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INTRODUCTION

BACHIR MAZOUZ
ENAP, Réseau de l’Université du Québec (Canada)
ANNE ROUSSEAU
Luxembourg Institute of Science and Technology
(Luxembourg)
SAMUEL SPONEM
HEC Montréal (Canada)

Le gestionnaire public
en question
La difficile conciliation des logiques
bureaucratique et managériale

D
ès ses origines, le Nouveau management public a mis
au cœur de sa doctrine l’importance de faire émerger
un gestionnaire public doté d’un véritable pouvoir de
décision, d’une autonomie de gestion et de processus de reddition
de comptes permettant de définir l’imputabilité des dirigeants
publics (Hood, 1991). Pratiquement, les nombreuses réformes
administratives qui en ont découlé, notamment dans les pays de
l’OCDE, ont fortement interrogé les institutions, institutionnalisé
la notion de « résultats » des organisations publiques (Pettigrew,
1997) et suscité des débats passionnés sur la gestion par résultats
et de quête de performance publique sur les rôles, fonctions et
responsabilités des gestionnaires publics (Peters, 1987 et 2008).

DOI:10.3166/RFG.250.89-104 © 2015 Lavoisier


90 Revue française de gestion – N° 250/2015

En effet, durant trois décennies d’expéri- tèmes nationaux de gouvernance publique,


mentation la « gestion par les résultats » est de nombreuses recherches universitaires
hissée au rang de cadre officiel de gestion menées selon des perspectives critiques
dans plusieurs pays comme les États-Unis de la gestion du bien commun, de l’intérêt
où le Government Performance and Results général et du service public, ont montré
Act en vigueur en 1993, le Québec avec les difficultés de la mise en œuvre de ces
la Loi sur l’administration publique entrée réformes. Centrées sur l’identité profes-
en application en mai 2000 et la France sionnelle ainsi que les rôles, fonctions
avec la Loi organique relative aux lois de et responsabilités des managers publics,
finances votée en 2001 (Mazouz, 2012). des synthèses récentes attribuent ces dif-
Ce dispositif, qui institutionnalise dans le ficultés à des « tensions de gouvernance
secteur public la « direction par objectifs » publique ». Celles-ci se manifestent quand
telle qu’elle a été développée dans les les dirigeants des organisations publiques
grandes entreprises américaines au début tentent de reconfigurer leurs fonctions,
du 20e siècle (Drucker, 1954) vise à rendre rôles et responsabilités pour s’ajuster à
la gestion publique plus efficace, en favo- « la dynamique inéluctables des valeurs
risant la responsabilisation des équipes de publiques, l’inertie des structures wébé-
gestion, la motivation des employés du riennes d’organisation, le formalisme des
secteur public et l’autonomie des managers cadres administratifs en vigueur et (la dif-
à tous les niveaux organisationnels, le tout ficile) appropriation des (nouveaux) outils
autour de la valorisation des prestations de gestion » (Hudon et Mazouz, 2015).
fournies aux citoyens (Mazouz et Leclerc, Autrement dit, considérant la complexité
2008). Ce cadre officiel de gestion doit des systèmes nationaux de gouvernance
permettre l’articulation de trois dimensions publique, la reconfiguration des fonctions,
de la performance publique : la qualité des rôles et responsabilités des dirigeants
services aux citoyens, l’optimisation des publics rend la mise en œuvre des réformes
ressources et des moyens disponibles et ardue à faire aboutir. Cette difficulté est
la transparence des décisions de gestion à certes due à des clivages idéologiques et
travers l’imputabilité des dirigeants publics politiques et à la multiplicité des structures
envers les citoyens et leurs représentants d’offres en services publics, mais aussi aux
(Facal et Mazouz, 2013). tensions entre des logiques institutionnelles
concurrentes1.
I – DES TENSIONS ENTRE LOGIQUE D’abord, les réformes engagées dans les
BUREAUCRATIQUE ET LOGIQUE pays de l’OCDE impliquent de passer d’une
MANAGÉRIALE
logique d’« administration publique »
Au fil des programmes engagés par des basée sur la légitimité légale, des contrôles
États et des gouvernements des pays de formels a priori, l’autorité hiérarchique et
l’OCDE, dans le but de transformer les sys- la stabilité des structures à une logique de

1. Au sens de Friedland et Alford (1991).


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« management public » dont la légitimité nistrative et managériale. Dans la première,


