Vous êtes sur la page 1sur 22

Toyota Techstream V16.00.017 with Loader [05.

2021]

Toyota Techstream V16.00.017 with


Loader [05.2021]
To download the complete and correct content, please visit:

https://manualpost.com/download/toyota-techstream-v16-00-017-with-loader-05-2
021/

**Toyota Techstream V16.00.017 with Loader [05.2021] Size: 236 MB Brand:


Toyota Motor Corporation Type of Program: Diagnostic Program Release Date:
2021/05 Version : V16.00.017 System requirements : Windows XP-10 x32 & x64
Interface language : English, Japanese Description : Toyota diagnostic software
Lexus, Scion. Toyota Techstream Europe Region Toyota Techstream North
America Region Toyota Techstream Other (Example: Australia) Region Toyota
Techstream Japan Region**
Download all on: manualpost.com.

Visit ManualPost.com to get correct and complete item


[Unrelated content]
Another random document on
Internet:
Libre Pensée
Ibarra achevait de s’habiller quand un domestique lui annonça qu’un paysan
le demandait.

Supposant que c’était un de ses travailleurs, il ordonna qu’on l’introduisît


dans son bureau ou cabinet de travail, en même temps bibliothèque et
laboratoire de chimie.

Mais, à sa grande surprise, il se trouva en face de la sévère et mystérieuse


figure d’Elias.

—Vous m’avez sauvé la vie, dit celui-ci en tagal, comprenant le mouvement


d’Ibarra; je vous ai payé à moitié ma dette et vous n’avez pas à me
remercier, au contraire. Je suis venu pour vous demander une faveur...

—Parlez! répondit le jeune homme dans le même idiome.

Elias fixa quelques secondes son regard dans les yeux d’Ibarra et reprit:

—Quand la justice des hommes voudra éclaircir ce mystère et vous


demandera votre témoignage, je vous supplie de ne parler à personne de
l’avertissement que je vous ai donné à l’église.

—Ne vous inquiétez pas, répondit Crisóstomo avec un certain ennui, je sais
que vous êtes poursuivi, mais je ne suis pas un délateur.

—Oh! ce n’est pas pour moi! ce n’est pas pour moi! s’écria vivement Elias,
non sans quelque hauteur, c’est pour vous: moi, je ne crains rien des
hommes!

La surprise d’Ibarra s’augmenta encore; le ton dont lui parlait ce paysan, cet
ancien pilote, était nouveau et semblait n’être en rapport ni avec son état, ni
avec sa fortune.
—Que voulez-vous dire? demanda le jeune homme en interrogeant du
regard cet homme mystérieux.

—Je ne parle pas par énigmes; je veux m’expliquer clairement. Pour assurer
votre sécurité, il faut que vos ennemis vous croient aveugle et confiant.

Ibarra recula.

—Mes ennemis? J’ai des ennemis?

—Nous en avons tous, señor, depuis le plus petit insecte jusqu’à l’homme,
depuis le plus pauvre et le plus humble jusqu’au plus riche et au plus
puissant! La haine est la loi de la vie.

Ibarra silencieux regarda Elias.

—Vous n’êtes ni pilote ni paysan!.. murmura-t-il.

—Vous avez des ennemis dans les hautes comme dans les basses sphères,
continua Elias, sans paraître avoir entendu. Vous méditez une grande
entreprise; vous avez un passé: votre père, votre grand-père ont eu des
ennemis parce qu’ils ont eu des passions; dans la vie ce ne sont pas les
criminels qui provoquent le plus de haine, ce sont les hommes honorables.

—Vous connaissez mes ennemis?

Elias ne répondit pas immédiatement et réfléchit.

