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L'IMBRICATION DES GENRES DANS CRÉPUSCULE DES TEMPS ANCIENS DE NAZI BONI

Publié le 20/02/2018 à 12:20

Par Ouoba Ernest

De nombreux observateurs de la scène littéraire africaine ont à maintes reprises souligné que la
littérature de ce continent, et singulièrement le roman, est un mélange de genres. Cela le caractérise
tellement que LAMBERT F. (dans la préface au livre de PARE, 1997 : XIII) l’appelle « la force intégratrice
du récit africain. » Une des œuvres les plus marquées par cette « force intégratrice du récit africain » est
Crépuscule des temps anciens, Chronique du Bwamu du Burkinabè Nazi Boni. C’est une œuvre ou
s’imbriquent merveilleusement les différents genres de la littérature orale africaine. C’est cette
imbrication des genres dans l’œuvre qui fait l’objet de notre présente étude. Après avoir présenté
l’auteur et son œuvre dans une première partie, nous ferons, dans une deuxième, l’inventaire des
genres de la littérature orale présentes dans l’œuvre, afin de découvrir ce qu’apporte leur imbrication à
l’œuvre.

1. Présentation de l’auteur et de son œuvre

1.1. Présentation de l’auteur

1.1.1. Biographie de Nazi Boni

Nazi BONI est né vers 1909 à Bwan, un petit village au sud de Dédougou. Son prénom, Nazi, est le nom
de l’autel familial. Boni, son patronyme est le nom du génie qui sauva, selon la légende son ancêtre
chasseur. Descendant d’une lignée de chefs de terre, Nazi Boni figure parmi les premiers enfants à être
envoyés à l’école des Blancs en 1921. Il fréquenta alors l’école élémentaire régionale de Dédougou où il
obtint le CEP. Il fut admis en 1925 à l’école primaire supérieure de Ouagadougou puis à l’école William
Ponty de Gorée (Dakar) où il obtint son diplôme d’instituteur en 1931. En 1944, il devint titulaire du
Diplôme Supérieur d’Aptitude Professionnel (DSAP).

Nazi Boni fut à la fois un homme politique et un homme de lettres et de culture. Dans le domaine
politique, il se battit pour l’unité de son pays et au-delà, pour l’unité africaine en créant le Parti du
Rassemblement Africain (PRA). Cet engagement politique le contraignit à six (06) années d’exil (1960-
1966). Dans les domaines culturel et littéraire, Nazi BONI se révéla comme un homme très attaché aux
traditions de ses ancêtres bwaba. Il n’arrêta pas de parcourir tous les confins de sa région pour donner
des conférences et des entretiens. Il entreprit de collecter des informations sur sa culture d’origine, en
déclin, qu’il tenta de sauvegarder dans Crépuscule des temps anciens.
Sa dimension d’homme de culture et lettres trouva un continuum dans son rôle d’éducateur. Instituteur
émérite, il fut aussi le fondateur du premier établissement scolaire secondaire privé de Bobo Dioulasso «
Le collège de l’avenir ». C’est en se rendant à une conférence sur « Les fondements traditionnels et
modernes des pouvoirs en Afrique » dans le cadre du CALAHV (Cercle d’activités littéraires et artistiques
de la Haute Volta) qu’il trouva la mort à une soixantaine de kilomètres de Ouagadougou, le 16 Mai 1969.

1.1.2. Bibliographie de Nazi Boni

Selon SANOU Salaka (2000 : 64), « il ne serait pas exagéré d’affirmer que Nazi BONI est le père fondateur
de la littérature burkinabé, car il a contribué à lui donner son acte de naissance en publiant la première
œuvre littéraire burkinabé ». Les œuvres éditées qu’il a laissées à la postérité sont :

• Crépuscule des temps anciens. Chroniques du Bwamu, Paris, Présence Africaine, 1962.

• Histoire synthétique de l’Afrique résistante, Paris, Présence Africaine, 1971.

