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Novembre 2023

Numéro 1

Lumière sur...
La crise du logement en France
Comprendre et lever les blocages actuels
La crise du logement en France - 2

La crise du logement en France


Comprendre et lever les blocages actuels

Odile Dubois-Joye

Géographe-urbaniste, Odile Dubois-Joye est la directrice des études de l’ANIL. Elle enseigne les politiques de
l’habitat à Sciences Po Paris. Elle est spécialiste de l’analyse du fonctionnement des marchés de l’habitat et
de l’évaluation des besoins en logement.

-logement de la population privilégiera l’accès au logement en

L’
du
ensemble des acteurs du
logement relaie une crise
logement
n d’une ampleur
nouvellement arrivée,
particulièrement les populations
ouvrières. Les lois Siegfried en
et plus instaurant les aides à la personne
(c’est-à-dire
destination des
des aides
ménages
à
et
inédite depuis 30 ans. 1894, puis Loucheur en 1928, notamment des plus modestes
La crise du logement définit une répondaient à l’objectif de mieux pour contenir leurs niveaux de
situation de pénurie, c’est-à-dire loger les classes populaires, en dépenses en logement). Depuis
une situation où les ménages fondant pour l’une le mouvement les années 70, la « crise du
éprouvent des difficultés à se HLM, pour l’autre, les politiques logement » n’est plus tant celle
loger dans des conditions nationales de planification de de la quantité que des effets de la
satisfaisantes, en raison d’une construction et d’aides à la pierre sélectivité du marché. À partir des
offre insuffisante de logement au (soit des aides venant soutenir années 80, les politiques du
regard de leurs besoins. La financièrement l’effort de logement se sont enrichies d’une
pénurie peut également se construction sous forme de dimension sociale pour garantir
constituer en raison d’une offre subventions ou de prêts) en « vue l’accès au logement des plus
insuffisamment accessible. Il s’agit de remédier à la crise de fragiles, corriger les inégalités
des ménages pour qui les l’habitation ». La crise de 1929, d’accès au logement et favoriser
logements sont devenus trop puis la Seconde guerre mondiale la mixité sociale. Les différents
chers par rapport à leurs revenus, empêchent la loi Loucheur de textes de loi en faveur du
amplifiant ainsi les inégalités produire ses effets. Aux logement portent ces trente
d’accès au logement. La lendemains du conflit mondial, la dernières années des mesures de
résorption de la crise du logement crise du logement est aggravée solvabilisation des ménages, via le
justifie des politiques publiques par les destructions massives et la soutien à la production de
pour rééquilibrer l’offre et la pression démographique du baby- logements sociaux et
demande afin de mieux satisfaire boom. La résorption de la pénurie intermédiaires, la régulation du
les besoins en logements. de logement est une priorité marché locatif ou encore
nationale, dont découleront les l’exercice du droit au logement.
Les politiques du logement ont grandes politiques de planification Cependant, la bonne satisfaction
émergé dans la seconde moitié du de construction et de financement des besoins en logement a pu
XIXème siècle pour résoudre la du logement initiées par le Plan passer ces dernières années au
crise du logement qui frappait les Courant de 1953. Au seuil du second plan face aux enjeux de la
villes, suite à l’exode rural massif, premier choc pétrolier, la pénurie rénovationnénergétique,ncomman
dont les symptômes étaient le mal n’est plus, et la réforme de 1977 -dée par l’urgence climatique.
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Le graphique réalisé par le de la loi Loucheur, puis celle du atteint un niveau record,
chercheur Alexandre Coulondre, Plan Courant. L’usage du vocable soutenues par des taux d’emprunt
et reproduit ci-dessous, est à cet « crise du logement » décline ces historiquement bas. Mais le retour
égard éclairant : il repère les 20 dernières années, nonobstant de l’inflation a démontré la
occurrences de l’expression « l’artefact de la crise immobilière fragilité de l’équilibre offre-
crise du logement » dans les des subprimes. demande et sa vulnérabilité au
ouvrages de langue française contexte macro-économique, et a
depuis plus d’un siècle. La crise En 2020, la crise sanitaire n’a pas ré-invité la crise du logement dans
du logement a été largement provoqué de crise immobilière : le débat politique.
pointée au moment de l’adoption dès 2021, les transactions ont
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L’effet ciseau du marché de l’achat-vente