—J’en connaissais un, celui qui est mort, répondit-il. Hier soir, par quelques
paroles échangées entre lui et un inconnu qui se perdit dans la foule, je
découvris qu’il se tramait quelque chose contre vous. «Celui-là, les
poissons ne le mangeront pas comme ils ont mangé son père, vous le verrez
demain!» avait-il dit. Ces mots attirèrent mon attention, aussi bien par leur
signification propre que par la personne de l’homme qui les prononçait. Il y
a quelques jours, cet individu s’était présenté au chef de chantier en
s’offrant expressément pour diriger les travaux de pose de la pierre, ne
demandant pas un gros salaire, mais faisant étalage de grandes
connaissances. Je n’avais aucun motif pour croire à de mauvais desseins de
sa part, mais, en moi, quelque chose me disait que mes présomptions étaient
fondées. C’est pour cela que, voulant vous avertir, j’ai choisi un moment et
une occasion propices pour que vous ne puissiez pas me questionner. Quant
au reste, vous l’avez vu!

Elias s’était tu depuis un long moment, qu’Ibarra ne lui avait pas encore
répondu, n’avait pas prononcé une seule parole.

—Je regrette que cet homme soit mort! dit-il enfin, par lui j’aurais pu savoir
quelque chose de plus!

—S’il avait vécu, il se serait échappé de la tremblante main de l’aveugle


justice des hommes. Dieu l’a jugé! Dieu l’a tué! que Dieu soit le seul Juge!

Crisóstomo regarda un instant l’homme qui lui parlait ainsi et, découvrant
ses bras musculeux, couverts de meurtrissures et de contusions, il lui dit en
souriant:

—Croyez-vous aussi au miracle? ce miracle dont parle le peuple!

—Si je croyais aux miracles, je ne croirais pas en Dieu, répondit Elias


gravement; je croirais en un homme déifié, je croirais qu’effectivement
l’homme a créé Dieu à son image et à sa ressemblance; mais je crois en Lui,
j’ai senti sa main plus d’une fois. Au moment où l’échafaudage s’écroulait,
menaçant de destruction tout ce qui se trouvait là, moi, je m’attachai au
criminel, je me plaçai à son côté; il fut frappé, moi, je suis sain et sauf.

—Vous?... de sorte que vous..?

—Oui, quand son œuvre fatale commençant à s’accomplir, il voulut


s’échapper, je le maintins: j’avais vu son crime. Je vous le dis: que Dieu soit
l’unique juge entre les hommes, qu’il soit le seul qui ait droit sur la vie; que
l’homme ne cherche jamais à se substituer à lui!

—Et cependant, cette fois, vous...


—Non! interrompit Elias devinant l’objection, ce n’est pas la même chose.
Quand un homme en condamne d’autres à mort ou brise pour toujours leur
avenir, il le fait à l’abri de la force des autres hommes dont il dispose, tant
pour se protéger que pour exécuter des sentences qui, après tout, peuvent
être injustes et fausses. Mais moi, en exposant le criminel au même péril
qu’il avait préparé pour les autres, je courais les mêmes risques. Je ne l’ai
pas frappé, j’ai laissé la main de Dieu le frapper!

—Vous ne croyez pas au hasard?

—Croire au hasard c’est croire au miracle; c’est toujours supposer que Dieu
ne connaît pas l’avenir. Qu’est-ce que le hasard? Un événement que
personne n’avait prévu. Qu’est-ce que le miracle? Une contradiction, un
renversement des lois naturelles. Imprévision et contradiction dans
l’Intelligence qui dirige la machine du monde, ce sont là deux grandes
imperfections.

—Qui êtes-vous? demanda Ibarra avec une certaine crainte; avez-vous fait
des études?

—J’ai dû croire beaucoup en Dieu puisque j’ai perdu la croyance dans les
hommes, répondit le pilote en éludant la question.

Ibarra crut qu’il comprenait la pensée de cet homme; jeune et proscrit, il


niait la justice humaine, il méconnaissait le droit de l’homme à juger ses
semblables, il protestait contre la force et la supériorité de certaines classes
sur les autres.

—Mais il faut bien, reprit-il, que vous admettiez la justice humaine,


quelque imparfaite qu’elle puisse être. Malgré tous les ministres qu’il a sur
la terre. Dieu ne peut exprimer, c’est-à-dire, n’exprime pas clairement son
jugement pour résoudre les millions de contestations que suscitent nos
passions. Il faut, il est nécessaire, il est juste que l’homme juge quelquefois
ses semblables!

