Vous êtes sur la page 1sur 27

See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.

net/publication/283291834

Justice organisationnelle, reconnaissance & management : une étude en


contexte de recherche action et de changement

Conference Paper · January 2015

CITATIONS READS

2 4,042

3 authors, including:

Laurent Giraud
Université Savoie Mont Blanc
50 PUBLICATIONS 213 CITATIONS

SEE PROFILE

All content following this page was uploaded by Laurent Giraud on 31 January 2017.

The user has requested enhancement of the downloaded file.


JUSTICE ORGANISATIONNELLE, RECONNAISSANCE & MANAGEMENT : UNE
ETUDE EN CONTEXTE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

Catherine REMOUSSENARD POURQUIER


Professeur Associée en GRH - Groupe ESC DIJON
catherine.remoussenard@escdijon.eu

Laurent GIRAUD
Maître de Conférences en GRH - Université Toulouse 1 Capitole
IAE Toulouse – CRM UMR 5303 CNRS
laurent.giraud@iae-toulouse.fr

David ANSIAU
Docteur en Psychologie
Psychothérapeute
davidansiau@monaco.mc

Résumé
Cette étude a pour objet la présentation d’une recherche action réalisée sur le thème de la
perception de l'équité et de la reconnaissance par les salariés d'un site industriel en contexte
de changement organisationnel. S'appuyant sur les théories de la justice organisationnelle et
de la reconnaissance, l’étude met en relief les liens entre le sentiment de reconnaissance et
plusieurs dimensions de la justice organisationnelle (équité, procédures et interactions). La
contribution principale de cette recherche est la mise en avant le rôle d’interface du
management entre la perception de justice organisationnelle et le sentiment de
reconnaissance des salariés.
Mots-clés : Justice organisationnelle – Équité – Reconnaissance – Management des
Ressources Humaines – Recherche action – Gestion du changement organisationnel.

Abstract
The aim of this paper is presenting an action research on the employee perception of equity
and recognition in an industrial plant going through an organizational change. Based on
organizational justice and recognition theories, the study emphasizes the links between the
feeling of recognition and several dimensions of organizational justice (equity, procedures
and interactions). The main contribution of this research is to highlight the role of
management as a bridge between the perception of organizational justice and employees’
feeling of recognition.
Key-words: Organizational justice – Equity – Recognition - Human Resource Management –
Action research – Organizational change management.

1
JUSTICE ORGANISATIONNELLE, RECONNAISSANCE & MANAGEMENT : UNE
ETUDE EN CONTEXTE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

Introduction
De nos jours, la performance d’une entreprise ne tient pas seulement à sa productivité et aux
bénéfices qu’elle crée. On constate une importance accrue de la place de l’individu détenant
un véritable capital humain (Becker, 1993), capital qu’une entreprise aurait intérêt à préserver
et à enrichir. Paillé (2011) rappelle en effet qu’un mauvais climat social au sein de l’entreprise
peut entraîner des dysfonctionnements internes (manque de motivation menant à des défauts
dans la production ou à des grève...). De plus, l’intérêt des chercheurs pour le concept de bien-
être au travail se justifie par ses conséquences majeures sur les individus, les organisations et
les Etats (Kowalski et al., 2015). La justice organisationnelle apparaît ainsi comme une pièce
maitresse de la performance au travail (Colquitt et al., 2012). Peretti (2013, p. 422) rappelle
que « les enquêtes montrent une exigence accrue de justice et d’équité ». L’application de la
justice organisationnelle est par ailleurs un concept pertinent en contexte de mutation (Fuchs
& Edwards, 2012; Steiner & Rolland, 2006) car « elle permet […] de faciliter l’acceptation de
la mise en place de nouvelles procédures et de changements organisationnels » (Steiner, 2012,
p. 539).
Si la perception de justice d’un individu peut évoluer (Jones & Skarlicki, 2013), au même titre
que ses attitudes envers le changement (Giraud et al., 2013; Kim et al., 2011), il serait
intéressant d’investiguer les dimensions de la justice influençant le sentiment de
reconnaissance dans un contexte de changement organisationnel. En effet, la reconnaissance
au travail, « riche de sens », est une variable-clef de la gestion des ressources humaines qui
mériterait d’être plus amplement investiguée (Brun & Dugas, 2005, p. 79). Le rôle du
manager dans ce processus de garantie de sentiment de justice et de reconnaissance paraît
également intéressant à analyser, d’autant plus que pour les procédures d’appréciation par
exemple, « les contextes organisationnels se transforment profondément et modifient les
conditions d’exercice du manager » (Cadin & Guérin, 2012, p. 51). Voici, en somme, les
objectifs de la présente recherche action.
Ce type d’étude présente également un intérêt pour les entreprises en contexte de changement
organisationnel. En effet, la recherche action implique le chercheur dans la résolution des
problématiques rencontrées sur le terrain et si elle est bien menée, elle pourrait permettre de
prendre en compte la subjectivité des acteurs et des chercheurs eux-mêmes (Mouchet, 2014).
Or, prendre en compte la subjectivité des acteurs apparaît indispensable lors de l’étude du
changement organisationnel tant les salariés cherchent à donner du sens à ce processus
dynamique (Brown et al., 2015; Holt & Cornelissen, 2014). Si le changement doit avoir un
sens, c’est qu’il se décrit en fait comme une histoire qui serait amenée à résonner avec celle
des salariés (Thurlow & Mills, 2015). C’est ainsi que Giraud et Autissier (2013) ont montré
que les chercheurs ont favorisé la méthodologie des histoires de vie (Boje, 2001;
Czarniawska, 2004) pour étudier le changement.
Nous proposons ici une recherche action destinée à mieux comprendre, dans un contexte de
changement organisationnel, les liens entre la perception de justice organisationnelle et le
sentiment de reconnaissance d’un salarié, ainsi que le rôle du management dans le processus1.

1
Les auteurs ont déjà présenté une partie des résultats au congrès de l'AGRH en 2013 en mettant l'accent sur la
notion d'équité et la méthodologie de la recherche action. Dans ce nouveau papier, l'idée est de s'appuyer sur les
2
La première partie introduira le contexte de la recherche action. Ensuite, nous détaillerons la
méthodologie, le cadre conceptuel et la question de recherche. Enfin, les résultats obtenus
seront présentés et discutés.

1. Contexte de la recherche action


Le groupe Alpha2 est un des leaders de l’optique ophtalmique. Il est spécialisé dans
l’élaboration et la fabrication des verres adaptés aux défauts visuels. En 2009, le groupe
compte 34759 de salariés et 210 millions de verres produits. Le groupe Alpha se repose sur
quatre valeurs essentielles ; l’innovation, l’expertise, l’internationalisation et la participation
salariale. La Figure 1 présente les principaux acteurs du groupe Alpha.

Figure 1 : Les principaux acteurs du groupe Alpha.

Cette étude a été réalisée sous l’égide de la Direction des Ressources Humaines (DRH) du site
de production que nous appellerons B. Le site B comprend 300 personnes, sa production
s’élève à 8 millions de verres par an, ce qui représente 4% de la production mondiale pour un
CA de 3 milliards. L’entreprise se compose de salariés d’une moyenne d’âge de 50 ans et
d’une ancienneté moyenne de 23 ans. De plus, 70% des salariés sont sans diplôme et à grande
majorité de sexe féminin.

Sur ce site, il existe deux chaînes de production, une Organique et l’autre Polycarbonate. La
chaîne de production dite Organique est la plus ancienne et la plus manuelle, alors que celle
dite Polycarbonate est la plus moderne et la plus automatisée. L’usine B. est un site
laboratoire où se développent les innovations en matière d’organisation et de management.
Depuis 2006, l’entreprise met en place une nouvelle politique basée sur une meilleure gestion
des compétences.
1.1. Les résultats des précédentes études

données originales en mettant en perspective les notions d'équité et de reconnaissance dans un contexte de
changement organisationnel.
2
Dont le nom a ici été changé.
3
L’enquête Alpha Monde de 2006 (sondage quantitatif) avait fait ressortir trois points
importants : un quotidien au travail et politique humaine peu satisfaisants ; une information et
une communication au sein du site pas assez efficaces ; des problèmes au niveau de la
formation qui ne permet pas de faire évoluer les salariés.
L’enquête Alpha Monde de 2008 (sondage quantitatif) avait par la suite mis en évidence
plusieurs éléments importants. Si la satisfaction du personnel a augmenté sur la période 2006-
2008, passant de 58% à 68%, la tendance est complètement inversée quant à la politique
humaine de l’entreprise, particulièrement concernant les perceptions en termes d’équité. La
perception d’un traitement équitable est passée de 45% en 2006 à 37% en 2008.
1.2. Recherche action de 2009
Une étude menée en Décembre 2009 sur le site B a permis d’établir les principaux points sur
lesquels un sentiment de non équité et/ou de non reconnaissance était ressenti par les salariés
d’Alpha : la rémunération ; la répartition des primes ; la gestion de l’absentéisme ; les
différences de traitement entre hommes et femmes ; et, d’une façon plus générale, le
management organisationnel.
Ce sont les résulats de cet audit, qui s’inscrit dans le cadre d’une politique RH mise en place
depuis plusieurs années sur le site B, qui vont servir de base à notre étude empirique.

