
On l’avait réuni, on le lui avait remis.
35 Il allait ventre à terre,
Il allait à bride abattue,
Et le cheval dévorait l’espace.

– 105 –
Nìnnú seginnen kɔ́ kà bɔ́ ù nɔ̀ fɛ̀
Áwà, ò y'à sɔ̀rɔ mùso nìnnú,
Ù sɛ̀gɛnna.
Tùma mîn ná, n'ù sɛ̀gɛnna
5 À kó nìn bɛ́ cógo mîn nɔ́
Nê sɛ̀gɛnna.
Án bɛ́ kírike rɔ́ kàbi sɔ̀gɔmà
Fó kà n'à bìla sísàn ná.
Á' yé dɔ̀ án ka dàbali kɛ́
10 Án ka jìgin
Án k'án sìgi
Yɔ́rɔ dɔ́ lá
Án b'án làfiya.

Mùso kɔ̀rɔ ìn kó


15 Án tɛ sé k'án làfiya sírada lá.
Án ka bɔ́
Síraba ìn bìla.
Án ka táa tú kɔ́nɔ
F'án ka jàma
20 Yɔ́rɔ lá yɔ́rɔ mîn ní màa tɛ sé k'án yé yèn.
Hálì n'án y'ù tɛ̀mɛn kán mɛ́n
Áwà án n'án láfiɲɛbɔ.
Án n'à síra wɛ́rɛ bɔ́.
Án nà kúngo « traverser ».140
25 Án n'án ka yɔ́rɔ ɲíni.

Ù táara yènninnɔ̀.
Ù yé jiriba dɔ́ kɔ́rɔ
Mîn ka jàn síraba lá.
Ù y'ù ka kírikew fóni kà bɔ́ ù ka sòw lá.
30 Ù jìginna.
Tùma mîn ná n'ù jìginna
Ù y'ù láfiɲɛbɔ.
Ù ye finiw fɛ̀nsɛn
Birifiniw fɛ̀nsɛn.
35 Ù yé « Princesse »141 ìn bìla ò kàn.
À y'à làfiɲɛ bɔ́ kó sɛ̀bɛ.

– 106 –
Les poursuivants, Baba excepté, avaient donc rebroussé chemin.
Les fugitives quant à elles,
Elles, se trouvaient atteintes par la fatigue.
Lorsqu’elle vit qu’elles étaient atteintes de fatigue,
5 Elle dit : « Qu’allons-nous faire ?
Je suis épuisée.
Nous sommes en selle depuis le matin142
Jusqu’à présent.
Avisons à présent et trouvons un moyen…
10 Et mettons pied à terre.
Et nous nous installerons…
Quelque part
Et nous nous reposerons. »

La vieille dame dit :


15 « Nous ne pouvons nous reposer au bord de la route,
Éloignons-nous plutôt,
Et quittons la route.
Enfonçons-nous dans le sous-bois,
Le plus loin que nous pourrons,
20 Jusqu’à l’endroit où nous serons à l’abri de regards ennemis.
Nous pourrons les entendre passer
Sans que cela ne trouble notre repos.
Nous trouverons une autre route.
Nous couperons à travers brousse.143
25 Nous retrouverons la piste. »

Elles trouvèrent un tel lieu.


Avisèrent un grand arbre
Assez loin de la grande route.
Elles dessellèrent leurs chevaux :
30 Elles mirent pied à terre.
Lorsqu’elles eurent mis pied à terre,
Elles se reposèrent.
Elles étendirent des pagnes.
Elles étendirent des couvertures ;
35 On installa la princesse144.
Et elle put se reposer à loisir.

– 107 –
Bàba ìn nàna.
Áyìwa — à bɛ tɛ̀mɛn…
À ka sò ntɔ́rɔn kàn !…
Ù ka sòkɛ fílanan mîn bɛ́ yèn
5 N'ò n'à ka sò ìn ka kán.
Ù fána tùn y'ò ɲwàn sɔ̀rɔ
Súrakaw fɛ̀
B'í k'í n'à fɔ́.
Áwà mùso ìn cɛ̀ y'à ka sò sɔ̀rɔ cógo mîn
10 Ù fà dè y'ò ɲíni ù fɛ̀.145
À bɛ́ɛ yé sò « síya » kélen yé.
À bɛ́ɛ yé sò sífaya kélen yé.
À bɛ́ɛ yé sòkɛ kélen dɔ́w yé.
À bɛ́ɛ yé sòmuso kélen denw yé.
15 À sò ìn ɲwàn kélen tùn b'àlê cɛ̀ fɛ̀.
« Mais »146 à ɲwàn fìla b'òlû fɛ̀.
Ù be k'à « dresser »147 kósɛbɛ
K'à dège kɛ̀lɛ lá
K'à dège bòli lá
20 K'à dège táama ná
K'à dège túlonkɛ lá.
Sò sàba ìn bɛ́ɛ sɔ̀n yé kélen yé.
Ù bɛ́ɛ tàbiya yé kélen yé.
« Ce sont des pur-sang »148
25 So ɲùmanw dòn.

À ka sò ntɔrɔnkan bɔ́len,


So mîn sìrilen bɛ́ fó kúngo kɔ́nɔ,
N'ò yé — mùso ìn — b'ò kàn
Ò hìnhìnna.
30 Ò hìnhìnna : sò dɔ́ ìn y'ò mànkan mɛ́n,
Ò y'í dɔ̀ : ò fána hìnhìnna kà Bàba tó à kàn.
Bàba ye kàrafe yɛ̀lɛma
K'ò fàn ɲíni.
À y'ò hìnhìnkan mɛ́n.
35 À ye kúngo kólon mìnɛ ù nɔ̀fɛ̀
F'à bɔ́ra síraba ìn kàn.
À ka sò ìn bi hìnhìn, ò fána bi hìnhìn
F'à nan'ò sò sìrilen yé.

– 108 –
Baba arrivait
Et… il allait passer.
Au son des sabots de son cheval…
Le second cheval qui se trouvait attaché
5 Et qui est de la même race…
Car eux aussi149 avaient pu soustraire aux Maures
des chevaux de la même race
De la même manière,
Eh bien, que la famille du mari de la princesse.
10 Et c’est leur père qui, lui aussi, en avait fait la conquête.
Il s’agissait de chevaux de la même race,
De la même nature exactement,
Nés du même étalon,
Nés de la même jument.
15 De cette race, le mari de la princesse possédait un individu,
Tandis que eux en possédaient deux.
Ils les avaient dressés de mains de maître,
Ils étaient entraînés au combat,
Ils étaient entraînés au trot comme au galop,
20 Ils étaient entraînés au pas,
Ils étaient entraînés à toutes sortes de jeux.
Les trois chevaux avaient les mêmes mœurs,
Ils présentaient les mêmes caractéristiques.
C’étaient des pur-sang,148
25 C’étaient des chevaux de race.

Au son des sabots de son cheval,


L’autre cheval qui se trouvait entravé dans le sous-bois,
Celui que montait la princesse,
Celui-ci hennit.
30 Il hennit à nouveau : et l’autre cheval l’entendit,
Qui s’arrêta et hennit à son tour sous son cavalier.
Baba tourna bride
Et chercha la bonne direction.
Il perçut un hennissement
35 Et coupa à travers bois, à leur suite.
Il avait donc quitté la grande route,
Son cheval hennissait en écho.
Il aperçut bientôt le cheval attaché.

– 109 –
À nísɔndiyara.
À bɛ fɛ́n mîn ɲíni
À bólo ser'à ka ɲínifɛn mà.
Tùma mîn ná n'ò kɛ́ra,
5 À ye dɔ́ táama : à sínna sò ìn mà.
Jiriba mîn b'ù kɔ́rɔ,
À nàna kà nà mùso sàba ìn sìgilen sɔ̀rɔ yèn.
« Princesse » ìn, àní í y'à fàamu, à ka lámɔ̀baa, àn'ù ka « servante »,
À ye ù sɔ̀rɔ yèn.

10 À kó nìn dè yé áw yé !


Ń yé á' yé
À yé à ka màrifa fòosi
Kà bɔ́ à lá150 kɔ́nɔ.
À y'à dasin mùso ìn ná.
15 À kó wúli !
Wúli !
Á' yé wúli !
Á' k'à ka finiw dòn.
Á' ye kírike mínnu fóni á' k'ù dá.
20 Án ka sègin.
Án ka táa wɛ̀rɛ lá.
N'á' ma sɔ̀n ò mà, ń b'á' fìla bɛ́ɛ fàa yàn.
Ń b'à sàba bɛ́ɛ fàa yàn.
Áyìwa ! fúlamuso ìn ye fìni tà kà bɔ́ à ɲɛ́da lá.
25 À kó í y'án sɔ̀rɔ yàn
Í bi sé k'án fàa
Ní à ka d'í yé.
Í bi sé kà táa n'án yé wɛ̀rɛ lá
Ní à ka d'í yé.
30 Ǹka í bi sé kà… sánn'í k'án fàa
Í bi sé k'án ɲìninka.
Kúma mîn b'án kɔ́nɔ
Án k'ò fɔ́ í yé
Í ka sɔ̀rɔ k'án fàa.

35 À k'ò tɛ́ báasi yé.


Á' y'á' lábɛ̀n
Á' ka kírikew dá…

– 110 –
Il eut un sourire de satisfaction :
Ce qu’il cherchait…
Oui il avait atteint l’objet de sa quête.
Alors…
5 Il avança encore et marcha sur le cheval.
L’arbre se dressait majestueux,
À son ombre reposaient trois femmes,
La princesse, sa vieille gouvernante et leur servante.
Voici ce qu’il trouva à l’ombre de l’arbre.

10 Il dit : « Vous voici donc !


Je vous ai trouvées ! »
Il détacha son fusil,
Le retira de sa gaine,
Il en pointa le canon sur la dame.
15 Il cria : « Debout ! chienne !
Et vous autres ! debout !
Mettez vos habits !
Et ces harnais que vous avez détachés,
Remettez-les !
20 Nous retournons !
Nous repartons au campement !
Si vous désobéissez, je vous tue toutes les deux, ici
Je vous tue toutes les trois ici. »
Alors… la jeune femme peule ôta le voile de son visage,
25 Elle dit : « Puisque tu nous as trouvées ici,
Tu peux nous tuer,
Si tel est ton bon plaisir.
Tu peux aussi nous ramener au campement,
Si tel est ton bon plaisir.
30 Mais tu pourrais aussi, avant de nous tuer,
Tu pourrais nous interroger.
Ce que nous avons à dire,
Nous te le dirions alors,
Et tu nous tuerais après. »

35 Il dit : « Cela n’est pas impossible.


Préparez-vous,
Sellez les chevaux. »

– 111 –
Áyìwa ! ù ye kírikew dá.
À b'à ka màrifa ìn kàn.151
À ma jìgin kà bɔ́ à ka só kàn.
Áyìwa : kúma mîn b'í fɛ̀,
5 À fɔ́ !
À kó kúma mîn bɛ́ ń fɛ̀
Ń b'à fɔ́ í yé.
Í dára à lá ô,
Í ma d'à lá ô,
10 Nê tɛ nkàlon tìgɛ í yé.
À kó : nê (mîn fílɛ nìn yé),
Ń ma nà à ka wɛ̀rɛ lá
Í kɔ̀rɔkɛ kámà.
Ń nàna á' ka wɛ̀rɛ lá
15 Ê dè kámà.
Tùma mîn ná ní ń nàna wɛ̀rɛ lá
Ù ye bàro sìgi.
Í yɛ̀rɛ̂ bɛ́ yèn.
Ù ye ń ɲìninka
20 Ń bɛ́ mîn fɛ̀
Ń y'à fɔ́ ù yé.

Ù y'í kɔ̀rɔkɛ ka kámalenya fɔ́.


