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C’est qu’il superpose d’une certaine manière plusieurs livres : un essai tout d’abord qui, comme l’indique son titre, vise à mettre clairement au jour les lois de fonctionnement qui définissent la poésie moderne
C’est qu’il superpose d’une certaine manière plusieurs livres : un essai tout d’abord qui, comme l’indique son titre, vise à mettre clairement au jour les lois de fonctionnement qui définissent la poésie moderne
C’est qu’il superpose d’une certaine manière plusieurs livres : un essai tout d’abord qui, comme l’indique son titre, vise à mettre clairement au jour les lois de fonctionnement qui définissent la poésie moderne
rimbaldien ; l'assujettir à une perspective dernier chapitre tente d'en vérifier la
unique, patronnée par Claudel et Teilhard présence dans toute la poésie européenne de Chardin bizarrement réconciliés ; vouloir moderne. Il s'agit d'abord de la « dictature à tout prix que Rimbaud ait ajouté à sa de l'imaginaire », qui consiste à donner à parole d'essor et de révolte le paraphe l'imagination le statut d'une puissance suspect (malgré le respect dû à Claudel et supérieure à la réalité. Pressentie par Diderot Isabelle) et de toute façon dérisoire d'une et Rousseau, elle s'affirme chez Baudelaire réconciliation in articule mortis, c'est une et Rimbaud et finit par s'égaler, chez erreur grave, car c'est en somme insulter Mallarmé et ses successeurs, à une liberté à notre tragique moderne. créatrice capable, comme l'écrit Gottfried Benn, d'opérer « la dissolution de la vie J.-C. FlZAINE. et de la nature et sa recomposition selon les lois humaines ». Mais l'humanité qui est à l'œuvre dans cette recomposition n'est • Hugo Friedrich, Structures de la poésie pas celle de l'individu contingent dont la moderne. Traduit de l'allemand par « sensibilité » alimentait la poésie Michel-François Démet, Coll. « romantique, et cela, dénommé par Friedrich Méditation », Denoël-Gonthier, 1976. dépersonnalisation, déshumanisation ou abstraction, constitue le deuxième concept Il ne faudrait pas prendre le terme de fondateur de la poésie moderne. A une « structures » qui figure dans ce titre en un « sensibilité de l'imagination », distincte sens trop technique et trop précis (il est chez Baudelaire de la « sensibilité du cœur », d'ailleurs au singulier, Die Struktur, dans correspond chez Rimbaud la séparation du l'édition allemande, qui parut pour la moi écrivant et du moi empirique, le « je première fois en 1956, à une époque où est un autre », et chez Mallarmé un « regard l'emprise de la linguistique sur la critique absolu », très éloigné de l'idéalisme littéraire n'était pas aussi rigoureuse platonicien dans la mesure où il est subjectif, qu'aujourd'hui). Ce que Hugo Friedrich entend par mais d'une subjectivité qui n'a rien à voir là ce sont simplement les traits distinctifs avec le « Stéphane que tu as connu » dont de la poésie moderne en Europe, après le Mallarmé annonce le trépas à Cazalis. La grand tournant du milieu du siècle dernier. « transcendance vide » serait un troisième Que ces traits distinctifs ne forment pas concept-clé de cette analyse. Présente (ou une collection disparate constituée au absente) à l'horizon de la Préface de hasard, mais présentent une unité qui permet Cromwell dans la mesure où à un réel désintégré de parler de la poésie moderne, c'est là correspond un Grand Tout inaccessible, elle ce qui donne, malgré tout, au terme de prend chez Baudelaire la forme d'un « structures » une certaine pertinence, et mysticisme dépouillé de tout objet défini, elle c'est là aussi la thèse de ce livre, dont on devient chez Rimbaud le dernier terme ne sait s'il faut admirer davantage la vaste d'un enchaînement conceptueFqu'i/ле culture sur laquelle il s'appuie ou la saison en enfer résume sous la forme « mystère simplicité et la clarté avec lesquelles l'auteur se religieux ou surnaturel, mort, naissance, met à la portée du lecteur le plus novice. avenir, passé, cosmogonie, néant », et devient L'unité de la poésie européenne moderne, chez Mallarmé « la puissance des sommets », c'est d'abord, pour Friedrich, celle d'une « une puissance impérieuse qui domine et origine commune, qu'il situe en France, envahit l'esprit comme une épreuve chez Diderot et Rousseau d'abord, puis dévastatrice ». Le culte de la dissonance, du chez Baudelaire, Rimbaud et Mallarmé, fragment, de Г « incongruence », la beaucoup plus qu'en Angleterre ou en technique de surimpression ou de montage Allemagne, et cela non pas en raison de (« Einblendungstechnik »), la sa propre spécialisation « romanistique », désintégration des rapports spatio-temporels, la mais en vertu, dit-il « d'une nécessité dissolution des liens logiques, la recherche objective véritable ». La mutation à laquelle il consciente de la polysémie et de l'ambiguïté, nous fait assister commence en effet au la pratique d'un langage qui exprime cœur du romantisme français, un (notamment dans l'usage de la métaphore) des romantisme qu'il conçoit (et comment ne pas lui tensions plutôt que des identités, tels sont en savoir gré dans cette revue ?) non comme quelques-uns des principaux traits qui, la mode littéraire qui s'est éteinte vers le plus ou moins nettement esquissés dans les milieu du siècle, mais comme « le destin œuvres fondatrices de la seconde moitié spirituel des générations suivantes, et même du xixe siècle, vont s'épanouir dans la de celles qui croyaient en avoir fini avec poésie de notre temps. lui. » Les caractères essentiels de cette « Nous avons presque toujours dû utiliser mutation tiennent en quelques concepts- des concepts négatifs pour décrire la poésie clés, qui commandent les perspectives de moderne », reconnaît Hugo Friedrich à la tout le livre. Nous les voyons peu à peu fin de son essai. N'est-ce pas là un signe émerger de l'œuvre des initiateurs, et un qui permet d'apercevoir la relativité et les I2Ó Commentaires
