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LES SAVOIRS
TRADITIONNELS DU MAROC
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LES SAVOIRS
TRADITIONNELS DU MAROC
ETUDE
« A l’évidence, nous ne pourrons relever les défis internes
et externes que si nous allions esprit d’initiative et
résilience. Il nous sera ainsi possible de consolider la
stabilité sociale, d’améliorer la condition de la femme et
de la famille, de renforcer les capacités de l’économie
nationale. » (….)
Rabat
30/07/2022
Le Réseau des femmes artisanes du Maroc DAR MAALMA
est une association à but non lucratif,
créée le 30 mai 2008, sous la présidence effective de
Son Altesse Royale la Princesse Lalla Meryem.
Adresse : Appart 1 immeuble ibn nafis rue ibn Aïcha Gueliz Marrakech
Téléphone : +212660803210
DAR_MAALMA
DESARTISANESFABULEUSES
LES SAVOIRS TRADITIONNELS DU MAROC-AUTONOMISATION, LEADERSHIP ET
PROMOTION DES DROITS DES FEMMES – ÉTUDE RÉALISÉE PAR LE RÉSEAU DES FEMMES
ARTISANES DU MAROC- REFAM DAR MAALMA DANS LE CADRE DES PROJETS
KARAMA ET NISSAE MAGHREBIATE.
Remerciements
Nous tenons à remercier :
Pour leur contribution :
Madame Fateme-Zohra AMOR, Ministère du tourisme, de l'artisanat et de l'économie
sociale
Madame Awatef HAYAR, Ministère de la Solidarité, de l’Insertion sociale et de la Famille
Dr Fadwa RIH, chef de la division des affaires féminines - ministère de la jeunesse, de la
culture et de la communication.
Madame Saloua Tajri, Directrice de la Promotion de l’Économie Sociale et Responsable
du Programme de l’Économie Sociale- Ministère du Tourisme, de l'Artisanat et de
l'Économie Sociale et Solidaire
L’Académie des arts traditionnels
L’UNESCO
Monsieur Abdelaziz El Idrissi, Fondation nationale des musées du Maroc - Directeur du
musée Mohammed VI d’art moderne
Dr Ahmed Farid Mrini, Président de l’association des amis de Fatema Mernissi
Madame Fatiha Saidi, Autrice - militante pour les droits de l’homme et ancienne
sénatrice élue directement par le collège électoral français
Monsieur Eric Thibush, créateur, Maison Haute Couture Parisienne Eric Tibusch –
Directeur artistique Dar Maalma
Monsieur Franck Clère, journaliste mode. Président de la semaine des femmes artisanes
marocaines à Paris.
Madame Bahia Bejar-Ghadhab. Fondatrice de PIQ. Experte en stratégie de
développement.
Madame Sophia Mikou. Designer
Et toutes les femmes artisanes de Dar Maalma
Pour leur soutien :
L’Ambassade du Canada
OXFAM MAROC
Le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH).
Sommaire
Avant-propos 3.3 Intervention des partenaires
Introduction : internationaux
Le Royaume du Maroc cultive et encourage 3.3.1 Eric Thibush : créateur, Maison Haute
le savoir exprimé par des milliers de Couture Parisienne Eric Tibusch – Directeur
femmes ingénieuses artistique Dar Maalma
Mission de l’étude 3.3.2 Franck Clère, journaliste mode.
Susciter une réflexion au sein de la société Président de la semaine des femmes
marocaine entre les différentes parties artisanes marocaines à Paris. Secrétaire
prenantes. général de la maison des métiers de
Méthodologie de l’étude l’artisanat de Paris
Approche participative 3.3.3 Bahia Bejar-Ghadhab. Fondatrice de
Chapitre 1 : Les femmes détentrices du PIQ. Experte en stratégie
savoir traditionnel : les artisanes 3.4 Des O.N.G
1.1 Qui est la femme artisane ? 3.4.1 II Farid Mrini. Président de l’association
1.2 Un arrêt sur image sur le secteur de des amis de Fatema Mernissi
l’Artisanat Marocain 3.4.2 Fatiha Saidi : Autrice — militante pour
Chapitre 2 : Une chaîne de transmission les droits de l’homme — ancienne sénatrice
en rupture ? élue par le collège électoral français
Chapitre 3 : Avis des parties prenantes et 3.5 Des exemples louables... à suivre
des experts 3.5.1 L’Académie des arts traditionnels
3.1 Interventions des différents ministères 3.5.2 L’UNESCO
3.1.1 Madame Fateme-Zohra AMOR. 3.5.3 Sophia Mikou. Designer de mode et
Ministère du tourisme, de l'artisanat et de créatrice de la marque éponyme.
l'économie sociale et solidaire Chapitre 4 : Témoignages : dernières
3.1.2 Madame Awatef HAYAR. Ministère de la détentrices du savoir et designers
Solidarité, de l’Insertion sociale et de la 4.1 Ainsi, elles ont défini leur artisanat…
Famille 4.2 De Timoumint à Mounira ; poterie Région
3.1.3 L’entraide nationale et les foyers du Rif
féminins : deux structures peu reconnues 4.3 Mhijiba Nouflali : Khaima ; Fabrication de
malgré leurs rôles dans la transmission. nattes et tentes pour nomades
3.1.4 Dr Fadwa RIH, chef de la division des 4.4 Amal Sordou, la Broderie du nord
affaires féminines - ministère de la Chapitre 5 : Résultats et analyse de
jeunesse, de la culture et de la l’Enquête
communication. Chapitre 6 : Recommandations
3.2 Intervention des organismes Synthèse finale
nationaux Présentation
3.2.1 Dr Saida Mahir : Directrice de la OXFAM
coopération Internationale à l’agence de Réseau des femmes artisanes du Maroc -
l’orientale Refam Dar Maalma
3.2.2 Abdelaziz El Idrissi, Fondation nationale
des musées du Maroc - Directeur du
musée Mohammed VI d’art moderne
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Ibn Arabi dira dans son livre Al-Futûhât al-Makkiya :
« La femme est le plus beau des miroirs pour réfléchir la splendeur divine. »
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Avant- propos :
Nous avons choisi de titrer notre étude « Les Savoirs Traditionnels du Maroc : Autonomisation,
Leadership et Promotion des Droits des Femmes ». Ce choix reflète le profond engagement du
Réseau des Femmes Artisanes du Maroc - Refam Dar Maalma, résultant d'une observation
minutieuse du travail de terrain mené de manière ininterrompue depuis 2007 avec des femmes
détenant un savoir traditionnel, issues des douze régions du Maroc.
L'objectif de cette étude est de mettre en lumière le lien stratégique entre le savoir de ces femmes, le
développement socio-économique et le développement durable, tant au niveau individuel que local,
voire national. Chaque produit façonné par ces femmes incarne un ancrage profondément humain,
accompagné d'une dimension économique répondant à des besoins financiers essentiels.
Le savoir détenu par des milliers de femmes à travers tout le Maroc n'est pas acquis au sein
d'institutions de formation aux métiers ancestraux. Il émerge plutôt au sein du groupe et de la
famille, s'épanouissant et se perpétuant de génération en génération. Cet acquis n'est pas
simplement un outil de travail, mais également un moyen de subsistance et souvent la seule
possibilité existante pour gagner sa vie.
Ces femmes artisanes sont de véritables actrices économiques, non seulement pour leurs enfants,
leurs familles, leurs villages et villes, mais aussi, dans l'ensemble, pour notre nation, le Maroc. Leur
créativité transcende toutes les limites, trouvant son expression dans leur cheminement vers la
"KARAMA", la Dignité.
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Introduction :
Le Royaume du Maroc cultive le savoir exprimé par des milliers de femmes ingénieuses.
Il est indéniable que parmi les sources de fierté nationale au Maroc, le savoir détenu par
les générations de femmes occupe une place prépondérante. Pendant des siècles, ce
savoir a été jalousement préservé et généreusement transmis, jouant un rôle crucial dans
l'économie du pays. Il s'inscrit dans une tradition séculaire. Il n'y a que quelques années, il
répondait largement aux besoins de la société marocaine et s'intégrait de manière
harmonieuse dans le tissu économique, social et environnemental de la communauté.
L’usage de ce savoir obéissait à une démarche rigoureuse et organisée qui faisait usage
de tadbir ()ﺗﺪﺑﻴﺮ. Les activités se déroulaient dans le cadre de corporations structurées par
métier et gérées par des personnes dignes de confiance : les Amine ( )اﻣﻴﻦet Mouhatassib
()ﻣﺤﺘﺴﺐ. Le savoir traditionnel, appelé également artisanat, que détiennent les femmes
du Maroc est un lien qui unit le sommet des montagnes aux étendues des plaines, le sable
des bords des mers à celui du fond des oasis, des patios des Riads des médinas
impériales aux salons des maisons des villes modernes. Tout le Maroc hume le savoir
exprimé par des femmes, ingénieuses, inventives, créatives, fabuleuses, travailleuses et
courageuses. Il représente une réelle richesse nationale et un outil économique. Mais est-il
réellement optimisé ? Cette manne inimaginable du savoir et de dextérité détenue par des
générations et des générations ne pourrait-elle pas jouer un rôle important dans le
développement socio-économique du Maroc ? Dans le langage traditionnel, nous
appelons ce savoir « HARFA » اﻟﺤﺮﻓﺔqui veut dire métier, donc moyen pour gagner sa vie.
Ce sont des milliers de femmes qui détiennent différentes « HARFAT », appelées femmes
artisanes. Avec une abnégation absolue, elles brodent, tissent, tannent, pétrissent pour
subvenir aux besoins, souvent primordiaux de leur famille. La confection de ces œuvres
magistrales exige du goût, de l’imagination, de l’originalité, de l’habileté, du temps et de
l’effort, mais aussi une grande maîtrise technique qui ne peut s’acquérir que par de
longues séances d’apprentissage qui débutent généralement à un âge assez précoce[1].
Car, de la broderie à la Chebka, du Caftan au Bijou, du Tapis au Hanball, de la Poterie au
Cuir, du Bzioui, ou Saissi à Tadarrazt, de la Vannerie à la Passementerie, chaque objet
possède une fonction utilitaire, une fonction esthétique et une valeur marchande. Chaque
objet raconte l’histoire des femmes du Maroc, ou le Maroc des femmes. Une histoire tissée
entre femmes citadines et femmes rurales ; chacune avec ses spécificités, avec son
talent, son vécu, ses luttes et ses sacrifices, etc. Mais également avec ses joies et ses
peines. Dans leur diversité, elles nouent les liens d’amitié et de complicité.
[1] Nous reviendrons plus en détail sur ce point, pour expliquer la présence de jeunes (parfois des enfants) dans
ce métier.
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Elles composent le Maroc dans ses dimensions sociale, culturelle, traditionnelle, affective,
spirituelle, mais surtout économique : un Maroc qui bouge et évolue sans cesse. Mais est-
ce véritablement avec elles ? Ces femmes de talents ont-elles réellement la place qu’elles
méritent ô combien, dans une société qui ne pourrait ni ne saurait faire sans elles ?
Jusqu'à présent, la transmission de ce savoir s'est uniquement faite de manière orale,
passant de génération en génération, de mère en fille, de village à village, et ainsi de suite.
Les actuelles dépositaires de ces connaissances ont atteint un stade avancé de leur
existence, tandis que les jeunes, du fait de la sous-estimation des richesses inhérentes aux
"HARFAT", manifestent peu d'enthousiasme pour son apprentissage et encore moins pour
sa mise en pratique. En l'absence d'une intervention immédiate, ne sommes-nous pas
exposés au danger de voir ce savoir ancestral disparaître irrémédiablement au cours de
la décennie à venir ?
[2] Le 8 septembre 2023, un tremblement de terre de magnitude 7 a frappé le Maroc. Son épicentre était dans la
région de Haouz à 70 km au sud de Marrakech.
