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5 ELENA MESSNER
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Les modèles de réception dans le roman L'immortalit de Milan Kundera
8ème
9
dix La théorie littéraire poststructurelle a déconstruit et reconstruit les concepts traditionnels d’auteur,
11 de texte et de lecteur en termes de biographie, de mort de l’auteur et de texte/intertexte.
L'immortalité de Milan Kundera interroge ces concepts. Le véritable auteur, Kundera, utilise dans
12
ce roman un narrateur apparemment toutpuissant comme autorité intellectuelle, mais les
13
interprétations du narrateur de Goethe, du romantisme et de Bettina von Arnim se révèlent être
14 des anecdotes simplistes et fausses – ce qui déconstruit l'autorité du narrateur.
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Les conceptions traditionnelles de la paternité ont été remises en question,
18
déconstruites, rejetées et rétablies à la suite de la théorie littéraire poststructuraliste.
19
Les négociations autour de ce déplacement entre des motsclés comme le
20
biographisme, la mort postulée de l'auteur, la préférence du texte sur l'auteur et la
21
question de l'intertextualité universelle, qui rejette complètement la notion d'auteur.
22
En fonction de la concentration sur l'instance de l'auteur ou du lecteur ou de
23
l'attention portée aux modèles réels ou implicites/abstraits de ces instances,
24
différents modèles théoriques de réception peuvent être identifiés. Ainsi, le
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biographisme s’interroge systématiquement sur l’autorité réelle de l’auteur, tandis
26
que la mort postulée de l’auteur l’enlève à toute autorité. L'essai suivant joue à
27
travers ces deux concepts dans une analyse du roman L'immortalit de Milan
28
Kundera. La question fondamentale sera ici celle du concept d'auteur construit par
29
l'auteur Kundera, qui sera testé dans le sens de la renommée et de l'immortalité,
30
notamment sur la figure de Goethe. La lecture intertextuelle proposée ici contredit
31
l'interprétation du narrateur, qui s'est imposée comme une autorité dans le roman,
32
et dépeint l'interprétation (incorrecte ou du moins abrégée) de la figure du poète
33
Goethe, de sa relation « amoureuse » avec Bettina von Arnim et du ère des
34
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« Romantiques » développées par lui.
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Concernant la situation de la recherche, la thèse de Doris Boden1 , publiée à
38
Leipzig en 2004 et qui fournit un bon bilan intermédiaire de la littérature publiée
39 précédemment sur cet auteur dans les pays germanophones, est citée comme
40 source de référence.
41 1
Voir Doris Boden, L'irritation comme principe narratif. Études sur le contrôle de la réception dans
42 les romans de Milan Kundera, Hildesheim : Olms, 2006, p. 12.
1 L'immortalité
2
3 La question la plus importante du roman L'immortalit est celle de l'immortalité littéraire et artistique, à
4 laquelle le narrateur à la première personne « Kundera » réfléchit dans de longs passages essayistiques
5 du roman. Les personnages regroupés autour de ces observations incluent Goethe, Achim et Bettina
6 von Arnim et Hemingway. L'intrigue proprement dite du roman se déroule autour du personnage
7 d'Agnès, qui meurt dans un accident de voiture au cinquième chapitre. La structure du roman ne suit
8ème
pas un style narratif linéaire, les sauts entre protagonistes sont répétés, l'espace, le temps et les
9 actions sont radicalement incohérents. Kundera utilise comme protagoniste un narrateur à la première
dix personne, qui se désigne luimême comme « Kundera » et donc comme l'auteur, ce qui signifie que le
11 processus de création artistique de l'auteur est inclus dans son texte. Le narrateur à la première
12 personne apparaît comme un créateur omniscient, commentant et imaginant, mais est également un
13 personnage de roman. Cela porte atteinte à l'authenticité et à la véracité apparentes de ses
14
commentaires.
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Les deux intrigues complémentaires sont fondamentales dans la structure du roman : le Weimar
18
de Goethe (le récit de l'histoire littéraire par le narrateur à la première personne, avec un accent sur
19
le romantisme allemand) est juxtaposé au Paris du personnage d'Agnès (en tant qu'histoire
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contemporaine) . Les deux volets se chevauchent et se mélangent souvent. Le premier représente
21
l'espace des immortels (littéraires) en termes de lieu et de temps, tandis que le second incarne la vie
22
des personnages Paul, Agnès, Brigitte, Laura et Rubens. L’Allemagne, espace chargé d’histoire
23
littéraire, apparaît ainsi en opposition avec la France contemporaine. En fait, l'intrigue des intertextes
24
littéraires les plus importants se déroule dans et autour de Weimar en Allemagne.
