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Les
Les politiques
du logement en France
Les
Depuis les années 2000, le logement est redevenu un sujet de pré-
occupation majeur pour les Français. La forte hausse des prix de l’immobilier,
alimentée notamment par un déficit de constructions par rapport aux nouveaux
besoins, rend de plus en plus difficile le choix d’un lieu d’habitat et plus encore Les politiques
du logement
l’accession à la propriété. Face à ces défis considérables, les politiques du
logement sont jugées bien souvent trop peu visibles et pas assez efficaces.
En réalité, la complexité des politiques du logement mises en œuvre aujourd’hui
en France
est liée à la diversité des enjeux, parfois contradictoires, qui entourent toutes
les questions sociales et politiques liées à l’habitat. Comment assurer en effet 2e édition
le droit au logement tout en favorisant la mixité sociale ? Comment accompa-
gner le développement de la propriété en stimulant l’économie du bâtiment,
tout en préservant l’environnement et en minimisant l’étalement urbain ?
La deuxième édition de cet ouvrage, mis à jour pour tenir compte des trans-
formations induites par la crise de la fin des années 2000 et la production
législative récente jusqu’aux lois Alur de 2014 et NOTRe de 2015, met ces poli-
tiques en perspective et en trace l’historique. Il en souligne la diversité, sans
n J.-C. Driant
quitter un ton accessible et pédagogique propre à intéresser un large public.
Diffusion
Direction de l’information
légale et administrative
La documentation Française
N os 5414-15
Tél. : 01 40 15 70 10
www.ladocumentationfrancaise.fr Prix : 19,90 €
Imprimé en France
Directeur de la publication :
Bertrand Munch
DF 08119-5414-15
ISSN 1763-6191
3:DANNNB=^ZYVY^: dF
Les politiques du logement
en France
Chez le même éditeur/diffuseur
« Logement et marché immobilier »
Cahiers français, n° 388, septembre-octobre 2015
Le logement en Île-de-France. Donner de la cohérence à l’action publique
Cour des comptes, rapport public thématique, 2015
La densification résidentielle au service du renouvellement urbain. Filières, stratégies et outils
Anastasia Touati et Jérôme Crozy (dir.), Plan urbanisme construction architecture, 2015
« Comment modérer les prix de l’immobilier ? »
Alain Trannoy et Étienne Wasmer, Conseil d’analyse économique, Recueil 2013 des notes du CAE, 2015
« Immobilier : ce que nous apprend la Grande Récession »
Xavier Timbeau, Problèmes économiques, n° 3106, février 2015
« Propriété immobilière : facteurs explicatifs et incidence sur le chômage »
Direction générale du Trésor, Économie & prévision, nos 200-201, octobre 2014
« 30 ans de globalisation des cycles immobiliers »
Thomas Grjebine, Problèmes économiques, n° 3095, septembre 2014
Du logement social à l’habitat. Les Offices cent ans après la loi Bonnevay
Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat,
coll. « Les Cahiers du Gridauh », 2014
Les retraités et leur logement
Conseil d’orientation des retraites, 2014
Politiques de peuplement et logement social. Premiers effets de la rénovation urbaine
Comité d’évaluation et de suivi de l’Anru, 2013
Le logement autonome des jeunes
Conseil économique, social et environnemental (Cese), 2013
« L’offre de logement nécessaire à la ville cohérente et l’offre de logement existant : des écarts
modérés, mais concentrés sur certaines zones et catégories de logement »
La ville cohérente. Penser autrement la proximité, Programme de recherche et d’innovation dans les transports
terrestres (Predit), 2012
Jean-Claude Driant
Professeur à l’École d’urbanisme de Paris
(Université Paris-Est Créteil – UPEC)
La Documentation française
Département de l’édition dirigé par Philippe Tronquoy
Collection dirigée par Pierre-Alain Greciano
Conception graphique : Service de création graphique du département de l’édition
Illustration de couverture : © Gilles Paire – Fotolia.com
© Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2015
ISSN 1763-6191
Les opinions exprimées dans cette étude n’engagent que leur auteur.
« Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle,
de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation,
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Il est rappelé également que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique
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❮ 5
S ommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Annexes
Index des sigles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
Bibliographie sommaire (titres récents) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
Références des textes législatifs et réglementaires cités (1850-2015) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Liste des tableaux, figures et encadrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
INTRODUCTION ❮ 7
I ntroduction
Illisibles, incohérentes et inefficaces. Tels sont sans doute les trois adjectifs
les plus couramment utilisés pour qualifier les politiques du logement en
France.
De fait, ce domaine donne lieu à une production législative impression-
nante : pas moins de cinq grandes lois, dont certaines aux titres volonta-
ristes (« engagement national », « droit opposable », « mobilisation pour
le logement ») promulguées entre juillet 2006 et mars 2015, totalisant
près de 500 articles et plus de 400 décrets d’application, sans compter
quelques ordonnances et toutes les dispositions concernant le logement
dans chacune des lois de finances1.
Une telle activité gouvernementale et parlementaire consacrée au logement
n’est pas exceptionnelle, d’autant qu’il faut également comptabiliser les
importantes dispositions le concernant dans des lois dont ce n’est pas
l’objet principal (Plan de cohésion sociale de 2005, acte II de la décen-
tralisation de 2004, lois Grenelle du 3 août 2009 et du 12 juillet 2010,
loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août
2015, loi Grand Paris du 3 juin 2010, loi Maptam – « de modernisation
de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » – sur les
métropoles du 27 janvier 2014, loi « Nouvelle organisation territoriale de
la République » ou NOTRe du 7 août 2015).
Cet amoncellement législatif compose un ensemble devenu extrêmement
complexe de domaines et de sous-domaines inégalement liés les uns aux
autres et que l’on persiste, sans doute à tort, à englober, au singulier, sous
le terme de « politique du logement ». Quelle relation demeure-t-il entre
la généralisation de la TVA à taux réduit pour les travaux des particuliers,
le droit au logement opposable, le développement de la propriété et les
économies d’énergie dans l’habitat ancien ?
La haute technicité de ces différents domaines, qui exigent des compétences
de financier, d’urbaniste, de juriste, et une capacité à saisir les interactions
qui les unissent, a contribué à une spécialisation accrue des acteurs des
politiques du logement. Alors que chacun s’accorde, campagne électorale
après campagne électorale, à considérer ce domaine comme prioritaire
pour la cohésion sociale, il suscite très peu de controverses et il est devenu
2. Bruno Lefebvre, Michel Mouillart et Sylvie Occhipinti, Politique du logement. 50 ans pour
un échec, coll. « Habitat et sociétés », L’Harmattan, Paris, 1992.
3. Il est vrai que, durant cette même période, « la population vieillissant et les décohabitations
liées aux ruptures conjugales se faisant plus nombreuses, le nombre moyen de personnes par
logement a régulièrement baissé depuis les années 1980, pour passer de 2,7 à 2,3 [en 2013] »
(Séverine Arnault, Laure Crusson, Nathalie Donzeau et Catherine Rougerie, « Les conditions
de logement fin 2013. Premiers résultats de l’enquête Logement », Insee Première, n° 1546,
avril 2015, p. 2).
INTRODUCTION ❮ 9
Car s’il est un objet des politiques, le logement est surtout un bien mar-
chand. Cette caractéristique complique la donne, dans la mesure où elle
limite fortement la maîtrise du secteur par l’action publique. Pour beau-
coup d’entre nous, le rapport au logement et les difficultés rencontrées
peuvent s’analyser totalement à partir de mécanismes marchands encadrés
juridiquement (bail, loyer, achat, endettement, contrat de construction)
et d’acteurs économiques privés : propriétaires, artisans du bâtiment,
promoteurs, agents immobiliers, syndics, etc.
Ajoutons à cela le fait que le logement constitue l’un des éléments majeurs
du paysage des villes et des campagnes : tours, barres, maisons de ville,
fermettes et pavillons sont les matières premières du cadre bâti, ce qui lui
confère une dimension urbanistique en plus de son usage.
Dans un tel cadre général, tenter d’expliquer les politiques du logement
dans leur complexité et de comprendre leurs composantes en évitant de
plonger trop profondément dans leur technicité, s’apparente à une gageure.
Sans doute n’y parviendrons-nous que très partiellement, d’autant qu’il
est probable que, lorsque ces lignes paraîtront, une ou deux nouvelles lois
en auront rendu certains développements caducs. Mais le jeu en vaut la
chandelle si l’on veut justement avancer vers une compréhension plus
systémique de la façon dont la question du logement est appréhendée par
les politiques et en déduire les points d’interaction et de contradiction sur
lesquels il serait nécessaire d’agir pour en renforcer l’efficacité.
Les deux premiers chapitres exposent les principales composantes du
système. Dans le premier, il s’agit, après avoir brièvement décrit les carac-
téristiques de ce bien particulier qu’est le logement, de montrer comment
quarante années d’évolution des marchés ont façonné à la fois l’amélio-
ration des conditions de logement de la majorité et les composantes de
cette fameuse « crise du logement ». Dans le deuxième, nous explorons
les composantes essentielles des politiques du logement pour en montrer
la pluralité et en faire apparaître les principaux facteurs de contradiction :
diversité des enjeux et des outils financiers, juridiques et institutionnels.
Les deux derniers chapitres font le récit de la construction des politiques du
logement en France et de leurs principales composantes contemporaines. Le
troisième s’attache au temps long ; il montre les constantes et les ruptures
qui ont marqué ce champ politique entre le milieu du XIXe siècle et le
milieu des années 1990. Le quatrième reprend les principaux débats qui
marquent les politiques du logement contemporaines.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 11
❯ Chapitre 1
Marchés et conditions de logement
dans la France des années 2010
Le logement est caractérisé par une triple identité : d’abord, sa présence
dans notre vie quotidienne, comme abri, mais aussi comme réceptacle
de l’intimité et de la cellule familiale ; ensuite, c’est l’une des matières
premières de l’espace bâti, ce qui le met ainsi au cœur du paysage et des
configurations urbaines ; enfin, son rôle économique, à la fois comme
objet produit par un secteur industriel et artisanal et comme patrimoine
détenu, géré et générant des revenus.
Cette triple dimension fait aussi du logement un objet de politiques dif-
férenciées, qui visent à la satisfaction des besoins de la population, à la
qualité de la ville et à la maîtrise de l’urbanisation, mais aussi à contribuer
aux grands équilibres de l’économie nationale. Par ailleurs, contraire-
ment à celles qui s’appliquent à des domaines purement régaliens dont la
fourniture est assurée par un monopole ou quasi-monopole public, ces
politiques concernent un champ dont l’essentiel du fonctionnement relève
de mécanismes marchands fondés sur des décisions privées.
Dans ces conditions, le défi constant des politiques est de parvenir à cor-
riger ou à infléchir les marchés pour qu’ils remplissent un certain nombre
de missions d’intérêt public.
Appréhender les politiques du logement et les limites de leur efficacité
passe donc d’abord par la compréhension des objets qu’elles s’attachent à
maîtriser. C’est le but de ce chapitre, dans lequel il s’agira en premier lieu de
cerner les contours des principaux mécanismes à l’œuvre dans les marchés
du logement en France, puis de décrire les grandes lignes de l’évolution
des conditions d’habitat des ménages et les principales dynamiques qui
les traversent, avant d’en retirer une interprétation de la situation actuelle,
souvent qualifiée en termes de « crise du logement ». Ce qui conduira à
dresser, dans le deuxième chapitre, le cadre général des politiques qui s’y
appliquent.
12 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
1. Pour les analyses économiques des marchés du logement, voir Didier Cornuel, Économie immo-
bilière et des politiques du logement, coll. « Ouvertures économiques », De Boeck, Bruxelles,
2013.
2. Michel Mouillart, « La crise du logement en France, pourquoi et pour qui ? », Regards sur
l’actualité, La Documentation française, Paris, n° 320, avril 2006, p. 5-18 ; Alain Jacquot,
« Des ménages toujours plus petits. Projection de ménages pour la France métropolitaine
à l’horizon 2030 », Insee Première, n° 1106, octobre 2006 ; Jean-Claude Driant, « La crise
du logement vient-elle d’un déficit de constructions ? », L’Économie politique, n° 65, janvier-
février-mars 2015, p. 23-33.
3. Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés, L’état du mal-logement en France.
Rapport annuel, Paris, 2015 (et toutes éditions précédentes depuis 1995).
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 13
Dans la théorie économique, un bien durable est un bien qui n’est pas
détruit par sa consommation. Le fait de l’utiliser l’use ; d’un point de vue
comptable, il peut être amorti et, comme sa destruction est un risque, il
peut être assuré. C’est le cas, par exemple, de l’automobile, de l’équipement
informatique, de l’électroménager et, bien entendu, du logement.
On peut mettre en évidence deux principaux effets de la durabilité du
logement, qui aident à comprendre le fonctionnement de cet objet dans
un contexte marchand et à en déduire l’efficacité potentielle des politiques
qui s’y appliquent.
4. Données tirées du suivi annuel du parc de logements élaboré par l’Insee pour les besoins du
Compte du logement (Commissariat général au développement durable, « Compte du loge-
ment 2013. Premiers résultats 2014 », Références, février 2015, p. 37).
5. Ce raisonnement n’exclut évidemment pas le fait qu’il existe également une certaine quantité
de logements retenus pour des raisons spéculatives ou des craintes des propriétaires à l’égard
de l’insécurité des rapports locatifs, mais le vivier correspondant est très limité. Quant aux
logements des communes rurales délaissées et des centres anciens de villes en crise, ils corres-
pondent à des contextes socio-territoriaux contradictoires avec l’idée d’un déficit quantitatif.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 15
des bailleurs, depuis l’investisseur actif dont les décisions sont fondées sur
des calculs de rendement immédiat et à terme et sur des études comparées
avec les autres types de portefeuille, jusqu’au propriétaire-bailleur « par
inadvertance »7, héritier d’un bien, ou âgé, ou encore se refusant à vendre
une maison qu’il n’occupe plus, dont le raisonnement reposera souvent
sur l’inquiétude et la logique de conservation.
Cette diversité de comportements est source de complexité pour les poli-
tiques publiques qui, pour inciter à l’investissement, mettent au point
de confortables avantages fiscaux et hésitent à limiter la rentabilité de la
location. On en trouve trace à la fois dans le maintien de ces aides par des
majorités de gauche qui sont pourtant souvent très critiques à leur égard,
et dans les atermoiements gouvernementaux autour de la mise en œuvre
des mesures de régulation des loyers de la loi pour l’accès au logement et un
urbanisme rénové – Alur – du 24 mars 2014. Parallèlement, la législation
française persiste à protéger les locataires, ce qui ne manque pas d’inquiéter
certains propriétaires face aux risques d’impayés, de dégradation ou de refus
de quitter le logement loué. L’équilibre est donc instable entre l’intérêt
préservé des propriétaires et le rôle de complément au secteur social que
les pouvoirs publics souhaitent maintenir ou développer.
Mise en relation avec le caractère durable du logement, cette incertitude
qui pèse sur le secteur locatif privé représente l’un des facteurs de tension
des marchés du logement. En effet, si les logements eux-mêmes restent,
leur position sur le marché et leur capacité d’absorption de la demande
sont fragiles et sans véritable maîtrise de la part des acteurs publics. Cette
instabilité, dont il résulte que le nombre de logements locatifs privés n’a
que faiblement augmenté au cours des soixante dernières années, touche
particulièrement les publics qui en sont les utilisateurs les plus fréquents
(ménages jeunes, actifs en mobilité professionnelle, personnes récemment
séparées…).
Bien durable soumis à une diversité de mécanismes marchands, le loge-
ment est donc difficile à saisir pour les politiques publiques, d’autant que
l’essentiel de la production de l’offre résulte de l’exercice, par les ménages, de
choix individuels contraints par le niveau de leurs revenus. Cette complexité
est encore accentuée par la seconde grande caractéristique du logement :
son immobilité.
7. Ce terme a été inventé par André Massot dans ses travaux sur les propriétaires immobiliers.
Voir André Massot, « Les particuliers propriétaires de logements locatifs et leur patrimoine »,
Les Cahiers de l’Iaurif, supplément Habitat, n° 21, juin 1998, p. 8-21.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 17
8. Selon l’Insee, « une aire urbaine ou “grande aire urbaine” est un ensemble de communes,
d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de
10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont
au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des
communes attirées par celui-ci.
Le zonage en aires urbaines 2010 distingue également :
– les “moyennes aires”, ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par
un pôle (unité urbaine) de 5 000 à 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités
urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le
pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ;
– les “petites aires”, ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par
un pôle (unité urbaine) de 1 500 à 5 000 emplois, et par des communes rurales ou unités
urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le
pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ».
18 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
9. Voir notamment à ce sujet Joseph Comby et Vincent Renard, Les politiques foncières, coll.
« Que sais-je ? », n° 3143, Puf, Paris, 1996 ; Pierre Merlin, L’exode urbain : de la ville à la
campagne, coll. « Les études de La Documentation française », Paris, 2009 ; Plan urbanisme
construction architecture, Vivre en ville hors des villes. Synthèse du programme de recherche La
mobilité et le péri-urbain à l’impératif de la ville durable : ménager les territoires de vie des péri-
urbains, Ministère de l’Égalité des territoires et du Logement-Ministère de l’Écologie, du
Développement durable et de l’Énergie, La Défense, 2014.
10. Jean-Claude Driant, « Espaces ruraux et parcours résidentiels des ménages : un éclairage sta-
tistique », Pour, n° 195, octobre 2007, p. 41-47.
20 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
La principale dynamique qui est en cause est l’effet des vagues successives
de développement de l’accession à la propriété pavillonnaire et périurbaine,
d’abord au début des années 1970, puis au début des années 1980, puis,
dans une moindre mesure, au cours de la seconde moitié des années 1990.
Le départ des locataires solvables et la mise en location de beaucoup de
logements en copropriété ont favorisé l’entrée de ménages à revenus plus
bas qui se sont trouvés piégés dans ces quartiers par la montée du chômage.
Ces transformations du peuplement des grands ensembles ont rapidement
contribué à en dégrader l’image, entraînant une forte perte d’attractivité.
On voit ainsi le revers de la médaille des effets vertueux de la libération
des logements sociaux sous l’effet de l’accession à la propriété, lorsque
celle-ci fournit une porte de sortie pour les locataires des quartiers déva-
lorisés (ceux qui vivent dans les quartiers attractifs ont moins de raisons
de vouloir en partir) et contribue ainsi à leur paupérisation. Il s’agit là de
l’une des conséquences les plus préoccupantes de l’inégale répartition du
parc social dans l’espace urbain.