repose sur une recherche de rationalité pro- ils sont (se perçoivent comme) gardiens
cédurale, mettant l’accent sur les contrôles des processus et doivent agir dans l’inté-
a posteriori, la décentralisation de l’autorité rêt général, alors que dans la seconde ils
et l’adaptation des structures d’offres en sont imputables des résultats de l’action
services publics au changement (Laufer et publique. Cela étant dit, le pilotage de
Burlaud, 1980) sur une base de résultats l’action publique par les résultats ne remet
de l’action publique. Ainsi, l’institutionna- pas nécessairement en cause les valeurs du
lisation d’un cadre de gestion axé sur les service public mais suscite des tensions en
résultats questionne les idées et les valeurs matière d’éthique, d’identité et de valeur
que représente le service public aux yeux des gestionnaires publics (Bartoli et al.,
des gestionnaires et employés des secteurs 2011 ; Meyer et Hammerschmid, 2006).
publics. Cela implique donc de repenser la place
Ensuite, d’un point de vue instrumental, des gestionnaires publics face aux élus
la formulation des objectifs et le choix des (Mazouz, 2008 ; Facal et Mazouz, 2013),
indicateurs que stipule la gestion de la per- face aux groupes professionnels apparte-
formance dans les organisations publiques nant au secteur public, notamment dans le
s’avèrent souvent problématiques (Pollitt, secteur de la santé, de l’enseignement, de
2013). La place qui doit être accordée aux la recherche ou de la justice (Bezes et al.,
indicateurs de gestion est ainsi devenue 2011 ; Crémieux et al., 2012) et face aux
une préoccupation centrale à la fois pour multiples acteurs publics et privés impli-
les gestionnaires et les autres dirigeants
qués dans la mise en œuvre des politiques
publics, notamment parce que ces indica-
publiques (Marty, 2011).
teurs impliquent des parties prenantes plus
diverses que dans les autres organisations,
II – LA GOUVERNANCE PUBLIQUE,
parce que les objectifs des gestionnaires
UNE APPROCHE PAR QUATRE
publics sont (ou paraissent) parfois difficiles NIVEAUX D’ANALYSE
à définir et parce que leurs effets secon-
daires potentiels sont nombreux (Bevan Pour étudier ces tensions inhérentes à la
et Hood, 2006 ; Chatelain et Sponem, coexistence des logiques administrative
2008 ; Laurin et Wagner, 2011 ; Gibert et et managériale au sein des organisations
Benzerafa, 2012). publiques, nous distinguons les quatre
Enfin, ces transformations introduites par niveaux d’analyse des systèmes nationaux
les réformateurs aux niveaux des institu- de gouvernance publique entendus comme
tions, des structures d’offres en services, la « superposition durable et compatible
du cadre officiel de gestion et de l’instru- des institutions, des structures d’offres en
mentation managériale visent à améliorer services publics, des cadres officiels et
l’efficacité et l’efficience des systèmes des outils de gestion mobilisés à des fins
nationaux de gouvernance publique. Ce fai- légitimes et des besoins solvables d’une
sant, elles mettent les gestionnaires publics nation » (Mazouz et al., 2012 ; Mazouz
dans une situation ambiguë. Leurs actions et Hudon, 2015). Ce dossier (publié dans
doivent à la fois relever des logiques admi- les numéros 250 et 251 de la RFG) réu-
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nit sur cette base, huit travaux inédits de bureaucratique, traditionnellement admise
recherche2 afin d’explorer, en particulier, par les employés et leurs hiérarchies dans
les questions relatives à la gestion des ten- les organisations publiques, et une logique
sions que pose aux gestionnaires publics la managériale véhiculée par des réformes
diffusion des logiques managériales au sein incessantes inspirées du nouveau manage-
des systèmes nationaux de gouvernance ment public.
publique. Ce dossier se propose d’explorer ces pré-
En théorie, la stabilité et la cohérence sont occupations selon les quatre niveaux d’ana-
garants de l’efficacité et de l’efficience des lyse distincts issus de la définition rete-
institutions (North, 2005). L’institutionna- nue ci-avant des systèmes de gouvernance
lisme appliqué aux systèmes nationaux publique :
de gouvernance publique, stipule que des 1) Niveau des institutions : concerne les
valeurs comprises et partagées par les diri- valeurs, cultures, croyances, façon de pen-
geants publics, les employés du secteur, ser des gestionnaires impliqués dans et par
les citoyens et par toutes les parties pre- l’action publique ;
nantes facilitent la structuration de l’action 2) Niveau des organisations : concerne
publique, soutiennent la prise des déci- les structures d’offres en services publics
sions, guident le choix des moyens, balisent (i.e. écoles, hôpitaux, universités, tribu-
l’allocation des ressources, assurent le naux, casernes, ministères, agences, socié-
bon déroulement des activités et l’abou- tés d’État, mairies, etc.) ;
tissement des projets, et aident à une 3) Niveau du cadre officiel de gestion :
juste appréciation des résultats escomptés concerne les règles, normes, pratiques, pro-
(Fairweather, 1996). Or en pratique, depuis tocoles, et de manière générale les façons
la première moitié des années 1970 tous de faire qui balisent les activités et actions
les systèmes nationaux de gouvernance confiées aux gestionnaires publics (i.e. Lolf
publique des pays de l’OCDE sont sous le en France, LAP au Québec, GPRA aux
coup de la Réforme3 ; qu’elle soit adminis- USA) ;
trative, économique, étatique, sectorielle 4) Niveau des outils et instruments de
ou territoriale. Cette réforme signifie une gestion : concerne les artéfacts dont les
remise en question de l’ordre établi. L’am- gestionnaires publics se servent pour conce-
biguïté et les frictions causées par des ques- voir, définir, décider, planifier, exécuter,
tionnements portant sur la nature même du contrôler, suivre, mesurer et évaluer à la
bien commun et de l’intérêt général ont fois les façons de faire et de penser les acti-
provoqué des tensions inéluctables. Elles vités et les résultats obtenus en rapport avec
se traduisent, entre autres, par des préoc- les objectifs visés et la finalité poursuivie
cupations de conciliation entre une logique (i.e. plans stratégique, de gestion et d’amé-