—Pour faire le bien, oui; non pour faire le mal; pour corriger et améliorer,
non pour détruire; parce que si ses jugements sont erronés il n’a pas le
pouvoir de remédier au mal qu’il a fait. Mais, ajouta-t-il en changeant de
ton, cette discussion est au-dessus de mes forces et je vous retiens alors que
l’on vous attend. N’oubliez pas ce que je viens de vous dire: vous avez des
ennemis, conservez-vous pour le bien de votre pays.

Et il s’en alla.

—Quand vous reverrai-je? lui demanda Ibarra.

—Chaque fois que vous le voudrez et chaque fois que cela pourra vous être
utile. Je suis encore votre débiteur!
XXXIV
Le repas
Tous les grands personnages de la province sont réunis sous le kiosque
décoré et pavoisé.

L’Alcalde occupe une extrémité de la table; Ibarra l’autre. A la droite du


jeune homme est assise Maria Clara, le notaire à sa gauche. Capitan Tiago,
l’alférez, les moines, les employés et les quelques jeunes filles qui sont
restées ont pris place au hasard, non selon leur rang mais selon leurs
affections.

Le repas était suffisamment animé et joyeux; on était à la moitié environ du


service lorsqu’un employé des télégraphes entra et remit une dépêche à
Capitan Tiago qui, naturellement, demanda la permission de la lire. Non
moins naturellement, tous l’en prièrent.

Le digne Capitan commença par froncer les sourcils, puis il leva la tête: son
visage pâlissait, s’illuminait, puis il replia précipitamment la dépêche et se
levant:

—Señores, s’écria-t-il éperdu, Son Excellence le capitaine général viendra


tantôt honorer ma maison de sa présence!

Et il se mit à courir, emportant la dépêche et la serviette, mais oubliant son


chapeau, poursuivi d’exclamations et de questions.

On lui aurait annoncé l’arrivée des tulisanes qu’il eût certainement été
moins troublé.

—Mais écoutez!—Quand vient-il?—Dites-nous donc?—Son Excellence!

Capitan Tiago était déjà loin.


—Son Excellence vient ici et c’est à Capitan Tiago qu’elle demande
l’hospitalité! s’écrièrent quelques-uns, oubliant qu’ils parlaient devant sa
fille et son futur gendre.

—Le choix ne pouvait être meilleur! répondit celui-ci.

Les moines se regardaient d’un œil qui voulait dire:

«Le capitaine général fait encore une des siennes, il nous vexe; c’est au
couvent qu’il devait descendre». Mais tous se turent et personne n’exprima
sa pensée à ce sujet.

—On m’avait déjà parlé de ceci hier, dit l’Alcalde, mais alors Son
Excellence n’était pas encore décidée.

—Savez-vous, señor Alcalde, combien de temps le capitaine général pense


rester ici? demanda l’alférez inquiet.

—Avec certitude, non; Son Excellence aime faire des surprises.

—Voici trois autres dépêches!

Elles étaient pour l’Alcalde, l’alférez et le gobernadorcillo; identiques, elles


annonçaient l’arrivée du gouverneur; les moines remarquèrent qu’aucune
n’avait été adressée au curé.

—Son Excellence arrivera à quatre heures du soir, señores! dit


solennellement l’Alcalde, nous pouvons achever le repas tranquillement!

Léonidas ne peut certes avoir mieux dit: «Ce soir nous souperons chez
Pluton!»

La conversation reprit son cours ordinaire.

—Je remarque l’absence de notre grand prédicateur! dit timidement l’un


des employés, brave homme d’aspect inoffensif, qui n’avait pas ouvert la
bouche de toute la journée et dont c’était le premier mot.
Ceux qui savaient l’histoire du père de Crisóstomo firent un mouvement et
eurent un clignement des paupières significatif: «Allons, bon! pensaient-ils,
première parole, première sottise!» mais quelques-uns, plus bienveillants
répondirent:

—Il doit être quelque peu fatigué...

—Comment quelque peu, s’écria l’alférez; il doit être rendu et, comme on
dit ici, malunqueado. Quel sermon!

—Un sermon superbe, gigantesque! opina le notaire.