Ù y'í yɛ̀rɛ̂ ka kámalenya fɔ́.
Í kɔ̀rɔkɛ ka kámalenya ma dògo ánw ná.
25 À ma dògo wɛ̀rɛ sí lá.
À ma dògo jàmana ìn màa sí lá.
Ǹka ê tá dè ka gírin bɛ́ɛ mà.
Ń wúlila ê dè kámà
Tùma mîn ná n'ù ye nìn kúma ìn fɔ́
30 Ù ma í ka kúma sí fɔ́ ń yé.
Á' ka banbaadɔw !
Á' n'á' ka màabaw152
Ù y'í kɔ̀rɔkɛ ka kúma dè fɔ́ ń yé.
Sánnì153 nê ka jáabi dí
35 Ń mɔ̀na mîn bólo
N'ò y'án bá ìn yé
Ò kó « án tɛ cɛ̀ sí sɔ̀rɔ mîn ka gírin ê mà
Ń dénmuso

– 112 –
Alors elles sellèrent les chevaux.
Lui, tenait le fusil toujours pointé.151
Il n’avait pas mis pied à terre.154
« Eh bien commença-t-il ce que tu as à dire
5 Dis-le ! »
Elle dit : « Ce que j’ai à dire ?
Je te le dirai.
Tu me croiras,
Ou tu ne me croiras pas,
10 C’est pareil je ne te mentirai pas.
Elle dit : « Moi que voici,
Je ne suis pas venue à votre campement
Pour rechercher ton frère.
Je suis venue à votre campement
15 Pour te rechercher, toi.
Lorsque je suis arrivée au campement
Et qu’on eut installé la palabre,
Tu y étais, du reste.
Ils m’ont demandé
20 De dire ce que je voulais.
Je le leur ai dit.

On a exalté la bravoure de ton frère,


On a aussi exalté ta bravoure.
Or la bravoure de ton frère ne nous est pas inconnue.
25 Elle n’est inconnue d’aucun de nos campements.
Elle n’est inconnue de personne, dans le pays.
Mais toi, tu surpasses tous les autres.
C’est pour toi que je suis partie de chez moi.
Et lorsqu’ils ont tenu ces propos,
30 Ils ne m’ont rien dit te concernant ou si peu !
Il s’agit de vos griots,155
Et des gens importants du campement..
Ils m’ont parlé plutôt de ton frère
Et avant que j’aie pu donner une réponse,
35 Celle qui m’a élevée,
Notre mère, que voici,156
A déclaré : Nous ne pouvons trouver de meilleur parti que toi157,
Ma fille que voici,

– 113 –
Ń b'à fúru í mà.
À yɛ̀rɛ̂ fána bɛ k'í fɛ̀ »

Kó ò ma díya ń yé
Ń wúlikun tùn tɛ́ í kɔ̀rɔkɛ kó yé.
5 Nìn yé kábako yé
Ò yé ê dè yé.
Ê !
Í ka fárinya dogolen tɛ́ màa sí lá.

Í bɛ sé kà kàrafe kɛ̀mɛ fìla gwɛ́n


10 Í b'í ka sò kàn.
Sèn dùn t'í fɛ̀.
Ò tùma
Màa sí tɛ́ ánw ka jàmana ìn kɔ́nɔ
Mîn b'ê bɔ́.
15 Nê b'à fɛ̀ kà fúru ê ɲɔ̀gɔnw dè mà.
Ǹka í kɔ̀rɔkɛ ìn « mêlé » li158 à rɔ́
À ni ń bá ìn ye jáabi mîn d'à ma
À táara nê ka « avis » « contre » lá159.
Nê « préféré» len160 bɛ́ sàya lá
20 Kà tɛ̀mɛn ò bálocogo kàn.
Ò, ò kósɔ̀n dòn.
Ń dùsukasira.
Ní ń y'à fɔ́ ò dón :
Ń bɛ́ ê dè fɛ̀, ń t'í kɔ̀rɔkɛ fɛ̀,
25 Kó júgu bɛ nà kɛ́.
Màsiba bɛ nà wúli.
Wálà màsiba yɛ̀rɛ̂ tɛ wúli.
Ń t'ò kɔ̀ni dɔ́n.
Ń m'ò lìmaniya161 sɔ̀rɔ.
30 À bɛ́nà káari
Kà ń tó ê bólo,
Ń t'ò dɔ́n.

Ní à ma káari kà ń tó í bólo,


Tinyèni bi dòn :
35 À bɛ kɛ́ ń tɔ́gɔ yé.
Nê bɛ sà.

– 114 –
Je te la donne en mariage
Et elle t’acceptera pour mari. »

Elle dit : « Cela m’a déplu.


Je n’étais pas partie de chez moi pour ton frère.
5 L’être exceptionnel,
C’est toi,
C’est toi que voici.
Ta bravoure n’est ignorée de personne.

Tu peux mettre en déroute deux cents cavaliers


10 Comme si tu étais rivé à ton cheval.
Or tu n’as pas de jambes162.
Ces raisons fondent à dire
Qu’il n’existe personne dans ce pays
Qui te vaille.
15 C’est un homme de ta trempe que je désirais épouser,
Mais le fait que ton frère se soit trouvé mêlé à l’affaire,
Et que ma gouvernante, lui ait répondu favorablement,
Voici qui a contrarié mes projets.
Or j’aurais préféré mourir
20 Plutôt que de vivre dans les conditions qui m’étaient ainsi imposées.
Voici les faits
Et les raisons de ma résolution.
Si j’avais déclaré alors
Que c’était toi que j’aimais et non pas ton frère,
25 Cela causerait un malheur :
Une catastrophe véritable.
Ou alors, il n’y aurait pas eu l’ombre d’une catastrophe…
Mais cela je l’ignore
Et je ne puis donner là-dessus aucune assurance.
30 Aurait-il renoncé ? :
M’aurait-il laissée à son frère ?
Cela, je l’ignore.

Mais s’il ne renonçait pas,


C’était le désastre :
35 J’en aurais porté la responsabilité :
Ou c’est moi qui mourrais,

– 115 –
Àlê bɛ sà.
Wáli ê yɛ̀rɛ̂ bɛ sà.
Ò cógo rɔ́,
Nê ye sàya dàn nê kélen mà.
5 À n'í kɔ̀rɔkɛ mà.
Ánw fìla ka sà.
Ê ka bálo
Ń y'ò dè fɔ́
Ń kó ń t'à fɛ̀ kà kɛ́ wùlu yé,
10 Kà bɛ́ɛ cín
Ń bɛ dàn màa kélen mà.

Áwà, nê yɛ̀rɛ̂ té díɲɛ yɛ̀rɛ̂ fɛ̀ tún.


Ń bɛ́ mîn fɛ̀,
Ò kɔ̀ni yé sàya dè yé.
15 Áyìwa… ń tɛ sé kà í badenkɛ fàga
K'à fɔ́ ń bɛ fúru ê fána mà.
Í ka ń fàga : ò dè ka fùsa.
N'í ye nìnnú fìla bìla
Í y'ù bìla n'í ka « générosité » yé.
20 N'í m'ù bìla…

Mîn kɔ̀ni ye wále ìn kɛ́,


Ò yé nê dè yé.
Ń fàga !
Cɛ̀ ìn kó à mà : à kó ń y'í ka kúma mɛ́n.
25 Ń y'à fàamu.
Nê tɛ sé kà fóyì « décider »163 nìn ná
F'án ka sègin kà táa wɛ̀rɛ lá.
N'án sèginna kà táa
Án ka « assemblée » màa164 lájɛ̀
30 Í ye mínnu fɔ́ nê yé
Í b'à fɔ́ mínnu yé
Án ka màa bɛ́ɛ ɲɛ́na.
N'òlû ye mîn « décidé »
Áwà — án b'ò dè kɛ́
35 N'ù y'í fàali « décidé », áw b'í fàa.
Ní míiri wɛ́rɛ nan'ù nɔ́
Ù nàna fɛ́n wɛ́rɛ « décidé »,

– 116 –
Ou c’est lui qui mourrait,
Ou encore c’est toi-même qui mourrais.
Dans ces conditions,
J’ai voulu limiter le malheur à ma propre personne
5 Et à ton frère.
Nous deux, nous mourrions,
Et tu vivrais, toi.
N’est-ce pas ce qu’il fallait entendre,
Lorsque j’ai dit ceci : Je ne veux pas devenir une chienne
10 Qui mordrait tout le monde
Je veux m’en tenir à un seul homme.165

Et d’ailleurs, je ne trouve plus de goût à la vie.


Ce que je veux
C’est plutôt le mort.
15 Car je ne peux, après avoir tué ton frère germain,
Je ne peux en toute décence prétendre t’épouser, toi !
Tue-moi plutôt, c’est le mieux.
Si tu sauves ces deux…
Ce sera une preuve de plus de ta générosité.
20 Et si tu te refuses à les sauver…

Il n’y a qu’un coupable


Et c’est moi !
Tue-moi donc ! »
L’homme lui dit : « J’ai écouté tes paroles,
25 Et j’en ai saisi le sens.
Mais je ne puis rien décider en cette affaire.
Il faut d’abord rentrer au campement.
Lorsque nous y serons rendus,
Et que l’assemblée se sera tenue,
30 Ce que tu m’as déclaré à moi,
Tu le répéteras aux autres,
Devant notre peuple tout entier.
Ce que eux décideront
Eh bien, c’est ce que nous appliquerons :
35 S’ils décrètent ta mort, nous t’abattrons,
Mais si une autre idée leur venait,
Et qu’ils décidaient autrement…

– 117 –
Nê yɛ̀rɛ̂ bɛ ń míiri
Ní ń ka kán kà mîn kɛ́, ń n'ò dɔ́n.
Ǹka f'án ka sé yènninnɔ̀
À kó bìsímila.
5 À ye kírike dá.
Ù yɛ̀lɛnna ù ka sòw kàn.
Ù ye dɔ́ táama.
Mùso ìn y'à jìra à lá :

Ń sɛ̀gɛnna
10 Án bɛ́ɛ sɛ̀gɛnna
Kàbi dùgu jɛ́ra, án bɛ́ kírike lá
Fó kà n'à bìla sú ìn ná ná
Án bɛ táa…
N'à y'à sɔ̀rɔ í bɛ sé kà làfiya d'án mà
15 Ní í ka ɲùmanya yé,
Án ka yɔ́rɔ ɲíni án bɛ sé kà án làfiya yɔ́rɔ mîn ná.
Án ka sɔ̀rɔ ka táa…
À tùn bànn'ò mà.
Ǹka à sèginna, à sɔ̀nna…
20 Ù jìginna.
À y'à sɔ̀rɔ à yɛ̀rɛ̂ sɛ̀gɛnna.
Ù y'à dáyɔrɔ lábɛ̀n.
Ù ye sò nìnnú sìri, sò fìla nìnnú sìri
Áwà à làfiyara.
25 Dúmun mîn b'ù bólo,
Ù y'ò tila ù ni Bàba cɛ́.
Jí mîn b'ù bólo
Ù y'ò tíla ù cɛ́.
À yɛ̀rɛ̂ táar'í sìgi ò kɛ̀rɛ fɛ̀
30 Ù ye másala dábɔ.
Bàba tɛ kúm'à fɛ̀.

Fó tùma mîn ná, n'ù sìgira


À wúlila,
Áwà, k'à bɛ dòn ɲɛ́gɛn nɔ́, bín ná.
35 Ù ye jí d'à ma
À táara.
À nàna.

– 118 –
Eh bien, je réfléchirais moi aussi
Et ce que je devrai faire, tu le sauras166,
Mais le tout premier préalable, c’est d’arriver là-bas. »
Elle dit : « D’accord ».
5 Elle sella son cheval.
Elles montèrent à cheval
Et ils marchèrent quelque temps.
La femme alors l’avisa :

« Je suis épuisée,
10 Toutes, nous sommes épuisées.
Depuis la naissance du jour, nous sommes en selle
Et nous y voilà encore, maintenant qu’il fait nuit,
Et tout ce temps nous n’avons fait que courir,
Si tu pouvais nous accorder un répit,
15 Et tu le ferais par pure bonté !
Nous chercherions un endroit où nous reposer,
Nous repartirions après. »
Il avait d’abord refusé,
Mais il se ravisa : il donna son accord.
20 Ils mirent pied à terre.
Il se trouva que lui-même était fatigué.
Elles lui préparèrent une couche,
Elles attachèrent les chevaux, les deux chevaux167,
Alors il put se reposer.
25 Il leur restait des vivres,
Elles les partagèrent avec lui.
Il leur restait de l’eau,
Elles partagèrent encore avec lui.
Lui-même s’installa auprès d’elles168.
30 Elles commencèrent à deviser.
Baba s’abstint de parler.