limites de son entreprise ? Parfaitement à secousses événementielles et malgré la
son aise et presque toujours pénétrant « coupure » de l'année terrible. Hugo encore : lorsqu'il s'agit de montrer comment la poésie Annie Ubersfeld prolonge et éclaire une moderne est sortie des voies traditionnelles, intuition de P. Albouy sur l'identification du comment elle a rompu avec une certaine poète au vieillard Lear, contre Shakespeare. « normalité », définie comme « une situation Mais l'ouvrage se situe, comme le mythe spirituelle et intellectuelle qui nous permet « à la charnière du réel et de l'imaginaire ». de comprendre, par exemple, un texte de Les dix-neuviémistes y trouveront pâture Gœthe ou même de Hoffmannstahl » (d'où en dehors de leur territoire, et dans leur la haute qualité de ses chapitres sur champ plus spécifique une mise au point Baudelaire, Rimbaud et Mallarmé) Hugo sur le mythe de Salomé (G. Laurens) et Friedrich, qui se présente lui-même comme deux contributions à une textologie « plus à l'aise auprès de Gœthe que de matérielle à propos de l'italique dans La Fille T. S. Eliot », a tendance à voir dans la aux yeux d'or (M. Laugaa) et du jeu poésie moderne la perpétuation d'attitudes aléatoire des majuscules dans un poème de de rupture qui l'empêchent, me semble-t-il, Vigny (A. Jarry). d'être sensible aux caractéristiques C. Duchet. positives de poétiques aussi différentes que celles d'André Breton, de Paul Éluard, de René Char ou de Francis Ponge. A confronter • Gérard Delfau et Anne Roche, Histoire les poètes, pris individuellement, aux « Littérature. Histoire et interprétation du structures » qui sont censées commander leur fait Uttéraire, Éd. du Seuil, 1977. œuvre et à voir le déchet qui résulte de cette confrontation, on se prend à douter Livre important pour son moment, son de la pertinence d'une grille de lecture qui objet et son contenu, même si son titre définit essentiellement le « moderne » par « déborde » un peu. Il nous concerne à rapport à l'ancien et qui tend à considérer plusieurs égards et particulièrement pour l'ensemble de nos contemporains comme ses deux premières parties, l'une consacrée tributaires d'une philosophie de 1' « à la « Naissance de la critique (1830- 1860) », absurde » dont il apparaît, avec le recul du l'autre placée sous le signe de « Clio temps, qu'elle fut un instrument de théo- positiviste », qui conduit jusqu'à Lanson et à risation bien imparfait et bien provisoire. la réaction de Péguy et de Proust. Qu'on ne Malgré ces limites (peut-être à cause d'elles), s'imagine pourtant pas qu'il s'agit d'une ce livre constitue une excellente histoire de la critique, de ses critères ou introduction à la poésie moderne. des évolutions du goût. L'ouvrage déplace l'analyse d'une part vers les conditions Max Milner. matérielles et intellectuelles d'apparition de la « profession de critique », et d'autre part vers • Recherches en Sciences des textes : les pratiques effectives de lecture, sans Hommage à Pierre Albouy, Presses négliger les implications politiques du débat Universitaires de Grenoble, 1977. critique, en ce qui concerne les notions de littérature, de culture et d'histoire. Un Le volume publié par l'Université de chapitre est consacré à Taine (au sous- Paris VII en hommage à Pierre Albouy titre suggestif : « la fin de l'indistinction montre, s'il en était besoin, la fécondité des disciplines »), dont la place stratégique généreuse de son œuvre et de sa pensée. est précisément dégagée, aussi bien par Autour de quatre thèmes : Histoire, mythes, rapport à Sainte-Beuve, le dernier des « fantasmes et signifiants, les contributions critiques », que par rapport à Lanson, le s'ordonnent sans disparate puisque unifiées fondateur de « l'histoire littéraire » dans un par leur référence commune. Et celle-ci sens, en 1900, très moderne. Pour ce n'est pas gratuite : Pierre Albouy avait dernier, avec lequel décidément nous n'en appris, à fréquenter Hugo, que le mythe avons pas fini, les auteurs se livrent, presque habite l'Histoire et que les fantasmes ont à contre courant, à une réévaluation leur alphabet. Aussi bien l'ouverture est- attentive de son apport. Située historiquement, la elle sur « l'idéo-logique hugolienne » démarche de Lanson, parallèle à celles de (G. Rosa), autrement dit logique de l'idée Plekhanov, de Laforgue, de Labriola, de tout autant qu'idéologie, comme réponse Durkheim, marque une rupture à une Histoire qui pose la question de son fondamentale, que le néo-lansonisme a depuis risque et de son écriture. G. Delfau rappelle, masquée. Les cent pages consacrées au tournant pour des décennies cruciales (1850-1880), du siècle (1880-1914) rompent avec le texte et l'enjeu de cette Histoire. Son étude beaucoup d'idées toutes faites ou trop vite me paraît décisive pour toute réflexion sur refaites, et nous plongent au cœur d'un la périodisation du siècle,* au moins en ce débat délibérément actuel. qui concerne la continuité 'et la contiguïté entre réalisme et naturalisme, à travers les C. Duchet.