2. Il s’agit de 8 recherches dont les résultats ont été sélectionnés parmi 104 projets soumis à un processus d’évalua-
tion, suite à un appel à contribution lancé par la RFG et les organisateurs de l’édition 2014 du Symposium interna-
tional « Regards croisés sur la transformation de la gestion et des organisations publiques », tenu à HEC Montréal
les 27 et 28 novembre 2014. Ces recherches sont publiées en deux volets dans les dossiers des numéros 250 et 251
de la RFG.
3. Cf. OCDE, 2015, Panorama des administrations publiques 2015, Réf. 9789264234949 (html).
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lioration, plans d’analyse des risques et usagers. Afin d’illustrer (empiriquement)


contingences, rapports annuels de gestion, la nature, les facteurs, les processus et
tableaux de bord de gestion, etc.). les actions de mitigation des tensions que
Cette distinction entre les quatre niveaux suscite une telle opposition, les articles de
d’analyse des systèmes de gouvernance Marie Tsanga Tabi et Dominique Verdon,
publique permet d’apprécier les apports et de Corinne Grenier et Johan Bernardini-
de chacun des huit travaux de recherche Perinciolo apportent respectivement des
retenus. En effet, pour explorer la nature éléments conceptuels et opératoires nou-
des questionnements et préoccupations res- veaux issus de recherches sur la « remu-
senties et formulées par les gestionnaires nicipalisation des services d’eau » au sein
publics, nous avons choisi de qualifier les des services urbains en France et de l’insti-
facteurs de friction et de tension, les pro- tutionnalisation de la dualité « des logiques
cessus de leur atténuation et les actions de médico-économiques » dans les hôpitaux
mitigation que s’ingénient à développer français.
des gestionnaires publics pour faire face à L’étude réalisée par Tsanga Tabi et Verdon
la transformation des systèmes nationaux démontre en particulier la capacité des
de gouvernance publique dans lesquels ils institutions à légitimer et à structurer des
opèrent. entités organisationnelles ayant des modes
opératoires diamétralement opposés, mais
dont les valeurs publiques (notamment
III – LES GESTIONNAIRES PUBLICS
FACE AU MALAISE ÉTHIQUE comportementales) constituent un facteur
de « consensualité intrinsèque à l’objet
Destinée à provoquer des mutations impor- eau » entre les gestionnaires, les politiques
tantes au sein des systèmes de gouvernance et les usagers-citoyens. En effet, vue par
publique, la montée en puissance d’une ces derniers, sous l’angle des « rationalités
doctrine néolibérale et sa diffusion grâce techniciennes », des traditions publiques,
à une rhétorique articulée autour de la de la symbolique des biens essentiels (eau)
performance publique et un meilleur rende- et de la gouvernance territoriale et natio-
ment des organisations de l’État a provoqué nale, la remunicipalisation des services
des mutations importantes (Davis et West, d’eau (comme structure d’offres de ser-
2009). Ces dernières se sont manifestées vices publics) n’est pas uniquement due
d’abord par des préoccupations d’ordre à « une série de dysfonctionnements et
éthique ; opposant les valeurs et le sens de mutations » survenue suite à la mar-
attribué à l’action publique aux modes chandisation des services publics. Une
opératoires que prône la gestion de la per- réappropriation réussie de la gestion des
formance (Bartoli et al., 2011). En effet, services d’eau passe surtout par une prise
perçues sous l’angle idéologique, des muta- de conscience individuelle et collective
tions éthiques se sont essentiellement tra- des valeurs publiques à intégrer à l’action,
duites par des questionnements profonds auxquelles tarde à s’ajouter un « décloison-
et déstabilisants tant pour les employés et nement interne des fonctions techniques et
les gestionnaires que pour les structures administratives ». Autrement dit, Tsanga
d’offres en services publics et les citoyens- Tabi et Verdon mettent l’accent sur l’impor-
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tance de « l’activation des valeurs com- soutenant les équipes en place, dans un
portementales » pour à la fois atténuer les contexte organisationnel de plus en plus
tensions générées par les conséquences de encastré dans la seule logique concurrente
la marchandisation des services d’eau et (économique) à leur univers professionnel
relever les défis sur « le plan managérial et (médico-soignante) ». En particulier, l’arti-
de la gouvernance » de l’accomplissement culation entre les deux logiques médicale et
du bien commun. économique repose sur la capacité du méde-
Pour Corinne Grenier et Johan Bernardini- cin-gestionnaire à soit favoriser leur hybri-
Perinciolo, la capacité des institutions et dation (en apparaissant comme un acteur-
des acteurs à légitimer la nouveauté des passeur d’un monde professionnel vers un
logiques, des compétences, des acteurs, autre), légitimant ainsi la logique médico-
des fonctions, des pratiques ou de la gou- économique contre la prégnance croissance
vernance hospitalière est également avan- de la seule logique économique au sein de
cée comme un facteur de conciliation des l’hôpital ; soit constituer « un rempart à la
logiques dominantes et en émergence. En domination d’une logique [économique]
effet, les préoccupations que suscite la sur une autre [médicale] » (en apparaissant
remise en question des valeurs publiques comme un acteur-clôture entre les deux
traditionnellement admises par les diffé- univers au sein de cette organisation) pour
rents acteurs des hôpitaux français, pro- réaffirmer quand nécessaire les principes
voquées par l’institutionnalisation d’une fondamentaux d’un hôpital public. Les dif-
double logique d’action, médicale et éco- férentes formes d’hybridation des pratiques
nomique, impliquent une hybridation des de management constituent dans ce cas
rôles, responsabilités et pratiques des méde- précis, à la fois une stratégie de défense/
cins-gestionnaires. À partir d’une étude acceptation utilisée par le gestionnaires
de cas portant sur une posture de gestion publics pour légitimer les contradictions
adoptée par un médecin-gestionnaire d’un institutionnelles (réelles ou en apparentes)
pôle hospitalier français pour faire face à que provoquent les changements au niveau
des changements institutionnels marqués des valeurs, et une stratégie d’influence
par les « apparentes contradictions » d’une façonnant l’« identité, valeurs et pratiques
dualité des logiques d’intervention, les mais les habilitent également pour agir ».
auteurs révèlent et illustrent l’importance Pour Marie Tsanga Tabi et Dominique
de l’hybridation des pratiques managériales Verdon comme pour Corinne Grenier et
pour pouvoir « parvenir à des accords satis- Johan Bernardini-Perinciolo, les réponses
faisants pour chacune des parties (NDLR : que les gestionnaires publics apportent
direction, médecins, équipe soignante) ». aux questionnements que génère la coha-
Ainsi, pour faire face aux blocages institu- bitation des logiques bureaucratique et
tionnels qu’il voyait se profiler à l’horizon, managériale ou des logiques profession-
ce pôle de services a développé des habile- nelle et managériale (respectivement pour
tés et des pratiques permettant de contrer ces auteurs) sont respectivement d’ordre
les « stratégies de domination croissante de éthique et d’interface. Le premier renvoie
la seule logique économique... (en) favo- à des tensions générées par les débats sur
risant l’hybridation institutionnelle et en la dynamique des valeurs intrinsèques à
Le gestionnaire public en question 95