À l’autre extrémité des dynamiques résidentielles, les lotissements pavil-
lonnaires périurbains se sont, au contraire, construits sur une grande
homogénéité de produits immobiliers ayant, elle-même, produit dans un
premier temps une grande homogénéité sociale : familles de trentenaires
ou jeunes quadragénaires, avec un ou deux enfants et dont les niveaux
de revenus correspondaient au ciblage opéré par les lotisseurs ou les pro-
moteurs. Vingt-cinq ou trente ans plus tard, deux processus parallèles en
conditionnent le peuplement actuel : le vieillissement de leurs occupants
(les enfants ont grandi et sont partis, les chefs de famille approchent de la
retraite11) et le marché (revente ou mise en location)12.
Dans ce type de cadre favorable à la stabilité résidentielle, le processus de
changement est donc beaucoup plus lent que celui des grands ensembles,
mais il dépend beaucoup des évolutions démographiques et mérite d’être
suivi dans le contexte français d’arrivée massive à l’âge de la retraite de la
génération du baby-boom.
11. En 2013, 84 % des propriétaires de maisons individuelles construites entre 1975 et 1982
avaient plus de 50 ans et 79 % étaient des couples sans enfants ou des personnes vivant seules,
alors que ces taux ne sont respectivement que de 32 % et 33 % pour les maisons construites
entre 1999 et 2013 (source : Insee, Enquête logement 2013).
12. En 2013, 18 % des habitants des maisons individuelles construites entre 1975 et 1982 et
26 % de celles construites entre 1982 et 1989 étaient là depuis moins de huit ans (source :
Insee, Enquête logement 2013).
22 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
13. Nous utiliserons ici la définition française traditionnelle du terme de ménage, qui désigne
« l’ensemble des occupants d’une résidence principale ».
14. La principale source d’information statistique sur le logement en France est l’Enquête loge-
ment menée régulièrement par l’Insee depuis 1955 (les trois dernières portent sur 2002, 2006
et 2013). Les départements d’outre-mer n’y figurent que depuis 2006. Par souci de compa-
rabilité dans le temps, nous ne considérerons ici que les résultats portant sur la métropole.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 23
Tableau 1.
Évolution de la structure du parc de logements (1984-2013) (France métropolitaine)
(en milliers)
Résidences Résidences Logements
Total
principales secondaires vacants
1984 20 565 2 460 1 916 24 941
1992 22 561 2 848 1 952 27 386
2000 24 799 2 946 2 046 29 791
2002 24 499 2 980 2 011 30 490
2004 26 180 3 032 1 994 31 206
2006 26 826 3 098 2 055 31 978
2008 27 395 3 127 2 234 32 756
2010 27 907 3 147 2 430 33 484
2013 28 754 3 206 2 604 34 564
Note : le nombre total de résidences principales figurant dans ce tableau diffère légèrement de celui des tableaux
qui suivent, qui sont tirés des résultats de l’Enquête logement de 2013. Cette différence est due à l’utilisation de
méthodes de comptage variées. L’Enquête logement ne permettant plus le dénombrement des logements vacants
et des résidences secondaires, c’est le Compte du logement qui fait désormais référence sur ce thème.
Source : Commissariat général au développement durable, « Compte du logement 2013. Premiers résultats 2014 »,
Références, février 2015, p. 197.
Tableau 2.
Localisation des résidences principales par tranches d’unités urbaines* en 2013
(France métropolitaine) (en unités et en %)
Nombre de résidences
Part (en %)
principales
Commune rurale 6 062 700 21,6 %
* La notion d’unité urbaine repose sur la continuité de l’habitat : est considéré comme telle un ensemble d’une ou
plusieurs communes présentant une continuité du tissu bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux
constructions) et comptant au moins 2 000 habitants. La condition est que chaque commune de l’unité urbaine
possède plus de la moitié de sa population dans cette zone bâtie (définition de l’Insee – www.insee.fr).
Source : Insee, Enquête logement 2013.
24 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
Tableau 3.
Évolution du type et de la taille des résidences principales (1970-2013) (France métropolitaine)
(en milliers)
Types 1970 2013
Individuel 8 351 50,9 % 15 896 56,6 %
Collectif 8 056 49,1 % 12 181 43,4 %
Total 16 407 100,0 % 28 077 100,0 %
Nombre de pièces 1970 2013
1 pièce 1 329 8,1 % 1 682 6,0 %
2 pièces 3 052 18,6 % 3 495 12,5 %
3 pièces 4 397 26,8 % 5 907 21,0 %
4 pièces 4 069 24,8 % 7 071 25,2 %
5 pièces 2 100 12,8 % 5 033 17,9 %
6 pièces et plus 1 460 8,9 % 4 889 17,4 %
Total 16 407 100,0 % 28 077 100,0 %
15. Voir sur ce point Séverine Arnault, Laure Crusson, Nathalie Donzeau et Catherine Rougerie,
« Les conditions de logement fin 2013. Premiers résultats de l’enquête Logement », op. cit.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 25
Tableau 4.
Évolution de l’ancienneté et du niveau de confort des résidences principales (1970-2013)
(France métropolitaine) (en milliers)
Époque de construction 1970 2013
1948 ou avant 10 889 66,4 % 7 621 27,1 %
1949 ou après 5 518 33,6 % 20 456 72,9 %
Ensemble 16 407 100,0 % 28 077 100,0 %
Niveau de confort* 1970 2013
Sans confort 7 974 48,6 % 272 1,0 %
Confortables 2 806 17,1 % 1 919 6,8 %
Tout confort 5 627 34,3 % 25 886 92,2 %
Ensemble 16 407 100,0 % 28 077 100,0 %
* Le niveau de confort défini par l’Insee repose sur l’équipement sanitaire des logements. Est « confortable » tout
logement disposant à la fois de l’eau courante, de WC intérieurs et d’une baignoire ou d’une douche. Si l’un de ces
éléments est manquant, le logement est considéré comme « inconfortable ». Il est « tout confort » si, en plus de
ces équipements sanitaires, il est doté d’un chauffage central.
16. Voir sur ce point ibid. et Yves Jauneau et Solveig Vanovermeir, « Les jeunes et les ménages
modestes surestiment plus souvent le confort de leur logement », Insee Première, n° 1209,
septembre 2008.
17. Décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris
pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à
la solidarité et au renouvellement urbains. On trouvera les références complètes des textes
réglementaires en annexe du présent ouvrage.
26 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
18. Le taux de surpeuplement que l’Insee mesure avec l’Enquête logement est fondé sur le calcul
du nombre de pièces nécessaires aux ménages du logement de façon normative en comptant :
– une pièce de séjour pour le ménage ;
– une pièce pour chaque personne de référence d’une famille ;
– une pièce pour les personnes hors famille non célibataires ou les célibataires de 19 ans et plus ;
– et, pour les célibataires de moins de 19 ans : une pièce pour deux enfants s’ils sont de même
sexe ou ont moins de 7 ans ; sinon, une pièce par enfant.
Il y a surpeuplement « modéré » lorsqu’il manque une pièce par rapport à cette norme et
« accentué » lorsqu’il en manque plus d’une. Nous considérons ici la somme des deux situations.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 27
Figure 1.
Évolution des statuts d’occupation des résidences principales (1970-2013) (en milliers)
17 500
16 264
15 000
Propriétaires
12 500
10 000
7 500
7 350
Locataires du secteur libre 5 601
5 000
5 019 4 852
Locataires du secteur social
2 473
2 500
Tableau 5.
Évolution du statut d’occupation des résidences principales (1970-2013)
(France métropolitaine) (en milliers)
1970 2013
Propriétaires non accédants* 5 022 30,6 % 10 778 38,4 %
* Propriétaire non accédant : propriétaire occupant qui n’est pas en cours de remboursement d’emprunt.
** Accédant à la propriété : propriétaire occupant en cours de remboursement d’emprunt.
*** Y compris loi de 1948 (1,4 million en 1970 ; 127 000 en 2013).
**** Autres statuts : locataires en meublés, sous-locataires, logés à titre gratuit, fermiers et métayers.
Source : Insee, Enquêtes logement.
28 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
Tableau 6.
Les propriétaires selon les types de ménages et l’âge des personnes de référence en 2013
(France métropolitaine) (en milliers)
Taux de Structure
Nombre
Types de ménages propriétaires des ménages
(en milliers)
occupants propriétaires
Personnes vivant seules 4 307 44,8 % 26,5 %
Autres ménages sans famille 491 48,4 % 3,0 %
Familles monoparentales 618 30,4 % 3,8 %
Couples sans enfants 6 082 74,3 % 37,4 %
Couples avec enfants 4 766 66,0 % 29,3 %
Ensemble 16 264 57,9 % 100,0 %
Taux de Structure
Nombre
Classes d’âges propriétaires des ménages
(en milliers)
occupants propriétaires
Moins de 30 ans 376 13,8 % 2,3 %
30-39 ans 1 945 46,2 % 12,0 %
40-49 ans 2 897 56,2 % 17,8 %
50-59 ans 3 376 62,5 % 20,8 %
60-69 ans 3 433 70,4 % 21,1 %
70 ans et plus 4 237 74,2 % 26,0 %
Ensemble 16 264 57,9 % 100,0 %
Tableau 7.
Les locataires du secteur libre selon les types de ménages et l’âge des personnes
de référence en 2013 (France métropolitaine) (en milliers)
Structure des
Taux de locataires du
Types de ménages Nombre (en milliers) ménages locataires
secteur libre
du secteur libre
Personnes vivant seules 2 517 26,2 % 44,9 %
Autres ménages sans
239 23,6 % 4,3 %
famille
Familles monoparentales 533 26,2 % 9,5 %
Couples sans enfants 1 180 14,4 % 21,1 %
Couples avec enfants 1 132 15,7 % 20,2 %
Ensemble 5 601 20,0 % 100,0 %
Structure des
Taux de locataires du
Classes d’âges Nombre (en milliers) ménages locataires
secteur libre
du secteur libre
Moins de 30 ans 1 420 52,1 % 25,3 %
30-39 ans 1 211 28,8 % 21,6 %
40-49 ans 975 18,9 % 17,4 %
50-59 ans 856 15,9 % 15,3 %
60-69 ans 587 12,0 % 10,5 %
70 ans et plus 552 9,7 % 9,9 %
Ensemble 5 601 20,0 % 100,0 %
Les logements locatifs privés sont presque tous détenus par des particu-
liers. Il reste environ 250 000 logements appartenant à des investisseurs
institutionnels (la Caisse des dépôts et consignations ou des compagnies
d’assurances, notamment) ou à des collectivités territoriales possédant des
logements à loyers libres, mais celles-ci vendent rapidement ce qu’il leur
reste. La grande majorité des bailleurs sont de petits propriétaires qui ne
possèdent qu’un ou deux logements. C’est donc un secteur extrêmement
fragmenté sur lequel les politiques ont peu de prise. C’est aussi un secteur
très fragile, car soumis aux variations de la conjoncture et aux évolutions
des rendements des différents types de placements des ménages.
Le troisième grand statut d’occupation en France est le secteur locatif social,
principalement composé des habitations à loyer modéré, les HLM. Nous
en présentons la réglementation au chapitre suivant. Leur nombre a plus
que triplé au cours des quarante dernières années, passant de 1,5 million
en 1970 à plus de 4,8 millions aujourd’hui. C’est l’un des parcs sociaux
les plus abondants d’Europe. Il a, pour l’essentiel, été construit au cours
des années 1960 et 1970. Sa production a ralenti de façon importante à
partir de 1975, mais ne s’est jamais arrêtée.
Ce parc reste très marqué, notamment en termes d’image, par ses modes
de production et par les formes urbaines des années 1960 et 1970. Les
quartiers produits à ces époques donnent lieu, depuis les années 1980, à
30 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
Tableau 8.
Les locataires du secteur social selon les types de ménages et l’âge des personnes
de référence en 2013 (France métropolitaine) (en milliers)
Structure des
Taux de locataires
Types de ménages Nombre (en milliers) ménages locataires
du secteur social
du secteur social
Personnes vivant seules 1 978 20,6 % 40,8 %
Autres ménages sans
224 22,1 % 4,6 %
famille
Familles monoparentales 811 39,9 % 16,7 %
Couples sans enfants 689 8,4 % 14,2 %
Couples avec enfants 1 150 15,9 % 23,7 %
Ensemble 4 852 17,3 % 100,0 %
Structure des
Taux de locataires
Classes d’âges Nombre (en milliers) ménages locataires
du secteur social
du secteur social
Moins de 30 ans 410 15,1 % 8,5 %
30-39 ans 839 19,9 % 17,3 %
40-49 ans 1 091 21,2 % 22,5 %
50-59 ans 978 18,1 % 20,2 %
60-69 ans 755 15,5 % 15,6 %
70 ans et plus 779 13,7 % 16,1 %
Ensemble 4 852 17,0 % 100,0 %
Tableau 9.
Revenus des ménages (par quintiles) selon les statuts d’occupation au 1er janvier 2010
(France métropolitaine, ensemble des ménages) (en %)
Les 20 % Les 20 %
les plus 2e quintile 3e quintile 4e quintile les plus Ensemble
pauvres aisés
Locataires
HLM et SEM 41,5 25,5 18,1 10,9 4,1 100,0
(parc social)
Locataires du
30,4 21,9 19,1 16,0 12,7 100,0
parc privé
Locataires
des
27,9 23,2 20,6 17,1 11,2 100,0
collectivités
territoriales*
Propriétaires
10,5 17,8 20,9 24,0 27,1 100,0
occupants
Autres
25,1 23,6 18,8 17,6 14,9 100,0
statuts
Ensemble 20,0 20,0 20,0 20,0 20,0 100,0
* Locataires du parc de logements possédés par l’État et les différentes collectivités territoriales.
Source : Filocom 2010 ; d’après Rémi Josnin, « Les conditions de logement des ménages à bas revenus en
2010 », Commissariat général au développement durable-Service de l’observation et des statistiques, Chiffres &
statistiques, n° 291, février 2012, p. 1.
32 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
C’est chez les propriétaires que les trois quintiles les plus élevés sont les plus
présents. Leurs profils se différencient nettement en termes de situation
professionnelle avec plus de 90 % d’actifs occupés chez les accédants à la
propriété, alors que les propriétaires non accédants se caractérisent surtout
par une très forte proportion de retraités.
Tableau 10.
Occupation principale de la personne de référence des ménages selon les statuts
d’occupation en 2013 (France métropolitaine) (en %)
Propriétaires Accédants Locataires Locataires
Autres
non à la du secteur du secteur Ensemble
statuts
accédants propriété social libre
En emploi 33,8 90,5 52,9 62,0 50,6 54,6
Apprenti
ou 0,0 0,1 0,3 0,5 0,8 0,2
stagiaire
Étudiant,
0,1 0,1 0,6 6,2 20,4 2,4
élève
Chômeur 1,9 2,1 11,1 8,9 9,2 5,3
Retraité ou
retiré des 61,6 6,3 27,3 17,5 13,5 33,7
affaires
Personne
1,2 0,1 2,3 1,8 1,1 1,3
au foyer
Autres
1,3 0,8 5,4 3,2 4,4 2,4
situations*
Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
* Handicap…
19. Au moment de la mise à jour de cet ouvrage, les données financières de l’Enquête logement
de 2013 n’étaient pas disponibles. Nous devons donc nous en tenir à celles de 2006.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 33
Persistance du mal-logement
La hausse de l’effort financier, assortie d’une accentuation des inégalités
sociales face à la dépense en logement, est l’indice d’une autre évolution,
qui a vu se creuser un double fossé :
– d’une part, entre une grande majorité de ménages qui a profité de l’amé-
lioration du parc et a pu bénéficier des politiques d’aide à l’accession ou de
l’accroissement du parc social, et ceux qui en sont restés exclus et vivent
encore dans les segments minoritaires de l’inconfort et de l’insalubrité, de
21. Symptôme de l’étonnement provoqué par cette situation, le terme, employé à cette époque,
de « nouvelle pauvreté », comme si un phénomène, supposé disparu, réapparaissait sous des
formes nouvelles.
22. Louis Besson, ministre délégué (1989-1990), puis ministre de l’Équipement, du Logement,
des Transports et de la Mer (1990-1991), puis secrétaire d’État (1997-2001) socialiste en
charge du logement.
23. Conseil national de l’information statistique, Pour une meilleure connaissance des sans-abri et
de l’exclusion du logement, Rapport final du groupe de travail sur les sans-abri, rapport n° 29,
CNIS, Paris, mars 1996.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 35
24. Voir à ce sujet : Marie-Thérèse Join-Lambert, « Une enquête d’exception. Sans-abri, sans-
domicile : des interrogations renouvelées », Économie et statistique, nos 391-392, octobre 2006,
p. 3-14.
25. Voir notamment : Maryse Marpsat, Jean-Marie Firdion et alii, La rue et le foyer. Une recherche
sur les sans-domicile et les mal-logés dans les années 1990, coll. « Travaux et documents », Éditions
de l’Institut national d’études démographiques, Paris, 2000.
26. Conseil national de l’information statistique, Le mal-logement, Rapport du groupe de travail,
rapport n° 126, CNIS, Paris, juillet 2011.
27. L’état du mal-logement en France, op. cit.
36 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
***
Figure 2.
Évolution du nombre de logements ordinaires commencés (1948-2014) (en milliers)
550
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
48
53
58
63
68
73
78
83
88
93
98
03
08
14
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
20
20
20
Note : sont considérés dans ce graphique les logements ordinaires, hors résidences et collectivités. En
février 2015, le SOeS a publié une nouvelle série d’estimations de la construction neuve pour la période 2000-2014
qui vise à corriger certains facteurs de sous-estimation. Afin de maintenir la cohérence de données sur longue
période, nous avons choisi ici de conserver l’ancienne série.
Sources : SOeS (Service de l’observation et des statistiques, Commissariat général au développement durable).
28. Notamment avec la création ou le renforcement des organismes d’HLM et les organismes mis
en place autour de la Caisse des dépôts et consignations : la Société centrale d’équipement du
territoire (la SCET, aménageur) en 1955 et la Société centrale immobilière de la Caisse des
dépôts et consignations (SCIC, maître d’ouvrage et gestionnaire immobilier devenu Icade
en 2003) en 1954.
38 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
Figure 3.
Construction neuve par région pour 1 000 habitants (moyenne annuelle 1998-2014)
3,9
3,6
4,5
5,5
3,4 4,5
3,8
7,5
5,6
6,9
4,8
4,2 5,1
6,5
4,9
5,4
5,1
6,5
7,7
7,5
7,8 5,4
9,1
Source : SOeS (Service de l’observation et des statistiques, Commissariat général au développement durable)-
Sit@del2.
Figure 4.
Évolution de l’indice des prix des logements anciens (1948-2014) (base 1 en 2000)
2,5
2,0
Indice des prix de logement (Paris)
Indice des prix de logement (France)
Indice des prix à la consommation
1,5
1,0
0,5
0,0
03
08
14
48
53
58
63
68
73
78
83
88
93
98
20
20
20
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
La première, qui commence en 1982, est marquée par une hausse particu-
lièrement forte à Paris (et dans quelques villes très recherchées). Entre 1982
et 1991, les prix parisiens ont en effet augmenté de 191 %, alors que ceux
de l’ensemble du territoire n’ont crû « que » de 80 % et l’IPC, de 50 %.