1.3. Politique RH du site B


Même si certaines difficultés sont remontées lors de l’enquête sur le site de B, notamment en
ce qui concerne la perception du sentiment de non équité et/ou de non reconnaissance par les
salariés (le verbatim est parfois un peu violent et pourrait laisser croire à de mauvaises
conditions de travail générales) il est important de nuancer cette première impression par les
deux éléments suivants. Tout d'abord, la direction du site B a une politique RH novatrice qui a
pour vocation de soutenir les salariés. Ensuite, une bonne ambiance de travail, une
convivialité et l’amélioration des conditions de travail caractérisent ce site. La politique RH
du site industriel est la résultante de 3 composantes : les objectifs de la politique industrielle
locale, les objectifs de la politique RH monde et de la politique RH France. Ainsi la vocation
du service Ressources Humaines de B. est d’accompagner les équipes de production et les
services supports dans la mise en œuvre de la politique industrielle, en utilisant les moyens
nécessaires qui lui sont propres tout en déployant la politique RH du groupe. La politique RH
du site B est déclinée en cinq thématiques qui regroupent les objectifs définis dans la stratégie
industrielle et les enjeux RH du groupe : l'implication de chacun ; le bien-être au travail ; la
GPEC ; la connaissance du groupe Alpha, l'administration du personnel. Le Tableau 1 reprend
les principaux projets et outils RH mis en place sur le site B.

Tableau 1 : Chantiers RH mis en place sur le site B du groupe Alpha.

Projets Outils
Évolution métier (horizon 5 ans) Matrice de compétences personnelles
Mutualisation des compétences et Synthèses personnelles et entretiens
meilleures connaissance des postes annuels d'évaluation
Journées de formation régulières

4
Formations (de type inductif, déductif Journées de formation régulières et DIF
ou analogique selon le besoin des (Droit Individuel à la Formation)
salariés)
Amélioration des conditions de travail Outil ergonomique spécifique et
(ergonomie) chantier d'amélioration continue

2. Méthodologie de la recherche action


L'étude présentée ici est une recherche-action qui s’appuie sur une association des
utilisateurs et des résultats de recherche dès le début du processus de création de connaissance
(Bourdouxhe & Gratton, 2003; Gustavsen, 2003). On peut également parler de « science de
l'action » (Seo, 2003). La production des données s'est faite dans le contexte d'une mission
d'audit menée par les chercheurs et a permis l’élaboration de préconisations pour l'entreprise.
Il s’agit plus précisément d’une action participative (Argyris & Schön, 1989) menée au sein
d'une organisation qui cherche à devenir apprenante (Argyris, 1976).
La recherche-action pose par ailleurs la question de la place du chercheur en ressources
humaines. Doit-il être un simple observateur du phénomène dont il rend compte ou bien être
lui aussi acteur de la recherche ? Si la place centrale que joue la méthodologie en sciences de
gestion a pu être source de dérives, Verstraete (2007, p. 96) rappelle que « des travaux
considérés comme essentiels dans les sciences de gestion s'inscrivent dans les considérations
pragmatiques du terrain (Fayol, Barnard, Taylor, Mayo) ». Ainsi, les sciences de gestion sont
des disciplines pratiques destinées à produire à la fois une connaissance praticable et une
approche qui devrait être pragmatique (Laufer, 2007). C’est pour cela que la méthodologie de
la recherche-action fait sens pour notre étude.
2.1. Type de recherche
La recherche-action suppose la création de relations interpersonnelles avec les utilisateurs, ce
qui est le cas avec le site B d'Alpha. Notre design de recherche intègre des données
quantitatives et qualitatives qui ont été collectées séquentiellement, et des données
quantitatives complémentaires ne sont pas dominantes (Heyvaert et al., 2013; Tashakkori &
Teddlie, 2010). Bien que les méthodes de recherche mixtes soient susceptibles de proposer
« une meilleure compréhension des phénomènes et des relations par rapport à une unique
approche » (Molina-Azorin et al., 2014, p. 111), elles restent négligées, notamment dans la
littérature francophone en sciences de gestion (Aldebert & Rouziès, 2014).
L'étude quantitative a permis de dégager un certain nombre de tendances qui ont été affinées
par l'étude qualitative. Les données collectées ont fait l'objet d'une triangulation des méthodes
(Denzin & Lincoln, 2011; Jick, 1979). Ainsi, plusieurs méthodes (en particulier des
questionnaires et des entretiens semi-directifs) ont été utilisées pour récolter des données qui
ont ensuite été confrontées entre elles et à la théorie. Notre démarche est de type déductif dans
la mesure où nous avons fait le choix de comprendre le contexte étudié en nous appuyant sur
un cadre théorique et de formuler des hypothèses selon un modèle hypothético-déductif.
Cette recherche action sur la perception par les salariés de l’équité a été menée sur la base de
deux outils. Tout d’abord, un questionnaire quantitatif a été administré afin de dégager une ou
plusieurs tendances sur le thème étudié, puis l’étude a été affinée par des entretiens collectifs.
Le paramètre homme/femme n'a pas était retenu en raison de la forte majorité de femmes
interrogées.
2.2. L’analyse quantitative
5
L’analyse quantitative a pour but de donner une tendance concernant l’analyse des données.
Dans le cadre de cette recherche un questionnaire était distribué à la fin du temps d’échange
en groupe. Ce questionnaire anonyme comportait un nombre limité de questions, 11 plus
précisément, centrées sur différents thèmes : mises en situation, les pratiques appréciées et les
espérances, les mots associés à l’équité et à la reconnaissance, les émotions au travail et le
ressenti des salariés par rapport à l’espace-temps formation. Le questionnaire était donné à la
fin afin de bénéficier de leur confiance et d’avoir des résultats plus fiables. 160 questionnaires
ont été récoltés (sur 170 participants).
2.3. L’analyse qualitative
L’analyse qualitative permet d’affiner les tendances observées. Les données qualitatives ont
été récoltées durant les 10 ateliers d’animation. Les ateliers étaient composés de 12 à 17
salariés, hommes et femmes, toutes tranches d’âge représentées. 3 animateurs avaient pour
tâche de faciliter le dialogue et de recueillir les données. Les problèmes évoqués par les
salariés étaient inscrits sur un papier collant, en respectant complètement le déclaratif. Les
personnes ne maitrisant pas la langue française ont été aidées par les animateurs dans la phase
d’écriture. Seul le critère d’âge a été demandé et noté sur les papiers collants afin de préciser
les analyses. Il est important de noter que la récolte des données s’est faite de manière
individuelle.
L’analyse thématique de contenu a ensuite été réalisée sur la base d’une retranscription des
entretiens. Cette technique d’analyse est en effet d’usage dans le domaine de la gestion des
ressources humaines et la plus adaptée à ce genre de données (Point & Retour, 2009; Thiétart,
2014). Ainsi, le comptage de mots nous a permis d’identifier des familles de problèmes
récurrents, et les arbres de causes.

3. Cadre conceptuel de la recherche action


Parce que le travail du chercheur dans une recherche action consiste aussi à confronter la
réalité à la théorie, nous allons passer en revue la littérature sur la justice organisationnelle.
Cette revue de la littérature nous servira de base pour l'analyse et la discussion des résultats.

3.1. La justice organisationnelle


La justice organisationnelle a été largement traitée par la littérature en sciences de gestion
(Adams, 1965; Greenberg, 1993; Leventhal, 1976). On peut distinguer trois courants
principaux : la théorie de la justice distributive, la théorie de la justice procédurale et la
théorie de la justice interactionnelle.
3.1.1 La théorie de la justice distributive ou Equité
Cette Théorie de l’équité, principalement développée par Adams (1965), insiste sur la
perception des rapports au travail par le salarié. Dans cette approche, le processus d’échange
donne lieu à un résultat qui peut être perçu comme étant juste ou injuste même si depuis,
Colquitt et al. (2015) ont par exemple suggéré que si l’injustice est bien liée à des attitudes
négatives au travail, elle ne serait pas sur le même continuum que la justice. Quoiqu’il en soit,
cette notion de justice distributive se révèle relative puisqu’elle dépend de la perception des
individus eux-mêmes.
Un sentiment d’inéquité provient alors d’un décalage entre les rétributions d’une personne
grâce au travail qu’elle a fourni, et les rétributions des autres par rapport à leurs
investissements. On parle en fait de proportionnalité des échanges (Greenberg & Lind, 2000).
Des ratios « Contribution/Rétribution » sont alors mis en place et Adams distingue deux

6
situations d’inéquité : la « sur-équité » et la « sous équité ». Steiner et Rolland (2006) ont mis
en avant le fait que la personne devait avoir conscience de la situation d’équité. Singh &
Loncar (2010) ont quant à eux mis en évidence l’importance de la rémunération dans le
sentiment d’équité.