l’objet (i.e. eau pour l’usager-citoyen, le difficile de réaliser des études concluantes
gestionnaire ou le politique). Le second quant à leur efficience (Mazouz et
renvoie à des tensions entre des corps de Belhocine, 2003).
métiers œuvrant au sein des structures Deux études présentées dans ce dossier
d’une même organisation publique, mais illustrent la nature complexe des ques-
obéissant à des logiques d’action profes- tionnements auxquels font face des ges-
sionnelles différentes (i.e. administration tionnaires publics qui sont engagés en
et médecins, médecins et équipe soignante, particulier dans des projets administratifs
équipe soignante et administrateurs). nécessitant des apprentissages collectifs
ou dans des projets urbains mobilisant des
IV – LE LEADERSHIP acteurs habitués à évoluer dans des activités
DES GESTIONNAIRES PUBLICS à forte teneur en créativité et en innovation.
À L’ÉPREUVE DES STRUCTURES Ces deux contextes d’action étant souvent
PARTENARIALES marqués par l’inadéquation, si ce n’est l’ab-
sence totale, de dispositifs centraux, il est
La rhétorique du nouveau management
déstabilisant pour les gestionnaires publics
public favorable aux pratiques créatives ou
qui s’y aventurent de repérer des structures/
innovantes dans le secteur public a encou-
pratiques/comportements organisationnels
ragé la multiplication de formes organisa-
leur permettant en particulier de copiloter
tionnelles nouvelles pour améliorer l’ef­
ou de conduire des changements structurels
ficience de l’action publique. En pratique,
de manière satisfaisante vis-à-vis des par-
des structures d’organisation inédites mises
ties associées.
en place par des administrations publiques
L’étude menée par Sébastien Chantelot et
nationales, territoriales ou sectorielles dans
Youssef Errami, dont les résultats sont
le cadre de projets conjoints ou de projets pré­sentés ici, démontre clairement la per-
pilotes impliquant des entités publiques et tinence de mettre en place une « organi-
d’autres de la société civile ou du marché, sation-frontière » et de faire preuve de
continuent à susciter des questionnements « leadership intégrateurs » pour assurer le
complexes chez les gestionnaires. En effet, « développement de la dynamique créa-
souvent justifiées par des besoins spéci- tive de la ville et du succès des politiques
fiques d’apprentissage collectif, de flexibi- publiques qui ambitionnent de la stimuler ».
lité, de créativité, de leadership ou d’entre- Ces deux conditions réunies permettent aux
preneurship, des formes organisationnelles gestionnaires publics de développer des
(ou structures d’organisation) conçues par comportements hybrides pour faire face
référence à des logiques différentes des à des questionnements d’ordre structurel.
bureaucraties administratives ont été intro- Une hybridation exigée par des contraintes
duites dans l’espace d’action publique, dès d’imputabilité administrative et de per-
la fin des années 1970. Cependant, « eu formance publique des projets impliquant
égard au caractère sensible de la question à aussi des acteurs privés ; remédiant ainsi
l’heure des remises en cause profondes des aux sentiments de méfiance traditionnel-
modèles sociétaux et des modes de gouver- lement exprimés par les acteurs privés eu
nance » par résultats il a été (et est encore) égard aux managers publics, de la crainte
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d’institutionnalisation de leurs activités, des circulaires » que véhicule la logique mana-


