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études

études
Les
Les politiques
du logement en France

Les
Depuis les années 2000, le logement est redevenu un sujet de pré-
occupation majeur pour les Français. La forte hausse des prix de l’immobilier,
alimentée notamment par un déficit de constructions par rapport aux nouveaux
besoins, rend de plus en plus difficile le choix d’un lieu d’habitat et plus encore Les politiques
du logement
l’accession à la propriété. Face à ces défis considérables, les politiques du
logement sont jugées bien souvent trop peu visibles et pas assez efficaces.
En réalité, la complexité des politiques du logement mises en œuvre aujourd’hui

en France
est liée à la diversité des enjeux, parfois contradictoires, qui entourent toutes
les questions sociales et politiques liées à l’habitat. Comment assurer en effet 2e édition
le droit au logement tout en favorisant la mixité sociale ? Comment accompa-
gner le développement de la propriété en stimulant l’économie du bâtiment,
tout en préservant l’environnement et en minimisant l’étalement urbain ?
La deuxième édition de cet ouvrage, mis à jour pour tenir compte des trans-
formations induites par la crise de la fin des années 2000 et la production
législative récente jusqu’aux lois Alur de 2014 et NOTRe de 2015, met ces poli-
tiques en perspective et en trace l’historique. Il en souligne la diversité, sans

n J.-C. Driant
quitter un ton accessible et pédagogique propre à intéresser un large public.

n L ’auteur est professeur à l’École d’urbanisme de Paris (Université Paris-Est-Créteil – UPEC) et


membre du laboratoire Lab’Urba. Urbaniste, il est spécialiste des marchés du logement et des
politiques de l’habitat, sur lesquels il a publié plusieurs ouvrages.

Les politiques du logement en France


L es « Études de La Documentation française »
Une collection de référence sur le monde contemporain et ses évolutions : institutions, vie politique,
questions sociales, secteurs économiques, relations internationales. Des ouvrages pour tout lecteur
en quête d’analyses approfondies et objectives.
Jean-Claude Driant

Diffusion
Direction de l’information
légale et administrative
La documentation Française
N os 5414-15

Tél. : 01 40 15 70 10
www.ladocumentationfrancaise.fr Prix : 19,90 €
Imprimé en France
Directeur de la publication :
Bertrand Munch
DF 08119-5414-15
ISSN 1763-6191
3:DANNNB=^ZYVY^: dF
Les politiques du logement
en France
Chez le même éditeur/diffuseur
« Logement et marché immobilier »
Cahiers français, n° 388, septembre-octobre 2015
Le logement en Île-de-France. Donner de la cohérence à l’action publique
Cour des comptes, rapport public thématique, 2015
La densification résidentielle au service du renouvellement urbain. Filières, stratégies et outils
Anastasia Touati et Jérôme Crozy (dir.), Plan urbanisme construction architecture, 2015
« Comment modérer les prix de l’immobilier ? »
Alain Trannoy et Étienne Wasmer, Conseil d’analyse économique, Recueil 2013 des notes du CAE, 2015
« Immobilier : ce que nous apprend la Grande Récession »
Xavier Timbeau, Problèmes économiques, n° 3106, février 2015
« Propriété immobilière : facteurs explicatifs et incidence sur le chômage »
Direction générale du Trésor, Économie & prévision, nos 200-201, octobre 2014
« 30 ans de globalisation des cycles immobiliers »
Thomas Grjebine, Problèmes économiques, n° 3095, septembre 2014
Du logement social à l’habitat. Les Offices cent ans après la loi Bonnevay
Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat,
coll. « Les Cahiers du Gridauh », 2014
Les retraités et leur logement
Conseil d’orientation des retraites, 2014
Politiques de peuplement et logement social. Premiers effets de la rénovation urbaine
Comité d’évaluation et de suivi de l’Anru, 2013
Le logement autonome des jeunes
Conseil économique, social et environnemental (Cese), 2013
« L’offre de logement nécessaire à la ville cohérente et l’offre de logement existant : des écarts
modérés, mais concentrés sur certaines zones et catégories de logement »
La ville cohérente. Penser autrement la proximité, Programme de recherche et d’innovation dans les transports
terrestres (Predit), 2012

Du même auteur (quelques références)


« La crise du logement vient-elle d’un déficit de constructions ? »
L’Économie politique, n° 65, janvier-février-mars 2015
« Enjeux et débats des politiques du logement en France »
Revue d’économie financière, n° 115, septembre 2014
« Crise du logement ? Quelles crises ? »
Savoir/Agir, n° 24, juin 2013
« Les mutations en sourdine du financement du logement social »
Regards croisés sur l’économie, n° 9, mai 2011
Les politiques
du logement
en France
2e édition

Jean-Claude Driant
Professeur à l’École d’urbanisme de Paris
(Université Paris-Est Créteil – UPEC)

La Documentation française
Département de l’édition dirigé par Philippe Tronquoy
Collection dirigée par Pierre-Alain Greciano
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❮  5

S ommaire

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1.  Marchés et conditions de logement dans la France des années 2010 . . . . 11


Le logement : caractéristiques d’un bien particulier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Un bien durable : marché et mobilités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Un bien immobile et localisé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Quarante années d’évolution des conditions de logement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Croissance de l’offre et progrès du confort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Essor de la propriété dans une offre diversifiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
Des différences sensibles en matière de situation sociale des ménages . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Forte croissance de l’effort financier des ménages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Persistance du mal-logement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Les dynamiques de la production et des échanges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
La construction neuve : tendances longues et phénomènes de conjoncture . . . . . . . . . . . . . . 36
Les prix et les loyers après des hausses exceptionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Les blocages de la mobilité résidentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Conclusion : quelques questions pour les politiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
Le décalage entre l’offre et la demande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
Les conséquences en bout de chaîne : le mal-logement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Crise du logement et crise urbaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
Les dimensions sociales et environnementales de l’étalement urbain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

2.  Introduction aux politiques de l’habitat : enjeux et moyens . . . . . . . . . . . . . . . 55


Trois enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
Les enjeux sociaux : satisfaire les besoins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
Les enjeux économiques : bâtiment, consommation, fiscalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
Les enjeux urbains : mixité, renouvellement, environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Les moyens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Les aides financières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Les moyens juridiques et institutionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