Il s’agit, pour les prix nationaux, d’une sorte de rattrapage après la forte
inflation des années 1974-1983 qui n’avait touché l’immobilier résidentiel
que dans une moindre mesure. En revanche, pour Paris, il s’agit d’une phase
d’euphorie spéculative qui touche la plupart des métropoles mondiales et
se termine en 1991 par un retournement extrêmement brutal. Entre 1992
et 1997, années de crise immobilière, les prix parisiens baissent de plus de
30 %, alors que les prix nationaux stagnent et décrochent à nouveau par
rapport à l’inflation. Ainsi, les quelques années qui précèdent l’an 2000
29. Les données présentées ici sont celles réunies, traitées et mises en forme par Jacques Friggit
(Conseil général de l’environnement et du développement durable) ; elles sont tirées, pour les
années récentes, de l’indice Insee/notaires sur les prix immobiliers, source qui permet, depuis
2000, de disposer d’une bonne connaissance de l’évolution des prix immobiliers en France.
Les analyses de J. Friggit sont disponibles sur www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 41
31. L’approche statistique des loyers du secteur privé est moins aisée que celle des prix : les baux
ne donnant pas lieu à un enregistrement officiel, on ne dispose pas de sources aussi fiables
que celles des notaires. Pour une analyse de la longue durée, la seule source disponible est
l’enquête trimestrielle « loyers et charges » menée par l’Insee pour contribuer à l’indice des
prix à la consommation.
32. C’est aussi une époque où l’indice du coût de la construction, utilisé pour la révision des
baux en cours, évoluait lui-même moins vite que l’IPC.
33. Les loyers parisiens donnent lieu à une observation continue depuis 1989, en application des
obligations d’observation que prévoit la loi n° 89-642 du 6 juillet 1989. L’Olap publie ainsi
annuellement des données sur Paris et sa banlieue, ainsi que, depuis 1991, sur un échantillon
de onze agglomérations de province.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 43
Figure 5.
Évolution de l’indice général des loyers et des prix à la consommation (1969-2014) (en %)
15
13,5
12
7,5
4,5
1,5
1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009 2014
Ces hausses de loyer touchent lourdement les locataires, dont nous avons
vu que le taux d’effort avait crû considérablement au cours des dernières
décennies. Elles ont justifié, en 2012, le retour du débat séculaire sur la
nécessité, ou non, de renforcer les moyens de l’État en matière de régu-
lation des loyers. Nous y reviendrons dans le chapitre 2, mais on ne peut
éviter d’observer que le différentiel de hausse entre les loyers et les valeurs
vénales signifie une dégradation de la rentabilité de l’investissement locatif,
surtout dans les villes où les prix sont les plus élevés.
Au cours des années 2000 et du début des années 2010, cette tendance a
été partiellement compensée par les avantages fiscaux liés à l’investissement
dans le neuf.
Après une phase de décrue de l’offre locative entre 1975 et 1985 (environ
80 000 logements locatifs privés en moins chaque année), la reprise de
l’investissement a nettement favorisé les petits logements, plus faciles à louer
et dont les loyers au mètre carré sont beaucoup plus élevés. Entre 1988 et
44 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
2013, le parc locatif privé a gagné plus de 1,8 million d’unités, mais cet
accroissement est presque exclusivement composé de petits logements :
près de 53 % de studios et deux-pièces et 30 % de trois-pièces (figure 6).
Il en résulte une transformation de la structure du parc locatif privé, au
sein duquel la part des logements à vocation familiale se réduit rapidement.
Figure 6.
L’accroissement du parc locatif libre selon le nombre de pièces des logements (1988-2013)
(en unités)
637 251
600
556 188
500
400
324 916
300
234 559
200
100
45 420
33 121
0
Une pièce 2 pièces 3 pièces 4 pièces 5 pièces 6 pièces et plus
1988-1992 30,0
Tableau 11.
1992-1996 29,7 Évolution des taux d’emménagés récents
1998-2002 32,5 (1988-2013) (en %)
2002-2006 30,8
Source : Insee, Enquêtes logement.
2009-2013 26,6
34. Cet indicateur, d’usage aisé et très répandu, pose toutefois quelques problèmes, notam-
ment parce qu’il occulte les mobilités intermédiaires. Si l’impact de ce biais est faible pour
les ménages et les statuts à faible mobilité, il est fort, par exemple, pour les plus jeunes et les
étudiants et pour le secteur locatif privé.
46 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
Tableau 12.
Évolution de la mobilité résidentielle à partir du parc locatif social (1988-2013) (en unités et
en %)
1988-1992 1992-1996 1998-2002 2002-2006 2009-2013
Taux de sortie
du parc locatif 11,5 % 11,9 % 12,2 % 10,9 % 7,8 %
social*
Nombre de
434 400 486 900 514 800 489 400 379 300
sorties**
Nombre de
sorties vers la 207 400 261 600 296 700 262 700 164 900
propriété***
Contribution
de la primo-
accession à la 47,8 % 53,7 % 57,6 % 53,7 % 46,1 %
sortie du parc
social
Nombre de
mouvements 399 500 428 000 510 500 468 100 454 900
internes****
* Ce taux de sortie est le rapport entre le nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif social au cours des
quatre années précédant l’enquête et le nombre de logements sociaux à la date de l’enquête.
** Nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif social au cours des quatre années précédant l’enquête.
*** Nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif social au cours des quatre années précédant l’enquête et
propriétaires à la date de l’enquête.
**** Nombre d’emménagés récents présents dans le parc locatif social à la date de l’enquête et quatre ans avant.
Tableau 13.
Évolution de la mobilité résidentielle à partir du parc locatif libre (1988-2013) (en unités et
en %)
1988-1992 1992-1996 1998-2002 2002-2006 2009-2013
Taux de sortie
du parc locatif 26,9 % 27,8 % 29,2 % 30,6 % 29,1 %
libre*
Nombre de
1 225 600 1 325 700 1 481 500 1 640 900 1 516 400
sorties**
Nombre de
sorties vers la 676 500 681 600 876 400 973 700 871 500
propriété***
Contribution
de la primo-
accession à la 55,2 % 51,4 % 59,2 % 59,3 % 57,5 %
sortie du parc
libre
Nombre de
mouvements 931 800 1 057 000 1 221 500 1 375 800 1 377 000
internes****
* Ce taux de sortie est le rapport entre le nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif libre au cours des
quatre années précédant l’enquête et le nombre de logements locatifs libres à la date de l’enquête.
** Nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif libre au cours des quatre années précédant l’enquête.
*** Nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif libre au cours des quatre années précédant l’enquête et
propriétaires à la date de l’enquête.
**** Nombre d’emménagés récents présents dans le parc locatif libre à la date de l’enquête et quatre ans avant.
Tableau 14.
Évolution de la mobilité résidentielle des propriétaires et de la contribution des différents
statuts à l’accession à la propriété (1988-2013) (en unités et en %)
1988-1992 1992-1996 1998-2002 2002-2006 2009-2013
Nombre de
nouveaux
propriétaires 1 276 800 1 347 300 1 649 800 1 691 600 1 438 700
(primo-
accession)
Nombre de
mobilités
internes à
533 700 503 600 796 900 954 500 741 100
la propriété
(marché de
troc*)
Contribution des différents secteurs à l’accession à la propriété au cours de la période (en %)
Propriété 29,5 27,7 32,6 36,1 34,0
Locatif social 11,5 14,4 12,1 9,9 7,6
Locatif libre 37,4 37,6 35,8 36,8 40,0
Autres statuts 8,6 7,0 6,7 4,5 6,6
Décohabitation 13,1 13,3 12,8 12,7 11,8
Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
* Le marché de troc désigne, dans le jargon de l’immobilier, les échanges (ventes) de logements entre les
propriétaires.
35. Nancy Bouché, Expertise concernant les édifices menaçant ruine et les immeubles et îlots insalubres,
Conseil général des ponts et chaussées, Secrétariat d’État au Logement, La Documentation
française, Bibliothèque des rapports publics, 1998 (www.ladocumentationfrancaise.fr/rap-
ports-publics/994001342/index.shtml).
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010 ❮ 51
***
On le voit, ce que l’on appelle la crise du logement est une notion fort
complexe. En développer telle ou telle composante peut orienter l’action
publique dans des directions diverses et dans plusieurs de ses dimensions,
notamment nationale et locale. Pourtant, nous n’avons pas encore fini de
dresser le tableau de la complexité des enjeux qu’affrontent les politiques
du logement, ce qui justifie d’y consacrer le chapitre suivant.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 55
❯ Chapitre 2
Introduction aux politiques de l’habitat : enjeux
et moyens
Ce chapitre pose les principaux termes de ce que recouvrent les politiques
du logement et de l’habitat ; il constitue à la fois la référence et la grille de
lecture du récit historique de ces politiques (chapitre 3), puis de l’étude
plus précise de leurs principales composantes actuelles (chapitre 4). Pour
constituer ce cadre général, nous détaillerons d’abord les grandes catégories
d’enjeux que les politiques du logement et de l’habitat se proposent de
traiter, puis la gamme des outils financiers et juridiques qu’elles mobilisent.
Trois enjeux
L’ensemble que l’on désigne généralement sous le terme de « politiques du
logement ou de l’habitat » masque une diversité d’enjeux qui contribue à
expliquer sa grande complexité.
L’explicitation de ces enjeux aide à introduire la réflexion sur les politiques
en proposant d’emblée une grille de lecture qui trouvera des échos tant
dans les développements historiques que dans l’énoncé des problématiques
contemporaines. En effet, comprendre la diversité des questions liées aux
politiques du logement permet d’en interpréter les différentes dimensions,
la diversité des temporalités qu’elles supposent, la prolifération des lois
et des mécanismes d’aide et l’éventail des acteurs impliqués. C’est aussi
l’occasion de pointer certaines des contradictions qu’elle fait naître.
On a coutume de classer les enjeux des politiques de l’habitat en trois
grandes catégories synthétiques : le social, l’économique et l’urbain. Seul
le premier place le logement à la fois comme finalité et comme outil,
alors que les deux autres ne font que l’utiliser pour atteindre des fins qui
le dépassent.
56 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
1. Article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au loge-
ment, dans sa version d’origine. La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et
responsabilités locales y ajoute, en son article 65 : « et pour y disposer de la fourniture d’eau,
d’énergie et de services téléphoniques ».
2. Voir à ce sujet Louis Bertrand, Norme, règle et individu dans les politiques locales du logement des
personnes défavorisées, thèse de doctorat en urbanisme, aménagement et politiques urbaines,
université Paris-Est, 2008, p. 155 et s.
3. Si l’on retient le chiffrage de la Fondation Abbé-Pierre, le mal-logement concerne près de
3,5 millions de personnes en France, soit un peu plus de 5 % de la population du pays.
4. L’insalubrité est une catégorie juridique ancienne, opératoire depuis la seconde moitié du
XIXe siècle. La décence est introduite dans le droit privé le 13 décembre 2000 par la loi
« Solidarité et renouvellement urbains » n° 2000-1208 et le logement indigne, catégorie
englobant l’ensemble des situations justifiant une action directe, est défini par l’article 84
de la loi n° 2009-323 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (dite
loi « Boutin ») du 25 mars 2009.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 59
5. L’une des illustrations de ces démarches d’optimisation porte sur la façon dont promoteurs
et investisseurs ont utilisé les dispositifs d’amortissement fiscal en matière d’investissement
locatif au cours des années 2000 (plus particulièrement pendant la période du mécanisme
« Robien », entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2009). Ils ont produit un nombre
important de logements locatifs à loyers supérieurs aux prix du marché dans des villes où
les prix de vente étaient suffisamment modérés pour assurer une bonne rentabilité locative,
parfois au-delà de la capacité d’absorption de la demande locale et, en tout cas, dans l’igno-
rance de toute approche en termes de besoins. Les excès de ces optimisations ont conduit le
gouvernement à introduire des zonages sur lesquels nous reviendrons.
6. Source : Compte du logement, édition 2015 (portant sur l’année 2013). Disponible en ligne :
www.statistiques.développement-durable.gouv.fr.
7. L’impact des différents régimes de TVA à taux réduit constitue un manque à gagner d’un peu
plus de 5 milliards hors aides au logement social.
62 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
(1) Décision qui a suscité le dépôt par l’association de lutte contre le mal-logement « Bail à
part-Tremplin pour le logement », en juillet 2015, de deux recours auprès du Conseil d’État et
du tribunal administratif de Paris, afin d’obtenir une application plus large de l’encadrement des
loyers (NDE).
Source : www.vie-publique.fr/actualite/alaune/logement-mesures-presentees-par-manuel-
valls-20140901.html.
64 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
On peut esquisser les contours des enjeux urbains des politiques de l’habitat
à partir de ces trois registres, pour en souligner les attendus et certaines
contradictions ; notamment dans leur façon d’intégrer (ou non) la longue
durée des processus résidentiels.
La mixité sociale
L’objectif de mixité sociale est aujourd’hui une dimension majeure du corps
de doctrines des politiques urbaines et il contribue à leur argumentation,
ainsi qu’à la définition de beaucoup de leurs outils, notamment dans le
champ du logement.
Si on retient une acception large de l’impératif de mixité sociale tel que
mis en œuvre dans les politiques urbaines françaises, qui postule qu’un
fonctionnement harmonieux de la société doit reposer sur un mélange des
catégories sociales dans l’espace résidentiel, on peut en envisager au moins
deux approches dont la coexistence n’est pas exempte de contradictions :
– si l’espace habité doit être mixte, il doit permettre aux ménages relevant
de toutes les catégories sociales de trouver à s’y loger à tout moment dans
de bonnes conditions. On rejoint ici l’approche en termes de satisfaction
des besoins et ses relations avec le marché du logement. Ce sont les dyna-
miques de mobilité des ménages qui en sont le moteur. Les politiques du
logement visent ici à rendre possible l’accomplissement des parcours de
chacun. L’enjeu de mixité sociale consiste alors à éviter que se produise un
effet de filtrage territorial ou de spécialisation sociale des espaces ;
– plus classiquement, on peut ne retenir que l’acception plus précise de
la notion de mixité, qui correspond plutôt à une approche spatiale de la
composition sociale des ensembles urbains, tant à l’échelle de l’opération
immobilière que du quartier ou de la commune. Le but est alors de faire
en sorte que les groupes sociaux visés cohabitent à ces différentes échelles.
Les politiques s’affairent ici à « mettre ensemble » les groupes sociaux.
Dans cette seconde acception de la mixité sociale, il arrive que l’on se limite
à deux volets d’action censés être complémentaires : d’une part, l’exigence
d’un taux minimum de logements sociaux dans les communes urbaines (le
fameux article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbains – SRU –,
modifié par la loi « Duflot » n° 2013-61 du 18 janvier 20139, qui oblige
les communes urbaines à avoir sur leur territoire au moins 25 % de loge-
ments sociaux au lieu de 20 %) ; d’autre part, la diversification de l’offre
de logements dans les villes et quartiers les plus marqués par la pauvreté.
10. Les villes nouvelles sont de vastes opérations d’urbanisme lancées en Île-de-France, dans le
cadre du schéma directeur de 1965, et diffusées également autour de Lyon, Lille, Marseille et
Rouen. Il s’agissait de créer de nouveaux pôles de développement urbain à l’écart des agglo-
mérations existantes. À l’opposé des grands ensembles, les villes nouvelles avaient pour voca-
tion de ne pas être des cités-dortoirs, mais d’accueillir autant d’emplois que d’habitants, dans
une logique de diversité sociale qui devait en faire des villes complètes et pour tous.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 67
Le renouvellement urbain
En effet, on peut considérer qu’une part largement majoritaire des politiques
territoriales se développe aujourd’hui dans ce que l’on a pris l’habitude
d’appeler le renouvellement urbain. La conjonction de l’impératif de
construction de logements en grand nombre avec la nécessité de maîtrise
des processus d’étalement impose de travailler la matière urbaine existante
en y recherchant les moyens d’une production qui soit à la fois abondante
et respectueuse de la qualité de la vie en ville.
La loi SRU de décembre 2000 et la loi Alur du 24 mars 2014 posent les
termes de ces politiques au sein d’une préoccupation générale de maîtrise
de l’urbanisation. En ce qui concerne le logement, elles rencontrent de
multiples obstacles d’ordres sociologique, économique et institutionnel.
En effet, 78 % des accédants à la propriété récents habitaient dans une
maison individuelle en 2013 (contre 31 % pour les locataires du secteur
privé et 17 % pour les locataires HLM), ce qui indique que, lorsqu’ils
peuvent mettre en œuvre un projet de long terme, la grande majorité des
ménages rejette l’habitat collectif. 39 % de ces accédants en maison indi-
viduelle ont acquis un logement dans une commune rurale. Ce constat
apparemment imparable alimente l’argumentaire libéral selon lequel les
politiques de lutte contre l’étalement urbain iraient à l’encontre des aspi-
rations de la majorité des familles vivant en France. Ils suggèrent aussi
que les choix résidentiels manifestent un net refus de la densité urbaine.
La prise en compte de ces difficultés se heurte souvent aux contradictions
induites par l’emboîtement des niveaux institutionnels de responsabilité
des politiques de l’habitat et par le décalage entre ces niveaux et la réalité
du fonctionnement des marchés du logement. La première de ces contra-
dictions est à mettre en relation avec l’enjeu économique qui a longtemps
fait des régimes d’aides à la pierre de puissants moteurs d’étalement ; ce fut
le cas du PAP (prêt d’accession à la propriété, en vigueur de 1978 à 1995)
et, sauf entre 2005 et 201111, du prêt à taux zéro, principalement destinés
à financer des logements neufs.
11. Entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2011, le prêt à taux zéro était ouvert à toutes les
acquisitions, même de logements anciens, sans obligation de travaux, ce qui avait réduit son
impact sur l’activité de construction et sur l’étalement urbain, mais considérablement accru
son coût pour l’État.
68 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
La démolition des logements sociaux est l’une des singularités de ces poli-
tiques. En première analyse, celle-ci apparaît d’abord contradictoire avec la
nécessité d’accroissement d’une offre de logements abordables. Elle semble
également symboliser le retour en force de l’idée, abondamment critiquée
ces dernières décennies, selon laquelle certaines formes architecturales et
urbaines seraient porteuses, par elles-mêmes, de pathologies sociales. La
réalité des opérations est évidemment plus complexe. En effet, donner aux
sites traités une nouvelle attractivité résidentielle passe autant par la démo-
lition des bâtiments les plus obsolètes que par la disparition symbolique
des lieux dont la notoriété est la pire. Il s’agit aussi de créer un nouveau
tissu urbain organisé par des rues et des îlots désenclavés du reste de la ville.
La nécessité de démolir en devient souvent une condition opérationnelle.