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Comment pouvons-nous concevoir, à l'aube de 2024, dans le Maroc du TGV, des stations
Noor, des autoroutes, de la Tour la plus haute d’Afrique, du Port Tanger Med, et de toutes
les magnifiques réalisations découlant de la volonté de la plus haute autorité de l’État, que
des femmes détenant un savoir d'une créativité stupéfiante demeurent exclues du
système économique et ne soient pas reconnues en tant qu'actrices économiques ? Ces
femmes ne figurent tout simplement pas dans la nomenclature des métiers au Maroc. Le
Haut-Commissariat au plan explique ce fait par la difficulté à spécifier qui détient un
savoir traditionnel.
Mais l'indicible et l'inexplicable dans la situation actuelle sont que ce savoir a enrichi des
milliers d'intermédiaires. Il constitue une source d'inspiration pour de nombreuses
personnes à travers le monde. Il est même une manne de profit pour de nombreux
créateurs étrangers tels que Moroccan Touch, Trésors du Maroc, Moroccan Oil, etc. Et
même pour quelques Marocains qui agissent en tant qu'intermédiaires de manière
moderne, répondant aux exigences des consommateurs. Nous pouvons également citer
de nombreuses marques internationales qui s'inspirent de l'artisanat marocain dans leurs
créations. Zara Home, la marque espagnole, n'a pas hésité à reproduire les broderies des
draps marocains. De même, Elie Saab a présenté dans sa dernière collection (été 2023)
des œuvres largement inspirées du caftan marocain. Dior, dans son dernier défilé
(automne 2024), a mis en vedette le caftan marocain. De nombreux magasins, concept
stores ou autres, de toutes tailles, indépendants ou appartenant à des chaînes de
confections internationales, voient le jour un peu partout au Maroc et ailleurs. Certains
n'hésitent pas à emprunter des noms tels que Souk : marché, et y vendent des produits
issus des productions authentiques des femmes marocaines.
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le créateur Yves Saint Laurent commença alors à utiliser la couleur et beaucoup de ses
créations virent le jour sous influences marocaines. De fait, une multitude de marques
internationales, font la fortune de leurs promoteurs, avec un impact presque inexistant,
pour celles qui portent en elles et dans leurs gênes ces savoirs ancestraux ; les milliers de
femmes qui créent, travaillent, imaginent et réalisent de véritables œuvres !! d’art, ce sont
les femmes détentrices des savoirs traditionnels : les artisanes marocaines !
Comment justifier que ces femmes, dépositaires d'un capital de savoir extraordinaire,
riches en goût et en créativité, investissant temps et effort, demeurent majoritairement en
situation de précarité ? Le système a-t-il réussi à les intégrer dans un processus leur
permettant de gagner leur vie en harmonie avec leur travail ? Malgré tous les
programmes gouvernementaux tels que le Plan Maroc Vert lancé en 20083, le Programme
de Réduction des Disparités Territoriales et Sociales en Milieu Rural (PRDTS 2017-2023) 4, les
différentes stratégies touristiques comme Maroc Vision 2015, 2020, et celle en cours pour
2030, ainsi que la vision 2015 dédiée au secteur de l'artisanat5, et actuellement la vision
2022-2030, l'Initiative Nationale du Développement Humain avec ses différentes phases6,
et le programme national intégré pour l'autonomisation7 économique des femmes lancé
en grande pompe en 2020 en vue de l'horizon 2030, ont-ils réussi, d'ici fin 2023, à préserver
la dignité des femmes artisanes en intégrant leur travail dans le circuit économique local
et national ?
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Mission de l’étude :
Susciter une réflexion au sein de la société marocaine entre les différentes parties
prenantes.
Afin de pleinement appréhender la problématique persistante de la situation socio-
économique des milliers de femmes dépositaires des savoirs traditionnels, notre
démarche a consciemment impliqué un éventail étendu d'acteurs, directement ou
indirectement liés à cette chaîne de production, dont la source fondamentale demeure le
savoir traditionnel millénaire.
Il est regrettable de constater que cette richesse est actuellement en voie de déperdition
inéluctable, mettant en évidence l'urgence de prises de mesures rapides et efficaces pour
préserver ce patrimoine essentiel.
Notre mission fondamentale consiste à mettre en lumière les obstacles qui entravent :
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Méthodologie de l’étude :
Approche participative
La présente recherche est faite, dans une approche participative, avec les femmes
détentrices de savoirs. Ella a pris naissance particulièrement pour ces femmes, elles sont
donc partie prenante, co-auteures et co-responsables des résultats de cette étude. Nous
avons l’espoir qu’elles bénéficieront, d’une manière spéciale des retombées des
recommandations qui seront menées aussi par elles sur le terrain.
Cinq étapes ont constitué le déroulement de cette étude et, voici lesquelles :
Dans la réalisation de cette étude, nous avons jugé opportun de collaborer et d'associer à nos efforts
plusieurs partenaires actifs ou ayant une implication directe ou indirecte dans ce domaine. Nous avons pu
mobiliser des partenaires issus du secteur associatif, de la société civile, des auteurs, des organismes
éducatifs, ainsi que des organismes de tutelle, sans oublier de mentionner le REFAM DAR MAALMA et ses
membres.
Cette étape se concentre sur une étude documentaire de ce qui a déjà été réalisé dans le secteur au niveau
national. Elle a été enrichie par l'inclusion d'activités, d'actions, etc., entreprises dans d'autres pays à fort
potentiel artisanal, à l'instar du Maroc.
Nous n'aurions pas entrepris cette étude sans l'implication active d'artisanes issues de différentes régions.
Ainsi, nous avons concrétisé cette étape par un sondage mené auprès de 1000 artisanes issues du Réseau
des Femmes Artisanes – Dar Maalma. L'objectif était de comprendre de manière approfondie leurs situations
et leurs préoccupations, faisant ainsi de cette étude leur porte-parole.
Suite à l'administration des questionnaires auprès de la population d'artisanes du REFAM, nous avons
procédé au dépouillement des formulaires remplis. Cette phase vise à établir un constat et une synthèse des
données recueillies auprès des principales concernées.
Dernière étape de l'étude, elle vient clore l'ensemble des travaux par :
Sept recommandations émanant de DAR MAALMA ;
Des projections ou anticipations sur les retombées de ces recommandations sur le développement de leurs
écosystèmes les plus proches, ainsi que leur impact à l'échelle nationale.
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Chapitre 1 : Les femmes dépositaires du savoir traditionnel : les artisanes
I.I Qui est la femme artisane ?
Le Réseau des Femmes Artisanes du Maroc, Réfam Dar Maalma, a accompagné jusqu'à
présent plus de 5000 femmes détentrices du savoir traditionnel, provenant des 12 régions
du Maroc. Avec une affirmation dénuée d'exagération ou de parti pris, nous pouvons
certifier que ces femmes sont véritables, authentiques, vivantes, joyeuses et enthousiastes.
Malgré la complexité de leur situation, elles rayonnent d'une énergie saine et contagieuse,
incarnant la foi sans fatalisme, la citoyenneté attachée à leur patrie, à ses fondements et
ses valeurs. Ce sont des femmes robustes dans leur fragilité, toujours dignes face à
l'adversité. Elles incarnent les dernières gardiennes d'un monde qui a presque disparu,
maintenu en vie uniquement par la volonté des dernières téméraires.
Leurs regards s'illuminent intensément lorsqu'elles évoquent leur travail, reflétant un désir
profond de vivre dans des conditions meilleures. Leurs aspirations ne se limitent pas à
elles seules, mais s'étendent à l'avenir de leurs enfants, avec une préoccupation marquée
pour assurer à leurs filles un destin plus prometteur. Leur labeur, bien qu’esthétique et
agréable, demeure éreintant, un véritable tableau vivant de couleurs et de
représentations. Chacune apporte sa touche personnelle et sa dose de créativité à ses
créations, contribuant à un univers riche imprégné de féminité. Mille et une facettes
caractérisent leur quotidien, forgé par l'environnement naturel dans lequel elles évoluent.
Pour elles, Mère Nature est sacrée, constituante de leur cadre immédiat, fournissant
matières premières et outils de travail. Elle représente également une source d'inspiration
constante. Par leurs gestes quotidiens, ces femmes démontrent leur conscience aiguë de
la valeur de la nature qui les entoure. Elles évoluent en totale harmonie avec elle, utilisant
les richesses offertes par la Terre Mère sans en abuser. Rien n'est gaspillé et… tout se
transforme ! Ces femmes possèdent une faculté remarquable à vivre chaque moment de
manière intense et positive. Elles insufflent de la magie et de la féerie dans les objets les
plus ordinaires. Leurs créations, authentiques et ingénieuses, ont joué un rôle crucial dans
le maintien des populations sur leur terre au fil du temps. Leurs talents créatifs ne se
limitent pas à leur subsistance, ils contribuent également à assurer la cohésion des
familles, des villages, des régions et du pays. Le travail assidu de ces milliers de femmes
artisanes représente un véritable levier pour le développement durable. En maintenant la
production de milliers de produits, elles incarnent un lien stratégique essentiel pour notre
avenir. Bien que leur travail soit parfois sous-estimé, il représente un processus
dynamique et naturel qui préserve la terre et les êtres humains.
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Le terme "artisanat" porte en lui le mot « Art » défini par le Larousse comme une habitude
de faire quelque chose, un ensemble de moyens, de procédés, de disciplines consacrées
à la beauté des lignes et des formes. En d'autres termes, il s'agit d'une composition
d'activités humaines créatives. Ces définitions trouvent une application concrète chez les
femmes dépositaires des savoirs traditionnels, pratiqués par des milliers d'artisanes à
travers toutes les régions du Maroc. Leur travail est un acte qui incarne la VIE et reflète
également la terre elle-même.
Chaque ouvrage réalisé par ces femmes représente une démarche personnalisée,
vénérée et saluée. L'artisane, au corps purifié, donne vie à sa création au gré de son
inspiration. Chaque assemblage est unique, chaque broderie exceptionnelle, chaque
tissage insolite, chaque vannerie originale, et chaque poterie précieuse. Ce sont des
œuvres de charme, façonnées avec de la laine, du coton, des étoffes, de la soie, du rafia,
de la halfa, de la terre et du feu ! Le travail de ces milliers de femmes n'est pas et ne sera
jamais industriel. C'est la magie des doigts et la passion de l'âme et de l'authenticité qui
donnent naissance à ces pièces uniques.
Les femmes, à travers leurs diverses créations, engendrent des produits authentiques qui
sont résolument des œuvres artistiques. Ces ouvrages équilibrés naissent d'une série
d'actes rythmés par un rituel de chants, de mélodies, de contes, de poésies, de danses, de
croyances... et surtout par un amour profond et une incroyable passion pour le beau, le
parfait, l'exceptionnel qui font la renommée de la grande Maalma, réputée pour sa
maîtrise et son savoir-faire.
La première valeur inhérente aux femmes artisanes réside dans leur passion pour la
création manuelle et leur attachement profond à la tradition. Cette passion se transmet à
travers les âges, des grands-mères aux mères, des mères aux filles, d'une génération à
l'autre et de siècle en siècle. Lorsqu'elles subliment leurs œuvres, elles pensent rarement à
la rémunération, au coût de revient, à la rentabilité, au capital, à l'optimisation du temps et
de l'effort. Ces notions chères aux capitalistes sont loin de leurs préoccupations, bien
qu'elles devraient en tenir compte sérieusement.
Ces femmes fabriquent des objets par amour, prenant leur temps, une notion essentielle
pour elles. Elles ne produisent pas, elles créent. Il est presque impossible pour elles de
concevoir un article rapidement. Leur rythme est personnel et circonstanciel, conférant
ainsi aux rendus leur aspect précieusement unique.
Chaque femme, à travers son ouvrage, écrit sa vie, raconte sa journée, son quotidien, sa
joie, sa peine, son angoisse, sa peur, sa révolte et sa colère. Alors que nous utilisons un
stylo, ou plutôt un clavier actuellement, pour écrire et nous exprimer, ELLES utilisent une
aiguille ou un métier à tisser, avec du fil, de la laine, de la soie, de la terre, pour inscrire
leurs lettres sur des mètres et des mètres de tissu, des étendues de broderies, des milliers
de tapis, des longueurs de Gnaa, des surfaces de Hanbel, des volumes de soie, des
quantités de jarres.
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ELLES, les femmes artisanes marocaines,
méritent une seule définition : ADMIRATION !