3.  Grandes étapes, grands tournants (1850-1995) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101


De 1850 à 1948 : fondations, innovation et blocages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
Les prémices : la mise en place des structures du logement social (1850-1918) . . . . . . . . . . . 102
1918-1948 : moratoire des loyers, crise du logement et débuts de l’aide à la pierre . . . . . . . . 104
6  ❯  LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

De l’après-guerre au milieu des années 1970 : sortir du déficit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107


1945-1954 : de la reconstruction aux premiers grands ensembles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
1954-1975 : les « vingt glorieuses » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
Critique des grands ensembles et de la rénovation urbaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Le tournant de la réforme de 1977 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Les antécédents de la réforme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Ses principales composantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Les années 1980 et le début des années 1990 : le cadre contemporain des politiques
du logement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
Les premiers pas de la décentralisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
La question sociale : débat sur le secteur locatif privé et émergence du droit au logement . . 126
Les réformes des mécanismes d’aide de 1977 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

4.  Les grands débats des politiques contemporaines du logement . . . . . . . . . . 133


Construire 500 000 logements par an ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Les origines de l’objectif de 500 000 logements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Un déficit difficile à prouver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
Le problème spécifique de l’agglomération parisienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
Quels rôles respectifs pour la propriété et les statuts locatifs ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
Une France de propriétaires ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
À quel prix faut-il sauver le secteur locatif privé ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
Poursuivre l’accroissement du parc social ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
L’action sur l’habitat existant : du logement indigne à la précarité énergétique . . . . . . . . . . . 149
La marche lente des politiques locales de l’habitat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
Les conséquences du recul structurel des moyens de pilotage politique local . . . . . . . . . . . . 154
Les premiers signes du mouvement décentralisateur : compétence partagée
et défiance à l’égard des communes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
La montée de l’intercommunalité change la donne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
La loi SRU et le renforcement de la portée juridique des PLH . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
La délégation des aides à la pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
Les intercommunalités en apprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
Droit au logement et mixité sociale. Des ambitions contradictoires ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
La longue marche du droit au logement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Politique de la ville et rénovation urbaine. Objectif mixité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175

Conclusion. Retrouver une vision d’ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181


Territorialiser les enjeux, améliorer les moyens de connaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182
Diversifier et clarifier une offre accessible au plus grand nombre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Clarifier la répartition des responsabilités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185

Annexes
Index des sigles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
Bibliographie sommaire (titres récents) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
Références des textes législatifs et réglementaires cités (1850-2015) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Liste des tableaux, figures et encadrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
INTRODUCTION  ❮  7

I ntroduction

Illisibles, incohérentes et inefficaces. Tels sont sans doute les trois adjectifs
les plus couramment utilisés pour qualifier les politiques du logement en
France.
De fait, ce domaine donne lieu à une production législative impression-
nante : pas moins de cinq grandes lois, dont certaines aux titres volonta-
ristes (« engagement national », « droit opposable », « mobilisation pour
le logement ») promulguées entre juillet 2006 et mars 2015, totalisant
près de 500 articles et plus de 400 décrets d’application, sans compter
quelques ordonnances et toutes les dispositions concernant le logement
dans chacune des lois de finances1.
Une telle activité gouvernementale et parlementaire consacrée au logement
n’est pas exceptionnelle, d’autant qu’il faut également comptabiliser les
importantes dispositions le concernant dans des lois dont ce n’est pas
l’objet principal (Plan de cohésion sociale de 2005, acte II de la décen-
tralisation de 2004, lois Grenelle du 3 août 2009 et du 12 juillet 2010,
loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août
2015, loi Grand Paris du 3 juin 2010, loi Maptam – « de modernisation
de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » – sur les
métropoles du 27 janvier 2014, loi « Nouvelle organisation territoriale de
la République » ou NOTRe du 7 août 2015).
Cet amoncellement législatif compose un ensemble devenu extrêmement
complexe de domaines et de sous-domaines inégalement liés les uns aux
autres et que l’on persiste, sans doute à tort, à englober, au singulier, sous
le terme de « politique du logement ». Quelle relation demeure-t-il entre
la généralisation de la TVA à taux réduit pour les travaux des particuliers,
le droit au logement opposable, le développement de la propriété et les
économies d’énergie dans l’habitat ancien ?
La haute technicité de ces différents domaines, qui exigent des compétences
de financier, d’urbaniste, de juriste, et une capacité à saisir les interactions
qui les unissent, a contribué à une spécialisation accrue des acteurs des
politiques du logement. Alors que chacun s’accorde, campagne électorale
après campagne électorale, à considérer ce domaine comme prioritaire
pour la cohésion sociale, il suscite très peu de controverses et il est devenu

1. Voir annexes, p. 192.


8  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

un objet technique placé entre les mains de quelques élus nationaux et


locaux, excellents connaisseurs du secteur, fins techniciens de l’adaptation
juridique, mais peu présents sur la scène politique nationale hors des
milieux spécialisés.
Pourtant, les interpellations du monde politique sont nombreuses et par-
fois spectaculaires, faisant de la question du logement l’un des principaux
pourvoyeurs de scandales médiatiques. Scandales mineurs, mais marquants,
lorsque des personnes haut placées profitent indûment d’avantages ou
de rentes de situation ; scandales majeurs lorsqu’un incendie, un hiver
rigoureux ou une expulsion musclée mettent en relief la persistance de
conditions de logement inacceptables dans une société avancée. Tous les
efforts du législateur seraient-ils donc inefficaces face au mal-logement ? Le
constat qui servait de titre à l’ouvrage de Bruno Lefebvre, Michel Mouillart
et Sylvie Occhipinti2 en 1992, s’appliquerait-il encore ?
En fait, les conditions de logement de la majorité des ménages vivant
en France n’ont pas cessé de s’améliorer au cours des quarante dernières
années : plus d’un ménage sur deux est propriétaire de sa résidence prin-
cipale (58 % en 2013) ; dans la plupart des cas, il s’agit d’une maison
individuelle confortable et spacieuse. D’ailleurs, l’équipement sanitaire
des logements s’est généralisé et les surfaces moyennes n’ont pas cessé
de croître. En 1970, chaque individu disposait en moyenne de 22 m² ;
aujourd’hui, il en a 40,33. Ces évolutions doivent beaucoup aux politiques
menées depuis plus d’un demi-siècle, mais le sentiment d’inefficacité reste
fort, aussi bien dans les milieux politiques et chez les professionnels que
pour l’opinion en général. Depuis le début des années 2000, on reparle
même de crise du logement en France.
Il est vrai que la question touche chacun d’entre nous dans sa vie quoti-
dienne. Le logement est le premier poste du budget des ménages locataires
ou endettés par l’accession à la propriété, il est aussi le toit indispensable
qui assure notre survie, l’adresse qui contribue à notre identité sociale et
le lieu de l’intimité familiale et individuelle. Pour la majorité des ménages,
le logement est également le plus important des actifs patrimoniaux. Tout
cela en fait à la fois l’un des biens les plus importants dont nous devons
pouvoir disposer et celui dont la conquête sera des plus difficiles.