3.1.2 La théorie de la justice procédurale


Leventhal (1976, 1980) a été le premier à mettre en lumière cette notion en précisant les
critères à respecter pour qu’une procédure soit bien perçue comme juste par les individus.
 Suppression des biais (« Bias-suppresion rule ») : C’est-à-dire que les procédures
mises en place ne doivent pas l’être dans le but de servir les intérêts personnels de
ceux qui ont créé ces procédures ;
 Cohérence (« Consistency rule ») : Les règles doivent témoigner d’une certaine
cohérence, d’une stabilité dans le temps et au niveau des personnes. Elles doivent
s’appliquent de la même manière pour tout le monde. L'idée est d’éviter le
favoritisme et le fait de changer les règles en fonction du moment et des personnes
dans le but de créer un avantage personnel;
 Fiabilité (« Accurancy rule ») : Les procédures doivent se baser sur des informations
fiables et précises, et non sur des « on-dit » par exemple ;
 Correction (« Correctability rule ») : On donne la possibilité aux individus de pouvoir
corriger les décisions, en présentant de nouveaux éléments pertinents, afin d’éviter un
processus arbitraire ;
 Représentativité (« Representativeness ») : Il faut que les procédures aient pour
objectif principal de représenter les intérêts de l’ensemble des individus, de l’ensemble
des parties prenantes de l’entreprise ;
 Ethique (« Ethicality ») : Une procédure doit également respecter les valeurs éthiques
et morales développées par les individus.
3.1.3 La théorie de la justice interactionnelle
La justice interactionnelle définit quant à elle la qualité du traitement des salariés pendant la
mise en œuvre des procédures décrites ci-dessus (Steiner & Rolland, 2006). Ainsi, cette
justice est composée d’une justice informationnelle c’est-à-dire le fait de donner une
information pertinente aux individus - « informations données sur la décision » selon Bies et
Moag (1986) - et d’une justice interpersonnelle qui insiste sur l’importance d’un bon respect
des salariés durant la mise en place des processus ou « sensibilité sociale » pour Bies et Moag
(1986). L’information claire et le respect des collaborateurs influencent positivement leur
perception de l’organisation et par conséquent, font d’eux des personnes motivées qui doutent
peu de la justice des décisions prises au sein de l’organisation.
Les chercheurs se sont aussi intéressés aux liens entre ces trois types de justice
organisationnelle qui, « quoique distincts, pourraient lors de l’analyse finale de pas être très
différents que ce soit par rapport à leur dynamique ou à leurs conséquences » (Lind, 2001, p.
225).

3.2 La reconnaissance
La justice organisationnelle est « [une] condition d’efficacité d’une politique de
reconnaissance » (Sire et al., 2005, p. 325). Selon Honneth (2000), la reconnaissance est
l’affirmation de qualités positives de sujets humains ou de groupes. Elle serait en fait la

7
condition intersubjective permettant de se réaliser de manière autonome. L’individu ne peut
pas développer une identité personnelle sans reconnaissance, c’est-à-dire sans compréhension
et légitimation par ses partenaires d’interaction (Honneth, 2000; Pierson, 2012). Hinault et al.
(2013, p. 93) notent par ailleurs que les « dynamiques » de la reconnaissance s’avèrent
particulières dans un contexte de changement organisationnel ou d’« incertitude
institutionnelle ».
Pour Siegrist (1996), la reconnaissance au travail est corrélée à l’estime et au soutien de la
part du supérieur ou des collègues, au salaire, à la possibilité de promotion et à la sécurité
d’emploi. Les échanges verbaux, la consultation pour avis, l’autonomie dans le travail, la
valorisation des réalisations et les opportunités de développement sont autant de formes de
reconnaissance au travail mises en lumière par la littérature (Brun & Dugas, 2005; Fall, 2014;
Stajkovic & Luthans, 1998, 2001; St-Onge et al., 2005).
Brun et Dugas (2005) proposent une catégorisation théorique des pratiques de reconnaissance
au travail, selon les formes et les acteurs impliqués : horizontale, verticale et
organisationnelle. La reconnaissance horizontale est celle qui s’exprime entre les collègues
sur notamment la qualité du travail accompli, la reconnaissance verticale est celle qui se
manifeste entre le gestionnaire et son employé, et la reconnaissance organisationnelle est celle
qui se manifeste entre l’organisation et ses employés, à travers notamment, les politiques et
programmes mis en place par l’organisation en faveur de ses membres.
Nous retiendrons le modèle de Brun et Dugas (2005) comme grille d’analyse dans notre
étude. Ces auteurs mettent en évidence quatre formes de reconnaissance :

3.2.1 La reconnaissance existentielle


Dans cette forme de reconnaissance l’individu se voit reconnaître le droit à la parole et à
l’influence sur les décisions, le cours de ses actions et celles de l’organisation. Brun et Dugas
(2005, p. 82) rappellent que le salarié devrait être « autorisé à être témoin et producteur du
projet d’entreprise ». Le critère qui permet de savoir si cette reconnaissance existe est le fait
pour le salarié d’avoir la sensation d’exister aux yeux des autres et que ses besoins sont pris
en considération. Le salarié a le sentiment « d’être respecté dans son intégrité et sa singularité
physique, affective et psychologique ».

3.2.2 La reconnaissance de la pratique de travail


Cette forme de reconnaissance met l’accent sur la manière dont le salarié (ou l’équipe) réalise
son travail (et non sur la personne en tant que telle ou sa production). Axée sur le
comportement du salarié, cette reconnaissance se manifeste dans le contexte du processus de
travail par le fait de se sentir reconnu pour « son expertise, ses compétences, son ingéniosité,
ses qualités professionnelles, sa manière d’exécuter les tâches et de résoudre les problèmes »
(Brun & Dugas, 2005).

3.2.3 La reconnaissance de l’investissement dans le travail


Cette forme de reconnaissance souligne la participation et la contribution du salarié (ou de
l’équipe) au processus de travail au regard des efforts consentis, c’est-à-dire de l’énergie
déployée quel que soit le résultat atteint. Elle permet de souligner l’apport des salariés moins
performants et « des travailleurs de l’ombre » (Brun & Dugas, 2005, p. 83) . Cette
reconnaissance procure au salarié le sentiment d’être vu et apprécié à l’aune des efforts qu’il
fournit, indépendamment des résultats de son travail.
8
3.2.4 La reconnaissance des résultats
Cette forme de reconnaissance porte sur le produit du travail du salarié et sa contribution au
projet de l’entreprise. Elle s’exprime donc surtout à posteriori et a un lien direct avec le
rendement, la productivité et la performance du salarié (Brun & Dugas, 2005). Le salarié a le
sentiment d’être reconnu au regard de sa contribution dans la production de résultat ce qui
« accroit son sentiment d’utilité, d’équilibre contribution-rétribution, d’efficacité et
d’importance pour l’organisation » (Brun & Dugas, 2005, p. 83).

Figure 2 : Les quatre pratiques de reconnaissance d’après Brun & Dugas (2005).

Personne Processus de travail Produit

Reconnaissance Reconnaissance Reconnaissance Reconnaissance


existentielle de la pratique de des résultats
de travail l’investissement
dans le travail

4. Modèle de recherche et hypothèses


La Figure 3 illustre le modèle de recherche et le rôle modérateur supposé du management sur
le lien entre la perception de justice organisationnelle et le sentiment de reconnaissance vécu
par les collaborateurs. Notre modèle met en perspective les trois aspects de la justice
organisationnelle (distributive, procédurale et interactionnelle ; cf. revue de la littérature) et
les quatre formes de reconnaissance de Brun et Dugas (2005).
Précisons qu’au regard de la justice distributive, le rôle de modération du management
semblerait être moins important (Brillet et al., 2013) pour être en revanche plus fort
concernant la justice interactionnelle (Bies & Moag, 1986).
Quant aux dimensions de la reconnaissance utilisée ici, notre modèle s'appuie sur la typologie
de Brun et Dugas (2005). Les reconnaissances existentielles, de la pratique de travail et de
l'investissement au travail sont particulièrement du ressort du management, notamment
intermédiaire. En revanche la reconnaissance des résultats relève davantage des axes
stratégiques de la politique de l'entreprise plus que du management proprement dit.
L'ambition de notre étude est de démontrer le rôle modérateur du management, notamment en
contexte de changement organisationnel. Celui-ci apparaît comme la pièce maitresse qui
permet de renforcer ou d’infirmer la perception de justice au sein de l'organisation et
d’affecter ainsi le sentiment de reconnaissance des collaborateurs.

9
Figure 3 : Modèle de recherche.

Management
(Managers de proximité)

H4

Sentiment de
Perception de justice reconnaissance
organisationnelle  Existentielle
 Distributive  Des pratiques de travail
 Procédurale  De l’investissement dans
H1, H2 &
 Interactionnelle H3 le travail
 Des résultats

Notre question de recherche est donc la suivante : le management est-il modérateur du lien
entre la perception de justice organisationnelle et le sentiment de reconnaissance perçu par les
salariés ? La revue de littérature nous ont permis de formuler une série d’hypothèses que nous
souhaitons confronter au terrain que nous étudions. L’ambition de cet article est notamment
de compléter le travail de Brillet et al. (2013) (1) en distinguant les différents types de
reconnaissance lors de l’analyse des résultats alors que ces auteurs ont envisagé la
reconnaissance de manière globale et (2) en étudiant un contexte de changement
organisationnel. Toutefois, la revue de littérature nous permet uniquement de formuler des
hypothèses se déclinant sur les dimensions de la justice organisationnelle. Chaque dimension
de la reconnaissance sera ensuite discutée à la lumière des données.

