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La littérature française : dynamique et histoire

XVIe siècle

PREMIERE PARTIE : La Renaissance à reculons (Frank Lestringant)

Chapitre I : Une rupture sans retour : motif de l'Ignorance chassée de Rosso.


De Marot à Rabelais : naissance de l'humanisme et de l'évangélisme, inspiration de St Paul pour
définir le bon Prince (caritas), Erasme et Luther, Calvin. François Ier est vanté comme étant un
bon roi mais c'est surtout une image (importance de la guerre).
Querelle des anciens et des modernes déjà prégnante : image des nains chaussés sur les
épaules de géants. Louange du présent chez Rabelais. (Bernard de Chartres)
Guillaume Budé : De transitu Hellinismi ad Christianum : essaye un dépassement de la querelle en
montrant que la sagesse païenne appellait le christianisme, méthode de l'allégorèse. C'est un idéal
menacé : le sentiment de rupture l'emporte sur celui de la continuité.

Le deuil de l'antiquité : c'est bien la Renaissance qui le signe et non le Moyen Age. Il y a une
conscience renouvelée de la rupture avec l'Antiquité, d'un changement de paradigme. Rome est au
centre des motifs littéraires : ses ruines sont le symbole de la rupture avec l'antiquité. Chez Du
Bellay, ce motif est traité avec un relatif amusement, car cette rupture est aussi le symbole
d'une translatio imperii et studii de l'Italie vers la France.
Deux figures cohabitent selon Garin : le sculpteur (qui tente de reproduire les modèles antiques) et
le maçon (qui façonne à partir des matériaux antiques pour faire du nouveau).

Chapitre II : La voix et le livre


Influence de l'Allemagne en matière religieuse notamment et de l'Italie pour ce qui est des arts
(guerres d'Italie, Charles VIII, Louis XII, puis François Ier et Henri II (son fils)).
Affirmation de la langue française en même temps que redécouverte des classiques antiques.
Importance des langues pour les écrits des savants (en médecine notamment, le grec) et de l'hébreu
pour l'Ecriture sainte. D'où la liaison entre les humanistes et les évangélistes car même objectifs :
faire découvrir aux fidèles le texte sacré en permettant son accessibilité. Contre la Faculté de
Théologie.
1539 : L'édit de Villiers-Cotterêts impose le français dans tous les actes juridiques et administratifs
à la place du latin. Mesure politique qui permet renforcement du pv royal dans les provinces. Et
séparation nette entre le domaine religieux et le domaine laïque.
L'imprimé et le manuscrit : explosion du nombre de livre.
Tradition de l'offrande au Prince.
Tension entre la voix, l'oralité de la littérature en lien avec la versification qui juste là primait et
l'écrit, renforcé par la diffusion de l'imprimerie.
La poésie de la Renaissance de Mellin de Saint-Gelais à Maurice Scève et Louise Labé se fonde
encore sur la sonorité en développant l'image du luth comme lien avec la musique. Jeu sur
l'anthropomorphisme, surtout féminin, de l'instrument.
Dans le développement de la musique, les instru à vent sont vus comme populaire (image de
l'Apollon citharède qui écorche le satyre Marsyas pour l'avoir défié au concours avec sa flûte). 
Avec la Pléiade l'accord entre la musique et le texte (la chanson était un des genres que Marot
avait su perfectionner) se rompt. Du Bellay dans la Deffence et Illustration : les seuls genres
lyriques étaient l'ode et le sonnet mais ils étaient désormais autosuffisants.
Des anciens poètes comme Rabelais ou Ronsard, seul Marot a réellement persisté à travers le XVIe.
Très grande simplicité, poursuit la tradition du lyrisme médiéval et de François Villon, grande
intimité. Précurseur du classicisme (perpétué par Malherbe, d'Aubigné, admiré par Voltaire et La
Fontaine).
Poésie très populaire car proche de l'oralité, très simple et donc quasi intemporelle. Echappe à
l'éphémérité de la mode.

Chapitre III : L'émergence d'une nouvelle subjectivité.

Affirmation d'une conscience juridique de l'écrivain avec l'affaire La Vigne. Et cela influence aussi
la manière de conceptualiser ce qu'est une « oeuvre ».

Importance du lien avec la religion : foi dans le langage. Surtout lien entre Evangélisme puis
Réforme et Humanisme. Exemple : Marguerite de Navarre : poésie en lien avec son inquiétude
religieuse  : spirituelle, abondante et ascétique et son théâtre : biblique ou moral. Importance du
vers pour rythmer la prière, le lyrisme est au service du spirituel. Deux grands recueils : un
lyrique, l'autre rhétorique : fusion du style public et du style intime. Primat de la foi. « sola fide »
luthérienne. Dialectique du Tout et du Rien : qui se traduit au plan poétique par l'oxymore et
l'anthithèse. L'âme s'exalte jusqu'à se perdre dans la totalité de Dieu. Technique de la
contrafactum : substituer à des chansons profanes des chansons pieuses.
Importance des 50 Psaumes de David, de Marot et Calvin. Modèle de compréhension du
cheminement individuel du croyant.

DEUXIEME PARTIE : La courte Renaissance française

Le bain de Diane de François Clouet : peinture allégorique résistante à l'interprétation univoque,


transposable à plusieurs situations politiques (comme par exemple Catherine de Médicis à gauche
(voile noir), Diane et Marie Stuart jeune épouse de François II.) Mais bon exemple de l'usage de la
mythologie dans l'art et la littérature à la Renaissance : elle suppose un usage ouvert, non
réductible à une circonstance isolée et unique. C'est une clé à plusieurs serrures.
Ainsi telle élégie ou telle ode de Ronsard peut servir plusieurs dédicataires. L’œuvre transcende
la diversité des circonstances et des sujets historiques, en offrant une forme durable,
impérissable. « Plus dur que l'arain » disait Horace au sujet de ses propres vers.
– La mythologie est le langage symbolique privilégié de la Renaissance (pose question de
l'interprétation et du lien entre poésie et vérité).
– L'esthétique picturale dominante est l'application littérale de l'adage d'Horace ut pictura
poesis : question de l'ekphrasis.
– Rapports potentiellement ambigus entre le paganisme ressuscité et le christianisme.
– La culture humaniste serait-elle une culture du passé ? Comment mêler les nouveaux
horizons dans l'orbe complet et suffisant de la terre des Anciens : herméneutique du
Nouveau Monde.

Chapitre I : Un langage mythologique 

Renouveau du paganisme lié au renouveau poétique de la Renaissance.


Etienne Jodelle : première tragédie française à l'antique La Cléopâtre captive. Affaire de la fête
d'Arcueil : Ronsard et ses potes (la future Pléiade) apporte un bouc pour récompenser Jodelle.
Dimension parodique de leur érudition classique : illustre le lien double entre l'humanisme et
l'Antiquité : respect idolâtrique et franche désinvolture.
Ronsard a été taxé d'athée par certains protestants. Alors que le poète chrétien mène justement le
mythe à son exégèse typologique : derrière Hercule, le Christ. Héritage de la doctrine du
voilement : ambigu : le poète doit dévoiler la vérité tout en conservant ce voile qui est aussi
apparat. La Fable, située dans le domaine profane, est disponible comme outillage, auquel on
attribue une portée eschatalogique.
Pour Ronsard : dans l'Abrégé de l'art poétique françois : la poésie est «  théologie allégorique. »
Même rôle que les mythes selon Levi Strauss : l'interprétation allégorique a pour fonction
d'actualiser les mythes dans un savoir contemporain. Conciliation entre le muthos et le logos.
C'est la prolifération de ces interprétations de la Fable qui a alimenté la création poétique de la
Renaissance.
Ronsard dans ses Hymnes veut également recréer cette forme impérissable et ouverte d'un point de
vue herméneutique : Homère français. Combinaison de plusieurs traditions : antique (avec Hymnes
homériques (louange aux dieux), hymnes alexandrins ou byzantins ; chrétienne (une hymne) :
chant de louange à Dieu, selon St Augustin. Ronsard choisit l'hymne épique avec rimes plates et
louange à Dieu. Hymnes encomiastiques / philosophiques et mythologiques, épicéniens (petites
épopées). Hymne de la philosophie : éloge lyrique du savoir, parcours du champs immense de la
connaissance humaine et poésie élitiste. « La vocation de l'hymne au sublime doit s'entendre
aussi en cette acception sociologique  : c'est une parole du plus haut étage, une parole placée en
position dominante, qui prend de la distance par rapport aux affaires humaines et les considère
d'en haut.  » (sub specie aeternitatis).
Principe de l'allégorèse poétique, recommandé par Erasme : chaque texte peut faire l'objet d'une
interprétation tant qu'elle est de bonne foi.

La conception sacrale de la poésie :


Ronsard recommande que la poésie adopte un langage qui ne soit pas le même que le commun
des mortels. Contradictions dans les Odes : rôle du mythe : voiler ou démasquer pédagogiquement
la vérité ? Hésite aussi entre une conception sacrale ou sacerdotale de la poésie et une conception
plus ludique ;
Image de l'enthousiasme poétique proche de la folie, conception de l'inspiration héritée de Platon et
transité par Marsile Ficin : la fureur poétique. Mont-Dieu se foutra de sa gueule en disant qu'il
ressemble à une tempête qui rend chauve la forêt. Et Ronsard de reprendre l'image en y voyant rien
de dépréciatif au contraire !
Puis il modérera ce concept de fureur, en le remettant du côté nécessairement ludique. « Poésie est
un pré » dit-il dans un poème de l'édition posthume de ses Oeuvres.
Pour Ficin, les 4 fureurs du Phèdre de Platon (prophétique, mystique, poétique et érotique) étaient
les 4 étapes vers la connaissance. Image de la roue de Virgile, du grammarien Donat (latin du
IVe) : Bucoliques (érotisme familier des débuts de la vie), puis Georgiques et enfin prophéties
politiques et révélations spirituelles de l'Enéide.
→ Le poète (inspiré du quattrocento platonisant) est universel, susceptible de pratiquer tous les
genres, tous les styles, toutes les matières : d'où l'aspect parfois disparate de l'oeuvre de Ronsard :
des Folastries aux Amours de Cassandre (néoplatonisme).

Le principe de récapitulation : très important à la Renaissance : un genre (notamment l'épopée)


peut récapituler tous les autres genres. Importance de la poésie scientifique ou « poésie
philosophique » (venant après la philosophie pour restituer une connaissance).
Important pour Du Bartas et d'Aubigné. Le grand poème héroïque puise dans tous les genres
et tous les savoirs. (pareil que la roue de Virgile).
Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné relève ainsi à la fois de la satire, de la tragédie et de l'épopée et
autres encore. Modèle Du Bartas (La Sepmaine) et de Ronsard des Hymnes + tragédies de Jodelle.

Chapitre II : Une esthétique picturale : la poétique de l'évidence à la Renaissance

Importance de l'adage d'Horace dans l'Art poétique : ut pictura poesis. La poésie donne à voir tout
comme le peintre : par ses sonorités, ses rythmes : il compose une « peinture parlante ». La
peinture elle devient une poésie muette à cette époque.
Existait avant mais porté à son point de le plus haut par les poètes de la Brigade, la future
Pléiade : Du Bellay, Ronsard, Jodelle et Belleau.
Cette importance de l'image à la Renaissance s'explique par la théorie antique de l'évidence. Dans
l'art rhétorique, l'évidence ou « énargie » (du grec enargeia) est une figure de style qui confère à
la description la puissance évocatrice de la vision directe. Production d'une sorte d'hallucination
réglée : usage de présents, de déictiques, couleurs, indicateurs spatiaux, verbes perceptions :
donnant consistance au songe tout en le dénonçant. Peinture du tout par les parties. Miroir en
morceaux du réel. Focalisation sur des détails. Quintilien (Art oratoire) « les yeux de l'éloquence ».
Proche de l'ekphrasis : // désir amoureux comme fétichisme. Importances des blasons du corps
féminins. (Ex : Marot : l'étrange concours du « Beau tétin »). Mais sans en rester à la description,
le blason va dramatiser la métamorphose : augmentation de la partie dans le tout (ex : l'organe
féminin devient de celui d'une jeune pucelle, celui d'une mère allaitante). Jeu auquel s'est prêté
Maurice Scève en choisissant le Sourcil, la Larme, le Front, la Gorge et le Soupir. Joue à
désincarner.

Dans le Songe de Du Bellay, inspiré des Canzone dei visioni de Pétrarque, mélange de l'ironie avec
l'onirique. Passage du plan personnel (chez Pétrarque) au plan historique et universel (chez Du
Bellay) : translatio imperii. Miniaturisation de l'épopée.

Le retour du bouc tragique : Jodelle, Ronsard, d'Aubigné : Ex de rhétorique de l'énargeia :


paronomase et allitération en r : les lettres « héroïques » selon Ronsard.
Travail du surgissement de la vision, par ekphrasis, qui donne à montrer (hypotypose ?).
Paradoxe de l'iconoclasme protestant : Mappemonde Nouvelle Papistique : critique des images
(Montagnes des images) qui menace la Nouvelle Rome de disparaître.
Chapitre III : Paganisme et christianisme, l'idéal académique et la tentative de conciliation
des deux cultures
Rêve de la réconciliation d'éros et agapè, le profane et le sacré. Point de départ de l'idéal
académique : l'Apolon gaulois, le néoplatonisme. Union du politique et du spirituel. Roi de France:
chef de l'Eglise Gallicane. (depuis 1516, Concordat de Bologne).
Lien fait par Du Faur de Pibrac entre musique et justice : ordre, mesure, nombre, et enthousiasme.
Importance d'Henri III, frère de Charles IX, qui a créé les académies et qui s'intéressait de très près
aux lettres, très décrié par sa réputation.
L'Académie se transforme progressivement en bastion au service de la Contre-Réforme.
Livre du monde : Image du grand poème récapitulatif qui résume et donne à lire le monde.
Macrocosme // Microcosme : le ciel et la mer sont miroir l'un de l'autre. Usage des métaphores
et des comparaisons visant à reconstituer verbalement la concaténation des créatures.
Parti pris des choses / baroques, Du Barthas proche de Francis Ponge. (La Sepmaine) : en six
jours création du cosmos et des êtres vivants, le 7eme Dieu contemple / mais miniature sur un
paysage familier. L'universel est mis de côté pour montrer le résultat d'un travail humaine.
Géocentrisme. Critique de Copernic. « Terre, et ciel, que je puis chanter d'un style bas, Non point
tels qu'ils étaient, mais tels qu'ils n'étaient pas. » Modèle réduit parmi d'autres. Monde orné donc
cosmologique (cosmétique / cosmographie). Inspirera Spenser, et Milton. Passage de l'échelle
humaine à l'échelle divine, grâce au spectacle de l'harmonie.
Chapitre IV : Une culture tournée vers le passé ?
L'Amérique n'est intégrée que très tardivement dans la poésie française. La culture Antique, qui ne
mentionnait pas le NM, reste le cadre le plus traditionnel adopté par les poètes.
Mais ensuite intégré vers la fin du XVI : Ode de Jodelle : « révolution sociologique » : germe
du mythe du Bon Sauvage. L'Amérique permet un point de comparaison. On décrit l'inconnu par
le prisme du connu. Terre ronde : thème du retour. Thevet, cosmographe des Rois de France :
recompose une mythologie francisée. Sentiment de révolution scientifique et donc de retour à l'âge
d'or.
Le but est toujours de réduire le mythe à une raison historique et de montrer la vérité
profonde qui se cache sous la fiction apparente. Découverte des mythologies amérindiennes :
celle en particulier d'un déluge universel qui aurait englouti la terre et détruit une première race
d'hommes. Une autre aussi : celle des femmes chasseresses et guerrières dans des îles de la forêt
équatoriale. Mélange avec les romans de chevalerie. Globalement il s'agit de montrer un
prolongement entre les mythologies antiques et celles du Nouveau Monde (brésil).
En raison de sa culture allégorique et de ses habitudes interprétatives, la Renaissance a su
intégrer ce qui lui était en apparence le plus étranger et extérieur.

TROISIEME PARTIE : La crise de la Renaissance

Les massacres du triumvirat d'Antoine Caron (1566) (Massacre des triumvirs) : tableaux du
Louvre.
Allusions aux guerres de Religion commencées en 1561. Triumvirat avec Anne de montmorency,
Jacques d'Albon de Saint André, et le duc François de Guise. // Caron utilise l'imaginaire de la
Rome antique (pour changer). Avec aussi des éléments de la Rome moderne. Composition
architecturale érudite. Décapités d'Amboise en 1560, protestants qui avaient voulu enlever François
II pour le soustraire à l'influence des De Guise. Caractère théâtral du tableau. Mais par les couleurs :
une forme de gaîté habite le tableau.
→ Tableau emblème de la « crise de la Renaissance » (terme d'André Chastel). Grosse dif avec
le baine de Diane alors même que les deux œuvres sont plus ou moins contemporaines :
changement de paradigme : la référence n'est plus à la mythologie, mais à l'histoire antique, et à
l'époque des guerres civiles à Rome : Lucain remplace Ovide. Elargissement de l'espace et du
temps.
Trois traits : rhétorique de la violence (Les Tragiques d'Aggripa d'Aubigné) / esthétique théâtrale
(cela implique une préférence pour le tableau, où tous les événements se produisent en même
temps, plutôt que pour la chronique ou l'histoire) / choc des esthétiques
L'art agit sur le réel ou la réalité contamine la sphère de l'art ?
Chapitre I : Une esthétique théâtrale, le modèle théâtral
Le théâtre du monde, de Pierre Boaistuau (Le théâtre du monde) à Aggripa d'Aubigné. Avènement
du goût baroque : le monde est un théâtre et la vie humaine a un rôle d'emprunt.
D'où même le titre d'Aubigné : Les Tragiques : // spectacle des jeux de cirques anciens ; les
premiers chrétiens remplacent les réformés et Charles IX devient Néron.
Un siècle tragique de Jodelle à Garnier : // guerres de religion. Tragédie comme moyen de critique
du réel : mais en passant par la distanciation toute brechtienne. Le théâtre se fait image des
psychologies discontinues, interruption des lois de la vraisemblance, et invite le spectateur à
réfléchir et prendre position. Ex : Marc Antoine de Robert Garnier : scène d'échos concertés entre
les personnages qui parlent chacun sans se rencontrer : seul le spectateur est capable de juger (invite
à une prise de position). + Discontinuité psychologique : on passe d'un personnage à l'autre, on vit
les émotions de chacun. Identification intermittente : conciliation de Brecht et d'Aristote,
possibilité de catharsis avec distanciation.
Le visible tend à supplanter le lisible.
Nouvelle historiographie : l'Histoire universelle. La découverte du nouveau monde relance
l'ambition d'une histoire universelle. Chez Polybe, très apprécié à la Renaissance, l'histoire
universelle abandonne le paradigme épique pour celui de la tragédie : logique de la fortune
transcendante dépassant les hommes et les historiens.
L'art de la mémoire et sa critique : Ramus.
Chapitre II : Une esthétique du heurt Morcellement des œuvres. Structures variées. Michel
Jeanneret parle d'une « structure modulaire ». Le livre devient un peu une banque de données/
Baroque et maniérisme : Distinction entre l'art classique et l'art baroque : art de la ligne → art
pictural (le tracé du contours des choses devient représentation de la masse et du mouvement),
stabilité spatiale → effet de profondeur, ordre dynamique, formes fermées → formes ouvertes,
unité subordonne → unité fusionnante, goût de la clarté → celui de l'obscurité.
Dynamisme, décentrement, dissymétrie et disproportion.
Formule frappante de Cattevi : « le maniérisme a la culture du signe, le baroque le culte du
symbole. » La parole baroque cherche à dire qqch, à convaincre et se donne comme discours de
vérité. La parole maniériste veut seulement séduire, troubler, semer le doute. Narcisse (maniériste)
vs Pygmalion.
Deux types de représentation différente : on passe de l'ekphrasis (effet distancié) à
l'hypotypose (effet d'adhésion au réel).
Subordination du centre à la périphérie selon Montaigne, cela participe aussi d'une esthétique
/ pensée maniériste. Renversement du rapport entre accessoire et principal. Le triomphe de la
glose sur le texte : la Renaissance aurait selon Foucault pour trait distinctif de son espistémé :
le commentaire. Ce qui s'applique bien à Montaigne. Même la littérature savante est accueillante
aux digressions. Les Essais juxtaposent des perspectives irréductibles entre elles. Le but de
Montaigne n'est plus l'édification, allant avec une rhétorique de la cohérence ou de la confluence,
mais la mise au jour du caractère problématique et contradictoire de sa matière : l'homme.
Pour Montaigne, la prolifération des commentaires est un symptôme du dérèglement : il y a plus
affaire à interpréter les interprétations qu'à interpréter les choses. « Nous ne faisons que nous
entregloser ».
Peut-être le commentaire est l'une des sources premières de la littérature dans la mesure où c'est une
forme prenant conscience d'elle-même. Ecrit-squelette / Ecriture-chair.
XVIIe siècle

La mémoria latine est une donnée constante de la conscience littéraire, même un siècle après la
Defense et illustration de la langue française de Du Bellay. (1549).
Constitution d'un public littéraire. Pour le théâtre durant Louis XIII, pour le roman durant Henri
IV. // La littérature se construit aussi à partir des horizons d'attente de ce public. « Naissance de
l'écrivain » : le règne de Louis XIV a été celui d'une forte promotion des lettres et des arts, l'homme
de lettres a un statut particulier.
Débat sur le début du siècle : problème de la périodisation. On a tendance à assimiler le début du
siècle à un pré-classicisme, préparant la voie au grand classicisme de Louis XIV. Sinon notion d'éon
baroque pour définir cette période, utilisée par Jean Rousset.
La spiritualité baroque fut comprise comme l'expression des aspirations nées de la Contre-
Réforme : promotion de l'éloquence sacrée, de l'oral contre l'écrit, arts visuels, théâtralisation de la
vie et du monde, poétique du desengano (désillusion).
Verdun-Louis Saulnier distingue cinq générations : celle des réformateurs et constituants (Balzac,
âge de Richelieu) / législative (Chapelain, âge de Mazarin) / politesse et querelles de pensée
(Bouhours, Pascal, Molière, La Fontaine, Bossuet) / 1682 (installation en 1677) VERSAILLES
(Boileau, Racine) / puis crise de la conscience européenne (Fontenelle, Pierre Bayle).
Ou possibilité de suivre les étapes politiques : Henri IV : restauration du Royaume, bilan de la
Pléiade, renouveau de l'éloquence, essor du théâtre) / puis Classicisme de Richelieu :
régularisation des genres (notamment du théâtre), législation de la langue avec la fondation de
l'Académie en 1635. / La Régence et la Fronde : libéralisation : burlesque, triomphe du roman
héroïque : inflexion esthétique en lien avec inflexion politique autour de Nicolas Fouquet,
grand mécène (et potentiel rival artistique de Louis XIV) / Puis Louis XIV ; remise en ordre et
radicalisation morale ensuite.
La querelle des Anciens et des Modernes serait l'ultime épisode du siècle.
Le terme de littérature ne désigne pas seulement au XVIIe un champ autonome d'une pratique
esthétique du langage : mais toute la res litteraria, les écrits également scientifiques.
C'est aussi l'histoire de la progression et de l'affirmation d'une langue vernaculaire qui
progressivement revendiquera la place et la fonction de la mémoria latine.