problèmes de communication et d’incom- gériale : « Pour que le projet aboutisse,
préhension des deux côtés et du réflexe il aurait fallu qu’ils (managers publics)
interventionniste de la part des acteurs acceptent de laisser une proportion de ques-
publics. Ce faisant, Chantelot et Errami tions non résolues, en faisant confiance aux
contribuent à une meilleure connaissance propriétés émergentes des organisations ».
quant aux « capacités de l’acteur public à Il s’agit là d’un cas d’étude empiriquement
co-construire son territoire, particulière- vérifié qui montre comment des question-
ment au niveau des nouveaux modes du nements laissés sans réponse induisent des
copilotage des stratégies ou encore des tiers tensions structurelles qui finissent par blo-
lieux et des risques de perte de contrôle quer des projets visant la transformation de
sur les politiques mises en œuvre ». Plus la gestion et des organisations publiques.
particulièrement, leur apport porte sur les
conditions favorables au développement V – LES COMPORTEMENTS
« des mécanismes des écosystèmes créatifs ET PRATIQUES INÉDITS
et de leur gouvernance » en contexte de DES GESTIONNAIRES PUBLICS
gestion des structures urbaines qui évoluent À L’ÉPREUVE DES PRINCIPES
CANONIQUES
de plus en plus vers des logiques partena-
riales créatives vs des apprentissages tech- Au niveau des cadres officiels de gestion,
noscientifiques jugés insuffisants. les tensions que vivent les gestionnaires
À partir d’une étude menée par Étienne publics tiennent aux différences entre un
Maclouf et Muriel de Fabrègues, on réa- cadre de gestion bureaucratique (tradition-
lise la complexité des questionnements et nel), axé sur les moyens et procédures, et
des apprentissages collectifs auxquels les celui plus entrepreneurial de la gestion par
gestionnaires publics doivent faire face lors résultats. De ce point de vue, les travaux
de projets de restructuration. En illustrant de recherche faisant l’objet de ce dossier4
leur propos à partir d’un projet découlant invoquent les tensions inhérentes à ces
de la modernisation de l’État – décidé à un cadres de gestion face à l’innovation, la
niveau politique du ministère de la Justice créativité et l’intuition. Ce faisant, ils ques-
en France dans la foulée des mouvements de tionnent les principes que la nouvelle ges-
« désagrégation structurelle », de « création tion publique emprunte à la logique bureau-
de structures spécialisées » ou d’« agen- cratique à savoir l’universalité, la primauté
cification » – les auteurs démontrent que, de la rationalité, la neutralité politique et la
face à des « logiques contradictoires », les standardisation de l’usager/administré.
gestionnaires recourent à des « tactiques La contribution d’Emmanuel Coblence et
raisonnées ». Ce faisant, ils privilégient Frédérique Pallez met en particulier en
la logique administrative, articulée autour exergue, à l’aide d’un cas d’étude portant sur
d’un socle rationnel, aux « raisonnements le concept de résidence tel qu’implémenté

4. Les travaux présentés à la suite sont publiés dans le second volet du dossier à paraître dans le numéro 251 de la
Revue française de gestion.
Le gestionnaire public en question 97