H1 : Le sentiment de reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa perception de la


justice distributive.

La littérature suggère d’abord que le sentiment de reconnaissance d’un salarié est influencé
par la justice distributive. Sire et al. (2005, p. 322) précisent même que « la rétribution […]
serait un mode de reconnaissance de la contribution du salarié ». Parallèlement, Rojot et
Duval-Hamel (2005, p. 278) rappellent que « pour beaucoup de salariés, la rémunération doit
rimer aussi avec la reconnaissance matérielle de leur performance, la qualité de leur
engagement, et les résultats qu’ils ont atteints ».
Brillet et al. (2013) testent l’existence d’un lien entre justice perçue et reconnaissance globale.
Dans leur proposition de mesure, les auteurs (2013, p. 10) mettent particulièrement l’accent
sur la dimension distributive qui peut être financière ou non-financière. En effet, Fraser
(2011) suggère que le sentiment de reconnaissance passe par ces deux dimensions de la
justice distributive. Les résultats de Brillet et al. (2013) montrent par exemple que la
dimension distributive non-financière de la justice qui a l’impact le plus important sur la

10
reconnaissance globale. Ainsi, nous pouvons formuler l’hypothèse que le sentiment de
reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa perception de la justice distributive.

H2 : Le sentiment de reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa perception de la


justice procédurale.

Uhalde (2013, p. 69) écrit que « les politiques et dispositifs de gestion – notamment de
gestion des ressources humaines (règles statutaires, dispositifs d’avancement, de formation, de
rémunération, discours, chartes, …) – comme les règles formelles d’organisation du travail
balisent les offres et les formes de reconnaissance possibles […] ». Ainsi, le sentiment de
reconnaissance d’un salarié ne serait pas seulement corrélé à la perception de justice
distributive, mais aussi à la perception de justice procédurale.
En complément du commentaire d’Uhalde (2013), Steiner (2012, p. 542) précise que nous
valorisons la justice comme une finalité en soi mais aussi que « nous sommes […] attentifs
aux procédures car quand elles sont justes nous possédons des éléments d’information sur
notre valeur ». Nous supposons alors que la perception de justice procédurale donnerait au
salarié une information sur sa valeur et devrait être accompagnée d’un sentiment de
reconnaissance plus élevé. L’Hypothèse 2 est formulée ainsi : Le sentiment de reconnaissance
d’un salarié est corrélé à sa perception de la justice procédurale.

H3 : Le sentiment de reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa perception de la


justice interactionnelle.

La littérature en gestion propose plusieurs exemples suggérant une corrélation entre la


perception de justice interactionnelle et le sentiment de reconnaissance. Par exemple, Bourcier
(2005, p. 290) montre que dans ses données, les répondants saluent « très clairement
l’importance des aspects relationnels [en ce qui concerne leur sentiment de reconnaissance].
Les salariés […] attendent que leur travail soit d’abord valorisé, puis reconnu […] de façon
informelle […] ». Ainsi, la reconnaissance ne découlerait pas seulement de la perception de
justice distributive et procédurale mais également de la justice interactionnelle. En effet,
Peretti (2013, p. 424) écrit : « Il apparaît clairement que le choix d’une modalité de
rémunération, d’une part, la procédure de mise en application, d’autre part, et, en particulier,
la communication sur l’ensemble du dispositif ont un impact fort sur le niveau de
reconnaissance ».

De plus, Frimousse et al. (2008, p. 117) ont démontré que la justice interactionnelle a un
impact particulièrement significatif sur la performance eu travail et sur les comportements
« d’échange et de réciprocité ». Brillet et al. (2013) confirment par ailleurs l'existence d'une
corrélation entre justice interactionnelle et reconnaissance globale. Nous formulons alors
l’hypothèse 3 que le sentiment de reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa perception de la
justice interactionnelle.

H4 : Le management modère la relation entre la perception par un salarié de la


justice organisationnelle et son sentiment de reconnaissance.

Dans leur ouvrage séminal, Crozier et Friedberg (1977) insistent sur le rôle d’intermédiaire du
manager. En effet, selon les auteurs (1977, p. 86), le manager a le pouvoir de « marginal
11
sécant, c’est à dire d’un acteur qui est partie prenante dans plusieurs systèmes d’action en
relation les uns avec les autres et qui peut, de ce fait, jouer un rôle indispensable
d’intermédiaire et d’interprète entre des logiques d’action différentes, voire
contradictoires ». Ainsi, nous supposons que ce rôle « d’intermédiaire et d’interprète » du
manager affecte le lien entre la perception par un salarié de la justice organisationnelle et son
sentiment de reconnaissance.

Dans un autre ouvrage fondateur, Ulrich (1997) précise que l’une des fonctions des
responsables RH est d’être agents du changement. Or, si les tâches RH sont de plus en plus
déléguées au manager opérationnel (Dany et al., 2008), il s’agirait alors pour ce dernier d’être
agent du changement et donc de garantir les perceptions de justice dans un tel contexte.

Ainsi, Koivisto et al. (2013) montrent que la perception de menaces en période de


changement est conditionnée par la capacité des managers à traiter équitablement ses
collaborateurs et à en être représentatifs. Les managers auraient ainsi un rôle crucial dans le
maintien du niveau de justice au sein de leurs équipes. D’un strict point de vue de la justice
distributive, les managers seraient alors garants du sentiment d’équité. Richard (2012, p.
1232) rappelle effectivement que « le champ de la rétribution […], plus largement encore,
[…] regroupe toutes les actions de reconnaissance (ce qui inclut par exemple le travail sur les
attitudes managériales) ».

Enfin, Bies et Moag (1986) suggèrent que la modération du management sur le lien entre
perception de justice et sentiment de reconnaissance pourrait particulièrement concerner la
dimension interactionnelle de la justice. Nous proposons ici d’étendre cette hypothèse aux
deux autres dimensions de la justice organisationnelle. Nous formulons alors l’hypothèse 4
que le management modère la relation entre la perception par un salarié de la justice
organisationnelle et son sentiment de reconnaissance.

5. Résultats & Discussion


5.1 Test de H1 : Le sentiment de reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa
perception de la justice distributive.
La notion de justice distributive repose sur un ratio, une appréciation subjective de sa situation
de travail par le salarié. Il examine d’abord sa situation en pesant les avantages reçus par
rapport aux contributions versées. Il compare enfin les résultats de ce premier examen à la
situation de ses collègues ou à celle des salariés d’une autre entreprise (Adams, 1965).
5.1.1 Salaire, reconnaissance de l’investissement au travail et justice distributive
Dans la recherche action menée, la question des salaires arrive en première place. L’âge
moyen de la population étudiée (52 ans) peut expliquer l’importance accordée à la
rémunération. En effet pour les 36-50 ans et 51 ans et plus interrogés dans le cadre de l’étude
qualitative, le salaire est garant de l’équité et de la reconnaissance.
Si Jones et Skarlicki (2013) suggèrent que la perception de justice peut évoluer, Ryan et
Wessel (2015, p. 3) ont ajouté qu’« il pourrait aussi y avoir des différences […]
démographiques dans la manière dont l’équité est interprétée ». Ainsi, il semble important de
replacer la perception d’équité dans une perspective individuelle puisque chaque individu a
ses propres interprétations et ressentis par rapport à une justice donnée.

12
Dans un chapitre dédié à la fixation du salaire, et donc à propos de l’équité interne, Peretti
(2013, p. 355) précise que « la perception par les salariés que la structures des classifications
et l’échelle des salaires reflète convenablement la valeur de chaque poste […] est
essentielle ». En effet, Colquitt et al. (2001) montrent que la justice distributive influence
particulièrement le sentiment d’équité des salariés qui doivent se partager les ressources
limitées de l’entreprise. C’est peut-être la raison pour laquelle Dubouloz (2014, p. 64) trouve
que la plupart des pratiques de mobilisation des ressources humaines attachent une
importance particulière aux récompenses et à la rémunération.

Tableau 2 : Salaire, non-reconnaissance de l’effort et justice distributive.

Famille 1: Salaire Entre 18 et 35 ans Entre 36 et 50 ans Entre 51 ans et plus Total
Salaire 1 7 6 14
Total 1 7 6 14

La population interrogée étaient constituée de la manière suivante : 15 personnes entre 18 et


35 ans ; 53 personnes entre 36 et 50 ans et 92 personnes ayant plus de 51 ans. Pour les
salariés entre 36 et 51 ans et plus, les différences de traitement et les raisons de différenciation
de salaires sont très floues et sujettes à controverse. Les opportunités de carrière sont réduites
ou en tout cas mal connues. Cela peut être en lien direct avec les plaintes concernant le
manque de formation qu’expriment les 18-35 ans. Sans formation adaptée et un système de
promotion interne connu, les possibilités en termes d’évolutions de carrière apparaissent
réduites. Si les employés ont le sentiment qu’en termes de carrière, l’entreprise ne peut pas
leur offrir de perspective ou que ces perspectives sont très réduites, le sentiment d’inéquité par
rapport à ceux qui ont eu droit à certaines formations peut naître, surtout si à l’issue de ces
formations, certains ont eu droit à des augmentations et pas d’autres (comme nous le montre
les réponses aux questionnaires). Les problèmes de management apparaissent aussi à partir de
cette tranche d’âge. C’est aussi ici que les premières différences de traitement entre hommes
et femmes semblent apparaître (révélées par les entretiens collectifs).