25
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27
Goethe. Les deux sphères spatiales et temporelles se reflètent, les événements sont en corrélation,
28
reliés par des personnages, des motifs et des questions conçus de manière similaire.2 À cela s'ajoute
29
la troisième sphère apparemment non fictive dans laquelle se trouve le narrateur à la première
30
personne. Vers la fin du roman, cela devient également reconnaissable comme faisant partie de la
31
fiction lorsque le narrateur « Kundera » se mêle à ses personnages. Les figures de l’opposition elles
32
mêmes représentent un autre principe organisationnel essentiel.
33
34
Le motif principal du roman, comme l'indique le titre, n'est pas théologique ou métaphysique, mais
35
plutôt l'immortalité terrestre que l'on atteint en entrant dans la mémoire collective. Tout d’abord, le
36
motif central de l’immortalité est avant tout lié à la « renommée d’un poète ». Il n'est donc pas
37
surprenant que le complexe thématique « l'immortalité » soit initialement développé principalement
38
avec les personnages Johann Wolfgang Goethe et Ernest Hemingway.
39
40
41 2
Voir François Ricard, Le dernier aprèsmidi d'Agnès. Un essai sur le travail de Milan Kundera, New
42 York : Harper Collins Publisher, 2003, p. 60.
1 La renommée du poète
2
3 De manière significative, L'immortalit est aussi le titre de la deuxième partie du roman.
4 ce qui implique un changement radical de lieu, de temps et de protagonistes
5 vient : « 13 septembre 1811. Depuis trois semaines dj, la jeune marie Bettina, ne
6 Brentano, loge avec son mari, le pote Achim von Arnim, chez les poux
7 Goethe Weimar. »8 La mariée Bettina et son marié Achim von Arnim,
8ème
Goethe et sa femme, figures de l'histoire littéraire, deviennent des personnages de
9
romans qui, suivant des instincts tout à fait bas, se consacrent à leurs intrigues et à
dix
leurs intrigues. L'effondrement du profane (vanité, désir de gloire,
11
comportement enfantin, intrigues) et des choses nobles (littérature, immortalité,
12
La mort) est étroitement liée aux personnages historiques mais là encore fictifs
13
personnages retravaillés illustrés. Mentions de ce travail
14
Les auteurs trouvent parfois un réel engagement avec les leurs
15
mais pas les œuvres littéraires. Les anecdotes concernent plutôt
16
Les interprétations et réflexions proposées par le narrateur sont regroupées.
17
L'anecdote de la gifle de Christiane qu'elle a racontée à Bettina, indignée par son impudence,
18
manqué, introduit le motif de « l'immortalité risible ». Les lunettes de Bettina se
19
brisent, l'amitié entre les Goethe et les Arnim (Bettina et
20
Achim) est terminé.9
21
22
En commençant par Goethe, le narrateur développe ses anecdotes et ses
réflexions sur le désir de gloire et l'aspiration à l'immortalité littéraire. La relation de
23
24
Goethe avec Bettina devient une lutte pour cette immortalité
25 interprété sous couvert d’une histoire d’amour.10 Bettina s’efforce
26 l'amitié avec Goethe pour des raisons pragmatiques, afin de pouvoir partager son
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immortalité, au fait qu'elle envoyait ses lettres à
28 le réécrit et le corrige en vue de sa publication11. Le narrateur trouve une raison à
29 ce désir d’immortalité :
30 De plus, Bettina appartenait à la génération des Romantiques, bluis par la mort dès
31 l'instant où ils voyageaient le jour. Novalis n'atteignit pas sa trentième anne, mais malgr sa
32 jeunesse rien, peutÞtre, ne l'a plus inspiration que la mort, […] Comme je l'ai dit, o que soit la
mort, L'immortalit, sa compagne, est avec elle, et les Romantiques la tutoyaient sans
33
vergogne, tout comme Bettina tutoyait Goethe.12
34
35 Il y a une nette préférence pour le personnage d'Agnès et l'antipathie systématique
36 envers les personnages Bettina et Laura qui lui opposent
37 devient vite clair. Bettina est dévalorisée comme une romantique, la vieillissante
38
8ème
38 p. 42.