1.2. Présentation de l’œuvre

1.2.1. Etude formelle de l’œuvre

Crépuscule des temps anciens, sous-titré Chronique du Bwamu, est un roman paru en 1962 aux éditions
Présence Africaine. Bâti en 256 pages réparties en quinze chapitres non sous-titrés, l’œuvre présente
dès la première de couverture l’image d’un vieil homme à la barbe blanche coiffé d’un chapeau en
cotonnade, assis, le coude sur le genou, signe de nostalgie du passé. La couleur dorée de la couverture,
couleur du soleil couchant, est une illustration du titre de l’œuvre. L’arrière-plan sombre de la
photographie du vieillard traduit le déclin du Bwamu. La quatrième page présente la photo de l’auteur
avec des documents, ce qui semble illustrer son statut d’homme de lettres. La cinquième et sixième
pages font état de la biographie et de la bibliographie de l’auteur. Suivent la préface de Gabriel Manessy
et l’avant-propos de l’auteur, respectivement de la onzième à la treizième page et de la quinzième à la
dix-neuvième page. La Chronique du Bwamu commence à la vingt-et-unième page et ne se termine qu’à
la fin de l’œuvre, c’est-à-dire à la deux cent cinquante sixième page. La quatrième de couverture fait une
brève présentation de la biographie de l’auteur et un petit résumé de l’œuvre.

1.2.2. Structure de l’œuvre

On peut diviser l’œuvre en trois parties. Dans la première partie, il est question du passé harmonieux du
Bwamu. Cette partie va du chapitre I à V (pp. 21-103). L’auteur évoque la vie paradisiaque des Bwaba
par le biais de l’ancêtre du village. En ces temps régnait une parfaite symbiose entre l’homme et la
nature : « Des saisons avaient succédé aux saisons, mais le Bwamu vivait toujours dans une ambiance
exaltante. » La fin de cette partie est marquée par les activités du Yumbéni (obsèques) de l’ancêtre
Diyioua.

La deuxième partie a pour thème l’initiation des Bwaba au Dô et concerne les chapitres VI à VIII (pp.
105-203). Dans cette partie, l’auteur dépeint le courage et le labeur des juniors animés par la grande
volonté de prendre la « force » aux mains de leurs aînés, les Yénissa. Il est également question du
quatrième mariage de Térhé, le héros, avec Hadonfi et aussi de son pacte de sang avec Hakanni. En
marge de tout cela, cette partie fait cas de la préparation d’une décoction fatale par le vieux Lowan qui
tenait à éliminer sa nièce Hakanni et son amant.

La troisième partie décrit la fin du "vieux" Bwamu. Elle est comprise entre les chapitres XIV et XV (pp.
205-256). Cette partie est marquée par l’arrivée des colons sur la terre de Bwan et ses environs. Elle est
marquée également par la mort de Kya le téméraire, suivie de l’empoissonnement de Térhé par Lowan.
Notons aussi la mort de Hakanni, due au pacte signé entre elle et Térhé. Lowan, le sinistre n’échappe
pas, lui non plus à l’appel de Dombéni (Dieu-Le-Grand).

1.2.3. Résumé de l’œuvre

Le Bwamu, terre natale de Nazi BONI, a fait l’objet de son œuvre, Crépuscule des temps anciens avant et
pendant l’invasion coloniale. Le récit commence par une évocation de l’âge d’or qui est de trois cent ans
moins vingt, pour s’achever dans le sang et les ruines de la grande révolte. Par le biais de cette œuvre,
l’auteur relate avec minutie la vie quotidienne du peuple bwa. En effet, le Bwamu menait une vie
paisible du fait qu’ils jouissaient d’un riche trésor, de mystères et de magies. En outre, il faut reconnaître
que l’intérêt de l’œuvre se situe au niveau de l’analyse de certains personnages représentatifs du
Bwamu : Térhé et Hakanni, symboles de force, de beauté, de perfection et d’harmonie, Lowan et Kya,
illustration de l’aspect négatif, antiprogressiste du Bwamu. Le conflit vécu par ces personnages constitue
sans doute l’essentiel de l’intrigue de cette œuvre. Kya qui faisait déjà partie de la légende était
considéré comme un brave homme et était reconnu pour son courage. Mais il tuait par vanité et pour la
passion de la gloire, c’est-à-dire pour le plaisir de tuer. Cependant, grâce aux exploits de Térhé, Kya
perdit peu à peu son titre. Ainsi, après sa mort, son père Lowan ayant longtemps guetté Térhé, réussit à
l’empoisonner en versant dans son eau de bain une substance mortelle de sa fabrication. Malgré les
efforts consentis par son père, les anciens, les voyants, et les guérisseurs, le champion de Bwan,
l’intrépide Térhé mourut. Mais Térhé Yaro, son premier fils, tua Lowan avec l’aide de ses trois
camarades, pour venger la mort de son père. En effet, la mort de Térhé ne pouvait rester impunie car
elle était assimilée au déclin du Bwamu. Hakanni, à cause du pacte de sang conclu avec "son tout" rendit
l’âme à son tour et put ainsi partager la même tombe que Térhé.