13
5.1.2 Compétences, reconnaissance de l’investissement au travail et justice distributive

Graphique 1 : Mots associés à l'équité (justice organisationnelle).

L’enquête montre que pour les salariés d’Alpha le terme équité est rattaché principalement
aux termes : salaire, égalité, justice, compétences. Or, on constate que le sentiment d’inéquité
parmi les salariés (ateliers polycarbonate et organique confondus) concerne l’attribution des
salaires, la valorisation des compétences ainsi que des sentiments d’injustice et d’inégalité.
Selon l’analyse quantitative menée auprès des salariés du site B (voir Graphique 1), le premier
enjeu qui apparaît en termes d’équité est celui du salaire. En effet, l’analyse révèle que le
sentiment d’inéquité vient majoritairement du salaire, qui, selon les salariés, n’est pas à la
hauteur des efforts qu’ils fournissent (cf. Singh & Loncar, 2010). On retrouve ici la notion de
reconnaissance de l’investissement dans le travail (Brun & Dugas, 2005).

Par conséquent, ce manque d’impact sur les salaires agit directement sur la motivation de tous
les salariés, leur renvoyant l’image d’un manque d’appréciation de leur travail et des efforts
fournis. Cette impression revient surtout parmi les salariés polyvalents (qui doivent par la
nature même de leur travail être capables de maîtriser les compétences liés à plusieurs postes)
qui ont le sentiment que leur travail n’est pas reconnu parce que la rémunération ne reflète pas
l’effort supplémentaire fourni : « La polyvalence n’est pas reconnue » ; « On est des bouche-
trous, nous les polyvalents » ; « On est des laissés pour compte ». C'est ce qu'illustre l'arbre
des causes ci-dessous.

14
Figure 4 : Salaire, reconnaissance de l’investissement au travail, justice interactionnelle.

Absentéisme

Certains ont Chef


des
Pas le même augmentations Tête du client Certains chefs
salaire pour le Chef n'écoutent pas
personnelles (favoritisme)
même travail plus que ou ne veulent
d'autres pas
Considérés
Polyvalence négativement
pas reconnue à
sa juste valeur Vu comme un
enrichissement
personnel

A travers les analyses quantitatives et qualitatives, on note la corrélation entre un sentiment


d’inéquité et une légitimité de l’attribution des salaires remise en question. Le sentiment
d’inéquité quant à la rémunération est généré par plusieurs facteurs : l’attribution
« arbitraire » des salaires, le manque de valorisation des compétences acquises par
l’ancienneté ainsi que le manque de valorisation de la polyvalence. La perception d'inéquité
peut être reliée à la fois à la justice distributive et à la justice procédurale (Adams, 1965;
Leventhal, 1976, 1980).
Ainsi les différentes variables étudiées ci-dessus mettent bien en évidence le fait que le
sentiment de reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa perception de la justice distributive.
H1 est bien validée.
5.2 Test de H2 : Le sentiment de reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa
perception de la justice procédurale.
Pour Leventhal (1976, 1980) la justice procédurale suppose un ensemble de critères :
suppression des biais, cohérence, fiabilité, correction, représentativité, éthique. Dans la
recherche menée deux thèmes sont soulevés par les personnes interrogées qui renvoient à la
justice procédurale.

5.2.1 Salaire, reconnaissance de l’investissement dans le travail et justice procédurale


Sur le site B le sentiment d’inéquité naît de la différence de salaire entre personnes occupant
le même poste et effectuant les mêmes tâches. Le manque de visibilité quant aux modalités de
mise en place des augmentations crée un malaise chez les salariés qui ressentent cette
différence comme totalement arbitraire et par conséquent, non équitable. Les personnes lors
des entretiens collectifs ont fait remonter spontanément les remarques suivantes : « Leur
classification est mal faite, une 13 peut gagner plus qu’une 21 » ; « On ne devrait pas pleurer
pour avoir un dû, une augmentation » ; « Pourquoi des personnes ont des salaires différents
pour le même boulot ? » ; « Tout le monde devrait gagner à peu près pareil ».
En s'appuyant sur la théorie de Greenberg (1993), on se rend bien compte ici que les salariés
sont plus enclins à accepter une inégalité des salaires si cette inégalité est basée sur des
critères clairs et justifiés dans le cadre de l’activité. Comme Peretti (2013, p. 355) l’a suggéré,
on observe dans les verbatims une importance accordée par les salariés à la structure de leur

15
classifications de salaire, notamment ici en ce qui concerne « le salaire de qualification,
généralement appelé salaire de base ».
Un autre problème apparaît quant à l’attribution des salaires. Les salariés notent une évolution
de la rémunération plus rapide chez les jeunes. Nos données montrent par ailleurs que pour
ceux-ci la rémunération n’est pas la source principale du sentiment d’inéquité et cet élément
est d’autant plus perçu comme étant injuste que les salariés les plus anciens ne voient pas
leurs taux horaire augmenter (« le taux horaire n’augmente jamais ») malgré les compétences
acquises au fil des ans par leur expérience et les formations qu’ils ont suivies.

5.2.2 Formation, reconnaissance existentielle et justice procédurale


Tout d’abord, la question de la formation qui est au cœur du sentiment de reconnaissance pour
les 18-35 ans pose des problèmes en termes de non équité au regard de la représentativité : les
très jeunes et les séniors y ont peu accès.
Le verbatim est tout à fait révélateur à ce sujet : « On ne prend pas en compte le temps de
formation des nouveaux » ; « Tu ne peux pas évoluer » ; « 2 jours de formation sur un truc
qu’on a jamais fait, on ne peut pas l’appliquer directement sur le poste » ; « Il faut des
formations ». Le lien avec la reconnaissance est surtout fait par la tranche de salariés la plus
jeune.

Graphique 2 : Lien entre la reconnaissance et la justice procédurale (18-35 ans).

Le Graphique 2 suggère que l’accès équitable à la formation est une forme de reconnaissance
de leur potentiel professionnel pour les 18-35 ans. Les entretiens collectifs ont permis
d’établir que, dès l’arrivée dans l’entreprise, des problèmes liés à la formation des nouveaux
entrants apparaissent. Il n’y a pas de plan de formation aux techniques pour eux, et ils doivent
se contenter d’un apprentissage « sur le tas ». Même concernant les tâches jugées comme
« simples » par l’encadrement, il y a un désir de perfectionnement des ouvriers par le biais de
la formation qui ne semble pas prise en compte. D’autant plus que, comme nous le montre le
graphique, la formation est considérée par 17% des salariés comme vecteur d’évolution de
carrières. On retrouve ici la notion de reconnaissance existentielle (Brun & Dugas, 2005).

Ce résultat impliquerait que les facteurs de satisfaction au travail intrinsèque sont


particulièrement importants pour les jeunes salariés, ce qui contraste avec le constat de
16
L’Hoste (2010, p. 226) selon qui les jeunes diplômés sont particulièrement sensibles à la
dimension extrinsèque : « pétris de souci d’équité, ils prennent un soin tout particulier à
comparer leurs rémunérations avec celles de leurs pairs et supportent difficilement d’être
traités d’une façon qu’ils considèrent injuste et infondée ». Nos résultats complètent toutefois
le travail de French et Emerson (2015) qui montre également que certaines facettes de la
satisfaction comptent plus ou moins en fonction de l’âge.
Le deuxième point qui ressort de l’étude au sujet de la reconnaissance et de la justice
procédurale a trait à la gestion des compétences. Grâce au Tableau 3, qui comptabilise les
mots concernant les conditions de travail, on peut remarquer que la problématique de
l’adaptation des postes (difficultés liées à l’âge et à une longue pratique du poste) est aussi
mise en avant.

Tableau 3 : Lien entre la reconnaissance et la justice procédurale (gestion des


compétences).

Famille 3: Entre 18 et 35 ans Entre 36 et 50 ans Entre 51 ans et plus Total


Compétences
Compétences 2 7 14 23
Adaptation 0 1 1 2
Formation 5 2 3 10
Polyvalence 1 5 9 15
Total 8 15 27 50

Plus que la notion d’équité, c’est surtout la notion de non-équité qui revient chez tous les
employés quelle que soit leur tranche d’âge ainsi qu’une résistance par rapport aux managers.
« Les hommes sont peu nombreux, ils s’assemblent » ; « Plus d’avantages pour les hommes ».
Les perceptions de l'équité sont donc multiples, on retrouve ici le caractère subjectif de la
perception de l'équité au sens de la théorie d'Adams (1965).
Nous pouvons conclure que les différentes variables étudiées ci-dessus mettent bien en
évidence le fait que le sentiment de reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa perception de
la justice procédurale. H2 est bien validée.