2. Bruno Lefebvre, Michel Mouillart et Sylvie Occhipinti, Politique du logement. 50 ans pour
un échec, coll. « Habitat et sociétés », L’Harmattan, Paris, 1992.
3. Il est vrai que, durant cette même période, « la population vieillissant et les décohabitations
liées aux ruptures conjugales se faisant plus nombreuses, le nombre moyen de personnes par
logement a régulièrement baissé depuis les années 1980, pour passer de 2,7 à 2,3 [en 2013] »
(Séverine Arnault, Laure Crusson, Nathalie Donzeau et Catherine Rougerie, « Les conditions
de logement fin 2013. Premiers résultats de l’enquête Logement », Insee Première, n° 1546,
avril 2015, p. 2).
INTRODUCTION  ❮  9

Car s’il est un objet des politiques, le logement est surtout un bien mar-
chand. Cette caractéristique complique la donne, dans la mesure où elle
limite fortement la maîtrise du secteur par l’action publique. Pour beau-
coup d’entre nous, le rapport au logement et les difficultés rencontrées
peuvent s’analyser totalement à partir de mécanismes marchands encadrés
juridiquement (bail, loyer, achat, endettement, contrat de construction)
et d’acteurs économiques privés : propriétaires, artisans du bâtiment,
promoteurs, agents immobiliers, syndics, etc.
Ajoutons à cela le fait que le logement constitue l’un des éléments majeurs
du paysage des villes et des campagnes : tours, barres, maisons de ville,
fermettes et pavillons sont les matières premières du cadre bâti, ce qui lui
confère une dimension urbanistique en plus de son usage.
Dans un tel cadre général, tenter d’expliquer les politiques du logement
dans leur complexité et de comprendre leurs composantes en évitant de
plonger trop profondément dans leur technicité, s’apparente à une gageure.
Sans doute n’y parviendrons-nous que très partiellement, d’autant qu’il
est probable que, lorsque ces lignes paraîtront, une ou deux nouvelles lois
en auront rendu certains développements caducs. Mais le jeu en vaut la
chandelle si l’on veut justement avancer vers une compréhension plus
systémique de la façon dont la question du logement est appréhendée par
les politiques et en déduire les points d’interaction et de contradiction sur
lesquels il serait nécessaire d’agir pour en renforcer l’efficacité.
Les deux premiers chapitres exposent les principales composantes du
système. Dans le premier, il s’agit, après avoir brièvement décrit les carac-
téristiques de ce bien particulier qu’est le logement, de montrer comment
quarante années d’évolution des marchés ont façonné à la fois l’amélio-
ration des conditions de logement de la majorité et les composantes de
cette fameuse « crise du logement ». Dans le deuxième, nous explorons
les composantes essentielles des politiques du logement pour en montrer
la pluralité et en faire apparaître les principaux facteurs de contradiction :
diversité des enjeux et des outils financiers, juridiques et institutionnels.
Les deux derniers chapitres font le récit de la construction des politiques du
logement en France et de leurs principales composantes contemporaines. Le
troisième s’attache au temps long ; il montre les constantes et les ruptures
qui ont marqué ce champ politique entre le milieu du XIXe siècle et le
milieu des années 1990. Le quatrième reprend les principaux débats qui
marquent les politiques du logement contemporaines.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  11

❯ Chapitre 1
Marchés et conditions de logement
dans la France des années 2010
Le logement est caractérisé par une triple identité : d’abord, sa présence
dans notre vie quotidienne, comme abri, mais aussi comme réceptacle
de l’intimité et de la cellule familiale ; ensuite, c’est l’une des matières
premières de l’espace bâti, ce qui le met ainsi au cœur du paysage et des
configurations urbaines ; enfin, son rôle économique, à la fois comme
objet produit par un secteur industriel et artisanal et comme patrimoine
détenu, géré et générant des revenus.
Cette triple dimension fait aussi du logement un objet de politiques dif-
férenciées, qui visent à la satisfaction des besoins de la population, à la
qualité de la ville et à la maîtrise de l’urbanisation, mais aussi à contribuer
aux grands équilibres de l’économie nationale. Par ailleurs, contraire-
ment à celles qui s’appliquent à des domaines purement régaliens dont la
fourniture est assurée par un monopole ou quasi-monopole public, ces
politiques concernent un champ dont l’essentiel du fonctionnement relève
de mécanismes marchands fondés sur des décisions privées.
Dans ces conditions, le défi constant des politiques est de parvenir à cor-
riger ou à infléchir les marchés pour qu’ils remplissent un certain nombre
de missions d’intérêt public.
Appréhender les politiques du logement et les limites de leur efficacité
passe donc d’abord par la compréhension des objets qu’elles s’attachent à
maîtriser. C’est le but de ce chapitre, dans lequel il s’agira en premier lieu de
cerner les contours des principaux mécanismes à l’œuvre dans les marchés
du logement en France, puis de décrire les grandes lignes de l’évolution
des conditions d’habitat des ménages et les principales dynamiques qui
les traversent, avant d’en retirer une interprétation de la situation actuelle,
souvent qualifiée en termes de « crise du logement ». Ce qui conduira à
dresser, dans le deuxième chapitre, le cadre général des politiques qui s’y
appliquent.
12  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Le logement : caractéristiques d’un bien particulier


Le logement relève de mécanismes marchands qui lui sont propres et
rendent délicates les analogies avec les marchés d’autres biens. Les écono-
mistes1 expliquent une part de ces spécificités en décrivant les caractéris-
tiques de ce bien. Parmi celles-ci, les deux principales sont les caractères
durable et immobile du logement.