Pour connaitre ces femmes exceptionnelles faisons un arrêt sur le secteur de l’artisanat
marocain. Selon la publication annuelle (1) datée du 1er novembre 2023 du HCP – Chiffres
de 2022 -, les femmes dépassent les 50% de la population nationale. 21,3% de la
populations active occupée est constituée de femmes. Et d’ajouter que :
1.Les artisans, ouvriers qualifiés (sauf ouvriers de l’agriculture) des actifs occupés selon la
profession et le sexe cumulent un taux de 19,6% dont 10,6% sont des femmes ;
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Ces femmes aussi nombreuses soient-elles, ne figurent pas dans la nomenclature des
métiers au Maroc[5]. L'absence de l'artisanat dans la nomenclature des métiers au Maroc
peut être due à plusieurs facteurs, selon des responsables qui ont demandé l’anonymat.
-D’autres métiers, tel coiffeur, pâtissier, la pêche, etc. Sont considérés relevant du secteur
de l’artisanat
Selon les rapports publiés entre Avril et octobre 2023 par la Maison de l’Artisan
s’intéressant aux 4 secteurs de l’artisanat, grands exportateurs – chiffres de l’an 2022 -
dont ceux qui font parties des priorités de la stratégie 2030, du ministère de tutelle révèlent
les résultats suivants :
[5] la nomenclature des métiers est souvent établie pour des raisons administratives, fiscales et de planification
économique. Elle vise à organiser et à classer les métiers et les professions pour diverses fins, notamment la
collecte de données, la réglementation, la taxation et la planification de l'emploi
21
Deuxième famille à l’export en 2022 :
TAPIS. (Date de parution du rapport : Septembre 2023)
·Principal importateur : les USA avec un C.A de 126,8 MDH
·L’Angleterre avec un C.A de 4,9 MDH enregistre le taux de croissance annuel le plus élevé
sur les 5 dernières années : 41%
·Les consommateurs de ces marchés sont satisfaits à 95%
Dans un article de la MAP repris par le site 2M.ma daté du 05 décembre 2022, le chef de
gouvernement confirme que le secteur de l’artisanat contribue à hauteur de 7% au PIB
national. Au 30 mars 2023, les exportations des produits artisanaux ont dépassé la barre
du milliard de DH, soit une croissance de 15% par rapport à 2021 (Source : le journal ALM) et
les tendances de 2023 sont très prometteuses. Elles sont estimées entre 1,2 à 1,5 milliards
de DH.
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La lecture suggère que le secteur de l'Artisanat non seulement traverse des années
prospères, mais promet également des perspectives encore meilleures, compte tenu des
estimations de potentiel annoncées pour 2023 et des taux de croissance à deux chiffres
enregistrés au cours des dernières années. Cependant, des interrogations subsistent.
Examinons de près quelques autres données. Précisons que les filières à fort potentiel, et
ce d’après, le ministère de tutelle, sont contenus dans trois groupes :
Notons que les trois groupes générant des valeurs significatives pour le secteur
comprennent des filières où les femmes jouent un rôle central : Tapis, Vannerie, Tissage
hors tapis, bijouterie, textile et habillement, et également la poterie. La question qui se pose
alors est la suivante : Quelle est la situation de ces femmes, riches et ingénieuses du fait
de leur patrimoine ancestral, non seulement prisé et sollicité par les consommateurs
importateurs à travers le monde, mais aussi fortement apprécié par les touristes
étrangers et une part importante de la population marocaine ?
Bien que ces statistiques fournissent une base d'information, notre quête d'une
compréhension approfondie demeure insatisfaite. Malheureusement, l'accès à des
statistiques en temps réel et à des données spécifiques, telles que le nombre, l'âge, la
situation familiale, le revenu, et d'autres informations détaillées sur les femmes
marocaines travaillant dans l'artisanat, nous échappe.
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Chapitres 2 : une chaîne de transmission en rupture ?
Cependant, cette transmission millénaire est aujourd'hui confrontée à des défis majeurs.
La désaffection des jeunes générations pour les traditions anciennes, la migration vers des
environnements urbains, la perte de locuteurs de langues autochtones, l'impact de la
modernité et de la mondialisation menacent sérieusement la survie de ces savoirs
traditionnels, qui jouent un rôle essentiel dans le maintien de l'identité culturelle.
insi, cette recherche initiative s'épanouit en une force puissante, visant à transcender les
limites socio-économiques des artisanes. Elle se dresse fièrement en tant que rempart et
plaidoyer dédié à préserver et magnifier les trésors immatériels, les savoirs innombrables
et les façons d'être uniques, détenus par une population féminine marocaine qui se
distingue par son exceptionnalité.
Cette population, tissée dans la trame multicolore des arts et des métiers, rayonne d'une
richesse inégalée. Sa diversité embrasse des domaines multiples, offrant une palette
éblouissante de talents et de compétences. Les femmes qui la composent ne se
contentent pas de créer ; elles tissent des liens profonds avec leur environnement,
façonnant l'espace qui les entoure de manière magistrale.
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Ainsi, cette recherche initiative s'épanouit en une force puissante, visant à transcender les
limites socio-économiques des artisanes. Elle se dresse fièrement en tant que rempart et
plaidoyer dédié à préserver et magnifier les trésors immatériels, les savoirs innombrables
et les façons d'être uniques, détenus par une population féminine marocaine qui se
distingue par son exceptionnalité.
Cette population, tissée dans la trame multicolore des arts et des métiers, rayonne d'une
richesse inégalée. Sa diversité embrasse des domaines multiples, offrant une palette
éblouissante de talents et de compétences. Les femmes qui la composent ne se
contentent pas de créer ; elles tissent des liens profonds avec leur environnement,
façonnant l'espace qui les entoure de manière magistrale.
Cette initiative exceptionnelle transcende ainsi la simple création d'objets ; elle s'inscrit
comme une œuvre majeure dans le tableau de la préservation culturelle et du
développement durable. En honorant ces artisanes, nous célébrons une communauté de
femmes visionnaires, capables d'harmoniser leur action avec leur milieu, d'embellir leur
quotidien et de contribuer à l'épanouissement de leur communauté.
Il est crucial de reconnaître que cette population féminine d'exception n'est pas seulement
la gardienne de traditions millénaires, mais aussi une force transformative. Elle est un
catalyseur, capable d'impulser un changement positif dans sa sphère d'influence, de
modeler son environnement et de participer activement au développement de son
entourage.
In fine, cette initiative s'avère être bien plus qu'une simple expression artistique ; elle
incarne une démarche holistique, un engagement vibrant en faveur de l'autonomisation
et de l'épanouissement de ces femmes exceptionnelles. En unissant leurs talents, ces
artisanes deviennent les artisanes d'un avenir radieux, où la richesse culturelle et le
développement durable se rencontrent harmonieusement.
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Chapitre 3 : Avis parties prenantes et experts
Pour solliciter l’avis de différents opérateurs et partenaires, nous avons préparé trois
questions et avons sollicité leurs réactions pour ces trois questions déterminantes :
Question 3 : Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour améliorer la situation
socio-économique de nos femmes artisanes une fois cette chaîne améliorée ?
L’artisanat est un secteur doublement important, d'abord en raison de son impact sur la
création d'emplois, mais également pour la préservation du patrimoine culturel de notre
pays. Ainsi, la transmission du savoir-faire artisanal revêt une importance capitale pour le
Maroc.
La chaîne de transmission est loin d'être rompue. Au contraire, elle est de plus en plus
renforcée, notamment à travers le dispositif de formation actuel. Je voudrais partager
avec vous quelques exemples :
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Plus de 60 filières de formation, couvrant un large éventail de métiers tels que la
poterie et la céramique, la menuiserie, la bijouterie, la tapisserie, la maroquinerie, les
métiers traditionnels du bâtiment, et bien d'autres ;
Plusieurs niveaux de formation professionnelle allant du Certificat d'Apprentissage
Professionnel au niveau de technicien spécialisé, permettant aux apprentis de
développer des compétences adaptées à leur choix de carrière.
En parallèle à la formation initiale, le dispositif offre également une formation continue aux
artisans en exercice ou en cours d’emploi, afin de leur permettre d’être en phase avec les
dernières tendances en matière de design et de s'améliorer constamment pour être
compétitifs dans un marché très concurrentiel. Les femmes artisanes sont présentes dans
l’ensemble des chantiers ouverts et bénéficient de toutes les actions de formation, de
valorisation et de renforcement des compétences. D'ailleurs, les jeunes filles en formation
initiale représentent même un taux très important de 61%.
Nous sommes convaincus qu’une femme autonome et accomplie est le gage d’une
famille heureuse, d’une communauté épanouie et, à terme, d’une société développée. Par
conséquent, son inclusion économique doit être à la hauteur de son véritable potentiel.
Nous pensons que l’entrepreneuriat social apporte une solution concrète à
l’autonomisation des femmes et fondons de grands espoirs sur les coopératives féminines
d’artisanat.
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C’est pourquoi nous investissons massivement en elles avec nos partenaires régionaux,
nationaux et internationaux. Notre objectif est de renforcer les capacités des femmes
artisanes à travers des programmes de formation et d’appui à l’innovation, la
commercialisation et la digitalisation. La formation est donc la première étape vers
l’emploi des femmes artisanes et vers leur intégration sur le marché du travail. Elle leur
permet d'acquérir des connaissances approfondies dans le domaine choisi, mettant
l'accent sur les techniques traditionnelles et les méthodes contemporaines. Les artisanes
ont aussi l'opportunité de développer leurs compétences pratiques, leur créativité et leur
sens artistique, tout en apprenant à utiliser les outils, les matériaux et les technologies
modernes utilisés dans l'artisanat.
Nous accordons une importance particulière à l'éducation financière, mettant l'accent sur
la promotion des bonnes pratiques dans ce domaine. Nous encourageons vivement les
acteurs de l'Artisanat à utiliser en toute confiance et responsabilité les services bancaires
disponibles, tels que les crédits, l'épargne, les modes de paiement et l'assurance. Dans
cette optique, nous avons établi plusieurs partenariats avec des institutions bancaires.
Ces collaborations visent à intégrer les artisans et artisanes dans le système financier en
leur proposant des offres adaptées et un accompagnement personnalisé, incluant
notamment une gestion spécifique pour les prélèvements et remboursements de l'AMO.
Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour améliorer la situation socio-
économique de nos femmes artisanes une fois cette chaîne améliorée ?
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3.1.2 Madame Awatef HAYAR Ministre de la Solidarité, de l’Insertion sociale et de la
Famille
Madame Awatef HAYAR, une experte de haut niveau en systèmes réseau, première
Marocaine diplômée d’Agrégation en génie électrique, Ingénieur en Systèmes et Réseaux
de Télécommunications, et détentrice d'un doctorat en Traitement du Signal et
Télécommunications de l’Institut National Polytechnique de Toulouse, orchestre une
révolution depuis son arrivée à la tête du ministère de la Solidarité, de l'Insertion Sociale et
de la Famille. Dotée d'un esprit cartésien propre à une scientifique chevronnée, elle a su
fédérer la stratégie du ministère autour d'une approche globale visant à soutenir l'activité
économique des femmes et à faire valoir leurs droits, en alignement avec le programme
gouvernemental visant à augmenter le taux d'activité économique des femmes à plus de
30% d'ici 2026, contre 20% actuellement.
Pour la mise en œuvre du concept GISR, le ministère déploie les efforts des différentes
structures sous sa tutelle, dont l’Entraide nationale, l’Agence de développement social
(ADS), et l’Institut national de l’action sociale (INAS). Cette expérience pilote offre une
gamme étendue de services, allant du service digital à l'innovation sociale, en passant par
l'incubateur social, la formation ciblée, et le renforcement des compétences.
Ces avancées positives devraient également bénéficier aux femmes artisanes, soulignant
l'importance du ministère de la Solidarité dans le déploiement d'actions en faveur de leur
autonomisation, tant sur le plan financier que social.