5.3. Test de H3 : Le sentiment de reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa


perception de la justice interactionnelle.

5.3.1 Communication, reconnaissance existentielle et justice interactionnelle


On constate également l’existence d’un problème concernant le manque d’écoute au sein de
l’entreprise. Le Graphique 3 illustre le fait qu’un salarié qui fait preuve d’initiative en
proposant des idées/solutions novatrices pense qu’il ne sera pas écouté. Le salarié n’a aucune
visibilité sur le traitement de son idée.

17
Graphique 3 : Proposition d’idée nouvelle, management et reconnaissance existentielle.

Outre les problèmes de salaires ou de différences de traitement, l’analyse qualitative menée


sur la perception de l’inéquité sur le site B révèle plus généralement des difficultés liées à la
communication (voir Tableau 4). Cette observation concerne toutes les tranches d’âge de
salariés notamment les plus de 51 ans. Le problème d’écoute mis en avant par le tableau
recoupe les résultats du graphique précédents. Les salariés ont également parlé de
« communication » et de « dialogue ». En outre, les mots « inéquité » et « sous équité » sont
employés fréquemment lorsque le thème de l’équité est soulevé.

Tableau 4 : Communication, reconnaissance existentielle et justice interactionnelle.

Famille 9 : Entre 18 et 35 ans Entre 36 et 50 ans entre 51 et plus Total


Communication
Communication 2 2 3 7
Dialogue 1 0 1 2
Ecoute(é) 1 2 10 13
Total 4 4 14

De plus, l’analyse qualitative montre que les relations managers/managés sont peu
pertinentes, avec des « chefs » qui ne sont pas « justes » (« à la tête du client »). Ainsi,
l’absence de réel management de proximité et par conséquent, l’absence de communication,
ne peuvent qu’alimenter le sentiment d’inéquité. On retrouve ici l’importance de la justice
interrelationnelle (Bies & Moag, 1986; Greenberg, 1993). Ce résultat a une importance non
négligeable car la perception d’équité impacte particulièrement les attitudes des salariés en
contexte de changement. Schumacher et al. (to be published) montrent en effet que le lien
entre insécurité et implication organisationnelle affective est modulé par la perception
d’équité, particulièrement au début du processus de changement.
L’évocation de problèmes de communication au sein de l’entreprise est un point intéressant à
noter. En effet, les salariés parlent d’inéquité en ce qui concerne différents domaines (salaires,
compétences…). Or, si l’on reprend la théorie de Leventhal (1976, 1980), le sentiment
18
d’inéquité peut provenir d’un manque d’information. Ainsi, les difficultés mentionnées par les
salariés pourraient résulter d’un manque de visibilité des procédures de la société en ce qui
concerne les salaires, l’égalité homme-femme, etc. En effet, un biais dans l’information peut
directement créer des sentiments d’inégalité car les salariés n’ont pas accès à l’explication de
la mise en place des procédures.
Selon l’analyse de Leventhal un sentiment d’équité vient d’une bonne communication autour
des procédures. Dans son modèle, plusieurs éléments permettent une justice procédurale
pertinente. Or, on constate que toutes les conditions du modèle de Leventhal ne sont pas
réunies dans le cas d’Alpha. Le verbatim est particulièrement révélateur : Bias suppression
rule : « pour certains chefs, c’est à la tête du client » ; Consistency rule : « pourquoi des
personnes ont des salaires différents pour le même boulot ? », Accurancy rule : « il y a un
grand tableau à la relève avec plein d’informations parfois erronées » ; Correctability rule :
« il faut mettre en place une prime d’assiduité » ; Representativeness : « ils préfèrent prendre
en considération des personnes extérieures alors qu’il n’y a pas d’écoute des salariés » ;
Ethicality : « harcèlement par le chef » / « ils ont donné des augmentations à des gens
toujours absents pour les motiver à venir ».
Sur le site B, on note d’une part un sentiment d’inéquité et d’autre part, une mauvaise vision
des procédures (le modèle de Leventhal concernant une justice procédurale efficace et
pertinente n’est pas validé).

Ainsi les différentes variables étudiées ci-dessus mettent bien en évidence le fait que le
sentiment de reconnaissance d’un salarié est corrélé à sa perception de la justice
interactionnelle. H3 est bien validée.

5.4 Test de H4 : Le management modère la relation entre la perception par un


salarié de la justice organisationnelle et son sentiment de reconnaissance.
5.4.1 Management, reconnaissance existentielle et justice procédurale et interactionnelle

Tableau 5 : Management, reconnaissance et justice interactionnelle.

Famille 2: Entre 18 et 35 ans Entre 36 et 50 ans Entre 51 ans et plus Total


Hiérarchie
Chef 2 10 11 23
Total 2 10 11 23

Le Tableau 5 montre que la place du management organisationnel n’est pas non plus à
négliger. En effet, l’attitude du manager vis-à-vis de son équipe affecte le lien entre le
sentiment d’équité et la perception de justice. L’équipe s’attache en effet à l’attitude du
manager envers les individus et le travail fourni. Ce résultat fait écho au travail de Greenberg
(1994) qui a montré que les managers qui montraient de la considération pour leurs salariés
avaient plus de chances d’avoir leur changement accepté. On décèle également dans cette
forme de reconnaissance l’effet de la dimension interactionnelle de la justice, qui s’avère
particulièrement corrélée aux comportements favorables au changement (Fuchs & Edwards,
2012). Pour créer un sentiment d’équité dans l’entreprise, les managers devraient alors être

19
au plus près des salariés, conscients des efforts fournis selon la difficulté des tâches
accomplies. Ils doivent surtout refléter cette connaissance des tâches et de leurs difficultés par
des feedbacks positifs envers les salariés (Peretti, 2004). Or, dans le cas d’Alpha on remarque
une vraie dissension entre ouvriers et managers.

Tout d’abord, les salariés ont l’impression qu’il y a du favoritisme de la part des managers à
l’égard de certains employés, des hommes en particulier, comme l’illustre la Figure 5 :

Figure 5 : Management, non-reconnaissance existentielle et justice interactionnelle.

A la tête du
client

Lié au
physique
Favoritisme
Problème des
"lèche-bottes"

Certains ne
peuvent pas
s'exprimer

Un phénomène de « copinage » avec le chef, ou en tout cas la perception de ce phénomène,


transparaît clairement dans les témoignages : « pour certains chefs, c’est à la tête du client »,
« il faut fayoter », « ils vous disent que non mais… », « les hommes sont peu nombreux, ils
s’assemblent ». Le sentiment de favoritisme (Fiester et al., 2010) empêche par extension
l’impression d’un sentiment de traitement équitable parmi les salariés d’Alpha. Cela se traduit
par une frustration, de la démotivation et peut peut-être dans une certaine mesure expliquer
l’absentéisme dans l’entreprise.
D’autre part, les salariés d’Alpha se plaignent de problèmes qui ramènent à un manque de
considération des cas individuels.

20
Figure 6 : Management, non-reconnaissance de la pratique de travail et justice
interactionnelle.

Par exemple, il n’y a pas de prise en compte des cas individuels pour l’adaptation de l’outil de
travail et des méthodes (les difficultés liées à l’âge par exemple). Les ouvriers considèrent
comme non équitable que chacun doivent occuper le même poste de la même façon sans
prendre en compte les difficultés individuelles car cela entraîne une différence de traitement.
Là encore, il semble que le problème vienne des managers qui ne seraient pas assez proches
des ouvriers, qui ne communiquent pas assez et ne s’intéressent pas assez aux tâches. « Pour
les chefs, le résultat est là au bout, pourquoi faire plus ? », « Plus il y a des chefs et moins ils
nous écoutent », « Ils devraient faire une formation pour savoir ce que l’on fait »,
« Aujourd’hui, les chefs nous regardent à travers les vitres ». Les ouvriers considèrent que la
différence de traitement vient en partie du fait que les chefs ne connaissent pas leurs tâches.
Ils n’ont fait aucune formation ou aucune immersion pour apprendre et comprendre ce que
font les ouvriers. Par conséquent, ils ne peuvent pas évaluer correctement le travail fait. Ici
au-delà du problème d’équité, on sent également pointer un problème de légitimité du pouvoir
des supérieurs hiérarchiques.
Ainsi, l'hypothèse H4 est bien validée et nous pouvons confirmer l’observation de Sire et
Tremblay (2012, p. 1245) selon lesquels « dans le cas où une partie des décisions est déléguée
aux managers (entretiens d’évaluation, décisions concernant les rémunérations individuelles,
etc.) il faut qu’ils soient sensibilisés non seulement au respect des processus mis en place,
mais aussi au « savoir-être » adéquat avec leurs collaborateurs à chaque étape du processus ».
Nous confirmons enfin qu’il serait nécessaire pour un manager de vérifier la pertinence des
différents outils permettant la reconnaissance de ses collaborateurs (Terramorsi & Peretti,
2011).