Un bien durable : marché et mobilités


À chaque fois que réapparaissent les symptômes d’une crise du logement,
l’attention des politiques et de la plupart des observateurs de l’habitat se
focalise sur la construction de logements neufs et ses supposées carences.
Depuis le milieu des années 2000, le débat est réactivé par l’idée selon
laquelle, suite à l’insuffisance de la construction au cours des années 1990,
la France connaîtrait un déficit de logements. Cette question donne lieu à
de vives polémiques entre spécialistes2. Reprenant sur ce thème les travaux
de Michel Mouillart, les rapports successifs de la Fondation Abbé-Pierre
évoquent avec constance un déficit de 800 000 logements3. Ce chiffre a
été repris par la plupart des candidats à l’élection présidentielle de 2012
comme illustration d’une crise quantitative conduisant à afficher des objec-
tifs ambitieux en matière de construction neuve.
Ce chiffre est éminemment contestable, nous y reviendrons, mais force
est de constater que, dans certaines villes, une part des difficultés ren-
contrées par les ménages pour se loger tient à l’insuffisance de l’offre. Si
cette affirmation semble faire consensus, il faut cependant apporter deux
importantes nuances à une appréhension strictement quantitative de la
crise et à la formulation de solutions exclusivement assises sur la construc-
tion neuve. La première, qui renvoie au territoire, suggère de différencier
les situations locales ; la seconde s’appuie sur l’une des caractéristiques du
bien logement, souvent négligée dans les analyses : son caractère durable.

1. Pour les analyses économiques des marchés du logement, voir Didier Cornuel, Économie immo-
bilière et des politiques du logement, coll. « Ouvertures économiques », De Boeck, Bruxelles,
2013.
2. Michel Mouillart, « La crise du logement en France, pourquoi et pour qui ? », Regards sur
l’actualité, La Documentation française, Paris, n° 320, avril 2006, p. 5-18 ; Alain Jacquot,
« Des ménages toujours plus petits. Projection de ménages pour la France métropolitaine
à l’horizon 2030 », Insee Première, n° 1106, octobre 2006 ; Jean-Claude Driant, « La crise
du logement vient-elle d’un déficit de constructions ? », L’Économie politique, n° 65, janvier-
février-mars 2015, p. 23-33.
3. Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés, L’état du mal-logement en France.
Rapport annuel, Paris, 2015 (et toutes éditions précédentes depuis 1995).
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  13

Dans la théorie économique, un bien durable est un bien qui n’est pas
détruit par sa consommation. Le fait de l’utiliser l’use ; d’un point de vue
comptable, il peut être amorti et, comme sa destruction est un risque, il
peut être assuré. C’est le cas, par exemple, de l’automobile, de l’équipement
informatique, de l’électroménager et, bien entendu, du logement.
On peut mettre en évidence deux principaux effets de la durabilité du
logement, qui aident à comprendre le fonctionnement de cet objet dans
un contexte marchand et à en déduire l’efficacité potentielle des politiques
qui s’y appliquent.

Prégnance du marché de l’occasion : mobilité, vacance et primo-


accession
Si un bien n’est pas détruit par sa consommation, il peut être consommé à
plusieurs reprises, ce qui indique à la fois qu’il peut être loué et qu’il existe
un marché de l’occasion. Pour le logement, ce sont là des évidences dont
on ne tire pas toujours toutes les conséquences.
En effet, compte tenu de l’abondance du stock de 34 millions d’unités,
face à une production neuve comprise entre 300 000 et 400 000 loge-
ments par an, l’offre est aujourd’hui très majoritairement constituée de
logements existants libérés ou mis en vente. Ainsi, on recense en moyenne
un peu plus de 2,5 millions d’emménagements par an, dont quelque
700 000 décohabitations et un peu plus de 1,8 million de ménages quittant
un logement pour en occuper un autre (déménagements). Dans le même
temps, sous l’effet des décès et des cohabitations nouvelles (formation de
couples…), environ 450 000 logements sont libérés chaque année. Au
total, les déménagements, les disparitions et les formations de ménages
produisent donc une offre annuelle de quelque 2,2 millions de logements
dans le parc existant. Dit en d’autres termes, un ménage à la recherche
d’un logement aura, selon le rythme de la construction cette année-là,
entre 5,5 et 7 fois plus de chances d’en trouver un dans le parc existant
que grâce à la production neuve.
Le même type de raisonnement peut être fait pour chacun des secteurs de
l’offre. Ainsi, avec un peu plus de 4,7 millions de logements sociaux, on sait
qu’un taux de rotation de 9 % donnera lieu à près de 425 000 attributions
dans l’année et qu’un point de rotation en plus ou en moins fera augmenter
ou baisser les marges de manœuvre de 47 000 possibilités d’attributions.
On comprend dès lors les impacts qu’a pu avoir la baisse de la rotation de
plus de trois points entre 1999 et 2014. Il aurait fallu doubler la produc-
tion de logements sociaux au cours de ces années pour amortir les effets
de cette réduction de l’offre dans le parc existant. Ce doublement n’ayant
pas eu lieu, ce sont les files d’attente qui se sont allongées.
14  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Ces ordres de grandeur montrent que la compréhension des mécanismes du