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3.1.3 L’entraide nationale et les foyers féminins deux structures aux rôles importants,
mais méconnus
L’entraide Nationale[6], placée sous la tutelle du ministère de la Solidarité, de l’action
sociale et de la famille joue un rôle important dans la transmission et la formation au
niveau de certains métiers de l’artisanat. Elle dispose de 70 centres répartis sur tout le
territoire nationale et forme chaque année XX apprentis. A l’instar des centres de l’entraide
nationale, les foyers féminins relèvent du ministère de la jeunesse, de la culture et de la
communication, jouent tout aussi jouent un rôle important dans la formation,
apprentissage et transmission du savoir des métiers de l’artisanat.
Quelles sont, à votre avis les raisons pour lesquelles, la chaîne de transmission de nos
trésors culturels artisanaux est en rupture ?
Le secteur artisanal au Maroc fait face à plusieurs défis qui entravent son plein potentiel.
Tout d'abord, le manque de commercialisation et de médiatisation constitue un obstacle
majeur. Les produits artisanaux, bien que riches en savoir-faire et en authenticité, peinent
souvent à atteindre un public plus large en raison d'une visibilité limitée sur les marchés
nationaux et internationaux. En outre, le prix élevé des produits artisanaux dissuade parfois
les consommateurs potentiels, ce qui limite la demande pour ces œuvres exceptionnelles.
Enfin, la concurrence féroce des produits d'importation exerce une pression
supplémentaire sur le secteur artisanal local, compromettant sa compétitivité.
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Pour surmonter ces défis, des initiatives visant à renforcer la commercialisation, à ajuster
les prix de manière stratégique et à promouvoir la qualité distinctive des produits
artisanaux pourraient jouer un rôle crucial dans le développement durable de ce secteur
précieux.
Pour stimuler le secteur artisanal, une approche holistique s'impose. Tout d'abord, il est
impératif d'encourager et de médiatiser l'achat des produits artisanaux tant au niveau
national qu'international. Cette démarche vise à accroître la visibilité des créations
exceptionnelles des artisans marocains, favorisant ainsi une demande accrue et une
reconnaissance mondiale de leur savoir-faire unique.
Parallèlement, la modernisation des produits artisanaux est essentielle pour les adapter
aux tendances actuelles. Introduire des couleurs, des motifs et des coupes contemporains
permettra d'attirer un public plus large, notamment les jeunes générations, tout en
préservant l'authenticité et la qualité des créations artisanales.
Enfin, l'amélioration de la chaîne de production des produits artisanaux est cruciale. Cela
passe par la lutte contre l'exploitation des femmes artisanes, garantissant ainsi des
conditions de travail équitables et contribuant à la baisse des coûts du produit final. Une
telle approche non seulement renforce l'intégrité sociale du secteur artisanal mais
contribue également à créer des produits plus durables et éthiques, répondant ainsi aux
attentes croissantes des consommateurs soucieux de l'impact social et environnemental
de leurs achats.
Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour améliorer la situation socio-
économique de nos femmes artisanes une fois cette chaîne améliorée ?
L'accompagnement des femmes artisanes à toutes les étapes de leur projet est crucial
pour assurer leur succès dans le secteur artisanal. Ce soutien doit être holistique et
diversifié, couvrant le lancement, la planification, l'exécution, le suivi et la clôture des
projets. Plusieurs modalités d'accompagnement peuvent être instaurées tout au long de
ce processus.
Tout d'abord, il est essentiel d'inculquer aux femmes artisanes l'esprit de créativité et
d'innovation, les encourageant à penser en dehors des sentiers battus (Thinking out of the
box). De plus, les aider à élaborer un business plan solide pour leur projet constitue une
étape cruciale, renforçant leur vision stratégique et leur planification à long terme.
[6] Créée en 1957 sous la forme d'un établissement privé à caractère social et reconnu d'utilité publique. Elle a
ensuite été transformée en un établissement public jouissant de la personnalité civile et de l'indépendance
financière
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La phase de commercialisation nécessite un soutien actif, que ce soit à travers des
expositions, des plateformes de commerce électronique, ou d'autres canaux de vente. La
recherche d'ONG et de bailleurs de fonds disposés à appuyer ces femmes dans leur
démarche entrepreneuriale est également une démarche stratégique.
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3.2 Intervention des organismes nationaux
3. 2. 1 l’agence de l’oriental
Dr Saida Mahir Directrice de la coopération internationale.
Une abnégation absolue depuis 2008/2009.
L’agence de l’oriental est partenaire institutionnel du Refam Dar Maalma depuis 2009.
Grâce à son soutien et à un travail collaboratif étroit, nous avons réussi à encadrer plus de
500 femmes artisanes de l'Oriental, parmi lesquelles certaines n'avaient même pas le droit
de sortir ou de voyager seules. La démarche mise en œuvre par l'agence, sous la direction
engagée de Monsieur Mohamed Mbarki et avec une équipe entièrement dévouée à la
cause des femmes artisanes, a produit des résultats extrêmement positifs. Ensemble, nous
avons contribué à transformer la condition socio-économique d'un nombre significatif de
femmes, établissant des modèles de réussite, préservant des savoir-faire (Blouza Oujdia,
Halfa et vannerie, tapis de Figuig), et surtout apportant le bonheur aux femmes dans leur
travail.
C’est une responsabilité partagée : aussi bien auprès des institutions étatiques,
Organismes internationaux (UNESCO, ICCESCO, etc.), ONGs, coopératives, mono-artisanes
et Médias. Le Réfam en qualité d’ONG qui milite pour protéger les intérêts des femmes
artisanes marocaines sur différents niveaux, doit mobiliser les différents canaux de
sensibilisation sur l’importance de la sauvegarde du savoir-faire des membres du réseau ;
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Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour améliorer la situation socio-
économique de nos femmes artisanes une fois cette chaîne améliorée ?
Classer initialement selon la nature du métier (broderie, tissage, vannerie, poterie, couture,
etc.) et en fonction de l'âge des artisanes, évaluant le niveau de transmission de leur
savoir-faire dans leurs cercles restreints et élargis au sein de leurs communautés.
Motiver les dépositaires de ces savoirs et les transformer en mentors par catégorie.
Identifier les métiers susceptibles de disparaître, en coordination avec le ministère de
la Culture et de l'Artisanat.
Élaborer un programme de sensibilisation en collaboration avec les chambres clés, les
ministères de la Communication et du Tourisme.
Impliquer les ONG de la Diaspora dans ce processus de sensibilisation et de
transmission, en particulier auprès des jeunes Marocains établis à l'étranger.
La question cruciale qui se profile à mes yeux est celle de la réunion de tous les
départements concernés autour d'un projet commun. Rassembler les acquis, unir les
efforts. Le patrimoine, étant transversal, exige l'implication de tous les acteurs. Il est
essentiel de comprendre que la création des produits artisanaux, véritables œuvres d'art,
repose sur un schéma mental. Ce schéma doit être ravivé pour préserver ces métiers.
Prenons par exemple l'étoile à huit branches, également appelée "nejma boukhariya",
conçue initialement pour orner la salle du trône du palais royal avec ses huit branches
symbolisant les huit anges. Actuellement, elle est omniprésente, représentant une
véritable perte de référence. Un autre exemple est la broderie TAANJIRA de Tétouan,
d'origine turque, jadis réservée exclusivement aux princesses.
34
Comment pourrions-nous développer et capitaliser cette chaîne de valeur de ce savoir?
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3. 3 Intervention des partenaires internationaux
3.3. 1 Eric Thibush : créateur : Maison Haute Couture Parisienne Eric Tibusch – Directeur
artistique Dar Maalma
L’artisanat est surtout un savoir-faire. Donc nous travaillons dans un savoir et pour en
augmenter les qualités, la valeur et sa progression à travers son intégration dans le
monde de la mode et l’artisanat d’art.
Tout le savoir-faire marocain, toutes les techniques marocaines des broderies diverses, la
passementerie, le tissage … peuvent être justement inclus dans un savoir-faire d’artisanat
de luxe avec des coopérations, de développement au à travers des maisons de luxe
françaises ou étrangères. D’ailleurs, on peut créer des ateliers pour réaliser des broderies
pour des maisons de luxe et autres….
Ma stratégie de développement de cet immense savoir, et que les femmes artisanes
progressent en technique, en qualité et commencent à avoir les produits « gamme Dar
Maalma » qui vont être estampillés.
Le savoir-faire ainsi acquis est donc perçu d’une manière beaucoup plus valorisante,
aussi bien pour elles que pour le consommateur. Elles vont montrer leur technique, leur
savoir-faire et puis leurs capacités ce qui va engendrer justement des commandes pour
d’autres maisons et d’autres clients. Le challenge est de marier le savoir-faire marocain de
la technique avec le côté contemporain moderne, sans sombrer dans l’ethnique.
3.3.2 Franck Clère – journaliste mode – Président de la semaine des femmes artisanes
marocaine à Paris. Secrétaire général la Chambre de Métiers et de l'Artisanat de Paris
(CMA)
Tous engagés ! Pour une cohérence artistique et commerciale à destination de la clientèle
française.
L'Association de Paris pour la Promotion du Concours « Un des Meilleurs Ouvriers de France
» et des concours d'excellence (APPCMOF) avec son principal partenaire la Chambre de
Métiers et de l'Artisanat de Paris (CMA IdF Paris) est aux côtés de Dar Maalma et des
femmes artisanes du Royaume du Maroc pour une cohérence artistique et commerciale à
destination de la clientèle française. Convaincu que les métiers des femmes artisanes du
Royaume du Maroc sont porteurs de sens et synonyme d’excellence, l'APPCMOF - CMA IDF
Paris, propose de les suivre et de les soutenir dans leurs projets en leur apportant son
expertise et ses compétences professionnelles. L’artisanat marocain, c’est surtout le prêt-
à-porter, la maroquinerie, les accessoires de mode, les objets de décoration et les
bijoux/joaillerie artisanale éthique et éco responsable. Cet échange international,
commencé en 2017, rendu concret en février 2023 à Paris par la présence d'une délégation
de femmes artisanes du royaume du Maroc représentant une centaine d'entre elles, vise à
agir suivant 4 axes :
Promouvoir, concrétiser, sélectionner et développer l'action de ces femmes artisanes
marocaines en France. Ainsi, plusieurs actions sont proposées par l'association
l'APPCMOF - CMA IDF Paris.
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Fédérer et promouvoir l’activité artistique et artisanale des femmes artisanes, par le
biais d’expositions/ventes et moments d’échange à Paris dans des lieux et suivant un
agenda stratégique choisis : "10sign" boutique de la CMA Paris, salon professionnel
d'explosion "Tranoï", ...
Élaborer un marketing d’exposition est une stratégie visant à promouvoir l'association
Dar Maalma, les projets des femmes artisanes marocaines et leurs produits lors
d’événements et d’expositions spécifiques. Cette approche implique la participation
active, grâce à l’accompagnement de l'APPCMOF, de ces femmes artisanes à des
salons, des conférences et d'autres événements similaires où elles peuvent présenter
leurs offres directement aux clients potentiels et interagir avec eux.
Constituer des binômes composés d'une artisane marocaine et d'une artisane
française (un fichier disponible de plus de 2000 artisanes d'art françaises). Paris est le
premier département français « métiers d'art » qui accueille, par ailleurs, le plus grand
nombre d'entreprises labellisées.
Disposer d'une équipe d'experts professionnels français des artisanats d'art (Chambre
de Métiers de Paris, Mairie de Paris, Institut National des Métiers d'Art, Chambre de
Commerce et d'Industrie, Ateliers d'Art de France, BPI France créations, Société
Nationale des Meilleurs Ouvriers de France, UNESCO, ...) afin de fournir toutes les
informations utiles pour aider les jeunes femmes talentueuses à concrétiser leurs
projets.
Motiver par l'attribution d'un Prix de l'Artisanat d’Art des femmes artisanes pour les
femmes artisanes. Orchestré par l'APPCMOF et Dar Maalma, c'est le seul prix qui
récompensera les jeunes femmes artisanes du royaume du Maroc dans les filières de
formations aux métiers d’art.
Encadrer Dar Maalma pour créer un Label "Fabriqué par Dar Malma."
Vendre les créations artisanales en ligne : une autre stratégie gagnante !