CHAPITRE I : De la « res literaria » à la littérature

Pour analyser la « réussite esthétique » en 1600, il faut s'appuyer sur les notions de rhétorique et de
poétique. La rhétorique offre les techniques fondamentales pour l'invention (maîtrise de la topique),
de la disposition (art du plan qui gouverne l'architecture de l'ensemble), et de l'élocution. Mise en
ordre logique du sujet, efficacité stylistique de la mise en forme.
Synthèse entre Aristote et Horace : les conceptions techniques du philosophe avec la portée
morale / éthique du poète latin. La vraisemblance a désormais une portée éthique.
Fonctions et pouvoirs de la littérature : On assiste à une centralisation de la publication et de
l'imprimerie à Paris. Ecrivain éminemment dépendant du pouvoir. Contrôle des publications.
Fondation de l'Académie en 1635.
L'éloquence est reléguée aux côtés de la poésie encomiastique. Le genre épidictique (qui loue ou
blâme) est le grand genre oratoire du XVIIe. Du Vair : monument oratoire à la restauration de la
monarchie. Importance de l'histoire / historiographie : Pierre Matthieu : lie le récit des événements à
la maxime, généralisation morale.
Renouveau de la tragédie mais concurrence avec genres nouveaux issus d'Italie dont la
pastorale et la tragi-comédie. Nouvelle conception du théâtre qui rejetait l'instruction morale au
profit de la quête du plaisir et – ce qui allait de pair – la véhémence oratoire et le haut langage
poétique au profit de la douceur et du naturel. Notamment par les jeunes disciples de Malherbes :
renouveau de la comédie. C'est pourquoi Richelieu a tenu à maintenir une concurrence théâtrale en
favorisant deux lieux de représentation dans Paris. C'est notamment lui qui créé l'Académie
française. Groupe des cinq auteurs autour de Richelieu, mise en avant de la « modernité » littéraire.
Puis Mazarin, premier ministre successeur de Richelieu, encouragea aussi le goût pour l'Opéra,
l'architecture « baroque ». Protège Balzac, Voiture et Chapelain.
Puis Nicolas Fouquet (surintendant des finances de Louis XIV) : dernière affirmation d'un grand
mécénat privé. Fait appel aux forces littéraires qui s'étaient développées en marge de l'institution
littéraire officielle de l'âge précédent : littérature de salon (Madeleine de Scudéry, Thomas
Corneille, Charles Perrault Sorel, Scarron). Fait construire Vaux-le-Vicomte.
Belles Infidèles : modèle antique Lucien, ce sont des traductions libres, dont les pionniers ont été
défendus par la première Académie française, qui mettaient en valeur la langue française, quitte à
déformer un peu le texte original.
Le XVIIe est en quête de modèles : parmi ceux là, les auteurs antiques depuis Guillaume Budé et
l'aventure de la Pléiade. Admire les pères de l'Eglise grecs dont Saint Basile (influence Port-Royal).
L'oeuvre de Jean Racine est sans doute la plus représentative de cette présence de la culture
grecque au cœur du classicisme français : il a lu et annoté plusieurs auteurs grecs, Homère,
Sophocle, Aristote, Plutarque, avant de s'en inspirer pour ses tragédies comme Phèdre,
Andromaque, Iphigénie... Aristote est une des sources majeures de ce temps, déjà développé par les
humanistes du siècle précédent. Longin également, dans le domaine esthétique, publié en 1674 par
Boileau, avant d'en faire une machine de guerre contre Charles Perrault et les Modernes.
Quant au latin, ce sont Cicéron et Quintilien qui fondent les grandes questions théoriques de la
littérature, ainsi que Virgile pour l'initiation à la parole poétique. Quintilien est à la base de toute la
pédagogie reposant sur le corpus cicéronien. D'où la fonction centrale de la rhétorique. La
poétique trouve aussi son fondement dans Horace, avec Aristote. (inspiration Boileau, La Fontaine,
Molière). L'Epître aux pisons (Art poétique) : modèle de littérature moderne, et les Satires source
d'un champ poétique de Régnier à Boileau.
Un des pans décisifs de l'imaginaire de la pastorale se constitue par le modèle latin, de Virgile.
Modèle de l'Enéide comme poésie nationale et dynastique / incarne la réussite absolue en matière
épique. Ovide enfin, dont les Métamorphoses sont un véritable manuel de la Fable antique.
Les latins offrent de surcroît une conception de la culture littéraire : héritée de la paideia grecque.
Selon Terence, Virgile ou Cicéron, toute création littéraire est avant tout imitation intelligente
de modèle. C'est pourquoi le « classicisme » doit se concevoir autant comme une doctrine qui
s'élabore en rapport à un modèle, que comme une création qui se pense comme rapport au modèle :
il s'agit donc moins en définitive d'une imitation que d'une émulation. C'est pourquoi des
auteurs comme Corneille, Racine ou la Fontaine aiment citer leurs modèles : la valeur de l’œuvre
littéraire repose sur la comparaison implicite qu'il y a avec le modèle.
Influence de l'Italie, notamment l'Arioste qui publie Orlando Furioso : complexité narrative
influence sur le genre épique et roman héroïque.
Le Tasse également auteur de drame pastoral, influence la veine de la pastorale, située aux
marges du monde chevaleresque, et faisant de l'amour – au sens platonicien – la principale
activité humaine. Bien sûr grande influence italienne (Lully) pour l'Opéra, repris par Quinault,
Lully et Vigarini (pour les décors).
L'Espagne également, grand royaume, grande sœur amie et ennemie de la France, influence
particulièrement le domaine romanesque : Diane de Montemayor. Ce roman pastoral implante en
Europe le goût pour une littérature amoureuse d'inspiration néo-platonicienne. Pour le domaine de
l'inspiration chevaleresque : l'Amadis de Gaule / Don Quichotte. → de là se développe le genre
de la nouvelle comme contrepoint aux critiques du roman chevaleresque lancées par le Don
Quichotte. Idéal de narration réaliste par rapport à l'extravagance héroïque. La comedia
espagnole a également permis de développer le genre de la tragi-comédie.

Toutes ses influences permettent aux écrivains français du XVII d'affirmer leurs caractères
spécifiques. Il y a au début du siècle (Henri IV, puis Louis XIII) un sentiment de rupture,
notamment incarnée par Malherbe. « Enfin Malherbe vint, et le premier en France / Fit sentir dans
les vers une juste cadence. » (Boileau). D'où le fait que la Querelle des Modernes ne se résume
pas à l'épisode des années 1687-1715 : c'est un aboutissement d'une longue tension qui
remonte à l'humanisme.
La poétique de Malherbe est une critique de la poésie de cour de l'ultime génération des Valois et de
la poésie savante de la tradition de la Pléiade. Elle renoue avec les grands genres de la lyrique
officielle et s'appuie sur la rhétorique (on l'accusera de « rimer de la prose »). Attention rigoureuse
à la syntaxe, mise en valeur par le rythme du mètre. Simplicité du lexique. // Renouveau du
royaume / renouveau de la langue. Sa poésie a les valeurs de la parole royale. Première querelle des
Lettres de Balzac : Virgile qui imite Homère pour le surpasser va devenir l'argument clé des
Modernes dans la théorie de l'imitation comme « émulation ».
Pour Ogier, le suivi des règles des unités au théâtre dans l'organisation de la pièce (dispositio)
aboutissait à brider l'imagination sur le plan du sujet, des actions et des caractères (l'inventio) : cela
ouvrit le champ libre aux apôtres de la liberté absolue en art. Chapelain, disciple de Malherbe, et
ami de Balzac, proposa alors la Lettre sur la règle des vingt-quatre heures, dans laquelle il propose
une justification rationnelle et moderne des règles des Anciens : autre forme de modernité qui
appelle à la raison pour découvrir les secrets de fabrication des chefs-d'oeuvre. Le but, selon
Chapelain, est de « faire croire » au spectateur. LA TRAGEDIE REDEVIENT MODERNE. Youpi.
Ce débat des années 1630 se poursuit en 1650 au sujet de la place du merveilleux païen dans
l'épique. Puis aussi la question de la langue. La Querelle reprend lorsque Charles Perrault fit lire,
devant l'Académie, son poème sur Le Siècle de Louis le Grand( 1687), où il célèbre les auteurs
modernes au détriment des auteurs antiques. La translatio studii se double d'une idée de
progrès : il faut s'opposer au pédantisme des Anciens et défendre la culture moderne, celle des
mondains et des femmes. Boileau s'oppose. Si la mythologie n'était plus cette théologie primitive
révélatrice sous le voie allégorique des secrets du monde que la Renaissance avait définie, elle reste
selon Boileau. La position des protagonistes n'est pas aussi nette que l'histoire a voulu le retenir : La
Fontaine par exemple, s'il défend l'idée d'une bonne imitation, est aussi un lecteur fidèle des
modernes.
De la rhétorique à la conversation : l'importance de la rhétorique implique la définition d'un espace
spécifique pour toute prise de parole : l'écrivain joue avec la doxa, les horizons d'attente du lecteur.
C'est par rapport à cette doxa que l'oeuvre prend sens et que se construit le « vraisemblable », pierre
de touche de la réussite en art. La rhétorique définit également la bienséance interne (cohérence
des actions) / externe (accord moral des actions des personnages avec l'univers du public).
Le théâtre se présente comme le lieu même de l'imitation du réel puisqu'il s'agit d'une reproduction
à la fois auditive et visuelle (même charnelle) des actions des hommes. Le système de causalité
d'une intrigue doit être ou bien logique (il est nécessaire que tel fait entraine un autre fait) ou bien
doxal (il est probable, d'après l'expérience humaine...). Pour Chapelain, le but n'est pas de
reproduire tout le réel, mais de donner une illusion de réel / de vérité : « obliger l'esprit » du
spectateur « à se croire présent à un véritable événement ». D'où l'importance de l'unité de temps :
le public ne peut juger vraie une action distordue. Ce n'est plus seulement la simple
« rhétorisation du poétique » propre au XVIe et aux commentateurs italiens, qui cherche
l'acquiescement du spectateur, mais bien le transport de ce dernier, en imagination, dans
l'oeuvre. Il doit se croire être devenu le « témoin » véritable de l'action. Son imagination doit
être surprise et il ne doit pas être en situation de réfléchir. D'où la condamnation du Cid de
Corneille par les théoriciens, car il est jugé invraisemblable qu'une fille épouse le meurtrier de son
père, d'autant plus qu'elle était définie comme vertueuse. Il faut une constance du personnage.
Corneille s'est défendu contre l'inanité de cette rationalisation du théâtre, en disant que les
grands sujets doivent toujours aller au delà du vraisemblable. Récusant la vraisemblance dans
l'élection du sujet (l'inventio), il l'exigeait cependant dans le système des faits (dispositio).
Dans le roman aussi, même si moins codifié, la vraisemblance est la clé des théories. Resserrement
du temps et unification de l'action. Passage du roman héroïque au « petit roman », (Roman
comique Scarron, etc...) : plus réaliste, fondé sur une action plus courte et des personnages plus
vraisemblables. Madeleine de Scudéry également dans son ultime roman Clélie, passe de l'épopée à
la gazette. Le sujet principal de ces récits est la galanterie. La fiction se fait donc le reflet fidèle de
ses goûts mondains, et s'enrichit des genres qui y règnent comme les conversations ou les portraits.
Badinage, bel esprit, urbanité. La conversation est ce que Marc Fumaroli a appelé « le genre des
genres ». (Bouhour, sur le Bel esprit). Travail sur l'inédit, la lourdeur de la mémoire est un obstacle.
La théorie des humeurs et du tempérament est liée aux idées que l'on se faisait du style ou du
caractère d'un auteur.
Art de ne se piquer de rien. De civiliser la doctrine. Nicolas Faret ; Inspiration de Castiglione (Le
courtisan) : la conversation doit privilégier le naturel, la négligence aisée (la sprezzatura). La
littérature satirique se plaira, parallèlement aux traités de civilité, à dessiner cette figure du pédant
livresque, qui est tout le contraire de l'honnête homme. (Les pédants de Molières) ; La conversation
infléchit notamment l'art du dialogue.

Chapitre II : Littérature et société


La société à l'école de la littérature : la conversation a une place centrale en littérature du fait de son
importance dans l'espace social. On assiste au XVII à une élaboration particulière de l'espace social,
tenant d'un idéal propre de l'humanisme et du courtisan de Castiglione, définition de l'honnête
homme qui maîtrise le langage. (Nicolas Faret, théoricien de l'honnêteté). La littérature devient la
pièce maîtresse dans l'information et l'institution de l'honnête homme.
Problème du style épistolaire : quel style employer pour dévoiler la personnalité « privée » de celui
qui écrit ; l'idéal de l'honnêteté repose donc sur un certain art de l'affirmation de soi (dans la
droite ligne de Montaigne). Mais le moi ne peut s'exprimer qu'avec des mœurs adoucies : ainsi le
roman joue lui aussi un rôle important dans la définition de l'honnête homme : deux versants
importants : l'héroïsme héritier (L'Amadis de Gaule) des sommes chevaleresques du MA, et la
pastorale, héritière de l'amour courtois. Honoré d'Urfé donne au XVIIe un bréviaire sentimental et
héroïque pour son imaginaire. Les bergers sont des chevaliers ayant renoncé à l'épée pour faire le
choix de la vie pastorale ; le néoplatonisme se mêle (l'amour est en tête) à la spritualité de la
Contre-Réforme (amour platonique). Réflexion par types : l'inconstant Hylas, le platonique
Silvandre : permettent de penser la psychologie amoureuse.
Prolongement de cet héroïsme dans le genre de la tragi-comédie. Scénario type : un Prince qui
rencontre une Princessse et se déguise pour l'approcher : son caractère transparaît derrière son
déguisement qui masque ses conditions sociales. Une valeur naturelle se décèle, suscitant l'amour
de sa princesse. Corneille également s'y prête. Après cette influence, il choisi de mettre en scène
uniquement des héros qui ne font pas de fautes – alors que depuis Aristote, le héros de la tragédie
se définit précisément par le fait de commettre une faute. D'où la question importante pour C :
comment faire d'un héros sans faiblesses le sujet entier d'une tragédie ? Idéal aristocratique
(celle de la Grande Äme) qui fonde toute l'éthique romanesque du Grand Siècle.
En effet le monarque est le primus inter pares (comme le roi don Fernand dans le Cid).
Le roman héroïque entre en crise en 1660, et cela est le signe d'un changement dans la société : les
aspirations et valeurs héroïques ont été combattues par Louis XIV, sur un plan politique (réduire les
aspirations de la noblesse), sur le plan moral, avec les critiques de La Rochefoucauld ou Pascal, et
sur le plan mondain, qui prône des valeurs plus réalistes et tempérées. Paul Bénichou : nomme
cela « la démolition du héros ».
La montée à la place d'un roman plus réaliste (Scarron, Sorel) tient aussi au fait que le réel n'est plus
désormais réduit à son aspect outrancier et ridicule : il devient sérieux, car il s'appuie désormais
sur la vérité historique. Essor du genre de la nouvelle. Influence de la culture aristocratique:
l'exercice du corps.
Rôle important des milieux mondains. Hôtel de Rambouillet. Le « salon » a joué un rôle capital
dans le « polissage » d'un genre aussi savant que l'était à l'origine la tragédie. Face à la tragi-
comédie on a ôté de la tragédie sa dimension trop morale ou on a au moins lié la dimension
instructive avec le plaisir désormais exigé de chaque œuvre de d'art. Selon Balzac, il « faut
sentir l'instruction, mais ne pas la voir ». Il faut pour cela toujours récompenser les vertus et châtier
les vices, et que les maximes et sentences se glissent imperceptiblement dans le corps du Poème.
Corneille a tjs marqué son souci d'utiliser sobrement les sentences : Il préfère dire « L'Amour
vous donne beaucoup d'inquiétude » plutôt que « L'Amour donne beaucoup d'inquiétudes aux
esprits qu'il possède. »
Les salons sont aussi devenus un laboratoire de la langue française : on y cultive le bon usage et le
naturel de la langue. Les espaces mondains où règne l'esprit de société sont complémentaires de la
cour où règne la parole royale. Le « car » défendu par Voiture. La dimension politique n'est donc
jamais loin de l'otium des salons, rôle très important des femmes.
Mais aussi critique de cet idéal (déjà contenu dans le modèle même) : dénonciation du libertinage.
La figure construite par Faret s'efface peu à peu. Dénoncé par Pascal notamment, dont le fameux
pari s'adresse à ces mondains ayant perdu contact avec la vie religieuse. L'émergence du
modèle héroïque, dont l'honnête homme est le prolongement assagi, est contemporaine en effet de
l'affirmation d'un absolutisme directement hérité du machiavélisme. De Castiglione à Gracian
(culture versaillaise du masque et du secret) on passe d'une honnêteté humaniste à une honnête
paradoxale dénoncée par La Bruyère dans ses Caractères.
Au monde idéal des valeurs chevaleresques, on a très tôt opposé le réalisme brutal de la
tradition picaresque : le picaro, vagabond cherchant fortune et dont les aventures se situent dans
les bas fonds de la société. La grande synthèse de ces deux univers est bien sûr le Don
Quichotte. Tradition de l'anti-roman (Scarron) avec le roman comique (s'était déjà attaqué à
l'épopée avec le Virgile travesti). Le roman bourgeois de Furetière est plus radical : s'attaque au
thème de l'amour.
Molière montre l'ambiguïté du modèle de l'honnête homme en proposant avec le Misanthrope une
« comédie de salon » où Alceste tourne le dos à la civilité régnante, refuse de plaire alors qu'elles
sont toutes amoureuses de lui. Il veut être sincère et homme de bien (on distingue les deux). La
sincérité aura une riche postérité littéraire. Lecture du Misanthrope par Rousseau.