Les comptes du logement de Évolution de la part des différents postes de consommation dans la
l’Insee mesurent la part que dépense totale de consommation des ménages (1971 – 2021)
représente le logement dans les Source : les comptes du logement - Insee
dépenses des ménages. Au début
des années 70, cette part
représentait 18% des dépenses
des ménages, soit une part
légèrement inférieure à
l’alimentation. En 2022, elle
s’élève à 28%, soit dix points de
plus. La part des dépenses
consacrées au logement a donc
progressé de 1% par an en
moyenne depuis 50 ans. Les
autres postes observent une
certaine stabilité, si ce n’est la
prépondérance des coûts de
transports par rapport à ceux de
l’alimentation à partir des années
80.

La place croissante du logement dans le budget des ménages est à relier à une augmentation plus rapide des
prix des logements que le revenu disponible des ménages. Au début des années 2000, les prix des logements,
tout segment confondu, ont commencé une ascension rapide. La crise de 2008 l’a ralentie, sans pour autant
inverser durablement la tendance. La baisse liée à la crise économique en 2008-2009 a été en effet de courte
durée (cinq trimestres) et la reprise en 2010-2011 a été forte, notamment en Île-de-France. La crise COVID n’a
pas estompé la tendance haussière, voire l’a intensifiée.

Entre le 1er trimestre 2001 et 2e Évolution comparée des prix des logements anciens et des revenus
trimestre 2020, selon l’Insee, les disponibles des ménages
prix dans l’ancien ont été Source : Insee, Notaires de France
multipliés par 2,3 en Hexagone et
par 2,6 en Île-de-France, contre
1,3 à 1,4 pour l’indice des prix à la
consommation, les loyers ou le
revenu disponible brut par
ménage. Ainsi, lorsque l’on
rapporte les prix des logements
dans l’ancien au revenu brut des
ménages, il fallait 2,5 années de
revenus pour devenir propriétaire
en 1965, taux resté globalement
stable jusqu’en 2000. Ce ratio a
ensuite augmenté tout au long
des années 2000 et 2010. Il faut
désormais consacrer 4,5 années
de revenus en moyenne pour
acquérir un logement.

Mais en 2022, le contexte géopolitique et le retour de l’inflation à un taux supérieur à 5% ont stoppé la
dynamique immobilière.
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La construction neuve chute à Nombre de logements commencés par trimestre en moyenne


l’échelle nationale, pour atteindre triennale glissante en France (hors Mayotte)
en 2023 le niveau observé lors de Source : Sit@del, date réelle
la crise sanitaire… alors que
l’appareil de production était à
l’arrêt. Dès la sortie du
confinement, la construction a
rebondi. Mais en 2022, la hausse
du prix des matériaux et des
énergies a entamé la rentabilité
des opérations, qui se
commercialisent plus difficilement.
Ainsi, l’indice des prix de la
construction a augmenté de 6%
au cours de l’année 2022. Or,
dans la même période, la
solvabilité des ménages a diminué
sous l’effet de la hausse rapide
des taux d’emprunt.

Évolution comparée des taux, des prix de l’immobilier et de la capacité d’emprunt des ménages
Source : indicateur des taux de l’ANIL, Notaires Ile-de-France

Capacité d’emprunt

Prix immobiliers

Taux min
Taux max

L’ANIL produit depuis le début des années 90 un indicateur des taux, qui permet de retracer leur évolution trimestre par trimestre. Le
graphique croise l’évolution des taux avec l’évolution des prix (tout marché confondu) et la capacité d’emprunt (hypothèse d’une
mensualité de 1.000 €/ mois pour un prêt de 15 ans).