L’un des points communs de ces enjeux symboliques et opérationnels est
de privilégier l’avenir par rapport au présent, en donnant plus de poids à
la perspective d’attractivité future qu’au choc que peuvent provoquer la
démolition et le relogement des ménages évincés. Cette posture privilégiant
le long terme est sans doute un fondement essentiel de tout bon urbanisme ;
encore faut-il en mesurer toutes les conséquences sociales immédiates pour
les adoucir et conserver l’humilité qu’imposent tous les regards rétrospectifs
sur les politiques urbaines des cinquante dernières années.
Encore une fois, le temps apparaît comme la variable essentielle des poli-
tiques de l’habitat et de l’urbain ; un temps porteur de contradictions
entre l’immédiateté de l’habitant d’aujourd’hui, la courte durée des cadres
institutionnels et juridiques d’intervention, le moyen terme du projet
et la perspective la plus longue des processus de valorisation/dévalorisa-
tion urbaine. Le filtre temporel est probablement aujourd’hui le meilleur
moyen d’étude de la pertinence des opérations de rénovation urbaine et
d’évaluation de leurs effets.
L’environnement
L’utilisation du logement comme outil des politiques environnementales,
beaucoup plus récent et encore embryonnaire, confirme, par essence, les
enjeux d’intégration de la longue durée. Elle converge avec la problématique
du renouvellement urbain dans son combat contre l’étalement et pour la
densité. C’est, là encore, une façon de lier la question du logement à celle
de l’évolution des territoires, avec pour objectif premier la réduction du
nombre et de la longueur des déplacements les plus coûteux en émission
de gaz à effet de serre, le tout sans nuire au développement économique
et à l’emploi. Les contradictions potentielles avec les autres grands enjeux
des politiques du logement sont fortes. En effet, si on considère nécessaire
de construire plus et moins cher, la maison individuelle et l’étalement sont
souvent les manières les plus efficaces d’y parvenir.
70 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
***
12. Celle-ci prévoit notamment un certain nombre de dispositifs visant à accélérer la rénova-
tion énergétique des logements (allègement fiscal, prêt à taux zéro, chèque énergie…) et la
construction de bâtiments à énergie positive.
13. La lutte contre la précarité énergétique est l’un des enjeux prioritaires de l’Agence nationale
de l’habitat (Anah) depuis 2009.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 71
Les moyens
La diversité des enjeux que traitent les politiques du logement et de l’habitat
se reflète dans la gamme très large des outils qu’elles mobilisent. Pour
schématiser, on peut les classer en deux grandes rubriques : les aides finan-
cières et le cadre juridique. Avant de consacrer les prochains chapitres au
récit des évolutions historiques qu’ont subies ces moyens d’action, nous
allons en décrire brièvement les principales caractéristiques au milieu des
années 2010.
14. Le Compte du logement, compte satellite de la comptabilité nationale publié chaque année
depuis 1994 et comprenant des séries rétrospectives remontant à 1984, retrace la production
et la consommation de services de logement, ainsi que la consommation de biens et services
connexes considérés comme participant du domaine. Il décrit en outre les investissements
nécessaires à la production du service de logement, ainsi que les dépenses correspondantes et
leur financement. Le Compte décrit également les aides publiques, les prélèvements et les cir-
cuits de financement spécifiques, et fournit des données physiques sur le parc de logements.
72 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
15. Cela nous conduira à omettre deux volets des aides fiscales au logement qui ne constituent ni
une aide à la consommation, ni une aide à la production : les déductions forfaitaires sur les
revenus fonciers des particuliers et l’exonération de l’impôt sur les sociétés dont bénéficient
les organismes d’HLM (soit un ensemble d’avantages chiffré à 1,1 milliard d’euros en 2013
par le Compte du logement).
16. Les aides à la personne des accédants à la propriété ont été remises en cause par le projet de
loi de finances pour 2015. Fortement contestée par les parlementaires, cette mesure a été
repoussée d’un an et reste en débat au moment de la mise à jour de cet ouvrage.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 73
17. Le domaine des aides à la production est mouvant. Il faut, en la matière, se contenter d’en
donner à comprendre les grands principes.
18. La Vefa est le principal outil de vente de logements à construire par les promoteurs, tant pour
les acheteurs particuliers que pour les organismes d’HLM, qui peuvent acheter en Vefa depuis
la loi SRU de 2000, selon des modalités qui ont été largement assouplies depuis. L’acheteur en
Vefa réserve un logement sur plan avant même l’ouverture du chantier et en devient ensuite
progressivement propriétaire, au fur et à mesure de sa construction, en répondant aux appels
de fonds successifs du promoteur. Ce régime juridique est très sécurisé pour l’acheteur.
19. Ce sigle, qui signifiait « prime à l’amélioration des logements à usage locatif et à occupation
sociale », reste utilisé par les milieux professionnels, même si les aides correspondantes s’ap-
pellent, depuis 1988, « subvention à l’amélioration des logements locatifs sociaux ».
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 75
20. L’Anru, créée en 2004 pour mener à bien le Programme national de rénovation urbaine
(PNRU), lancé par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003, n’octroie pas seulement des aides au
logement, puisqu’elle contribue, de façon globale, à la conception et à la mise en œuvre de
projets urbains de grande ampleur qui exigent notamment des financements en matière de
coordination opérationnelle et de réalisation d’espaces et d’équipements publics. Nous ne
traitons ici que des aides au logement.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 77
21. La seule aide, très indirecte, est l’exonération de tout prélèvement fiscal ou social sur les inté-
rêts servis par le Livret A aux épargnants.
22. Ce taux a fortement varié depuis début 2009 entre un maximum de 2,5 % et le minimum
de 0,75 % en vigueur depuis le 1er août 2015.
23. Le périmètre des avantages de taux a toutefois changé entre les deux dates, notamment sous
l’effet de la montée en charge des éco-prêts logement social, dont les taux sont très bas.
24. Au fil de ses réformes, le PTZ s’est également appelé « Nouveau PTZ » entre 2005 et 2011,
puis PTZ+ entre 2012 et 2014. L’article 59 de la loi de finances pour 2015 prolonge le PTZ
jusqu’au 31 décembre 2017 et prévoit certains aménagements (suppression de la condition de
performance énergétique ; assouplissement des conditions d’achat dans le parc social ; exten-
sion à l’achat de logements anciens à réhabiliter en milieu rural, dans les 6 000 communes
concernées par le PTZ rural, listées sur le site du ministère chargé du logement).
78 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
25. Pierre-André Périssol, ministre et ministre délégué (RPR) chargé du logement (1995-1997).
26. Gilles de Robien, ministre centriste, notamment de l’Équipement et du Logement (2002-2005).
27. François Scellier, député UMP puis Les Républicains du Val-d’Oise depuis 2002.
28. Cécile Duflot, ministre Europe Écologie Les Verts de l’Égalité des territoires et du Logement
(2012-2014).
29. Sylvia Pinel, ministre radicale de gauche du Logement, de l’Égalité des territoires et de la
Ruralité (2014-).
80 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
agrément qui déclenche à lui seul cinq mécanismes financiers : une aide
directe (la subvention, même si celle-ci est devenue rare hors PLA-I),
deux aides fiscales (la TVA à 5,5 % et l’exonération de taxe foncière), un
avantage de taux (le prêt de la Caisse des dépôts et consignations) et, une
fois les logements occupés, le bénéfice de l’APL pour ses locataires. Dans
cet ensemble, la subvention ne constitue que la partie la plus visible, celle
à laquelle on a encore coutume de réduire la notion d’aide à la pierre, mais
qui est de très loin la plus faible de toutes. De fait, s’agissant du logement
social, une part des aides fiscales et des avantages de taux est tout aussi
contingentée et territorialisée que les aides directes.
Depuis 1984, la répartition entre les grandes modalités d’aides au logement
a connu d’importantes variations (figure 7). La principale est la très forte
augmentation des aides à la personne, qui dominent nettement l’ensemble
depuis la fin des années 1980. La deuxième est la baisse presque continue
des aides directes à la production jusqu’au milieu des années 2000, moment
où la tendance s’inverse sous l’effet de l’élargissement du PTZ et d’une
reprise de la production de logements sociaux. La tendance aura toutefois
été de courte durée : dès 2011, la courbe s’inverse au fil des réformes du
PTZ et de la baisse des subventions aux HLM. La troisième tendance est
l’importance prise par les avantages fiscaux, qui passent en quinze ans d’un
peu moins de 5 milliards d’euros en 1998 à 16,5 milliards en 2011, à 15
en 2012 et à 14,5 en 2013. Les régimes réduits de TVA en sont l’explica-
tion principale et le relèvement de certains taux à 7 % en 2012 permet de
comprendre le retournement de la courbe. Il en sera sans doute de même
pour 2014 avec le passage du taux intermédiaire à 10 %.
Au total, l’évolution la plus significative des aides au cours de cette période
est la domination acquise par les mécanismes non contingentés et non
territorialisés. Ils ne donnent lieu à aucune décision unitaire et leur mise
en œuvre dépend de mécanismes marchands d’optimisation par les acteurs
économiques.
En perdant ainsi la main sur la façon dont les aides sont mobilisées, la
puissance publique se prive de capacité de pilotage, tant nationale que
locale. Dans la mesure où la plupart des outils fiscaux qu’il utilise sont
nationaux par définition (TVA, impôt sur le revenu), l’État renonce ainsi
par avance à la possibilité de décentraliser tout ou partie de ses moyens
d’action. Ces grandes évolutions peuvent sembler contradictoires avec la
montée en puissance des politiques locales de l’habitat (chapitre 4).
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 81
Figure 7.
Évolution des modalités des aides au logement (1984-2013) (en milliards d’euros courants)
20
Prestations sociales liées au logement
(aides à la personne)
17,5
15
Avantages fiscaux
12,5
10
7,5
05
08
11
13
84
87
90
93
96
99
20
20
20
20
20
19
19
19
19
19
19
30. Les EPCI n’ont pas le statut de collectivités territoriales, mais, par extension, nous les consi-
dérerons comme tels pour simplifier notre propos.
82 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
De fait, tant les régions que les départements, les EPCI et certaines com-
munes (souvent les villes centres des grandes agglomérations) ont déve-
loppé au cours du temps, surtout depuis les années 1990, des mécanismes
d’aides financières extrêmement divers, généralement en complément des
aides d’État, ici pour la production de logements sociaux, là pour leur
amélioration, là encore pour la réhabilitation du parc privé ancien, etc.
Selon les cas, ces aides prennent une forme forfaitaire et automatique,
ajoutée aux mécanismes nationaux de droit commun, ou sont, de plus
en plus souvent, assorties de conditions formulées en fonction des prio-
rités, notamment sociales ou environnementales, de la collectivité. Dans
la plupart des grandes villes se cumulent ainsi des aides de la région, du
département et de l’agglomération, répondant à des critères différents qui
conduisent les opérateurs, du particulier à l’organisme d’HLM, à tenter
d’optimiser leurs projets pour capter le maximum de ressources.
Ces aides ne relevant pas des compétences formelles des collectivités concer-
nées (à ce jour, le seul financement lié au logement explicitement décen-
tralisé est le FSL), elles ne font l’objet d’aucune consolidation nationale et
restent de ce fait très mal connues, même s’il est notoire que la Ville de Paris
et certaines métropoles, telles que Rennes, Lyon ou Nantes, y consacrent
des montants supérieurs à ceux des aides directes de l’État. Depuis le début
des années 2010, le Compte du logement améliore son approche de ces
aides. En 2013, il les valorise à un peu plus de 1,4 milliard d’euros au sein
de la rubrique des subventions d’investissement (soit 41,3 % de celles-ci),
mais il est probable que cela soit encore sous-estimé.
31. Voir sur ce sujet les travaux de Jules-Mathieu Meunier, notamment « La transformation de la
régulation politique du 1 % logement, entre rationalisation gestionnaire et quête d’une nou-
velle légitimité institutionnelle », in Laurent Duclos, Guy Groux et Olivier Mériaux (dir.), Les
nouvelles dimensions du politique. Relations professionnelles et régulations sociales, coll. « Droit
et société », LGDJ, Paris, 2009, p. 179-192 ; « La réforme du 1 % logement dans la loi de
mobilisation pour le logement. Le paritarisme pris au piège de la RGPP et du conflit entre
le Medef et l’UIMM », Études foncières, n° 139, mai-juin 2009, p. 15-19.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 83
32. Au moment de sa création, le sigle se développait en : Union d’économie sociale pour le
logement.
33. Christine Boutin, ministre UMP du Logement et de la Ville (2007-2008), puis du Logement
(2009).
84 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
34. Ce pôle immobilier regroupera le patrimoine des entreprises sociales pour l’habitat (ESH),
dont les CIL sont actionnaires de référence (voir plus loin dans ce chapitre).
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 87
35. Le statut des OPH a été créé par une ordonnance du 1er février 2007 ; il se substitue aux
anciens offices publics d’HLM (OPHLM, établissements publics administratifs) et offices
publics d’aménagement et de construction (Opac, établissements publics à caractère indus-
triel et commercial).
36. Le statut des ESH a été fortement réformé par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 qui impose,
notamment, la désignation d’un actionnaire de référence détenant la majorité du capital pour
en assurer la gouvernance.
37. Les Sacicap sont les anciennes sociétés anonymes de crédit immobilier qui détiennent 100 %
du groupe Crédit Immobilier de France.
90 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
L’évolution sur trente ans des plafonds de ressources pour accéder aux loge-
ments sociaux apporte une illustration des attendus et des enjeux de cette
réglementation. Après la période de construction de nombreux logements
sociaux entre 1965 et 1975, la création, en 1977, du prêt locatif aidé (PLA),
résultait d’une volonté d’unification du logement social autour d’un pro-
duit de bonne qualité, dont le niveau de loyer élevé serait compensé par
l’apport de l’APL. Conçue comme une étape déterminante du parcours
résidentiel des familles, un marchepied vers l’accession à la propriété, cette
approche du logement social se voulait ouverte à la grande majorité, dans
la continuité de son rôle historique. C’est ainsi que, en 1980, les plafonds
de ressources permettaient encore à 80 % des ménages d’entrer dans les
HLM. Les années 1980 sont marquées par un recentrage des objectifs de
l’État autour des populations les plus modestes. Le gel de l’évolution des
plafonds de ressources entre 1983 et 1988, puis leur actualisation très lente
à partir de 1988 aboutissent à ce que, en 1993, la proportion de ménages
pouvant accéder au logement social descende à 55 %.
En 1994, à la suite d’une alternance politique, l’État remet partiellement
en cause cette politique par une vaste opération de réforme des plafonds
de ressources, qui favorise les familles nombreuses. Depuis cette date, les
plafonds ont de nouveau été réévalués à plusieurs reprises, notamment au
profit des ménages de petite taille. Ils sont désormais indexés sur le salaire
minimum (Smic). C’est ainsi que, au début des années 2000, on estimait
que 65 % des ménages satisfaisaient à ces conditions d’accès.
Une telle évolution avait creusé considérablement l’écart entre le cadre
réglementaire et la réalité de la demande sociale qui, dans le contexte
d’amplification des inégalités sociales en matière de logement, tend à se
concentrer sur les ménages à bas, voire très bas revenus. Dès le début des
années 1990, pour tenir compte de cette réalité sociale, il avait fallu créer
une nouvelle catégorie de logements sociaux à loyers minorés destinés à
des ménages dont les revenus étaient nettement inférieurs aux plafonds
de droit commun. En 2000, le remplacement du PLA par le prêt locatif
à usage social (PLUS) corrigeait légèrement l’écart, mais les fortes aug-
mentations du Smic entre 2003 et 2006, consécutives à la mise en œuvre
des 35 heures (lois du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000), ont entraîné
mécaniquement une révision à la hausse des plafonds de ressources qui,
fin 2008, couvraient à nouveau plus des trois quarts des ménages vivant
en France.
Face à l’écart croissant entre les plafonds et la réalité de la demande, et
conscient du risque que la conception française du logement social soit
mise en cause par l’Union européenne38, le gouvernement a abaissé les
38. Nous reviendrons, dans le chapitre 4, sur la conception française du logement social et ses
conséquences, tant nationales qu’européennes.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 91
39. La surface corrigée, introduite par l’article 28 de la loi du 1er septembre 1948 et le décret
n° 48-1766 du 22 novembre 1948 pour les logements privés à loyer réglementé et étendue
plus tard au parc social, est un outil d’incitation à la qualité des logements. Pour la calculer,
on ajoute à la surface habitable quelques mètres carrés fictifs rendant compte des attributs
du logement (niveau d’équipement, orientation, etc.).
40. La surface corrigée ayant entraîné quelques abus de la part des maîtres d’ouvrage qui cher-
chaient à en optimiser le rendement, celle-ci a été remplacée en 1996 par la « surface utile », qui
est égale à la surface habitable, augmentée de la moitié des surfaces annexes (caves, loggia…)
dans la limite de 18 m².
41. Les PLUS, PLAI et PLS, trois catégories dans lesquelles ont été reclassés tous les types histo-
riques qui les ont précédées.
42. Cet indice a évolué à deux reprises en 2006 et 2008. Après avoir été très longtemps calé sur
l’indice du coût de la construction (ICC), l’indice de révision des loyers (IRL) correspond
désormais à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’indice des prix à la consommation
hors tabac et hors loyers.
92 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
46. Le régime de la location en meublé est différent, avec des baux d’un an et un loyer librement
fixé entre les parties.
47. La jurisprudence en la matière retient pour l’essentiel les cas d’inexécution par le locataire
des obligations qui lui incombent (paiement du loyer, mauvaise gestion du logement…) et
les situations qui rendent impossible la poursuite du contrat (démolition de l’immeuble, par
exemple).
96 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
48. Dominique Braye, sénateur UMP (1995-2011) ; Thierry Repentin, sénateur socialiste (2004-
2012 et 2014), président de l’Union sociale pour l’habitat (USH) entre 2008 et 2012.
Th. Repentin est devenu, par le décret n° 2015-423 du 15 avril 2015, le premier délégué
interministériel à la mixité sociale dans l’habitat.
49. Thierry Repentin et Dominique Braye, Foncier, logement : sortir de la crise. Rapport d’infor-
mation fait au nom de la commission des affaires économiques et du plan par le groupe de travail
sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, Sénat, Paris, coll. « Les rapports
du Sénat », n° 442, 29 juin 2005 (www.senat.fr/rap/r04-442/r04-4421.pdf ).
98 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
50. Sauf entre 1995 et 2000, en ce qui concerne la programmation du rattrapage des communes
ayant un déficit de logements sociaux.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS ❮ 99
51. « Parmi les représentants de l’établissement public territorial au sein du conseil d’administra-
tion de l’office figurent, dans une proportion d’au moins la moitié, des membres proposés par
la commune de rattachement initial dès lors qu’au moins la moitié du patrimoine de l’office
est située sur son territoire. » (nouvelle rédaction de l’article L. 5219-5 du Code général des
collectivités territoriales en application de la loi NOTRe du 7 août 2015).