autour de Cluny en Bourgogne, le fait que, sés. Ils assurent ainsi la création de sens des
face à un environnement de moins en moins cadres de gestion auprès des bénéficiaires
stable, dans le contexte d’une proximité de services publics de proximité (Weick,
plus forte des usagers/bénéficiaires dont 2005). À ce niveau, les bénéficiaires ne
les besoins et attentes sont en constante sont dès lors plus appréhendés comme
évolution, les gestionnaires publics doivent des « consommateurs standard » dans une
faire preuve de créativité pour résoudre les logique bureaucratique mais bien désormais
situations auxquelles ils ne manquent pas comme les co-concepteurs des services
de se trouver confrontés. Les travaux de publics. Coblence et Pallez soulignent de ce
Marius Bertolucci et Juan-David Pinzon point de vue l’apport des approches issues
quant à eux, interrogent, à l’aide d’une du design de services (Thackara, 2006 ;
recherche exploratoire de réseaux terri- Mulgan, 2014), mettant ainsi en exergue
torialisés, la place de l’intuition dans les « le besoin de recentrer les politiques sur
processus décisionnels des gestionnaires leurs résultats pour leurs destinataires ».
publics. La logique bureaucratique prône le Cette hybridation de la figure de l’usager, ni
respect de la hiérarchie et la planification administré, ni client (Ragaigne, 2012), est
stratégique. Les formes d’action publique le fruit de la construction des gestionnaires
de proximité/territorialisées se multipliant, publics faisant face aux tensions managé-
la créativité, l’innovation et l’intuition riales liées aux cadres de gestion.
occupent désormais une place centrale dans Il est intéressant de noter les résultats sou-
le chef du gestionnaire public confronté lignés par Coblence et Pallez mettant en
à des cadres de gestion orientés résultats/ exergue le fait que ces manières de faire
impacts. Comme le soulignent ces auteurs face aux tensions managériales se différen-
« L’intuition comble les limites de la ratio- cient selon les catégories d’agents publics.
nalité limitée (Prietula et Simon, 1989) dont Ainsi, ces auteurs distinguent les agents
les conditions d’effectivité sont de moins en « de proximité » implantés sur le territoire
moins réalisables (Eisenhardt et Zbaracki, des responsables nationaux de ces initia-
1992) ». La préoccupation d’un ancrage tives. Confrontés aux mêmes types de ten-
local, le souci de la prise en compte des sions managériales, les premiers cherchent
vécus des parties prenantes (« l’expérience à créer un sens local là où les seconds
sensible », « l’émotion relationnelle ») s’accrochent aux principes d’une rationalité
ainsi qu’un certain militantisme humaniste organisationnelle et économique. Si l’intui-
portés par les gestionnaires de ces ini- tion distribuée discutée par Bertolucci et
tiatives locales/territorialisées heurtent de Pinzon et les nouvelles formes d’inno-
plein fouet les principes des cadres de vation publique explorées par Coblence
gestion public confrontant le gestionnaire et Pallez apparaissent, au terme de ces
public à des tensions managériales. travaux de recherche exploratoires, comme
Face à ces tensions inhérentes à la légitimité des pistes prometteuses pour les gestion-
des modes décisionnels, les gestionnaires naires publics confrontés aux tensions entre
publics endossent un rôle de traducteur logiques bureaucratique et managériale,
(Callon et Latour, 1981), construisant un c’est la construction même d’un modèle
sens localisé aux cadres de gestion globali- alternatif d’évaluation de l’action publique
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ainsi que sa légitimité qui sont ici posées, Dahmani dans son article, les outils de ges-
ouvrant des perspectives intéressantes tant tion n’y ont pas la même finalité : ils ren-
du point de vue du chercheur que de celui voient à la rationalité bureaucratique ins-
du praticien. Le constant renouvellement pirée de « l’idéal type wébérien » dans une
des pratiques évaluatives et de ses méthodes logique « égalitariste et impersonnelle »
est une réalité pointée par de nombreux tra- tandis que la nouvelle gestion publique met
vaux contemporains (Chanut et Lamarque, au cœur du dispositif de gestion la logique
2014). Cadres de gestion et action des ges- de performance (Biondi et al., 2008 ; Pollit,
tionnaires publics se façonnent mutuelle- 2013), celle-ci devenant en quelque sorte
ment. En ce sens, les approches inhérentes le « critère du juste et du vrai » (Avare et
au sensemaking, au sensegiving (Gioia et Sponem, 2008).
Chittipeddi, 1991 ; Weick, 1995) et au Dans cette logique de performance, les
leadership transformationnel (Wright et instruments de gestion doivent permettre
Pandey, 2010) qui y est lié sont autant d’améliorer l’efficacité (atteinte des objec-
de pistes pour les gestionnaires publics tifs) et l’efficience (la minimisation les
confrontés aux tensions managériales rela- ressources pour atteindre les objectifs).
tives aux réformes. Certains instruments sont formels (la comp-
tabilité financière et de gestion, le plan
VI – LES GESTIONNAIRES PUBLICS stratégique, la finance, le calcul des coûts,
ET LA DIFFICILE APPROPRIATION la gestion prévisionnelle des emplois et
DE L’INSTRUMENTATION compétences, la qualité totale…), d’autres
MANAGÉRIALE s’apparentent à des techniques sociales (la
Les instruments de gestion prennent une direction par objectifs, la participation…).
place fondamentale dans la transformation Ces dispositifs formels et informels ne
de l’action publique. Ils doivent faciliter la permettent pas, la plupart du temps, de
mise en place des réformes et constituent s’interroger sur les objectifs : « le problème
souvent, en eux-mêmes, le but de ces des fins est la plupart du temps entièrement
réformes. On attribue, en effet, bien sou- subordonné à la question des moyens. […]
vent les problèmes d’efficience du secteur Le comment l’emporte aisément sur le
public à l’absence (ou aux insuffisances) pourquoi et le pour qui » (Chanlat, 1998,
des instruments disponibles. p. 96).
Comme le souligne dans son article Jérôme Les instruments qui s’inscrivent dans la
Dupuis, ces instruments de gestion sont perspective managériale ne permettent donc
d’abord empruntés au monde marchand. Ils pas de penser le sens de l’action, ni même
traduisent une certaine volonté de mimé- de s’assurer de l’impartialité et de l’égalité
tisme par rapport aux pratiques des entre- des actions entreprises. L’introduction de
prises. Au début du 20e siècle, le mouve- ces dispositifs au sein du secteur public peut
ment était inverse, les grandes entreprises ainsi générer des tensions artefactuelles
s’inspirant des instruments de gestion (Mazouz, 2012) entre des instruments qui
publique. La gestion publique classique mettent l’accent sur le résultat – dans la
n’est ainsi pas dépourvue d’instruments. logique managériale – et des instruments
Cependant, comme le rappelle Amira qui encadrent les règles et les moyens –
Le gestionnaire public en question 99

dans la logique bureaucratique (Laufer et organisations. Il explore les tensions pou-