La synergie entre les équipes de l'association "Dar Malma" et l'APPCMOF dans ce dialogue
international est sans conteste la clé d'un succès qui mérite toute votre attention. Les
artisanes du Royaume du Maroc et les artisanes parisiennes possèdent des savoir-faire
exceptionnels qu'il est temps de mettre en lumière et de crédibiliser économiquement.
Osons cette reconnaissance bien méritée.
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3.3.3 Bahia Bejar-Ghadhab - Fondatrice de PIQ. Experte en stratégie
Faciliter l'accès des femmes artisanes aux marchés locaux et internationaux en:
Créant des plateformes en ligne,
Multipliant les foires artisanales,
Développant des partenariats avec des distributeurs.
Mettant en place des normes de qualité et des certifications pour les produits
artisanaux afin d'assurer la confiance des consommateurs et d'ouvrir des portes vers
des marchés plus exigeants.
En intégrant les produits artisanaux dans l'industrie touristique locale (circuits
touristiques, ateliers de démonstration, etc).
Développement de Réseaux
Favoriser la création de réseaux entre femmes artisanes pour
Partager des connaissances et les expériences
Partager les ressources
Grouper les achats de matières premières
Créer des produits dérivés qui intègrent plusieurs savoir faire
Encourager la formation de coopératives qui favorise la collaboration, le partage des
ressources, et la négociation collective pour des opportunités d'affaires plus
avantageuses.
Mettant en place des normes de qualité et obtenir des certifications pour les produits
artisanaux. Cela peut renforcer la confiance des consommateurs et ouvrir des portes
vers des marchés plus exigeants.
Promouvoir l'intégration des produits artisanaux dans l'industrie touristique locale, en
développant des partenariats avec des agences de voyage, en créant des ateliers de
démonstration, etc.
Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour améliorer la situation socio-
économique de nos femmes artisanes une fois cette chaîne améliorée ?
BBG : Une fois que la chaîne de valeur du savoir-faire artisanal est améliorée, il est
important de mettre en œuvre des mesures complémentaires pour garantir que les
bénéfices de cette amélioration se traduisent par une amélioration significative de la
situation socio-économique des femmes artisanes. Voici quelques mesures à considérer :
Identification et Documentation du Savoir-Faire
Identifier le savoir-faire spécifique ainsi que les compétences traditionnelles
Identifier les techniques uniques pour les préserver aux générations futures.
Accès aux Financements : Faciliter l'accès des femmes artisanes à des financements
abordables pour soutenir la croissance de leurs activités. Cela peut inclure des prêts à
faible taux d'intérêt, des programmes de microfinance ou des subventions.
Soutien Marketing pour aider les femmes artisanes à promouvoir leurs produits de
manière efficace. (Formations sur les médias sociaux, création de sites web, participation
à des foires et événements).
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Stratégies pour remédier aux problèmes d'approvisionnement
Pour surmonter les problèmes d'approvisionnement pour la laine pris ici comme exemple,
on peut envisager les solutions suivantes :
· Exploration de Fibres Alternatives : Envisager l'utilisation de fibres alternatives ou
complémentaires, telles que le coton, le lin, ou d'autres fibres synthétiques
· Soutien des éleveurs locaux de moutons ou coopératives de laine peut non seulement
assurer un approvisionnement local, mais également soutenir les communautés
agricoles.
· Sensibilisation des consommateurs sur les défis liés à l'approvisionnement en laine
peut créer une compréhension accrue et un soutien envers les artisans qui travaillent
avec ces matériaux.
Valorisation de la Culture Locale
Mettre en valeur la culture locale et l'authenticité des produits artisanaux pour attirer un
marché plus large et promouvoir la reconnaissance des artisanes. Pour cela il faut
développer l’intérêt pour le patrimoine et l’artisanat chez les jeunes depuis l’école. Ceci
pourrait faire naître un fort sentiment d'appartenance à une culture ancestrale riche par
ses pratiques artisanales.
Ceci devrait être une stratégie nationale dans l’éducation des futures générations qui
permet de tisser des liens entre le milieu scolaire des adolescents et leur environnement
culturel traditionnel.
Cette stratégie permettra de donner une voix aux artisanes pour qu'elles transmettent et
témoignent de l'héritage de cette culture.
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3.4 et des ONG
Au fil des années, Fatema Mernissi a tissé des amitiés mémorables, que Mina, Mbarka,
Fatma et d'autres chérissent précieusement. Elle nourrissait une admiration profonde pour
leurs tapis, cherchant toute sa vie à offrir une visibilité à ces tisseuses qui transmettent le
secret de cet art magique de mère en fille. Un art chargé de rêves, écrit dans un langage
de symboles millénaires, produisant un texte codé sur la féminité. L'exposition "Tapis
solidaire" est une occasion de manifester notre solidarité après le tragique séisme, mais
aussi une opportunité de mieux connaître ce patrimoine et de saisir la relation entre ces
femmes et Fatema Mernissi.
Dans une approche psychanalytique, Ahmed Farid Merini revisite l'univers de la broderie et
du tissage, des moyens authentiques selon lui pour que les femmes s'expriment et se
libèrent du monde qui les entoure. Étant lui-même fils d'une brodeuse, il était intimement
lié à ce monde. Cette caractéristique le rapproche de feu Fatéma Mernissi et de son travail
avec les artisanes, en particulier les tisseuses. En 2005, elle l'invite à participer à une
réflexion sur le tapis de Taznakht. Son intérêt se porte immédiatement sur la transmission
mère-fille d'une féminité dont le secret est enfoui dans les pictogrammes du tapis, que
nous ne savons pas déchiffrer.
Après le décès de Fatema Mernissi, Farid Merini, avec un groupe d'amis et d'intellectuels,
fonde l'association Fatéma Mernissi pour le développement social et économique, dont il
est le président. Associer Farid Merini à cette cause offre non seulement l'avis d'un
spécialiste, mais aussi celui d'un des rares experts ayant exploré le facteur crucial de la
transmission, un aspect essentiel de la problématique de la sauvegarde du savoir. Il a
répondu à nos questions avec un engagement profond, car il considère cette cause
comme un devoir.
Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour améliorer la situation socio-économique
de nos femmes artisanes une fois cette chaîne améliorée ?
Le premier facteur est le manque de valorisation du produit artisanal car il est produit par
des femmes et des hommes illettrés. En témoigne que la majorité des artisanes
souhaitent à leur fille un avenir différent du leur d'où la rupture dans la transmission.
D'autre part la culture orale représentée par sa langue(darija) sa nature du lien social, sa
créativité qui sublime sa vision du monde, à laquelle appartient les artisans est
dévalorisée puisqu'elle ne pénètre pas les espaces académiques et du savoir.
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Comment pourrions-nous développer et capitaliser la chaîne de valeur de ce savoir
pour améliorer la situation socio-économique de nos femmes artisanes ?
A mon sens tout d'abord sensibiliser l'opinion publique à l'importance de ce patrimoine qui
est un savoir séculaire sur nous sur notre culture et sur notre génie créatif. Ensuite et à
partir de cet héritage encourager les jeunes générations non seulement de s'approprier
cet héritage mais de le réinventer et le développer. Enfin articuler le savoir artisanal au
savoir académique pour la production de thèses et de la recherche dans ce domaine. Ce
qui permet à ce patrimoine de pénétrer l'espace de la culture de l'écrit et du savoir
moderne.
44
3.4.2 Fatiha Saidi : Autrice — militante pour les droits de l’homme — ancienne sénatrice
élue par le collège électoral français
Quelles sont, à votre avis les raisons pour lesquelles, la chaîne de transmission de nos
trésors culturels artisanaux est en rupture ?
À mon avis, la chaîne de transmission se rompt principalement en raison du fait que les
produits artisanaux ne sont véritablement considérés comme un "trésor" que par une
minorité de la population. Dans la région dont je parle, le Rif, le plastique et les produits
industriels exercent une attraction bien plus forte que les produits artisanaux. Bien que l'on
insiste sur l'importance de la poterie en tant que richesse de l'artisanat marocain, on
constate un désintérêt flagrant de la part de la population en général, et des jeunes en
particulier, qui dédaignent ces produits pourtant intégrés à leur environnement. Ils sont
perçus comme dépassés, "ringards", et sont parfois moqués, laissés volontiers aux (rares)
touristes ou aux expositions locales. Les artisans sont également confrontés à
l'obsolescence par rapport aux nouvelles technologies dans une société où tout évolue
rapidement, contrairement à leur époque où la création d'un produit demandait du temps,
tant dans la phase de conception intellectuelle que dans celle de la fabrication manuelle.
Il est crucial de valoriser la dimension de la "création intellectuelle", car avant de donner
forme à l'argile pour créer un vase, une cruche ou tout autre objet, il y a eu une période de
réflexion : à quoi servira-t-il ? Quelle forme et quelle taille lui donner ? Comment le décorer
? De nos jours, de nombreuses filles vont heureusement à l'école, échappant ainsi à la
formation et à la transmission du savoir-faire par leurs aînées. De plus, dans le Rif, la
poterie est strictement envisagée et conçue dans un cadre féminin exclusif. Cette
exclusivité mérite d'être remise en question et bousculée dans une perspective de genre.
Les défis liés à l'amélioration des conditions de vie des femmes artisanes nécessitent une
approche nationale globale, en veillant à ne pas négliger, comme c'est souvent le cas,
certaines régions, en particulier les zones rurales. Cette réflexion doit être menée en
collaboration avec les personnes concernées pour rester au plus près de leurs attentes,
comprendre leurs réalités et y apporter des solutions concrètes.
Les artisanes, surtout celles des zones rurales, ne sont pas directement en contact avec les
consommateurs. Établir ce lien est essentiel, car acheter un produit local directement
auprès de l'artisan, lors d'un marché ou d'une exposition, diffère considérablement de
l'expérience d'achat standard en magasin. Ici, l'artisan peut expliquer son métier, partager
son inspiration créatrice, exposer ses difficultés et mettre en lumière ses atouts.
Le soutien aux artisanes peut également passer par des formations, notamment pour
apprendre à présenter leurs produits et à valoriser leur travail. Souvent considéré comme
un acte banal, le savoir-faire artisanal gagne en sens et en valeur lorsqu'on peut mettre
des mots dessus. La promotion de l'artisanat ne doit pas occulter la question financière. Il
est crucial de rémunérer équitablement les femmes artisanes et de défendre leurs intérêts
financiers. L'État devrait jouer un rôle en réglementant ce marché, favorisant ainsi des
emplois respectueux de la personne et de sa dignité. Cette réglementation devrait
garantir des salaires justes et décents.
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Pour les femmes, il est important de souligner que leur savoir-faire peut les émanciper de
la tutelle masculine familiale et conjugale. D'autres mesures de soutien, telles que
l'obtention d'une reconnaissance légale, un répertoire recensant les artisanes à travers le
Maroc, ou l'organisation d'une Journée de l'Artisan.e pour mettre en avant leurs créations,
peuvent contribuer à la reconnaissance et à la promotion de leur activité. Ces initiatives
pourraient être coordonnées par des institutions marocaines, en collaboration avec les
filières de l'enseignement technique et professionnel, aboutissant à des actions concrètes
de connaissance et de reconnaissance.
47
3.5 Des exemples louables... à suivre
Unique en son genre, l’Académie des Arts Traditionnels est une institution de formation. Elle
dépend de la Fondation Mosquée Hassan II. Créée en octobre 2012, l’Académie a vu la
naissance principalement pour former à un haut niveau des lauréates et des lauréats
dans les domaines des Arts traditionnels. Le travail et l’expérience de l’académie sont
intéressants, c’est pour cela que nous nous permettons d’en développer la présentation.
l’Académie des Arts Traditionnels est un lieu où, se transmettent religieusement, aux
nouvelles générations, un savoir-faire ancestral réparti en neuf filières techniques
correspondant aux cinq arts de l’Académie :
L’art du bois qui comporte les filières bois peint et bois sculpté ;
L’art des métaux qui comporte les filières bijouterie et ferronnerie d’art ;
L’art du bâtiment traditionnel composé des filières Zellige, plâtre et pierre taillée ;
L’art du textile offrant la filière tissage traditionnel ;
L’art du cuir offrant la filière maroquinerie.