Tout le monde était donc installé,


Quand elle se leva eh bien,
Eh bien pour, dit-elle, se rendre au petit coin.
35 On lui donna de l’eau,
Elle s’éloigna,
Puis la voilà qui revient…

– 119 –
Bàba sìgilen bɛ́ k'à kɔ̀nɔ.
Bàba ka màrafa dalen bɛ́.
À sínn'ò mà, à y'ò tà.
Bàba kó k'í bɛ nìn kɛ́ mùn yé ?
5 À kó — áwà — kìsɛ jòli b'à kɔ́nɔ ?
À kó kìsɛ kélen kélen dè b'à dá kélen kélen bɛ́ɛ kɔ́nɔ…
Ánw tɛ kìsɛ fìla bìla màrafa kɔ́nɔ169.
À kó ê yɛ̀rɛ̂ jáati bólo dè y'à sɔ́sɔ wà ?
Ò y'à sɔ̀rɔ kɔ̀rɔkɛ y'ò gùndo fɔ́ à yé.
10 À kó Bàba ka fárinya yɔ́rɔ yé yɔ́rɔ mîn yé
N'ò bɛ́ nê n'à cɛ́ - nɛ̀gɛ t'à mìnɛ,
Nɛ̀gɛ tɛ nê mìnɛ -
Fó n'à kɛ́ra à yɛ̀rɛ̂ bólo màrifa,
À yɛ̀rɛ̂ bólo ye mîn sɔ́sɔ.
15 À kó nê bólo dè y'à sɔ́sɔ áwà !
Kó n'à y'à sɔ̀rɔ ê bólo dè ye màrifa ìn kɔ̀ni sɔ́sɔ,
À kó ń b'í fàa :

Ée ! Bàba kó í bɛ ń fàa.


Ń ye mùn kɛ́ ?
20 À kó : ń b'í fàa.
Bàba yé nàbara yé - ò k'à bɛ gírin
Kà wúli.
À ye kìsɛ fìla bɛ́ɛ lájɛ̀len bìl'à dùsukun ná
K'à bɛ́ɛ bìl'à dísi lá.170
25 Bàba bìnna.
À kó án tùn bɛ fɛ́n mîn ɲíni
Án bólo ser'án ka ɲínifɛn mà.
Ù ye Ála tànu
Ni ù ye wále mîn kɛ́ yé.
30 À kó án bɛ mùn kɛ́ nìn sú ìn ná.
À kó án b'à fána kɛ́ án y'à kɔ̀rɔkɛ kɛ́ cógo mîn ná.
Ù y'à kùnkolo tìgɛ
K'ò méleke
K'à bìla fóroko kɔ́nɔ.
35 K'à sèn fìla tìgɛ.
Ù ka « servante » mîn b'ù nɔ̀fɛ̀,
Ò nàna, ò y'à kɔ́rɔla tìgɛ
Ù y'à méleke.

– 120 –
Baba se tenait assis dans l’attente.
Or le fusil de Baba reposait.
Elle se dirigea vers le fusil et s’en saisit.
Baba dit : « Et que vas-tu faire de ceci ? »
5 Elle dit : « Eh bien, combien de balles y a-t-il dedans ? »
Il dit : « Une balle dans chaque canon.
Nous autres, nous répugnons à mettre plus d’une balle dans un fusil. »
Elle dit : « As-tu chargé ce fusil de tes propres mains ? »
Le frère aîné lui avait révélé ce secret.
10 Il avait dit : « Ce qui prouve la bravoure de Baba.
Et qui fait notre différence, lui et moi,
Lui est invulnérable aux balles comme je suis invulnérable aux balles,
À moins qu’il ne s’agisse de son propre fusil,
Lorsqu’il l’a lui-même chargé. »
15 Il dit : « Je l’ai moi-même chargé. »
Eh-bien, dit-elle, si tu as chargé ce fusil de tes propres mains,
Elle dit : « Eh bien je vais te tuer ! »

«Comment ? s’écria Baba, et tu me tuerais.…


Pour quel crime ? »
20 Elle dit : « « Je vais te tuer. »
Baba était un cul-de-jatte. Il se précipita
Comme pour se lever.
Elle lui expédia les deux balles au cœur.
Il prit les deux balles dans la poitrine.170
25 Baba tomba à la renverse.
Elle dit : « Ce que nous cherchions…
Oui nous venons de mettre la main sur l’objet de notre quête. »
Elles rendirent grâce à Dieu
Pour l’aide qu’il avait bien voulu leur prêter en cette affaire.
30 Elle dit : « Qu’allons-nous faire de ce cadavre ?…
Elle dit : « Nous allons faire de lui ce que nous avons fait de son frère. »
Elles lui coupèrent la tête,
Qu’elles enveloppèrent dans un chiffon,
Avant de la mettre dans un sac.
35 Elles lui coupèrent les deux pieds.
La servante attachée à leur service…
Celle-ci entra alors en scène : elle lui coupa ses parties
Qu’elles enveloppèrent.

– 121 –
Ù kó sísàn kɔ̀ni án bɛ táa
À kó màgɛn mîn bɛ n'à nɔ̀fɛ̀
Ni áwà, ni « ravitaillement »171 yé.
Sánn'ù ka kún án nɔ́
5 Ù n'à sɔ̀rɔ án ye síra fɛ́n.
Ù k'ò tùma, án ka síraba ìn bìla.
Ù y'ù káari ɲàman nɔ́.
Ù ye kúngo táa.
Ù bɛ́ ɲɔ́ɔn fɛ̀.
10 Ù y'ò sú táama
Fó kà t'ò dùgu jɛ́
K'ò dùgujɛ táama
Fó kà t'ò fána sú kò.
Ò kɔ̀ni kɛ́ra, k'ù t'ù jɔ̀ tún.
15 Hálì n'ù b'ù láfiɲɛbɔ yɔ́rɔ rɔ́
Dɔ́ɔnin dòn, à tɛ mɛ́n.

Ù tɛ́ síra kàn.


F'ù nàna kà nà sé ù ka dùgu lá
Mîn y'ù ka dùgu yé
20 À cɛ̀ bɛ́ yɔ́rɔ mîn ná.
Tùma mîn ná, n'ù séra yèn
Áwà ù séra só kɔ́fɛ̀.
Ù jìginna.
Ù kó án bɛ nìn kɛ́ cógo dì ?
25 Kó án k'à tó sú ka kò.
Bɛ́ɛ mánà sùnɔgɔ tùma mîn ná
Án ka dòn.

Ù y'ù làfiɲɛ bɔ́.


Ù mán'ù ka kírikew dá
30 Ù dònna dùgu kɔ́nɔ.
À y'à sɔ̀rɔ dùgu sùnɔgɔra.
Ù sínna, í y'à fàamu « Roi » kà só lá.
Ù nàna kà nà dá kɔ́nkɔn.
Ù ka màaw nàna dá yɛ̀lɛ.
35 Ù kó ánw yé dúnanw yé.
Ù ye súraka kàbila dɔ́ fɔ́
Ù kó án bɛ bɔ́ nìn kàbila ìn ná.

– 122 –
Elles dirent : « Maintenant il s’agit de partir. »
Elle dit : « Les renforts qui arrivent
Avec des vivres et de l’eau,
D’ici qu’ils nous rattrapent
5 Nous aurons fait du chemin. »
Elles dirent : « Dans ces conditions, abandonnons la route. »
Elles s’enfoncèrent dans la brousse,
Elles allaient à fond de train,
Restant serrées les unes contre les autres.
10 Elles marchèrent la nuit durant,
Jusqu’aux lueurs de l’aube.
Elles marchèrent le jour suivant,
Jusqu’à la tombée de la nuit.
C’était devenu une course sans répit
15 Et si elles prenaient quelque repos,
C’était minime, un laps de temps.

Elles n’avaient toujours pas rejoint la grande route :


Enfin elles parvinrent au campement,
Leur campement à elles.
20 Elles avisèrent le palais royal,
Et lorsqu’elles parvinrent là,
Eh bien… lorsqu’elles furent derrière les murs,
Elles descendirent de cheval.
Elles dirent : « Qu’allons-nous faire maintenant ?
25 Attendons, dit d’une d’elles, qu’il fasse nuit,
Lorsque tout le monde sera couché,
Nous pourrons entrer. »

Elles prirent quelque repos,


Puis elles sellèrent leurs chevaux.
30 Elles entrèrent dans la ville,
La ville était endormie.
Elles se dirigèrent sur le palais royal.
Elles arrivèrent et frappèrent à la porte.
Les gens de la maison vinrent ouvrir.
35 Elles dirent : « Nous sommes des hôtes de passage. »
Elles évoquèrent une tribu maure…
Elles dirent appartenir à cette tribu.

– 123 –
Áw dùn yé mùn kélen yé ?
Án nàna jìgin fàama kàn
Á' ka kùntigi kàn.
Ánw yé sò jagolaw dè yé.
5 Án bɛ sò fèere.
Án y'à mɛ́n à bɛ́ sò ɲùmanw fɛ̀.
Án bɛ nà sò nìnnú jìra à lá.
Ù táara « Roi » kúnu.
« Roi » nàna
10 À ye ù yé.
Ù ye súrakakan dè fɔ́ à yé.
Kó nìn kɔ̀ni
Ánw yé sòjagolaw dè yé.

Ù ye kàla mána : dìbi dòn.


15 À táara, kà táa sò nìnnú fílɛ.
À kó : á' yé sò nìnnú sɔ̀ngɔfɔ.
Ù ma sɔ̀n.
Ée ! ù kó án nan'í kámà
N'í ma sé k'ù sàn
20 Án bɛ táa ù fèere màa wɛ́rɛ mà
Ǹka fó dùgu kɔ̀ni ka jɛ́
Á ! à kó nê b'à fɛ̀ k'ù sàn sú ìn ná.
Á ! ù kó án fána tɛ sɔ̀n ò mà.
Ù « insister » (ra)172 ò kúma kàn.
25 À kó bárì nê mùso táalen bɛ́ « voyage »173 lá
Sánnì à ka nà,
Ń b'à fɛ̀ à ka nà sò nìnnú sɔ̀rɔ yàn.
Ń t'à nàdón kélen dɔ́n.
À dùn bɛ́ yɔ́rɔ mîn nɔ́
30 À ka sùrun nani nɔ́.
Ò dè kósɔ̀n, ń bɛ́ à fɛ̀…
Á' yé sɔ̀ngɔ ô sɔ̀ngɔ fɔ́.
Ù k'ánw t'à fèere í mà sú fɛ̀
Fó dùgu ka jɛ́.
35 N'í sɔ̀nna kà — dùgujɛ mà…
N'í ma sɔ̀n ò mà,
Ní í b'án gɛ́n fána,
Án bɛ táa.

– 124 –
« Mais qui êtes-vous exactement ? »
« Nous sommes venus174 faire une visite au Roi…
Faire une visite à votre chef :
Nous sommes des marchands de chevaux.
5 Nous vendons des chevaux.
Nous avons appris qu’il aime les chevaux de race :
Nous sommes donc venus lui proposer ces chevaux. »
Ils allèrent réveiller le Roi.
Le Roi arriva.
10 Il les vit,
Mais c’est en maure qu’elles s’exprimèrent.
« Eh bien ! voici :
Nous sommes des marchands de chevaux. »

Ils allumèrent des torches : il faisait noir.


15 Il alla examiner les chevaux.
Il dit : « Dites le prix des chevaux. »
Elles refusèrent.
« Du calme dirent-elles : nous sommes venues pour toi,
Mais si tu ne peux les acheter,
20 Nous les vendrons à un autre.
Mais de grâce ! attendons qu’il fasse jour ! »
« Ah ça ! dit-il, moi j’aurais voulu les acheter cette nuit même ! »
« Ha ! cela, nous ne pouvons l’accepter. »
La discussion se fit serrée :
25 Il dit : « La Reine est en voyage :
Avant qu’elle ne revienne…
J’aurais voulu qu’elle trouvât ces chevaux ici.
Je ne sais quel jour elle rentrera.
Mais où qu’elle soit,
30 Elle ne doit pas être loin de rentrer maintenant.
Voici pourquoi je voudrais… »
Mais quelque alléchantes que fussent ses propositions,
Elles dirent : « Nous ne te les vendrons pas de nuit.
Seulement lorsque le jour paraîtra :
35 Si tu peux attendre le jour, tant mieux.
Si tu ne peux attendre cette échéance
Et si alors tu nous chasses,
Eh bien nous partirons ».