Burlaud, 1980 ; Meyer et al., 2013). vant naître des différents registres d’ac-
Amira Dahmani se penche sur les moda- tion territoriale en étudiant le vocabulaire
lités et dispositifs de la motivation dans employé par les dirigeants territoriaux. Il
le service public tunisien. Les entretiens montre ainsi que « le nouveau management
qu’elle a réalisés auprès de ces gestion- territorial est fait d’une combinaison de
naires publics montrent bien que l’attache- registres », « superposés et sédimentés ».
ment au service public, l’utilité sociale et Il suggère que, dans ce contexte, les ges-
la recherche de l’intérêt général sont des tionnaires publics doivent jouer un rôle de
moteurs essentiels de leur motivation. Elle traduction et de médiation afin de limiter
parle ainsi de « fonctionnaire citoyen » et les tensions qui résultent de l’introduction
souligne que « la motivation managériale d’instruments à visée managériale dans
semble se heurter à une certaine résistance le secteur public. Cette contextualisation
dans la sphère publique ». Cependant, elle par les acteurs, qui conduit à des réponses
constate que le manque d’impact sur l’envi- diverses selon les contextes dans lesquels
ronnement professionnel, le manque d’au- un dispositif est introduit, peut être appe-
tonomie et l’inefficacité qui en résultent lée allomorphisme (Lippi, 2000). Elle se
ont un effet contraire et démotivant. Elle traduit par une forme d’hybridation instru-
décrit ainsi des gestionnaires publics à la mentale (Meyer et Hammerschmid, 2006).
recherche d’un « modèle de motivation Ces travaux viennent en complément de
composite » mêlant logique administrative travaux antérieurs mettant en évidence des
et managériale, la logique managériale phénomènes de résistance et de rejet des
devant s’appuyer sur la logique administra- instruments managériaux (Townley, 1997),
tive pour être efficace. Dans cette perspec- de mimétisme et de détournement instru-
tive, les instruments managériaux doivent mental, par le découplage ou la déviance
être repensés pour s’appuyer sur la logique (Bevan et Hood, 2006). Ils suggèrent que
bureaucratique. les tensions artefactuelles (Mazouz et al.,
Jérôme Dupuis arrive à des résultats très 2012) issues de la diffusion des instruments
similaires dans son article sur le regard « managériaux » peuvent être limitées par
porté par les cadres dirigeants territoriaux divers types d’hybridation, notamment du
français sur la décentralisation et la mise fait de l’ambiguïté des techniques managé-
en place de la réforme territoriale de 2010. riales (Dambrin et al., 2007) et de leur flexi-
À partir de 65 entretiens réalisés à deux bilité interprétative (Pinch et Bijker, 1987).
reprises en 2012 et 2014 auprès de cadres
dirigeants des collectivités locales, il étu-
EN GUISE DE CONCLUSION
die les rôles, positionnements et postures
de managers territoriaux eu égard à trois En situant les phénomènes liés à la trans-
de leurs missions exercées ; comme assis- formation de la gouvernance publique à
tant à maître d’ouvrage, représentant du quatre niveaux d’analyse distincts (Mazouz
maître d’ouvrage et maître d’œuvre, res- et al., 2012), nous proposons d’aborder la
pectivement dans la conduite des politiques portée systémique des questionnements/
publiques, des projets de territoire et des tensions auxquels les gestionnaires publics
100 Revue française de gestion – N° 250/2015