—Magnifique, profond! ajouta le correspondant.

—Pour pouvoir tant parler, il faut avoir ses poumons! observa le P. Manuel
Martin.

L’augustin ne lui reconnaissait que de forts poumons.

—Et la facilité de s’exprimer, ajouta le P. Salvi.

—Savez-vous que le señor Ibarra a le meilleur cuisinier de la province? dit


l’Alcalde coupant la conversation.

—Je me le disais, répondit un des employés, mais sa belle voisine ne veut


pas faire honneur à sa table, car c’est à peine si elle a touché aux plats.

Maria Clara rougit et timidement balbutia:

—Je vous remercie, señor... vous vous occupez trop de ma personne, mais...

—Mais votre seule présence est déjà un suffisant honneur! conclut


galamment l’Alcalde qui se retourna vers le P. Salvi.

—Père curé, ajouta-t-il à haute voix, je remarquai que toute la journée,


Votre Révérence a été muette et pensive...
—Le señor Alcalde est un terrible observateur! s’écria le P. Sibyla d’un ton
particulier.

—C’est mon habitude, balbutia le franciscain, je préfère écouter que parler.

—Votre Révérence espère toujours gagner et ne rien perdre! dit l’alférez un


peu moqueur.

Le P. Salvi n’accepta pas la plaisanterie; son œil brilla un moment puis il


répliqua:

—Le señor alférez sait bien, en ces jours-ci, que ce n’est pas moi qui gagne
ou qui perds le plus.

L’alférez dissimula le coup sous un éclat de rire forcé et ne répondit rien,


affectant l’indifférence.

—Mais, señores, je ne comprends pas comment on peut parler de gains ou


de pertes, intervint l’Alcalde; que penseraient de nous ces aimables et
discrètes demoiselles qui embellissent notre fête? Pour moi, les jeunes filles
sont comme les harpes éoliennes au milieu de la nuit; il n’y a qu’à les
écouter, à leur prêter attentivement l’oreille, parce que leurs ineffables
harmonies élèvent l’âme vers les célestes sphères de l’infini et de l’idéal.

—Votre Excellence est poète! dit gaiement le notaire; et tous deux vidèrent
leur verre.

—Je ne puis moins faire, dit l’Alcalde en s’essuyant les lèvres; l’occasion,
si elle ne fait pas toujours le larron, fait le poète. En ma jeunesse j’ai
composé des vers, qui certainement n’étaient pas mauvais.

—De telle sorte que, pour suivre Thémis, Votre Excellence a été infidèle
aux Muses! dit emphatiquement notre mythique et sympathique
correspondant.

—Psh! que voulez-vous dire? Parcourir toute l’échelle sociale a toujours été
mon rêve. Hier je cueillais des fleurs et j’entonnais des chansons,
aujourd’hui j’ai pris la verge de la justice et je sers l’humanité, demain...

—Demain, Votre Excellence jettera la verge au feu pour se réchauffer dans


l’hiver de la vie et prendra un portefeuille de ministre, ajouta le P. Sibyla.

—Psh! oui... non... être ministre n’est pas précisément mon idéal: le premier
venu arrive à l’être. Une villa dans le Nord pour passer l’été, un hôtel à
Madrid, quelques propriétés en Andalousie pour l’hiver... Nous vivrons en
paix, nous souvenant de nos chères Philippines... De moi, Voltaire n’aurait
pas dit: Nous n’avons été chez ces peuples que pour nous y enrichir et pour
les calomnier1.

Les employés crurent que Son Excellence avait fait un bon mot et se mirent
à rire pour le célébrer; les moines les imitèrent, car ils ne savaient pas que
Voltaire était le Voltaïré2 qu’ils avaient tant de fois maudit et voué à l’enfer.
P. Sibyla, lui, le savait, et supposant que l’Alcalde avait soutenu quelque
hérésie ou proféré quelque impiété, il affecta un air sérieux et réservé.