marché du logement repose sur la connaissance des mobilités des ménages
comme principales productrices de l’offre disponible.
Cela aide notamment à traiter avec recul la question toujours politiquement
très sensible de l’existence de logements vacants. Les chiffres nationaux
en la matière indiquent une remarquable stabilité de leur nombre entre
le milieu des années 1980 et 2006 à un niveau voisin de deux millions
d’unités, suivie d’une augmentation sensible depuis, atteignant 2,6 millions
en 20134. Un regard non averti en déduirait trop vite qu’il s’agit là d’une
réserve disponible pour la satisfaction immédiate des besoins, mais la réalité
est tout autre. D’abord, cette évolution sur près de trente ans indique un
recul de la part relative de la vacance, passant de 7,7 % en 1984 à 6,6 %
en 2007 pour remonter à 7,5 % en 2013. Ensuite, et surtout, loin de refléter
l’existence d’un stock retenu artificiellement et potentiellement mobilisable,
les situations de vacance ne sont, en réalité, que le produit d’une mobilité,
dans l’attente d’une prochaine réoccupation, ou du délaissement du parc
de logements de certaines villes en déclin.
De fait, dans la grande majorité des cas, la vacance de logements urbains
est le résultat mécanique de la mobilité des ménages qui les libèrent. Ainsi,
la baisse de la vacance dans les villes où le marché est tendu est plutôt le
signe inquiétant d’un accroissement de la tension et d’une chute de la
mobilité qui réduit d’autant l’offre disponible5. Par exemple à Paris intra
muros, le nombre de logements vacants est passé, selon les recensements,
de 136 000 en 1999 à 99 000 en 2011, indice fort de l’accroissement de
la tension du marché dans la capitale.
Ces appréhensions des marchés du logement à partir de la mobilité des
ménages aident aussi à mettre en relief certaines des interactions qui carac-
térisent les différents secteurs de l’offre. Il en va de la sorte lorsque les
variations des prix immobiliers freinent la primo-accession à la propriété
des ménages à revenus modestes et moyens ; la mobilité dans le parc de
logements sociaux est alors elle-même ralentie. La baisse des taux de rotation
enregistrée entre 1998 et 2014 peut, en effet, être rapprochée de la chute
de la primo-accession au cours de la même période (entre 1999 et 2002,
près de 300 000 ménages ont quitté les HLM pour devenir propriétaires,
ils n’ont plus été que 165 000 entre 2010 et 2013). Si le nombre de
primo-accédants baisse, celui des logements locatifs libérés recule d’autant,

4. Données tirées du suivi annuel du parc de logements élaboré par l’Insee pour les besoins du
Compte du logement (Commissariat général au développement durable, « Compte du loge-
ment 2013. Premiers résultats 2014 », Références, février 2015, p. 37).
5. Ce raisonnement n’exclut évidemment pas le fait qu’il existe également une certaine quantité
de logements retenus pour des raisons spéculatives ou des craintes des propriétaires à l’égard
de l’insécurité des rapports locatifs, mais le vivier correspondant est très limité. Quant aux
logements des communes rurales délaissées et des centres anciens de villes en crise, ils corres-
pondent à des contextes socio-territoriaux contradictoires avec l’idée d’un déficit quantitatif.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  15

ce qui réduit, dans le parc social, le nombre d’attributions prononcées


chaque année et contribue donc à maintenir dans le mal-logement des
demandeurs de plus en plus nombreux. À l’inverse, on comprend l’effet
vertueux que peut avoir une relance de l’accession sociale à la propriété ;
même si, comme nous le verrons, elle peut aussi s’accompagner d’effets
négatifs en termes de mixité sociale.

Un bien patrimonial : différenciation actif/service et fragilité


de l’investissement locatif
L’autre conséquence fondamentale du fait que le logement soit un bien
durable est son caractère patrimonial. En effet, l’acquisition d’un logement
constitue un investissement dans une double logique d’accumulation de
capital et de rentabilité. C’est le fondement de la rationalité économique
de l’alternative entre location et propriété, schématisée pour un ménage
par la question suivante : « Si je suis propriétaire de ce logement, serai-je
plus riche, à terme, que si j’en restais locataire ? ». Au fond, cela consiste à
différencier la fonction de consommation (ou service-logement : « Quel que
soit mon statut, je dois habiter dans un logement ») de celle d’investissement
(ou actif-logement : « Je choisis de placer mon épargne dans mon logement
plutôt que dans d’autres produits financiers »). Cette différenciation entre
service et actif permet surtout d’interpréter la coexistence d’un marché
de l’accession à la propriété alimenté par des ventes avec un marché de la
location qui fonctionne sous l’effet des mobilités des ménages. Ce sont ces
dernières qui représentent l’essentiel des mouvements sur le marché (environ
75 % des emménagements annuels se font dans les secteurs locatifs).
Dans ce cadre d’analyse, la spécificité du secteur locatif est la séparation
entre le propriétaire et l’occupant, chacun développant sa propre stratégie.
Si on laisse de côté, à ce stade du raisonnement, le monde particulier du
logement social, il est important de s’arrêter un instant sur les effets de la
diversité des comportements que peuvent mettre en œuvre les propriétaires
du secteur locatif privé.
Ces derniers sont très majoritairement des personnes physiques dont les
revenus locatifs s’imputent sur leur déclaration de revenus : moins de 2,4 %
des logements locatifs privés appartenaient en 2013 à une personne morale ;
l’accélération des « ventes à la découpe »6 au cours des années 2000 ayant
fait fondre la part de marché ainsi déténue. Cet émiettement de la propriété
locative se traduit par une grande diversité de comportements de la part

6. On appelle « vente à la découpe » le fait, pour le propriétaire d’un immeuble entier, de le


mettre en vente appartement par appartement. L’immeuble passe ainsi du statut de mono-
propriété à celui de copropriété. Au cours des années 2000, beaucoup de propriétaires ins-
titutionnels (compagnies d’assurance, banques, etc.) ont profité du haut niveau des valeurs
immobilières pour vendre ainsi leur patrimoine, notamment à Paris.
16  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

