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André RAPONDA-WALKER

LES TRIBUS
DU
GABON

Les c l a s s i q u e s a f r i c a i n s
André RAPONDA-WALKER

LES TRIBUS
DU
GABON
N° 734

Les c l a s s i q u e s a f r i c a i n s
3, rue de la Porte de Bue
B.P. 652
78006 Versailles Cedex (FRANCE)
© Les classiques africains, 1993
I.S.B.N : 2-85049-576-X
L'existence des Ishogos, des Ashangos, des
Ndjavis, des Pobés, des Aponos, etc. nous est révélée depuis
longtemps. Les tribus du littoral gabonais en ont fait leurs
esclaves au temps de la traite. Mais, jusqu'à ces dernières
années, l'habitat de ces races était relativement peu connu. On
se bornait à dire : « Ce sont des gens de l'intérieur ».
Peu à peu cependant, l'occupation des im-
menses territoires situés au nord et au sud de l'Ogooué par
les sociétés concessionnaires, l'établissement de nouveaux
postes administratifs, les tournées incessantes des mission-
naires et les expéditions militaires ont permis de préciser
plus exactement l'aire d'habitation de toutes ces tribus. C'est
ainsi qu'on a pu se rendre compte que la région limitée au
sud par l'Ogooué, à l'est par son grand tributaire, l'lvindo, au
nord par le Cameroun et à l'ouest par l'océan Atlantique
— en somme, tout le nord gabonais — est peuplé presque
exclusivement par la race fang (Mœkœ, Betsi, Nzamane,
Fong, Ntou, etc.).
Dans la partie est du pays, depuis la rive
droite de l'Ivindo jusqu'au delà de la ligne de partage des
eaux de l'Ogooué et du Cingo, trois grandes tribus surtout
habitent la contrée : les Bakotas, les Mbétés ou Obambas et
les B a t é k é s tandis que dans le quadrilatère formé par la
limite sud du Gabon, la Ngounié, l'Ogooué et la mer, la population
est assez homogène, bien que portant des dénominations
différentes : Eschiras, Bavaramas, Ngovés, Baloumbous,
Bavoungous, Bapoumous, Bayakas. Somme toute, ce ne
sont que des fractionnements de la même race eschira ou de

1 Les militaires explorant récemment le pays nous révèlent l'existence


d'autres populations intermédiaires qu'ils appellent bakouélés,
bendjambis, etc.
poste fut d'abord appelé M a d i v i l l e Il ne prit le n o m de Lastourville
qu'après la m o r t de son fondateur, M. de Lastour.
L o n g t e m p s , les A d o u m a s e u r e n t le m o n o p o l e
du trafic d a n s tout le H a u t - O g o o u é et ses divers affluents. A
c e r t a i n e s p é r i o d e s de l'année, ils r e m o n t a i e n t le fleuve p o u r
a c h e t e r ou v o l e r des e s c l a v e s qu'ils r e v e n d a i e n t ensuite aux
O k a n d é s , qui les p a s s a i e n t à leur tour aux E n e n g a s , et ceux-
ci aux O r o u n g o u s , lesquels les d i r i g e a i e n t sur l'Estuaire du
G a b o n ou les t r a f i q u a i e n t sur place avec les négriers portu-
gais, e s p a g n o l s et autres.
A u j o u r d ' h u i , les A d o u m a s s'enrichissent sur-
tout p a r le p a g a y a g e sur le fleuve. M a i s b i e n t ô t peut-être cette
r e s s o u r c e leur sera e n l e v é e , car déjà q u e l q u e s petits bateaux
à v a p e u r ont réussi à f r a n c h i r les r a p i d e s et n a v i g u e n t sur
c e r t a i n s biefs.
Derrière les A d o u m a s se trouvent les Awandjis,
d o n t un g r o u p e i m p o r t a n t s'est installé é g a l e m e n t sur la
L i b o u m b i , à p r o x i m i t é des O n g o m o s et des B a v o u m b o u s .
Q u a n t aux Ndjavis, qui les suivent, et que l'on
c o n f o n d s o u v e n t a v e c eux dans une seule et m ê m e d é n o m i -
nation, l e u r p r i n c i p a l centre d ' h a b i t a t v a de la Lolo à la
N g o u n i é . Les cartes en s i g n a l e n t un autre vers la L o u a m b i t c h i ,
n o n loin de B a t c h a n g u i .
C e s derniers j o u i s s e n t d'une g r a n d e r e n o m -
m é e p o u r l e u r habileté à travailler le fer. Je les ai e n t e n d u
v a n t e r aussi bien p a r les h a b i t a n t s de la B a s s e - N g o u n i é que
p a r c e u x du H a u t - O g o o u é