14
Voir Boden, L'irritation comme principe narratif (voir note 1), p. 115, note de bas de page.
39 15
Duden. Le grand dictionnaire étranger. Origine et signification des mots étrangers, Mannheim : Dudenverlag,
40
2003.
41 16
Duden. Le grand lexique des prénoms. 2e édition, Mannheim, Leipzig : Dudenverlag, 2003.
17
42 Voir Boden, L'irritation comme principe narratif (voir note 1), p. 122.
9 Le narrateur présente également une vision trop étroite des relations de Goethe
dix avec les romantiques, dont il présente les positions comme clairement délimitées
11 et opposées les unes aux autres. Cependant, cette relation était bien plus
12 ambivalente et complexe et ne peut être réduite à une formule aussi simple. Dans
13 l'avantpropos de l'anthologie Goethe et le romantisme29 de Gérard Kozielek, on
14 peut lire que l'admiration du cercle d'Iéna pour Goethe était initialement grande.
15 Novalis, que le narrateur « Kundera » décrit comme l'ennemi juré de Goethe sans
16 aucune relativisation, a également trouvé des mots d'éloge pour Goethe. Goethe,
17 en revanche, s'intéressait certainement aux premières œuvres littéraires des
18 romantiques, défendait Novalis contre ses critiques et s'intéressait à Tieck et aux
19 efforts des frères Grimm. Ce n’est qu’après 1805 que des rivalités et des discordes
20 éclatent ; Outre l'autosatisfaction de Goethe, son comportement condescendant à
21 l'égard des romantiques fut ridiculisé30. Lorsqu'ils commencèrent à suivre leur
22 propre voie, les dissonances se multiplièrent. Aux raisons personnelles s’ajoutent
23 des façons de penser de nature idéale et poétologique qui approfondissent le
24 contraste. Il est vrai que Goethe a entravé le développement individuel des jeunes
25 talents ; Citons par exemple Jean Paul, Hülderlin, Kleist.
26 Son attitude rigide s'applique également à la musique et à la peinture romantiques.
27 À cet égard, la présentation du narrateur correspond sur certains points aux faits
28 littéraires et historiques. Cependant, comme l'attitude de Goethe à l'égard des
29 romantiques n'a pas toujours été la même, les jugements généraux sont
30 insuffisants. En outre, il ne faut pas ignorer que Goethe a effectivement inclus des
31 éléments romantiques dans son œuvre31. Le narrateur omet complètement toutes
32 ces différenciations nécessaires.
33
34
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36
37
38
39 29
Gerard Kozielek, avantpropos, dans : ibid. (éd.), Goethe et le romantisme, Wroclaw : Wydawnicto
40
Uniwersytet Wroclawskego, 1992, pp. 3 – 6.
41 30
Kozielek, avantpropos (voir note 29).
31
42 Kozielek, avantpropos (voir note 29).
1 surnaturel
2
3 Le constat du narrateur est clair jusqu'à la fin : des personnages comme Laura,
4 Bettina ou Paul sont antipathiques et appartiennent à la sphère du kitsch.
5 Il préfère Agnès, qui déteste le kitsch. Un détail qui contredit cette interprétation
6 est la « fleur bleue », le petit myosotis qu'Agnès, se sentant menacée par la
7 laideur du monde, tient devant son visage. Ce geste est un emprunt intertextuel,
8ème entre autres, à Novalis, qui appartient à la période romantique. La « fleur
9 bleue » est devenue un symbole du romantisme, mais en même temps un
dix symbole de sa version kitsch et popularisée. Dans le roman Heinrich von
11 Ofterdingen de Novalis, dans une séquence de rêve, la fleur bleue est déjà
12 dans les premières phrases un symbole de l'inconnu, du merveilleux, du
13 surnaturel.32 Le roman, qui reste un fragment, raconte dans la première partie
14 la carrière du ménestrel Heinrich von Ofterdingen Il est guidé dans le monde
15 par l'image du rêve (de la fleur bleue, qui est une annonce terrestre et céleste
16 de son bonheur amoureux de Mathilde). Novalis pensait le but de la poésie
17 comme « la dissolution du fini vers l'infini et l'effondrement de tous les contraires
18 du réel en toute harmonie ».33 L'aspiration à « l'immensit du nonêtre » est
19 développée dans L'immortalité. par la figure même d'Agn ; c'est une expression
20 de leur désir d'un autre monde surnaturel qui dépasse de loin le monde terrestre.