des bailleurs, depuis l’investisseur actif dont les décisions sont fondées sur
des calculs de rendement immédiat et à terme et sur des études comparées
avec les autres types de portefeuille, jusqu’au propriétaire-bailleur « par
inadvertance »7, héritier d’un bien, ou âgé, ou encore se refusant à vendre
une maison qu’il n’occupe plus, dont le raisonnement reposera souvent
sur l’inquiétude et la logique de conservation.
Cette diversité de comportements est source de complexité pour les poli-
tiques publiques qui, pour inciter à l’investissement, mettent au point
de confortables avantages fiscaux et hésitent à limiter la rentabilité de la
location. On en trouve trace à la fois dans le maintien de ces aides par des
majorités de gauche qui sont pourtant souvent très critiques à leur égard,
et dans les atermoiements gouvernementaux autour de la mise en œuvre
des mesures de régulation des loyers de la loi pour l’accès au logement et un
urbanisme rénové – Alur – du 24 mars 2014. Parallèlement, la législation
française persiste à protéger les locataires, ce qui ne manque pas d’inquiéter
certains propriétaires face aux risques d’impayés, de dégradation ou de refus
de quitter le logement loué. L’équilibre est donc instable entre l’intérêt
préservé des propriétaires et le rôle de complément au secteur social que
les pouvoirs publics souhaitent maintenir ou développer.
Mise en relation avec le caractère durable du logement, cette incertitude
qui pèse sur le secteur locatif privé représente l’un des facteurs de tension
des marchés du logement. En effet, si les logements eux-mêmes restent,
leur position sur le marché et leur capacité d’absorption de la demande
sont fragiles et sans véritable maîtrise de la part des acteurs publics. Cette
instabilité, dont il résulte que le nombre de logements locatifs privés n’a
que faiblement augmenté au cours des soixante dernières années, touche
particulièrement les publics qui en sont les utilisateurs les plus fréquents
(ménages jeunes, actifs en mobilité professionnelle, personnes récemment
séparées…).
Bien durable soumis à une diversité de mécanismes marchands, le loge-
ment est donc difficile à saisir pour les politiques publiques, d’autant que
l’essentiel de la production de l’offre résulte de l’exercice, par les ménages, de
choix individuels contraints par le niveau de leurs revenus. Cette complexité
est encore accentuée par la seconde grande caractéristique du logement :
son immobilité.

7. Ce terme a été inventé par André Massot dans ses travaux sur les propriétaires immobiliers.
Voir André Massot, « Les particuliers propriétaires de logements locatifs et leur patrimoine »,
Les Cahiers de l’Iaurif, supplément Habitat, n° 21, juin 1998, p. 8-21.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  17

Un bien immobile et localisé


En effet, l’autre caractéristique économique du logement est son caractère
immobile ou, dit autrement, localisé. Cela signifie que, le logement ne se
déplaçant pas dans l’espace, il est très fortement conditionné par le lieu où
il se trouve. De plus, deux logements ne pouvant pas être situés exactement
au même endroit, il n’existe pas deux logements identiques.
Cette localisation peut s’apprécier à des échelles diverses qui, chacune à
son tour, contribuent à la compréhension des marchés immobiliers. Pour
simplifier, on peut en retenir trois : celle du bassin d’habitat, celle du
quartier et celle de l’immeuble.

Des marchés locaux du logement


Les acteurs des politiques du logement ont pris l’habitude de désigner sous
le terme de « bassin d’habitat » l’espace à l’intérieur duquel les ménages
font leur choix résidentiel à partir d’une attache localisée liée à l’emploi,
à la consommation ou aux proximités familiales. Ce concept trouve une
définition statistique avec la notion d’aire urbaine mise au point par l’Insee
pour rendre compte des pôles urbains et de leurs espaces sous influence8.
Les marchés du logement sont en effet pour une bonne part des marchés
locaux. S’il ne change pas de lieu d’emploi ou de périmètre de relations
familiales, un ménage qui fait un choix résidentiel le fait dans un cadre
contraint par la nécessité de limiter ses déplacements quotidiens : s’il tra-
vaille à Annecy, il ne cherchera pas à se loger à Douai, même s’il constate
qu’il pourrait y payer beaucoup moins cher un logement d’apparence
identique.
Même s’ils induisent des contraintes de localisation, ces marchés locaux
peuvent correspondre à des périmètres très larges qui dépassent en tout
cas de loin ceux des villes elles-mêmes et de leurs banlieues urbaines ; ils

8. Selon l’Insee, « une aire urbaine ou “grande aire urbaine” est un ensemble de communes,
d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de
10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont
au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des
communes attirées par celui-ci.
Le zonage en aires urbaines 2010 distingue également :
– les “moyennes aires”, ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par
un pôle (unité urbaine) de 5 000 à 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités
urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le
pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ;
– les “petites aires”, ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par
un pôle (unité urbaine) de 1 500 à 5 000 emplois, et par des communes rurales ou unités
urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le
pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ».
18  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

intègrent notamment les espaces ruraux périurbains. A fortiori, ces marchés


locaux dépassent toujours ceux des collectivités territoriales et même de
leurs groupements intercommunaux.
Compte tenu des dynamiques économiques et démographiques locales,
mais aussi de l’histoire des choix politiques qui ont marqué ces territoires,
les équilibres entre l’offre et la demande de logements se construisent de
façons extrêmement variées d’un bassin d’habitat à l’autre. Il en résulte une
large gamme de niveaux de tension du marché, notamment illustrée par la
diversité des prix d’un bassin à l’autre. Bref, il est beaucoup plus difficile
de se loger dans certains bassins d’habitat que dans d’autres et les effets
de la construction neuve ou des politiques publiques varient eux-mêmes
considérablement d’un marché local à l’autre. Pourtant, comme nous le
verrons, une des principales évolutions des dimensions financières des
politiques du logement au cours des trois dernières décennies a justement
été d’ignorer de plus en plus la diversité des territoires.
La différenciation des contextes locaux peut également être le résultat de
dynamiques économiques étrangères à la notion de réponse aux besoins
en logement des habitants de la zone. C’est le cas par exemple de certains
mécanismes d’aide fiscale à l’investissement locatif qui, compte tenu du
niveau très élevé des prix dans les villes à marché tendu, ont eu tendance,
surtout au cours des années 2000, à se développer dans des agglomérations
moins chères et donc susceptibles, au moins sur le papier, d’apporter des
rendements locatifs supérieurs. Dans ces cas, le développement de l’offre
locative ne correspond pas vraiment aux lieux où la demande est la plus
forte ni les besoins les plus criants.
La région parisienne constitue une sorte d’archétype de ces situations de
tension, avec des prix très élevés, un déficit d’offre considérable et une
construction neuve à un niveau très bas – nous y reviendrons.
Ces éléments illustrent une nouvelle fois le caractère trop limitatif, voire
trompeur, d’une analyse limitée à de grands indicateurs nationaux, que
ce soit pour l’estimation des besoins, pour le chiffrage d’un déficit en
logements ou pour la mesure de l’impact de la construction neuve.