– 125 –
À kó, ò tùma ná sá, á' bìsímila.
À y'ù jìgin
Ù jiginyɔrɔ lá
Áyìwa.
5 À nàna táa —
À kó « comme que »175 ń mùso tɛ́ yàn
Ń b'à fɛ̀ k'áw jìgin ń yɛ̀rɛ̂ ka « palais »176 lá.
À y'ù jìgin à yɛ̀rɛ̂ ka « palais » lá.
À ye « servante » (ìn) ni mùso kɔ̀rɔ ìn sìyɔrɔ dí
10 Mîn yé sò tìgi yɛ̀rɛ̂ yé.
À kó : ê dè yé sò tìgi yé wà ?…
Ǹka à « déguiser » (len) dòn :
cɛfiniw dè b'à lá.
À k'ê kàn'í dá nê yɛ̀rɛ̂ fɛ̀ yèn.
15 Ò nan'í d'à yɛ̀rɛ̂ fɛ̀ yèn.
Áyìwa — ù másalala
À bɛ súrakakan dè fɔ́ à yé.
Tùma mîn ná n'ù másalala,
Sùnɔgɔ y'ù tà…
20 Áwà — cɛ̀ sùnɔgɔra.
Cɛ̀ ìn sùnɔgɔra
À ye cɛ̀ tó sùnɔgɔ rɔ́.
À wúlila : à y'à ka fìniw bɔ́ à lá
À « déguiser » (len) bɛ́ ni fìni mínnu yé.
25 À y'í lábɛ̀n.

À táar'à ka só kɔ́nɔ.


À b'à ka só kɔ́nɔ mìnɛn bɛ́ɛ bìlayɔrɔ dɔ́n.
À y'à ka mùso finiw tà.
K'à kà danpew tà
30 Kà ná.
À nan'í bólo dá cɛ̀ kàn.
À ye cɛ̀ lákunu.
Cɛ̀ wúlila : ù sìgira.
Ò y'à yé.
35 À ye fúlakan fɔ́ à yé.
Á ! k'ê nàna tùma jùmɛn ?
À kó : ń nàna sú ìn ná.
À ka ò sú nàni ò,177

– 126 –
Il dit : « Dans ces conditions, acceptez mon hospitalité. »
Il les reçut
Où il convenait de les recevoir.
Puis
5 Il se ravisa.
Il dit : « Comme mon épouse est absente,
Je voudrais vous recevoir dans le palais même. »
Il les reçut dans le palais.
Il indiqua une chambre pour la servante, et pour la vieille dame.
10 Quant au propriétaire des chevaux…
Il avait dit : « Est-ce toi le propriétaire des chevaux ? »
Naturellement, l’autre était déguisée en cavalier,
avec des vêtements d’homme.
Il dit : « Toi, tu viendras dormir en ma compagnie. »
15 L’autre vint se coucher dans sa propre chambre :
Alors… ils devisèrent
Et c’est toujours en langue maure qu’ils parlaient.
Pendant qu’ils devisaient ainsi,
Ils furent pris de sommeil.
20 Alors… l’homme s’endormit.
L’homme était tout à fait endormi.
Pendant que l’homme dormait,
Elle se leva : elle ôta ses vêtements,
La tenue qui avait servi à son déguisement,
25 Et elle s’habilla.

Pour ce faire elle se rendit dans sa chambre :


Elle eut vite fait de retrouver tout ce qu’elle cherchait.
Elle prit ses habits de femme.
Elle prit ses danpé178.
30 Elle revint.
Elle vint poser la main sur l’homme.
Elle réveilla l’homme.
L’homme se leva ; ils s’installèrent.
Il la vit alors.
35 Elle lui parla peul.
« Ciel ! s’écria-t-il et quand es-tu arrivée ? »
Elle dit : « Je suis arrivée cette nuit. »
Cette arrivée inopinée, et de nuit encore,

– 127 –
Ò ma díya cɛ̀ yé
K'à sábabu kɛ́
À t'à fɛ̀
À k'à ka dúnanw yé
5 Sò mínnu kìbaru dɔ́n.
Áwà ! ò k'í nàna sú ìn nɔ́ wà ?
Àhân ! à kó ń nàna sú ìn ná
Áwà, ù ye ɲɔ́ɔn fò.
À k'à mà : í ma ń dɔ́n wà ?
10 À kó ń y'í dɔ́n.
Áyìwa, à kó bìsímila.
À kó nê ni ê fìla dè bɛ́ yàn.
Gùndo mîn bɛ́ ê ni nê cɛ́,
Ê dè b'ò dɔ́n
15 Nê yɛ̀rɛ̂ fána b'à dɔ́n.
Wále mîn, n'à ye nê sɔ̀rɔ…
Í ka yàfa ń mà : à y'à bólo fìla d'à kɔ́.
À kó dénmisɛn hákili ye ń sɔ̀rɔ.
Nê ka túlon k'í fɛ̀
20 K'à fɔ́ í yé, k'à fɔ́ k'í k'í ka sò fàa.
À kó ń y'à fɔ́…
Dénmisɛnya mà.
Àní, áwà, yàdalenya…
Fàamadenya yàdalenya…
25 Áwà, ê ma sé k'í ka sò fàa
Fó kà n'à bìla
Fó sàn kélen kɛ́ra
F'í térikɛ ka kɔ́ɲɔ…
Mɔ̀gɔjuguw ye nìn mɛ́n.
30 Ù y'à ɲíni ù bɛ túlonkɛ nê ná
Ù bɛ mɔ́nɛ dòn ê rɔ́.
Nê y'à tìgi dɔ́n
Nê y'à tìgi ɲíni.
Ń y'à yé ń y'à « découvrir »
35 Ń y'à dɔ́n.
N'ê y'à dɔ́n,
Kɛ̀lɛ bɛ wúli.
À bɛ kɛ́ kɛlɛba yé.
Ní ń fà fána y'à dɔ́n,

– 128 –
Cela contraria le mari
Pour une raison simple :
Il n’aurait pas voulu
Qu’elle rencontrât ses hôtes ;
5 Ni qu’elle connût la situation des chevaux…
« Donc tu serais venue cette nuit même ? »
« Oui dit-elle, je suis arrivée cette nuit. »
Alors ils se sont adressé le salut dans les règles de l’art.
Elle lui dit : « Est-ce que tu ne m’aurais pas reconnue ? »
10 Il dit : « Si, je t’ai bien reconnue. »
« Très bien », dit-elle.
Elle dit : « Nous sommes seulement tous les deux ici :
Il y a un secret que nous partageons toi et moi,
Que tu connais parfaitement
15 Et que je connais parfaitement.
Le caprice que j’ai fait,
Et que tu voudras bien me pardonner », et elle se mit à genoux,
les deux mains croisées au dos.179
Elle dit : « C’est à l’inexpérience de la jeunesse que je le dois.
20 Si, pour jouer, je t’ai demandé de tuer ton cheval,
Elle dit : « Je l’ai dit simplement
Poussée par la folie de la jeunesse,
Poussée aussi par l’arrogance,
Oui cette insolence agressive des princes.
25 Or pris au jeu, tu n’as pu immoler ton cheval.
Et le temps a passé,
Toute une année…
Jusqu’au mariage de ton ami.
Or des criminels avaient eu vent de l’affaire,
30 Et ils ont voulu se jouer de moi
En même temps qu’ils te feraient à toi le suprême affront.
Or j’ai pu identifier le coupable,
Je l’ai recherché,
Je l’ai retrouvé.
35 Or, je sais de science certaine
Que si tu l’apprenais,
Il y aurait la guerre.
Une guerre terrible :
De même si mon père l’apprenait,

– 129 –
Ù b'ù ka dùgu cì.
K'ù bɛ́ɛ fàa.
Ò yé màsiba yé.
Ò tɛ́ mɔ́nɛ yé, mɔ́nɛ dònna nê mîn nɔ́.
5 Nê yɛ̀rɛ̂ ye mɔ́nɛ mîn bɔ́ yèn kóyi,
Ò yé mɔ́nɛ dè yé
Ń fà ye mîn bɔ́.
Wálà ò yé mɔ́nɛ dè yé
Ê ye mîn bɔ́
10 Nê ni ń ka màloya bi tó ɲɔ́ɔn ná
Mɔ́nɛ dònna nê mîn nɔ́.
Nê y'à « calculé ».180
Nê dè ka kán kà nìn mɔ́nɛ ìn bɔ́.
Ń fà t'à bɔ́
15 Ń bá t'à bɔ́.
Nê yé hɔ́rɔn yé
B'í kó ê yé hɔ́rɔn yé cógo mîn.
Ê man fùsa ni nê yé.
Nê man fùsa ni ê yé.181
20 Nê yɛ̀rɛ̂ k'à mɔ́nɛ bɔ́ !

À k'ê dùn b'ò mɔ́nɛ bɔ́ cógo dì ?


À kó nê y'à mɔ́nɛ bɔ́
Fó kà t'à fòori.
Ń y'à ɲíni
25 Fó ń y'à yé.
Ń jiginn'à ka wɛ̀rɛ lá.
Wále mínnu tɛ̀mɛnna
À y'ù lákàli à ɲɛ́na.
À kó ń y'à fàa
30 À kùnkolo…
À y'à ka mɔ̀gɔw kúnu.
Ù k'à kùnkolo bɔ́ fóroko kɔ́nɔ
K'à d'à kɔ́rɔ.
Ù k'à sèn n'à bólo b'ò fóroko kɔ́nɔ
35 K'à d'à kɔ́rɔ.
À dɔ́gɔkɛ mîn fána bɛ́ yèn
Ń y'ò fána fàa.
Ò kùnkolo fílɛ.

– 130 –
Il détruirait leur pays :
Oui il les aurait exterminés :
Ce serait certes là un désastre.
Ce ne serait pas des représailles dues à la première victime l’outrage.
5 Certes, la vengeance que j'en aurais tiré là-bas
Ce serait des représailles
Qu’on devrait à mon père.
Ce serait des représailles
Qu’on te devrait à toi-même mon mari :
10 Je serais restée plongée dans la honte,
Or c’est moi qui avais subi l’outrage.
Je me suis recueillie pour délibérer,
Et je me suis dit : tu devras te laver de cet outrage toi-même.
Tu n’en chargeras ni un père,
15 Ni une mère.
Car enfin je suis, par la naissance, noble,
Autant que tu es noble toi-même.
Tu ne m’es point supérieur
Et je ne suis pas supérieure.181
20 Je devais donc laver l’outrage moi-même… »

Il dit : « Et comment ferais-tu pour laver, un tel outrage ? »


Elle dit : « Sache que j’ai lavé l’outrage
Jusqu’à mon entière satisfaction.
Je l’ai donc recherché,
25 Et finalement je l’ai retrouvé.
J’ai logé dans son campement… »
Et toutes les péripéties du drame
Elle les lui conta.
« Je l’ai mis à mort.
30 Sa tête… »
Elle réveille ses compagnes :
Elle leur ordonna de sortir la tête du sac
Et de la mettre à ses pieds.
De sortir les pieds et les mains du sac
35 Et de les mettre à ses pieds.
« Il avait un frère cadet
Je l’ai tué lui aussi.
Voici sa tête.

– 131 –
À bólow fílɛ, à sènw fílɛ.
Ù ka « servante » ìn kó :
Mɔ̀gɔ màlobaliw b'ù ka màlobaliya
Kɛ́ ni fɛ́n mîn yé,
5 Nê y'ò tìgɛ
Ò fílɛ nìn yé.

À y'à bólo fìla d'à kɔ́.


À y'í bir'à cɛ̀ kɔ́rɔ.
À kó ń tuubir'í yé.
10 Í ka yàfa ń mà.
Hɔ́rɔnya bɛ sé yɔ́rɔ ô yɔ́rɔ
Í ka hɔ́rɔnya tɛ̀mɛnna yèn kàn.
À kó n'í yáfara ń mà…
Í ka sò mîn ní ń y'à fàa182
15 Ń y'à sàra n'à ɲwàn fìla yé.
Bárì í ka sò ɲwàn fìla b'ù fɛ̀.
À k'ò yé cìyɛn yé.
À kó nê ka sò ɲwàn fìla b'ù fɛ̀.
À kó à sòkɛ fìla sìrilen fílɛ nìn yé dá lá
20 Ń nàna ni ò dè yé.
Í y'ò dè yé…
Áwà, n'à y'à sɔ̀rɔ ò bɛ sé k'í ka sò sàra…

À kó í ye mɔ́nɛ bɔ́ í yɛ̀rɛ̂ rɔ́.