2. Etudes des genres de la tradition orale dans l’œuvre

2.1. Inventaire des genres

Crépuscule des temps anciens regorge de discours de la tradition orale qui en constituent les matériaux
de création. Ce trait dominant se traduit à la fois par la grande variété des genres et leur distribution qui
touche les quinze chapitres du roman. MILLOGO Louis (2002) a fait une classification des différents
genres de la tradition orale dans cette œuvre, qui nous a paru très pertinente. Il en distingue dix : le
genre historico-légendaire, le proverbe, la palabre, les chants, les récits anecdotiques, le langage
tambouriné, les devinettes, les incantation, le conte et les devises.

2.1.1. Le genre historico-légendaire


C’est le genre le plus utilisé dans l’œuvre, puisqu’il en constitue le matériau de base et parce qu’il est le
plus habilité à retracer le passé d’un peuple et sa conception de la vie. Nazi Boni nous relate l’histoire du
Bwamu, non pas à la manière d’un historien, mais telle qu’elle est racontée en Afrique par les griots et
les anciens. C’est de cette manière qu’est relaté le passage de l’explorateur Binger : « Il paraît que la
conurbation de Bonikuy a reçu la visite d’un homme phénoménal descendu du ciel : un homme tout
rouge, avec de longs cheveux noir, en broussaille : un Nansara. » (p. 215) C’est aussi de cette manière
qu’est narrée la conquête coloniale au dernier chapitre de l’œuvre.

Nous pouvons aussi relever des récits légendaires dans l’œuvre. L’extrait suivant relève de ce genre : «
Vaste Eldorado, le Bwamu étalait orgueilleusement ses splendeurs sous un firmament dont la clémence
répondait inlassablement, avec faveur, à ses désirs. Terre d’abondance, il était. Existence dorée, il avait.
Il semble en effet, qu’à l’époque, le Grand-Maître-De-L’Univers eût conservé à cette fraction de
l’humanité une portion du paradis terrestre jadis légué à Adam et Eve. » (p. 23)

Le genre historico-légendaire prend la forme du mythe dans bien des cas. MILLOGO (2002 : 23) fait
remarquer que plus l’histoire est lointaine, plus elle est légendaire, voire mythique. L’extrait suivant
illustre cela : « […] On était loin des temps merveilleux où le ciel touchait presque la terre, où, selon la
légende, les humains n’avaient qu’à lever la main pour cueillir tout ce qui leur permettait de vivre et
d’ignorer la misère. Il fallut la négligence d’une femme, il fallut, ô malheur ! qu’une femme transgressât
les recommandations de Dombéni pour que, furieux, le ciel s’envolât haut, très haut, très très haut,
encore plus haut, emportât et ses richesses, et ce qui alimentait le genre humain » (p. 23)

2.1.2. Le proverbe

Le mot « proverbe » vient du latin proverbum qui est formé de pro (à la place de…) et de verbum
(parole). Le mot proverbe a donc le sens de « parole mise à la place d’une autre ». PINEAUX (1979 : 6)
définit le proverbe comme « une formule nettement frappée, de forme généralement métaphorique par
laquelle la sagesse populaire exprime son expérience de la vie. »

Les proverbes occupent une place très importante dans la littérature orale africaine car ils constituent
un trésor de conseils empiriques accumulés au fil du temps par la sagesse populaire. Pour MBETTI John
(DAMIBA et NARE, 1999 : 5), « ils font l’ornement et la beauté de tout produit du langage, de la même
manière que les enfants, selon un proverbe nigérian font la gloire d’une famille. »

Nazi Boni fait beaucoup usage du proverbe dans son œuvre. Comme l’affirme MILLOGO (2002 : 124), «
ils émaillent le roman tout au long de son écriture. Ils se manifestent dans 9 chapitres sur 15. » En voici
quelques exemples :