La littérature à l'épreuve de la pensée : Publication du Discours de la méthode de Descartes en


langue française. Souligne une rupture épistémologique. Il y avait déjà eu Jean Bodin et
Montaigne.
Mais aussi deux ouvrages : La Sagesse de Pierre Charron et l'Introduction à la vie religieuse de
François de Sales, témoigne de l'influence de la spiritualité comme lieu essentiel de la vie
littéraire. Spiritualité de la Contre-Réforme. Grand vulgarisateur, François de Sales écrit avec un
style simple de petits chapitres pour méditer sur la dévotion que l'on doit entretenir vis à vis de
Dieu, sans pour autant qu'il soit nécessaire de se retirer du monde. Qualité de la prose, important
pour l'imposition de la langue. Donne la force et la souplesse nécessaire à la langue pour
exprimer les inflexions de la pensée ou de la psychologie moderne – ce dont seront redevables
tous les héritiers comme Proust.
Usage de l'agrément pour convaincre par l'éloquence. Influence des conciles de Trente :
importance du sermon et de la parole. Les fins de la prédication : instruire et émouvoir.
L'éloquence sacrée participe bien de la littérature. L'orateur sacré a besoin du recours à la
rhétorique. Difficile accord entre l'ornement, l'ordre de la grâce et celui des passions humaines. Le
sermon devient un véritable genre littéraire, du fait de la liturgie de la Contre-Réforme, qui dépasse
le soupçon usuel du christianisme vis à vis de la rhétorique humaine. Le Socrate chrétien de Guez
de Balzac : définition d'une prose d'art dont le modèle était l'Ecriture sainte.
Descartes grande influence, exemple parfait d'habillement d'une pensée par une langue. Défense de
l'âme des bêtes (incompatible avec la théorie de l'animal-machine de Descartes) par La Fontaine et
le public de l'époque était parfaitement capable de comprendre les enjeux du débat. Descartes a
influencé la pensée grammaticale qui se développait à Port-Royal. Antoine Arnauld : La
Logique ou l'Art de penser. Conviction que la langue française suit l'ordre naturel des idées. Le
français devient le paradigme de toute langue rationnelle. Pour Descartes, la vrai éloquence se
moque de l'art de l'éloquence. Il s'agit de faire table rase de la mémoire lettrée, moins par ignorance
que par méthode. Conception de la « raillerie modeste » : « reprend utilement les vices en les faisant
paraître ridicules » « elle n'est pas une passion mais une qualité d'honnête homme, laquelle fait
paraître la gaieté de son humeur et la tranquillité de son âme. » (double idéal de l'ataraxie et de
l'eutrapélie). Semble aussi dicter les impératifs d'une poétique du rire dont Molière saura tirer parti
dans son théâtre.
Pierre Gassendi considéré comme grand rival de Descartes à l'époque ; s'intéresse à Epicure et
son lien avec les découvertes nouvelles de la science. L'enseignement de Gassendi apparaît dans
l'histoire des idées comme le foyer d'un puissant courant de pensée contemporain : « le
libertinage érudit ». Inspiré par la redécouverte du scepticisme et de l'épicurisme, relayés par
Montaigne ou Charron. Le libertinage défend des positions matérialistes qui débouchent sur
une attitude critique à l'égard des religions et une grande liberté morale : le libertin est
« affranchi » (comme son nom l'indique) des opinions et croyances communes. D'où un art d'écrire
spécifique, la nécesssité de se « publier » avec précaution. Un des représentants caractéristiques du
courant libertin est François de La Mothe Le Vayer (1588-1672). Philosophe, service de
Richelieu, amateur de littérature de voyage : insiste sur la relativité de toute vérité. Sa critique
porte notamment sur la religion, qu'il pense être superstition. D'où usage discret de la parole : se
sert du dialogue pour représenter la diversité des points de vue. Il écrit par exemple, dans
Dialogue sur le sujet de la Divinité (in Dialogues faits à l'imitation des Anciens), une histoire
naturelle du fait religieux. Cette critique rationnaliste de la religion va de pair avec une
interprétation politique, qui fait de la religion un élément essentiel du pouvoir. Fameuse thèse des
« trois imposteurs » : Moïse, Jésus et Mahomet auraient été de fins politiques, ayant joué sur la
superstition naturelle pour assurer leur pouvoir. Gabriel Naudé la formule également. Il analyse la
manière dont les législateurs, de tout temps, ont fondé leur autorité et leur légitimité sur la religion.
Au vu du lien entre ces modes alternatifs de pensée et les sciences, Blaise Pascal a voulu délimiter
et différencier le domaine de la raison et celui de l'ordre supérieur et incommensurable où
règne la grâce. Il peut exister une science de la nature, dont les vérités sont fermes mais
partielles, à la portée technique, mais cette science n'a rien à voir avec le domaine de la
morale, ni du salut. Avec Pascal, langue française devient scientifique. Le destinataire type des
Pensées est un libertin. Intervient au moment de la querelle d'Arnauld et de la Sorbonne et des
jésuites, à propos du livre de Jansénius, Augustinus (1640). Selon la Sorbonne, il s'agit d'un livre
hérétique. Arnauld et Nicole demandent à Pascal d'intervenir dans le débat pour le rendre public :
publication clandestine des Lettres écrites à un Provincial.

La casuistique est une forme d'argumentation utilisée en théologie morale, en droit, en médecine et
en psychologie. Elle consiste à résoudre les problèmes pratiques par une discussion entre, d'une
part, des principes généraux (règles) ou des cas similaires (jurisprudence) et, d'autre part, la
considération des particularités du cas étudié (cas réel). De la confrontation entre les perspectives
générales, passées et particulières est censée émerger la juste action à mener en ce cas-ci.
Le mot « casuistique » vient du latin casus qui signifie : un événement, ou « cas » particulier. Dans
l'usage moderne, le terme casuistique est généralement employé péjorativement pour qualifier un
mode d'argumentation jugé spécieux ou sophistique.

Le choix du genre épistolaire inscrit le débat dans un genre spécifiquement mondain, à l'extrême
plasticité. Pascal fait une description radicale de la condition humaine, visant à mettre en
valeur l'orgueil de l'homme, trompé par ses sens et son imagination. Emploi l'art du movere,
plutôt que le logos. La véritable grandeur de l'homme est d'avoir conscience de sa misère,
contrairement à ce que pensent les humanistes. Malgré tout les efforts de la raison, seule la foi
vécue et sincère peut mener à Dieu. L'homme est le jouet de son amour-propre, né de la chute
originelle. L'homme n'est qu'une machine, en proie aux mécanismes psychiques dont il n'est pas
toujours maître : ainsi l'imagination « maîtresse d'erreur et de fausseté », est une seconde nature
dans l'homme. Cette corruption implique une radicale faiblesse de la raison : « Le cœur a ses
raisons, que la raison ne connaît point. » D'où selon lui, la nécessité de mettre ensemble la justice et
la force. Ce qui est une critique du libertinage (ou plutôt une justification de ce qu'ils attaquent).
Dans une telle anthropologie la raison est « sotte » car elle ne peut avoir accès à toute la vérité,
contrairement à ce que pensent les libertins ; Elle demeure cependant le garde-fou contre les
superstitions aveugles. « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un
roseau pensant ». Dans son ordre propre, la raison peut régner avec efficacité. Fidèle à la théologie
augustinienne de la grâce.
Le logos ne suffit, il faut bien une rhétorique : une énergie. Une rhétorique qui parle au cœur et qui
emporte la conviction, en passant par des comparaisons simples issues de la vie quotidienne. Pensée
547 : « Il faut de l'agréable et du réel ; mais il faut que cet agréable soit lui-même pris du vrai. ».
La littérature et le spectacle du monde : la littérature participant à l'imaginaire de la société du
XVII est à la fois un miroir et un modèle. « L'art de l'éloignement », un des régimes dominant
de l'imaginaire classique selon Thomas Pavel, permet d'en rendre compte. Cet art peut aussi être
un procédé de décentrement qui ramène à l'abrupte réalité quotidienne. La Bruyère ds Les
Caractères utilise ce procédé pour décrire la cour, par l'intermédiaire de la représentation d'un
paysage exotique. D'où l'importance de l'imagination à l'âge « baroque ». La spiritualité de la
Contre-Réforme joue un rôle important dans la vision que l'on a de la vie, observable par les
memento mori, dans les sermons de Bossuet. (+ Les spectacles d'horreur de Camus) .
Mais surtout grande popularité d'une vision du monde active depuis la Renaissance : le theatrum
mundi, le « théâtre du monde ». Le monde n'est qu'un théâtre / la vie une vallée de larmes, où se
joue la comédie humaine sous le regard de Dieu. De telles méditations vise à faire réfléchir le fidèle
sur l'inconstance des choses et aussi le renversement du pour au contre qui s'opère lorsqu'on accède
à la vérité chrétienne en abandonnant l'aveuglement que suscite notre attachement à la vie terrestre.
La figure de style majeure est, on le devine, l'antithèse, afin d'exprimer la dualité de la réalité, tjs
dans un régime épidictique.
Le discours épidictique (dénomination grecque) ou discours démonstratif (dénomination latine)
est un registre qui fait partie des trois genres de discours distingués par Aristote1. Longtemps en
retrait des deux autres genres, il connait sous la forme d'éloge un grand succès sous l'Empire
romain.
La littérature oscille donc entre le meilleur (qu'il faut louer) et le pire (qu'il faut blâmer) :
visible dans le système des genres : en poésie : ode vs satire, Malherbe vs Mathurin Régnier, ou
synthèse des deux : Boileau. Dans le roman : Pastorale, et héroïque vs histoire tragique, Urfé ou
La Calprenède vs Camus ou Rosset. En théâtre : polarité aussi entre tragédie et comédie, mais
tragi-comédie plus complexe. Changement radical dans la tragédie dans la conception du théâtre du
monde : au XVI, la tragédie devait être l'école des Rois et des Grands : pour Jodelle, l'inventeur de
la tragédie française moderne, le théâtre tragique est le microcosme de la grande tragédie que
constitue le théâtre du monde. La conception de la tragédie du monde est indissolublement liée à
la toute puissance de la fortune ; c'est la capricieuse fortune qui change les couronnes en chaînes de
fer. Au contraire pour les poètes de la première moitité du XVIIe siècle : fascinée par l'affirmation
de la grandeur du héros, transposition au théâtre de l'héroïsme épique, de la magnanimitas
aristotélicienne, la tragédie du XVIIe pour Corneille particulièrmeent est le produit d'une quête
de la maîtrise des apparences. Le théâtre du monde est présenté sous une forme éminemment
positive. L'Illusion comique. Grande mode dans la comédie ou tragi-comédie de l'illusion, des
masques et visages, de la dialectique de l'être et du paraître.
Le théâtre de Molière reprend cette thématique mais en modifiant la mise en œuvre. Au lieu de se
complaire dans l'ambiguïté, il dénonce les masques, les impostures et éclaire les aveugles. Véritable
conception du theatrum mundi. Molière dénonce en moraliste la prise au sérieux des masques
que l'on porte, et décide de rire face aux divierses scènes de la grande comédie des hommes.
La comédie satirique est le microcosme de ce macrocosme qu'est la grande comédie du monde.
Mundus universus exercet histrionam : Le monde entier joue un rôle // Shakespeare. Le théâtre
pénètre le théâtre.
Tout cela implique de poser la question du mimétisme. La vraisemblance, définie par le Chapelain,
implique de se servir des mœurs de la société. Elles s'en retrouvent questionnée par la littérature et
leur mise en représentation. Il ne s'agit cependant pas de réalisme, mais bien d'un lien avec la
réalité. Dans la lignée des prédicateurs : les moralistes (La Bruyère, La Rochefoucauld). Lien avec
les nouvelles, le roman comique etc... La Bruyère considère Molière comme l'un de ses principaux
maîtres. C'est chez eux qu'on pourrait retenir un certain réalisme. L'entreprise de la Rochefoucauld
intervient pour modifier toute une lignée de moraliste faiseurs de maximes, s'inspirant notamment
de Sénèque. Elle transforme cette pratique savante en jeu mondain, détournant la pensée dense et
concentrée (la maxime) de Sénèque pour en faire une arme contre le philosophe stoïcien.
L'influence de Montaigne est décisive pour comprendre le passage de la leçon de mœurs à
l'observation des mœurs : « je ne peins pas l'être, je peins le passage. » : recentrement sur le
particulier et de la singularité. Rhétorique du portrait est née, à partir de Théophraste (La Bruyère) :
la peinture de l'homme, dans sa complexité et sa singularité, quittant les horizons de la
généralité dont était porteuse la maxime. Attitude de l'observateur/peintre : décentrement pour
mieux se recentrer (accès au desengano).
Dans les choix de vie qui s'offrent à l'homme de cette époque, l'imaginaire de la retraite est
fondamental. L'honnêteté que conçoit Philinte correspond plutôt à la première attitude : revenir au
monde après le desengano. Et l'exil d'Alceste incarne au contraire le choix du retrait définitif.
Eloge de la solitude : Théophile de Viau « La Solitude ». Evocation du locus amoenus. Lien avec un
lyrisme propre à la contemplation de la nature. Et surtout chez La Fontaine, dont l'oeuvre entière est
imprégnée de cette aspiration à la solitude. Les Fables en sont une véritable synthèse des diverses
formes que peut prendre cette réflexion sur la solitude : la satire (« La Cour du Lion »), le ton de
l'épopée (« Les animaux malades de la peste », « Les vautours et les pigeons »), et aussi de l'élégie
(« Les deux pigeons »). Cette grande diversité générique / tonale, est dû au fait que La Fontaine
s'inspire autant des Modernes que des Anciens. Regret de Virgile et d'Ovide mais aussi grand lecteur
de roman : la rêverie héroïque et pastorale est en arrière plan de son univers poétique. L'éloge et la
satire, les deux versants du style épidictique sont présents sous sa plume et le kaléidoscope que
représente son œuvre est une bonne illustration du spectacle du monde.
Télémaque de Fénelon. Peut se lire d'abord comme un roman d'apprentissage car trame narrative
et Télémaque en se confrontant à diverses sociétés, étant à la recherche de son père, côtoie
différents systèmes politiques et économiques. C'est aussi un programme politique et social qui ne
cache pas son hostilité à la politique générale de Louis XIV. Réalise un idéal de l'homme de
lettres assez répandu selon les auteurs : celui d'être au service du prince et de faire des écrivains les
conseillers privilégiés du monarque. Voltaire (attaché à Frédéric II), Condillac (rédigeant des
instructions pour le Prince de Parme), Diderot (qui conseille Catherine de Russie), et Rousseau.
L'ambition de la littérature à cette époque est bien d'avoir une prise sur le monde, que ce soit pour
persuader (moralistes), ou comme consolation des malheurs de la vie, ou bien comme guide pour la
compréhension et l'orientation des destinées du royaume. D'où aussi le lien entre littérature et droit.

Chapitre III : Libertés du classicisme français : la doctrine à l'école du goût.


Les efforts de la poétique : le « classicisme » (appelé ainsi de manière rétrospective lors de la
querelle romantique avec Stendhal) n'est pas tant un corps de doctrine qu'un corpus d'oeuvres
rmarquables. L'appellation « classiques » est utilisée par Voltaire comme on le faisait pour les
auteurs antiques. La réussite d'oeuvre singulière va être interprétée comme étant le produit de
l'application intelligente de règles universelles. La figure de Boileau, peint en « Régent du
Parnasse », symbolise ce néoclassicisme.
Bien sûr il y a eu de la doctrine (Chapelain, le roman etc...) mais toujours accompagnée d'un effort
de réalisation. Ce sont les œuvres elles-mêmes qui sont le laboratoire de la pensée littéraire. La
doctrine théorique ne fait que poursuivre les poétiques de la Renaissance.
Il s'agit à la fois d'être à la hauteur des anciens et de se situer dans le siècle : Malherbe, dont les
œuvres sont un modèle pour les premières générations du XVIIe. Mais tout un courant ne le suit
pas : Théophile de Viau, Mathurin Régnier. Parmi les « Illustres Bergers », groupe poétique des
années 1630, on aime Malherbe pour la clarification de la langue mais aussi la poésie ancienne.
Retour de Clément Marot, pour l'art de l'épigramme et du badinage. Le style marotique de Voiture à
La Fontaine, poètes mondains, désigna un idéal de naturel mêlé d'archaïsme. Lieu de réflexion sur
la langue française. Langue en train de s'épurer et de renoncer à la copia humaniste
(RABELAIS!!!).
Grande influence de Marino, dans la poésie lyrique. Faisant du poème une énigme (marinisme) les
concetti.
Un des points essentiels du rapport à l'antiquité est mis en lumière par Chapelain. Essaye de montrer
la place de l'idylle héroïque dans le système des genres aristotélicien et donc que la théorie antique
peut toujours servir et s'adapter à la modernité et la nouveauté. Cette plasticité inventive à l'égard de
leçons d'Aristote notamment se retrouve en particulier dans le domaine théâtral. La tragédie, d'abord
évincée au début du siècle par la comédie et la tragi-comédie est revenue grâce à la théorie de
Chapelain mais non pas comme une tragédie à l'antique comme au temps de la Renaissance, mais
une tragédie « rénovée » : obéissance des règles rationnelles et prise en compte du goût du public
pour les belles histoires passionnelles (influence du roman et de la tragi-comédie).
Sous l'influence de Mairet, on passe d'une tragédie de la déploration de la Renaissance (où on
étendait sur cinq actes les derniers moments de la vie de l'héroïne (Cléopâtre)) à une tragédie du
déroulement de l'action (cette dernière semblant rythmée par les égarements passionnels des
personnages). Il réduit une matière historique préalable à qq heures. Influence du modèle narratif de
la tragi-comédie. Au moment où la pièce commence tout reste à venir : le début de l'action coïncide
avec le début de l'histoire (Corneille : Horace, par exemple). Mais matière difficile à regrouper
selon la règle des trois unités. Donc choisi ensuite Cinna, qui lui ne propose comme sujet qu'un seul
dénouement. Avec ce sujet, Corneille passe d'un principe de réduction, qu'il abandonne, à un
principe de déduction (il lui faut trouver et la cause de la conspiration et la raison de la trahison de
cette conspiration).
Le déroulement de l'action est organisé en un rigoureux enchaînement de causes et d'effets et
corrélé à la dialectique des caractères et des passions. Corneille suit donc la théorie aristotélicienne
malgré sa critique de la vraisemblance et en affirmant sa préférence pour de hauts sujets.
Le roman est en lien avec la doctrine, mais il a peu à peu échappé à l'emprise des poéticiens. Tasse
(qui décrit le romanesque sur le modèle de l'épopée, avec rebondissement, merveilleux, récits
rétrospectifs éclairant l'action etc...) vs Sorel (refusant l'accord du merveilleux et du vraisemblable,
dénonce la complexité de la dispositio (du sujet)). Sorel trouve les sujet pauvres, trop standard. Le
roman héroïque ne parvient plus à remporter l'adhésion du lecteur. Or, ce genre littéraire est
fortement lié aux idéaux de la société et du public. D'où un lien étroit qui va s'imposer dans le
dernier tiers du siècle, entre les « remarqueurs » grammariens mondains (Vaugelas, Bouhours).
A partir de l'analyse de Du Plaisir : changement de paradigme. Ce qui fait le suspens et
l'attachement du lecteur à l'intrigue n'est plus structurel (disposition du récit) mais psychologique.
Dés lors le rapport au roman est analogue d'un rapport au réel, là où la poétique instaurait un rapport
de distance grâce à l'artifice et à la merveille. On passe de l'art de l'éloignement (Pavel) pratiqué par
le roman héroïque, à un art de la proximité quasi intime ou psychologique. Le plaisir littéraire est dû
à la science du cœur. (D'où le goût pour la nouvelle).
Racine se défendra d'être pris dans cette veine de la science du cœur, ce qu'on a pu croire au
lendemain de Phèdre, et déjà avec Bérénice, où par rapport à Corneille, Fontenelle disait que Racine
privilégiait les caractères sur le drame / action. Au contraire, par le biais d'une action simple,
soutenue par les passions et les sentiments, Racine réaffirme la hiérarchie artistotélicienne entre
l'histoire (organisée en une action, c'est à un dire un système de faits), et les caractères, dont le
développement est destiné à rendre cohérent l'enchaînement des faits.
Mais il est vrai qu'il y a une distinction marquante entre les deux auteurs : l'un, selon Bouhours, est
du côté de l'admiration (Corneille) car la pièce va privilégier le moment de la réponse héroïque du
caractère à la passion perturbatrice, tandis que l'autre est du côté de la passion, qui submerge le
caractère.
Les contraintes de l'art de plaire : on a pu voir un autre courant s'édifiant contre les règles du
classicisme, là où en réalité il s'agit plutôt de voir, de constater la présence d'une autre instance
déterminante pour la création littéraire : le public. Ce public a fait, contre les règles, le triomphe du
Cid. Celui-ci serait comme une sanior pars, capable de juger en matière de langue et de littérature.
Origine juridique déjà présente chez Cicéron.
Cela permet d'explorer le sentiment du plaisir, qui tient souvent, souvent vu en tout cas, comme
« un je ne sais quoi » (Boileau) qui touche. Comparaison d'une femme belle qui n'émeut point et
d'une femme jolie qu'on aime. (Myrtis et Mégano chez La Fontaine). Cela est associé à la
négligence et le naturel (la sprezzatura).
Pour Chapelain le plaisir vrai (qu'il distingue du plaisir faux des farces) est lié à la clarté et à
l'observation des règles. Il est le fondement de l'Utilité. Lien donc avec l'instruction. (Castigat
ridendo mores). Cette notion de plaisir esthétique ne sera pas nécessairement reprise par les
modernes. Il s'agit parfois de s'approcher aussi du bon sens / simplicité (Dont La Fontaine est pour
la Mme de Sévigné l'exemple même).
La tentation du sublime : Chapelain parlait déjà du merveilleux. Le classicisme est souvent vu
comme une période de raison, un académisme. Alors que pendant toute la première moitié et avec
les anciens, le classicisme littéraire a une nature « émerveillée ». Le sublime c'est avant tout la
surprise éblouie. Défini par Longin comme le ravissement par la violence de l'inattendu. Déjà
défendu par Balzac ou Chapelain avant Boileau. Cela n'exclue pas la raison : Chapelain parle d'un
« artificiel assemblement du vraisemblable et du merveilleux. » : ce n'est pas le même merveilleux
mythologique. La vraisemblance est la condition même de production du merveilleux. Le
merveilleux est lié à la notion de dénouement, à la péripétie et au coup de théâtre, qui démêle
l'action par une voie inattendue qui provoque la surprise mais qui est explicable
rationnellement a posteriori. D'où le fait que le Cid, encore une fois, échappe au merveilleux car
le mariage de Chimène et de Rodrigue n'est pas vraisemblable. Avec Cinna il y a parviendra, mais la
clémence d'Augustre reste invraisemblable, seulement, elle est définit comme une vertu
exceptionnelle et seule digne d'un roi. Ce sera lui qui fondera une véritable esthétique du sublime.
Comme pour l'art de plaire, le sublime amène à considérer la réception de l'oeuvre par le public
comme la principale question théorique, indépendamment de la question de son élaboration.
Stylistiquement, pour produire un effet de sublime mieux serait, selon Boileau ou Chapelain
d'utiliser une expression sobre qui fait ressortir la magnificience de la pensée. La parole biblique en
ce sens en est un bon exemple (passage du début de la génèse). Ce sera notamment la quête de
Racine dans sa poésie religieuse (Esther, Athalie, les Cantiques Spirituels). Pour Boileau le sublime
n'est donc pas à proprement parler un style.
Question aussi de l'équilibre entre l'art et la nature : comment mêler le savoir faire à la furor
poeticus ? La notion de « beau désordre » rend compte du rôle de l'inspiration poétique, les liaisons
logiques ne doivent pas être exprimées trop explicitement. Quand l'art est caché, il se confond avec
la nature, ce qui est le but. Les Anciens sont un corpus d'exemples réels et remarquables et non pas
une théorie ou une rhétorique. Des effets réels observables, plutôt que des règles générales. La
notion de sublime a donc aussi un lien avec la notion d'imitation, au centre de la poétique d'un
Boileau, La Fontaine ou Racine.
Le sublime est donc un lieu de débat crucial dans la Querelle des Anciens et des Modernes. La
« raison » des géomètres refusait la singularité trop radicale d'un Homère.
Influence des « deux Antiquités » : la païenne et la chrétienne. Claude Fleury rassemble le style
homérique et celui des livres historiques de la Bible dans la perspective du sublime. Ce qui le
fascine c'est la simplicité du style homérique qui n'excluait en rien l'énergie de la parole.
On voit donc bien que s'il a existé une forme de classicisme au XVIIe siècle, celle-ci a peu à voir
avec ce que la tradition néo-classique du siècle suivant en a fait : un art de la mesure et du juste
milieu, régulé par une raison claire et distincte. Ce qui frappe au contraire, c'est bien un effort de
rationalité, mais en vue de définir le plus finement possible ce qui échappe à la pure raison
raisonnante des logiciens et des géomètres.
XVIIIe siècle