21
6. Limites
Cette étude s’est concentrée sur une seule entreprise et, à ce titre, elle comporte des limites en
termes de généralisation puisqu'il s'agit de raisonner à partir d'une situation d'entreprise bien
particulière qui comporte bien entendu ses contingences. Par exemple, notre échantillon est
constitué en grande partie d'une population féminine et senior ce qui met l'accent sur les
questions d'adaptation du salarié à son poste de travail et sur son vieillissement au travail.
Néanmoins, l’ambition de cette recherche n’est pas la généralisation de ses résultats et nous
cherchons à valoriser autrement nos données. Une recherche centrée sur une unique étude de
cas permet en fait de rester fidèle au contexte dans lequel s’effectue le changement. La prise
en compte du contexte paraît en effet indispensable dans le cadre d’une recherche en gestion
du changement organisationnel (Pettigrew et al., 2001).

7. Préconisations
Au terme de cette étude, trois recommandations principales peuvent être formulées à la DRH
du site B :
 Améliorer la visibilité des procédures. Le modèle de Leventhal nous fournit des règles
et principes à respecter pour augmenter la visibilité des procédures par les salariés.
C’est justement cette visibilité des procédures qui a une influence positive sur la
perception du sentiment d’équité.
 Communiquer davantage sur la répartition des salaires. La transparence en matière de
répartition des salaires permet aux salariés d’accepter plus facilement les salaires. S’ils
ont des éléments concrets et une grille d’évaluation claire sur des sujets et des
compétences à mettre en œuvre, ils seront plus enclins à accepter les différences de
salaires. On revient ici à la notion de la perception de justice organisationnelle dans
l’entreprise. Cela permettrait aussi d’avoir une meilleure visibilité sur les possibilités
d’évolution de carrières.
 Former le management intermédiaire. En améliorant le management de proximité, la
communication sera meilleure de même que la perception d'équité par les salariés.

Conclusion
Notre étude a mis en avant l’influence que les managers de proximité pouvaient avoir sur les
liens entre perception de justice par un salarié et son sentiment de reconnaissance. De futures
recherches pourraient permettre de valider le modèle de recherche proposé dans notre article.
Depuis, l'entreprise Alpha a tenu compte des résultats d’étude menée. Tout d'abord, elle a mis
en place une meilleure communication sur les grilles de salaires en interne, et plus largement
elle a formé tous ses managers de proximité au management.
Ainsi, la justice distributive pourrait en fait être délicate à mettre en œuvre dans la mesure où
elle repose sur une perception individuelle et subjective de la justice. En effet, l’interprétation
de cette subjectivité nécessiterait un travail méthodologique exigeant (Mouchet, 2014). En
revanche, l’établissement d’une justice procédurale et interactionnelle semble plus aisée et
dépend des organisations et plus particulièrement du management de proximité qui ont une
certaine marge de manœuvre. Une communication claire des processus permet aussi une
meilleure perception de la justice par les salariés et par la même du sentiment de

22
reconnaissance. De même, une communication de proximité de la part des managers
garantirait un meilleur sentiment de justice interactionnelle et de reconnaissance.
Ainsi la recherche action permet au chercheur de répondre à des questions que se posent les
entreprises tout en apportant un cadre conceptuel qui nourrit la réflexion des deux parties
prenantes. Ce contexte de recherche très enrichissant suppose toutefois que chaque acteur
trouve sa juste place. L'indépendance du chercheur doit être protégée et l'intérêt de l'entreprise
respecté. Il s'agit de cheminer vers un partenariat responsable dans lequel chaque partie
prenante assume sa part de responsabilité (Royer, 2011). Cette recherche abordant un sujet
délicat et sensible en est une illustration.

Bibliographie
Adams, J. S. (1963). Towards an understanding of inequity. Journal of Abnormal and Social Psychology, 67,
422–436.
Adams, J. S. (1965). Inequity in social exchange. In L. Berkowitz (Éd.), Advances in Experimental social
psychology (Vol. 2). New York: Academic Press.
Aldebert, B., & Rouziès, A. (2014). Quelle place pour les méthodes mixtes dans la recherche francophone en
management ? Management International, 19, 43‑60.
Argyris, C. (1976). Single-loop and double-loop models in research on decision making. Administrative Science
Quarterly, 363–375.
Argyris, C., & Schön, D. A. (1989). Participatory action research and action science compared: A commentary.
Becker, G. (1993). Human Capital. Chicago: University of Chicago Press.
Bies, R. J., & Moag, J. S. (1986). Interactional justice: Communication criteria of fairness. In R. J. Lewicki, B.
Sheppard, & M. Bazerman (Éd.), Research on negotiation in organizations (p. 43–55). Greenwich, CT: JAI
Press.
Boje, D. M. (2001). Narrative methods for organizational and communication research. London: Sage
Publications Ltd.
Bourcier, C. (2005). Une large palette de signes de reconnaissance. In J. M. Peretti (Éd.), Tous reconnus (p. 277‑
281). Paris: Éditions d’Organisation.
Bourdouxhe, M., & Gratton, L. (2003). Transfert et utilisation des résultats en milieu de travail : le cas de la
recherche sur les éboueurs au Québec. Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé, (5-1).
Brillet, F., Coutelle, P., & Hulin, A. (2013). Proposition d’une mesure de la reconnaissance : une approche par la
justice perçue. Revue de Gestion des Ressources Humaines, 89(3), 3‑18.
Brown, A. D., Colville, I., & Pye, A. (2015). Making Sense of Sensemaking in Organization Studies.
Organization Studies, 36(2), 265‑277.
Brun, J.-P., & Dugas, N. (2005). La reconnaissance au travail : analyse d’un concept riche de sens. Gestion,
30(2), 79‑88.
Cadin, L., & Guérin, F. (2012). Les outils d’appréciation des salariés. In J. Allouche (Éd.), Encyclopédie des
ressources humaines (3e éd., p. 51‑63). Paris: Vuibert.
Colquitt, J. A., Conlon, D. E., Wesson, M. J., Porter, C. O., & Ng, K. Y. (2001). Justice at the millennium: a
meta-analytic review of 25 years of organizational justice research. Journal of Applied Psychology, 86(3),
425.
Colquitt, J. A., LePine, J. A., Piccolo, R. F., Zapata, C. P., & Rich, B. L. (2012). Explaining the justice–
performance relationship: Trust as exchange deepener or trust as uncertainty reducer? Journal of Applied
Psychology, 97(1), 1‑15.
Colquitt, J. A., Long, D. M., Rodell, J. B., & Halvorsen-Ganepola, M. D. K. (2015). Adding the « in » to justice:
A qualitative and quantitative investigation of the differential effects of justice rule adherence and violation.
Journal of Applied Psychology, 100(2), 278‑297.
Crozier, M., & Friedberg, E. (1977). L’acteur et le système: les contraintes de l’action collective. Paris: Editions
du Seuil.
Czarniawska, B. (2004). Narratives in Social Science Research. London: Sage Publications.
Dany, F., Guedri, Z., & Hatt, F. (2008). New insights into the link between HRM integration and organizational
performance: the moderating role of influence distribution between HRM specialists and line managers. The
International Journal of Human Resource Management, 19(11), 2095–2112.
Denzin, N. K., & Lincoln, Y. S. (2011). The SAGE Handbook of Qualitative Research. USA: SAGE.