Í ye mɔ́nɛ bɔ́ nê nɔ́.
25 Í ye mɔ́nɛ bɔ́ án ka kàbila lá.
Í ye màloya bɔ́ à lá.
Ní nê tùn y'à dɔ́n k'à fɔ́ òlû dòn…
Ń sigar'ù fɛ̀ ;
Ǹka ń ma tìg'à kàn.
30 Ń tùn bɛ ń lábɛ̀n.
Ń bɛ mîn k'ù lá,
Ń b'à dɔ́n
Ǹka ní áwà, ê ye mîn mɔ́nɛ bɔ́,
Ê yé fúla yé kà t'à bìla yɔ́rɔ ô yɔ́rɔ…,
35 Ê ni nê dè yé kélen yé.
Nê bɛ́nkɛ dén dè yé í yé.
Ê tɛ́nɛmuso dén dè yé nê yé.

– 132 –
Voici ses mains et voici ses pieds. »
La servante intervint alors : elle dit
« Quant aux instruments dont usent les sans pudeur lorsqu’ils se livrent
à l’impudicité,183
5 Je les ai coupés.
Les voici ! »

Elle mit les mains au dos et s’agenouillant,


Elle s’inclina devant son mari.
Elle dit : « Je me repens et me voici soumise à toi.
10 Et toi, veuille me pardonner :
Parmi les plus nobles qui se puissent imaginer,
Tu es certes le plus noble qu’on puisse trouver. »
Elle dit : « Si tu consens à me pardonner…
Sache que ton cheval qui fut tué par ma faute181 :
15 Je te le rends au double de ses pairs,
Car ces gens possédaient deux étalons184 comme le tien. »
Il dit : « C’est exact !
Ils possèdent deux individus, de la même race que mon cheval. »
Elle dit : « Voici les deux étalons entravés devant ta porte.
20 C’est là mon butin,
Et ce que tu as pu admirer tout à l’heure,
Est-ce assez pour réparer la perte de ton cheval ? »

Il dit : « Tu as vengé ton honneur.


Tu as vengé mon honneur.
25 Tu as vengé l’honneur de la tribu.
Tu as lavé notre honte.
Si j’avais su que c’était eux,
Certes j’ai ressenti un doute à leur sujet.
Mais je n’ai pas eu de certitude…
30 Je me serais préparé.
Ce que je leur aurais fait,
Je le sais,
Mais puisque, eh bien tu as voulu accomplir la vengeance…
Tu t’es montrée une Peule parmi les plus nobles…
35 Et toi et moi, ne sommes-nous pas une seule et même personne ?
Car tu es la fille de mon oncle maternel
Et je suis le fils de ta tante paternelle,

– 133 –
Nê yáfara í mà
Í fána ka yàfa ń mà.

Áwà — à kó sòkɛ fìla fílɛ.


Ń y'à kɛ́ k'í ka sò sàra.
5 À kó : ǹka…
Sò nìnnú…
Í k'ù fílɛ
Hálì bì í ka kúma ka tó à nɔ́ nɔ́
Nê fána ka hɔ́rɔnya kúma ka tó à nɔ́ nɔ́.
10 Áyìwa… í ka kélen fàa ù rɔ́
Mîn ka d'í yé
Í k'ò tà.

Cɛ̀ jìginna ni tàma yé.


À ye sò fìla fílɛ
15 À y'à fílɛ mîn ka ɲì.
Mîn ka dí à yé
À y'ò màra.
À ye dɔ́ ìn fàa.
Ù y'ò sù dòn.
20 Dùgu jɛ́ra…
Mɔ́nɛ bɔ́r'à rɔ́.
Mɔ́nɛ bɔ́ra — cɛ̀ rɔ́.
Ù ka fúru sèginn'ò cógo kélen nɔ́.
À y'à mùso ɲíni.
25 À y'à sɔ̀rɔ à mùso yé súngurun yé.
Fóyì ma s'à mà.
Nìn hákili wúlilen ma sé kà fóyì kɛ́ mùso ìn ná
Mîn bɛ táa cíyɛnni k'à fɛ̀.

Ù y'ù ka ɲɛ́namaya kɛ́


30 Ɲɛ́namaya dàamunen nɔ́.
Ù y'ù ka dénw wólo…
Ò kìbaru…
F'à séra fà mà
Fà y'à mɛ́n.

35 À y'à dén ìn tànu…

– 134 –
Je t’accorde mon pardon.
À ton tour, pardonne-moi. »

« Eh bien… dit-elle, voici les deux étalons,


Je les rends à la place de ton cheval tué. »
5 Elle dit : « Mais…
Voici les deux chevaux !
Examine-les !
Et afin que ta parole d’honneur demeure
Et que demeurent mes légitimes exigences.
10 Eh bien… tue-s-en un sous mes yeux
Et celui des deux que tu préfères,
Garde-le. »

L’homme descendit avec la lance :


Il examina les deux étalons
15 Il estima le meilleur :
Celui qu’il préférait ;
Il le garda :
Il tua l’autre,
Qu’on enterra :
20 Le jour blanchit…
Elle était vengée.
Son mari était vengé,
Ils furent de nouveau réunis
Il alla vers sa femme,
25 Il trouva que sa femme était une jeune fille
Indemne de toute flétrissure :
Cet autre, dans sa précipitation, n’avait rien pu faire à la femme
Qui pût lui être préjudiciable.

Ils vécurent ensemble tous leurs jours,


30 Une vie de bonheur sans nuages.
Ils eurent beaucoup d’enfants.
Or la nouvelle ayant traversé les contrées,
Était parvenue jusqu’aux oreilles du père.
Oui le père avait appris la nouvelle.

35 Et il félicita sa fille.

– 135 –
À m'à dɔ́n nìn ɲɔ̀ɔn « táriku » kólokololen bɛ́
à bɛ́ɛnnin ni à mùso cɛ́
À kó nìn yé dénmisɛn wále dè yé.
Ǹka nìnnú ye í y'à fàamu wále mîn kɛ́
5 Màa sí tɛ sé k'à kɛ́ kà tɛ̀mɛn nìnnú kàn.
À y'ù tànu
Ni ù ka wále yé.
Ù y'ù ka ɲɛ́namaya dàamunen kɛ́
Fó kà táa sàya s'ù mà.
10 Nê tùn bɛ másala mîn dɔ́n
Áwà, Sanbori fúlaw ka kó rɔ́
(ní) nê y'ò fɔ́ í yé…
Ò dè yé nìn yé.

Ò dè júguya…
15 Ò tóra ò kàbilaw ni ɲɔ́ɔn cɛ́
Kà n'à bìla fó kɔ́sa ìn ná.
Ò dè bɛ́ Bwarɔ ni Sanbori cɛ́.
Ò tɔ̀ mîn yé ò yé,
Áwà — ù ka fúlaw y'ò ɲɛ́dɔn.
20 Hálì bì Sanbori ni Bwarɛ
Ù man dí : à sábabu yé nìn yé.

Ù fárala kà bɔ́ ɲɔ́ɔn kàn.


Ù bɛ́ɛ tùn bɛ́ ɲwán kàn
Ɲɔ́ɔn fɛ̀.
25 Yɔ́rɔ kélen.
Sanbori nìnnú nàna… í y'à fàamu.
À Bwarɔ nìnnú nàna yàn fɛ̀
Sanbori nìnnú tóra ò fàn fɛ̀.
Nê tùn bɛ mîn dɔ́n fúlaw ka kó kɔ̀rɔw lá
30 Ò dè máana bɔ́len y'í yé nìn yé.

– 136 –
Il n’aurait pas imaginé son jeune neveu et son épouse
capables de contenir si longtemps un tel drame.
Il dit : « Ne sont-ce pas là des enfantillages, en vérité ?
Mais tel que ces deux… voyez-vous, qui ont résolu leur problème,
5 Nul au monde n’eût pu faire mieux. »
Il les loua
Pour leur magnanimité.
Ils vécurent une vie de bonheur
Jusqu’à la fin de leurs jours.
10 Le récit tel que je l’ai appris
Des aventures des Peuls Sanbori
Et tel que je viens de le faire,
Le voici mené à son terme.

Et l’animosité ayant trouvé un nouvel aliment


15 Dura ; elle demeura entre les deux tribus
Et cela dure jusqu’à présent,
Et c’est cette animosité qui sévit entre Bouaro et Sanbori.
Quant aux développements ultérieurs du drame,
Eh bien, c’est là affaire de Peuls…
20 Si aujourd’hui encore, Sanbori et Bouaro,
S’ils ne s’entendent pas, c’est cela la cause.

Ils se séparèrent les uns des autres,


Alors qu’autrefois ils cohabitaient
Et vivaient ensemble
25 Sur un même territoire.
Ces Sanbori sont venus... comme vous l'avez compris,
Les Bouaro sont descendus par ici vers l’Est.
Les Sanbori sont restés au pays185.
Voici ce que je sais de l’épopée peule.
30 Ce que je viens de te narrer.

FIN

– 137 –
Notes

Les notes qui suivent


sont principalement les notes de l'édition originale
de Sheikh Tidiane Haydara
en gras : notes écrites en bambara
en italiques : traduction et/ou commentaires ajoutés à cette réédition.

– 138 –
1 Làrabu kó "zuriyyatu" - bámànakan na, à bɛ sé kà fɔ́ "bɔ́nsɔn"
de l'arabe "zuriyyatu" - en bambara on peut dire bɔ́nsɔn : descendance.

2 Selon certaines traditions, Silamaganba Koyita serait le contemporain de Daman Gile, lui-même
considéré tantôt comme le contemporain de Sunjata, tantôt comme d'une époque postérieure
(XV° - XVI° siècles), cf. Mamadu Jawara (Mamadou Diawara), Thèse de 3° cycle, 1985

3 "misiide" dè yé "mìsiri" fɔ́cogo ye márakakan ná - màjamukan


"misiide" est le terme employé en soninké pour "mosquée", un superlatif.

4 Selon une version recueillie récemment : Soro-la-Mosquée, au sens : lieu de rassemblement, de


grande cité, ville cosmopolite.

5 Tribu : n'á' ye nìn daɲɛ yé yɔ́rɔ ô yɔ́rɔ, à kɔ́rɔ yé "kabila" yé.


Tribu : là où l'on trouve ce mot, son sens (en bambara) est kàbila : grande famille.

6 À b'íko fìli dònna nìn yɔ́rɔ lá : báwò à b'íko Bibelanbew dè yé jàmu ye, n'ò ye Hamadi fàsola
màaw ye.
Il semble qu'il y ait là une erreur, car Bibelanbew semble être un nom de famille, celui qui est porté
par les proches de Hamadi.

7 N'á' ye "Empereur" yé yɔ́rɔ ô yɔ́rɔ, "màsakɛ" kó dòn.


Là où l'on voit "Empereur" il s'agit de màsakɛ : roi

8 "Honnête" kɔ́rɔ dè yé "làdiri" yé, màa tìlennen.


"Honnête" signifie làdiri : juste, un homme droit.

9 C'est le narrateur qui parle, pour regretter un "trou" de mémoire.

10 Almoravid : tùbabukan fɔ́cogo dòn - Jàhadi kúlu dè twá dòn, mínnu ye Wagadu cì, sàn 1077
wáaati lá.
Almoravides : mot français - il s'agit d'un groupe pratiquant le Jihad qui aurait détruit le Ouagadou
vers l'an 1077.
Selon Cheikh A. DIOP (in L'Afrique Noire Précoloniale. P.A. 1960) ce mot désignerait plutôt une
secte religieuse et guerrière, qu'une ethnie déterminée.

11 K'à fàamu nìn yɔ́rɔ lá kó màsakɛ ma dángadenya kɛ́, à ye hɔ́rɔnkan dè fɔ́. À kúmana hɔ́rɔnkɛ
dè kúmacogo là.
Pour bien saisir ce passage il faut comprendre que le roi ne maudit pas mais parle noblement ; il
s'exprime comme un noble (un homme libre).

12 "Roi" dè yé fàama yé, bámànankan ná.


"Roi" signifie fàama : roi , en bambara.

13 Le terme propre serait plutôt Roi, puisqu'un empereur ne saurait avoir un autre empereur pour
vassal.

14 le terme chef, ou gouverneur de province, conviendrait mieux.