Quartiers et couronnes périurbaines : choix résidentiels et processus


ségrégatifs
La localisation résidentielle à l’intérieur du bassin d’habitat est au cœur des
choix des ménages, sans doute au moins autant que les caractéristiques des
logements et le statut d’occupation. Cette variable de choix correspond à
une vaste gamme de motivations telles que la proximité résidentielle avec
des proches ou avec l’emploi, les équipements, notamment scolaires, aux-
quels l’adresse donne accès, l’offre de transports, les qualités du voisinage,
le goût pour la vie urbaine ou, au contraire, l’attrait de la nature.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  19

L’attractivité d’un quartier ou d’un type de localisation varie ainsi en fonc-


tion de ce qu’il peut offrir aux personnes qui recherchent un logement et
de l’intérêt que ces dernières éprouvent pour ces aménités. La première
conséquence des variations spatiales de l’attractivité est la gamme des prix
immobiliers.
Dans ces conditions, le choix du lieu de résidence se trouve fortement
contraint par la capacité des ménages à en payer le prix, ce qui constitue
le plus puissant moteur de différenciation sociale de l’espace au sein des
marchés locaux du logement. Cette différenciation s’opère à deux niveaux
superposés : d’abord celui des quartiers, autour du centre des aggloméra-
tions, qui différencient les secteurs populaires de ceux où se concentrent
les richesses ; ensuite, celui des cercles concentriques, répondant à une loi
assez systématique de la formation de prix fonciers par laquelle la valeur
des maisons, et surtout des terrains à bâtir, baisse au fur et à mesure que
l’on s’éloigne du centre des villes9. Ainsi, parmi les ménages ayant acheté
un logement depuis moins de quatre ans, la part de ceux disposant de
revenus bas est nettement plus élevée dans les communes situées hors des
aires urbaines que dans les communes rurales incluses dans ces aires10.
Les écarts de valeur entre les logements d’un même bassin d’habitat en
fonction de leur localisation contribuent donc fortement à dessiner la carte
sociale des espaces résidentiels, bien plus que la répartition des niveaux de
qualité intrinsèque du parc de logements. Ce facteur de différenciation
de l’habitat touche tous les secteurs : ceux de la propriété et de la location
privée par l’écart des prix, celui du parc social par la plus faible mobilité des
ménages qui ont eu la chance d’accéder à ses immeubles les mieux situés.

Du produit immobilier à la cage d’escalier


L’homogénéité ou la diversité du parc de logements à l’intérieur d’un
même quartier constituent d’autres facteurs de différenciation à l’échelle
la plus fine. Les vastes lotissements pavillonnaires ou les grands ensembles
de logements sociaux en fournissent de bonnes illustrations, comparés
aux quartiers centraux de grandes villes où se côtoient propriétaires et
locataires. Le couple qui unit les localisations aux types de logements (et
leurs statuts d’occupation) est donc une variable essentielle pour l’analyse

9. Voir notamment à ce sujet Joseph Comby et Vincent Renard, Les politiques foncières, coll.
« Que sais-je ? », n° 3143, Puf, Paris, 1996 ; Pierre Merlin, L’exode urbain : de la ville à la
campagne, coll. « Les études de La Documentation française », Paris, 2009 ; Plan urbanisme
construction architecture, Vivre en ville hors des villes. Synthèse du programme de recherche La
mobilité et le péri-urbain à l’impératif de la ville durable : ménager les territoires de vie des péri-
urbains, Ministère de l’Égalité des territoires et du Logement-Ministère de l’Écologie, du
Développement durable et de l’Énergie, La Défense, 2014.
10. Jean-Claude Driant, « Espaces ruraux et parcours résidentiels des ménages : un éclairage sta-
tistique », Pour, n° 195, octobre 2007, p. 41-47.
20  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

des quartiers, de leur attractivité et de leur composition sociale. Si on


rapproche ce constat de ceux évoqués plus haut à propos de la mobilité
résidentielle et des interactions entre les statuts d’occupation, on voit com-
ment l’homogénéité locale de l’offre de logements peut être corrélée avec
la plus ou moins grande diversité de la composition sociale des quartiers.
Plus finement encore, à l’échelle d’un immeuble ou d’une cage d’escalier,
l’exposition, l’étage, les choix de propriétaires (habiter ou mettre en loca-
tion) ou l’histoire du peuplement (arrivées récentes ou présence de longue
date), contribuent à la caractérisation sociale de chacun des logements et
influent souvent sur des différences de prix (dans le secteur privé, un loca-
taire récemment entré paiera un loyer plus élevé qu’un occupant ancien ;
les loyers des appartements du rez-de-chaussée sont plus bas que ceux des
étages supérieurs, etc.).

Les trois dimensions de la spécialisation sociale


C’est donc l’articulation entre la valeur de localisation, la composition
de l’offre de logement et la durée qui produit les différenciations sociales
dans les immeubles et les quartiers. Aucune de ces trois dimensions prise
isolément ne fournit un facteur explicatif suffisant. Deux exemples per-
mettent de l’illustrer.
La plupart des quartiers que l’on a coutume d’appeler les « grands ensembles
de logement social » ont été conçus dans les années 1960 et 1970 sur la
base d’une diversité de produits immobiliers qui comprenait :
– des HLM-A destinés à l’accession à la propriété ;
– des ILM (immeubles à loyer moyen) et ILN (immeubles à loyer normal)
loués sous des plafonds de ressources supérieurs à ceux des HLM ordi-
naires et correspondant à ce que l’on appelle aujourd’hui le logement
intermédiaire ;
– des programmes sociaux de relogement (PSR) et des programmes à
loyer réduit (PLR) destinés à reloger à bas loyer des familles évincées lors
des opérations de rénovation des quartiers anciens ou dans le cadre de la
résorption des bidonvilles, dont les profils sont assez proches des logements
d’insertion d’aujourd’hui ;
– et enfin des HLM-O (pour « ordinaires ») qui constituaient le produit
principal du logement social.
Le temps a eu raison, dans la plupart des quartiers, de la diversité d’origine
qui s’est progressivement diluée sous l’effet de la dégradation des immeubles
les plus pauvres (la plupart des PLR et PSR sont désormais démolis), de la
banalisation des plus chers (faute de demande, les loyers de la plupart des
ILM et ILN ont été alignés sur ceux des HLM-O) et de la dévalorisation
de nombreuses copropriétés situées dans les grands ensembles.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  21