• Pour exprimer l’optimisme du Bwa face à l’existence, Nazi Boni cite le proverbe suivant : « "DIEU-LE-
GRAND" ne crée pas un oiseau aveugle sans l’avoir, au préalable nanti des moyens de trouver sa pitance
» (p. 22). Il veut signifier par là qu’il n’est pas nécessaire de s’inquiéter de l’avenir parce que Dieu dans
sa providence pourvoit à chacun ce qu’il lui faut pour vivre.
• « L’âme de la puissance, c’est la solidarité » (p. 46). Nazi Boni met ce proverbe dans la bouche de
l’Ancien pour appeler les jeunes à plus de solidarité. Cela rejoint l’adage selon lequel l’union fait la force.

• La ressemblance de Hakanni et de sa mère est rendue par le proverbe « La lapine ne donne pas le
jour à de courtes oreilles » (p. 68), qui rejoint le proverbe « telle mère, telle fille. »

• « Quand un enfant a les mains propres, il prend ses repas dans le cercle des anciens » (p 81).
Champion de lutte, de tir à l’arc, de course et de toutes les compétitions sportives, mais aussi humble et
courageux, Térhé a su mérité sa place aux côtés des grands. Voilà pourquoi ce proverbe est employé à
son endroit, pour dire qu’ « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années »
(Corneille, Le Cid).

• « L’enfant peut toiser la lune, mais pas le soleil » (p. 125) ; « la queue du lion n’est pas la balançoire
d’un agneau » (p. 186). Ces deux proverbes émis par les yénissa (séniors) à l’encontre des bruwa
(juniors) veulent attirer l’attention de ces derniers sur le respect qu’ils doivent à leurs aînés. Le respect
des aînés en Afrique est sacré.

• « Quand on veut récolter le miel, on supporte les piqûres des abeilles » (p. 141). C’est aux jeunes qui
ont honte d’être aperçus en compagnie de Hagni’nlé, la plus vilaine fille du village, que l’auteur a
adressé ce proverbe pour dire que l’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.

Nous pouvons remarquer que la principale figure de style utilisée dans la quasi-totalité de ces proverbes
est la métaphore (figure de style établissant un rapport de ressemblance entre deux éléments). Ils
portent en apparence sur des sujets non-humains, mais en réalité ils s’appliquent aux situations
humaines. Nazi Boni les utilise dans l’œuvre non seulement comme moyens de communication efficaces
qui capte l’attention du destinataire du message et favorise sa compréhension, mais aussi comme
véhicules de la culture et de la sagesse bwa.

2.1.3. La palabre

Selon Nathalis Lembe Masiala (2011) « Le morphème palabre vient de l’espagnol "palabra" (parole). […]
La palabre […] est une institution sociale où participe tout le village. Elle permet de régler un problème
ou un contentieux sans que les protagonistes ne soient lésés. » MILLOGO (2002 : 126) ajoute qu’ « il
s’agit d’un genre à caractère dialogique ou conversationnel qui réunit plusieurs partenaires sur un sujet
en un temps et en un lieu qui a donné naissance à la locution nominale "l’arbre à palabre" ». Nous la
retrouvons dans sept chapitres de l’œuvre. MILLOGO (2002 : 126) distingue deux sortes de palabres : la
palabre grave et la palabre ludique.

La palabre grave traite des problèmes importants du village. Dans l’œuvre l’exemple typique est au
chapitre trois et a pour objet l’annonce et la préparation des funérailles de l’ancêtre Diyioua. Elle se
tient dans une ambiance solennelle faite de silence et d’écoute. « Silence de mort. Quelqu’un toussa, on
le morigéna vertement. » (p. 42) Le discours oral que prononce l’Ancêtre Gnassan à l’occasion de cette
palabre est très bien structuré. Il y fait aussi usage de proverbes : « l’âme de la puissance, c’est la
solidarité » (p. 46) et de figures de styles telles que la métaphore : « Vous devez désormais vous
comporter comme les moutons d’une même bergerie, qui entrent par la même porte, sortent par la
même porte » (p. 45), « il faut que tout le Bwamu soit « versé » ici. » (p. 44). Il conclut son propos en
disant : « … Et maintenant, je vous souhaite une bonne nuit. Répondez au chant du coq. » (p. 48)