15 kámalen, búlanbulan, fúnanke.


un jeune homme, un jeunot, un jeune.
16 Il faudrait à notre avis se garder de conclure de cette "désobéissance" que Hammadi est un fils
indigne. Dans l'éthique peule, les raisons qui lui font désobéir à sa mère, et on le verra un peu
plus loin, sont plus fortes que le devoir d'obéissance : ne pas oublier que chez les Peuls,
l'honneur, c'est la religion.

17 Í b'à sɔ̀rɔ bá bɛ nìn kúma dè fɔ́ à kɔ́nɔ.


On comprend que la mère prononce ici ces mots en son for intérieur.

18 À táakun yɛ̀rɛyɛ̀rɛ, à táakunba.


La raison véritable de son départ, la grande raison de son départ.

19 Toujours par fidélité au texte de base, nous avons préféré "nkoni" (sorte de guitare à deux, trois
ou quatre, parfois cinq cordes) au nom peul de l'instrument.

20 Il s'agit de la mère de Hammadi, notre héros.

21 "Force" dè yé fànga yé, bámànankan ná, sɛ́mɛ.


"Force" signifie fànga : force, en bambara, sɛ ́mɛ : force physique, moelle.

22 Dùndare dè yé màa mîn ka bòn à yɛ̀rɛ̂ bólo. Wá à tɛ kaba kójugu à ka fànga nɔ́fɛ̀.
"infatué" se dit de gens qui se donnent beaucoup d'importance. Ou bien qui ne s'étonne pas de sa
puissance.
Du peul "dunndare" : despotique.
L'idée c'est aussi que les rois, quelle que soit leur puissance, deviennent ombrageux pour tout ce
qui touche à leur pouvoir et, par suite, dangereux. L'idée est que cette disposition l'emporte sur le
sens de la parenté.

23 "Remplaçant" dè yé "nɔ̀rɔbila" yé.


"Remplaçant" en bambara , nɔ̀rɔbila, ou nɔ̀nabila.

24 "Permission" dè yé jɛ̀maya yé, ka jɛ̀n mɔ̀gɔ mà, à ka sàgona kó dɔ́ kɛ́.
"Autorisation" ni "Permission" bɛ́ɛ kɔ́rɔ yé kélen ye.
"Permission" est un accord verbal, on accorde à quelqu'un le droit de faire quelque chose à sa guise.
"Autorisation" et "Permission" ont tous deux le même sens.

25 Kìbaruya bònyɛna à hákili mà.


La nouvelle dépassait son entendement.

26 K'ù "averti" : k'ù ládɔnniya.


"averti" en bambara : ládɔnniya (informer, renseigner).

27 À ma táama kɛ́.
Il n'a pas fait le voyage.

28 Kó tɛ tèn (kótɛtɛnna), làalà.


Qui sait ? Peut-être.

29 "Réception" dè yé "kùnbɛnni" ye - wàlímà "dúnan fàna".


"Réception" est une rencontre, ou bien un repas (offert aux étrangers).
30 Nous reproduisons ce terme employé en français dans le texte bamanan, tout en remarquant
qu'il est impropre. Roi conviendrait mieux.

31 Bil(w) - mínnu jàmu yé "Bil" yé.


Bil(s) : ceux dont le patronyme est Bil.

32 Sanburu Sanbune aurait donc pour prénom Hammadi.

33 Njaro : musique héroïque des Peuls.

34 Il s'agit du Roi.

35 La colère empêche le chef suprême des Peuls d'achever sa phrase.

36 Nìn yɔ́rɔ ma fàamu kósɛbɛ, báwò kúmakan ma bɔ́ kósɛbɛ.


Ce passage n'a pas été très bien compris, car le son de la voix était presque inaudible.

37 "Armée" dè yé kɛ̀lɛjama yé.


"Armée", en bambara kɛ ̀lɛjama : armée, forces armées.

38 K'í "protesterner" : ò kɔ́rɔ yé k'í bíri, bònyɛni kámà.


Se "protesrner" signifie courber le dos par respect.

39 Ń bá hákilila ; à míirila, à hàmina, adw.


Ma mère réalisa : elle pensa, elle se soucia de, etc.

40 Les femmes sont réputées avoir moins d'esprit que les hommes, ce que veulent démentir
certaines femmes qui font de véritables prouesses !...

41 Jariba yé sò ìn twá (= à shíya) dè yé, súrakakan ná.


Jariba est un nom de ce cheval (sa race) en maure.

42 Nìn yɔ́rɔ bɛ sɔ̀rɔ dafili yé, báwò dísi kófɔra kà bán.
Ce passage semble être un lapsus, car on a déjà parlé de la poitrine/du poitrail.

43 Bágan shíbɛn dè yé tàamashiyɛn yé, à b'íko shíbɔcogo shífalencogo bɛ yé yɔ́rɔ mîn ná.
La ligne d'épis chez les animaux est un signe auquel on peut voir comment poussent (croissent) les
poils.

44 "lieutenant" : nɔ̀rɔbila (nɔ̀nabila)


"lieutenant" : remplaçant.

45 k'í pári : nìn dáɲɛ b'íko à fárala tùbabukan dè lá "parer".
"pari" : ce mot semble être dérivé du français "parer".

46 Le cheval ainsi décrit fait songer au pur-sang arabe.


"Ce cheval est de taille moyenne (1,40 m à 1,45 m), élégant, harmonieux, avec une tête très
expressive à profil légèrement camus ; l'encolure est fine, le dos droit et plat, la croupe
horizontale et longue, la queue implantée en pomme. Les allures sont brillantes et allongées" -
Zootechnie 1ère année. Bureau international du travail. Genève. Institut d'Economie rurale,
Bamako, 1968.
Pour la taille, la robustesse du corps et la forme du chanfrein, la description évoquerait plutôt un
pur-sang ou un métis anglais.

47 buge yé gàlala fini dè yé, gàla ye mîn mìnɛ fó k'à bìlen.
Le buge est un tissu indigo, que l'indigo a imprégné jusqu'à lui donner une teinte rouge.
(buge suite) Initialement tissu de cotonnade teint à l'indigo pour obtenir un bleu très foncé, avec
des reflets violets et rougeâtres.

48 "quartier" dè yé tìnda yé, sókala.


"quartier" signifie tìnda (kìnda), sókala : quartier, lotissement.

49 "ornement" yé màsiri dè yé.


"ornement" signifie màsiri : ornement.

50 Le tissu, une fois amidonné et "repassé" était conservé dans des cornes.
Repassage : la méthode ancienne - toujours utilisée - consiste à battre le tissu longtemps (cf.
l'expression : battre à plate couture)

51 Les turbans indigo font encore partie de la tenue traditionnelle des Alfa et des Shérifs à
Tombouctou lors des fêtes du maouloud.
Mawlid, une fête musulmane commémorant la naissance de Mahomet, prophète de l'islam.

52 Immenses pantalons bouffants.

53 La femme en tant que manifestation de la beauté peut être considérée comme une parure (de la
nature).

54 K'à "fixé" : k'í ɲɛ́ bása à kàn, kà mɔ̀gɔ fílɛ f'à k'à dɔ́n k'í b'à kàn k'à fílɛ.
"fixer" : fixer ses yeux sur quelqu'un, regarder quelqu'un jusqu'à ce qu'il s'aperçoive qu'on le
regarde.

55 Nìn yɔ́rɔ bɛ́ɛ ma fàamu kà sɔrɔ.


Tout ce passage n'est pas clair.

56 Ces détails doivent-ils choquer ? Peut-être pas, si l'on considère que selon la loi musulmane,
l'homme peut et doit regarder, donc voir sa fiancée.

57 Nê yɛ̀rɛ̂ jɔ̀yorɔ... ń ka màsaya gòlo wa ?


ma fonction même... ou mon tapis de peau de roi ?
gòlo=wòlo la tapis de peau de bête est un symbole de royauté au même titre qu'un trône chez les
rois de France. "pilasi" : du français : place.

58 À bɛ sé kà fɔ́ fána, k'à yàmaruya dí í mà.


On pourrait aussi dire : te donner son autorisation (ou l'autorisation (de faire) ceci).

59 Nìn kúmasen fìla fɔ́ra ɲɔ́gɔn kɔ́ dɔ́ɔnin. Wàlímà ni fili dònna fílanan cógo lá.
Ces deux phrases se contredisent mutuellement, ou une erreur s'est introduite dans la seconde...

60 Tungeren yé fúla fɔ́li yé : fílen mánkannin tùlen dòn - À bɛ mìnɛ bɛ́ɛ k'à fɔ́.
Tungeren est un mot peul. Il s'agit de petites calebasses tendues de cuir - tout un chacun peut en
jouer.
Calebasse couverte de peau tannée, servant de tambour chez les Peuls.

61 Galoli dè yé kúleli yé : k'à sì kà kúle, kà dɔnkili da.
Galo signifie cris, hurlements : passer la nuit à brailler et à chanter.

62 Il serait plus correct de dire "mon enfant", terme générique ; noter qu'en Afrique noire les termes
de neveu, cousin, tante (maternelle) et oncle (paternel) sont remplacés par fils, frère, mère et
père.
Les termes précis existent mais dans la vie de tous les jours, il arrive en effet qu'ils soient simplifiés
comme indiqué.

63 ntàman : tam-tam d'aisselles communs à toute l'Afrique noire.

64 "Hɛndɛsɛ" : nìn dáɲɛ bɔ́len bɛ màrakakan dè fɛ̀. Só màsirilan dòn. À b'íko dɛ̀bɛn. À bɛ
géngen kógo lá, à bɛ kɛ́ à lá.
Hendese : ce mot vient du soninké, c'est une décoration d'intérieur. C'est une sorte de natte, qu'on
cloue ou qu'on fixe au mur.

65 En lui faisant prendre un bain, de pieds et de mains, accompagné d'éloges.

66 Nìn yɔ́rɔ yé kábako yé, báwò Wagadu kó tùma, màrifa tìle tùn tɛ́. Ǹka kúma ná tàamashiyɛn
dòn. N'ò tɛ́, báasi tɛ́.
Ce passage est étonnant, car à l'époque de Ouagadou il n'y avait pas de fusils. Mais ne retenons que le
symbole, ce n'est pas grave.
Impossibilité : pour l'Histoire, le fusil est inconnu en Afrique noire jusqu'au XVI° siècle de l'ère
chrétienne.

67 Munitions : màrika kìsɛ.


Balles de fusil.

68 "Capitale" yé jàmana faaba dè yé, dùguba.


Cela veut dire capitale du pays, grande ville.

69 K'à "construit" : k'à jɔ̀.

70 K'à "meubler" : tùbabukan dòn : à kɔ́rɔ yé : kà sìgilan ni làfiya yɔ́rɔw lábɛ̀n à kɔ́nɔ.
"meubler" est un mot français qui signifie : préparer à l'intérieur des sièges et des lieux où l'on
peut se reposer.
NB : d'autres meubles : tables, bureaux, armoires, etc. sont peu vraisemblables pour l'époque.

71 "Canton" : tùbabukan dòn : à kɔ́rɔ yé "kàfo" yé.


Canton est un mot français qui signifie (en bambara) kàfo.

72 "garder" : K'à garder : tùbabukan dòn : k'à mara, k'à tó í bólo.
Garder est un mot français qui signifie (en bambara) : garder, conserver la possession, le contrôle.

73 "Premier ministre" : bámànankan ná : sétigi fɔ́lɔ.


Premier ministre signifie en bambara : personne au premier rang du pouvoir.

74 Rappel, hors récit, du narrateur, que nous avons traduit tout à fait librement.
75 On se souvient que le roi s'était engagé devant sa femme à lui immoler son cheval, pour lui
prouver qu'il la préférait.

76 Hammadi, mîn n'ò yé fúla twá yé, án y'ò tó à fúla twá sɛ́bɛncogo lá.
Hammadi étant un nom peul nous en avons conservé l'orthographe peul.

77 Bolaro en peul. Y-a-t'il quelque rapport avec les Peuls Bororo ?

78 Plutôt que le complexe d'Oedipe, les Africains semblent avoir cultivé le complexe de Caïn...
Fàdenya : litt. enfant de même père, signifie en réalité "rivalité entre enfants de même père". Et non
comme on pourrait le croire "fraternité".