Au début des années 2000, les ménages emprunteurs dans un contexte d’augmentation rapide des prix.
ménages empruntaient à des taux Ils ont ensuite remonté lors de la crise des subprimes, obérant la
compris entre 6 et 7%. Ces taux capacité d’emprunt des ménages. La conséquence est une baisse des
ont baissé jusqu'en 2008, prix immobiliers. Cependant, comme évoqué ci-avant, cette crise a
améliorant la solvabilité des renversé temporairement la tendance à la hausse amorcée au seuil des
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années 2000. Les prix ont renoué des ménages atteint un plafond professionnels de l’immobilier. La
avec une trajectoire ascendante, de verre, d’autant plus que principale cause est la difficulté
soutenue par le reflux de l’augmentation d’autres postes de croissante des ménages à
l’inflation et la contraction dépenses, en particulier les financer leur projet d’acquisition,
continue des taux d’intérêt. Ces charges énergétiques, fragilisent dont les premiers signes d’alerte
derniers ont atteint à partir de les équilibres budgétaires des avaient été donnés mi-2022 avec
2019 des niveaux très bas : les ménages français dans un la recrudescence des prêts
taux se négocient autour de 1%. contexte d’inflation rapide. usuraires.
De telles conditions financières
ont élargi la capacité d’emprunt Les chiffres de l’observatoire de Mais ces signaux, encore faibles,
des ménages ; elles ont contribué Crédit Logement sont à cet égard étaient sous l’ombre portée de la
directement à la croissance des très parlants. En octobre 2023, la production « record » de crédits
prix, rapide entre 2019 et 2022. Le durée moyenne des crédits est de post-covid, malgré le
recours au Prêt à taux zéro (PTZ) 253 mois, soit « à un niveau durcissement des conditions
a été moindre ces dernières rarement observé par le passé » d’octroi des prêts. À l’automne
années en présence de taux selonnl’Observatoire. 2023, l’effet ciseau provoqué par
pouvant être négociés parfois à L’allongement des durées la hausse des taux a mis à l’arrêt
moins de 1%, au-delà des d’emprunt est une condition pour le marché de l’achat-vente : le
évolutions réglementaires qui ont obtenir des taux d’effort nombre de transactions
pu jouer sur le niveau de acceptables et soutenables. s’effondre, les délais de vente
sollicitation. L’Observatoire note une s’allongent, le stock de logements
déformation de la structure de à la vente augmente, et les
Le retour de l’inflation en 2022, production du crédit. Malgré vendeurs les moins pressés ont pu
selon un niveau inobservé depuis l’augmentation de la durée retirer leur bien des annonces.
20 ans, a eu un effet immédiat sur moyenne des crédits, la part des Les potentiels acquéreurs sont
les taux directeurs de la Banque crédits plus courts se renforce plus hésitants, et attendent une
Centrale Européenne, qu’elle a dans le volume des prêts amélioration de la conjoncture
relevés continument entre juillet octroyés. Cette évolution traduit (baisse des prix, meilleures
2022 et octobre 2023. Les le poids plus important de l’apport conditions d’emprunt). La dernière
banques ont augmenté de personnel dans le financement publication sur la conjoncture
manière symétrique et synchrone des projets immobiliers pour immobilière du SDES mesure le «
les taux des crédits immobiliers, limiter le recours à l’emprunt ; repli rapide » des transactions
pour atteindre la barre des 4% à l’accès au crédit ces derniers mois dans l’ancien (-6,4% entre le T2
l’automne 2023. La hausse des était en effet plus favorable aux 2022 et le T2 2023). Si la baisse
taux a réduit la capacité secundo-accédants (ménages des prix et la stabilisation des
d’emprunt des ménages de 13%. ayant déjà constitué un premier taux constatées en octobre 2023
Les prix immobiliers, qui avaient patrimoine immobilier). La ouvrent des perspectives de
atteint un point haut, se sont production de crédit a chuté de reprise en 2024, celle-ci sera lente
stabilisés courant 2022 et ont 44% entre octobre 2022 et et restera vulnérable au contexte
entamé une baisse en 2023. Mais octobre 2023. Le coût des économique. Les répercussions
ils ne sont pas ajustés dans des opérations réalisées recule par sur l’ensemble de la chaîne du
proportions équivalentes, le temps ailleurs, les ménages se reportant logement, et en particulier sur le
de réaction du marché immobilier vers des biens moins chers segment locatif, interpellent
étant soumis à une certaine lorsqu’ils n’abandonnent pas leur cependant. En effet, la vitesse à
inertie. projet. laquelle l’accès aux logements
locatifs s’est crispé est révélatrice
Ces évolutions récentes, Le volume de transactions dans d’une insuffisance de l’offre
remarquables par leur rapidité, l’ancien recule à compter de mi- antérieure à la crise immobilière
viennent conclure un cycle 2022. C’est le premier symptôme de 2023.
haussier. Les taux historiquement du ralentissement du marché dans
bas ont rendu soutenables des l’ancien, qui a préludé la baisse
prix immobiliers élevés. Le poids des prix aujourd’hui constatée par
des mensualités dans le budget l’ensemble des baromètres des
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La crispation du marché locatif