Dans l’autre kiosque étaient les enfants. Ils étaient plus bruyants que ne le
sont d’ordinaire les enfants philippins qui, à table ou devant des étrangers,
pèchent plutôt par timidité que par hardiesse. Si l’un se servait mal de son
couvert son voisin le corrigeait; de là une discussion, tous deux avaient
leurs partisans: pour les uns tel ou tel objet était une cuiller, pour les autres
une fourchette ou un couteau, et, comme personne ne faisait autorité, c’était
un vacarme épouvantable; on aurait cru assister à une discussion de
théologiens.

—Oui, disait une paysanne à un vieillard qui triturait du buyo dans son
kalikut3; bien que mon mari ne le veuille pas, mon Andoy sera prêtre. Il est
vrai que nous sommes pauvres, mais nous travaillerons; s’il le faut nous
demanderons l’aumône. Beaucoup donnent de l’argent pour permettre aux
pauvres de se faire ordonner. Le frère Mateo, qui ne ment jamais, n’a-t-il
pas dit que le pape Sixte avait été pasteur de carabaos à Batangas? Tiens!
regarde-le mon Andoy, regarde s’il n’a pas déjà la figure de saint Vincent!
Et l’eau en venait à la bouche de la bonne mère de voir son fils prendre sa
fourchette à deux mains!

—Dieu nous aide! ajoutait le vieillard en mâchant le sapâ; si Andoy arrive à


être pape, nous irons à Rome. Hé! hé! je peux encore bien marcher. Et si je
meurs... hé! hé!

—N’ayez crainte, grand-père! Andoy n’oubliera pas que vous lui avez
enseigné à tresser des paniers de roseaux et de dikines4.

—Tu as raison, Petra; moi aussi je crois que ton fils sera quelque chose de
grand..... au moins patriarche! Je n’en ai pas vu d’autres qui ait appris
l’office en moins de temps! Oui, oui, il se rappellera de moi quand il sera
Pape ou évêque et qu’il s’amusera à faire des paniers pour sa cuisinière. Il
dira des messes pour mon âme, hé! hé!

Et le bon vieillard, dans cette espérance, remplit son kalikut de buyo.

—Si Dieu écoute mes prières et si mes espérances s’accomplissent, je dirai


à Andoy: Fils, enlève-nous nos péchés et envoie-nous au Ciel. Nous
n’aurons plus besoin de prier, de jeûner ni d’acheter des bulles. Quand on a
un saint Pape pour fils, on peut commettre des péchés!

—Envoie-le demain chez moi, Petra, dit enthousiasmé le vieillard; je vais


lui montrer à labourer le nitô5!

—Hem! bah! que croyez-vous donc, grand-père? Pensez-vous que les Papes
travaillent des mains? Le curé, bien qu’il ne soit qu’un curé, ne travaille
qu’à la messe... quand il se retourne! L’archevêque, lui, ne se retourne pas;
il dit la messe assis; et le Pape... le Pape doit la dire dans le lit, avec un
éventail! Que vous imaginiez-vous donc!

—Rien de plus, Petra, seulement j’aimerais qu’il sût comment se prépare le


nitô. Il est bon qu’il puisse vendre des salakots et des bourses à tabac pour
n’avoir pas besoin de demander l’aumône comme le curé le fait ici tous les
ans au nom du Pape. Cela me fait peine de voir si pauvre ce saint homme et
je donne toujours tout ce que j’ai économisé.
Un autre paysan s’approcha en disant:

—C’est décidé, cumare6, mon fils doit être docteur; il n’y a rien de tel que
d’être docteur!

—Docteur! taisez-vous, cumpare, répondit la Petra; il n’y a rien de tel que


d’être curé!

—Curé? prr! curé? Le docteur gagne beaucoup d’argent; les malades le


vénèrent, cumare!

—Merci bien! Le curé, pour faire deux ou trois tours et dire déminos
pabiscum, mange le bon Dieu et reçoit de l’argent. Tous, même les femmes,
lui racontent leurs secrets.

—Et le docteur! que croyez-vous donc qu’est le docteur? Le docteur voit


tout ce qu’ont les femmes, il tâte le pouls des filles... Je voudrais bien être
docteur seulement une semaine!