Chapitre I : Ecrire, des belles lettres à la littérature


Ouverture sur le tableau de Lemonnier qui représente le salon de Mme Geoffrin. Tout un panthéon,
de Rousseau, Diderot, D'Alembert, Turgot, Buffon, Réaumur.
Des textes en mouvement. Importance de la traduction pour Diderot et pour les écrivains de ce
temps en général. L'invention est une branche de la rhétorique qui consiste à rassembler des lieux
communs, des arguments connus, des images répertoriées. Le savoir comporte une dimension
d'accumulation et l'Encyclopédie est avant tout une entreprise de résumer, condensation, et de
recopiage (ex : Médecine : Dictionnaire de James).
Le XVIII est avant tout le lieu d'invention d'une nouvelle (ou même de plusieurs) discursivité qui
concurrence les discours contrôlés par les grandes institutions.
Par exemple Sade : s'inspire des découvertes ethnologiques comme l'Esprit des usages et des
coutumes des différents peuples de Jean-Nicolas Démeunier (1776). Il fait parler le Pape Pie VI
dans Dissertations du Pape Pie VI sur le meurtre.
Tout est imité : les chansons, les œuvres littéraires sont parodiées, imitées, parfois en sens contraire.
Les genres ont aussi tendance à se mélanger. Le roman sentimental aime à intégrer des romances,
des poèmes où il fournit parfois la musique, l'épître peut donner naissance à de petits romans
épistolaires, sur le modèle des lettres en prose. Le roman épistolaire est une forme discontinue qui
autorise des fragments théoriques, et les essais philosophiques s'ouvrent à la fiction : Paul et
Virginie est à l'origine une illustration des thèses défendues par Bernardin de Saint-Pierre dans les
Etudes de la nature, Atala et René pareil, pour le Génie du Christianisme. Le dialogue peut aussi
devenir un genre indépendant, notamment pour mettre en scène des débats contemporains
(Fontenelle (débat de célébrités passées), Crébillon (mise en scène de libertins), ceux de Voltaire et
de Diderot).
Importance des salons, glissement de l'oral à l'écrit, le théâtre est fait aussi pour être lu dans un
fauteuil. (Marivaux).
Le poids des mots : la qualité des œuvres du XVIII est inséparable de l'état de la langue qui prouve
la puissance du Roi (indépendance par rapport à l'italien ou l'espagnol, égal du latin et du grec).
Elimination des mots bas, familiers et techniques. La grammaire est logique et affirmé, mais les
découvertes scientifiques ouvrent sur l'intérêt de la vie sociale : la langue doit accepter de nouveaux
mots, tournures. Vocabulaire des meubles (en forme du corps, divan, le sopha, inspiré
d'Orient), des modes vestimentaires ou gastronomiques, sans lequel le roman libertin
n'existerait pas, de même que la réflexion philosophique sans la lexicalisation de métaphore
scientifique, sans les transferts de l'abstrait au concret. La famille lexicale de la circulation de
l'électricité (du matériel à l'organique) se met à désigner l'activité intellectuelle, morale, sociale (ex :
verbe : électriser). La création d'un mot résume une argumentation : le néologisme bienfaisance
prouve que la morale peut être laïque et que la charité n'est pas seulement chrétienne,
perfectibilité que, loin d'être prisonnier de son état de créature, l'homme est un être de projet
et de devenir.
Querelle des Anciens et des Modernes. Par les formules et expressions nouvelles on a voulu traduire
les finesses des sentiments pour nuancer l'analyse morale : « nouvelle préciosité ». Marivaux vise
la délicatesse, une suggestion. On pense que la langue doit évoluer avec les idées du siècle. Une
frontière est établie entre l'usage bon de la néologie et le mauvais du néologisme. Redécouverte par
Diderot de Rabelais et de Montaigne, vers les archaïsmes ou provincialisme, la langue des ateliers
des manufactures.
Pour Mercier (Louis Sébastien) : il s'agit de « multiplier à l'infini et d'une manière incalculable tous
les rapports heureux qui fécondent la masse des idées ordinairement inertes, faute d'un langage
analogue à l'indépendance et à la vivacité de l'imagination humaine. » → la littérature doit être
cette recréation permanente du langage.
Le problème de la nomenclature se pose pour les savants comme Buffon ou Lamarck (classification
des nuages et du temps). L'euphorie néologique de l'Histoire naturelle correspond à une vision de la
nature comme puissance créatrice et force de changement. Lavoisier également.
Il faut aussi distinguer entre ceux qui existe : synonymie (Abbé Girard). Condillac en récusera la
richesse. Mais dans le monde, on se plait à distinguer ce que l'habitude confond : comme volage,
infidèle, inconstante, légère, changeante. Se retrouve chez Crébillon et chez Laclos. Les romans
sont révélateurs de l'attitude générale de la mondanité. 1734 invention du mot persiflage. Le
papillon autrefois emblème de l'âme dans l'Antiquité, devient celui d'une légèreté bariolée. Le
papillotage, c'est ce qui fait friser la vie, ce qui donne une tournure aux comportements et aux
façons de parler. Mais il devient aussi médisance, le mot qui blesse. C'est Versac dans les
Egarements du cœur et de l'esprit, c'est Valmont dans Les liaisons dangereuses. Les philosophes ont
aussi été tentés par ce mode d'expression, ce lieu tourbillonant de la langue, Diderot et Rousseau
voulaient monter un journal sur l'actualité appelé Le Persifleur. La langue semble atteindre sa
perfection dans l'art du retournement et de la concentration. Le renversement peut être mise au
service de la séduction : Clitandre dans La Nuit et le Moment : « Je consens à ne vous jamais parler
d'amour pourvu que vous me permettiez de vous le témoigner sans cesse. » Jeu du demi-mot.
Résumé par le poème de Lattaignant, « Le mot et la chose » :

Madame, quel est votre mot


Et sur le mot et sur la chose
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose

Ainsi de la chose et du mot


Vous pouvez dire quelque chose
Et je gagerais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose.
L'auditeur et l'auteur communient dans un double sentiment de respect des bienséances et de
liberté de parole. Il résulte de ces petits jeux un assouplissement de la langue prompte à l'ironie des
Lettres persanes et des Lettres philosophique,des îles de Marivaux et du Mariage de Figaro. Jeu
entre le propre et le figuré, le concret et l'abstrait.
Mais ces tournures de la langue inspirent aussi de la méfiance, les discours cacheraient les actes. La
langue des salons mondains est dénoncée par Rousseau. La révolution est une guerre entre des
discours.
La langue française s'exporte en Europe. A un siècle de distance, 'lémigration protestante puis
contre-révolutionnaire ont créé une disapora à travers le continent. Le français remplace le latin
comme langue diplomatique. Frédéric II compose un mémoire sur la littérature allemande contre
cette dernière et ses « défauts ».Stanislas Poniatowski. Casanova peint la vaste fresque du
libertinage français. Les personnalités compose souvent des mémoires. Goldoni compose ses pièces
à Paris. Jean Potocki rédige en français ses voyages, et un roman mystérieux « Manuscrit trouvé à
Saragosse. » Grand mélange interculturel avec l'Italie. Bibiena compose même une pièce où
l'argument est le bilinguisme, La Nouvelle Italie.
L'hégémonie française sera bien sûr remise en question, et les guerres de la Révolution et de
l'Empire achèvent de cristalliser les consciences nationales contre l'hégémonie française. La critique
du libertinage se double désormais d'un retour aux traditions propres de chaque culture. La
littérature définit un esprit national, elle assure une résistance à une universalité réductrice.
La place de l'écrivain : Longtemps le prince et le poète ont constitué un couple où l'un fait vivre
dans le présent et l'autre dans l'avenir. Le champ littéraire de cette époque s'est emplie, (encore plus
rétrospectivement comme avec Sade qui n'était pas vraiment lu à l'époque ou du moins non
considéré comme un véritable écrivain) de poètes et d'écrivains n'appartenant pas à la classe des
Grands. Diderot n'a pas la même position qu'un Voltaire, un Montesquieu ou un Buffon. Le Roi
contrôle les élections de l'Académie française depuis 1635. Multiplication des charges et fonctions
honorifiques et lucrative : Historiographe du Roi attribuée à Voltaire (déjà à Racine au siècle
d'avant). Blibothécaires, lecteurs, secrétaires... censeurs.
La nouveauté du XVIII est l'apparition d'une grande bourgeoisie d'affaires au mode de vie
aristocratique, qui pratique aussi le mécénat, et l'ouverture européenne qui met la monarchie
française en concurrence avec les autres cours d'Europe. Catherine II est particulièrement
entreprenante pour faire entrer la Russie dans le concert des grandes nations : achète tout la
biblithèque de Voltaire et celle de Diderot. La Correspondance littéraire de Grimm est également un
journal contribuant bcp à la diffusion des écrits et idées françaises.
Le deuxième dispositif de reconnaissance des écrivains est l'élection par leurs pairs, au sein même
de la République des lettres. Les gens de lettres forment un « corps ». Perpétue le rêve d'une
universalité du savoir, d'un empire de la raison. Les académies provinciales ouvrent, contribuant
à perpétuer le sentiment d'une élite intellectuelle et sociale mais s'ouvrant prudemment au souffle du
changement. Le bien public (observation de Daniel Roche), l'utilité économique remplacent les
sujets religieux et dynastiques : permet à JJ Rousseau de faire irruption (Académie de Dijon). Le
philosophe, toujours conseiller du Prince, s'adresse cependant à l'opinion publique. But de
l'Encyclopédie. « Défaite de l'érudition » soupçon par les encyclopédistes. Séparation du monde
des lettres et des sciences : l'homme de lettres est appelé à s'engager dans la société tandis que
l'homme de science à devenir un expert dans son laboratoire. Condorcet parle d'une république des
savants qui double celle des lettres. Augmentation du prolétariat des lettres « les Rousseau du
ruisseau » pour désigner Rétif de la Bretonne mais bcp d'autres.
Développement du mesmérisme : analysé par Daniel Darton, le mesmérisme permet d'exprimer les
frustrations sociales en lien avec l'intuition physique et moral, de l'individu et du groupe etc... Sous
les traits de Rameau Diderot épingle les journalistes besogneux comme des artistes crottés prêts à se
vendre. Le neveu de Rameau s'interroge sur le statut de l'homme de lettres ou de l'artiste, dépendant
de protecteurs puissants et riches. (Le grand rameau est auteur d'opéras célèbre à la cour. Son neveu
risque le cachet, réunit une cour parodique chez un financier entretenant une comédienne sans
talent. Le prince est devenu un riche parvenu, le poète un flatteur sordide). Moi à l'inverse du
Neveu, se présente « toujours seul » capable de préférer sa liberté à sa fortune. Mais ironie du
Neveu sur l'aisance du philosophe, Diderot lui-même a bien été obligé de cotoyer les grands et de
vendre sa bibli à Catherine II.
L'imprimerie va bcp se développer, le lectorat augmente et les livres deviennent moins chers. Les
illustrations sont très populaires au XVIIIe. Mais face à ce nouveau marché, l'écrivain n'est pas très
légalement protégé. Beaumarchais entreprend en 1777 de fédérer ceux qui écrivent pour le Théâtre-
Français, et fonde le Bureau de législation dramatique, une société des auteurs (assisté par Sedaine,
Marmontel, Saurin). Leur combat débouche après la Révolution, et fonde en 1791 un nouveau statut
de l'homme de lettres : garantit aux auteurs la propriété, intellectuelle et économique de leurs
œuvres.
Le journalisme est un bon substitue à la carrière d'écrivain. Il y a un vrai échange entre les deux
champs. L'oeuvre conçue comme un monument fini, laisse place à un texte en devenir, à un
dialogue entre l'écrivain et son public. Parution de sommes romanesques par tranche successive
pour l'abbé Prévost par exemple. Le Mercure galant (1672), fait place au Mercure de France en
1724 qui assure la diffusion de contes (moraux comme ceux de Marmontel) ou de romans. Le
romancier lui-même joue au journaliste d'actualité comme Rétif. Deux modèles en concurrence :
celui linéaire du périodique et celui cyclique de l'Almanach. Hésitation entre la typologie fermée
des caractères et celle ouverte des groupes sociaux.
Renaissance de l'écrivain comme grand homme aux côtés des hommes d'Eglise et de Guerre, ce que
Paul Bénichou appelle « le sacre de l'écrivain ». Moteurs du progrès historique, ce sont les
« philosophes ». Le genre de l'éloge s'intéresse aux grands hommes (la Naissance du Panthéon).
Théoricien de cette considération, Voltaire en est le premier bénéficiaire. Rousseau n'y échappera
pas. La mutation de la sacralité est illustrée par le rôle que la Révolution fait jouer à l'église Sainte-
Geneviève. Elle devient un « Panthéon français ». Les personnalités politiques en sont exclues ;
Querelles et révolutions : le XVIIIe ne se résume pas à un débat entre opposants et partisans des
Lumières. D'abord querelle entre jésuites et jansénistes. La cause janséniste gagne le petit peuple
et une bourgeoisie de médecins et d'avocats. (miracle du cimetière Saint-Médard). La Constitution
civile du clergé est une ultime manifestation de l'esprit janséniste, qui peut être l'une des
sources de la révolution française. Suppression des jésuites en 1764 victoire des jansénistes et des
Lumières. La lutte entre les jansénistes et les jésuites reprend les bases de la lutte Gallicane, de
l'indépendance du pv politique français vis à vis de Rome (les jésuites détenant leur autorité
directement du Pape). Héros Cleveland de l'abbé Prévost dénonce les jésuites comme des intrigants
mensongers.
Les jansénistes rigoristes ont pourant été au premier rang de la lutte contre les nouvelles idées.
Pourtant l'Ingénu de Voltaire rencontre le janséniste Gordon, qui lui explique sa présence en prison
par le fait qu'il critique le Pape. Diderot est également imprégné de jansénisme. Cf La Religieuse de
Diderot. On retrouve aussi le vocabulaire janséniste dans les « appels » au peuple. Les Confessions
de Rousseau / appel aux générations futures.
Il y a aussi la querelle des anciens et des modernes, débutant en 1687, par la lecture de Perrault de
son poème Le siècle de Louis Le Grand. Reprend en 1714 avec la traduction d'Homère de La Motte,
qui revendique le droit de réinventer le texte ancien pour l'adapter au goût moderne. Commentaire
de Montesquieu dans Lettres persanes. Se moque un peu des Anciens avec la figure de l'antiquaire
qui dissout tout un héritage pour s'acheter des pièces sans utilité, pour l'époque moderne. Les
modernes croient à la possibilité d'un progrès et que l'esthétique ou la littérature doivent tenir
compte de l'apport des sciences. L'admiration de l'Antiquité n'est plus désormais a-historique, elle
s'inscrit dans la conscience d'un devenir et d'une inévitable transformation des mœurs et des goûts.
« Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques. » A. Chénier ; Querelle sur la musique :
débat entre le français (plus rationnel et abstrait) et l'italien (plus proche du cœur). Les
encyclopédistes réclament une musique plus libre, plus sensible. Rousseau (Le Devin du village).
Essai sur l'origine des langues : distinction entre langue du nord (nées du besoin et du calcul) et du
sud (expriment les sentiments). Opéra bouffe qui « bouffe » Jean Philippe Rameau. (Retracé dans le
neveu de Rameau).
Les parlementaires jansénistes sont souvent traditionalistes et parfois rétrogrades, ce qui n'empêche
pas la résistance janséniste de diffuser des thèmes de résistance à l'autorité. Les Modernes sont
souvent défensuers de l'absolutisme monarchique, mais la critique de l'Antiquité peut devenir
critique des pouvoirs en place et des institutions qui s'arrogent le monopole des valeurs.
La Compagnie de Jésus (et le père Berthier) critique l'Encyclopédie qui conteste la prééminence de
l'Eglise catholique dans l'enseignement et la constitution du savoir. Maslesherbe dirige la Librairie
et permet la diffusion des œuvres des Lumières tout en les corrigeant lorsqu'elles dépassent trop
l'orthodoxie. On dénonce du côté janséniste ou jésuite les « cacouacs », ces dangereux philosophes.
Attentat contre Louis XVI en janvier 1757. En 1758 Helvétius publie De l'esprit, radicalisant
l'empirisme de Locke et réduit les formes de l'activité humaine à des déterminismes sociaux. Très
fortement condamné par la Sorbonne, le Parlement, le Conseil du Roi, la Papauté. Le privilège de
l'Encyclopédie est révoqué. Malesherbes parvient à obtenir une continuité dans la diffusion de
l'ouvrage, uniquement planches scientifiques. Querelle tout à la fois économique et idéologique
(gros investissements chez les éditeurs et libraires). Clivage profond avec ceux qui s'appellent
désormais Les Philosophes. Leurs adversaires s'appellent les antiphilosophes. Fracture dans le camp
des lumières, rupture entre Diderot et Rousseau sur l'article Genève. Importance croissante de la
philosophie dans le champ littéraire. Un art de la réfutation naît. L'anti-Rousseau, l'anti
Machiavel. Grands procès retentissant (ex : abbé de Prades qui défendait Diderot) qui se
transforment en débat public. Les mémoires juridiques deviennent un genre littéraire, par
Beaumarchais par exemple.
Affaire Calas, protestant et accusé d'avoir assassiné son fils, pour l'empêcher soi-disant de se
convertir au catholicisme. L'erreur judiciaire, mise en avant par Voltaire qui s'engage dans cette
affaire, devient l'exemple d'une injustice plus large, celle d'une société qui doit être réformée.
Devient une affaire européenne. Pamphlets, lettres publiques, Traité sur la tolérance. Le pouvoir de
l'opinion publique est en train de se constituer face au pouvoir de l'état.
Benjamin Constant : théorie des interactions politiques dans Des réactions politiques : applique à la
vie sociale le modèle newtonien de la gravitation (champ de forces antagonistes).
Il faut penser la différence entre la Révolution et les Lumières afin d'éclairer les différences internes
aux Lumièers.
De querelle en querelle : le XVIII débute sur la querelle des A et M, pour ensuite s'achever entre les
classiques et les romantiques. Si les Modernes et les romantiques critiquent bel et bien les formes
académiques figées, ces derniers sont partisans d'une forme de tradition (contrairement aux
modernes qui opposent la tradition au progrès) : celle du Myen Age redécouvert comme âge de
certitudes religieuses et d'inventions populaires. Les Jacobins seraient les classiques en littérature et
en art, admirateur de l'éloquence conventionnelle. Marie Hoseph Chénier, ou encore David.