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 101
❯ Chapitre 3
Grandes étapes, grands tournants (1850-1995)
Les politiques du logement et de l’habitat sont le résultat d’une riche
histoire ; elles illustrent la façon dont la France a tenté d’adapter les condi-
tions de vie de ses habitants aux grandes évolutions sociales, politiques et
économiques depuis le milieu du XIXe siècle.
Les cent premières années de cette histoire sont celles de la pose des fonda-
tions, notamment pour le logement social. La seconde moitié du XXe siècle
a été d’abord marquée par les exigences de résorption d’un déficit séculaire,
puis, à partir du milieu des années 1970, par de nouvelles préoccupations
à l’origine des politiques du logement contemporaines.
1. Au premier rang d’entre eux, Florence Bourillon, « La loi du 13 avril 1850 ou lorsque la
Seconde République invente le logement insalubre », Revue d’histoire du XIXe siècle, nos 20/21,
2000 et Roger-Henri Guerrand, Propriétaires et locataires. Les origines du logement social en
France (1850-1914), Quintette, Paris, 1987. Citons également Annie Fourcaut, La banlieue
en morceaux : la crise des logements défectueux dans l’entre-deux-guerres, Créaphis, Grâne, 2000 ;
Susanna Magri, « Les propriétaires, les locataires, la loi. Jalons pour une analyse sociologique
des rapports de location, Paris 1850-1920 », Revue française de sociologie, vol. XXXVII, n° 3,
1996, p. 397-418 ; Jean-Paul Flamand, Loger le peuple : essai sur l’histoire du logement social,
coll. « Textes à l’appui », La Découverte, Paris, 1989.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 103
2. Les bénéficiaires de la loi du 30 novembre 1894 sont définis comme « personnes n’étant pro-
priétaires d’aucune maison, notamment […] des ouvriers et employés vivant principalement
de leur travail ou de leur salaire » (article 1er).
3. La Caisse des dépôts et consignations, dont les dirigeants d’alors sont très réticents, mettra
de nombreuses années à s’engager véritablement dans le financement du logement social. Il
faudra attendre le programme issu de la loi « Loucheur » du 13 juillet 1928 pour constater
sa première implication déterminante (v. infra).
104 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
4. Danièle Voldman, « La loi de 1948 sur les loyers », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 20,
octobre-décembre 1988, p. 91-102 (p. 95).
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 105
cement (ce sont, en 1919, les véritables débuts de l’aide à la pierre5, qui
seront confirmés et fortement renforcés par les lois du 26 février 1921 et
du 5 décembre 1922). C’est à cette époque que commence à s’étendre un
logement social à statut locatif, et que les offices publics prennent le pas
sur les sociétés privées d’HBM.
Parallèlement, également en réponse à l’ampleur de la crise, le début des
années 1920 est marqué par le développement de nouvelles formes de pro-
duction spéculative d’initiative privée, sous la forme de grands lotissements
à la périphérie éloignée des villes principales et singulièrement autour de
Paris6. Ces ensembles, qui ont couvert plus de 16 000 hectares en banlieue
parisienne, souvent limités à une simple division parcellaire de terrains non
équipés, voire marécageux, ont ainsi regroupé plus de 450 000 personnes
dans des conditions généralement déplorables. Les « mal lotis », escroqués
dans leur rêve d’accession à la propriété, se constituèrent peu à peu en un
mouvement social emblématique de la culture ouvrière de l’entre-deux-
guerres, qui fut l’un des fondements du socialisme et du communisme
municipal de la périphérie parisienne, notamment à partir des élections
municipales de 1925. Il contribua aussi à faire monter la préoccupation
pour le logement dans les municipalités de la banlieue populaire, certaines
allant jusqu’à se doter d’offices publics d’HBM.
Après deux tentatives d’encadrement juridique des lotissements en 1919
(loi du 14 mars) et 1924 (loi du 19 juillet), ce n’est véritablement qu’à
partir du 15 mars 1928, avec la loi « Sarrault », que les « mal lotis » des
lotissements défectueux pourront faire financer, a posteriori et avec une
contribution de l’État couvrant 50 % des coûts, les équipements qui leur
faisaient défaut.
En 1928, la crise du logement est donc encore très vive, lorsque le gou-
vernement met au point une alternative aux lotissements privés et lance
un vaste programme de construction neuve, destiné, pour l’essentiel, à
favoriser l’accession sociale à la propriété. Ce programme, organisé par
la loi du 13 juillet 1928 (dite loi « Loucheur », du nom du ministre du
Travail et de la Prévoyance sociale), prévoit la construction, sur cinq ans
(1929-1933), de 260 000 logements, dont 60 000 à « loyer moyen » des-
tinés aux familles de salariés à revenus moyens. La Caisse des dépôts est à
nouveau sollicitée et répond favorablement, bien que très provisoirement
(elle se retire du système en 1932).
Ce programme, ambitieux en apparence, est cependant bien insuffisant
par rapport à l’ampleur des besoins estimés et est rapidement confronté
5. La loi du 31 mars 1919 prévoit que l’État peut verser des subventions pouvant atteindre le
tiers du prix de revient des logements destinés à des familles nombreuses.
6. Annie Fourcaut, La banlieue en morceaux : la crise des logements défectueux dans l’entre-deux-
guerres, op. cit.
106 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
7. Elle regroupe la Fédération nationale des sociétés coopératives d’HBM (créée en 1908), celle
des sociétés de crédit immobilier (créée en 1912), celle des offices d’HBM (créée en 1921) et,
plus tard, celle des sociétés anonymes (créée en 1927). Son premier congrès se tient en 1934.
8. Danièle Voldman, « La loi de 1948 sur les loyers », op. cit., p. 93.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 107
inspirée des expériences des premiers CIL d’initiative privée, fondée sur le
versement, pour le logement, de 1 % de la masse salariale des entreprises
de dix salariés et plus.
Parallèlement, afin d’obtenir la relance attendue, le plan « Courant » repose
sur une politique vigoureuse de soutien au secteur de la construction, en
lui garantissant un carnet de commandes suffisant et en favorisant son
industrialisation. C’est le début des chantiers de grande ampleur et de la
production en série, ainsi que de la mise en place d’un ensemble de règles
et normes qui permettront la généralisation de l’eau courante, de l’élec-
tricité, du gaz et de la salle d’eau (la salle de bains devenant obligatoire
en 1960). Les grands ensembles sont nés, facilités par la loi foncière du
6 août 1953, qui permet à l’État d’exproprier les terrains nécessaires à la
réalisation de grands projets d’habitation. C’est aussi l’occasion d’une vaste
réorganisation de la Caisse des dépôts, dont les filiales, la SCET et la SCIC,
vont contrôler, à partir de 1955, la quasi-totalité des projets de grands
ensembles. Cette même année est lancé le gigantesque chantier du grand
ensemble de Sarcelles, premier grand emblème de cette politique nouvelle.
Dès 1953, la construction neuve passe la barre des 190 000 unités, et
atteint les 270 000 l’année suivante. L’époque de la construction massive
est lancée.
Mais, au même moment, la question sociale revient dans le débat. Une
série d’enquêtes sur le peuplement des logements HLM montre que leur
objectif social est loin d’être atteint, les ouvriers y étant sous-représentés
et les salariés à faibles ressources peinant toujours autant à se loger.
Le 1er février 1954, le décès d’une femme, morte de froid boulevard Sébas-
topol, à Paris, suscite un premier appel de l’abbé Pierre, qui provoque un
électrochoc dans l’opinion et donne naissance à ce que la presse appellera
l’« insurrection de la bonté ». De son côté, le Parlement réagit à la hâte et
vote, trois semaines plus tard, une série de mesures visant à construire rapi-
dement 12 000 logements d’urgence, créant successivement les « logements
économiques de première nécessité » (LEPN), les « logements économiques
normalisés » (LEN, dont la plupart seront réunis dans l’opération « mil-
lion »9) et les « logements populaires et familiaux » (Lopofa).
La création de cet habitat économique, aux normes inférieures à celles du
HLM ordinaire, ne suffit cependant pas à résoudre le problème massif
du logement des ménages à bas revenu ; d’où la nécessité de repenser les
modalités d’attribution du logement social. Le décret du 27 mars 1954
institue le plafond de ressources et met en place une procédure destinée à
assurer une meilleure transparence des attributions de logements HLM.
Celle-ci comprend notamment l’élaboration d’un classement des candidats
9. L’objectif étant que le coût maximum de ces logements ne dépasse pas un million d’anciens
francs de 1954 (soit environ 21 700 euros en 2014).
110 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
par un système de points selon des critères objectifs tenant compte des
conditions de logement du demandeur.
Ce classement doit être mis en œuvre chaque année et doit comporter
un nombre de candidats excédant d’au moins 50 % le nombre de loge-
ments susceptibles d’être attribués dans l’année. Cette liste nominative
doit être affichée dans un lieu ouvert au public et les demandeurs non
retenus disposent d’un droit de recours. Face à la vigoureuse résistance
des bailleurs sociaux, le gouvernement devra cependant reculer l’année
suivante (décret du 26 juillet 1955), en abrogeant le système de notation
et en remettant la responsabilité totale des attributions entre les mains du
conseil d’administration des organismes. Le plafond de ressources reste
toutefois définitivement acquis.
10. Document en faveur d’une ville moderne plus « humaine » rédigé par le Congrès interna-
tional d’architecture moderne (Ciam) en 1933 et publié par Le Corbusier en 1941.
112 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
aussi bien les ménages connaissant les situations les plus graves que ceux
à revenus moyens. La gamme des objectifs sociaux de l’aide à la pierre
consommée par les organismes d’HLM s’élargit ainsi :
– vers le bas de l’échelle sociale, à partir de 1960, avec les « programmes
sociaux de relogement » (PSR), destinés aux populations issues des taudis
et bidonvilles éradiqués, puis en 1963, avec les « programmes à loyer
réduit » (PLR) ;
– vers les catégories moyennes, avec les « immeubles à loyer normal »
(ILN), non soumis à plafond de ressource, et les « immeubles à loyer
moyen » (ILM).
Les années 1960 sont caractérisées par la poursuite de la montée en puis-
sance des aides à la pierre. Parallèlement aux programmes locatifs, les
organismes d’HLM contribuent à l’accession à la propriété, à travers les
financements « HLM-accession » (dits « HLM-A »), principalement utilisés
pour la construction d’immeubles collectifs en copropriété, tandis que
les prêts du Crédit foncier de France continuent de se développer, à un
rythme supérieur à 100 000 unités par an jusqu’en 1972, finançant surtout
l’urbanisation diffuse de l’habitat pavillonnaire. Le financement privé de
l’accession à la propriété commence à prendre de l’importance, impulsé
par l’épargne-logement, créée par la loi du 10 juillet 1965 en remplace-
ment de l’épargne-crédit instituée par une ordonnance du 4 février 1959.
Au cours des deux décennies qui séparent le plan Courant (arrêté en 1953)
des conséquences du premier choc pétrolier, l’intense production de loge-
ments neufs transforme rapidement les paysages urbains de la France,
mettant en place deux de ses formes archétypales : le grand ensemble et
le lotissement pavillonnaire.
Le premier, d’abord valorisé comme symbole de la modernité, vecteur de
la diffusion massive du confort sanitaire (la salle de bains y devient la règle
dès le début des années 1960) et de la ville dédiée à l’automobile, mêle en
son sein l’essentiel du spectre de la société française. La gamme des modes
de financement permet la construction, dans les grands ensembles, d’une
diversité de produits immobiliers qui anticipe sur les outils aujourd’hui
mobilisés au nom de la mixité sociale11. Ce sont les processus sociaux
consécutifs aux transformations économiques de la fin des « trente glo-
rieuses » qui mettront à mal la diversité sociale des grands ensembles dès
le début des années 1970.
D’autant que, dans le même temps, les politiques d’appui à l’accession à
la propriété contribuent à la diffusion du pavillon en lotissements périur-
bains, dont il s’avère rapidement qu’il recueille une très forte adhésion
11. Le terme de « mixité sociale » n’est pas encore à l’ordre du jour. Il ne viendra véritablement
sur le devant de la scène qu’à la fin des années 1980 et, comme fil conducteur des politiques,
à partir de la loi d’orientation pour la ville n° 91-662 du 13 juillet 1991.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 113
12. Nicole Haumont et Henri Raymond citent à ce sujet une enquête de l’Ined qui montre que
82 % des habitants des grands ensembles exprimaient dès 1965 une préférence pour la maison
individuelle (Henri Raymond, Nicole Haumont et alii, L’habitat pavillonnaire, Centre de
recherche d’urbanisme et Institut de sociologie urbaine, Paris, 1966).
13. Albin Chalandon, gaulliste, ministre de l’Équipement et du Logement (1968-1972).
14. Henri Coing, Rénovation urbaine et changement social. L’Îlot n° 4 (Paris 13e), coll. « L’évolution
de la vie sociale », Les Éditions ouvrières, Paris, 1966.
114 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
15. Par exemple Manuel Castells, Henri Delayre, Francis Godard et alii, La rénovation urbaine
à Paris : structure urbaine et logique de classe, Mouton, Paris/La Haye, 1973.
16. Groupe de sociologie urbaine de Nanterre, « Paris 1970 : reconquête urbaine et rénovation-
déportation », Sociologie du travail, n° 4, octobre-décembre 1970, p. 488-514.
17. Olivier Guichard, gaulliste, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Équipement, du
Logement et du Tourisme (1972-1974).
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 115
18. Commissariat général du plan, Rapport de la Commission habitation du VIe Plan 1971-1975,
La Documentation française, Paris, 1971.
19. Union nationale des fédérations d’organismes HLM, Propositions pour l’habitat : livre blanc,
Paris, 1975 ; Simon Nora et Bertrand Eveno, Rapport sur l’amélioration de l’habitat ancien,
La Documentation française, Paris, 1975 ; Rapport de la commission d’étude d’une réforme du
financement du logement, présidée par Raymond Barre, La Documentation française, Paris,
1975.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 117
20. Rapport de la commission d’étude d’une réforme du financement du logement, présidée par Raymond
Barre, op. cit., p. 9.
21. Ibid., p. 27.
118 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
urbaines du passé et mieux insérés dans les tissus existants. Aux grands
projets portant sur des milliers de logements conçus ensemble, doivent
donc succéder de petites opérations intégrées dans la ville. Seules les villes
nouvelles, dont la production est lancée à peu près au même moment,
reprennent le flambeau des grandes opérations, mais selon des modalités
radicalement différentes de celles des années 1960, en privilégiant les
acteurs multiples et la diversité des formes, incluant une réflexion intense
sur la maison individuelle et les logements intermédiaires ;
– ensuite, en termes qualitatifs. L’exigence de la quantité et l’idée qu’il
fallait construire pour tous les Français avaient conduit parfois à transiger
sur la qualité, notamment dans les immeubles destinés aux plus pauvres,
mais aussi à développer une gamme de produits immobiliers porteuse
de mécanismes ségrégatifs au sein même des grands ensembles. Dès lors
qu’une production massive n’est plus jugée nécessaire et que la hausse du
prix du pétrole modifie la donne sur la consommation énergétique des
bâtiments, l’amélioration de la qualité des logements produits devient un
enjeu social, ce qui la rend prioritaire et impose des normes homogènes.
Il faudra donc réunifier les produits aidés ;
– enfin, le respect du patrimoine et des quartiers existants a sonné la
fin de la politique de rénovation urbaine au profit de nouveaux modes
d’intervention regroupés sous le terme de « réhabilitation » et dont le
champ d’action dépassera les secteurs historiques fortement valorisés qui
étaient déjà protégés par la restauration immobilière réalisée dans le cadre
de la loi « Malraux » du 4 août 1962. Ce qui n’empêchera cependant pas
certaines municipalités de continuer pendant quelques années à mettre en
œuvre des projets de restructuration urbaine passant par de nombreuses
démolitions dans les quartiers populaires, à l’image de la Ville de Paris
jusqu’au milieu des années 1990.
22. Nous retiendrons ici principalement les composantes de la réforme dont les traces sont encore
fortement présentes de nos jours, ce qui conduit, par exemple, à minorer des dispositifs,
comme les prêts conventionnés, tombés en relative désuétude.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 119
23. Le principe de l’aide à la personne est apparu en 1948, avec la création de l’allocation loge-
ment familiale (ALF), et avait été renforcé en 1971 avec celle de l’allocation de logement
sociale (ALS). Mais ces deux systèmes ne concernaient qu’un nombre limité de bénéficiaires.
L’ALS et l’ALF n’étaient accessibles qu’aux ménages présentant certaines caractéristiques spé-
cifiques (liées à l’âge, à la situation familiale, au handicap, etc.).
120 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
24. Dans le parc privé dont les loyers ne sont pas plafonnés, l’aide à la personne peut favoriser
une augmentation des loyers, le propriétaire captant ainsi, comme une aubaine, une part de
l’aide normalement destinée au locataire.
25. Les prêts à mensualités progressives, qui tablaient sur une croissance continue des revenus des
emprunteurs, permettaient un effort financier modéré en début d’emprunt, mais se retour-
neront ensuite contre les accédants lorsque l’augmentation continue de leurs mensualités
croisera la chute de l’inflation et le ralentissement de l’augmentation des salaires.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 121
prêt à taux zéro en 1995, sera caractérisée par la chute brutale du nombre
de PAP financés, sous l’effet d’un faisceau de facteurs économiques défa-
vorables à l’accession sociale : forte hausse des prix fonciers et immobiliers,
recul de l’intervention budgétaire de l’État dans l’aide à la pierre, baisse de
l’inflation et prudence des ménages modestes26 ;
– du côté des HLM, les prêts locatifs aidés (PLA) deviennent le moyen
unique de financement de la construction et de l’acquisition-amélioration
de logements locatifs sociaux. Il s’agit avant tout de réunifier le système
en supprimant la quantité excessive de financements spécifiques et en
réduisant à la fois le nombre de logements aidés et leur coût unitaire pour
le budget de l’État. En effet, la forte réduction de l’aide publique directe,
accompagnée d’une nouvelle réglementation qui favorise l’augmentation de
la qualité27, conduit, pour en équilibrer la gestion, à des montants de loyer
très largement supérieurs (jusqu’au double) à ceux des logements financés
à l’aide des systèmes précédents. Ce financement unique de la production
de logement sociaux gardera cette forme jusqu’au début des années 1990.
26. Thierry Lacroix, « Le recul de l’accession sociale », Économie et statistique, nos 288-289, 1995,
p. 11-41.
27. Le système du « prix de référence » et le calcul des loyers sur la base de la surface corrigée sont
les clés de voûte de cette politique d’amélioration de la qualité des logements locatifs sociaux
produits avec des PLA. Les dérives consécutives à cette réglementation ont conduit l’État à
la réformer à partir de 1995.
28. Elles n’obtiendront la consécration par la loi qu’avec la loi d’orientation pour la ville du
13 juillet 1991.
122 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
29. Tout en gardant son sigle, la Palulos a été largement réformée en 1988, et s’appelle désormais
« subvention à l’amélioration des logements locatifs sociaux ».