79 "Déguisé" : k'í sáwura yɛ̀lɛmɛ kà sáwura wɛ́rɛ tà.


"Déguiser" : changer d'apparence pour en prendre une autre.

80 "Enquête" yé tùbabukan yé ; bámànankan ná : kó ɲɛ́ɲini, kó sɛ́gɛsɛgɛ.


"Enquête" est un mot français qui signifie en bambara : faire une recherche, bien examiner un
problème.

81 "Espion" yé tùbabukan yé ; bámànankan ná : màa mîn bɛ màaw kɔ̀lɔsi kà ków ɲɛ́ɲini màa
wɛ́rɛ yé, dògo lá.
"Espion" est un mot français qui signifie en bambara : personne qui observe en cachette les gens et
fait un rapport de ce qu'il a trouvé à une autre personne.
En bambara : jɔ̀jɔlibaa.

82 Báarajugu kɛ́ɲɔgɔn dè yé "complice" yé.


Un collègue dans une entreprise malhonnête est (en français) un "complice".

83 Nìn yɔ́rɔ ma wálanwalan kósɛbɛ.


Ce passage n'a pas été développé.

84 Lorsque le narrateur évoque le roi (des Bibélanbé) sans mentionner ce titre, nous traduisons par
"prince".

85 Ce détail nous paraît insuffisant pour convaincre. Mais n'oublions pas que le diable, maudit soit-
il, est un auxiliaire des méchants.

86 La circoncision - Littéralement : nous avons pris pantalon ensemble.

87 jáati : Í b'à sɔ̀rɔ nìn dáɲɛ bɔ́ra làrabu kán ná : zali (zalika). À kɔ́rɔ : nìn cógo, nìn yɛ̀rɛyɛ̀rɛ ;
àlê yɛ̀rɛ̂.
Il se trouve que ce mot vient de l'arabe zali (zalika). Il signifie : comme ça, ceci exactement, lui-
même.

88 "verser" : kà dàamu fó kà wàsa.


jouir jusqu'à satisfaction complète.

89 Nìn yɔ́rɔ ma fàamu kósɛbɛ.


Passage incompréhensible.
(probablement inaudible ; mais reconstitué avec vraisemblance!)
90 "Intuition" : tùbabukan dòn : à kɔ́rɔ : dɔ́nni dòn mîn bɛ nà mɔ̀gɔ mà, kà sɔ̀rɔ míiri m'à sé í mà,
tàasi m'à sé í mà.
"Intuition" : mot français qui signifie : connaissance qui survient chez quelqu'un alors qu'elle ne
découle ni de la pensée ni de la réflexion.

91 Nìn yɔ́rɔ kɔ́rɔ : à sera wɛ̀rɛ lá, à̀ ka yɔ́rɔ lá, à ka só dá lá.
Entendre par là : il arriva au campement, chez lui, à la porte de sa maison.
Cette interprétation nous semble plus logique que la traduction littérale qui donnerait : "Il vint
chez lui".

92 Il s'agit du premier cavalier, qui l'avait abusée.

93 Nous avons traduit littéralement cette formule chère au conteur, qui signifie : "voici donc ce qu'il
était advenu d'eux".

94 Littéralement : "mon frère", ce qui ne peut convenir en français.

95 Nìn yɔ́rɔ kɔ́rɔ fìlɛ nìn yé : Ni nê ni ê táara (=Ni ǹ n'ê táara).


Le sens de ce passage est celui-ci : Si moi et toi partons.

96 "í mánà" : sɔ̀sɔli bɛ́ nín dáɲɛ sɛ́bɛncogo lá : dɔ́w kó k'à sɛ́bɛn nìn cógo lá : í mánà nà (ni
segukaw b'ò kɛ́ "í máà nà" yé).
L'écriture de ce mot fait l'objet d'une discussion ; pour certains il faut écrire : í mánà nà ( ce qui,
pour les gens de Ségou, donne "í máà nà").

97 Kà mɔ̀gɔ "reçoit" : à kɔ́rɔ tùbabukan ná : k'í bìsimila, k'í jìgin ; dɔ́w kó k'í jà (jàtigi, dúnan
jàtigi).
Recevoir des gens : ce mot français signifie : accueillir quelqu'un, l'héberger, être son hôte (logeur
des étrangers).

98 Án ma nìn yɔ́rɔ fàamu kósɛbɛ, án y'à bisigi k'à kɛ́ nìn ye, laala...
Nous n'avons pas très bien compris ce passage, voilà ce que nous avons supposé, peut-être...

99 Nìn dáɲɛ bɔ́ra làrabukan ná (=ad'du'a)= dámakasi Ála yɔ́rɔ.


Ce mot vient de l'arabe ad'du'a : adressons nos supplications à Dieu, implorons Dieu.

100 "Arrangement" kɔ́rɔ yé "fɛɛrɛ" dè yé tùbabukan ná.


"Arrangement" en français signifie (en bambara) fɛɛrɛ : moyen, procédé, solution.

101 "double tranchant" dè yé dáfila yé tùbabukan nà (mùru dáfila).


Mot français signifiant dáfila (couteau à double tranchant).
[Le même mot s'utilise pour un fusil à deux coups.]

102 "servante" yé tùbabukan yé, ò kɔ́rɔ "gàdanin".


"Servante" est un mot français qui signifie gàdanin : petite servante, esclave.

103 "accompagner" : tùbabukan dòn, à kɔ́rɔ yé kà mɔ̀gɔ bìlasira, kà d'à kàn (kà táayɔ́rɔ dɔ́ lá).
C'est du français, cela veut dire bìlasira : raccompagner, marcher à côté (pour aller quelque part).

104 "lieu public" : tùbabukan dòn, à bɛ fɔ́ fána "place publique" : bámànankan ná : fɛ̀rɛ.
C'est du français, on dit aussi "place publique". En bambara : fɛ ̀rɛ.
105 "courage" tɛ dɔ́ wɛ́rɛ yé tùbabukan ná kìsɛya kɔ́.
Mot français - ce n'est rien d'autre que kìsɛya : ardeur, vaillance.

106 Kà "sondage" kɛ́. Sondage dè yé kà mɔ̀gɔ ɲíni, tùbabukan ná ; à bɛ sé kà fɔ́ : kà "enquête" kɛ́,
kà sɛ̀gɛsɛgɛli kɛ́, bámànankan ná.
Sondage, mot français qui veut dire : interroger les gens. On peut dire faire "enquête", ou en
bambara sɛ ̀gɛsɛgɛli kɛ ́ : faire une enquête, un contrôle, un interrogatoire...

107 "Parabole" dè yé kúma mélekelen yé, kúma mîn banakɔla n'a sókɔnɔna tɛ́ kélen yé, à b'íko
ntalen - hákilima kúma dòn.
Une "parabole" est une parole détournée, une parole dont l'extérieur et l'intérieur ne sont pas les
mêmes - c'est une parole pleine de sens cachés.

108 "Concurrent" dè yé fàden yé tùbabukan ná.


Mot français qui correspond à fàden : frère consanguin, rival, personne malveillante.
[cf. fàdenya : note 78].

109 "Parce que" : tùbabukandòn : à kɔ́rɔ : báwò, bárì, bárìsá.


Mot français qui signifie : báwò, bárì, bárìsá.

110 "haine" : tùbabukan dòn, ò kɔ́rɔ yé ɲɔ́gɔnkɔniya dè yé.


Mot français qui signifie ɲɔ́gɔnkɔniya : haine réciproque (envie, jalousie).

111 k'ù "expliquer" : k'ù dàntigɛ.

112 "Famille" yé dú yé tùbabukan ná - yànninɔ̀ : fàso.


La famille, mot français qui est (en bambara) le dú : la concession - ici, la patrie.
dú ici : "la concession" au sens de "la maisonnée".

113 K'à "paralyser" : k'à sà, tùbabukan ná.


Français pour sà : mourir, cesser, paralyser.
Comme dans sènsàbana : poliomyélite.

114 "mêlée" dè yé sórobaɲagami yé kɛ̀lɛ lá, ni cɛ̀w kɛ́ra ɲɔ́gɔn ná ni mùru ni tàmaw ni bérew yé.
Grand désordre au milieu de la bataille où les hommes s'affrontent au couteau, à la lance et au
bâton.

115 Il s'agit d'un cul-de-jatte, à proprement parler.

116 "condition" dè yé sárati yé tùbabukan ná.


Mot français pour sárati : promesse, contrat, accord.
De l'arabe šart : condition.

117 "surveillante" dè yé kɔ̀lɔsibaa te, à bɛ fɔ́ fána "suivante" (nɔ̀fɛ̀ màa).
C'est une kɔ̀lɔsibaa : surveillant(e), on dit aussi "suivante" (nɔ̀fɛ ́ màa : dépendante).

118 Nìn yɔ́rɔ ma fáranfaasiya kóɲuman.


Ce passage n'est pas très clair.

119 "découvrit" : k'à dɔ́n k'à jɛ́ya à ma.


Le reconnaître avec évidence.
En français dans le texte. On pourrait dire ; se convaincre, s'assurer que, etc.

120 k'à "déshonorer" : k'à dànbe tíɲɛ.


Attenter à sa dignité.

121 Màa mîn y'àlê "séduit" : mà mîn y'àlê nɛgɛn - Ǹka cɛ̀ y'à sònyɛ dè, k'à jànfa.
L'homme qui l'a trompée - mais l'homme l'a volée et l'a trahie.

122 Ò ye kúma jùmɛn yé ? Í b'à sɔ̀rɔ, Hammadi ni mùso ìn kó tɛ́ à cɛ̀ yé, à kó bɛ́ àlê Hammadi
wɛ́rɛ tígi yé... Ǹka nìn yé kotɛɛten yé.

123 Voici le raisonnement que feint d'adopter la jeune femme et qui nous parait logique :
La femme ayant subi pareil outrage resterait toujours une personne diminuée, tout juste tolérée
par son mari et les siens, qui ne manqueraient pas, chaque fois qu'elle voudrait relever la tête, de
lui rappeler sa honte.

124 Nìn bɔ́ra làrabukan ná (yawla al giyamu) : láhara.


Ce mot vient de l'arabe (yawla al giyamu) : l'au-delà.
láhara : de l'arabe al-uhra : l'au-delà.

125 "invitation" dè yé fànani yé tùbabukan ná.


Mot français qui correspond à fànani : acte d'offrir un repas.

126 Kà màabaw "inviter" : k'ù wele fàna ná.


"Inviter" des personnes importantes : les appeler pour un repas.

127 "drogue" dè yé kìribilan yé, fɛ́n mîn bɛ mɔ̀gɔ mìnɛ, fó k'i bɔ́ í hákili kàn, jiro nìn dílacogo yé
sùnɔgɔfura yé.
Une "drogue" est un stupéfiant, une substance qui saisit les gens et les sort de leur état normal, la
préparation à base de jiro est un somnifère.

128 Il faudrait plutôt dire le banquet, en français.

129 K'à "parfumé" : kà làtikɔlɔn k'à lá.


La parfumer : lui mettre de l'eau-de-Cologne.

130 Huladu : àn tɛ nìn dáɲɛ kɔ́rɔdɔn, fó n'à kɛ́ra mùsow ka màsiri dɔ́ yé, wáli "dàbalifɛn" wɛ́rɛ.
Nous n'avons rien trouvé sur ce mot, sinon qu'il s'agit d'une parure féminine où bien d'un autre
objet magique.

131 Nous avons voulu rendre ici dans la phrase française la structure du bamanan.

132 "séjour" yé tùbabukan yé : à̀ kɔ́rɔ yé : màa ye wáati mîn kɛ́ í táayɔrɔ lá.
Mot français qui indique le temps qu'une personne à passé à son lieu de destination.

133 Fìli bɛ sɔ̀rɔ kà dòn nín yɔ́rɔ lá, báwò kúnkolo dè mélekela fìninkolon ná k'ò bìla fòroko
kɔ́nɔ.
Une erreur s'est glissée dans ce passage, car c'est bien la tête qui a été enveloppée dans un chiffon
et mise dans le sac en peau.
134 Littéralement, je ne veux pas les "voler" en les poignardant dans le dos.

135 Nìn wáatiw y'à sɔ̀rɔ màrifa kó tìle tɛ́ ! Ǹka nìn fɔ́cogo yɛ̀rɛ̂ bɛ másala díya k'à sánkɔrɔta.
À cette époque les fusils n'avaient pas vu le jour ! Mais cette présentation exalte le discours et lui
donne une aura de gloire.