Chapitre II : Séduire : l'âge rocaille


Tableau de Watteau, l'Enseigne (l'enseigne de gersaint). Témoignage de l'imaginaire d'une époque,
au moment de la Régence, à la suite de la mort de Louis XIV (1715-1723).
Marivaux et Watteau ont svt été rapprochés comme les représentations d'un art rocaille ou d'un
rococo qui produirait des œuvres de consommation pour un public épris de luxe, ou des œuvres de
raffinement qui s'enferment narcissiquement dans le seul approfondissement de leur art. Jugés
dépassé, représentatif de l'AR par une littérature morale et révolutionnaire et par les tenants d'un art
qui dise la réalité sociale, réaliste. On donne nom de « fêtes galantes » aux scènes représentées par
Watteau (parc aristo avec gens du peuple, oisifs). Elle transforme la vie quotidienne en un spectacle.
Tout comme les personnages de Mariveaux sont prompt au déguisement, au théâtre dans le
théâtre.
Le rococo se distingue par une volonté de se singulariser, de faire différent et de bousculer les
cat traditionnelle (rupture avec la vraisemblance, exagération, théâtralité, représentation ridicule
des lieux communs). Il récuse les hiérarchies figées du Grand Siècle. Dans la continuité du
baroque et de la vie est un rêve, le rococo suggère que tout est reflet, passage, nuance d'un
moment. Ouvre la voie sur l'autonomie de l'Esthétique comme science. Tout comme l'Encyclopédie
finalement, qui récusera la séparation des arts libéraux, le rococo hisse les arts décoratifs,
considérés comme mineurs au niveau du grand art. Finalement profondeur derrière une
superficialité ironique.
Relativité : héritière des grandes révolutions scientifiques : copernic, grandes découvertes, guerres
de religion qui ont révélés un schisme d'Orient et mis à mal la prétention de l'Eglise à détenir seule
la vérité, minée de l'intérieur par le gallicanisme, la société du XVIIIe est empreinte de relativisme :
on s'interroge sur le fondement et la pérennité des valeurs ; (influence du régicide en Angleterre).
Très grande influence de l'empirisme de Locke : distinction entre idées innées et celles
acquises par l'expérience individuelle. Reprise par Condillac dans Essai sur l'origine des
connaissances humaines (ex : imagination ou apercevoir, sont des secondes pensées. Les premières
viennent immédiatement des sensations, les secondes de l'expérience et de la réflexion à partir des
sensations.). L'homme du XVIII est ainsi renvoyé à la relativité de chaque esprit, dans le deuil
des anciennes certitudes théologiques et politiques.
D'où l'importance renouvelée des écrits de Fontenelle : Les Nouveaux dialogues des morts et les
Entretiens sur la pluralité des mondes. La forme du dialogue suggère que la vérité se trouve plus
dans l'échange et la confrontation de points de vue que dans l'assurance dogmatique d'un traité.
Mme de Baumer : met en scène Charles XII, roi de Suède et Mandrin, brigant : est-il plus légitime
de tuer / faire mourir des milliers d'êtres humains sur un champ de bataille que de tuer par nécessité,
au coin d'un bois, un soldat de la maréchaussée ? Fontenelle surtout : exprime sans dramatisation le
relativisme anthropocentrique. Repris (même si moqué) dans Micromégas de Voltaire.
Publication de Swift, des voyages de Gulliver (1726) : le changement d'échelle matériel vaut aussi
pour les antagonismes sociaux et moraux. // Ïle de la raison ou les Petits hommes de Marivaux. Ce
dernier joue sur les masques et travestissement, Les amants changent de statut social ou de sexe
pour s'érpouver, il doivent renoncer à leur narcissisme infantile, faire l'expérience de leur fragilité
pour construire une relation adulte. Jean Galli de Bibena, roman troublant La poupée. Education de
l'abbée par la relation et la découverte de l'autre. Autre roman Le petit toutou : allégorie du désir et
de sa circulation ininterrompue, de sa non fixité. Le monde animal permet une exploration des
critères de l'humanité, le grivois se fait support de réflexions métaphysiques et sociales : le débat
entre Descartes et Gassendi, relayé par La Fontaine se poursuit au XCIIIe entre partisans
d'une prééminence de l'homme, fondée sur le privilège d'une raison et d'une âme
indépendantes des sens, et les lecteurs de Locke qui, faisant dépendre le développement de la
raison de l'expérience sensorielle, atténue la rupture de l'animal à l'homme ;
De par l'influence de l'Amérique, l'homme sauvage devient le point de base de l'anthropologie. Le
couple sauvage-civilisé se constitue définitivement. Naissance de l'anthropologie : science générale
de l'homme dans son comportement et mode de vie.
Le doute quant aux vérités traditionnelles, la transformation du cosmos en un champ de gravitation
et de la société en une collection d'individus amène la littérature à valoriser les formes à la première
personne. L'essai prend la place des traité, les récits-mémoires et les recueils épistolaires
prennent la place des romans à la troisième personne. On ne prétend plus qu'apporter une vérité
relative, mais d'autant plus vraie et touchante. L'adresse au lecteur se modifie : on envisage
désormais une communauté d'êtres rationnels et sensibles, l'humanité. La parole est donnée à des
personnages qui ne sont pas soumis aux préjugés de la société, ni sujets du roi ou de dieu. Lettres
persanes de Montesquieu. Parallèle entre l'absolutisme français et le despotisme oriental, entre la
vie politique et amoureuse (lettre de Roxane à la fin). Carlo Ginzburg nomme straniamento /
estrangement cet art du décalage. Il devient un instrument de délégitimation à tous niveaux.
Mondanité : La Fronde peut être considérée comme la dernière grande révolte nobiliaire
(opposition parlementaire et des Grands durant la période de Régence et affaiblissement
économique du pouvoir à cause de la guerre d'Espagne). La mondanité est désormais repliée sur
elle-même, héritage de Mme de Rambouillet (1618), la création du salon. Gros développement
(Mme Geoffrin, Mme de Lambert, de Tencin...). Se définissent là l'esprit et le goût : art de tenir à
distance le drame, d'intellectualiser et de raffiner les émotions, avoir plaisir des mots et phrases.
Casuistique du cœur. La Rochefoucauld, Mme de Lafayette et de Sévigné ont tous traduit ce grand
narcissisme mondain. Il deviennent au XVIIIe des modèles littéraires, source des dialogues
étincelants des philosophes, de Fontenelle à Diderot. Espace contradictoire entre la Ville et la Cour,
entre la tradition et l'innovation, les salons sont sans doute l'arène d'un français éblouissant, là où se
fourbissent les arguements philosophiques et où triomphe la féminité élitiste. Mais fonctionne aussi
comme machine de distinction (Bourdieu) et relais politique efficace. On parle à cette époque plutôt
de cercle ou bureau d'esprit. Proust a bien montré le décalage par l'opposition du salon
aristocratique de Mme de Guermantes et le salon bourgeois de Mme Verdurin, entre pratique et
représentation. La mondanité devient une farce.
La conversation est définie en Italie de la Renaissance (Castiglione) : art de l'instant et plaisir d'être
ensemble, qui se distingue de la harangue, ou de la conférence. Livre circulation de la parole,
relativité, égalité des intelligences, foisonnement des idées politiques. La conversation se prolonge
en correspondance et se fixe en un genre littéraire, le dialogue. La promotion de l'individualité et
de l'originalité entraîne l'acceptation de l'imperfection comme la marque d'une authenticité, le
témoignage d'une vérité du moment. La lettre qui était en marge de la littérature y entre de plein
droit. Quinze mille lettres pour Voltaire. Des essais sont d'ailleurs recomposés à partir d'échanges
épistolaires. Diderot, Le Pour et le Contre. Elle permet aussi de déployer les possibles de soi
(échanges amoureux, réinvention de personnage, comme un prince devenu paysance. (Prince de
Ligne à Marquise Coigny.
Stéphane Pujol : « le dialogue d'idée » : véritable éducation à l'argumentation, au débat, au
jugement qui peut rester suspendu. Le conte également devient répandu.
Développement de la musique et du théâtre privé : à côté des scènes officielles et du théâtre de la
Foire, le théâtre de société constitue le troisième pôle d'une activité théâtrale qui occupe toute
l'époque.
L'histoire des mœurs du temps devient l'objet privilégié du genre romanesque.
Héroïsme : contrairement à ce qu'on dit (Gustave Lanson), il y a eu une grande production de
tragédie et d'épopée aussi au XVIIIe sièle. La Motte, La Fosse, Marmontel (Cléopâtre). Sujets
majoritairement tirés de l'Antique. Mais aussi l'Orient ou l'Angleterre, l'Europe centrale.
Conrontation de fois religieuses, croisades, conquêtes du nouveau monde offrent aussi de nombreux
sujet tragiques. Voltaire choisit de donner un contenu philosophique à la tragédie. Zaïre. La tragédie
est devenue un drame historique et humain, le destin se nomme désormais hasard et fanatisme.
Dans Alzire, Voltaire dénonce les massacres commis par les Conquistadors au Pérou et le
catholicisme est directement mis en cause.. Dans Mahomet, les mécanismes du fanatisme religieux
et la bonne foi avec laquelle les pires crimes peuvent être commis. La pièce est interdite à Paris. Ce
n'est pas une religion particulière qui est attaquée : c'est le principe même de confondre le
religieux et le politique, la foi et le pouvoir, de transformer des principes moraux en un ordre
coercitif.
La tragédie ne peut offrir de héros qui échappe au vertige du crime et à la fascination du mal qu'en
ouvrant la perspective d'un avenir qui transforme la tragédie en drame historique et la poétique
classique en une esthétique du spectaculaire et du pathétique. Mêmes enjeux pour l'épopée. Analyse
de l'Henriade de Voltaire. Le monde traditionnel des croyances cède discrètement la place à
l'univers moderne des savoirs, de même que l'histoire dynastique se confond avec celle des mœurs.
A partir de Fénelon (Télémaque) se développe le grand roman pédagogique.
// Saint-Simon : de 1739 à 1750 il écrit 2 874 page. Plus d'un demi siècle de vie publique. Depuis la
promotion du duc de Bourgogne comme dauphin, la Régence suivant la mort de Louis XIV, assurée
par le Duc d'Orléans.
On retrouve l'éloge des passions chez Vauvenargues qui s'inscrit contre La Rochefoucauld et dans
les Pensées philosophiques de Diderot. Le héros sera désormais celui qui oeuvrera à la marche
collective de l'histoire.
Liberté : Jean Starobinski a nommé son panorama du XVIIIe L'invention de la liberté. Liberté
politique mais aussi philosophique et esthétique. Roger Challes, Lesage et Marivaux et Prévost et
Crébillon. D'âges très différents, ils représentent néanmoins au sortir de l'âge louis quatorzien, un
même épanouissement de la liberté esthétique, un goût commun de l'expérimentation littéraire. Le
Crispin de Lesage interroge les hiérarchies dans un monde de maîtres et de valets, l'absurdité du
dirigisme moral et exalte l'indépendance et l'énergie vitale. Marivaux suit Lesage dans sa double
exploration romanesque et dramatique, dans son ironie prompte à se moquer des lieux communs de
la fiction et de la comédie, dans son refus de se laisser enfermer dans le théâtre classique. Il ajoute
peut être le plaisir de la discussion esthétique, du raffinement littéraire (héritage de « la nouvelle
préciosité »). A la beauté immobile préfère une aventure intellectuelle et morale qui échappe à une
forme définitive. Deux romans clés : La vie de Marianne et le Paysan Parvenu, Marianne et
Jacod se hissent dans les échelons de la société sans parvenir réellement à se faire une place.
Importance de l'inachèvement. Crébillon : peinture de l'égarement. Prévost : très intéressant,
explore les distances entre les mondes, le parcours d'une vie, les errances des sentiments pour une
critique fine de la société.
Chapitre III : Convaincre, le moment encyclopédique
Greuze, goût flamand (scènes de la vie quotidienne, milieu populaire en opposition au style
historique, chargé de représenter les grands moments de l'histoire). La lecture de la Bible, peint le
moment où le père enlève ses lunettes comme pour commenter ce qu'il vient de lire, s'approprier
l'interprétation. Diderot est fan. Greuze montre la cellule familiale comme noyau de la vie sociale et
la transmission du père aux enfants comme le modèle d'un savoir qui se constitue, de génération en
génération, pour dessiner la promesse d'un avenir.
Bcp d'anaphalbétisme, surtout provinces, sud, et femmes. Apprentissage avec textes religieux. Latin
reste langue savante.
Le « midi des Lumières » selon Jean Fabre se caractérise par un rêve de transcription du monde et
de synthèse des savoirs. Mettre la réalité en mots et en ordre. Réalité humaine (montesquieu) aussi
bien que naturelle (buffon). Dans l'Esprit des lois, Montesquieu définit la loi comme rapport
nécessaire dérivant de la nature des choses et entreprend de trouver un sens. Plus que d'établir
une nomenclature ou un inventaire des régimes politiques, il s'agit de comprendre comment les
principes évoluent, comme les espèces se transforment (comme Buffon). Quels sont les moteurs du
changement ? Théorie de la séparation des pouvoirs.
L'Histoire naturelle a un grand impact sur la vision de la création de la vie, de la terre et de
l'humain. Relativité, l'homme est un animal comme les autres, le système solaire la conséquence
d'un accident, d'un hasard (modifie radicalement la vision apportée par la Genèse). Figure du
premier homme qui sera reprise par les poètes de l'enfant sauvage. Intuition d'une nature
changeante, en perpétuelle mutation.
Puis bien sûr l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, en 17
volumes d'articles et 11 volumes de planches. La « Société des gens de lettres » réunit autour de
Diderot et d'Alembert un grand nombre de collaborateurs, idéologiquement hétérogènes, de
Montesquieu et Voltaire, aux moins connus, l'athée d'Holbach, les abbés Mallet et Yvon.
Matérialisation d'un ordre philosophique dans un arbre de la connaissance ou dans une carte des
savoirs et une histoire de l'esprit dans la contingence de son devenir. Interaction du texte et de
l'image.
Fictions : philosophes comme antiphilosophes s'accordent sur le fait que pour toucher le public il
doivent transcrire l'abstrait sous forme d'image, ou histoire concrète. Principe de Locke ou le
concile de Trente pour définir une pédagogie qui mène du particulier au général. Naissance
d'une poésie descriptive. La nature entre dans l'esprit par les sens. Delille : « Laissons jouir des arts
celui qui les possède / S'ils ont fait quelques maux, ils en sont le remède. Le roman devient le genre
privilégié pour exprimer une conscience en devenir. Mise en place de la méritocratie comme
thème romanesque / une conscience qui se libère de ses déterminismes. Son bonheur s'établit sur
des qualités personnelles. Le roman sert moins à illustrer une thèse qu'à opposer à tous les sytèmes
la complexité du réel et l'ambivalence des caractères. Dans Candide (ou L'Optimisme) Panglos est
un magicien des mots qui escamote la réalité. Se moque de la philosophie leibnizienne. Candide,
confronté à la violence du monde, est tenté de prendre la thèse adverse (que tout est pire dans le pire
des mondes possibles) mais de même, il est finalement conduit à s'arracher d'un discours
totalisant, pour se convaincre que la vérité se trouve dans l'action, dans le défrichage de notre
jardin, dans le déchiffrage de notre monde. Apprentissage du doute. A refuser les mots vides au
nom des choses. Pareil pour Jacques le fataliste et son maître de Diderot : le récit commence in
medias res, refus d'une unité harmonieuse qui serait au delà du réel complexe. Le récit met en
acte un sens qui se cherche. Usage de personnage naïf croyant tout ce qu''on leur a appris pour
mettre au jour l'absurdité des argumentations abstraires. C'est le lien entre Sade (Justine) et Voltaire
(Candide). On joue bcp sur l'alliance de la pratique / théorie, abstrait/concret, physique (voire
sensuelle) / métaphysique. D'où le lien entre l'érotisme et la philosophie. Le roman à cette époque
est réellement le lieu où la théorie se confronte à un réel contradictoire par essence, il est
mouvement, déplacement, mimant le choc de la théorie stable aux aléas du désir et des incertitudes
du cœur.
La figure féminine est très utilisé et cela permet à des femmes de s'imposer de plus en plus dans le
champ littéraire, comme auteure. Mme Riccoboni, Mme d'Epinay. Avec Mme du Chatelet, ces deux
femmes sont deux figures de l'ambition féminine au XVIIIe siècle. Germaine de Staël et Benjamin
Constant.
Confrontations : Voltaire et Rousseau, deux figures contraires mais indissociable dans la mémoire
culturelle. L'ironie ou le sensible, la rigueur du siècle classique ou l'élan nouveau du romantisme.
Le progrès intellectuel ne se confond pas avec le progrès moral (Rousseau). C'est là leur différence
avec Voltaire, qui lui chante l'industrie et le luxe, le savoir et le commercie qui permettraient aux
nations de dépasser leurs préjugés, de mieux se connaître, vers une globalisation heureuse. Dans
l'article « Genève » Rousseau se réclame citoyen de Genève et défend les fêtes par rapport aux
spectacles de théâtre, où tous le monde peut-être acteur. D'Alembert pas content. Rousseau refuse la
mondanité et le jeu littéraire.
Autre frère ennemi : Diderot et Rousseau.
Radicalisation : il s'agit aussi de voir le dépassement la radicalisation possible des Lumières. Essai
de Jonathan Israel qui voit dans la philosophie de Spinoza le moteur d'une effervescence théorique à
travers tout l'Europe de 1650 à la Révolution. L'agnoticisme de La Mettrie laisse place à un
athéisme militant chez Helvétius et d'Holbach, partisans respectif d'un matérialisme de l'éducation
ou de l'organisation. Insistance sur le plaisir comme moteur de l'activité de l'esprit. Du pt de vue
social, seuls l'utilité et le bien public doivent dicter notre définition de la vertu. Livre fit scandale.
Pour d'Holbach, l'homme n'est qu'un élément de la machine universelle. Il court au malheur tant
qu'il cherche une explication à son être dans une quelconque surnature, un créateur qulconque.
Usage aussi de l'uchronie par Louis Sébastien Mercier ( 2440). Roman pornographie Marquis
d'Argens. Ce qui était implicite dans le libertinage mondain est explicité par le lexique sexuel et les
illustrations libres. Matérialisme et blasphème.
Chapitre IV : Toucher, le temps des révolutions
Serment du jeu de Paume de David, reproduit par Chénier. La question est celle de l'histoire
immédiate et de la transposition direct de l'événement dans la création artistique et littéraire. Passe
par la médiation de l'allégorie. Imagerie antique. Travail sur le nu dans le tableau. Forme de
détachement de la réalité première / invention d'une réalité idéale. Le modèle du serment
appartient à l'histoire : serment des Horace, celui de Brutus sur le corps de Lucrère qui vient de se
suicider. L'art hésite entre reportage et idéalisation. La théâtralité frontale fixe et fige le présent
dans une éternité de la mémoire. Entre un idéal formel et la volonté de coller à l'actualité, entre la
recherche d'une durée et le sens de l'émotion momentanée, la littérature du XVIIIe se caractérise par
une double crise des formes et des valeurs et par un conflit central entre l'affirmation de
l'Histoire et celle de l'individu.
Crise des formes : les genres sont envahis par une discontinuité fragmentaire : permet de saisir
une réalité sans la figer, en mouvement. Hermès ou l'Amérique de Chénier. Lebrun non plus, même
s'il survit à la révolution, n'achèvera pas ses œuvres. Nécessaire aussi si on prétend embrasser tout
l'univers et suivre la tradition encyclopédique. Dans le roman on voit aussi l'emploi répété du
manuscrit trouvé, d'autant plus véridique qu'il est inachevé. Tristram Shandy. Une même forme
suggère contradictoirement l'authenticité et l'arbitraire, la soumission au réel et la liberté toute
puissante du romancier. Le fragment correspond aussi à l'urgence militante et le souci d'inscription
rapide dans l'actualité. Au lecteur de compléter les silences du texte.
Beaumarchais : Le Barbier de Séville, Figaro aide deux jeunes gens de conditions nobles à s'aimer.
Beaumarchais prévoit une suite, un nouveau dénouement dans lequel Figaro découvre qu'il est lui
aussi de noble condition, qu'il mérite d'être le héros de sa propre histoire. Dans le Mariage de
Figaro, il tente de faire reconnaître sa fiancé, Suzanne la soubrette. Ses revendications se heutre à
l'ordre social. Puis troisième pièce, avec Chérubin comme personnage central, on passe de la
comédie au drame. La mère coupable. On passe de l'Espagne à la France révolutionnaire : le théâtre
redevient la mise en scène de l'histoire en train se faire. La discontinuité du roman (ex chez Louvet)
fait aussi entendre les craquements de l'histoire.
Mais face à cette fragmentation la poésie met en scène de nouvelles continuités. La philosophie
empiriste et l'assouplissement des règles formelles ont permis la naissance d'une nouvelle poésie
érotique, sens ancien de lyrisme amoureux et sens moderne d'écriture sexuelle. Poètes créoles :
Evariste Parny, né à la Réunion, Antoine de Bertin, Nicolas Germain Léonard. (le recueil suit de
près la composition d'un roman).
Crise des valeurs : la mise en cause des genres traditionnels est aussi une interrogation sur les
valeurs. Mise en cause de la cohérence d'une communauté. La leçon de morale n'est jamais
précisée. Dans Les Liaisons dangereuses de Laclos, les monstres froids ne sont pas autant maîtres
d'eux-mêmes qu'on veut le croire. Mais quelle perspective Laclos ouvre-t-il à ses lecteurs et ses
lectrices ? La religion et le conformisme social sont bafoués, la nature semble définitivement
perdue. La perfection formelle débouche sur le vide. On a souvent pensé que la paternité de
Justine revenait à Laclos, alors que les LD sont empreints d'une langue mondaine discrète et que
Sade justement brise cet interdit (en nommant explicitement les choses). Les 120 journées de
Sodome ont longtemps été considérées comme un texte de dément, et ce sont Apollinaire et les
Surréalistes qui ont rétabli Sade comme poète de l'amour. C'est la définition de l'être humain qui est
mis en cause.
Aux antipodes de la folie Sadienne, les contes de fées se développent aussi. Ils ont en commun
l'interrogation sur les frontières entre imaginaire et réel, entre une confusion du possible et de
l'impossible. Sylphes aérien connaissent grand succès comme image littéraire du désir. Crébillon en
fera le séducteur idéal (fils). En accusant le contraste entre le rêve et le réel, en s'interrogeant sur la
foi et la crédulité, le conte de fées et le récit fantastique qui s'en détache mettent en cause les
certitudes de la tradition. Dégagement de l'espace d'une critique acérée car biaisée.
Saluée par Michel Foucault, roman intéressant : Pauliska ou la Perversité moderne de Révéroni de
Saint-Cyr. Ce sont des mémoires d'une aristocrate polonaise, veuve, chassé de son cha^teau par les
envahisseurs russes et livrée à une Europe à feu et à sang. Son fiancé est prisonnier d'une société de
femmes qui ont juré de renoncer aux hommes et est dans une cage. Son jeune fils manque d'être
chatré dans une Italie qui adore les castrats. Elle tombe entre les mains de savants fous, un
maniaque prétend lui inoculer l'amour. Cette perversité moderne dénonce-t-elle les illusions des
Lumières et de la Révolution, les impasses du savoir encyclopédique et du changement social
ou bien s'en prend(elle au détournement de de l'idéal encyclopédique et réformiste ? // Pareil
pour le manuscrit trouvé à Saragosse de Potocki. Les récits (proche de Jacques le Fataliste) se
ramifient à l'image d'un monde décentré, sans début ni fin et suggèrent un sens final que pour
rappeler qu'il n'est de signification que dans la perte des certitudes dogmatiques, dans le
déplacement et l'échange.
Comparaison avec Paul et Virginie. Censé être une illustration des thèses providentialistes, amour
impossible entre deux jeunes gens, à l'autre bout du monde, dans une nature débordante de vie ?
Tout le décor les pousse à une étreinte qu'interdisent les préjugés européens, perpétués par la
colonisation et le christianisme. Malgré l'ambiance païenne et sensuelle, les hiérarchies
sociales sont préservés. Virginie meurt en martyr de la pudeur sur un bateau pour n'avoir pas
enlevé sa robe.
Crise des valeurs aussi chez les moralistes comme Chamfort, où l'amour n'est plus que le contact de
deux épidermes (mélange de la morale et de la physique). C'est un effet de l'amour-propre et du
désir sexuel. Mais on perçoit aussi les traces du colonialisme (le commerce : échange social est
devenu échange économique avec les grandes découvertes). Exaltation de la passion chez Diderot
ou Helvétius comme noyau de l'héroïsme.
Le sens de l'histoire : Dans la pensée classique l'histoire se représente sous forme cyclique, dominée
par les desseins impénétrables de la Providence. Dans le domaine politique, les révolutions
expriment la fatalité d'une décadence après un épanouissement, la fatalité d'une violence et d'une
ruine qui détruisent les empires les plus illustres. La diffusion de l'empirisme et les progrès
scientifiques ont pourtant imposé progressivement l'idée que l'être humain se construit à partir de
l'expérience sensorielle et que, de génération en génération, la pensée scientifique précise sa
compréhension du monde. Le savoir scientifique peut donc se constituer par accumulation et
rectification progressive. L'espoir d'une politique rationnelle ouvre la perspective d'un
progrès, non seulement de l'esprit, mais de la condition humaine. Turgot, les physiocrates.
Voltaire publie Une philosophie de l'histoire en 1769, exprime une vision humaine et nationale et
non plus providentiel et dynastique de l'histoire. Rôle du commerce. La révolution passe du pluriel
au singulier : rupture sans retour et invention de l'avenir.
→ Condorcet : Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain. Avant d'être tué par
les jacobins. La pensée de Condorcet se retrouve chez le groupe des Idéologues, engagés dans la
révolution. Continuité des philosophes des Lumières. Nouvelle figure des intellectuels français celle
des professeurs. Destutt de Tracy / Cabanis / Pinel : interroge bcp le lien entre la morale et les
sciences, la psychologie / au frontière de la médecine. Cas de Victor de l'Aveyron ; débile ou
enfant de la nature.
Opposée au matérialisme athée des Idéologues, la fille de Necker, la baronne de Staël-Holstein
œuvre (inédit pour une femme) pour l'instauration d'un régime parlementaire représentatif sur le
modèle anglais et d'une nouvelle morale religieuse. S'allie pendant un court moment avec Constant,
qui lui publie sur l'actualité pour en faire une philosophie de l'histoire... « De la force du
gouvernement actuel et de la nécessité de s'y rallier. »
Il y a aussi les fous, les « prophètes du passé » qui pensent que la révolution peut être un retour à la
révélation. 'Louis Claude de Saint-Martin. / Joseph de Maistre reprend Bossuet.
Bonald, contre Rousseau pense les bienfaits de la société qui bonnifierait l'homme naturel. La
révolution apparaît alors comme un retour primitif vers le désordre. Fondement de la Contre
Révolution : appel au complot, méfiance des francs maçons, des philosophes... Barruel. Compose
un véritable roman de conjuration universelle.
Le sens de l'intime : Rousseau oppose à l'entrée de ses Confessions, sa démarche aux Essais.
« Montaigne se peint ressemblant mais de profil. » Il prétend montrer l'humanité générale à travers
un homme particulier, mais un homme révélé dans son intimité et ses secrets. Avec sa sincérité,
Rousseau bouscule les bienséances. L'honnêteté n'est pas pour lui un principe de civilité et de
sociabilité, lui ne croit qu'à l'honnêteté comme sincérité. Il s'installe dramatiquement (ayant donner
pour titre les Confessions de J-J Rousseau) devant ses contemporains ; Rousseau contre Jean
Jacques : confrontation du tel qu'en lui-même et du tel qu'on le voit. En lien avec l'évolution des
droits de l'individu et des droits d'auteur. Pierre Pachet, Les Baromètres de l'âme. Le principe des
confessions oblige la culpabilité.
Diderot aussi joue du dialogue avec lui-même sans s'identifier totalement avec le personnage Moi
ou Diderot. L'individu n'y est qu'un faisceau momentané de tendances et d'influences. Journal par
lettres avec Sophie Volland. Se pose, contre Rousseau, la question de la participation à la vie
politique et de la responsabilité de l'homme de lettres qu'on nommera un siècle plus tard
l'intellectuel. Un individu ne se juge pas à sa valeur, mais à ses actions.
A la suite de Rousseau, Rétif de la Bretonne. Et surtout Casanova mais contre Rousseau : les détails
et les souvenirs sensuels pourraient être ceux de Rousseau, mais ils s'inscrivent dans la perspective
d'une histoire des plaisirs, d'une déculpabilisation tranquille. Contre le modèle roussauiste aussi,
Chateaubriand compose ses Mémoires d'Outre-tombe en tension entre le modèle aristocratique et le
souci du détail intimiste.
1800 : Napoléon fait son coup d'Etat. Chateaubriand devient au retour d'exil, porte parole des
royalistes désireux de réconcilier la France avec l'Eglise. Echec du docteur Itard avec Victor de
l'Aveyron. Pour l'époque, ce serait le symbole de ce qui serait un échec des Lumières ; la Terreur
serait l'impasse de l'idéal pédagogique des encyclopédiste qui se heurte aux résistances de la nature.
Déjà en 1731, une jeune fille avait été retrouvée, complétement sauvage. Thème qui a fasciné le
siècle, présent dans La Dispute de Marivaux.
Le XVIII s'interrogeait sur la construction d'une nature humaine, le XIX se passionne pour le drame
personnel d'une victime qui est promue métaphore du poète, du paria social.