sont confrontés aujourd’hui. C’est par réfé- des questionnements spécifiques, après des
rence (1) à leur nature, (2) aux facteurs qui efforts de conciliation plus ou moins sou-
les génèrent, (3) aux processus par lesquels tenus, se traduisent par des confrontations
ils se propagent d’un niveau à l’autre d’un plus ou moins conflictuelles des logiques
même système de gouvernance et (4) aux bureaucratique et managériale.
actions de mitigation que développent les Enfin, les actions de mitigation des ten-
acteurs publics, que nous tentons de saisir sions de gouvernance publique renvoient
les effets systémiques de la conciliation à l’analyse des stratégies, des pratiques
des logiques bureaucratique et managériale ou des comportements développés par les
dans la sphère publique. gestionnaires pour intégrer, défier ou dévier
En ce qui concerne la nature des tensions les questionnements que leur lancent la
de gouvernance publique, elle peut être transformation de la gouvernance publique.
éthique, opposant des valeurs publiques à Les recherches regroupées dans ce dos-
des structures d’offres, des cadres officiels sier, dont les apports sont résumés dans le
de gestion ou des instruments managériaux tableau 1, permettent de mieux comprendre
« nouveaux ». Elle peut être structurelle, la manière dont les gestionnaires publics
opposant les structures nouvelles aux trois font face aux tensions de gouvernance
autres variables des systèmes de gouver- publique résultant de logiques contradic-
nance. Elle peut aussi être managériale, toires. À cet égard, l’enjeu ici n’est pas de
opposant les nouveaux cadres officiels de remettre en cause les valeurs publiques,
gestion à des structures d’offres ou des l’existence de nouveaux types de structures,
outils administratifs jugés obsolètes. Enfin, de nouveaux cadres officiels de gestion ou
elle peut être instrumentale, opposant des d’une nouvelle instrumentation managé-
instruments d’action entrepreneuriaux à riale mais, au contraire, de mieux cerner
des normes administratives, des structures leurs dynamiques et légitimités afin de les
organisationnelles et des principes et des rendre visibles et actionnables. Intégrer la
valeurs canoniques. réflexivité des gestionnaires publics dans la
Quant aux facteurs de tensions de gouver- conception et la dynamique des structures,
nance publique, l’analyse porte sur ce qui des cadres officiels de gestion et des instru-
les génère. Une institutionnalisation hâtive ments permet en effet de se rapprocher de
des outils de gestion traditionnellement la complexité des situations et de montrer la
associés à l’entreprise privée, la générali- variété des réponses possibles qui s’offrent
sation de la mesure et de l’évaluation des aux gestionnaires publics.
programmes, projets et résultats de l’action L’hybridation semble être une des réponses
publiques ainsi que la contractualisation possibles. Les travaux rassemblés dans ce
dictée par la rationalisation et les coupures dossier permettent de voir les différentes
budgétaires sévères sont autant de facteurs formes qu’elle peut prendre. Une catégo-
soulignés par la littérature scientifique. risation plus systématique de ces formes
Pour ce qui est des processus de propa- d’hybridation et de leur base théorique reste
gation des tensions au sein d’un même cependant à construire. La question se pose
système de gouvernance publique, l’ana- aussi de savoir si ce phénomène d’hybrida-
lyse renvoie à la dynamique par laquelle tion est temporaire ou si l’hybridation peut
Le gestionnaire public en question 101

Tableau 1 – Niveaux d’analyse de la gouvernance publique et tensions


entre les logiques bureaucratique et managériale

Niveau Nature Processus Actions


Facteurs
d’analyse des tensions de propagation de mitigation
de tension
Auteurs de la de des tensions des tensions
de gouvernance
gouvernance gouvernance de gouvernance de gouvernance
publique
publique publique publique publique

Institutionnalisa-
Mutation Légitimation
tion d’une ratio-
des rationalités (par activation
Tsanga Tabi nalité technico-
Institutionnel Éthique techniciennes vs des valeurs
et Verdon économique vs
rationalités comportemen-
rationalités en
en valeurs tales)
valeur

Structuration Hybridation des


Stratégies
Grenier et Interfaces de l’offre en ser- réponses et des
de défense/
Bernardini- institutionnel/ Structurelle vices selon une comportements
acceptation
Perinciolo organisationnel dualité médico- managériaux et
de la nouveauté
économique professionnels

Prise de décision Organisation- Hybridation des


Chantelot et
Organisation Structurelle dans une struc- frontière et structures et des
Errami
ture partenariale leadership public comportements

Maclouf et Interface Logiques contra- Rationalisation


Apprentissage/
Fabrègue organisation/ Structurelle dictoires et projet ou raisonnements
Échec raisonné
cadre de gestion flou circulaires

Sens des modes


décisionnels en Légitimation
Bertolucci et Cadres Intuition
Managériale situation d’incer- des processus
Pinzon de gestion distribuée
titude ; ancrage décisionnels
local et émotions

Questionnement
des principes Processus
Interfaces Légitimation
Coblence et d’universalité, et outils
structures/Cadres Managériale des processus
Pallez de rationalité d’innovation
de gestion organisationnels
et de neutralité publique
politique

Hybridation par
Introduction emboîtement
d’instruments Mutation (les dispositifs
Instrument
Dahmani Artefactuelle de motivation ou transition managériaux
de gestion
de nature (démocratique) prennent appui
extrinsèque sur la logique
administrative)

Hybridation par
Élaboration et
Traduction ou allomorphisme
Instruments utilisation d’un
Dupuis Artefactuelle l’interprétation (traduction et
de gestion nouveau registre
des acteurs contextualisation
linguistique
des instruments)
102 Revue française de gestion – N° 250/2015

se stabiliser dans le temps (Denis et al., ces hybridations/légitimations ainsi que


2015) et par quels processus. les conditions de leur (in)stabilité dans le
Par ailleurs, les travaux soulignent que l’hy- temps. Autant de pistes pour la recherche
bridation n’est pas la seule réponse. Les pro- en management public qui intéresseront
cessus de légitimation ou d’apprentissage tout autant le gestionnaire public confronté
peuvent aussi favoriser la mitigation des au quotidien à ces diverses tensions. Sortir
tensions de gouvernance qui apparaissent. d’une vision par trop manichéenne pour
Les recherches à venir pourraient offrir prendre en compte la complexité des sys-
une meilleure compréhension des contextes tèmes à l’œuvre et la réflexivité des acteurs
dans lesquels ces différentes réponses appa- qui les agissent est bien ce à quoi vous
raissent, les mécanismes sous-jacents à invitent les chercheurs de ce dossier.

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