136 "cadavre" dè yé sù yé tùbabukan ná.


Mot français correspondant à sù : cadavre, défunt.

137 K'à "mutilé" : k'à làhala tíɲɛ.


Abîmer son aspect.

138 "kàron" : Nìn dáɲɛ ma fàamuya án fɛ̀ kósɛbɛ.


Nous n'avons pas très bien compris ce mot.
Avec le mors : kàron : durcir, être dur à avaler - ou bien káaro : crier, crisser, racler ?

139 Dans le texte bamanan on lit : "Ils épuisèrent le soleil (la journée) sur leurs traces".

140 "traversé" yé tùbabulan yé - à kɔ́rɔ : kà kúngo tà f'à kùn f'à kun. Kà à tìgɛ íko bá. Ǹka nìn
yɔ́rɔ ìn ná, à kɔ́rɔ dè yé kà kúngo mìnɛ, kà tàa à kùn fɛ̀ fó kà táa bɔ́ síra wɛ́rɛ kàn.
Mot français qui signifie prendre la brousse d'un point à un autre, la traverser comme on traverse
un fleuve. Mais dans ce passage cela signifie s'engager en brousse selon son inspiration jusqu'à ce
qu'on croise une autre route.

141 "Princesse" dè yé fàama dénmuso wélecogo yé.


"Princesse" : c'est comme ça qu'on appelle la fille du roi.

142 En fait, la gouvernante et la servante sont en selle depuis la veille... Quel cheval pourrait soutenir
un tel rythme ? et quel cavalier ?

143 "Nous coupons à travers champs" pour employer une expression consacrée en langue française.
Dans l'espace qui, en Afrique, sépare villages et contrées, la proportion de terres cultivées est
minime. De sorte qu'on ne "coupe pas à travers champs" mais on "prend la brousse", on "entre
dans le bois".

144 En français dans le texte.

145 Nìn yɔ́rɔ ma fáranfasiya kósɛbɛ - Í b'à sɔ̀rɔ à fɔ́cogo ɲùman dɔ́ yé nìn yé : "Ù fà dè yé nìnnú
ɲíni ù yé".
Ce passage n'est pas très clair - on peut trouver une meilleure façon de le dire : "leurs pères en
avaient fait pour eux la conquête".

146 "Mais" yé tùbabukan yé ; à kɔ́rɔ : ǹka.


Mot français qui correspond à ǹka.

147 K'à "dresser" : k'à kólon.

148 "Ces sont des pur-sang" : Nìn yé tùbabukan dè yé ; à kɔ́rɔ yé : "sò hɔ́rɔnw dòn".
C'est du français ; cela signifie : ce sont des chevaux nobles.
En français dans le texte bamanan : la chose est courante dans l'expression orale.
149 Cas d'emploi arbitraire du pronom personnel, puisqu'il n'est pas fait mention du nom
antécédent.

150 Màrifa "lá" y'à fòroko dè yé.


L'endroit (non précisé) d'où est tiré le fusil, c'est sa gaine de cuir.

151 Nìn yɔ́rɔ ma fàamu kósɛbɛ - à bɛ sé kà kɛ́


a) À bólo b'à ka màrifa kɛ̀lɛtigɛlan na wálìmá
b) À b'à ka sò ìn kàn.
Nous n'avons pas très bien compris ce passage ; cela peut être soit
a) Son doigt est sur la gâchette du fusil, soit
b) Il est sur son cheval.
Ce vers est plus qu'incertain ; nous en donnons une interprétation possible.

152 Ǹ y'à dɔ́n màabaw (wɛ̀rɛ màabaw) dè kó dòn, mabow (fúla jèliw) kó tɛ́.
J'ai eu confirmation qu'il s'agit bien de màabaw (gens importants du campement) et non de
mabow (griots peuls).

153 "sánni" : Bámanankan ná, nìn dáɲɛ lásaali bɛ́ sɔ̀rɔ "sísàn ni" dè yé.
Il faut bien voir qu'en bambara ce mot vient de "sìsan ni" : maintenant et.

154 Étrange proposition lorsqu'on sait qu'il s'agit d'un cul-de-jatte.

155 le mot "griot" est une traduction classique du mot malinké - bamanan "jali" ou "jeli" qui renvoie à
un phénomène typiquement mandingue. Les mabo sont dans la société peule des gens castés
spécialisés dans la parole.

156 Les noms "Fà" des Bamanan ou "Abba" des Peuls ne correspondent pas exactement au nom
"père" en français. Le mot français est trop précis, trop personnel, et par suite trop restrictif.

157 Étrange emploi du style direct : le "toi" ici ne vise pas l'interlocuteur actuel.

158 "mêler"li : Nìn dáɲɛ yé tùbabukan yé : à kɔ́rɔ dè yé "sèn dònni" yé : k'í sèn dòn kó lá.
Il s'agit d'un mot français dont le sens est "prendre part à, s'impliquer".

159 "nê ka « avis » « contre » lá" : à ma táa nê dùngona síra fɛ̀.


Il n'a pas pris le chemin que je souhaitais.

160 "Nê « préféré» len bɛ́ sàya lá : nê bɛ sàya fìsaya.


Je préfère la mort.

161 Nìn yɔ́rɔ yé danganiya dè fɔ́tɔ yé.


On voit là une malédiction en train d'être prononcée.

162 Baba n'as pas de jambe valide : c'est un cul-de-jatte.

163 K'a "decidé" : tùbabukan dòn : k'à járatìgɛ, k'à látìgɛ, k'à bìla bólo kélen kàn.
Mot français pour : arbitrer (jálatìgɛ), prendre une décision, mettre en une seule main.

164 "máà" dè yé "mánà" kɔsɔnnen yé, dálasurunnya ná.


"Assemblée" dè yé jɛ̀-kà-kúma, jàma jɛyɔrɔ.
"máà" (ici) est une forme contractée de l'auxiliaire du futur hypothétique "mánà".
"Assemblée" est une mise en commun des avis, un lieu de dialogue.

165 Cet homme, compte tenu des déclarations que la princesse a faites devant chaque tribu visitée,
ne peut être que Hammadi, en aucun cas son frère. Une des (rares) invraisemblances du récit, qui
ne nuit pas considérablement à la logique de l'ensemble, mais qui mérite d'être signalée.

166 Selon le texte bamanan, il faudrait lire plutôt "je le saurai".

167 S'agit-il d'un lapsus ? Il y a trois chevaux, sans compter celui de Baba.

168 Par quel miracle Baba s'est-il trouvé par terre ? Peut-être faut-il taire certains détails, par
décence ?...

169 Án yé "án tɛ kìsɛ fìla bìla màrafa kànu" dè mɛ́n. Ǹka à bɛ sé kà kɛ́ "màrifa kɔ́nɔ" yé, báwò ò
fána bɛ fàamu.
Ce que nous avons entendu c'est "nous n'aimons pas les fusils où l'on met deux balles". Mais ça peut
très bien être "nous ne mettons pas deux balles dans le fusil", car cela aussi fait sens.

170 Dísi dè ka bòn dùsukun yé. Í b'à sɔ̀rɔ dá tùn bɛ nà fɔ́lɔ dísi lá, kà sé dùsukun mà ò kɔ́.
La poitrine est plus grande que le cœur. On se serait attendu à entendre parler d'abord de la
poitrine, puis, ensuite seulement du cœur.(...)
(...) Il faudrait peut-être inverser l'ordre des mots "cœur" et "poitrine".
Et finalement, le fusil n'était-il pas chargé d'une seule balle ?

171 "Ravitaillement" yé màgɛn yé, dùmunifɛn ni fɛ́n wɛ́rɛ lá.


Il s'agit des secours, choses à manger et autres.

172 Ù « insister » (ra) : ù ye sɔ̀sɔli jíja, sí ma sɔ̀n k'à tó fán dɔ́ tá lá.
Ils eurent une âpre discussion, aucun n'accepta de consentir aux positions de l'autre (chacun campa
sur ses positions).

173 "voyage" dè yé táama yé.

174 Les trois dames sont déguisées en hommes. D'où le choix du masculin pour le pronom "nous" et
pour le participe "venus".

175 "comme" : tùbabukan dòn ; à kɔ́rɔ : ǹka n'à kɛ́ra ; ǹka n'Ála y'à kɛ́...
Mot français : mais s'il arrive que, mais si Dieu a fait que...

176 "palais" dè yé fàama ka yɔ́rɔ yé, wálì fàngaso kɛ́rɛnkɛrɛnnen wɛ́rɛ, í n'à fɔ́ kíiritigɛso.
Un "palais" est la demeure du roi, ou bien un autre centre de pouvoir spécial comme un palais de
justice.

177 "À ka ò sú nàni ò" ; à nà mîn kɛ́ra ò sú yɛ̀rɛ̂ kɔ́nɔ (ò ma díya cɛ̀ yé).
Son arrivée qui a eu lieu dans la nuit même (ce qui n'a pas plu à l'homme).

178 le "danpé" : Sorte de toge dont se drapent encore les femmes maures.

179 En Afrique soudanienne, c'est l'attitude (chez les femmes notamment) de celui qui fait amende
honorable.
180 Nê ye à "calculé" : nê ye à jàteminɛ, nê ye jàteminɛ kɛ́...

181 Kùranɛ ma sɔ̀n nìn yɔ́rɔ mà, báwò cɛ̀w ka fìsamanciya jìrala súran fìla kɔ́nɔ k'à fɔ́, k'à jɛ́ya
a) Sùran al Baqara, háya 228nan ná ;
b) Sùran an nisa'i, háya 34nan ná.
Ǹka ò tɛ mùso kɛ́ cɛ̀ ka jɔ̀n yé.
Ce passage n'est pas en accord avec le Coran, car la position préférentielle de l'homme a été
indiquée dans deux sourates qui clarifient ce point :
a) la sourate al Baqara au verset 228 ;
b) la sourate an nisa'i au verset 34.
Mais cela ne fait pas de la femme l'esclave de l'homme.
source islaminquran.com :
Sourete 2-La vache (Al-Baqara) Verset-228 :
"Les femmes divorcées doivent observer un délai d’attente de trois menstrues (doivent vérifier si elles sont
enceintes ou pas). Et si elles croient en Allah et en la rencontre avec Allah, il ne leur est pas permis de
cacher ce qu’Allah a créé dans leurs ventres. Et leurs époux seront plus en droit de les reprendre pendant
cette période, s’ils veulent la réconciliation. Les hommes ont des droits sur les femmes, et les femmes aussi
ont des droits sur les hommes. Mais les hommes ont cependant un degré de prédominance sur elles. Et
Allah est Puissant et Sage."
Sourete 4-Les femmes (An-Nisa') Verset-34 :
Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et
aussi à cause des dépenses qu’ils font de leurs biens. Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs
maris), et protègent ce qui doit être protégé, pendant l’absence de leurs époux, avec la protection d’Allah.
Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs lits et
frappez-les. Si elles arrivent à vous obéir, alors ne cherchez plus de voie contre elles, car Allah est certes,
Haut et Grand"
181 suite, note sur la traduction :
Il faudrait quelque peu commenter ici, et préciser qu'il s'agit du chapitre particulier du sentiment
de la dignité personnelle, lié à la naissance. Sur le plan ontologique, une femme ne peut
prétendre être l'égale de l'homme, en islam.

182 Mùso kɛ́ra sò fàa sábabu yé, ǹk'à yɛ̀rɛ̂ bólo m'à fàa.
La femme est devenue la cause du meurtre du cheval, mais elle ne l'a pas tué de ses propres mains.
Ceci, qui n'est pas l'exacte traduction du vers bamanan, nous semble plus proche de la réalité : si
la femme fut cause de la mort du cheval, elle ne l'a pas tué elle-même.

183 Ce vers résonne comme en écho à un passage biblique.

184 Chaque fois que nous devrons employer l'expression : deux chevaux, nous choisirons "deux
étalons". A l'expression "deux chevaux", plus exacte, nous avons préféré l'expression "deux
étalons" moins juste : mais plus agréable à l'esprit comme à l'oreille. Le mot juste ici serait
"coursier".

185 L'actuel pays toucouleur, au nord-ouest de l'actuel Mali.


contact : jjmeric@free.fr
http://mali-pense.net

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