XIXe siècle

Moment de la naissance de la littérature de masse / collective. A la fin du siècle, l'art s'est


transformé en industrie. Changement de nature : séparation des sciences et des lettres. Non
seulement scientifique mais aussi sciences humaines : législation, politique, histoire ont leur
domaine propre. Trois genres restent : la poésie, l'art dramatique et le roman. La critique également.
Influence marquante de la révolution.
Naissance de la publicité (le mot date de la fin du XVIIIe). L'essor de la critique accompagne la
démocratisation du public.
Roman côté démocratique / poésie encore « pure » littérature.
Chapitre premier : Une ère nouvelle
Vision collective du XIXe siècle comme un tout. Notamment, selon Victor Hugo, issu de la
Révolution. « Evenement philosophique » Lamartine.
C'est la faute à Voltaire... Accusation des Lumières d'avoir engendrer la terreur. Parodie chansonnée
de l'opposition des évêques au projet éditorial de Voltaire au début du XIXe : « S'il est du mal sur
terre, c'est la faute à Voltaire / C'est la faute à Rousseau » (parole de Gavroche dans les Misérables).
Célébration de Voltaire par Musset comme père du siècle, plusieurs lectures différentes, des élites
néoclassiques aux antichrétiens populaires. En 1879, lorsque la Marseillaise devient l'hymne
national, on donne le nom de Voltaire au bvd qui relie République et Nation. Incarnation de la
révolution.
« Un grand magasin de ruines » : le passé n'éclaire plus l'avenir. Tocqueville. Musset dans
Confessions d'un enfant du siècle : « je m'étais fait un grand magasin de ruines, jusqu'à ce qu'enfin,
n'ayant plus soif à force de boire la nouveauté et l'inconnu, je m'étais trouvé une ruine moi-même. »
Doute sur le présent également.
Au début des années 1820, les contre révolutionnaires inventent le mot « individualisme » pour
désigner l'atomisation de la société à cause de la Révolution française. Mot aussitôt adpotés par
socialistes, républicains, libéraux comme Tocqueville. Face au pouvoir remplacé par celui de
l'opinion majoritaire, l'individu reste happé par la servitude et renvoyé à son propre néant,
ennui : « le spleen », le « mal du siècle » sont des leitmotive présents à la fois dans le discours
politique et littérature. C'est à la fois une maladie de l'âme et un défaut de la vie publique. Décrit par
Barbey d'Aurévilly dans le Nain jaune / Chatterton de Vigny : l'ennui serait le mal d'un siècle encore
tout agité de passions révolutionnaires et qui se résigne mal à la grisaille du monde de l'argent, /
malheur des artistes ou des poètes.
Description de l'habit bourgeois par Baudelaire dans Salon de 1846 : « N'est-il pas l'habit nécessaire
de notre époque, souffrante et portant jusque sur ses épaules noires et maugres le symbole d'un deuil
perpétuel. Remarquez bien que l'habit noire et la redingote ont non seulement leur beauté politique,
qui est l'expression de l'égalité universelle, mais encore leur beauté poétique, qui est l'expression de
l'âme publique ; - une immense défilade de croque-morts, croque-morts politiques, croque-morts
amoureux, croque-mort bourgeois. Nous célébrons tous quelque enterrement. »
« L'homme est son propre prométhée » : Critique de Renan dans L'Avenir de la science : critique
des Lumières, d'un siècle qui omettait le naïf, préférait l'artificiel, niait l'activité spontanée.
C'est de cette critique que naissent le renouveau de la poésie lyrique, la recherche d'un savoir
nouveau dont la science du vivant donne le modèle, l'élaboration d'une politique fondée sur une
« sociologie » et sur l'étude de l'histoire dont on refuse désormais d'exclure le « naïf », la culture
populaire, les mythes et les religions. La littérature du XIX se rêve comme une Encyclopédie
nouvelle / littérature pensante.
Crise du Sujet : urbanisation, égalité civile qui émancipe, recul de l'âge de la mort. L'écriture s'offre
alors comme un « baromètre spirituel » (Baudelaire, Poème du Haschich).
Importance du roman personnel et du journal intime (diaristes, cherchant à fixer la variabilité
de leur être). Rêverie, drogue et folie sont les sujets clés de cette période.
Naissance du fantastique comme « intrusion brutale du mystère dans le cadre de la vie réelle.
Religiosité littéraire, avec Dieu (réhabilité par Renan, La Vie de Jésus). Mais chaque poète ayant sa
propre imagerie, il interprète le monde plus qu'il ne déchiffre un ordre divin préexistant : « le
seul créateur que le symbole atteste est le moi du poète, qui agit dans ce domaine en inventeur, non
en révélateur. » (Paul Bénichou). Assimilation de l'écrivain à un inventeur.
Le siècle des inventaires : du moi et du monde. Lien avec la place importante de l'Histoire.
Changement du perception de l'inscription des actions dans le temps : selon Koselleck (dans Le
Futur passé) : avant la Rév, on jugeait les actions en fonction des exemples vertueux du passé /
après, on les juge en fonction du tribunal de l'Histoire : le jugement de la postérité.
Il s'agit donc de faire revivre une instance oubliée : le peuple. Changement dans les modes de
narration : lier une narration exemplaire et une généralisation philosophique, au service d'une
instruction civique (Augustin Thierry) : l'histoire devient un « concept d'action » selon Koselleck.
Philosophie de l'émancipation : l'homme devient son propre prométhée.
L'aventure intime est inséparable de l'expérience collective, car selon Michelet : « L'histoire est une
violente chimie morale, où mes passions individuelles tournent en généralités, où mes peuples se
font moi, où mon moi retourne animer mes peuples. »
La littérature se sent particulièrement en charge de la mémoire du passé.
L'invention de « la littérature française » : Très grande importance de renouveau de l'Histoire et du
désir de mémoire : l'histoire de la litté française va se construire sur le modèle donné par les
historiens. L'invention de cet objet (le caractère « français » de la littérature) a un effet rétroactif : la
référence à la nationalité de Descartes tourne au lieu commun. (Victor Cousin en fait un semblable
aux gaulois). Analyse de « l'esprit gaulois » chez La Fontaine par la thèse de Taine (La Fontaine et
ses fables). Paul Meyer : fondateur de la ligue des droits de l'homme / collège de Gaston Paris
(titulaire d'une chaise de litté médié au collège de France) : importance progressive de la philologie.
La littérature devient peu à peu l'objet d'un discours savant.
// grammaire (Frères Bescherelle). Cette nationalisation n'empêche pas la clôture des frontières ni le
refus de la diversité. « Nation « métisse » » Disait Michelet. Le XIXe siècle français est dans l'ordre
intellectuel un siècle allemand (Werther, Faust, pièces de Schiller, francisation de Kant par Mme de
Staël). La création d'une culture nationale s'accompagne d'un intérêt pour les dialectes et cultures
régionales. (Passion de l'Occident notamment : Frédéric Mistral). Portraits d'écrivains, nouvelle
mode. Lutter contre le naufrage de l'oubli « Tombeaux poétique ».
Un siècle de batailles « on a hâte de faire secte » : résumé de Sainte Beuve de l'histoire littéraire de
cette époque comme animée de ferveurs guerrières entre écoles. Plus que de dates, il s'agit de
génération. Les manifestes sont des rites de passage à l'âge de la maturité. Jalonne aussi le cycle
révolutionnaire de 1848-1851 (entre romantisme prophétique / romantisme désenchanté :
distinction de Paul Bénichou) / l'entre de la République au port marque la double clôture du siècle
intellectuel, marquée par la mort d'Hugo en 1885 / affaire Dreyfus.
Véritable seuil, les années 1820. Naissance du roman réaliste, du drame romantique.
Dans une lettre à Louise Colet (16 janvier 1852) : « Il y a en moi, littérairement parlant, deux
bonshommes distincts : un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d'aigle, de toutes
les sonorités de la phrase et des sommets de l'idée ; un autre qui fouille et creuse le vrai tant qu'il
peut, qui aime à accuser le petit fait aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir
presque matériellement les choses qu'il reproduit ; celui-là aime à rire et se plaît dans l'animalité de
l'homme. L'Education sentimentale a été, à mon insu, un effort de fusion entre ces deux tendances
de mon esprit. »
Mort de Hugo, véritable tournant : témoigne Mallarmé dans Crise de vers. La décennie du
symbolisme s'ouvre avec la mort du poète, maître de la langue ajustée à la métrique.
Chapitre II : La littérature entre l'état et le marché

Idée de Renan : « Pour saisir l'enracinement historique de nos institutions culturelles et