30. Il faut rappeler à ce titre que les hypothèses économiques du rapport Barre pariaient sur une
inflation de 8 % et une hausse annuelle du pouvoir d’achat des ménages concernés par l’aide
personnelle de 2,5 %, soit une augmentation des revenus de 10,5 % par an ! (Rapport de la
commission d’étude d’une réforme du financement du logement, présidée par Raymond Barre, op.
cit., p. 83).
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 123
31. À l’initiative du Plan construction et architecture (actuel Puca : Plan urbanisme construc-
tion architecture) et sous l’impulsion de François Ascher, la LOV a été en partie rédigée sous
le regard des chercheurs en sciences sociales. On trouve les traces de ces échanges et de cette
histoire dans deux ouvrages : Véronique de Rudder, Ghislaine Garin-Ferraz et Bénédicte
Haquin, Loi d’orientation pour la ville : séminaire chercheurs, décideurs, Plan construction et
architecture, Paris-La Défense, 1992 et Arlette Heymann-Doat, L’élaboration de la loi d’orien-
tation pour la ville (recherches 31), ministère de l’Équipement et du Logement, 1993.
126 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
succession de retouches qui concernent aussi bien les aides à la pierre que
les modalités de distribution des aides à la personne.
S’agissant de la production de logements sociaux, l’alternance de 1981 avait
remis au goût du jour la question des aides à la pierre dans un contexte
économique difficile qui justifiait à la fois leur rôle de soutien à l’activité
du bâtiment et le besoin d’accroissement de l’offre sociale. Cependant, le
tournant de politique économique pris en 1983 a compromis ce retour
à une aide à la pierre massive et s’est traduit par une accélération de la
banalisation du système avec la suppression, en 1985, de la Caisse des prêts
aux organismes d’HLM et la séparation, dans la technique de financement
du locatif social (en neuf et en réhabilitation), de l’aide directe de l’État
sous forme de subvention et du prêt de la Caisse des dépôts.
En 1988 est créée une « ligne fongible » par laquelle la distribution des aides
à la pierre (PLA et Palulos) est arbitrée au niveau des services déconcentrés
de l’État (les directions départementales de l’Équipement – DDE), sur la
base d’une dotation unique résultant de la répartition par département
des crédits budgétaires nationaux. Partant de là, les DDE énoncent leurs
priorités en termes de construction ou d’amélioration de l’existant et
répartissent leurs aides en se fondant sur leurs analyses des besoins en
matière de construction neuve et de réhabilitation36. C’est un premier pas
vers une prise en compte plus efficace des spécificités locales. C’est aussi
l’expression de ce qui sera la grande époque de l’amélioration du logement
social, considérée quasiment à égalité avec la construction neuve, d’abord
pour des raisons de maîtrise énergétique, puis comme pièce maîtresse
de la politique de la ville dans les quartiers en difficulté. Le 3 juin 1989,
le Président de la République annonce la volonté du gouvernement de
réhabiliter un million de logements sociaux en cinq ans.
Du côté de l’accession à la propriété, la baisse rapide de l’inflation et les
contraintes liées à la rigueur budgétaire ont progressivement conduit
l’État à une révision drastique de la politique qui visait à aider les ménages
modestes à devenir propriétaires.
36. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, l’administration centrale chargée du
logement s’est attachée à alimenter les services déconcentrés en études et guides méthodo-
logiques destinés à les aider à mener à bien cet « exercice de programmation ». C’est aussi
le moment où se diffusent les observatoires locaux et les divers moyens d’amélioration des
connaissances sur la question du logement à l’échelle locale. Voir à ce sujet René Ballain et
Martine Goujon, Le logement des populations défavorisées. Répertoire des textes officiels et biblio-
graphie 1945-1989, Groupe d’études urbaines (Getur), Grenoble, 1989 et Jean-Claude Driant,
Les marchés locaux du logement. Savoir et comprendre pour agir, Presses de l’École nationale des
ponts et chaussées, Paris, 1995.
130 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
Les premières générations des PAP, assises sur une inflation élevée et des
taux réels négatifs37, ont placé de nombreux emprunteurs dans des situations
extrêmement difficiles lorsque les prix et les salaires ont cessé d’augmenter
et la rigueur budgétaire a mis fin, dès le milieu des années 1980, au déve-
loppement euphorique du début de la décennie.
Dans le même temps, la croissance du nombre d’accédants confrontés à
des situations de surendettement dramatique (on parle alors des « acci-
dentés du PAP ») et l’insécurité croissante des situations professionnelles
ont contribué à faire baisser le nombre de candidats à la propriété chez les
ménages à ressources modestes et moyennes.
Dans un tel contexte, la réduction du nombre des PAP octroyés (divisé par
3,3 de 1982 à 1990, passant de 126 000 à 38 000 unités, avant une légère
relance en 1994 et la disparition de ce dispositif en 1995, remplacé par le
prêt à taux zéro) traduisait également une réaction à l’augmentation de leur
coût pour le budget de l’État qui compensait, auprès des établissements
émetteurs, la différence entre le taux des prêts aidés et ceux pratiqués sur
le marché libre.
Selon les Enquêtes logement de 1992 et 1996, la part des accédants récents
ayant bénéficié d’un prêt aidé n’était plus que de 15 %, alors qu’elle attei-
gnait 28 % en 1988. Pour la première fois depuis l’après-guerre, la pro-
portion des accédants à la propriété avait baissé : de 26,1 % des ménages
en 1988, elle était passée à 22,2 % en 1996. En effet, au cours de cette
période, le nombre de nouveaux accédants est inférieur à celui des ménages
qui achèvent le remboursement de leur dette38.
S’agissant des aides à la personne, dès le milieu des années 1980 commencent
à apparaître les effets du caractère inégalitaire de leur réglementation. Sur
cette base, c’est tout l’édifice qui est revu, pour être généralisé, d’abord
par le « bouclage » de l’APL dans le secteur social, qui débouche sur le
conventionnement de presque tout le parc HLM (y compris sans recours
aux travaux d’amélioration), et donc l’accès à l’APL pour tous les locataires ;
ensuite par la généralisation progressive des autres allocations logement,
permettant de considérer, à partir de 1993, que tout ménage a droit à une
aide personnelle.
Le bouclage de l’APL est rendu nécessaire par le creusement de l’écart
entre le parc conventionné, dont les locataires ont droit aux aides maxi-
males en contrepartie de loyers élevés et de logements de bonne qualité
37. Le taux d’intérêt réel est le taux d’intérêt d’un prêt après déduction de l’inflation. Ce concept
a une validité très limitée, notamment s’il s’agit de comparer des taux fixés pour des emprunts
à long terme avec une variable conjoncturelle telle que l’inflation. C’est ainsi qu’un taux réel
négatif en période de forte inflation peut s’avérer fortement positif si les prix à la consomma-
tion cessent d’augmenter. C’est ce qui s’est produit pour les PAP au cours des années 1980.
38. François Dubujet et David Le Blanc, « Accession à la propriété : le régime de croisière ? »,
Insee Première, n° 718, juin 2000.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995) ❮ 131
39. Le terme de « plan stratégique de patrimoine » (PSP) n’apparaîtra que dix ans plus tard, à la
fin des années 1990. La remise en ordre des loyers ne réapparaitra quant à elle qu’au cours
des années 2000 avec le « conventionnement global », transformé en « convention d’utilité
sociale » (CUS) par la loi « Boutin » du 25 mars 2009.
132 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
***
❯ Chapitre 4
Les grands débats des politiques contemporaines
du logement
S’agissant des domaines du logement et de l’habitat, la période qui va
de 1995 à 2015 est marquée par d’importantes variations conjoncturelles.
Après une phase de récession et une violente crise immobilière, la seconde
moitié des années 1990 connaît une nette accalmie : la reprise économique,
accompagnée par une baisse des prix des logements, permet à de nombreux
ménages d’accéder à la propriété. À la fin de la décennie, on parle même de
« détente du marché ». Mais le rebond des prix au cours des années 2000
change radicalement la donne et le terme de « crise du logement » revient
dans le vocabulaire des acteurs, surtout quand la hausse du chômage
fragilise à nouveau une part importante des ménages.
Ces évolutions peuvent être lues parallèlement aux fluctuations de l’impor-
tance du thème du logement dans le débat politique français.
Au cours du ministère de Pierre-André Périssol, entre 1995 et 1997, voit
le jour un ensemble de réformes visant à faire redémarrer le marché (créa-
tion du prêt à taux zéro – PTZ – et relance de l’investissement locatif). Le
gouvernement de Lionel Jospin, entre 1997 et 2002, profitera de la reprise
pour renouveler, en les renforçant, les acquis du début de la décennie (lutte
contre les exclusions, loi Solidarité et renouvellement urbains, dévelop-
pement de l’intercommunalité). Entre 2002 et 2005, la conscience de la
montée des difficultés est encore faible et les gouvernements traiteront le
champ du logement par des voies indirectes : celles du renouvellement
urbain et de l’acte II de la décentralisation. À partir de 2005, la prégnance
de la question et son lien avec les difficultés sociales des ménages, ainsi que
l’émotion suscitée par les émeutes qui ont embrasé les banlieues françaises
à l’automne de cette année-là, obligent à reprendre le sujet de façon plus
directe (plan de cohésion sociale en 2005, engagement national pour le
logement en 2006, droit au logement opposable en 2007). La présidence
de Nicolas Sarkozy (2007-2012) poursuivra dans le même sens, surtout à
partir du moment où la crise économique et financière l’obligera à la fois
à organiser la relance de l’économie et à renoncer à ses objectifs initiaux en
termes de développement de la propriété (loi « Boutin » en 2009, plan de
relance de 2008-2009). Une nouvelle phase est ouverte à partir de 2012,
où l’alternance politique relance les débats de fond sur l’action publique
134 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
1. Le slogan de « France de propriétaires », très ancien, a ainsi été repris par le président Valéry
Giscard d’Estaing lors d’un discours tenu à Verdun-sur-le-Doubs, le 27 janvier 1978 : « Trois
grands desseins qui me tiennent à cœur. Le premier d’entre eux est de rendre les Français
propriétaires de la France. Non pas propriétaires collectivement […], mais propriétaires indi-
viduellement […] par la propriété de leur logement. »
2. Ainsi, selon un sondage Ipsos-Corem d’avril 2009 pour l’Observatoire français des retraites,
le fait d’être propriétaire de son logement est cité en tête (49 %) des conditions pour aborder
la retraite sereinement (contre 34 % pour « avoir mis de l’argent de côté »). Plus récemment,
en avril 2013, il ressortait d’un sondage réalisé par Ifop pour Nexity que 91 % des personnes
interrogées considéraient qu’il était préférable d’être propriétaire de sa résidence principale.
3. Selon le Conseil d’orientation des retraites (« Le patrimoine des ménages retraités : résul-
tats actualisés », séance plénière du 8 juillet 2015, p. 4), en 2010, le patrimoine immobilier
moyen des retraités s’établissait à 181 000 euros contre 158 000 pour les actifs.
4. Nicolas Sarkozy, discours du 11 décembre 2007 à Vandœuvre-lès-Nancy.
5. Ibid.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 139
à l’accueil des personnes les plus modestes, ce qui revient à énoncer une
sorte de partage des rôles entre les statuts, fondé sur leur complémentarité
dans les parcours résidentiels.
Face à cette argumentation, d’autres voix soulignent les risques que peut
faire courir un déploiement inconsidéré de la propriété, notamment chez
les ménages à revenus bas, moyens ou précaires.
Quatre registres d’inquiétudes dominent :
– d’abord, le registre social, illustré par le risque de surendettement, qui
renvoie aux difficultés rencontrées au cours des années 1980 et à certaines
expériences étrangères. L’exemple des subprimes américains fait ici office
de répulsif, sans doute durable6 ;
– ensuite, le registre économique, qui conduit à s’inquiéter de certaines
conséquences du développement de la propriété, notamment à partir de
l’expérience des copropriétés en difficulté, qui rappelle que le statut de
propriétaire ne libère ni des dépenses de maintenance, ni des consomma-
tions d’eau et d’énergie et que, dans la copropriété, ces dépenses relèvent
d’une responsabilité collective ;
– mais c’est aussi, plus largement, le constat des évolutions de la société, qui
incitent à éviter les freins à la mobilité résidentielle : les ruptures familiales
et les pertes d’emploi sont souvent des moments à l’occasion desquels la
propriété du logement peut constituer un obstacle à l’adaptation7 ;
– enfin, le registre urbain, reposant sur le constat que le développement
de la propriété en maison individuelle est l’un des moteurs de l’étalement
urbain qui fait croître à la fois les dépenses des ménages en matière de
déplacement et les émissions de gaz à effet de serre.
6. Voir à ce sujet les analyses de Bernard Vorms, notamment « Accession à la propriété : la leçon
des subprimes », Études foncières, n° 131, janvier-février 2008.
7. Voir à ce sujet les analyses de l’Anil : Jean Bosvieux, « Les obstacles à la mobilité des proprié-
taires », Anil, Habitat Actualité, décembre 2008.
140 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
sociale à la propriété sur les classes moyennes modestes sans aller jusqu’à
une accession « très sociale » qui ferait courir des risques inconsidérés aux
ménages à bas revenus.
Depuis la création du PTZ, en 1995, la hausse des prix immobiliers, puis
la crise économique et financière à partir de 2008 ont freiné la reprise de
l’accession qui avait été observée entre 1995 et 2005. Quelques mesures
conjoncturelles ont bien tenté de relancer la machine avec un certain
succès (déduction des intérêts d’emprunt entre 2007 et 2010, mise en
place du Pass-Foncier et de la « maison à 15 euros par jour » – avril 2008 –,
accompagnés du doublement du PTZ en 2009 et 2010), mais à un coût
budgétaire élevé qui en a condamné la durabilité puisque pratiquement
tous ces mécanismes ont été abandonnés en 2011. Le recul de 15 %
du nombre de primo-accédants enregistré par les Enquêtes logement de
l’Insee entre 2002-2006 et 2009-2013 illustre la difficulté que rencontre
la poursuite de l’accroissement de la propriété en France.
8. Voir Nicolas Beyls, « HLM : pour un “right to buy” à la française », lesechos.fr, 19 mars 2015.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 141
Réglementer ou déréguler ?
Les fortes hausses des prix immobiliers au cours des années 2000 ont
remis à l’ordre du jour la tentation d’une réglementation plus drastique du
secteur locatif privé, réanimant le débat sur le contrôle des loyers en 2013
avec la présentation du projet de loi Alur.
9. Ces conventions, créées par la loi « Boutin » du 25 mars 2009, ont pour objectif d’arrêter,
pour chaque bailleur, ses politiques patrimoniales, sociales et de service, approuvées par l’État,
pour une période de six ans. La première génération des CUS porte sur la période 2011-2016.
142 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
10. Voir à ce sujet Bernard Vorms, « Le modèle allemand de régulation des loyers est-il transpo-
sable en France ? », www.metropolitiques.eu, 2 avril 2012,
11. Fin 2013, le loyer moyen de Munich, ville la plus chère d’Allemagne, était de 9,70 euros/m2.
Il atteignait 8,70 euros à Stuttgart et 5,73 euros à Berlin (source : « Les loyers en Allemagne :
index des villes allemandes les plus chères », www.connexion-francaise.com). Ces loyers,
beaucoup plus bas que ceux des grandes villes françaises, sont cependant orientés à la hausse
depuis plusieurs années dans les villes les plus chères et à Berlin.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 143
12. Les héritiers des systèmes Quilès-Méhaignerie reposaient sur des réductions d’impôts,
alors que ceux du système Périssol (jusqu’au mécanisme Robien) étaient fondés sur un amor-
tissement accéléré réduisant le revenu imposable. Le bénéfice tiré était donc proportionnel
au taux d’imposition du contribuable et, partant, optimisé pour les revenus les plus élevés.
Le mécanisme Scellier, mis en place en 2009, revient à la technique simple et directement
lisible de la réduction d’impôt proportionnelle à l’investissement.
13. Voir à ce sujet : Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité
et l’aménagement (Cerema), Étude exploratoire : les logements produits grâce à l’investissement
locatif fiscalement aidé des ménages, Lille, janvier 2013 (disponible sur www.nord-picardie.
cerema.fr).
144 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
évolutions à l’œuvre dans les pays d’Europe occidentale. Il est devenu clas-
sique de considérer que coexistent en Europe trois modèles d’offre sociale16 :
– un modèle dit « universaliste », en voie de disparition, qui utilise le
parc public comme outil de régulation globale du marché en imposant
ses loyers faibles, grâce à une offre abondante et sans conditions d’accès.
C’était le schéma dominant dans des pays comme la Suède, les Pays-Bas
ou le Danemark ;
– à l’autre extrémité se trouve le modèle dit « résiduel », par lequel le parc
social est réservé aux ménages les plus en difficulté et qui ne peuvent pas
accéder au logement privé. Historiquement présent dans le pays du sud
de l’Europe, il s’est également diffusé au Royaume-Uni. Il entérine une
approche d’un logement social hors marché, paupérisé et souvent très
stigmatisé. C’est ce modèle qui tend à se répandre dans les pays d’Europe
orientale et même en Allemagne, dont le parc social se réduit à grande
vitesse sous l’effet de ventes massives et de déconventionnement ;
– entre l’universaliste et le résiduel, le modèle « généraliste », dont la
France constitue l’archétype, comporte des conditions d’accès relativement
ouvertes et intègre même la possibilité d’une mixité sociale en son sein.
Celle-ci repose notamment sur le droit au maintien dans les lieux. Une telle
ouverture reste-t-elle acceptable dans un contexte où les listes d’attentes ne
cessent de s’allonger ? En Île-de-France par exemple, il y a six fois plus de
demandeurs inscrits que d’attributions prononcées chaque année. Le débat
sur ce point est ouvert, mais reste difficile tant les organismes de logement
social se raidissent dès qu’est évoquée l’hypothèse d’une « résidualisation ».
L’action de l’Union européenne (UE) y contribue fortement. Certes, le
logement étant un enjeu éminemment local et donnant lieu à très peu
de perméabilités internationales, l’UE ne s’est pas dotée de compétences
dans ce domaine. Tout juste trouve-t-elle à s’exercer indirectement via les
aides du Fonds européen de développement régional (Feder). Par ailleurs,
l’Union « reconnaît et respecte », dans l’article 34 de sa Charte des droits
fondamentaux, le droit à une aide au logement (ainsi que celui à une aide
sociale) « afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté ». C’est dans
ce cadre qu’a eu lieu la condamnation de la France en 2008 par le Conseil
de l’Europe, à la suite de l’avis du Comité européen des droits sociaux qui
16. Laurent Ghekiere, Le développement du logement social dans l’Union européenne, Quand l’in-
térêt général rencontre l’intérêt communautaire, Dexia Éditions, Paris-La Défense, 2007.
Noémie Houard (dir.), Loger l’Europe. Le logement social dans tous ses États, La Documentation
française, Paris, 2011.