En préalable, il convient de de domicile présente un côté impératif, comme dans le cas de divorces
rappeler que le parc locatif est de ou de mutations professionnelles, les ménages peuvent se reporter vers
plus en plus sollicité dans la le parc locatif compte tenu d’une conjoncture défavorable à l’accession
réalisation des parcours à la propriété. Cette pression assèche l’offre disponible, et le marché
résidentiels. Ceux-ci ne sont plus locatif est devenu étroit pour certaines catégories de ménages, dont les
linéaires et sont davantage étudiants. La presse s’est fait l’écho de situations où des étudiants ont
constitués d’aller-retours entre le dû renoncer à leur choix universitaire faute de trouver un logement à
statut de propriétaire occupant et proximité de leur lieu d’études.
celui de locataire au motif de
ruptures familiales, de mobilités Ce tarissement du flux rend d’autant plus sensible l’érosion du stock de
professionnelles, ou encore de logement locatif : la rapidité avec laquelle la pénurie locative s’est
nouveaux souhaits résidentiels constituée est symptomatique de la fragilité de l’équilibre offre-demande
(par exemple, des seniors qui du marché locatif qu’ont pu masquer des années d’accession
renouent volontiers avec le statut [relativement] facile.
de locataires, comme le montre
l’étude publiée par l’ANIL en mars Évolution du volume d’annonces de logements proposés à la
2023). location (location vide)
Source : Annonces locatives, d’après Carte des Loyers, traitement ANIL
Les professionnels de l’immobilier
alertent sur la pression
grandissante dans le parc locatif,
du fait du tarissement de l’offre
de logements disponibles. Le
stock d’annonces de logements
proposés à location, trimestre par
trimestre depuis 2019 jusqu’au
printemps 2023, s’érode en effet
depuis 2022. L’ANIL a pu établir
ce constat à partir du volume
d’annonces locatives qu’elle
exploite pour réaliser la carte des
loyers.

Cette diminution du volume


d’annonces est le symptôme La crispation du marché locatif affecte tous les segments locatifs, et
d’une moindre mobilité dans le donc, également le parc locatif public. Fin 2022, les indicateurs de
parc locatif privé : l’offre tension dans le parc social sont exacerbés. La mobilité au sein du parc
disponible se constitue social diminue. Or, la mobilité développe des capacités d’attribution
principalement à partir du flux, et supérieures à la construction neuve. En 2020, la mobilité avait été gelée
celui-ci est majoritairement par la crise sanitaire. Si elle remonte au 1er janvier 2022, elle plafonne à
alimenté par les logements libérés 8,5% au plan national, soit un niveau inférieur aux taux mesurés avant la
par leurs occupants. Or, les crise sanitaire. Cette baisse s’observe dans tous les types de marché,
difficultés d’acquisition tendent à qu’ils soient « tendus » ou « détendus ».
bloquer les sorties du parc locatif,
dont l’augmentation des loyers a
été très modérée dans les zones
tendues après des années d’IRL
bas.

Les mobilités de confort sont


différées. Lorsque le changement
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La vacance conjoncturelle s’est Évolution du taux de mobilité et du taux de vacance dans le parc
également contractée. De social (France entière)
manière concomitante, l'Union Source : RPLS au 1er janvier 2022
sociale pour l'habitat (USH)
comptabilise 2,4 millions de
demandeurs de logement social
fin 2022, soit une progression de
7% comparé à l’année
précédente. L’USH qualifie ce
niveau de « record ». En six ans,
la file d’attente aurait augmenté
de 370.000 demandeurs (soit de
18%).