scientifiques, il faut rappeler l'idée, tenant à ce qu'il y a de plus profond dans l'esprit français, que
les sciences, les lettres et les arts sont une chose d'Etat, une chose que chaque Nation produit en
corps, que la Patrie est chargée de provoquer, d'encourager et de récompenser. »
Sous Napoléon, la littérature est devenu un outil de propagande. Production très surveillée. En
particulier dans le domaine théâtral : système dit du « Privilège » : comédiens ont pour mission de
conserver le répertoire, surtout tragique. Mais contournement de cette règle par le théâtre du
Gymnase notamment.
Cela agace bcp sous la République : la littérature a cessé de s'identifier à la moralisation.
Modèle du théâtre d'état : le Théâtre-Français (équivalent de l'Académie pour les dramaturges).
Mais svt dédaignés par public et critiques. Ce sont les théâtres de boulevard (initialement du
Temple) qui offrent une véritable tribune. Le roman est également vu comme une possible
« perversion des masses ») (Dictionnaire des idées reçues). D'où trois procès majeurs : Flaubert,
pour Madame Bovary, Baudelaire, Les Fleurs du mal, et Eugène Sue, pour les Mystères du
peuple. Pour ce dernier procès explicitement politique. Question de l'autonomie de la littérature.
Répression religieuse aussi. Mise à l'Index de plusieurs ouvrages français par Rome ;
C'est autour de l'Académie française que se joue le conflit entre l'univers ancien des belles lettres et
la littérature nouvelle. L'Académie est là en tant qu'institution qui défend une conception de la
littérature inséparable de l'édification et de la culture civique. Une telle conception privilégie les
grands genres, à l'exclusion des romanciers. Modèle latin encore prégnant, confortent la
prééminence de la rhétorique éloquente.
L'empire scolaire de la rhétorique coexiste avec l'affirmation de l'autonomie de la littérature, tout
comme la conception d'une littérature comme patrimoine, avec le culte de l'originalité et de la
fantaisie.
La littérature industrielle : 1830-1870 : Littérature aussi une affaire d'argent. Ere de la
reproduction indéfinie. Edition populaire, livre illustré, presse bon marché, photographie. Avant
1830 on peut parler d'un Ancien Régime du Livre. Ils sont rares et chers, restent privilège des
classes cultivées. Peu de gros tirages (en général 500exemplaires). Contrefaçon en Belgique, qui
diffuse les textes sans droit d'auteur. Age d'or de l'illustration. L'image va jusqu'à rivaliser avec la
représentation littéraire qu'elle accompagne.
Importance de la presse périodique. Apporte à l'écrivain un revenu annexe. Mais vecteur
principal du lieu commun / des idées reçues / clichés.
Fondation de la revue des deux mondes. Ouverture de l'espace du feuilleton qui permet
l'expansion du roman.
Perte de contact entre les écrivains et le public, le livre est une « bouteille à la mer » (Vigny).
Pourtant salons continuent d'exister. Le « tout-paris ». Parole prématurée des goncourts : le journal a
tué le salon, le public a succédé à la société. Salon de la Princesse Mathilde, qui reçoit Flaubert par
exemple. De Leconte de Lisle ou de Mallarmée, ressemble l'élite.
Le public est surtout différencié. Multiplication des sous-genres romanesques. Mais colportage
recule, le roman pas encore considéré comme sérieux, il ne le sera véritablement qu'au Xxe
(notamment avec les Lois ferry!)
L'écrivain se fait entrepreneur. La littérature devient une profession, un état dont il faut vivre, avec
concurrence. Moins de mécénat. Mais parfois gros enrichissements : Hugo laisse à sa mort un
capital de 7 millions de francs. Les écrivains prennent conscience de leur existence de groupe :
Société des auteurs et compositeurs dramatiques est créée en mars 1829 (dans la lignée de
Beaumarchais). 1886 : convention de Berne qui réglemente la propriété littéraire. Certains scandales
éclatent notamment sur les « fabriques de roman » qui dénaturent la création littéraire (Alexandre
Dumas et Auguste Marquet un de ses « nègres »).
Delmar : personnage d'une pièce de Scribe, comédie vaudeville Le Charlatanisme (1825) : passe
trois jours à composer ses œuvres. La représentation de l'artiste maudit mythifie l'expérience de
ceux qui se sentent dévalués dans une société marchande, mise en scène dans le Chatterton de
Vigny. Contre le Bourgeois, les bohèmes revendiquent une libération de l'individu inscrite dans la
promesse de 1789. Les « Jeune-France », s'unissant au temps de la bataille d'Hernani. Vrai
bohème en 1845 : publication en feuilletin des Scènes de la vie bohème de Henry Murger. Elle
deviendra ensuite révolté après 1850 avec Courbet et de Vallès. Lègue toute une esthétique de la
révolte, pouvant aller jusqu'au suicide ou la folie.
La littérature dans la république : polarisation de la littérature entre d'un côté, une marchande et
l'autre tjs en tentative de sécession. Symbolisée par Zola vs Mallarmé (qui s'estiment
réciproquement).
Le roman bénéficie de la double révolution de l'école et du journal : fin du siècle triomphe du
roman policier. Arsène Lupin, Rouletabille, Fantômas (après 1900...). Importance de la Revue
Blanche à la fin du siècle.
Le tribunal de la critique : La démocratie est un régime d'opinion publique, la critique est le
tribunal de ce régime. Joue un rôle de médiateur devenu nécessaire avec l'expansion des lecteurs, du
public. Salon de peinture en particulier. Goût pour le portrait et le paysage, surtout dans les salons
indépendants auxquels Courbet, Gauguin, les impressionistes doivent leur gloire. Dans le salon de
1846, Baudelaire énonce la définition du romantisme qui est la première formulation du concept de
modernité : « qui dit romantisme dit art moderne, c'est-à-dire intimité, spiritualité, couleur,
aspiration vers l'infini, exprimées par tous les moyens que contiennent les arts ». Entre les arts, il n'y
a donc pas seulement emprunt de « sujets » mais des correspondances (Zola // réalisme du roman /
naturalisme des peintres depuis Courbet). Champfleury définit le réalisme du roman à partir de
Courbet. Désir impossible du réel qui est le trait majeur du XIXe siècle.
Surtout critique dramatique : parce que le théâtre est le lieu où la société démocratique se donne à
elle-même en spectacle.
Le Théâtre : « Tribune de la démocratie » : (Hugo Lucrèce Borgio : « le théâtre est une
tribune »).Grand essort après la révolution. Idée d'une mission collective. Il est la cérmonie de la
parole dans un régime d'opinion, le corrélat des institutions représentatives. Prend la place de
la religion, temple populaire, de l'émotion collective en un temps où le droit de réunion est très
restreint. Offre aussi une jouissance de l'image comme tout le siècle (grands magasins,
illustrations, roman réaliste, musées.) Production de panorama pour reproduire des tableaux (type le
Radeau de la Méduse de Géricault.) 1830 : le terme « mise en scène » est désormais utilisé.
Machinerie utilisée pour effets spéciaux : donne une dimension réelle aux créations imaginaires de
Jules Verne. Goût du « grand spectacle ». Mais poids des héritages : tragédies et comédies, qui
bénéficient de la protection de l'état. Mais moins de succès que le mélodrame et du Vaudeville
(Pixéricourt et Scribe).
Le mélodrame : moralité de la révolution. (Expression de Nodier). Sa puissance vient du fait
qu'il satisfait le goût démocratique pour les émotions violentes. Issu du drame bourgeois (du
XVIIIe) et des drames allemands de Kotzebue et de Schiller. Mais son essor est lié à la Révolution.
Enseigne que la vertu n'est jamais (ici bas) sans récompense et le crime sans châtiment. Mutation en
1820. L'Auberge des Adrets : Robert Macaire, joue par Frédérick Lemaître. Pièce interdite car
criminel cynique qui fait rire le public. Grand type caricatural du XIX. Ce genre moral tourne à la
protestation sociale des petits contre les gros. Le mélodrame partage avec le roman l'art de
l'intrigue bien ficelée, le recours à des types sociaux, le pathétique. Remplit la fonction
émotive du cinéma.
Le vaudeville ou le burlesque de l'insignifiance : Est à la comédie ce que le mélodrame est à la
tragédie. Méprisé des élites, le vaudeville lui rend bien, et joue avec ce mépris, se moque des belles
lettres. Ils font rire le public de lui-même, de ses tics de langages et sa bêtise, si bien qu'il joue
plus avec des types que des personnages ou caractères. Inspiration pour Bergson, tant le
vivant y devient mécanique. C'est une écriture du présent, précipitée. Puis il s'élargit en comédie
de mœurs. Labiche sous le second Empire, Courteline à la Belle époque. Cyrano de Bergerac
marque le triomphe du mélodrame, Ubu Roi, peut aussi être considéré comme l'apothéose du
vaudeville. Mélange des formes / genres.
Mais c'est dans la poésie que se jouent les formes nouvelles de l'écriture dont le théâtre sera
redevable (drame, théâtre symboliste).
Chapitre III : La poésie
Mutation décisive de l'idée même de poésie. Tripartition des genres entre la poésie, le théâtre et le
roman s'est effectuée progressivement durant tout le XIXe siècle. Deux conceptions de la littérature
et de la poésie s'affrontent au XIXe siècle.
Au début du XIXe, la poésie est l'art de composer en vers, appartient aux Belles Lettres depuis le
XVIIe siècle. La beauté des belles lettres, selon cette conception aristocratique de la littérature, tient
à une forme, le vers à laquelle s'identifie la poésie. C'est à l'intérieur de la poésie que se faisait le
partage générique : poésie épique, lyrique, dramatique (et satirique). Les deux plus grands sont
l'épique et le dramatique ;
La mutation générique est lié à l'émancipation de la prose qui envahit les genres traditionnels
de la poésie. La poésie épique disparaît, la prose supplante le vers dans la poésie dramatique
représentée sur scène. La poésie moderne (Baudelaire) est donc l'héritière de la poésie lyrique.
PREMIERE PARTIE : 1820-1848 La poésie lyrique
1820-1830 : Manifeste fondateur : Le Génie du Christianisme (1802), et les Méditations poétiques.
Ainsi naquit, sous le signe d'une régénération religieuse et morale (versant spirituel de la
Restauration) : le romantisme. Cet acte de naissance passe par une refondation du lyrisme.
Lamartine donne à la muse «au lieu d'une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du
cœur de l'homme. » (Lamartine), « les infortunes des peines du cœur » (Vigny).
1830-1848 : le romantisme de 1820 fut le contrecoup de la Révolution, celui de 1830, celui de la
révolution de juillet 1830. Conversion au romantisme humanitaire pour la génération des
initiateurs (Lamartine, Vigny, Hugo), au sacerdoce, au prophète, au mage. Pour celle des
« Jeune-France » la monarchie de Juillet fut selon l'expression de Paul Bénichou « l'école du
désenchantement » et du repli sur l'art.
Les mages romantiques : le romantisme tel que le définit Bénichou qui « est né et a vécu de
l'ambition, conçue par la corporation littéraire au début du siècle, de fournir à la société moderne, à
travers une refonte du style et des formes littéraires, une formule nouvelle des relations du
spirituel et du temporel » a vu sa pleine dimension entre les deux rév de 1830 et de 1848. Années
d'engagement pour Hugo et Lamartine. « La poésie sera de la raison chantée  » selon Lamartine.
Avènement d'un nouveau sujet lyrique. Le poète, selon Hugo, crée une figure qui est encore
l'homme mais plus le moi. Donc conjonction du lyrisme et de l'humanitarisme.
L'école du désenchantement : désenchantement historique (par rapport à la Restauration),
désenchantement religieux : plutôt septique qu'incrédule, selon Nerval, cette génération se bat entre
désir de croire et l'impossibilité de la foi. On associe tellement le romantisme à son versant
humanitaire que Gauthier (il n'a vu du monde que ce que l'on en voit par la fenêtre) a paru un
parnassien avant la lettre, alors même qu'il était finalement fidèle à la vocation originelle du
romantisme (celui fantaisiste des Odes et Ballades), celui du désenchantement. Ecole de la
mélancolie (Nerval) et de la guérison par les arts, issu de Chateaubriand.
La poésie dramatique : La drame romantique
Siècle de la prose triomphante, le XIX crée le genre moderne du théâtre. Mais pas encore autonome
comme il le sera au XXe avec la prise de conscience de la mise en scène, le propre langage du
théâtre selon Artaud. Reste littéraire et oscille entre l'attraction du roman et la tutelle de la poésie.
De la poésie dramatique à la prose : récupération des catégories traditionnelles de la poésie :
épique, lyrique et dramatique. Les tragédies classiques selon Stendhal, ne proposeraient que de
l'épico-lyrique. Ce choix du vers ou de la prose n'était pas de pure forme. Contre l'alliance poétique
immémoriale du vers et de la mythologie, nourricière de la poésie et particulièrement de la tragédie,
le choix de la prose et celui de la modernité historique entérinent, de pair avec le passage de
l'épopée au roman, et bien avant que la poésie elle-même passe à la prose, ce que suggérait le Cours
de littérature dramatique d'August Schlegel, la prosaïsation conjointe de la littérature et du monde.
Le drame romantique : drame de la totalité. Le drame romantique est une contestation des
partages élaborés par l'Histoire et renforcés sous le Second-Empire entre la comédie et la
tragédie d'une part, et les genres majeurs (promus par le Théâtre-Français) et les genres
mineurs (vaudeville et mélodrame). Préface de Ruy Blas qui entame une filiation générique entre
les trois genres du mélodrame, la tragédie et la comédie. Le drame romantique vise la synthèse
des trois genres et de leur public respectif : promotion démocratique du mélodrame qui ne vise
plus la foule, mais le peuple souverain. Mais il réinvente de ce fait le tragique lui même.
L'essence du tragédie, selon la tradition aristotélicienne est bien moins d'ordre métaphysique (la
fatalité) qu'esthétique : émotions terreur, pitié par catharsis. En mettant en prise un héroïsme
nouveau, celui de l'individu aux prises avec une fatalité historique (politique, sociale) ou
métaphysique, le drame romantique a inventé le tragique moderne. Fatalité externe mais aussi
interne (être de passion, être double : enfant trouvé, orphelin, noble déclassé ou perverti, le héros
romantique porte en lui un abîme et ne trouve la résolution de ses contradictions que dans un
sacrifice qui a le plus souvent la forme d'un suicide. (Lorenzaccio)
Mais aussi un théâtre sans scène (compliqué à mettre en scène dans un contexte politique mouvant
et des acteurs peu préparés au jeu physique que le drame romantique demande). D'où un spectacle
dans un fauteuil (d'Alfred de Musset).
La poésie épique : Le romantisme lui-même donne à l'épique une nouvelle dimension. Le
développement de l'archéologie change progressivement les modèles classiques de l'épique que sont
l'Illiade, l'Odyssée ou l'Enéide. Les Védas, les Ramayana, le Mahabharata, l'Edda etc.. ou pour la
France elle-même la Chanson de Roland, redécouverte dans ces années se substituent à ces canons.
Mais la conscience historique du romantisme faisait aussi que l'épopée moderne ne pouvait se
contenter de reproduire, comme les classiques, l'image d'un modèle immémorial. Plus d'épopée
primitives, de fondation d'une culture / communauté : éventuellement refondation avec des valeurs
modernes, changement dans l'héroïsme dans un temps où l'individu s'émancipe démocratiquement,
la logique guerrière cède la place à des combats d'ordre spirituel. Et la communauté dépasse le
cadre ancien des nations pour s'égaler à l'humanité. On passe du vir, héros, à l'homo, être
humain. L'épopée romantique est donc, selon Lamartine, « humanitaire ».
→ prose pour le Télémaque de Fénelon.
Mais souvent fragments car ambition trop grande.
DEUXIEME PARTIE : 1848-1900
La période courte (parenthèse) républicaine est une période charnière historique et littérairement.
Apogée du romantisme humanitaire en 1848, révolution spiritualiste, déclaration de la République
par Lamartine au balcon de l'Hôtel de Ville. Mais le Second Empire qui suit voit naître une nouvelle
génération du romantisme qui critique l'ancien humanitaire et lyrique / sentimental et qui lie son
destin à l'invention d'une modernité fondée, contre l'empire rhétorique, sur l'autonomie du poétique,
qui déclenchera aussi la perte de son public.
Destinées de l'épique : après le coup d'Etat, la révolution confisquée par la bourgeoisie, le temps
n'est plus à la convocation des héros de la Fable ou de l'histoire. Mais deux rapports inédits à l'épos
se développent dans les années 1850 :
Poèmes antiques : parution du recueil de Vigny ; invite les poètes à s'isoler du monde de l'action
pour se « réfugier dans la vie contemplative et savante. » Vigny incarne lui-même ce changement,
ancien adepte des utopies socialistes. Il s'agit de restituer les voix des épopées mortes, mais plus sou
le signe d'une modernisation mais au contraire d'un éloignement, pour marquer la différence
culturelle avec ce temps. Vaut pour la poésie elle-même. Maxime du Camp (chant modernes, valeur
du télégraphe etc...) vs Leconte de Lisle : l'antiquité est une terre d'exil intérieur.
La légende des siècles : au début de ses années d'exil, Hugo en est à la satire : celle de Châtiments
(1853), qui comportent tout de même une dimension épique. Publié en 1859 La légende des siècles
élargit aux dimensions de l'histoire universelle l'inspiration des Châtiments. Modernité due à la
forme : petites épopées. Épopée critique de l'épopée et contre-épopée : mélange le grand et le petit,
choix de héros du quotidien (« mon père, ce héros au sourire si doux ») mais en lien avec les pages
sombres de l'histoire, aussi en fonction des genres : la satire devient épopée. Irruption du
discours dans le récit épique (section intitulée « Maintenant »).
Synthèse symbolisée par le quadrige (vision d'Ezéchiel) : alliance du lyrique, de l'épique et du
dramatique, avec un quatrième élément nouveau : la satire.
Un épique nouveau : ultime avatar de l'épique dans l'Histoire de Michelet, vouée à consacrer
symboliquement la révolution. Le roman est pensée comme la fusion des genres poétiques
préexistants. Même pour Flaubert : la prose est l'instrument d'une « poésie complète ». La poésie est
comme la canne à sucre de laquelle on extrait tout. Epopée moderne selon Zola : La Comédie
humaine de Balzac.
De la poésie lyrique à la poésie : temps de l'exil sous le second empire : Hugo, Lamartine
abandonne la poésie, Musset n'écrit plus. Dans une société bourgeoise vouée à l'industrie et le
profit, où selon la formule du « Reniement de saint Pierre », « l'action n'est plus la sœur du rêve »,
la Poésie cessera (Hugo excepté) de nourrir des valeurs sociales : naissance de l'art pour l'art ou,
deuxième voie, conversion du lyrisme sentimental en lyrisme spirituel et visionnaire (deux chemins
qui se recoupent).
L'art pour l'art : temps des artistes et artisans. La forme dure est alliée à la fantaisie qui s'y grave
(Théophile Gauthier, Théodore de Banville : Emaux et Camées). Pour Baudelaire il s'agit du
véritable lyrique, celui qui transfigure le réel et opère ainsi « un retour vers l'Eden perdu ».
De la poésie du visible à la poésie de l'invisible : Selon Claude Pichois voit dans les années 1850
celles d'un surnaturalisme voué à l'exploration de l'envers de l'homme et du monde. La crise
présentée dans les poèmes nervaliens n'est pas seulement une crise de folie du moi du poète, mais
une crise historique du rêve (chimère) romantique et du moderne sujet lyrique. Expérience d'une
descente aux Enfers où le je est pris entre lyrique et double du poète le Christ (porteur du rêve
romantique d'harmonie universelle). Mais lors de sa descente le sujet découvre par initiation les
secrets de la création qui n'est pas un art d'imitation de la nature sous le double signe de
l'unité et de l'harmonie, mais un accouplement contre nature d'éléments préexistants (ce qui
est le propre d'une chimère). Contre modèle de l'art poétique horatien. Dans les Chimères, il y a
donc une exploration des mythes, du moi et de la création poétique.
Mémoire d'une âme : Les Contemplations, sont également une autre plongée dans les gouffres. //
proche de Nerval.
L'exploration baudelairienne est différente en nature : invention d'une terra incognita : le mal. //
Mallarmée : La Muse moderne de l'Impuissance. Les démons s'appellent l'ennui, le remords, l'ironie
mais aussi la beauté ou l'amour. // Inconscient. « La plus belle des ruses du diable est de vous
persuader qu'il n'existe pas. »
Terrain poétique nouveau dans l'histoire poétique : Baudelaire entend tirer la beauté du Mal.
Incarnation d'un lyrisme moins impersonnel que profondément dialogique. La modernité
Baudelairienne peut se résumer en quelques mots :
– Autonomie. « La poésie ne peut pas, sous peine de mort ou de défaillance, s'assimiler à la
sicence ou à la morale ; elle n'a pas la Vérité pour objet, elle n'a qu'Elle-même. »
– Modernité. Baudelaire se veut le peintre de la vie moderne. La modernité, qui suppose ainsi
l'historicité du Beau, c'est de faire entrer la réalité contemporaine (réalité industrielle et
urbaine, mais aussi réalité spirituelle) dans l'univers de convention de la poésie, non pas sur
le mode réaliste du roman, mais pour en dégager l'héroïsme ou la beauté propres,,
irréductibles aux conventions périmées de l'idéalisme esthétique.
– Prose. Trivialité verbale introduite par Baudelaire en poésie. Une « prose poétique, musicale
sans rythme et sans rimes, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements
logiques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ».
– Brièveté. A la suite de Poe : brièveté, concentration, effet.