La palabre ludique quant à elle « est une conversation entre plusieurs partenaires sur un sujet
circonstanciel quelconque qui surgit et évolue au gré de la causerie provoquée elle-même par la
situation » (MILLOGO 2002 : 126). C’est le cas du chapitre 4 lorsque les femmes en brousse, à la
recherche du bois mort causent des hommes et de l’amour. C’est également le cas (au même chapitre)
des hommes qui confectionnent des objets d’artisanat sous les arbres et devisent des femmes et de la
vie amoureuse. La palabre ludique est plaisante et récréative. Les partenaires rivalisent de figures de
style, de proverbes et de récits illustratifs (anecdotiques, historiques, légendaires et mystiques).

2.1.4. Les chants

La chanson rythme la vie au Bwamu. C’est pourquoi elle est très présente dans Crépuscule des temps
anciens. Sié Alain KAM (dans Tydskrif vir Letterkunde, Vol. 44 n°1 du 1er avril 2007, p. 281), distingue
trois catégories de chansons : les discours narratifs chantés à dominante fictive, les discours narratifs
chantés à fond réel (ex : chants dénonçant de mauvais comportements à travers une histoire), les
discours narratifs chantés cérémoniels, les discours non narratifs chantés supports d’activités et les
discours non narratifs chantés cérémoniels. Selon ce critère, nous pouvons répertorier dans Crépuscule
des temps anciens :

• Des discours non narratifs chantés supports d’activités : on les appelle souvent chants supports
d’activités, puisqu’ils accompagnent les activités importantes pratiquées par les populations à la base.
L’œuvre comporte un chant support d’activité agricole : le chant accompagnant le labour collectif à
Wakara (p. 128). On y trouve également les chants accompagnant les jeux de jeunes filles au clair de
lune (p. 143) et les chants de guerre (p. 230).

• Des discours non narratifs chantés cérémoniels : ils sont exécutés lors des cérémonies marquantes
de la vie sociale. Ils revêtent un caractère plus ou moins sacré, car s’adressant à Dieu, aux divinités ou
aux forces surnaturelles. L’œuvre en comporte deux : l’hymne à la nouvelle mariée (p. 129) et le chant
funéraire à la mort de Térhé (p. 252).

• Des discours narratifs chantés à fond réel : l’histoire racontée peut être basée sur des faits réels qui
abordent des sujets relatifs à la vie sociale. C’est le cas de la chanson faisant l’éloge de Térhé (p. 147-
148), du yenyé : le chant de danse de jeunes filles (p. 137 ; 138-139) ou du lêko : chant satirique exécuté
lors des funérailles de l’Ancêtre Diyioua (p. 93-95). Notons aussi l’hymne de guerre exécuté ici, non pas
comme chant support d’activité, mais comme chant d’animation lors de ces mêmes funérailles (p. 89,
90-91).

A l’analyse de ces chants, l’on peut se rendre compte qu’ils ont dans la société bwa une fonction
ludique et de cohésion sociale. Car ils offrent non seulement l’occasion de se défouler et prendre du
plaisir en s’amusant mais aussi de faire tomber les barrières et de célébrer à l’unisson le vivre ensemble.
2.1.5. Les récits anecdotiques

Les récits anecdotiques alimentent les causeries. Ils sont des composantes recherchées du discours de la
palabre. Pittoresques, ils tiennent de l’histoire, du conte et du mythe. Mais ce qui semble important,
c’est l’intérêt narratif au service de l’argumentation et de la persuasion. La récurrence du thème de la
femme et des rapports homme/femme est importante. C’est le cas de l’histoire de la femme insatiable :
« Vous savez qu’une femme d’un village voisin que je ne peux pas nommer, était le type même de
l’amoureuse insatiable. Elle se laissa séduire par la virilité d’un étalon et, en secret, décida de tenter
avec lui, ce que vous devinez. Pour y parvenir, elle n’épargna aucune astuce. Pâti ! Elle n’eut pas
l’occasion de recommencer, car l’expérience lui coûta la vie. On la retrouva affreusement mutilée. » (p.
60-61) Les récits de ce genre sont nombreux : l’histoire des gens de Mankara ayant éventré une femme
enceinte par curiosité (p. 218-219) ; le mari trop jaloux que sa femme réus

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