21
22 Cependant, par rapport à Heinrich von Ofterdingen, la composition florale
23 d'Agnès n'est pas une « intuition », ni un guide vers un départ, une recherche
24 concrète de sens, mais plutôt un symbole de son évasion. Ainsi, Agnès n’a pas
25 la possibilité de réaliser son « rêve », rien ne se dissout dans l’harmonie.
26 Agnès ne fait que concrétiser ses idées pseudoromantiques et bloque sa
27 propre vue avec la « fleur bleue » tenue devant son visage.34
28 Cependant, le narrateur présente cette figure comme non « sentimentale »
29 et, à son sens, comme « non romantique ». Cela représente une indication
30 supplémentaire de la « mauvaise » interprétation de ses propres personnages
31 ainsi que du romantisme, qui peut être révélée par un examen plus approfondi
32 de cet intertexte. La figure d’Agn n’est en aucun cas exempte de kitsch. Agns
33 utilise également l’instrumentalisation des discours et des intertextes. Sa vision
34 d’un poème de Goethe (qui introduit les motifs de l’immortalité et de la mort au
35 début du roman) n’est pas exempte d’idéalisation35, pas plus que son idée
36 clichée d’une Suisse idyllique36. Sa propre version également du (pseudo) la
37 religiosité et l’(auto)stylisation associée
38
32
Novalis, Heinrich von Ofterdingen. Un roman [1802], Stuttgart : Philipp Reclam juin, 1965, p. 9.
39 33
Novalis, Heinrich von Ofterdingen (voir note 32).
40 34
Boden, L'irritation comme principe narratif (voir note 1), p. 125.
41 35
Voir Boden, L'irritation comme principe narratif (voir note 1), p. 126.
36
42 Voir Boden, L'irritation comme principe narratif (voir note 1), p. 127.
1 Les victimes font partie du kitsch (religieux).37 Elle est le cliché d'une femme idéale
2 qui, dans tous ses contrastes clairement montrés avec Laura/Bettina, incarne une
3 image différente de la femme. Là où Laura est terrestre et terreàterre, Agnès
4 représente la figure angélique transcendante et spiritualisée déterminée par l'âme
5 et non par le corps. Avec seulement les signes opposés, Agnès est aussi un
6 stéréotype qui correspond à une image de la femme préférée du premier. personne narrateur.
7
8ème
9
dix Erreur de réception ?
11
12 La relation de Bettina avec Goethe a suscité un intérêt dans les études littéraires
13 et littéraires contemporaines et ultérieures. La correspondance publiée de Bettina
14 avec un enfant peut être considérée comme le déclencheur littéraire. Cette relation
15 devient ainsi un texte qui possède désormais sa propre histoire de réception, dans
16 laquelle Kundera et son narrateur s'inscrivent également dans L'immortalit. Le
17 narrateur critique un intertexte littéraire qui se matérialise également sous forme
18 d’œuvre publiée. Son interprétation devient alors une réception subjective, laissant
19 de côté les contextes essentiels. L'erreur réside ici aussi dans la concentration sur
20 la lecture biographique et dans l'exclusion de ces autres voix dans l'histoire de la
21 réception qui iraient à l'encontre de son interprétation. Alors que le narrateur du
22 roman, pour souligner sa propre position critique, ne cite que les auteurs qui ont de
23 la sympathie pour Bettina, il y avait déjà des réactions contemporaines qui
24 critiquaient la relation et la publication. Cela comprend, par exemple : B. Friedrich
25 Wilhelm Riemer, secrétaire de longue date de Goethe, qui doutait de l'authenticité
26 des lettres et influença ainsi grandement l'histoire de la réception ultérieure ; Ludwig
27 Tieck, Johanna Schopenhauer et Caroline Pichler ont porté des accusations
28 similaires à l'encontre de Bettina en tant que narratrice à la première personne de
29 « Kundera » : ils l'ont accusée de falsifier la « vérité », c'estàdire la véritable
30 correspondance, par vanité.38
31 Sans pouvoir donner à ce stade un compte rendu détaillé de l’histoire de la
32 réception de ce livre, il convient de noter qu’il a été soumis à des évaluations très
33 différentes et pour des motivations différentes et dans certains cas de manière très
34 non critique. Dans la thèse de Birgit Weißenborn, à partir de laquelle je tire mes
35 informations sur l'histoire de la réception, la thèse finale est que Bettina doit être
36 reconnue comme une pionnière de l'émancipation féminine.