Le Parnasse : Moins qu'une réaction anti romantique, le Parnasse serait plutôt la troisième
génération romantique, celle de 1860. Publication entre 1866 d'une anthologie poétique : Le
Parnasse contemporain. Mais changement de valeur effectivement : refus de l'humanitaire, du
romantisme sentimental, du culte néoclassique de la forme et le respect de la versification tradi
par une génération grandit durant le Second Empire, (Mallarmé, Verlaine, Heredia, Copée, Sully
Prudhomme, Villiers de l'Isle Adam). Se voue à l'Art, au Rêve, à l'Idéal. Mais tous des académiciens
en 1901...
C'est surtout en marge du Parnasse que se joue le destin de la poésie, dans les publications à compte
d'auteurs : Les Chants de Maldoror, d'Isidore Ducasse, Une saison en enfer de Rimbaud, Le Coffret
de santal de Cros, Les Amours jaunes de Corbière, et tous les recueils de Verlaine. Tous ceux qui ne
trouvèrent un écho que dix, vingt ans plus tard.
→ D'abord crise des formes. La poésie devient un lieu de transgression (influence des Chants de
Maldoror en particulier, épopée du mal).
Selon Mallarmé crise de vers, appelée déjà par Verlaine, signifie crise des représentations ;
opération de désémantisation de la langue, déchanter par la désarticulation du vers, segmenté, par la
ponctuation, parataxe, ellipse de la langue parlée. Avec Mallarmé la poésie devient non plus une
voie d'accès à l'absolu mais, comme Dieu (passage de l'idéalisme absolu au matérialisme athée) un
« Glorieux Mensonge ». La poésie n'a plus pour fonction de saisir l'absolu ni d'exprimer le moi,
mais de se ressaisir comme fiction, et par là même de réfléchir les processus inconscients du
langage. Poésie autoréflexive qui consacrait l'immanence du sens. « Sonnet allégorique de lui-
même ».
La décadence : fortune du mot grâce à Nisard qui étudiait les poètes latins. Repris par Baudelaire
dans les Notes nouvelles sur Edgar Poe, véritable manifeste d'une modernité placée, contre un
classicisme voué à l'imitation de la nature, sous le signe de la culture et de l'artifice. Nom de la
modernité post-baudelairienne : dans A rebours d'Huysmans, théorisation par Paul Bourget (Essais
de psychologie moderne). Repris par Verlaine. Jules Laforgues : 4eme génération romantique,
nourri du bouddihisme philosophique de Schopenhauer et de Hartmann, philosophe de l'inconscient.
Recherche moins de la grandiloquence du début du Parnasse, mais le petit bonheur des consonances
imprévues, une écrite presque sans syntaxe à l'image de Verlaine. Premier nom du symbolisme.
Le symbolisme ou crise de vers : étiquette commode pour nommer la première modernité poétique
de Baudelaire à Claudel ou Valéry. Moment de consécration des dissidents de la troisième
génération de romantique (les poètes maudits de Verlaine). Au départ opération publicitaire (René
Ghil, Jean Moréas). Reconnait comme fondateur le Baudelaire des Correspondances. Conjonction
d'une réaction idéaliste contre le positivisme et d'une revendication double, celle de la liberté du
vers, et de l'autonomie de la poésie (anarchisme littéraire), redéfinie comme essence même de la
littérature. D'où tentation de repoétiser le théâtre, et le roman, tirant celui-ci vers le poème en prose.
Mais plus esprit de chapelle qu'universalité : poésie un peu de l'entre-soi, culte pour les initiés.
Mais il s'agit pour Mallarmé d'une Crise de vers : revendication du vers libre contre le vers fixe.
C'est une crise plus générale de la littérature : Double état de la parole : qui oppose une logique
instrumentale (représentation, communication) de la parole - «  l'universel reportage » et une
logique qui désinstrumentalise les mots – des mots qui deviennent des élémentaux comme les
couleurs et les notes : non pour en faire de purs objets dans un espace insignifiant mais pour
interroger leur mystère. Crise de la représentation – le monde ne saurait se donner dans la
transparence de l'universel reportage-, et crise du sujet dont le langage constitue la profondeur
opaque, ou l'inconscient.
Le théâtre symboliste : un théâtre poétique. Défense d'un théâtre (1880) sans théâtre, ou d'un théâtre
à lire. Subordination de la scène au poème. Rêve d'un théâtre purement littéraire. Oscillation
paradoxale entre Wagner et Mallarmée : entre un art de la mise en scène totale et un art du
dépouillement total.
En guise de bilan, on peut remarquer une évolution anti-discursive de la poésie au XIXe siècle.
Contribue à la disparition des vieux genres épique et dramatique, pour ne conserver que le lyrique,
plus en phase avec l'émancipation démocratique de l'individu. Expression d'un sujet altéré.
Expansion de la prose : une prose métaphorique du langage courant. Nouveau système de valeurs
promeut comme critère de distinction l'autonomie, l'autotélisme, brièveté, densité, difficulté voire
obscurité. Une poésie qui ne dit rien, de façon poétique. Marginalisation et minorisation mais en
même temps autonomie qui lui permet de devenir un lieu fixe de la « littérarité », un moteur de la
littérature moderne vouée à repenser, dans les mots, son rapport à l'altérité du moi et à l'étrangeté du
monde.
Chapitre IV : Le Roman
Définition difficile du roman : il est informe et multiforme. Déjà au XVIIIe les écrivains eux-
mêmes ne souhaitaient pas présenter le texte en préface comme un roman. Chateaubriand pareil, dit
que René ou Atala sont un sorte de poème, moitié descriptif, moitié dramatique. On doit le penser
au XIX comme un processus en continuel développement. Ce qui pourrait le définir, ce n'est ni son
contenu ou sa forme, par trop variables, mais son énergie, une tension vers des fins d'abord obscures
puis vers un programme idéologique et esthétique lentement élaboré. Histoire d'un désir, d'une
volonté, celle du vraisemblable (nouveau, délivré des règles traditionnelles de l'art classique).
Projet moderne de représentation de l'homme et du monde. Le réalisme, certes important, n'est
qu'un aspect d'un intérêt général pour le réel qui touche tous les arts. Il faudrait plutôt parler de
roman de représentation mimétique plutôt que de roman réaliste.
Aux origines de la représentation romanesque moderne : Mutation du roman du XVIIe, encore
largement inspiré des romans de chevalerie, d'aventure extraordinaire. Une tendance se dessine vers
la représentation vraisemblable de la vie réelle, et enseignement moraux. Déjà idéal/perspective
présent dans Crébillon : roman = tableau vraisemblable de la vie humaine, montrer l'homme tel qu'il
est, selon raison et convenances. Déjà chez Abbé Prévost (Manon Lescault) ou Marivaux (Le
Payson Parvenu). Le roman montrera le vrai pour enseigner le bien (grâce à l'illusion du
vraisemblable) (perspective morale importante). Le roman se rattache désormais à un lieu, une
histoire, une société. // Histoire.
Constante du roman : peindre l'homme et ses passions. Balzac le dira dans l'avant-propos de la
Comédie Humaine : « la passion est toute l'humanité. » d'où l'importance de mettre des
circonstances dans lesquelles s'exerce la passion (plus de cadre fantaisiste). Influence de Rousseau
pour l'étude des secrets du cœur humain. Goût de la confession, très présent à l'époque romantique :
lien avec un spectacle de la nature sauvage, double des élans du cœur : archétype du héros rêveur et
souffrant : René. Etre du secret, de la honte cachée d'un amour interdit, homme du paradoxe, à la
fois sensation du vide, du néant, mais aussi de l'excès, d'un débordement passionnel
(« surabondance de vie »). Le tragique de René comme de ses semblables est d'être un homme
de désir, mais d'un désir indéfini qui s'annule dans l'excès même de son expansion. La
mélancolie de René, aristocratique, est appelé à une grande fortune dans l'avenir des Lettres
(Goethe,Werther, Sainte Beuve, Frédéric etc...) Crainte des femmes chez Chateaubriand (qu'on
retrouve chez Flaubert) à qui on attribut la molesse de la pensée virile... (discours en vogue dans les
salon du XVIIIe). Jamais le nombre de romancière n'a été si élevé qu'aux alentours de 1800. Mme
de Staël domine la vie intellectuelle littéraire. Son apport fondamental est celui des essais critiques :
examine la littérature d'abord dans le passé, puis l'avenir, fidèle à l'esprit progressiste des
philosophes du XVIIIe : annonce l'avènement d'une littérature démocratique (dans De la littérature).
Puis ouvre la culture française aux influences du Nord. Fonde la création littéraire sur deux
principes apparemment antagoniste : la mélancolie et l'enthousiasme.
Cette alliance de principes au fondement de l'esthétique romantique rejoint l'alliance de l'invention
et de l'imitation du réel qui se conjoignent dans le roman.
Insistance sur la force des « détails » pour peindre les différents mouvements du cœur humain
l'ambition, l'orgueil, l'avarice, la vanité... Le roman doit tjs produire son effet dans le champ de la
« moralité ». Mais le détail n'aura pas la même fonction chez Balzac que chez Staël (pour qui il n'est
qu'un élément renforçant l'illusion). La pensée de Staël, avec cette perspective moralisatrice, est à
cheval entre les deux siècles.
En tout cas importance de l'invention et de l'imitation du réel.
Vers la représentation réaliste
Révolution de la notion de vraisemblable. La vraisemblance classique supposait une conformité
entre l'objet représenté et l'idée que nous en avons, d'après nos propres expériences. Inséparable des
conventions et des préjugés qui règlent la vie morale et sociale. Elle référait, non à un réel, mais à
un système d'idées et à un discours. Proche de la doxa / et une rhétorique. Au contraire la
représentation mimétique moderne cherche à produire un vraisemblable, non d'idées, mais de
choses. Suppose en principe une transparence entre le monde et l'oeuvre. Mais telle transparence
impossible (objet de la critique du réalisme par Maupassant dans Pierre et Jean).
Le roman, genre bourgeois. Raison d'ordre historique et sociale de l'avènement de ce
vraisemblable moderne : la bourgeoisie devient une classe prépondérante et possédante : création
d'un système propre de valeurs, esthétiques, morales, métaphysiques aussi. Le roman de
représentation mimétique relève d'un projet général d'inventaire. « Tenir registre » comme disait
Rousseau des avoirs de cette classe. Constat d'un pouvoir naissant. D'où le héros parvenu typique
(Jacob de Marivaux). La bourgeoisie ne spécule pas encore, elle accumule, thésaurise, collectionne.
Le roman fera comme elle. Il lui emprunte également son esprit de sérieux : moins d'ironie, ou
d'humour. Très sérieux sera le roman feuilleton. // En lien aussi avec un roman qui se fait somme de
connaissances (plus d'éléments de savoir dans les Illusions perdues que dans Vingt mille lieux sous
les mers).
Puissance du modèle scientifique : deuxième raison du développement du roman de représentation
mimétique : le progrès rapide des sciences, surtout sciences naturelles ; Les sciences fournissent au
romancier un conception générale de son sujet. Balzac emprunte bcp d'idées à la zoologie, lit
Buffon. Tire l'idée première de la Comédie Humaine : une « comparaison entre l'Humanité et
l'Animalité. » (soutient une théorie plus vaste d'une analogie formelle entre le monde social et le
règne animal. Il doit selon Balzac, exister des « espèces sociales » comme des espèces animales.
Zola poussera plus loin l'élan scientiste du roman en se distinguant de Balzac, sous prétexte
d'utiliser une science plus rigoureuse. Reproche à Balzac d'être un moraliste et un sociologue plutôt
qu'un homme de science. Zola ne cherche pas à tirer de conclusion de ce qu'il ne veut qu'exposer
(les mécanismes internes aux agissements d'une famille).
La science en plus de proposer un projet, propose aussi une méthode : exactitude de l'observation,
objectivité de la description, totalité de l'investigation. Zola, dans Le Roman expérimental résume
sa méthode qu'il tient de Claude Bernard. Le roman sera donc expérimental comme la science
dans la mesure où il ne se contentera plus de la simple observation, mais fera de cette
observation le point de départ d'une « expérience », visant à confirmer une hypothèse de
départ. La part de l'imagination est donc très réduite. Ex : l'Assommoir (Gervaise partagée
entre Coupeau, ouvrier honnête) et Lantier (crapuleux)). Présente une logique de la dégradation en
lien avec l'hérédité. Mais on peut repérer évidemment une influence de l'expérimentateur qui a des
présupposés comme la « déchéance fatale », le caractère « corruptible » du peuple ouvrier. Zola
prend la contraposée du jugement optimiste des romantiques sur le peuple.
Mots clefs du naturalisme : enquête et documents qui renvoient non seulement à la science mais
aussi à l'histoire.
Au désir de la description objective se lie le désir de totalité issu de la science. D'où la tendance
parfois excessive de la description qu'on a pu reprocher à Balzac. Mais cette description est lié à la
volonté scientifique et au projet épistémique du roman / de la littérature.
La science offre aussi au roman de représentation mimétique des thèmes nouveaux, comme la
Nature, les animaux. Engendrement aussi d'un courant de vulgarisation (Jules Verne). Roman
d'aventure spirituel également (La Recherche de l'absolu / Bouvard et Pécuchet). Nouveaux
personnages aussi : le savant, parfois fou, l'ingénieur, l'inventeur, le médecin...)
Séductions du modèle historique : Etant donné que le roman de (RM) s'intéresse à l'homme dans
ses rapports à la société et à l'époque dans laquelle il vit, nécessaire rencontre avec le genre
historique. Walter Scott. Multigénérique selon Balzac : comédie, épopée, drame.. Notre Dame de
Paris sera le fruit romanesque de cette lecture hugolienne de Walter Scott / comme Cromwell en
fruit dramatique. Balzac sera ainsi antiquaire, peintre, collectionneur et archéologue du présent.
Conduit au développement du « roman chronique ». La chronique est une mémoire immédiate des
événements contemporains et familiers, une forme chaude de l'histoire. Parti pris libre, moins
objectif. Importance de la politique. (Stendhal Le Rouge et le Noir). Importance des personnages
secondaires pour représenter les différentes positions politiques / Stendhal est le premier à faire
passer dans le roman « l'actualité ». Regard nécessairement myope d'un témoin (Fabrice à
Waterloo). L'ironie devient alors le mode d'appréhension nécessaire d'un réel fragmentaire, mobile,
chaotique, sur lequel le héros n'a pas de prise. Le sens naît de la confusion même, de cette image
pessimiste d'une réalité fuyante, d'un humanité aveugle, d'une Histoire opaque, absurde mais
puissante et motrice.
// Education sentimentale. Ev de 1848 écrit entre 1864 et 1869. Vision aussi fragmentaire et
décousue (émeutes de février 1848, sac des Tuileries, journées de Juin).
Problèmes de la vraisemblance réaliste
La première expérience du romancier est celle du désordre. Cette entreprise de rassemblement, de
fixation par une série de tentatives descriptives localisées et juxtaposés qu'est le travail propre du
romancier, induit une esthétique particulière du morcellement, de l'énumération et de la focalisation.
Il s'agit pas de créer de vastes ensembles imaginaires mais de se fixer sur les petites aspérités du
réel. D'où parfois diminution du rôle de l'imaginaire (pour Zola, le romancier doit « cacher
l'imaginaire sous le réel ». Goût des petits faits.
La recherche de la vérité : L'horizon du roman au XIXe c'est la vérité. « L'âme de tous les arts »
selon Vigny. Dans cette recherche interviennent deux données importantes l'art et la morale. Le vrai
est souvent lié à la morale. Parfois naturalistes accusés d'immoralité. Zola s'oppose à la littérature
bien pensante en proposant les « leçons du réel ».
La vérité apparaît comme le produit d'une opération de transformation du réel dont l'oeuvre d'art
serait à la fois l'acteur et le théâtre. Proposition de distinction entre « réalité » (qui serait la matière
première de l'oeuvre) et de « vérité » (qui serait le résultat de l'opération). Plusieurs formes de
réalisme :
- Réalisme qualitatif : postule une différence de nature entre le réel et le vrai. Fait de la recherche
de la vérité une quête transcendantale (proche de l'idéalisme romantique). Opération de
sublimation du réel. Cette conception idéaliste du réalisme domine pendant toute l'époque
romantique et jusqu'à Flaubert. Elle suppose parmi les éléments du réel un choix lié à leur qualité
expressive ou symbolique. D'où pas d'accumulation de détails, un simple regard parfois suffit à
peindre un caractère (selon Staël). Propre de Balzac aussi : suppose un choix et une concetration
des éléments que le romancier tire du réel morcelé. « Le propre de l'art est de choisir les parties
éparses de la nature, les détails de la vérité, pour en faire un tout homogène, un ensemble
complet » : les notions d'homogénéité et de totalité sont importantes. « Qu'est-ce que l'Art
monsieur ? C'est la Nature concentrée » dit d'Arthez à Lucien. La poétique balzacienne est
donc celle d'une concentration de la réalité. Ex dans la conception balzacienne du type, « la réunion
des traits de plusieurs caractères homogènes. » « modèle du genre ». Non seulement les hommes
mais aussi les événements principaux de la vie se formulent par des types. Un processus de
généralisation et d'éternisation conduit, à partir d'un élément limité du réel, à une vérité
universelle. (principes des correspondances baudelairienne). Mais combinaison nécessaire afin
que ce ne soient pas slmt des essences vides, avec les réalités du monde sensible, génératrices de
l'énergie et de l'intérêt romanesque.
Flaubert est un cas d'étude intéressant car il appartient aussi à ce réalisme qualitatif mais de façon
ambigüe. Le projet de description minutieuse du réel ne peut se séparer d'un travail aussi de
transformation de ce réel même.
- Réalisme quantitatif : cherche lui à accumuler les éléments de la réalité plutôt qu'à les
transfigurer. Zola. La vérité dans ce cas, c'est le sens du réel, grande prétention à la transparence.
Mais aussi don de rendre la nature avec « intensité » : ambiguïté jamais levée. Zola se proclame à la
fois savant et artiste. L'écrivain doit paradoxalement préserver une « subjectivité créatrice », un
point de vue artiste sur le monde.
Allusion à la photographie : Zola, Baudelaire, Flaubert, Champfleury, Gautier sont contre, ce
procédé étant pour eux le contraire de l'art. Souci du style est une constante chez les réalistes.
L'écriture artiste créée par les Goncourts. Le vraisemblable moderne est une image, à la différence
du vraisemblable classique qui est une idée. Il s'agit de produire une image visible, de faire voir  et
non plus seulement faire comprendre ou rêver. Véritable révolution dans la littérature. On passe de
l'adjectif « charmant » chez Prévost, à la description détaillée. Le regard est la condition du
vraisemblable, qui est la version réaliste (bourgeoise) de la vérité. D'où la métaphore du miroir.
Développement technique aussi qui a contribué à cette esthétique de la représentation visuelle : le
panorama, la photographie.
D'où un rapprochement aussi avec l'esthétique picturale. Cela permet de produire, grâce à la
description, un fort effet d'actualisation et permet de donner du relief à la représentation sociale des
caractères. Non seulement une visualisation forte apportée par ce procédé mais aussi un surcroît de
dramatisation, par rapport au roman sentimental ou psychologique du siècle précédent. La mise en
image devient ainsi mise en scène. Diderot faisait déjà se rapprocher le théâtre et la peinture.
Tableau réunit roman et théâtre. Le mot « scène » permet de désigner les différentes subdivisions
d'un roman (Balzac, d'où le titre lui-même Comédie humaine). Zola est peut-être celui qui se
rapproche le plus du théâtre. Conçoit ses scènes comme de véritables drames. Equivalence de la
description en régime réaliste et de la décoration théâtrale. On constate d'ailleurs que les frontières
sont poreuses (romanciers comme Flaubert qui s'essayent au théâtre, des mélodrames de Pixéricourt
qui sont adaptations de romans noirs etc...) Personnage de Robert Macaire, dans l'Auberge des
Adrets. (Mélodrame d'Antier, interpréter par Fréd Lemaître).
Seule ligne directrice parmi cet assemblage confus qu'est le roman au XIXe est la tendance à la
représentation mimétique du réel. Centrage sur la question de la mimésis. Mais aussi travail de
fiction et de fabrication donc. Leçon de Barthes au Collège de France : l'histoire de la littérature se
ramène à celle des expédients employés par les écrivains pour se masquer à eux-mêmes et
dissimuler à leurs lecteurs cette idée angoissante que le réel n'est pas représentable, parce qu'il n'y a
pas d'adéquation entre l'ordre unidimensionnel du langage et l'ordre pluridimensionnel de la réalité.
Le désir de réel est un désir de l'impossible. Mais c'est de cette impossibilité que la littérature tire
son énergie. Et l'instrument de cette victoire, c'est l'imagination.
FAIRE VIVRE

XXe siècle

Chapitre I : l'ère du soupçon


si de nombreux historiens font commencer le xx e siècle apres la guerre, la chronologie n'est pas la
même d'un point de vue esthétique : les années 1904-1914 sont parmi les plus innovantes du XXe
(futurisme, modernité (apollinaire), cubisme, abstraction.)
Année 1898 : importante, date de publication de J’accuse, et mort de Mallarmé. Tout le XXe siècle
se positionnera sur pour ou contre Mallarmé (symbole de la poésie pure, de l’absolu littéraire).
Importance de Bergson dans la remise en cause du cartésianisme. Faux monnayeurs André Gide,
allusion à Jarry père de toutes les subversions : naissance d’une littérature anti-littéraire, ou anti-
littérature, refus du théâtre de l’illusion et de la belle langue, libérant l’image de toute signification.
Autre début possible : la révolution scolaire en 1902 ; fin du naturalisme (mort de Zola). Thibaudet :
langues anciennes, culture humaniste cesse des marques imminentes de la culture.
Réflexion globale sur l’histoire de la littérature : Selon Thibaudet, historiens littéraires distinguent
trois procédés de datation, les Siècles, les Epoques, la Tradition. Epoque : modèle de Brunetière
(époques datées par des événements littéraires (ou avènements). Tradition : selon Nisard, la
littérature est l’accomplissement téléologique d’une essence. Siècle : modèle de Lanson : la
littérature française est une succession d’empires renversés par des guerres etc…
Fil rouge : Mallarmé. Le XXe siècle dépend de l’avènement littéraire que fut l’œuvre de Mallarmé.
L’idée de littérature se transforme aussi : débat entre littérature « réelle » et littérature suprême (La
soirée avec M. Teste de Paul Valéry).
5 générations : 1898, 1914, 1945,1968 et 1989.
Difficulté d’étudier les genres qui se décomposent très rapidement après leur avènement à la fin du
siècle précédent.
Reformulation de la querelle des anciens et des modernes : entre l’ordre et l’aventure selon
Apollinaire.
Surtout le XXe siècle se distingue en particulier par la prise de conscience progressive du « champ
autonomne de la littérature », passant par un questionnement sur la littérature elle-même, son utilité,
sa place dans le monde. « J’écris par faiblesse » disait Paul Valéry. Principe aussi de l’autotélisme
‘un message sans code, ou un message qui est son propre code » disait Levi Strauss.
Au début du siècle, les formalistes russes faisaient de la défamiliarisation le principe de la littérarité.
Même chose avec Bourdieu et la notion d’autonomie.
Chapitre II : Conditions de la littérature au tournant des siècles
Entre 1898 et 1913 : crise et accélération.
Influence de Mallarmé : il ne défendait pas l’art pour l’art, mais une métaphysique de la littérature
et aussi une éthique, à la fois individuelle et sociale, distinguant la parole essentielle de la parole
brute, cet exercice esthétique ayant pour fin la jouissance de l’art par opposition au commerce
pratique. Apres M. la poésie se signale par un retour à un classicisme « moderne ».
Apres le positivisme : baisse du rationalisme et du déterminisme, le scientisme du XIXe incarné par
Taine et Renan. Ils seront suivis par Anatole France (rationalisme de Renan) ou Barrès
(déterminisme de Taine) mais contredits par Péguy se réclamant de Bergson. Retour aux données de
l’intuition, coincidence immédiate et spontanée permettant d’atteindre. La durée se distingue du
temps qui est une représentation mathématique et spatiale. L’intuition est « sympathie par laquelle
on se transporte à l’intérieur d’un objet pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et d’inexprimable ».
Elle nous permet de saisir ce qu’est la durée. Le temps réel est la durée, dimension de la conscience.
Cette philosophie s’accompagne aussi d’une remise en cause du langage : dont les catégories ne
peuvent communiquer que ce qui nous est commun. Langage impuissant à communiquer notre
psychisme profond et le réel objectif. L’art sert justement à remédier au défaut du concept et du
langage.
Influence aussi de Schopenhauer chez Proust, Sartre, Céline et Beckett. Monde privé de sens,
absurdité de l’existence. La littérature avec Bergson et Schopenhauer se méfie du langage comme
concept et ne cherche plus à copier le réel, mais à atteindre une connaissance subjective et intuitive
du monde. Enfin influence de Nietzsche (critique de l’utilitarisme de la morale dominante) / et
Freud.
Après la rhétorique : influence de l’école, du système scolaire républicain, qui privilégie une
littérature de morale, à vocation sociale. Lien entre la littérature et la vulgarisation : Hachette, livres
bon marché. Entraîne aussi la disparition de la culture rhétorique. Le but est de former des
professionnels de tous niveaux et non plus des amateurs privilégiés : Gustave Lanson, auteur d’une
Histoire de la littérature française. La méthode de l’histoire est plus démocratique que celle de la
rhétorique. Opposition entres les humanistes classiques, et la « Nouvelle Sorbonne » (influence
allemande de la philologie). Décret de 1902 sur l’égalité de sanction entre le bac moderne et le bac
classique. D’où diminution de la culture classique : forge de nouveaux écrivains. La division entre
les classiques et les modernes, avivée par la réforme de 1902 restera une donnée majeure de la
première moitié du siècle, car l’école changera peu jusqu’aux années 1960.
Incompatibilité entre la vie sociale et la vie littéraire (ex : Proust, différence entre le moi intérieur et
le mois mondain).
Malgré l’autonomisation du champ littéraire (Bourdieu), certains ponts reste : Prix Goncourt,
tranche avec le moralisme classique de l’Académie française et unifie les goûts de l’élite et du
grand public –premier prix 1903.
Importance des revues svt avant-garde, banc d’essai pour une littérature peu soucieuse de
rentabilité. Sont aussi un lieu d’échange qui contribue à l’internationalisation de la littérature.
Certaine alliance avec le commercial et la littérature par développement des maisons d’éditions
style Gallimard, Grasset. Publicité, relations publiques, coups, rivalité, course au prix : influence la
production littéraire.
Anatole France : écrivain républicain (modèle de Bergotte chez Proust) laïque, dreyfusard, est
modèle de l’écrivain et de l’intellectuel engagé sans renoncer à son scepticisme humaniste.
Tradition des Lumières.
Chapitre III : Classique ou Moderne : du symbolisme à la NRF et à l’esprit nouveau
A la fin du symbolisme, division entre le naturisme et le classicisme moderne. La mort du
symbolisme fait naître un désir d’entre deux entre l’isolement et le vulgaire (but de Proust). Mais
reconnaissance de Mallarmé progresse. Le symbolisme, recherche épurée de l’idéal, privilégiait les
représentations mythologiques des désirs humains, par exemple Narcisse, ainsi que les
constructions poétiques fragiles et compliquées, traits désormais associés à la fin de siècle. La
Nature et la Vie sont opposées au Rêve et à l’Idéal. Telle est la crise intellectuelle de l’année 1898  :
face à l’idéal et à la pureté, en réaction contre la décadence, et non sans sympathie pour les
anarchistes, s’affirme le besoin d’agir, comme si l’action devait guérir du rêve.
Le nouveau classicisme condamne le romantisme, qui mettrait trop l’accent sur l’individu, la
sensibilité et le moi au détriment des valeurs universelles et rationnelles. L’art doit être respect de la
tradition. Anna de Noailles. Jammes.
La renaissance classique reste à l’ordre du jour jusqu’à la guerre. Lié au renouveau politique autour
de Maurras, plus influent que le traditionalisme de Barrès. Revue Les Guêpes. S’interroge sur une
littérature nationale, dénoncent le cosmopolitisme.
« L’esprit nouveau » se développe d’abord dans la revue d’Apollinaire le Festin d’Esope, qui réunit
des théoriciens et artistes, peintres notamment, Paul Fort ou Max Jacob, Vlaminck et Derain. Jarry
également. Critiques du lyrisme élégiaque à la mode, ils font de la mystification, de l’humour et de
la surprise le ressort d’une esthétique discordante qui libère l’expression poétique et l’image de
toute signification / autonomie totale de l’expression, sans contrainte logique / analogique.
Fondation de la revue NRF. Défend haute littérature mais hostile à l’orthodoxie symboliste et
intellectualisme de Gourmont. Contre mélange politique / littérature, contre esthétisme syboliste, la
mondanité ou la virtuosité, elle ne se veut qu’exclusivement littéraire. Groupe préparation avec
GIDE. Querelle du premier numéro autour de Mallarmé. Deuxième numéro sur une identité de vues
entre les tenants d’une esthétique littéraire pro artisanat, et ceux de l’inspiration. Gide renvoie dos à
dos les partisans du classicisme nationaliste et ceux du romantisme social. Universalisme : défend la
seule valeur littéraire. Le souci éthique et l’investissement spirituel déterminent une littérature
d’affirmation mais non politique. Idée essentiel de « métier » : l’artiste est un homme de son temps,
travaillant dans la durée et sans souci de gloire, éloigné des préoccupations du marché littéraire.

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