—Et le curé? peut-être que le curé n’en voit pas autant que votre docteur?
Et encore mieux! Vous savez le refrain: poule grasse et jambe ronde sont
pour le curé!

—Quoi? est-ce que les médecins mangent des sardines sèches? est-ce qu’ils
s’abîment les doigts à manger du sel?

—Est-ce que le curé se salit les mains comme vos médecins? C’est pour
cela qu’il a de grandes fermes et, quand il travaille, il travaille avec de la
musique et les sacristains l’aident.

—Et confesser, cumare, n’est-ce pas un travail!

—En voilà un ouvrage! Je voudrais confesser tout le monde. Nous nous


donnons beaucoup de mal pour arriver à savoir ce que font les hommes et
les femmes et les affaires de nos voisins! Le curé n’a qu’à s’asseoir; on lui
raconte tout. Parfois il s’endort, mais il murmure deux ou trois bénédictions
et nous sommes de nouveau fils de Dieu! Je voudrais bien être curé pendant
une seule après-midi de carême!

—Et le... le prêcher? vous ne me direz pas que ce n’est pas un travail. Voyez
donc, comme le grand curé suait ce matin! objecta l’homme, qui ne voulait
pas battre en retraite.

—Le prêcher? Un travail? Où avez-vous la tête? Je voudrais parler pendant


une demi-journée du haut de la chaire en grondant tout le monde, en me
moquant de tous, sans que personne ne se risque à répliquer et encore être
payé, par dessus le marché! Oui, je voudrais être curé seulement une
matinée quand ceux qui me doivent sont à la messe! Voyez, voyez le P.
Dámaso comme il engraisse à toujours crier et frapper!

En effet, le P. Dámaso arrivait, de cette marche particulière à l’homme gras,


à moitié souriant, mais d’une manière si maligne qu’en le voyant Ibarra, qui
était en train de parler, perdit le fil de son discours.

On fut étonné de voir le P. Dámaso, mais tout le monde, excepté Ibarra, le


salua avec des marques de plaisir. On en était au dessert et le Champagne
moussait dans les coupes.

Le sourire du P. Dámaso devint nerveux quand il vit Maria Clara assise à la


droite de Crisóstomo; mais, prenant une chaise à côté de l’Alcalde, il
demanda au milieu d’un silence significatif:

—Vous parliez de quelque chose, señores, continuez!

—Nous en étions aux toasts, répondit l’Alcalde. Le señor de Ibarra


mentionnait ceux qui l’avaient aidé dans sa philanthropique entreprise et il
parlait de l’architecte, quand Votre Révérence...

—Eh bien! moi je n’entends rien à l’architecture, interrompit le P. Dámaso,


mais je me moque des architectes et des nigauds qui s’en servent. Ainsi, j’ai
tracé le plan d’une église et elle a été parfaitement construite; c’est un
bijoutier anglais qui logea un jour au couvent qui me l’a dit. Pour tracer un
plan, il suffit d’avoir deux doigts d’intelligence!
—Cependant, répondit l’Alcalde, en voyant qu’Ibarra se taisait, quand il
s’agit de certains édifices, comme d’une école par exemple, il faut un
homme expert...

—Quel expert, quelles expertes! s’écria avec ironie le P. Dámaso. Celui qui
a besoin d’experts est un petit chien7! Il faut être plus brute que les Indiens
qui bâtissent eux-mêmes leurs propres maisons, pour ne pas savoir
construire quatre murs et placer une charpente dessus; c’est tout ce qu’il
faut pour une école!

Tous regardèrent Ibarra, mais celui-ci, bien qu’il ait un peu pâli, poursuivait
sa conversation avec Maria Clara.

—Mais Votre Révérence considère-t-elle?...

—Voyez, continua le franciscain sans laisser causer l’Alcalde, voyez


comment un de nos frères lais, le plus bête que nous ayons, a construit un
bon hôpital, beau et à bon marché. Il faisait beaucoup travailler et ne payait
pas plus de huit cuartos par jour les ouvriers, qui, de plus devaient venir
d’autres pueblos. Celui-là savait s’y prendre, il ne faisait pas comme
beaucoup de ces jeunes écervelés, de ces petits métis, qui perdent les
ouvriers en leur payant trois ou quatre réaux.