37 Lors de l'évaluation de cette correspondance, la question de l'authenticité des
38 lettres a joué un rôle important. La publication des originaux y a contribué
39 37
Boden, L'irritation comme principe narratif (voir note 1), p. 131.
40 38
Voir Birgit Weißenborn, Bettina von Arnim et Goethe. Topographie d'une relation comme exemple
41 d'émancipation féminine au début du XIXe siècle, Francfort/M., New York : Peter Lang, 1987, pp.
42 117 – 120.
1 lettres finales de Bettina (d'abord en partie, en 1879, par Gero von Loeper ;
2 en 1892 puis entièrement par Reinhold Steig ; en 1905 encore par Waldemar
3 Oehlke, qui avait travaillé indépendamment mais parallèlement avec Steig à
4
une thèse sur cette correspondance).39 Bettina ellemême a publié le texte à
5 trois reprises, chaque fois avec la même préface dans laquelle elle donne
6
l'impression qu'elle publie les lettres originales ; Elle ne dit pas un mot sur les
7
révisions gratuites, les ajouts et les dates modifiées. Cette préface fait déjà
partie du « Roman épistolaire » et sera imprimée telle quelle dans chaque
8ème
9
édition ultérieure.40 En termes d'historique de réception, les avantpropos et
dix
les postfaces des éditeurs des éditions ultérieures sont particulièrement
11
intéressantes. En 1881, Herman Grimm, le gendre de Bettina, préfaça la
12
quatrième édition d'un avantpropos dans lequel il qualifiait le texte d'immortel
13
et soulignait son « contenu poétique ». Comme exemple de l'évaluation
14
positive de l'ouvrage, il convient de mentionner ici l'avantpropos que
15
Waldemar Oehlke a contribué à la deuxième édition complète en sept volumes
16
des œuvres de Bettina. Il y décrit Bettina comme la muse et le prophète
17
vieillissant de Goethe et souligne que l'authenticité des lettres ne joue aucun
18
19
rôle.41 Cette évaluation est contrastée par une évaluation beaucoup plus
20
négative de Fred Hildenbrandt, qui a écrit l'avantpropos du nouveau (le
21
neuvième ! ) édition de la correspondance de Goethe écrite par un enfant
22
(1929). Il y interprète la relation comme une idolâtrie unilatérale de Goethe
par une Bettina qui ne l'aime pas en retour. Il y a aussi ici une phrase qui
23
24 pourrait provenir directement d'un commentaire du narrateur de L'immortalit :
25 Bettina « est devenue immortelle avec lui, et il
26 ne lui refusera pas ce rang, même si elle ne l'est devenu que grâce à lui » .
27 Le narrateur ne mentionne en aucune manière les évaluations négatives de
28 la correspondance et présente l'évaluation positive comme une évaluation
29 générale afin de pouvoir formuler plus clairement sa critique de cette sympathie
30 générale. Son antipathie et ses critiques à l'égard de Bettina, puis de Laura,
31 ne peuvent être prises comme point de départ que cette appréciation positive
32 généralement reconnue. Son aversion est légitimée comme une démarcation
33 mise en scène par rapport à la sympathie exagérée et généralement décrite
34 des personnes sentimentales pour Bettina. Le narrateur inclut parmi eux tous
35 les romantiques, comme Rilke, Rolland, Luard. Dans son appréciation qui se
36 veut absolue, il ignore le fait que sa démarcation s’inscrit ellemême dans une tradition et no
37 Il base son appréciation de Bettina exclusivement sur sa vie privée.
38 Dès lors, l'accusation de lecture purement biographique qu'il
39 39
Weißenborn, Bettina von Arnim et Goethe (comme note 38), pp. 120 – 123.
40 40
Weißenborn, Bettina von Arnim et Goethe (comme note 38), p. 126.
41 41
Voir Weißenborn, Bettina von Arnim et Goethe (comme note 38), p. 130.
42
42 Cité dans Weißenborn, Bettina von Arnim et Goethe (comme note 38), p. 131.