Ce n’est pas n’importe qui accède à l’Académie. 120 étudiants y sont admis annuellement
après avoir réussi un concours. Les études durent 3 années pour les filières techniques et
deux années pour la Calligraphie. Elles sont dispensées par l’intermédiaire de maitre-
artisans partenaires, des professeurs résidents, etc.
Mais, l’Académie est aussi un lieu où on se forme sur des thématiques historiques ou
technologiques. Elle fait office du temple où se sauvegardent solennellement les
spécificités des arts traditionnels marocains. Moyens et conditions incitent à l’innovation et
la recherche et au développement. Elle fait de l’assistance technique et du conseil auprès
entreprises d’artisanat, elle développe des relations de coopérations, d’échange
d’expertises et des partenariats à l’échelle nationale et internationale. La finalité pour
l’Académie est le développement socioéconomique du secteur de l’Artisanat. Elle permet
la création d’emplois au sein des entreprises privées et surtout publiques tel que le
ministère de l’artisanat et ses filiales, la création des petites et moyennes entreprises. Elle
permet aussi l’insertion socio-professionnelle des jeunes et elle contribue à la promotion
du tourisme culturel. Les lauréats de l’Académie détiennent un diplôme équivalent à celui
d’ingénieur d’état. Ils peuvent soit créer leurs propres entreprises, faire du conseil et
assurer des conceptions auprès de grandes entreprises artisanales ou sein de Cabinets
d’architectes spécialisés dans l’art décoratif islamique.
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Quelles sont les actions de l’Académie pour la femme détentrice d’arts traditionnels ?
Aussi, il est très intéressant de mettre la lumière sur le fait qu’à l’Académie des Arts
Traditionnels, plusieurs métiers ou arts connus autrefois pour être principalement
masculins, ne le sont plus. Cette croyance est abolie ! Chiffres à l’appui. Parce qu’au cours
de l’année académique 2021/2022 les résultats respectifs des épreuves écrites au
concours d’accès au cycle de formation continue en restauration du patrimoine des
filières Zellige et Taille de la Pierre, sont et trois sur quatre des candidats retenus sont des
filles, deux sur six des candidats retenus sont des filles.
Imane Benayouch, étudiante en 3ème année filière Bois Peint l’a prouvé aussi. Un jury
composé d’artistes, architectes, artisans et professionnels avec la participation de
Makesense lui a décerné le prix du Meilleur Designer 2019 de l’Académie des Arts
Traditionnels en mai 2019.
La Start-up SNAATY fondée par Amina Kachachi et Hajar Tarhat ont reçu le prix de
l’innovation lors de la cérémonie de remise des prix du Challenge Franco-marocain de
l’entrepreneuriat 2019. Amina et Hajar ont eu l’idée d’organiser des ateliers ludiques
d’artisanat dans des hôtels, des hébergements touristiques et des centres de loisirs.
49
Notez que parmi les trois binômes lauréats, seul un est composé de membres des deux
sexes. En ce qui concerne les histoires de réussite mentionnées sur le site de l’Académie,
les visages des lauréats sont presque exclusivement féminins.
Soukaina Sbai, créatrice de bijoux mais pas n’importe lesquels. Ses bijoux sont éthiques et
durables. Fondatrice de la bijouterie Watussi : ensemble d’accessoires luxueux à base de
cornes. Sa noble vocation est d’aider les artisans à augmenter leurs revenus, encourager
les jeunes et l’entreprenariat social. Le samedi 02 mars 2019, sa start-up a remporté le prix
de la compétition « Grand Prix de l’Entreprenariat » de l’ENCG Kenitra.
50
L'Académie des arts traditionnels n'a pas pour vocation première de favoriser la
sauvegarde des arts traditionnels en formant davantage de femmes que d'hommes.
Cependant, nous estimons qu'elle offre aux étudiantes, originaires de diverses régions du
pays, un cadre propice au développement et à l'épanouissement. En retour, ces dernières
contribuent non seulement à l'entrepreneuriat et à la transmission des savoirs, mais elles
jouent également le rôle d'ambassadrices, tant à travers les plateformes de vente en ligne
dépassant nos frontières que lors d'événements diplomatiques, tels que le dîner organisé
par l'ambassadeur britannique, où Safaa et Soukaina, fondatrices de la marque
Doumeign, ont eu l'occasion de rencontrer le duc et la duchesse du Sussex pour discuter
de leurs projets, ambitions et impact social.
51
3.5.2 L’UNESCO
Une perspective sur la préservation menée par le dynamique Monsieur Falt, intitulée «
Trésors des arts traditionnels marocains »[7].
Ces six métiers ou savoirs ont été attribués à un maître artisan chacun, chargé de
superviser le processus de transmission aux apprentis. Concrètement, cela implique, dans
un premier temps, de doter ces apprentis d'une formation générale sur chacun des six
savoirs. Dans un second temps, les maîtres artisans se consacrent à la formation et à
l'accompagnement de nouveaux apprentis, assurant ainsi la sauvegarde du patrimoine.
Pour chacun de ces métiers, un cahier des charges détaillé, définissant les formations
qualifiantes, a été rédigé, garantissant ainsi une transmission conforme à l'art de chaque
savoir/métier.
Il est crucial de souligner l'existence d'un septième métier ou savoir-faire véritablement
menacé, à savoir le brocard de Fès. Le 16 novembre 2023, le seul et unique maître artisan
marocain du brocard, M. Ouaryagli, a reçu une attestation de reconnaissance de l'UNESCO.
De plus, six attestations de formation ont été délivrées aux six apprentis du maître, dont
deux jeunes femmes.
[7] le Minisère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie Sociale et Solidaire et l’UNESCO ont signé le le 28
novembre 2022, un accord de projet visant la mise en place d’un système durable de transfert des compétences
et de transmission des savoir-faire liés aux métiers de l’Artisanat.
52
Il convient de noter avec importance que sur les six maîtres artisans, trois sont des
femmes :
1. Maître Artisan : Jila MAZZI - Le Tissage des tentes ou KHAIMA, identité culturelle
essentielle sahraouie ;
2. Maître Artisan : Zahra BENMIRA - La broderie de Salé, dont l'origine remonte à plusieurs
siècles. Riche d'histoire, elle est réputée pour sa beauté artistique et sa finesse ;
3. Maître Artisan : Latifa MENTBEH - La Blousa Oujdia, symbole de l'élégance et de la
féminité de la région d'Oujda.
Avec les maîtres artisans responsables des six savoirs, un total de 57 apprentis ont été
sélectionnés pour intégrer ce programme de compagnonnage et de formation qualifiante
sur une durée de neuf mois. Ce programme alternera entre un accompagnement
pratique dispensé par le maître artisan et une formation de base dispensée dans
différents instituts relevant du Ministère du Tourisme, de l'Artisanat et de l'Économie Sociale
et Solidaire.
Il est indéniable que des initiatives telles que le programme "Trésors des arts traditionnels
marocains", dont la mission principale est la sauvegarde du patrimoine artisanal
traditionnel marocain, contribuent de manière indirecte et active à l'autonomisation de
nos femmes artisanes marocaines. L'UNESCO a été dès le début particulièrement attentive
à la question de la parité, avec des chiffres à l'appui.
1. Parmi les 75 métiers menacés de disparition, 60% sont exercés par des femmes ;
2. Sur une sélection de 57 apprentis, 41 sont des femmes, représentant ainsi un taux de
72% ;
3. La moitié des maîtres artisans sont des femmes et elles sont dépositaires de métiers
ancestraux ;
4. Inclure des femmes parmi les apprentis d'un savoir tel que le Brocard constitue un
exploit majeur, représentant un moyen de transcender les croyances ancestrales qui
entravent le développement, l'épanouissement de la femme marocaine, de sa famille
et de son environnement.
La marque de Sophia Mikou est une marque qui emprunte ses formes et volumes au prêt-
à-porter, sur lesquelles j’ajoute sfiffas, derss, akkads et broderies artisanales marocaines.
Pourquoi ? Parce que je suis très attachée au Maroc, à son patrimoine d’une richesse
incroyable, à ses couleurs, ses senteurs, sa lumière. L’ADN de ma marque est un mélange
audacieux et subtil qui donne vie à des pièces intemporelles ponctuées de finitions
marocaines. Vestes en brocard, kimonos en tlijja (soie dévorée), sarouals en soie,
chemises en coton, capes en laine mélangée sont embellis de finitions bien d’ici. Les
accessoires ne sont pas en reste, avec leur touche Maroc, et les chapeaux,
53
bracelets manchettes, ceintures, et sautoirs de la marque sont une réinterprétation
actuelle de la passementerie d’antan. Je travaille essentiellement avec des femmes
artisanes pour réaliser mes collections. Résultat : des créations portables par tous. J’ai eu
l’occasion de vendre ma marque à Genève, Dubaï et Singapour. Un seul constat : le savoir-
faire artisanal réinterprété, démocratisé et placé de manière intelligente sur du prêt-à-
porter séduit.
Le travail avec les femmes artisanes a quelque chose d’ambivalent. C’est très enrichissant
pour elles de sortir de ce qui est attendu, de sortir de leur zone de confort. La satisfaction
« de faire autrement » se lit sur leurs visages, mais celle-ci ne s’accompagne pas pour
autant d’une envie d’entreprendre, ni d’une confiance en elles et en leur savoir-faire.
Travailler avec elles, exige un encadrement permanent. Il faut être en veille pour éviter
qu’elles ne reviennent à leur façon de travailler passée, par confort ou par facilité.
Contribuer à la sauvegarde de leur savoir-faire est très prenant, chronophage. Cela ne
peut pas se limiter à la démarche isolée du designer, il faut des actions collectives.
Aujourd’hui le savoir-faire artisanal est en danger pour plusieurs raisons. Les femmes
artisanes hésitent à se mettre en conformité d’un point de vue légal, ce qui complique les
collaborations car il y a un manque de traçabilité. Leur expertise est aussi menacée car la
transmission ne se fait pas. Leurs filles ne s’intéressent souvent pas à leur travail,
probablement parce que celui-ci n’est pas suffisamment valorisé. Il serait judicieux de
prévoir des laboratoires de calibrage pour évaluer le prix juste de chaque finition. Un
travail de recensement est à mener avec une classification des artisans en fonction de la
complexité des tâches accomplies et du temps dédié à celles-ci. On pourrait identifier des
catégories allant du macramé aux franges, en passant par les différents types de
broderie, tarz el fassi (broderie de Fès), rbati (broderie de Rabat), tarz tetouani (broderie
de Tetouan) la réalisation des akkads (boutons marocains confectionnés en grande partie
à Séfrou), le derss (travail de fil de soie à l’aiguille), la broderie de jours à l’ancienne... Une
classification utile pour avoir des données précises sur le secteur, avoir des réponses sur
les catégories les plus menacées, les régions du pays les plus concernées, pour pouvoir
allouer à chaque catégorie les subventions et les aides qu’elle mérite. On pourrait aussi
imaginer que les femmes artisanes soient subventionnées par l’État à hauteur du travail
fourni mensuellement, afin que leur travail soit doublement reconnu.
Au-delà des statistiques et des actions à mener d’un point de vue financier, il me semble
qu’un travail en profondeur doit se faire pour modifier la relation et le regard que les
femmes artisanes portent sur leur travail. Elles devraient être accompagnées à un niveau
psycho-émotionnel pour développer leur confiance en elles, prendre conscience de leur
savoir-faire et avoir envie de le partager, de le transmettre. De cette façon, on peut
espérer inverser la tendance, rendant ainsi possible la transmission de leur expertise à
leurs filles.
54
A un niveau plus global, plusieurs actions sont à mettre en place. En premier, la création
d’un musée qui met en lumière les savoirs-faires à travers le pays, par région, par
spécialité, avec un storytelling fort, des photos impactantes, et des vidéos des femmes
artisanes qui racontent leur histoire. Ensuite, l’animation d’ateliers de formation auprès des
coopératives avec des thématiques claires comme le sens de la couleur, la notion de
symétrie, le respect des délais, la régularité dans le travail, afin de relever le niveau et de le
maintenir. Des collaborations entre designers et artisans portées par une plateforme
dédiée à cela, avec calendrier à l’année et expositions nationales et internationales,
plateforme soutenue par des organisations qui œuvrent pour la sauvegarde du
patrimoine immatériel. Cette sauvegarde fait sens d’abord parce qu’elle parle d’identité et
d’appartenance, mais aussi parce qu’elle a un impact direct sur la situation économique
des femmes artisanes.