1 Madi, Mari ou Matchi, suivant les idiomes, veut dire : huile.


2 A cette époque dans le Haut-Ogooué, un esclave s'achetait pour une
perle polychrome, de la grosseur d'un oeuf de cane.
3 En 1910, lorsque parut la comète de Halley, les Ivilis, les Ivéas et les
Ishogos, en voyant cette masse incandescente qui éclairait tout le
ciel, disaient que c'était une machine de guerre forgée par les
Batchangui pour mettre les Blancs hors du pays.
L e s A w a n d j i s et les N d j a v i s a v a i e n t e n c o r e
tout d e r n i è r e m e n t d ' i m m e n s e s villages. E n 1911, j ' e u s l'occa-
sion de visiter un de ces villages, N d o n g o - B a w a n d j i , sur les
bords de la L i b o u m b i : c'est le p l u s g r a n d v i l l a g e q u e j'aie
j a m a i s vu. Il p o u r r a i t a v o i r près d ' u n k i l o m è t r e de long. C ' e s t
un centre de trafic i m p o r t a n t o ù se r e n d a i e n t des g e n s de
l ' O g o o u é , de la L o l o , de la N g o u n i é , de la N y a n g a et de la
L o u e s s é . C'est, paraît-il, d a n s les e n v i r o n s de cette v a s t e
agglomération qu'arriva à l'explorateur Du Chaillu l'aventure
que nous a v o n s relatée plus haut.
Les A w a n d j i s et les N d j a v i s passent p o u r une des
races les plus intraitables de l'hinterland gabonais. Il n'y a pas
très l o n g t e m p s encore, ces p e u p l a d e s étaient s o u v e n t en guerre.
L o r s q u e je visitai les A w a n d j i s de la L i b o u m b i ,
j'arrivai vers six heures du soir à l'entrée d'un village. T o u s les
guerriers étaient alignés sur deux rangs et armés de sagaies. Ils
craignaient sans doute une attaque. « B e n o u biki li bata ? », leur
criai-je dans leur l a n g u e (de quoi a v e z - v o u s peur ?). Aussitôt
c h a c u n de rentrer c h e z lui p o u r d é p o s e r sa lance et v e n i r ensuite
causer « avec l'étranger qui parlait la langue des A w a n d j i s ».
D a n s un autre village, je pus saisir, au cours de
la conversation, que m e s hôtes n'attendaient q u ' u n e o c c a s i o n
f a v o r a b l e p o u r porter la g u e r r e c h e z les O n g o m o s , leurs voisins.
A l ' h e u r e a c t u e l l e , s o u s l ' i n f l u e n c e de la
p é n é t r a t i o n e u r o p é e n n e ces m œ u r s b a r b a r e s s ' a d o u c i s s e n t
p e u à peu et bientôt, il f a u t l'espérer, les A w a n d j i s seront aussi
m a n i a b l e s que leurs frères, les A d o u m a s o u les Ivilis.
E n t e r m i n a n t , je citerai un d i c t o n Ivili qui
m o n t r e q u e N d j a v i s et Ivilis sont frères de race : « W é b o u m a
M o u v i l i , wé f o u t a M o u n d j a v i , li m a n i ». (Si tu tues un Ivili,
d o n n e u n N d j a v i à la place et l'affaire sera t e r m i n é e ) .