—Votre Révérence dit que l’on ne donnait que huit cuartos? c’est
impossible! dit l’Alcalde pour changer le cours de la conversation.

—Si, señor, et c’est ce que devraient faire aussi ceux qui se targuent d’être
bons Espagnols. On voit bien que, depuis l’ouverture du canal de Suez, la
corruption est venue jusqu’ici. Autrefois, quand on devait doubler le Cap, il
ne venait pas tant d’hommes perdus et il n’y en avait pas tant qui allassent
se perdre là-bas!

—Mais, P. Dámaso...!

—Vous connaissez bien l’indien; aussitôt qu’il a appris quelque chose, il se


donne du docteur. Tous ces blancs-becs qui s’en vont en Europe...
—Mais! que Votre Révérence écoute...! interrompit l’Alcalde qui
s’inquiétait de la dureté de ces paroles.

—Tous finissent comme ils le méritent, continua-t-il, la main de Dieu est là,
il faut être aveugle pour ne pas la voir. Déjà, dans cette vie, les pères de tous
ces serpents reçoivent leur châtiment... ils meurent en prison! hé!...

Il n’acheva pas. Ibarra, livide, l’avait suivi du regard; en entendant


l’allusion à la mort de son père, il se leva, sauta d’un seul bond, et sa
robuste main s’abattit sur la tête du moine qui, hébété, tomba à la renverse.

La surprise, la terreur clouèrent à leur place tous les assistants; aucun


n’osait intervenir.

—N’approchez pas! cria le jeune homme d’une voix terrible, en tirant un


couteau effilé, tandis qu’il maintenait du pied le cou du prêtre revenu de son
étourdissement. Que celui qui ne veut pas mourir ne s’approche pas!

Ibarra était hors de lui, son corps tremblait, ses yeux menaçants sortaient de
leurs orbites. Fr. Dámaso, d’un effort, se souleva mais le jeune homme, lui
prenant le cou, le secoua jusqu’à ce qu’il l’eût plié à genoux.

—Señor de Ibarra! Señor de Ibarra! balbutièrent quelques assistants.

Mais personne, même l’alférez, ne se risquait à s’approcher; ils voyaient le


couteau briller, ils calculaient la force de Crisóstomo, décuplée par la
colère. Tous se sentaient paralysés.

—Vous tous, ici, vous n’avez rien dit! maintenant, cela me regarde! Je l’ai
évité, Dieu me l’apporte! que Dieu juge!

Le jeune homme respirait avec effort; mais son bras de fer maintenait
durement le franciscain qui luttait en vain pour se dégager.

—Mon cœur bat tranquille, ma main est sûre...

Et il regarda autour de lui.


—Avant tout, je vous le demande, y a-t-il parmi vous quelqu’un qui n’ait
pas aimé son père, qui ait haï sa mémoire, quelqu’un né dans la honte et
dans l’humiliation?... Vois, écoute ce silence! Prêtre d’un Dieu de paix, dont
la bouche est pleine de sainteté et de religion et le cœur de misères, tu ne
dois pas savoir ce que c’est qu’un père... tu aurais pensé au tien! Vois! dans
toute cette foule que tu méprises il n’y en a pas un comme toi! Tu es jugé!

Ceux qui l’entouraient, croyant qu’il allait frapper, firent un mouvement.