55
Chapitre 4 Témoignages : dernières dépositaires du savoir
Des définitions qui portent en elles richesse, sensibilité, amour et affection pour un métier
de valeur, noble et vieux comme le monde.
56
Cependant les lieux ont leur poids dans le mode d’apprentissage et de transmission.
Maints lieux ont pu aussi soutenir la préservation de ce patrimoine tels que les
coopératives de tissages, de broderies, les écoles comme celle des beaux-arts, celle de
Singer à Casablanca, l’institut supérieur de couture et de stylisme de Casablanca, des
centres de formation, L’Institut Supérieur de Couture et de Stylisme de Casablanca, des
club de femmes (Naddi). Les églises et les sœurs chrétiennes ont aussi joué rôle dans
l’apprentissage. Aujourd’hui avec l’avènement des réseaux sociaux, l’apprentissage se fait
aussi en visionnant des vidéos sur le net. Patrons, magazines en ligne, modèles de divers
travaux manuels comme le crochet, la broderie, le tricot, la couture, … inondent le net à
Elles ont commencé par l’image de la famille réunie autour d'un tissage, d'une machine à
coudre ou à broder, principalement autour d’une œuvre à concevoir.
En parlant d’animaux, les femmes évoquent la gazelle, le lion, le cheval, le papillon, le tigre,
le mouton, le chameau, le paon, l’oiseau, le lapin, elles ont même cité le panda. Des
animaux porteurs de fortes symboliques.
Quand elles parlent de plantes, elles citent à plusieurs reprises l’olivier, les fleurs roses,
rouges et blanches, les épis de blé, le Doum (Vannerie), le cactus, la beauté d’un verger,
un jardin aux fleurs andalouses, sans omettre bien évidemment leur ancestrale source
d’inspiration : la nature : la mer, le soleil, le ciel, l’eau, .... les étoiles et la lune. En parlant de
ces dernières deux belles citations :
« J’associe mon métier à une étoile brillante qui rivalise avec la lune. »
Artisane du nord
57
Quelques-unes ont associé leur métier à la figure du père. Toutefois, plusieurs d’entre elles
l’associent à surtout leur mère. La poésie, les chants et les artistes ont été aussi des listes
dont Naima Samih, Oum Keltoum, …, les toiles peintes ont été aussi associées à leur
artisanat.
Les images les plus marquantes sont celles d’un bateau de sauvetage, d’une blouse, d’une
compétente femme de Figuig, , … Et elles n’ont surtout pas oublié l’amour. La citation
exacte est :
L’une d’elles a bien cité Abdellah Aroui, notre grand universitaire et historien.
A l’instar des métiers qu’elles portent en elles, les représentations font rêver et donnent
envie de voyages.
Fatiha Saidi raconte dans son livre, Echos de la mémoire sur les montagnes du Rif,[8]
l’histoire de la transmission de la fabrication de la poterie entre une grand-mère et sa
petite fille, dernières détentrices de ce savoir.
Vêtue d'une robe aux couleurs vives, Thamimount arbore un turban coloré enroulé autour
de son front, sa marque distinctive d'artiste qui se démarque du blanc réservé aux
façades de ses deux ateliers en terre battue. Ces petites cases semblent avoir été
moulées pour son corps, tassé sous le poids des années. L'une stocke le matériel de
poterie, l'autre sert de lieu de travail. La terre, provenant de Sidi Moussa, la montagne en
face de chez elle, est le fondement de la création de la poterie. Son pas lent est
accompagné de ses petits-enfants, chargés de ramener la terre, soumise à un contrôle
minutieux de leur aînée.
[8] Echos de la mémoire sur les montagnes du Rif, Fatiha Saidi, La Croisée des Chemins,
Casablanca, 2020 58
Thamimount a commencé à travailler la poterie à l'âge de 8 ou 9 ans, apprenant aux
côtés de sa grande sœur, formée par leur mère. Ce qui était un jeu d'enfant s'est
transformé en un métier exercé pendant des générations. Après le décès de ses parents,
elle a pris en charge la vente des poteries sur les marchés, en particulier ceux réservés aux
femmes.
Thamimount, loin de tomber dans la routine, produit une multitude de formes et de
dessins. Elle apprécie le lien avec la terre, la création, et aujourd'hui la transmission,
notamment à sa dauphine Mounira. Pour Thamimount, transmettre ce métier est essentiel,
car chaque savoir-faire acquis constitue un trésor potentiel pour l'avenir. Mounira, fière
d'assister sa grand-mère, guide les visiteurs dans la grande pièce adjacente à la maison
familiale, où sont exposées les poteries fabriquées par Thamimount, assistée de jeunes
filles venues apprendre les rudiments du savoir-faire ancestral.
Pour réaliser les pièces, Thamimount mélange la terre avec de l'eau et de la pierre broyée.
Les créations naissent sous ses mains sans l'aide d'un tour de potier : cruches, tasses,
bouteilles, vases ou petits bibelots décoratifs. Les pièces subissent deux séchages, l'un en
excavation pendant une nuit, l'autre dans le four traditionnel qu'elle a elle-même créé.
Après la cuisson, Thamimount utilise du faḍis, une plante locale, pour dessiner des motifs
sur les pièces.
Thamimount est connue dans la région, en partie grâce à son mari, Soltane, qui a
contribué à la notoriété du produit en le vendant et en le promouvant lors de festivals,
attirant des commandes de l'intérieur du pays et de l'étranger, notamment d'Espagne.
Malgré cela, Thamimount a évité les feux de la rampe et la célébrité. Sa poterie, reconnue
pour ses formes variées et ses dessins géométriques, est sollicitée par la presse et les
chercheurs, mais elle a longtemps préservé son anonymat, refusant même la publication
de son visage.
Lors de sa rencontre avec Fatiha Saidi, elle accepte d'être photographiée et enregistrée,
peut-être en raison de son âge, de la confiance envers une femme rifaine, ou d'une levée
du joug marital qui lui interdisait de quitter l'espace familial. Malgré cela, Thamimount
garde une réserve profonde, ne parlant que de sa poterie, des us et coutumes, évitant les
sujets intimes et familiaux. Son mariage avec Soltane, plus âgé qu'elle de quelques
années, s'est fait à l'âge de 15-16 ans, principalement pour soulager son frère d'une charge.
La vie de famille s'organise avec un partage des tâches entre Thamimount, qui travaille la
poterie, et Soltane, chargé de sa vente. Thamimount s'occupe également de l'éducation
de leur fils, arrivé deux ans après le mariage, traversant une période marquée par la perte
de cinq enfants. Le désespoir cède la place à la joie avec la naissance d'enfants en bonne
santé. La famille compte finalement quatre garçons et une fille, tous nés à la maison.
Mhijiba Nouflali voit le jour en 1951 à Ifni, une cité côtière, porte atlantique du Sahara. Son
enfance se déroule sur une terre de diversité, où se mêlent les couleurs, les contrastes, et
où cohabitent les cultures et les coutumes. Son regard est constamment ombré de bleu
foncé, et une lumière intense brille dans le blanc de ses yeux. Sa silhouette longue et fine, à
la peau cuivrée, se drapé dans une mlahfa colorée. Elle se déplace telle une vision, avec
une gestuelle propre aux femmes du désert. Sa nonchalance contraste avec sa nature
volontariste. Humble et altière, elle peut sembler difficile d'approche. Cependant, aux
premiers échanges, on réalise qu'elle porte en elle une véritable passion et une volonté
inébranlable, malgré la vie difficile qu'elle mène.
Mhijiba Nouflali est spécialisée dans la fabrication de nattes et de tentes nomades, des
produits en net recul. Elle a acquis cette compétence difficile de sa mère, qui elle-même
l'avait apprise de sa grand-mère. Mhijiba est l'une des rares artisanes qui confectionne
encore des Khaimas du Sahara. Elle préserve jalousement ces techniques et s'efforce de
les transmettre aux jeunes générations. Cependant, cette tâche s'avère ardue, car les
nouvelles générations ne souhaitent plus apprendre à confectionner des Khaymas. Avec
la modernité, elles optent désormais pour des maisons. Les Khaimas du Sahara sont
fabriquées à partir des poils de chèvre, et plus rarement à partir des poils de dromadaire.
Celles fabriquées avec des poils de chameau coûtent relativement plus cher que les
autres.
La réalisation d'une Khaima demande six à sept mois de travail et n'est pas simplement un
abri, mais le cœur battant de la vie dans le désert. Socialement et culturellement, elle
symbolise l'appartenance à la tribu et est apportée en dot par la mariée, qui demeure la
seule responsable de sa confection et de son entretien.
La femme qui fabrique la Khaima en est la propriétaire exclusive, au point qu'un homme
marié ne dormira jamais sous la tente en l'absence de son épouse. Dans l'immensité du
Sahara, cet abri est essentiel. Il protège du soleil, du vent, humanise un espace infini, vide
et menaçant, et confère une position sociale déterminante aux femmes.
La Khaima fabriquée par la femme nous permet de comprendre le mode de vie particulier
des nomades, caractérisé par la simplicité, l'endurance et l'austérité. Notre monde civilisé
pourrait tirer des leçons de cette manière de vivre. Elle a le goût de la liberté et symbolise
la fascination pour cet horizon sans limites, sans frontières, sans titre de voyage, sans
superflu.
60
4.4 Amal Sordou, la Broderie du nord
Amal Sordou, une dame élégante aux manières raffinées, incarne la quintessence de la
coquetterie. Toujours calme et souriante, elle porte au bout de ses doigts un trésor
exceptionnel : la broderie Taanjira, une broderie caractéristique des femmes du Nord, en
particulier de Tétouan.
Amal est une authentique Tétouanaise, issue de la famille Sordou, une lignée ancestrale
de Tétouan aux origines andalouses. La broderie Taanjira se distingue par son caractère
unique, une succession de larges fleurs au contour lobé, peut-être héritée des broderies
de Grenade. Des bourgeons trilobés, des feuilles déchiquetées, des motifs arborescents,
regroupés en bouquets fortement stylisés, forment un ensemble d'une harmonie
admirable. Ce motif complexe, aux couleurs vives, est réalisé avec une grande qualité.
Amal Sordou décline ce savoir et sa créativité sur divers objets décoratifs tels que des
coussins, des nappes et des vêtements traditionnels. Son univers est constitué de fils aux
couleurs chatoyantes, de tissus d'un jaune lumineux, d'un bleu sombre et d'un rouge
carmin. Sur des mètres de textile, elle brode avec ses doigts agiles, utilisant des tons
chauds, riches et soutenus, rappelant l'enluminure. Elle a acquis les bases de cet art
éblouissant auprès de ses grandes sœurs, mais l'a perfectionné à sa manière en y
ajoutant sa touche personnelle.
À plus de 50 ans, elle consacre sa vie à la broderie et aspire à continuer jusqu'au dernier
souffle. Plus qu'une simple brodeuse, elle est une créatrice, une artiste qui ne peut
concevoir sa vie sans une aiguille à la main. Bien que ce travail lui ait procuré du bonheur,
elle porte en elle une profonde désolation, celle de la disparition imminente de cet art
précieux.
61
Chapitre 5 : Résultats et analyse de l’Enquête
Un peu plus de la moitié des femmes disent qu’elles vivent dignement de leur métier et
savoir-faire. Les autres sondées avouent que leur métier restent très insuffisant pour
subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Les revenus sont bas et elles sont donc
obligées d’exercer d’autres activités. Souvent elles se font aidées par les membres de leur
famille. Dans la majorité des cas, ce sont leurs maris qui contribuent massivement, suivis
de leurs mères et/ou enfants. Plus que la moitié des sondées ne reçoivent aucune aide.