1 En plus des factoreries disséminées dans le pays, l'Administration a


établi maintenant différents postes, principalement à Mouanda et sur
la Lolo.
LES MINDOUMOUS

LES MBEDES

LES BAVOUMBOUS

L ES BAKANINGUIS

Pour clore cette longue série des tribus du


Gabon, disons un mot des populations de la région de Franceville
qui confinent à celles du bassin du Congo.
La région de Franceville fut d'abord occupée
par les Bakaninguis qui étaient les voisins immédiats des
Batékés ou Atégés, ce qui fait dire à beaucoup de gens que,
primitivement, ils ne formaient qu'une seule tribu.
Comment les Mbédés de la Likoni, de la Léké
et de la Likabi sont-ils venus dans cette contrée ? et les
Mindoumous ? et les Bavoumbous ? Toutes ces tribus habi-
taient autrefois les rives de la Sébé, au nord de Franceville.
A une époque que l'on peut fixer approximativement à quatre
ou cinq générations, les Mbédés habitant plus loin encore,
soit qu'ils aient été refoulés par d'autres tribus, soit par suite
de guerres intestines, expulsèrent une partie de leur race qui
entraîna avec elle Bavoumbous et Mindoumous. Ces tribus
en fuite se portèrent sur la Passa et l'Ogooué. Quelques
familles bavoumbous atteignirent plus tard la Haute-Ngounié
et s'établirent entre les sources de cette rivière et les rapides
de Labo-Labo.
Les Mbédés émigrés comprennent trois clans :
1°) les Mbédés proprement dits, ou de la Likoni, de la Léké
et de la Likabi ; 2°) les Ampinis (entre les Mbédés de la Léké
et ceux de Lingori, au nord-est de Franceville ; 3°) les Ambanas,
des environs de Mboungou-Badouma.
Après l'invasion simultanée des Mbédés, des
Bavoumbous et des Mindoumous, les Bakaninguis furent
scindés en deux parties ; l'une se replia le long de l'Ogooué,
en aval du confluent de la Passa ; l'autre se réfugia près de
l'Ogooué, au sud-est de Franceville.
Tous les Mindoumous n'occupent pas les en-
virons de Franceville. Une partie importante des Assikouyas
alla plus loin, à deux ou trois jours de là. Des Mindoumous
en tournée avec M. l'Administrateur Potin ont passé dans
quelques-uns de leurs villages en 1911. Ils parlent le pur
« Ndoumou ». On affirme que les Assikouyas ou Achicouyas
de la rive droite de l'Alima sont aussi de la race Ndoumou.
Les Andjininis ne sont pas des Mindoumous.
Ce mot est un terme de mépris, synonyme de poltrons appli-
qué aux Bakaninguis qui ont dû fuir devant la poussée des
autres tribus ; expression dont se servent les Mbédés à l'en-
droit des Mindoumous et même les Mbédés de l'intérieur pour
désigner ceux de leur race qu'ils ont chassés devant eux.
Les Bayombous se partagent en Bavoumbous
proprement dits, Bandassas et Bamassis. D'aucuns voudraient
faire des Bavoumbous et des Bakotas, une seule et même
tribu, se basant sur la similitude de leur langue. Les indigè-
nes, au contraire, prétendent que Bavoumbous et Bakotas
sont deux races différentes. Il me semble qu'ils ont raison. Car
l'analogie de langage ne m'a pas paru aussi grande. Il y a bien
des mots semblables, mais le dialecte bakota est plus rude que
l'idiome bavoumbou. Le premier contient de nombreuses

1 Assikouya, Kanadjogo, Assiopiqui et Assigani sont les quatre


divisions des Mindoumous. Les Moraï sont des Assigani habitant le
pays appelé Moraï ou Morayi.
aspirations comme la langue des Bengas, tandis que le dernier
se rapproche plutôt de l'Eshira ou du Séké (Boulou).
Par suite de guerres et de discussions, une
partie des Bakotas, qui habitaient primitivement la Haute-
Mossaka et le Haut-Ivindo (rive droite), se sont séparés des
autres et sont venus sur l'Ogooué vers le confluent de la Sébé
avec ce fleuve. Ce sont ceux de Pengwani. D'autres ont même
traversé l'Ogooué plus au sud, pour s'installer aux environs de
la Louessé. Mais le gros de la tribu se trouve entre l'Ivindo,
la Mossaka et la Sangha, sur la ligne de l'équateur.

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