—N’approchez pas! cria-t-il de nouveau d’une voix menaçante. Quoi? Vous


craignez que je ne tache ma main d’un sang impur? Ne vous ai-je pas dit
que mon cœur battait tranquille? Loin de nous, tous! Écoutez, prêtres, juges,
qui vous croyez différents des autres hommes et vous attribuez d’autres
droits! Mon père était un homme honorable, demandez-le à ce pays qui
vénère sa mémoire. Mon père était un bon citoyen; il s’est sacrifié pour moi
et pour le bien de sa patrie. Sa maison était ouverte, sa table mise pour
recevoir l’étranger ou l’exilé qui recourait à lui dans sa misère! Il était bon
chrétien, toujours il a fait le bien, jamais il n’a opprimé le faible ni fait
pleurer le misérable... Quant à celui-ci, il lui a ouvert la porte de sa maison,
l’a fait asseoir à sa table et l’a appelé son ami. Comment cet homme lui a-t-
il répondu? Il l’a calomnié, il l’a poursuivi, il a armé contre lui l’ignorance;
se prévalant de la sainteté de son emploi, il a outragé sa tombe, déshonoré
sa mémoire, sa haine a troublé même le repos de la mort. Et non satisfait
encore, il poursuit le fils maintenant! Je l’ai fui, j’ai évité sa présence...
Vous l’entendiez ce matin profaner la chaire, me signaler au fanatisme
populaire, et moi, je n’ai rien dit. A l’instant, il vient ici me chercher
querelle; à votre surprise, j’ai souffert en silence; mais voici que, de
nouveau, il insulte une mémoire sacrée pour tous les fils... Vous tous qui
êtes ici, prêtres, juges, avez-vous vu votre vieux père s’épuiser en
travaillant pour vous, se séparer de vous pour votre bien, mourir de tristesse
dans une prison, soupirant après le moment où il pourrait vous embrasser,
cherchant un être qui lui apporte une consolation, seul, malade, tandis que
vous à l’étranger...? Avez-vous ensuite entendu déshonorer son nom, avez-
vous trouvé sa tombe vide quand vous avez voulu prier sur elle? Non? Vous
vous taisez, donc vous le condamnez!
Il leva le bras. Mais une jeune fille, rapide comme la lumière, se jeta entre
le prêtre et lui et, de ses mains délicates, arrêta le bras vengeur: c’était
Maria Clara.

Ibarra la regarda d’un œil qui semblait refléter la folie. Peu à peu ses doigts
crispés s’étendirent, il laissa tomber le corps du franciscain, abandonna le
couteau, puis se couvrant la figure de ses deux mains, s’enfuit à travers la
multitude.

1 En français dans le texte.—N. des T.


2 Prononciation espagnole.—N. des T.
3 Sorte de pochette faite d’étoffe indienne; cette étoffe porte en français le nom de calicot.—N.
des T.
4 Dillenia philippinensis.—N. des T.
5 Ugenia semihastata.—N. des T.
6 Corruption de comadre, commère; cumpare est une corruption semblable de compadre,
compère.—N. des T.
7 Jeu de mot impossible à rendre en français: Quien necesite de peritos es un perrito!—N. des T.
XXXV
Commentaires
Le bruit de l’événement se répandit bien vite dans le pueblo. D’abord
personne ne voulait y croire, mais quand il n’y eut plus moyen de douter, ce
furent des exclamations de surprise.

Chacun, selon le degré de son élévation morale, faisait ses commentaires.

—Le P. Dámaso est mort! disaient quelques-uns; quand on l’a emporté, il


avait déjà la figure inondée de sang et ne respirait plus.

—Qu’il repose en paix, mais il n’a que payé sa dette! s’écriait un jeune
homme. Ce qu’il a fait ce matin au couvent n’a pas de nom.

—Qu’a-t-il fait? Il a voulu battre le vicaire?

—Qu’a-t-il fait? Voyons! Racontez-nous cela.

—Vous avez vu ce matin un métis espagnol sortir par la sacristie pendant le


sermon?

—Oui, nous l’avons vu! Le P. Dámaso l’a bien regardé.

—Eh bien! après le sermon, il l’a fait appeler et lui a demandé pourquoi il
était sorti. «Je ne comprends pas le tagal, Père», répondit le jeune homme.

«Et pourquoi t’es-tu moqué de moi en disant que c’était du grec?» lui cria le
P. Dámaso en lui donnant un soufflet. L’autre riposta, ce fut une bataille à
coups de poings jusqu’à ce qu’on fût venu les séparer.

—Si cela m’arrivait.., murmura un étudiant entre ses dents.

—Je n’approuve pas ce qu’a fait le franciscain, répondit un autre, car la


Religion n’est ni un châtiment ni une pénitence et ne doit s’imposer à

Vous aimerez peut-être aussi