Cette évolution est à mettre en Évolution du nombre de logements sociaux financés entre 2010 et
perspective avec une diminution 2021
annuelle de 3,2% des agréments Source : bilan des logements aidés, Sisale, novembre 2022
de logements nouveaux en 10
ans, qui s’est accentuée à
compter de 2016. En cinq ans,
524.561 logements sociaux ont
été agréés, dont un quart sont
des PLS (logements attribués aux
candidats locataires ne pouvant
prétendre aux locations HLM,
mais ne disposant pas de revenus
suffisants pour se loger dans le
privé). Les freins à la construction
sont d’abord le manque de foncier
disponible. Mais ils sont aussi
d’ordre économique : le coût de
revient de la construction des
logements augmente, et les
bailleurs puisent davantage dans
leurs fonds propres pour financer Cet affaiblissement de la production est antérieur aux difficultés de
les nouvelles opérations. Or, ils 2022, mais le déficit accumulé contribue à augmenter la pression sur le
gèrent un patrimoine en grande parc existant, qui s’exacerbe avec la crispation du marché locatif privé.
partie construit il y a plus de 40
ans, qu’ils doivent réhabiliter. Les La relance de la production de logements revient dans le débat public à
bailleurs sont ainsi confrontés à la suite d’une évaluation rendue publique en septembre 2023 du besoin
un arbitrage croissant entre la annuel de production de 198.000 logements sociaux d’ici 2040, soit 38%
rénovation d’un parc vieillissant, du besoin global en logement identifié.
et le développement de leur
patrimoine.
La crise du logement en France - 9

niveau de construction en 2023 restaurer la capacité d’emprunt

L’ n
a France est en présence
d’une crise du logement
qui a cristallisé dans un contexte
atteint un point historiquement
bas, qui fragilise la filière du
bâtiment. Cette baisse de la
des ménages, en particulier les
primo-accédants.
terme, l’intensification
À plus
et
long
la
de crise internationale ayant des construction agit directement sur diversification de l’accession aidée
répercussions économiques. Mais la diminution de la production sont à encourager localement
elle révèle une pénurie locative, qu’elle soit privée dans les documents de
structurelle, liée à une lente (l’investissement locatif s’oriente programmation tels que les
érosion de la production locative, majoritairement vers le neuf) ou Programmes locaux de l’habitat et
en partie masquée par le publique (les agréments de leur traduction dans les Plans
dynamisme du marché de l’achat- logements sociaux ont reculé locaux d’urbanisme.
vente soutenu par des taux sensiblement en 10 ans).
historiquement bas. En parallèle, une attention
En outre, la construction neuve particulière doit être accordée au
Si l’on devait cartographier la n’est pas l’unique contributeur à parc locatif, dont le rôle est
crise, l’accession à la propriété la mise sur le marché de déterminant pour l’accès au
est en panne sèche, en particulier logements permettant la logement. La crispation actuelle
pour les primo-accédants, privés réalisation des parcours du marché locatif montre à quel
d’accès au financement par résidentiels : l’absence de mobilité point ce parc satisfait difficilement
l’emprunt. La hausse des taux des est également un facteur les besoins. Or, la production de
crédits immobiliers est à d’assèchement de l’offre. Or, la logements locatifs repose sur les
l’évidence le facteur déclenchant, mobilité est à l’étiage dans les investisseurs privés et publics, et
révélatrice cependant d’un parcs locatifs public et privé. Alors reste largement portée par des
désajustement profond entre les que le stock progresse lentement, programmes neufs éligibles aux
prix de l’immobilier et la solvabilité voire même recule dans certains dispositifs de défiscalisation. Il
des ménages et d’un équilibre secteurs où les locations existe pour autant un gisement,
offre-demande précaire. La saisonnières prennent des parts celui du parc vacant, qui a
situation a pu être désignée par de marché au détriment des progressé depuis 2008. En 2020,
certains comme une « locations longue durée. l’Insee dénombre 2.896.321
normalisation » du marché , logements vacants. La remise de
d’autres annoncent le crash Pour lever ces blocages, des 10% de ces logements vacants en
immobilier. Quoi qu’il en soit, le réflexions sont débattues dans location représenterait près d’une
marché est en proie à un effet différentes instances nationales. année de construction neuve. Le
ciseau qui a pu surprendre par la réinvestissement du parc reste un
vitesse à laquelle il a bloqué En premier lieu, les difficultés axe majeur de la satisfaction des
l’accès au logement sur d’acquisition plaident à court besoins en logement, en la
l’ensemble de la chaîne. terme en faveur d’un réconciliant avec l’impératif
renforcement des dispositifs de environnemental. La faible
La construction neuve suit une solvabilisation des ménages. Le mobilisation de dispositifs
pente descendante depuis une renforcement du PTZ (prêt à taux favorisant la remise en location de
dizaine d’années : entre 2000 et zéro) est un levier bien identifié logements vacants invite à
2010, 400.000 logements étaient par les pouvoirs publics, alors questionner leur attractivité, leur
commencés en moyenne par an. même que la tendance récente lisibilité auprès des potentiels
Entre 2011 et 2022, c’est 380.000 était à son resserrement. Le investisseurs et leur ciblage
logements qui étaient retour des prêts bonifiés est géographique. Une réforme du
annuellement mis en service. Le également une option pour Denormandie pourrait y
nn nnnnnn nnnnnnnnn
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contribuer, mais la mobilisation leur cible et leur intensité, et le niveau national, qui définit un cadre et
renforcée du dispositif fiscal doit des outils. Avant de créer de nouveaux outils pour mieux réguler le
pouvoir s’appuyer sur un marché, il convient d’inciter les collectivités à s’emparer de tous les
accompagnement des bailleurs outils à leur disposition pour réconcilier l’acte de construire avec celui
privés dans leur parcours de de réhabiliter. Il s’agit aussi de mener des actions adaptées aux enjeux
réhabilitation. Une enquête locaux. La nécessité de produire n’a évidemment pas la même acuité
menée par le réseau des ADIL dans des territoires dits tendus, où les effets de la crise du logement
montre que cet accompagnement sont plus âpres. Ce dernier point renvoie à la manière dont les politiques
dans le temps est indispensable ; du logement peuvent parachever leur décentralisation, en laissant aux
le réseau des ADIL pourrait y collectivités la possibilité de déroger pour expérimenter davantage en
contribuer. fonction de leur stratégie habitat et des ressources locales.