148 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
estimait en 2007 que notre pays violait la Charte sociale européenne sur
la question du droit au logement17.
Mais c’est principalement dans la mise en œuvre de ses orientations visant
à favoriser la libre concurrence que l’UE s’est immiscée dans les politiques
nationales du logement. L’action de gouvernements libéraux visant à
réformer leurs politiques du logement social (tels que la Suède ou les Pays-
Bas au cours des années 2000) ou les contentieux soulevés par les acteurs de
l’immobilier privé ou des banques s’estimant lésés par les aides publiques
ou les circuits financiers privilégiés du logement social, conduisent l’Union
à préciser progressivement sa doctrine. C’est tout l’enjeu de la définition
des services d’intérêt économique général (SIEG) à caractère social et de
la place des systèmes nationaux d’aides au logement dans ce cadre. À la
mi-2015, après l’ouverture du Livret A aux banques en 2009, les fonda-
mentaux du système français du logement social sont préservés, mais les
risques de mise en cause persistent et justifient une présence constante de
l’univers du logement social parmi les lobbies installés à Bruxelles.
Ces interventions de l’Union montrent à la fois les ambiguïtés des ins-
titutions européennes en la matière et la tentation récurrente et forte de
réduire le rôle des politiques du logement et les missions du parc HLM à
leurs dimensions les plus sociales.
La deuxième catégorie d’arguments pour l’ouverture du débat sur le rôle
du logement social se fonde sur le fort accroissement des inégalités terri-
toriales en matière de logement, sous l’effet de hausses de prix généralisées
qui ont creusé les écarts géographiques en termes de capacité d’accès au
logement privé. Reste-t-il possible d’avoir une acception nationale de la
mission sociale des HLM ? La situation de l’Île-de-France diffère radica-
lement de celle de la plupart des villes moyennes et, de plus en plus, de
celle des grandes métropoles régionales. Le rôle du parc social ne peut pas
y être identique.
La troisième famille d’arguments repose sur le constat généralisé de l’écart
qui existe entre les grands principes posés par la réglementation relative
aux plafonds de ressources, et le profil des ménages qui accèdent au parc.
17. Résolution CM/ResChS(2008)8, votée à l’unanimité par le Comité des ministres du Conseil
de l’Europe le 2 juillet 2008, en réponse à la plainte déposée, en novembre 2006, par la
Fédération des associations nationales de travail avec les sans-abri (Feantsa) contre la France
et ayant donné lieu à un rapport du Comité européen des droits sociaux adopté le 5 décembre
2007.
Cette résolution, formulée dans des termes très sévères, pointe notamment le « progrès insuf-
fisant concernant l’éradication de l’habitat indigne », « l’application non satisfaisante de la
législation en matière de prévention des expulsions », « l’insuffisance des mesures qui sont
actuellement en place pour réduire le nombre de sans-abri », « l’insuffisance de l’offre de loge-
ments sociaux accessibles aux populations modestes », le « dysfonctionnement du système
d’attribution des logements sociaux », « la mise en œuvre insuffisante de la législation relative
aux aires d’accueil pour les gens du voyage ».
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 149
18. Par exemple, en Île-de-France, au 1er janvier 2013, 75 % des logements sociaux étaient
situés dans 111 communes sur les 1 281 que compte la région (source : Observatoire du loge-
ment social en Île-de-France, Le parc locatif social et son occupation en Île-de-France. Édition
2014, Paris, 2014, p. 7).
150 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
19. Nancy Bouché, Expertise concernant les édifices menaçant ruine et les immeubles et îlots
insalubres, op. cit., pp. 13 et 120.
20. « Constituent un habitat indigne les locaux ou installations utilisés aux fins d’habi-
tation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du
bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant
porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. » (art. 84).
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 151
loi Alur qui réforme en profondeur l’action publique sur les copropriétés
les plus dégradées.
Le rapport Bouché est suivi de la création du Pôle national de lutte contre
l’habitat indigne en 2002, rattaché à la Délégation interministérielle à
l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) depuis sa création en 2010,
qui joue un rôle important d’animation de la politique de l’État dans ce
domaine, à la fois pour concevoir et promouvoir les adaptations juridiques
nécessaires et pour impulser et coordonner la mise en place de plans d’action
locaux de lutte contre l’habitat indigne.
À cet ensemble de préoccupations liées à la lutte contre le logement indigne
s’ajoute désormais la question de l’amélioration de la performance ther-
mique et de la lutte contre la précarité énergétique.
Les travaux menés dans le cadre du Grenelle de l’environnement en 2007
et 2008 ont mis en relief le fait que le secteur du bâtiment consomme plus
de 40 % de l’énergie finale et contribue pour près du quart aux émissions
nationales de gaz à effet de serre.
Outre un renforcement des normes et labels qui s’appliquent à la construc-
tion neuve, l’enjeu principal ici est la mise à niveau du parc existant. C’est
pourquoi l’article 5 de la loi « Grenelle I » (loi n° 2009-967 du 3 août 2009)
prévoit que « l’État se fixe comme objectif de réduire les consommations
d’énergie du parc des bâtiments existants d’au moins 38 % d’ici à 2020 ».
Beaucoup reste à faire en la matière, notamment en termes d’adaptation des
techniques et des réglementations aux spécificités des bâtis anciens, mais
aussi de savoir-faire des artisans. La création en 2008 d’un éco-prêt à 0 %
pour les travaux d’isolation et la mise en place d’un programme national
de rénovation énergétique de 800 000 logements sociaux entre 2009 et
2020 sont les premières mesures fortes en la matière. En 2015, dans le
cadre de la préparation et des débats de la loi sur la transition énergé-
tique, le gouvernement annonce l’intention de rénover énergétiquement
500 000 logements par an à compter de 2017. Pour l’Anah, la lutte contre
la précarité énergétique devient une priorité, notamment dans le cadre du
programme « Habiter mieux », qui se donne pour objectif (réalisé dès 2014)
d’atteindre l’amélioration énergétique de 50 000 logements appartenant
à des ménages modestes.
La création, en 2009 (loi du 25 mars), d’un programme national de
requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) avait suscité
de grandes attentes pour un renouveau de l’action publique sur le parc
privé, laissant penser qu’elle s’engageait dans une action de même ampleur
que la rénovation urbaine. Placé sous la double responsabilité de l’Anah
et de l’Anru, le PNRQAD prévoyait en quelque sorte de « supers-Opah »
dotées de moyens importants. Dans un premier temps, l’annonce du
lancement de ce programme en 2008 évoquait l’ambition de traiter au
moins 150 quartiers. Le premier appel à projet lancé en 2009, qui se disait
152 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
21. Les conseils départementaux ont succédé aux conseils généraux en vertu de la loi n° 2013-
403 du 17 mai 2013.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 155
majeurs de l’action sociale. La loi « Besson » et celles qui lui ont succédé
ont fait entrer les conseils départementaux dans les questions d’habitat
par la porte des politiques sociales orientées vers des publics cibles que les
départements connaissent bien, du fait des compétences acquises au cours
de la décennie précédente.
Dans cette lignée, les années 1990 sont marquées par un ensemble de dis-
positifs et de démarches plus ou moins pérennes dont le point commun est
d’aller vers une meilleure territorialisation de l’encadrement des politiques
locales par voie contractuelle.
Notons sur ce plan les conventions de mise en œuvre des PLH qui faci-
litaient aux collectivités le souhaitant l’accès aux financements de l’État,
les protocoles d’occupation du patrimoine social (POPS, instaurés par la
loi du 31 mai 1990) et les conférences communales et intercommunales
du logement (instituées par la loi d’orientation relative à la lutte contre les
exclusions du 29 juillet 1998 mais jamais vraiment mises en œuvre). Celles-
ci privilégiaient une approche concertée de l’attribution des logements
sociaux et le renforcement des volets habitat des contrats de ville à partir
de 199922, qui prévoyaient une diversification de l’offre de logement dans
les quartiers prioritaires ou une nouvelle territorialisation de la production
de logements sociaux.
Ce sont ces divers éléments contractuels qui, s’ajoutant à l’exercice ordi-
naire des compétences respectives de l’État et des communes ou des EPCI,
conduisaient à considérer que l’habitat devenait, peu à peu, dans les faits
plutôt qu’en droit, une compétence partagée.
Mais cette période est aussi marquée par une méfiance persistante de l’État
à l’égard des communes, qui le conduit à énoncer, d’abord dans la loi
d’orientation pour la ville (LOV) de juillet 1991, puis dans l’article 55 de
la loi SRU de décembre 2000, une obligation de produire des logements
sociaux dans les villes qui en sont insuffisamment dotées.
Dans ce contexte de partage partiel de la compétence et de défiance à
l’égard des politiques communales, l’obstacle majeur à la décentralisation
des prises de décision est l’inadaptation de l’organisation administrative
et politique du territoire aux enjeux de la question du logement. En effet,
ceux-ci s’entendent désormais à la fois en termes de réponse aux besoins
de la population (que chacun soit logé, et bien logé, quels que soient ses
revenus) et de contribution du logement aux grands équilibres sociaux et
urbains (mixité sociale, maîtrise de l’étalement urbain, qualité de la vie en
ville…). L’échelle communale, porteuse d’enjeux de proximité, ne peut
répondre que très partiellement à ces défis.
28. C’est-à-dire la ligne gérée jusque-là par les services déconcentrés de l’État dans le cadre de
l’exercice de programmation des aides au logement locatif social, hors crédits spécifiquement
consacrés à la rénovation urbaine, ceux-ci restant gérés par l’Anru.
160 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
joue que sur des montants assez faibles29. Il ne pouvait pas en être autre-
ment, dans la mesure où trente ans d’évolution des mécanismes d’aide
ont consacré un système presque entièrement composé de droits ouverts.
La délégation de compétence constitue cependant, pour les collectivités
volontaires, un important levier au service de leurs politiques urbaines.
Jusqu’ici dépendantes des décisions de l’État, même lorsqu’elles abondaient
les financements, elles peuvent désormais gérer souverainement et dans
une ligne unique l’ensemble des opérations situées sur leur territoire. Cette
facilité contribue à renforcer le niveau intercommunal en l’instituant expli-
citement comme instance de décisions qui s’imposent aux communes, sur
la base d’une programmation concertée au préalable dans le cadre du PLH.
La maîtrise des outils financiers d’aide au logement privé relève d’un
registre complémentaire : elle contribue notamment à faire des collectivités
territoriales des interlocuteurs directs des bénéficiaires de ces aides, ce qui
permet d’afficher plus clairement la participation des EPCI à l’action sur
le parc dégradé.
Depuis 2005, la géographie des délégations de compétence différencie
donc doublement le territoire : d’abord, entre les EPCI ayant choisi de
prendre la main et les zones rurales et urbaines subsidiairement prises en
charge par les départements ; ensuite, entre les territoires où la compétence
est déléguée et ceux où elle ne l’est pas.
Reste la situation très particulière de l’Île-de-France. Malgré quelques
débats à l’Assemblée nationale lors d’une première lecture concomitante
avec la campagne des élections régionales du printemps 2004, la loi n’ac-
corde finalement pas de statut spécifique à la région sur la question du
logement. Des parlementaires avaient pourtant proposé la création d’un
« syndicat du logement d’Île-de-France », sur le modèle de ce qui existe
pour les transports, qui réunirait la région et les départements, serait le
délégataire de la compétence et élaborerait un PLH régional. D’autres
prônaient simplement une délégation à la région, considérée comme une
vaste agglomération urbaine en soi. Ces débats posaient les prémices de
celui, lancé quelques années plus tard, sur la question du logement dans
le Grand Paris.
La délégation des aides à la pierre a connu un succès modéré dans la
région capitale : seuls les départements de Paris et des Hauts-de-Seine et
les communautés d’agglomération de Melun-Val-de-Seine et de Cergy-
Pontoise ont souscrit à la démarche. L’État a refusé de la renouveler dans
29. En 2013, selon le Compte du logement, le montant total pouvant être ainsi délégué s’élevait
à un peu plus de 1,3 milliard d’euros sur les 41 milliards de dépense publique en matière de
logement, répartis à parts presque égales entre les aides au logement social et le budget de
l’Anah.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 161
Reste ouverte, comme partout ailleurs, mais avec plus d’acuité, la question
de la relation de la métropole avec ses espaces périurbains. La création par
la loi Maptam d’un Schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en
Île-de-France n’y apportera sans doute que des réponses partielles.
30. On trouve une très bonne analyse de cette question dans la contribution de Mathilde
Cordier et Jules-Mathieu Meunier, « L’émergence du pouvoir d’agglomération dans le champ
de l’habitat », in Alain Bourdin et Robert Prost (dir.), Projets et stratégies urbaines. Regards
comparatifs, coll. « La ville en train de se faire », Parenthèses, Marseille, 2009, p. 138-150.
164 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
31. Voir à ce sujet le dossier constitué sur le « Logement abordable » dans le n° 160 de la revue
Études foncières (novembre-décembre 2012).
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 165
32. Voir sur ce point le rapport très détaillé du Conseil d’État (Rapport public 2009, vol. 2 :
Droit au logement, droit du logement, coll. « Études et documents du Conseil d’état », La
Documentation française, Paris, 2009).
33. Formellement, le champ de la politique de la ville apparaît en 1976 (arrêté du 24 août) avec
la création du Fonds d’aménagement urbain (FAU), suivie, en 1977, par le programme
Habitat et vie sociale, centré sur la réhabilitation de logements dans 50 quartiers prioritaires.
En 1984, ce sont 148 quartiers qui s’inscrivent dans la démarche de Développement social
des quartiers (DSQ). C’est en 1988 (décret n° 88-1015 du 28 octobre) que le programme
prend une tout autre dimension avec les créations du Conseil national des villes, du Comité
interministériel des villes et du développement social urbain et de la Délégation interminis-
térielle à la ville et au développement social urbain.
166 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
34. Voir à ce sujet le dossier réalisé par Christine Lelévrier, qui rend bien compte de ces débats :
Christine Lelévrier, « Les mixités sociales », Problèmes politiques et sociaux, n° 929, La
Documentation française, Paris, octobre 2006. Voir aussi, de la même auteure, « Au nom de
la “mixité sociale”. Les effets paradoxaux des politiques de rénovation urbaine », Savoir/Agir,
n° 24, juin 2013, p. 11-17.
35. Ainsi, le Premier ministre, Manuel Valls, a déclaré, lors de son introduction à la conférence
de presse du 22 janvier 2015 sur la grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la
République, au lendemain de la présentation d’un ensemble de mesures exceptionnelles
pour lutter contre la menace terroriste, le djihadisme et l’islamisme radical : « “Et sur la
base de ces réflexions et propositions, nous prendrons les décisions qui s’imposent.” Et il ne
s’agira pas seulement de politique du logement et de l’habitat. Mais bien “de politique du
peuplement pour lutter contre la ghettoïsation et la ségrégation.” » (www.gouvernement.fr/
partage/3181-les-fractures-qui-traversent-notre-societe-s-etendent-sur-l-ensemble-du-territoire).
36. Ensemble de circulaires du 30 mars 1990, réuni sous l’intitulé « Programme d’action pour
le logement des plus défavorisés ».
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 167
37. Entre 1994 et 1997, ces catégories de logements ont été regroupées sous le terme de
PLA très sociaux (PLA-TS). À partir du 1er janvier 1998, une nouvelle typologie est mise en
place, avec la distinction entre les « PLA à loyer minoré » (PLA-LM) et les « PLA-Intégration »
(PLA-I) destinés aux ménages cumulant des difficultés et ayant besoin d’un accompagnement
social. Avec la création du PLUS en janvier 2000, le PLA-LM est supprimé ; seuls les PLA-
Intégration sont maintenus.
38. Dans le parc social, la sous-location permet de contourner, à titre provisoire, le prin-
cipe du droit au maintien dans les lieux. L’occupation d’un logement temporaire par ce biais
doit déboucher sur une offre de logement définitif correspondant aux besoins et moyens du
ménage. Celui-ci perd son droit à la sous-location s’il refuse cette proposition définitive. La loi
a également introduit le principe du « bail glissant » par lequel l’occupant du logement, une
fois autonome, passe du statut de sous-locataire à celui de locataire en titre, sans déménager.
168 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
Cet accompagnement, dont certaines formes sont financées par le FSL, est
pris en charge le plus souvent par des associations spécialisées, en liaison
avec les travailleurs sociaux du secteur.
Enfin – c’est la disposition phare de la loi « Besson » –, les modes de fonc-
tionnement du FSL, les objectifs d’accroissement de l’offre de logements
accessibles aux personnes défavorisées et les dispositifs d’accompagnement
social donnent lieu à l’élaboration d’un plan départemental d’action pour
le logement des personnes défavorisées (PDALPD)39. Ce plan, qui doit être
révisé tous les cinq ans, est placé sous la double responsabilité du préfet et
du président du conseil départemental, auxquels s’associe toute la gamme
des acteurs locaux de l’habitat ; il a pour fonction de faire le point sur les
besoins des personnes défavorisées, d’en déduire une série d’objectifs prio-
ritaires et d’exposer les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Le
PDALPD est l’outil principal de coordination des politiques du logement
des personnes défavorisées dans tous les départements.
La logique générale des dispositions contenues dans la loi « Besson » struc-
ture encore de nos jours l’essentiel de l’action publique nationale et locale
en faveur du logement des personnes défavorisées. Le détail de certaines
procédures a été amélioré par la loi d’orientation relative à la lutte contre
les exclusions du 29 juillet 1998 ; mais elle a constitué un tournant dans
la formulation des dimensions sociales des politiques du logement. Elle
instaure des démarches contractuelles qui mobilisent le plus grand nombre
possible d’acteurs concernés, tant dans le strict champ du logement que
dans celui de l’action sociale (caisses d’allocations familiales, associations
spécialisées, travailleurs sociaux). De fait, elle donne, dans ce processus, un
rôle central aux départements, à égalité avec l’État, qui reste garant de la
généralisation des démarches et donc du principe de solidarité nationale.
39. Depuis la loi Alur du 24 mars 2014, les plans départementaux incluent l’hébergement :
plan départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées
(PDALHPD).
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 169
40. À l’origine du mouvement, il s’agissait d’un sigle signifiant « Propagande et action contre les
taudis ». Le terme est désormais devenu un nom propre dont le sigle ne se décline plus.
41. René Ballain et Francine Benguigui (dir.), Loger les personnes défavorisées : une politique publique
sous le regard des chercheurs, Ministère du Logement/La Documentation française, Paris, 1995.
170 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
42. « La loi engagement national pour le logement […] du 13 juillet 2006 a ajouté la possibi-
lité, pour les communes n’entrant pas dans les critères de la TLV, d’instituer par délibération
sur leur territoire une taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV). Les intercom-
munalités (EPCI) disposant d’un PLH peuvent également mettre en œuvre cette taxe. Elle
s’applique selon les mêmes conditions que la TLV, à la différence du temps de vacance, qui
est de deux ans sans une occupation de plus de 90 jours consécutifs. Les bailleurs sociaux
(HLM et SEM) sont également assujettis à la THLV. Les taux d’imposition sont fixés par
délibération de la commune ou de l’EPCI compétent » (Haut Comité pour le logement des
personnes défavorisées, La mobilisation du parc privé pour créer une offre sociale. 18e rapport,
juin 2015, p. 28).