Sur la population sondées : nous avons relevé 8% de divorcées, 25% sont célibataires et 11%
sont veuves. Pour revenir à celles qui disent se font aider par leurs maris, nous sommes
plus proches du fait que ce sont elles plutôt qui contribuent aux finances de leurs
ménages et supportent leur famille. Tant que c’est dans le respect, le partage, la
reconnaissance,… l’aide et l’entre-aide sont grandement louables et respectables.
45% des femmes approchées pour cette étude ont révélé que leur progéniture garçons et
filles les encouragent et apprécient leur travail. Les avis du reste sont mitigés. Si ce n’est
plus un retour de moquerie qu’elles reçoivent du fait que leurs métiers sont durs et
demandent de grands efforts pour des revenus trop bas. La majorité de ces femmes ne
sont pas aidées dans leurs métiers par leur progéniture. Seules quelques-unes le sont. Et
ce sont les filles qui s’y activent. Cependant cette progéniture féminine ne souhaite pas
dans 62% suivre le même chemin que leurs mamans et faire de l’artisanat leur gagne-
pain et métier.
62
Graphiques représentant les différentes données sur les
revenus et la situation financière des femmes sondées
63
2. L’avenir de l’artisanat selon elles …
Bonne nouvelle pour notre artisanat !
Non seulement la majorité des artisanes y croient, elles veulent s’investir et s’impliquer
davantage pour le préserver et le rendre meilleur.
Selon elles, notre artisanat a un bel avenir. Les connaissances et l’expérience restent
comme une goutte d'eau dans un océan. L'art et la créativité nécessitent recherche et
innovation continues. Les recommandations des artisanes pour rendre encore meilleur,
cet avenir, sont :
1. Préserver la qualité. La hausser aux standards des exigences des normes requises par
chaque métier et demandes d’un consommateur de plus en plus pluriel ;
2. S’associer à de grands stylistes et designers pour moderniser et donner plus de
chances aux productions de se vendre. Attention sans toucher à l’authenticité et
l’histoire portée par divers métiers ;
3. Rendre l’enseignement des métiers plus académique, l’approcher des futures
générations en le rendant plus présent et accessible dans les écoles, les universités, les
centres, instituts, …
4. Vendre un Maroc pluriel riche en formant et sensibilisant les tours opérateurs et les
guides touristiques sur les opportunités que leur offre notre artisanat. C’est une
aubaine pour eux pour drainer plus de touristes nationaux et étrangers et diversifier
leurs cibles ;
5. Améliorer les outils et les lieux de production et la formation des artisanes : plus de
formation, équipements modernes : machines à coudre, à broder, plus d’ateliers …
6. Augmenter les circuits de vente et les organiser davantage et les faire durer ;
7. Encourager et créer de nouveaux circuits de vente ;
8. Augmenter le nombre des expositions et les espaces de vente ;
9. Pallier au manque d’intérêt de nos jeunes ;
10. ...
64
« Il est temps que l'artisanat traditionnel me donne ce que je mérite. Je lui ai
tellement donné ».
L’autre son de cloche est celui d’une partie de nos artisanes qui pensent que l’avenir de
l’artisanat est très modestement prometteur, voire en voie de disparition malgré une
grande expertise et de grands savoirs. Il n’aspire pas à une vie décente et une stabilité. Les
revenus restent instables et c’est un métier dur, fatiguant qui demande patience et
endurance. Lasituation des artisanes et de leurs familles n’est pas bonne et les acteurs
publics ne s’intéressent pas à ce secteur. Pour cette catégorie, la situation n’augure rien de
bon car l’industrie, notamment la couture et la broderie, sont au bord de l’extinction.
L’artisanat, pour elles, représente une chose précieuse et indispensable mais elles sont
toujours dans l’attente d’un bel et meilleur avenir. L'artisanat n’est pas mis en valeur en
raison du manque d'expositions, d'encouragements, manques des ventes et manque
d'intérêt de la nouvelle génération. Pour elles, l’état doit prendre soin de leurs métiers et les
soutenir financièrement pour améliorerleurs situations et celles de leurs familles. Pour
certaines, il s’agit de projets non rentables parce que l’artisanat manque d'appréciation et
de valorisation.
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Chapitre 6 : Recommandations
Ouvrir des débats publiques, aborder les problèmes avec les responsables pour trouver
des solutions durables pour :
Créer de l'emploi pour des femmes en situation difficiles ;
Doper leur l’autonomisation économique ;
Améliorer les situations familiales : lieux d’habitation, moyens de transport, …
environnement de vie décent et propice au développement et à l’amélioration
continue : écoles, routes, …
Créer de grandes entreprises d’artisanat marocain telles que des usines de tapis
traditionnels.
Agrandir les coopératives, les organiser davantage à l’instar de grandes entreprises.
66
Commerce, point de vente, chaine de distribution … l’essentiel
Vendre mieux et plus un Maroc riche de ses artisanats à ses autochtones, à l’étranger
et aux étrangers visitant le Maroc ;
Distribuer et présence dans les hôtels et auberges et lieux touristiques.
Mettre en place des points de vente ou la marque Artisanat de Maroc règne.
Créer des points de vente durables ;
Créer des boutiques en ligne ;
2ème pourvoyeur d’emploi au Maroc se doit d’être traité comme les secteurs clés de notre Maroc, l’automobile,
l’aéronautique, l’offshoring, …
67
Nos 7 recommandations sont donc :
Valoriser l’artisanat et les femmes qui y travaillent. Il ne devra plus être la roue de
secours de ceux et celles qui ont raté leur vie ou sur le point de la rater : la 2ème
chance ! Non, il doit être élevé aux rangs des études, des opportunités, nobles et
prometteuses d’avenir prospère et riche. L’artisanat doit appartenir aux métiers qu’on
choisit avec conviction et assurance ;
Créer des écosystèmes qui encouragent, valorisent et donner envie aux étudiantes d’y
investir 3 années au minimum de leurs vies à l’instar de ce que l’Académie des arts
traditionnels : dupliquer donc cette expérience probante.
Dresser de véritables ponts entre les divers administrations, directions, divisions, …
agissant pour la promotion et le développement de l’artisanat et surtout féminin. Il y a
lieu de converger les efforts et les travaux et d’optimiser les efforts et les énergies ;
Encourager l’entreprenariat artisanal : monter des PME marocaines dont l’activité : les
métiers de l’artisanat, en mettant en place des programmes avec des institutions
comme Maroc PME, … Des programmes de financement, de montage de business :
Marketing, communication, positionnement du produit au Maroc ou ailleurs ;
Réseautage à l’international et surtout partenariats avec des maisons comme Inditex
et exiger des honoraires pour l’utilisation de tout symbole, touche, point, … qui
appartient à notre patrimoine.
Implication de grandes institutions marocaines : les 10 premières : OCP, Maroc Télécom,
La SMT, SMDC, … à créer un fonds de l’artisanat Marocain pour soutenir toutes les
actions et les recommandations pour booster ce secteur et surtout la femme
détentrice de savoirs. Aksal pourra, vu son implication dans le secteur de la distribution
et l’habillement supporté un prix pour supporter les artisanes marocaines et surtout
celles qui détiennent des savoirs en voie de disparition
Sauvegarder par des brevets ou autres notre patrimoine et labelliser des produits
comme le bzioui et autre et toute utilisation nécessite autorisation et droits.
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Synthèse finale
L'artisanat au Maroc, authentique trésor culturel, trouve son essence dans la contribution
majeure des femmes. Au sein de cet univers riche et diversifié, que ce soient en tant que
tisserandes, potières ou brodeuses, ces artisanes incarnent la continuité des traditions et
apportent leur éclat au patrimoine marocain. Les conclusions de cette étude nous guident
vers une compréhension approfondie de ce contexte, révélant ces métiers en tant que
patrimoine à préserver et une source de revenus fiable et durable, à soutenir développer
et à ancrer dans le tissu économuque.
Présence Significative
Le revenu
Plongeons dans le tissu financier complexe et varié qui caractérise la réalité des femmes
artisanes au Maroc. Leurs revenus, semblables à une toile tissée de divers fils, sont
étroitement liés à plusieurs facteurs. Le premier réside dans la nature même de leur
artisanat, chaque spécialité déterminant une valeur distincte sur le marché, cette valeur
n’est pas le fait des femmes, mais souvent elle est fixée par des intermédiaires,
69
qui exploitent les artisanes. Deuxièmement, leur habileté à commercialiser leurs créations
joue un rôle crucial ; peu maîtrisent réellement l'art de la vente. Rares sont celles qui
parviennent à maximiser leurs gains. Néanmoins, la géographie elle-même se mêle à
cette équation financière. Selon la région où elles exercent leur art, les femmes artisanes
peuvent percevoir des rétributions différentes. Dans les centres urbains, où l'accès aux
marchés est plus aisé, les opportunités financières peuvent être plus abondantes. En
revanche, dans les régions plus éloignées, la dynamique économique peut être différente,
influençant ainsi la stabilité financière des artisanes. Il est intéressant de noter que pour
certaines femmes, l'artisanat représente bien plus qu'une simple source de revenu. C'est
une vocation, une passion qui transcende les frontières du financier pour s'ancrer dans le
patrimoine et la tradition. En revanche, d'autres contribuent de manière plus ponctuelle,
marquant ainsi la convergence harmonieuse entre la préservation des traditions et
l'adaptation aux réalités contemporaines. Cette dualité offre une perspective fascinante
sur la manière dont l'artisanat devient un pont entre passé et présent pour ces femmes
exceptionnelles.
In fine, la valorisation du savoir des femmes artisanes n'est pas simplement un geste
symbolique ; c'est un catalyseur de changement concret qui propulse ces femmes vers
une autonomisation totale, tant sur le plan économique que décisionnel, faisant d'elles
des piliers actifs de développement au sein de leur société.
71
Il est aussi à préciser que la condition de la femme marocaine a connu dans sa globalité
des progrès assez significatifs. le Maroc a, en général enregistré, durant les vingt ans de
règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, des avancées majeures au niveau des cadres
normatif, institutionnel et législatif relatifs à la protection et à la promotion des droits de
l’Homme et des droits humains des femmes. La réforme de la Moudawana qui est entrée
en vigueur en février 2003, a marqué un tournant historique dans la législation marocaine
en matière de droits des femmes[11]. La Constitution adoptée le 1er juillet 2011, a consacré
la reconnaissance du principe de l’égalité entre les femmes et les hommes et
l’engagement de le respecter. Cette consécration de l'égalité entre les hommes et les
femmes est inscrite sans ambiguïté par l’article 19 de la constitution[12]. Ce dernier met
l’émancipation de la femme au plus haut niveau de la hiérarchie des normes du droit
national. La Constitution consacre 18 dispositions aux droits de la femme, mais leur
application ne saurait être effective qu’une fois la promulgation de nouvelles lois et
d’harmonisation de l’arsenal juridique.
En parlant des droits des femmes, comment ne pas évoquer l’entrée en vigueur le 12
septembre 2018, de la loi n°103-13 sur les violences faites aux femmes[13] , la réforme du
Code de la nationalité et le droit pour les femmes d’exercer la fonction de Adoul. Et si la
parité entre les sexes n’est pas encore atteinte, un quota d’au moins 30 % de femmes dans
toutes les instances a en revanche été institué. la nouvelle réforme du code de la famille
qui se prépare renforcera encore plus la position de la femme au sein de la société
marocaine.
Par ailleurs, la participation à des instances élues offre aux femmes artisanes une
plateforme pour faire entendre leur voix au-delà des frontières nationales. En s'impliquant
dans des forums internationaux, elles peuvent partager leurs expériences, échanger des
idées novatrices et contribuer à l'enrichissement du dialogue global sur l'artisanat. Cette
dimension internationale renforce leur position dans un contexte économique, de plus en
plus interconnecté. Cette implication dans des rôles décisionnels revêt également une
dimension symbolique puissante. Elle témoigne de la pérennité de l'influence des femmes
artisanes, érigeant ainsi des modèles pour les générations futures. Cela contribue à briser
les stéréotypes de genre et à démontrer que les femmes peuvent non seulement exceller
dans des métiers traditionnellement masculins, mais aussi jouer un rôle clé dans la
gouvernance et le leadership.
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OXFAM
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