La satisfaction des besoins en Pour conclure, l’actualisation et l’harmonisation des zonages de la


logement reste contrariée par les politique de l’habitat apparaissent aujourd’hui indispensables pour mieux
effets sélectifs du marché propres prendre en compte les mutations sociétales qui agissent sur les besoins
aux zones tendues. Si le Pinel en logement et le fonctionnement des marchés locaux de l’habitat. Les
disparaît, il convient de maintenir paramètres de tension de marché sont autant structurels que
des leviers de production de conjoncturels. Une stabilité des dispositifs consacrés à l’amélioration et
logements intermédiaires, dans au développement du logement est par ailleurs souhaitable, pour leur
l’ancien comme dans le neuf, dans laisser le temps de produire leurs effets : les cycles de l’habitat sont des
les zones en déficit d’offre cycles longs.
locative abordable, notamment
pour les classes moyennes. Les
réflexions, comme celles
engagées autour du statut du
bailleur privé, sont à poursuivre et
concrétiser pour maintenir un
volant locatif suffisant, abordable
et de qualité.

Le parc social est saturé dans les


zones tendues. Cela suppose de
maintenir un effort de production
dans le cadre d’une
programmation nationale et sa
déclinaison locale, mais sans que
celle-ci devienne une injonction
paradoxale à la nécessité de
rénover un parc dont l’âge moyen
est 39 ans, et dont la moitié a été
construite il y a plus de 40 ans.

Enfin, la politique du logement est


une constante itération entre le
niveau local, où les tensions
d’accès au logement varient selon
n
Direction de la publication :
Roselyne Conan, Directrice générale.

Auteur :
Odile Dubois-Joye, Directrice des études.

Conception graphique :
Fabienne Jean-Baptiste, Responsable du pôle
communication et diffusion; Mariana Rodrigues,
chargée de communication éditoriale.

www.anil.org
www.observatoires-des-loyers.org

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