23
Dubouloz, S. (2014). Innovation organisationnelle et pratiques de mobilisation des RH. Revue Française de
Gestion, 40(238), 59‑86.
Fall, A. (2014). Justice organisationnelle, reconnaissance au travail et motivation intrinsèque : résultats d’une
étude empirique. Relations Industrielles/Industrial Relations, 69(4), 709‑731.
Fiester, M., Lee, Y., & Martin, A. S. (2010). Favoritism, unemployment appeals, safe passwords. HR Magazine,
55(1), 16.
Fraser, N. (2011). Qu’est-ce que la justice sociale ?. Paris: La Découverte.
French, P. E., & Emerson, M. C. (2015). One Size Does Not Fit All Matching the Reward to the Employee’s
Motivational Needs. Review of Public Personnel Administration, 35(1), 82‑94.
Frimousse, S., Peretti, J. M., & Swalhi, A. (2008). La diversité des formes de performance au travail : le rôle de
la justice organisationnelle. Management & Avenir, 18(4), 117‑132.
Fuchs, S., & Edwards, M. R. (2012). Predicting pro-change behaviour: the role of perceived organisational
justice and organisational identification. Human Resource Management Journal, 22(1), 39‑59.
Giraud, L., & Autissier, D. (2013). Uncovering the intellectual development of the Journal of Organizational
Change Management: a knowledge-stock and bibliometric study, 1995-2011. Journal of Organizational
Change Management, 26(2), 229‑264.
Giraud, L., Autissier, D., Johnson, K. J., & Moutot, J.-M. (2013). L’évolution des attitudes et des comportements
des salariés envers le changement tout au long des étapes de mise en œuvre du changement. Question(s) de
Management, (3), 37‑54.
Greenberg, J. (1993). The social side of fairness: Interpersonal and informational classes of organizational
justice. In R. Cropanzano (Éd.), Justice in the workplace: Approaching fairness in human resource
management (p. 79‑103). Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates.
Greenberg, J. (1994). Using socially fair treatment to promote acceptance of a work site smoking ban. Journal of
Applied Psychology, 79(2), 288.
Greenberg, J., & Lind, E. A. (2000). The pursuit of organizational justice: From conceptualization to implication
to application. In C. L. Cooper & E. A. Locke (Éd.), Industrial and Organizational Psychology: Linking
Theory with Practice (p. 72–108). Oxford: Blackwell.
Heyvaert, M., Maes, B., & Onghena, P. (2013). Mixed methods research synthesis: definition, framework, and
potential. Quality and Quantity, 47(2), 659‑676.
Hinault, A.-C., Kaddouri, M., & Uhalde, M. (2013). Introduction. L’expérience de l’incertitude au travail. In M.
Uhalde (Éd.), Les salariés de l’incertitude - Solidarité, reconnaissance et équilibre de vie au travail, Travail
& Activité Humaine (p. 93‑108). Paris: Octares.
Holt, R., & Cornelissen, J. (2014). Sensemaking revisited. Management Learning, 45(5), 525‑539.
Honneth, A. (2000). La lutte pour la reconnaissance. Paris: Ed. du Cerf.
Jick, T. D. (1979). Mixing qualitative and quantitative methods: Triangulation in action. Administrative Science
Quarterly, 24(4), 602–611.
Jones, D. A., & Skarlicki, D. P. (2013). How perceptions of fairness can change: A dynamic model of
organizational justice. Organizational Psychology Review, 3(2), 138–160.
Kim, T. G., Hornung, S., & Rousseau, D. M. (2011). Change-Supportive Employee Behavior: Antecedents and
the Moderating Role of Time. Journal of Management, 37(6), 1664‑1693.
Koivisto, S., Lipponen, J., & Platow, M. J. (2013). Organizational and supervisory justice effects on experienced
threat during change: The moderating role of leader in-group representativeness. The Leadership Quarterly,
24(4), 595–607.
Kowalski, T., Loretto, W., & Redman, T. (2015). Special Issue of International Journal of Human Resource
Management: Well-being and HRM in the changing workplace. The International Journal of Human
Resource Management, 26(1), 123‑126.
Laufer, R. (2007). Pourquoi les chercheurs français en management interviennent-ils si peu dans le débat public?
Revue Française de Gestion, 9-10(178-179), 211‑218.
Leventhal, G. S. (1976). The distribution of rewards and resources in groups and organizations. In L. Berkowitz
& E. Walster (Éd.), Equity Theory: Toward a General Theory of Social Interaction (p. 91‑133). New York:
Academic Press.
Leventhal, G. S. (1980). What should be done with equity theory? New approaches to the study of fairness in
social relationships. In K. Gergen, M. Greenberg, & R. Willis (Éd.), Social exchanges: Advances in theory
and research (p. 27‑55). New York: Plenum.
L’Hoste, H. (2010). Faire du recrutement un axe stratégique de sortie de crise. Tixier, P.-E. (Ed.), Ressources
humaines pour sortie de crise. (p. 223‑231). Paris: SciencesPo. Les Presses.
Lind, E. A. (2001). Thinking Critically about Justice Judgments. Journal of Vocational Behavior, 58(2),
220‑226.

24
Molina-Azorin, J. F., Bergh, D., Corley, K., & Ketchen, D. (2014). Call for paper: Feature Topic Mixed Methods
in the Organizational Sciences. Organizational Research Methods, 17(2), 111‑112.
Mouchet, A. (2014). Subjectivité des acteurs et observation des actions : propositions méthodologiques. In A.
Mouchet (Éd.), L’entretien d’explicitation - Usages diversifiés en recherche et en formation, Action et
Savoir (p. Chapitre 6). Paris: L’Harmattan.
Paillé, P. (2011). La fidélisation des ressources humaines : les dimensions négligées. In P. Paillé (Éd.), La
fidélisation des ressources humaines : Approches conceptuelles et recherches empiriques. (p. 119‑136).
Québec: Les Presses de l’Université Laval.
Peretti, J.-M. (2004). Réussir le management de l’équité. Les clés de l’équité dans l’entreprise (p. 135‑144).
Paris: Éd. d’Organisation.
Peretti, J.-M. (2013). Ressources humaines (14e éd.). Paris: Vuibert.
Pettigrew, A. M., Woodman, R. W., & Cameron, K. S. (2001). Studying organizational change and
development: Challenges for future research. The Academy of Management Journal, 44(4), 697–713.
Pierson, F. (2012). Pour un apprentissage de la lutte et de la résistance des cadres pour limiter leur souffrance au
travail : les apports de la théorie de la reconnaissance d’Axel Honneth. M@n@gement, 14(5), 352‑370.
Point, S., & Retour, D. (2009). Méthodes émergentes et thématiques de Recherche en gestion des Ressources
Humaines : vers une typologie. XXème Congrès de l’AGRH. Toulouse.
Richard, A. (2012). Les outils de pilotage de la rémunération. In J. Allouche (Éd.), Encyclopédie des ressources
humaines (3e éd., p. 1232‑1242). Paris: Vuibert.
Rojot, J., & Duval-Hamel, J. (2005). Les attentes de reconnaissance des salariés. In J. M. Peretti (Éd.), Tous
reconnus (p. 277‑281). Paris: Éditions d’Organisation.
Royer, I. (2011). La responsabilité des chercheurs en gestion. Revue Française de Gestion, 7(216), 65–73.
Ryan, A. M., & Wessel, J. L. (2015). Implications of a changing workforce and workplace for justice perceptions
and expectations. Human Resource Management Review, 25(2), 162‑175.
Schumacher, D., Schreurs, B., Van Emmerik, H., & De Witte, H. (to be published). Explaining the Relation
Between Job Insecurity and Employee Outcomes During Organizational Change: A Multiple Group
Comparison. Human Resource Management.
Seo, M.-G. (2003). Overcoming emotional barriers, political obstacles, and control imperatives in the action-
science approach to individual and organizational learning. Academy of Management Learning & Education,
2(1), 7–21.
Siegrist, J. (1996). Adverse health effects of high-effort/low-reward conditions. Journal of Occupational Health
Psychology, 1(1), 27‑41.
Singh, P., & Loncar, N. (2010). Pay satisfaction, job satisfaction and turnover intent. Relations
Industrielles/Industrial Relations, 65(3), 470–490.
Sire, B., Cochet, H., & Lacoste, F. (2005). Reconnaître par la rémunération. In J. M. Peretti (Éd.), Tous reconnus
(p. 319‑327). Paris: Éditions d’Organisation.
Sire, B., & Tremblay, M. (2012). Les outils de pilotage de la rémunération. In J. Allouche (Éd.), Encyclopédie
des ressources humaines (3e éd., p. 1243‑1247). Paris: Vuibert.
Stajkovic, A. D., & Luthans, F. (1998). Self-efficacy and work-related performance: A meta-analysis.
Psychological bulletin, 124(2), 240.
Stajkovic, A. D., & Luthans, F. (2001). Differential Effects of Incentive Motivators on Work Performance. The
Academy of Management Journal, 44(3), 580‑590.
Steiner, D. D. (2012). Equité et justice au travail. In J. Allouche (Éd.), Encyclopédie des ressources humaines (3e
éd., p. 539‑545). Paris: Vuibert.
Steiner, D. D., & Rolland, F. (2006). Comment réussir l’introduction de changements : les apports de la justice
organisationnelle. In C. Lévy-Leboyer, C. Louche, & J.-P. Rolland (Éd.), (Vol. 2. Management des
organisations, p. 53‑69). Paris: Editions d’Organisation.
St-Onge, S., Haines III, V. Y., Aubin, I., Rousseau, C., & Lagassé, G. (2005). Pour une meilleure reconnaissance
des contributions au travail. Gestion, 30(2), 89.
Tashakkori, A., & Teddlie, C. (2010). SAGE Handbook of Mixed Methods in Social & Behavioral Research.
SAGE.
Terramorsi, P., & Peretti, J.-M. (2011). Le leader reconnaissant. In J.-M. Peretti (Éd.), Tous leaders (p. 61‑66).
Paris: Eyrolles.
Thiétart, R. A. (Éd.). (2014). Méthodes de recherche en management (4e éd.). Paris: Dunod.
Thurlow, A., & Mills, J. H. (2015). Telling tales out of school: Sensemaking and narratives of legitimacy in an
organizational change process. Scandinavian Journal of Management, 31(2), 246‑254.
Uhalde, M. (Éd.). (2013). Les salariés de l’incertitude - Solidarité, reconnaissance et équilibre de vie au travail.
Travail & Activité Humaine. Paris: Octares.

25
Ulrich, D. (1997). Human Resource Champions: The Next Agenda for Adding Value and Delivering Results.
Cambridge: Harvard Business School Press.
Verstraete, T. (2007). A la recherche des sciences de gestion. Revue Française de Gestion, 9-10(178-179), 91‑
105.

26

View publication stats

Vous aimerez peut-être aussi