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 171
47. 6 % des dossiers étaient sans objets (personnes relogées par ailleurs ou décédées…) et 58 %
ont été rejetés comme non prioritaires.
48. Ou ont au moins eu une proposition, ce chiffre incluant les personnes ayant refusé le loge-
ment qui leur était proposé.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 175
49. Actée par deux décrets du 30 décembre 2014 (l’un pour la métropole, l’autre pour
l’outre-mer).
176 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
50. Jusque-là, les services de l’État promouvaient une attitude très prudente à l’égard de la
démolition des logements sociaux, la réservant à des sites en déclin ou à des cas avérés d’ob-
solescence technique du patrimoine social.
51. Marie-Noëlle Lienemann, socialiste, ministre déléguée chargée du logement et du
cadre de vie de 1992 à 1993 et secrétaire d’État au Logement de 2001 à 2002.
52. Initialement : 200 000 démolitions, 200 000 constructions neuves de logements locatifs
sociaux, 200 000 réhabilitations entre 2004 et 2008, objectifs réévalués par le plan de cohésion
sociale (art. 91 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005) respectivement à 250 000, 250 000
et 400 000 à l’échéance de 2011, reculée à 2013 par l’article 63 de la loi n° 2006-872 du
13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement puis à 2015 par l’article 17
de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (loi « Lamy ») n° 2014-173
du 21 février 2014.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 177
du locatif à statut libre. Chaque logement social démoli doit être remplacé
(c’est la règle du « un pour un »), mais pas forcément dans le même quartier,
afin que cette politique contribue également à la diffusion du parc social
hors des quartiers et communes qui en possèdent déjà beaucoup. L’idée
de mixité sociale est donc omniprésente dans le programme.
Du point de vue de sa gouvernance, la rénovation urbaine est assurée par
une agence nationale, l’Anru, qui dispose de moyens financiers importants
issus principalement du budget de l’État puis, à partir de 2009 (article 192
de la loi de finances pour 2009), par Action Logement. Après avoir défini
les types de quartiers potentiellement bénéficiaires de ses financements53,
l’Anru a lancé des appels à projets auprès des communes concernées, les-
quelles ont élaboré des projets urbains en partenariat avec les acteurs locaux,
souvent les bailleurs sociaux, et avec le soutien des services déconcentrés
de l’État. In fine, au 15 décembre 2014, 490 quartiers auront été traités
avec l’aide de l’Anru, dans le cadre de 397 conventions, portant sur un
total de plus de 47 milliards d’euros, dont 11,6 milliards de subventions de
l’agence. Dans son état d’avancement du 5 mai 2015, l’Anru annonce la
construction de près de 140 000 logements sociaux pour 148 000 démo-
litions. 323 000 logements auront été réhabilités et 358 000 auront été
résidentialisés54. Sur cet ensemble, 119 conventions portent sur des quartiers
situés en Île-de-France, la deuxième région étant le Nord – Pas-de-Calais,
avec 41 conventions, puis Rhône-Alpes, avec 35 conventions.
Du fait de ses objectifs ambitieux et de son impact immédiat sur la vie
des habitants des quartiers, la politique de rénovation urbaine aura été
très commentée. Outre les débats sur sa gouvernance, qui a pu sembler
contradictoire avec le mouvement décentralisateur55 mais dont les éva-
luations montrent une réalité plus nuancée et hétérogène56, on peut sché-
53. L’Anru avait établi une première liste de 189 quartiers prioritaires, auxquels elle consacre
70 % de son budget, et une seconde liste de 220 quartiers. Les quelque 500 autres quartiers
de la politique de la ville pouvaient également postuler.
54. Le terme de « résidentialisation » a été introduit dans les politiques du logement en France
dans le courant des années 1990. Il désigne principalement des opérations de traitement des
abords des immeubles appartenant aux grands ensembles des années 1960 et 1970, par les-
quelles sont clarifiées les relations entre l’espace privé des entrées d’immeubles, les espaces
semi-privatifs des abords immédiats et l’espace public extérieur. Dans la plupart des cas, les
opérations de résidentialisation consistent à installer des éléments physiques (haies, barrières,
sas d’accès, etc.) de délimitation et de sécurisation de ces espaces. Dans les opérations de réno-
vation urbaine, il s’agit aussi souvent de reconstituer un rapport des immeubles à la rue, qui
avait été nié par l’urbanisme moderne des années 1960. C’est aussi l’occasion de clarifier la
domanialité des espaces extérieurs et de répartir les tâches de gestion et d’entretien entre les
organismes d’HLM et les villes qui prennent leurs responsabilités sur la voirie.
55. Renaud Epstein, La rénovation urbaine : démolition-reconstruction de l’État, coll. « Académique »,
Presses de Sciences po, Paris, 2013.
56. Voir à ce sujet l’évaluation de la gouvernance de la rénovation urbaine menée par le cabinet
Aristat pour le compte du Comité d’évaluation et de suivi (CES) de l’Anru en 2014 : Mathilde
Cordier, Camille Devaux et alii, La gouvernance de la rénovation urbaine à l’épreuve des terri-
toires, Comité d’évaluation et de suivi de l’Anru, La Documentation française, Paris, 2014.
178 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
57. Voir à ce sujet : Daniel Bourdon, Sonia Fayman, Christine Lelévrier et Christophe Noyé,
La rénovation urbaine : pour qui ? Contributions à l’analyse des mobilités résidentielles, Comité
d’évaluation et de suivi de l’Anru, La Documentation française, Paris, 2013.
58. Daniel Béhar, « Réussir l’intégration. Les moyens de partir, l’envie de rester », Projet, n° 227,
automne 1991, p. 32-36.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT ❮ 179
59. Le dernier rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, publié en décembre
2014, confirme la poursuite, voire l’accélération, de cette paupérisation.
CONCLUSION ❮ 181
C onclusion
***
1850
– Loi du 13 avril 1850 sur l’assainissement des logements insalubres.
1894
– Loi du 30 novembre 1894 relative aux habitations à bon marché (loi « Siegfried »).
1906
– Loi du 12 avril 1906 relative aux habitations à bon marché (loi « Strauss »).
1908
– Loi du 10 avril 1908 relative à la petite propriété et aux maisons à bon marché
(loi « Ribot »).
1912
– Loi du 23 décembre 1912 sur les habitations à bon marché (loi « Bonnevay »).
1928
– Loi du 13 juillet 1928 établissant un programme de constructions d’habitations à bon
marché et de logements, en vue de remédier à la crise de l’habitation (loi « Loucheur »), JO
(Journal officiel) du 17 juillet 1928.
1945
– Ordonnance n° 45-1421 du 28 juin 1945 portant 1° institution d’un service national
du logement, 2° institution d’une caisse nationale d’entretien et d’amélioration de l’habitat
urbain et rural […], JO du 29 juin 1945.
1947
– Loi n° 47-580 du 30 mars 1947 portant fixation du budget de reconstruction et
d’équipement pour l’exercice 1947, JO du 31 mars 1947.
– Loi n° 47-1686 du 3 septembre 1947 modifiant la législation des habitations à bon
marché et instituant un régime provisoire de prêts, JO du 4 septembre 1947.
1948
– Loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la
législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux
d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, JO du
2 septembre 1948.
1950
– Loi n° 50-854 du 21 juillet 1950 relative au développement des dépenses d’investissement
pour l’exercice 1950 (prêts et garanties), JO du 23 juillet 1950.
1953
– Décret n° 53-200 du 16 mars 1953 modifiant le décret n° 50-899 du 2 août 1950 relatif à
l’attribution des prêts garantis par l’État pour la construction d’immeubles d’habitation, JO
du 17 mars 1953.
ANNEXES ❮ 193
1954
– Décret n° 54-346 du 27 mars 1954 fixant les conditions d’attribution des logements des
organismes d’habitations à loyer modéré, JO du 28 mars 1954.
1955
– Décret n° 55-1037 du 26 juillet 1955 modifiant le décret n° 54-346 du 27 mars 1954
fixant les conditions d’attribution des logements des organismes d’habitations à loyer
modéré, JO du 5 août 1955.
1957
– Loi n° 57-908 du 7 août 1957 tendant à favoriser la construction de logements et les
équipements collectifs, JO du 10 août 1957.
1962
– Loi n° 62-903 du 4 août 1962 complétant la législation sur la protection du patrimoine
historique et esthétique de la France et tendant à faciliter la restauration immobilière
(loi « Malraux »), JO du 7 août 1962.
1965
– Loi n° 65-554 du 10 juillet 1965 instituant un régime d’épargne-logement, JO du
11 juillet 1965.
1970
– Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre
(loi « Vivien »), JO du 12 juillet 1970.
1971
– Circulaire du 30 novembre 1971 relative aux formes d’urbanisation adaptées aux villes
moyennes, JO du 15 décembre 1971.
– Circulaire du 15 décembre 1971 relative à l’action sociale et culturelle dans les ensembles
d’habitations, aux locaux collectifs résidentiels et aux modalités d’intervention des
organismes constructeurs et gestionnaires de logements, JO du 5 mars 1972.
1973
– Circulaire du 21 mars 1973 relative aux formes d’urbanisation dites « grands ensembles »
et à la lutte contre la ségrégation sociale par l’habitat, JO du 5 avril 1973.
1977
– Loi n° 77-1 du 3 janvier 1977 portant réforme de l’aide au logement, JO du 4 janvier
1977.
1982
– Loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des
bailleurs (loi « Quilliot »), JO du 23 juin 1982.
194 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
1983
– Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les
communes, les départements, les régions et l’État (loi « Defferre »), JO du 9 janvier 1983.
1986
– Loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif,
l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière
(loi « Méhaignerie »), JO du 24 décembre 1986.
1989
– Circulaires 3464 et 3465 relatives au programme d’action du Comité interministériel des
villes et du développement social urbain du 22 mai 1989 (circulaires « Rocard »), JO du
20 décembre 1989.
– Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant
modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (loi « Malandain-Mermaz »), JO
du 8 juillet 1989.
1990
– Lettre-circulaire du 30 mars 1990 du ministre de l’Équipement, du Logement, des
Transports et de la Mer et du ministre délégué chargé du Logement.
– Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement
(loi « Besson »), JO du 2 juin 1990.
1991
– Loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville (« LOV »), JO du 19 juillet
1991 et du 29 octobre 1991 (rectificatif ).
1992
– Loi d’orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la
République, JO du 8 février 1992 et du 12 mai 1992 (rectificatif).
1995
– Loi n° 95-74 du 21 janvier 1995 relative à la diversité de l’habitat, JO du 24 janvier 1995.
1998
– Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, JO
du 31 juillet 1998.
1999
– Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale (loi « Chevènement »), JO du 13 juillet 1999.
2000
– Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement
urbains (loi « SRU »), JO du 14 décembre 2000.
2002
– Décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent
pris pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative
à la solidarité et au renouvellement urbains, JO du 31 janvier 2002.
ANNEXES ❮ 195
2003
– Loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la
rénovation urbaine, JO du 2 août 2003 et du 20 septembre 2003 (rectificatif).
2004
– Décret n° 2004-123 du 9 février 2004 relatif à l’Agence nationale pour la rénovation
urbaine, JO du 11 février 2004.
– Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (« acte II
de la décentralisation », dite aussi loi « Raffarin »), JO du 17 août 2004.
2005
– Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, JO du
19 janvier 2005 et du 27 janvier 2005 (rectificatif ).
2006
– Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, JO du
16 juillet 2006.
2007
– Ordonnance n° 2007-137 du 1er février 2007 relative aux offices publics de l’habitat, JO
du 2 février 2007.
– Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant
diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (loi « Dalo »), JO du 6 mars 2007.
2009
– Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre
l’exclusion (loi « Boutin »), JO du 27 mars 2009.
– Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du
Grenelle de l’environnement (loi « Grenelle 1 »), JO du 5 août 2009.
2010
– Loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, JO du 5 juin 2010 et du
1er juillet 2010 (rectificatif ).
– Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement
(loi « Grenelle 2 »), JO du 13 juillet 2010.
– Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, JO du
17 décembre 2010 et du 18 décembre 2010 (rectificatif).
2013
– Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en
faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social
(loi « Duflot »), JO du 19 janvier 2013.
2014
– Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et
d’affirmation des métropoles (loi Maptam), JO du 28 janvier 2014.
– Ordonnance n° 2014-159 du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire, JO du
21 février 2014.
– Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion
urbaine (« loi Lamy »), JO du 22 février 2014.
196 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
2015
– Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la
République (NOTRe), JO du 8 août 2015.
– Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance
verte, JO du 18 août 2015.
ANNEXES ❮ 197
Tableaux
1. Évolution de la structure du parc de logements (1984-2013) (France métropolitaine)
(en milliers), p. 23
2. Localisation des résidences principales par tranches d’unités urbaines en 2013
(France métropolitaine) (en unités et en %), p. 23
3. Évolution du type et de la taille des résidences principales (1970-2013) (France
métropolitaine) (en milliers), p. 24
4. Évolution de l’ancienneté et du niveau de confort des résidences principales (1970-2013)
(France métropolitaine) (en milliers), p. 25
5. Évolution du statut d’occupation des résidences principales (1970-2013)
(France métropolitaine) (en milliers), p. 27
6. Les propriétaires selon les types de ménages et l’âge des personnes de référence en 2013
(France métropolitaine) (en milliers), p. 28
7. Les locataires du secteur libre selon les types de ménages et l’âge des personnes
de référence en 2013 (France métropolitaine) (en milliers), p. 29
8. Les locataires du secteur social selon les types de ménages et l’âge des personnes
de référence en 2013 (France métropolitaine) (en milliers), p. 30
9. Revenus des ménages (par quintiles) selon les statuts d’occupation au 1er janvier 2010
(France métropolitaine, ensemble des ménages) (en %), p. 31
10. Occupation principale de la personne de référence des ménages selon les statuts
d’occupation en 2013 (France métropolitaine) (en %), p. 32
11. Évolution des taux d’emménagés récents (1988-2013) (en %), p. 45
12. Évolution de la mobilité résidentielle à partir du parc locatif social (1988-2013)
(en unités et en %), p. 46
13. Évolution de la mobilité résidentielle à partir du parc locatif libre (1988-2013)
(en unités et en %), p. 47
14. Évolution de la mobilité résidentielle des propriétaires et de la contribution des
différents statuts à l’accession à la propriété (1988-2013) (en unités et en %), p. 47
Figures
1. Évolution des statuts d’occupation des résidences principales (1970-2013) (en milliers),
p. 27
2. Évolution du nombre de logements ordinaires commencés (1948-2014) (en milliers),
p. 37
3. Construction neuve par région pour 1 000 habitants (moyenne annuelle 1998-2014),
p. 39
4. Évolution de l’indice des prix des logements anciens (1948-2014) (base 1 en 2000),
p. 40
198 ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE
5. Évolution de l’indice général des loyers et des prix à la consommation (1969-2014)
(en %), p. 43
6. L’accroissement du parc locatif libre selon le nombre de pièces des logements
(1988-2013) (en unités), p. 44
7. Évolution des modalités des aides au logement (1984-2013) (en milliards d’euros
courants), p. 81
Encadrés
Le « Plan de relance du logement » du 29 août 2014, p. 63
L’action du département de la Seine-Saint-Denis en matière de lutte contre le logement
indigne et dégradé, p. 152
Les résultats obtenus à Paris en matière de production de logements locatifs sociaux, p. 161
Les études
Parutions récentes
Agriculture et monde agricole. 2e édition
Pierre Daucé, 2015, 176 p.
Enseignement supérieur et recherche en France. Une ambition d’excellence
Anne Mascret, 2015, 168 p.
Les industries agroalimentaires en France
Jean-Louis Rastoin et Jean-Marie Bouquery (dir.), 2015, 256 p.
La politique culturelle en France. 2e édition
Xavier Greffe et Sylvie Pflieger, 2015, 240 p.
Le financement de l’économie française. Quel rôle pour les acteurs publics ?
Yves Jégourel, Max Maurin, 2015, 160 p.
La délinquance des jeunes
Laurent Mucchielli (dir.), 2014, 160 p.
Le Conseil constitutionnel. 2e édition
Michel Verpeaux, 2014, 224 p.
L’industrie française de défense
Claude Serfati, 2014, 232 p.
La fonction publique en débat
Luc Rouban, 2014, 176 p.
L’industrie pharmaceutique. Règles, acteurs et pouvoir
Marie-Claude Bélis-Bergouignan, Matthieu Montalban et alii, 2014, 256 p.
Les immigrés en France
Jean-Yves Blum Le Coat et Mireille Eberhard (dir.), 2014, 208 p.
Le marché de l’art. 2e édition
Jean-Marie Schmitt et Antonia Dubrulle, 2014, 424 p.
La presse française. Au défi du numérique. 8e édition
Pierre Albert et Nathalie Sonnac, 2014, 208 p.
Droits syndicaux dans l’entreprise et liberté syndicale
Franck Petit, 2014, 304 p.
Les agences de presse. 2e édition
Henri Pigeat et Pierre Lesourd, 2014, 192 p.
Les finances locales. 2e édition
Fabrice Robert, 2013, 240 p.
L’aide et l’action sociales
Michel Borgetto et Robert Lafore, 2013, 224 p.
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études
Les
Les politiques
du logement en France
Les
Depuis les années 2000, le logement est redevenu un sujet de pré-
occupation majeur pour les Français. La forte hausse des prix de l’immobilier,
alimentée notamment par un déficit de constructions par rapport aux nouveaux
besoins, rend de plus en plus difficile le choix d’un lieu d’habitat et plus encore Les politiques
du logement
l’accession à la propriété. Face à ces défis considérables, les politiques du
logement sont jugées bien souvent trop peu visibles et pas assez efficaces.
En réalité, la complexité des politiques du logement mises en œuvre aujourd’hui
en France
est liée à la diversité des enjeux, parfois contradictoires, qui entourent toutes
les questions sociales et politiques liées à l’habitat. Comment assurer en effet 2e édition
le droit au logement tout en favorisant la mixité sociale ? Comment accompa-
gner le développement de la propriété en stimulant l’économie du bâtiment,
tout en préservant l’environnement et en minimisant l’étalement urbain ?
La deuxième édition de cet ouvrage, mis à jour pour tenir compte des trans-
formations induites par la crise de la fin des années 2000 et la production
législative récente jusqu’aux lois Alur de 2014 et NOTRe de 2015, met ces poli-
tiques en perspective et en trace l’historique. Il en souligne la diversité, sans
n J.-C. Driant
quitter un ton accessible et pédagogique propre à intéresser un large public.
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