La principale dynamique qui est en cause est l’effet des vagues successives
de développement de l’accession à la propriété pavillonnaire et périurbaine,
d’abord au début des années 1970, puis au début des années 1980, puis,
dans une moindre mesure, au cours de la seconde moitié des années 1990.
Le départ des locataires solvables et la mise en location de beaucoup de
logements en copropriété ont favorisé l’entrée de ménages à revenus plus
bas qui se sont trouvés piégés dans ces quartiers par la montée du chômage.
Ces transformations du peuplement des grands ensembles ont rapidement
contribué à en dégrader l’image, entraînant une forte perte d’attractivité.
On voit ainsi le revers de la médaille des effets vertueux de la libération
des logements sociaux sous l’effet de l’accession à la propriété, lorsque
celle-ci fournit une porte de sortie pour les locataires des quartiers déva-
lorisés (ceux qui vivent dans les quartiers attractifs ont moins de raisons
de vouloir en partir) et contribue ainsi à leur paupérisation. Il s’agit là de
l’une des conséquences les plus préoccupantes de l’inégale répartition du
parc social dans l’espace urbain.
À l’autre extrémité des dynamiques résidentielles, les lotissements pavil-
lonnaires périurbains se sont, au contraire, construits sur une grande
homogénéité de produits immobiliers ayant, elle-même, produit dans un
premier temps une grande homogénéité sociale : familles de trentenaires
ou jeunes quadragénaires, avec un ou deux enfants et dont les niveaux
de revenus correspondaient au ciblage opéré par les lotisseurs ou les pro-
moteurs. Vingt-cinq ou trente ans plus tard, deux processus parallèles en
conditionnent le peuplement actuel : le vieillissement de leurs occupants
(les enfants ont grandi et sont partis, les chefs de famille approchent de la
retraite11) et le marché (revente ou mise en location)12.
Dans ce type de cadre favorable à la stabilité résidentielle, le processus de
changement est donc beaucoup plus lent que celui des grands ensembles,
mais il dépend beaucoup des évolutions démographiques et mérite d’être
suivi dans le contexte français d’arrivée massive à l’âge de la retraite de la
génération du baby-boom.

11. En 2013, 84 % des propriétaires de maisons individuelles construites entre 1975 et 1982
avaient plus de 50 ans et 79 % étaient des couples sans enfants ou des personnes vivant seules,
alors que ces taux ne sont respectivement que de 32 % et 33 % pour les maisons construites
entre 1999 et 2013 (source : Insee, Enquête logement 2013).
12. En 2013, 18 % des habitants des maisons individuelles construites entre 1975 et 1982 et
26 % de celles construites entre 1982 et 1989 étaient là depuis moins de huit ans (source :
Insee, Enquête logement 2013).
22  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Quarante années d’évolution des conditions


de logement
Au début des années 1970, moins de la moitié des ménages se déclaraient
satisfaits de leurs conditions de logement ; en 2013, ils étaient 77 % à l’être.
Cette évolution très positive doit beaucoup à deux tendances parallèles :
– la forte croissance du niveau de confort des logements, tant du point
de vue de leur équipement sanitaire que de celui de l’espace disponible,
notamment sous l’effet de la diffusion de la maison individuelle ;
– le développement de la propriété, qui concerne désormais près de 60 %
des ménages vivant en France.
Une partie de cette évolution est également à mettre au crédit de la réduc-
tion continue de la taille des ménages13, sous l’effet des transformations de
la famille et de l’allongement de la durée de la vie. Ainsi, de 1970 à 2013,
la taille moyenne des ménages passe de 3,1 personnes à 2,3.
Ces facteurs d’amélioration des conditions d’habitat n’ont cependant pas
suffi à réduire totalement les difficultés de logement, comme le montrent
conjointement la polarisation sociale accrue en fonction des statuts d’oc-
cupation, la forte augmentation de l’effort financier des ménages et la
persistance d’un nombre trop élevé de personnes mal logées.

Croissance de l’offre et progrès du confort


En plus de quarante ans (1970-2013), le parc de logements en France
métropolitaine14 est passé d’un peu plus de 19 millions d’unités à plus de
34 millions, soit une croissance de plus de 80 %, alors que, dans le même
temps, la population du pays n’a augmenté que de 26 %. C’est à la fois le
résultat du rattrapage d’un déficit quasi séculaire et de la réduction de la
taille des ménages qui impose au parc de résidences principales de croître
plus vite que la population.
Parmi les quelque 34 millions de logements du parc actuel, 9 % sont des
résidences secondaires utilisées pour les vacances ou pour des raisons pro-
fessionnelles et un peu plus de deux millions et demi sont vacants. Depuis
le début des années 1990, la part des résidences secondaires a baissé d’un
point, alors que celle des logements vacants a crû légèrement (tableau 1).

13. Nous utiliserons ici la définition française traditionnelle du terme de ménage, qui désigne
« l’ensemble des occupants d’une résidence principale ».
14. La principale source d’information statistique sur le logement en France est l’Enquête loge-
ment menée régulièrement par l’Insee depuis 1955 (les trois dernières portent sur 2002, 2006
et 2013). Les départements d’outre-mer n’y figurent que depuis 2006. Par souci de compa-
rabilité dans le temps, nous ne considérerons ici que les résultats portant sur la métropole.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  23

Tableau 1.
Évolution de la structure du parc de logements (1984-2013) (France métropolitaine)
(en milliers)
Résidences Résidences Logements
Total
principales secondaires vacants
1984 20 565 2 460 1 916 24 941
1992 22 561 2 848 1 952 27 386
2000 24 799 2 946 2 046 29 791
2002 24 499 2 980 2 011 30 490
2004 26 180 3 032 1 994 31 206
2006 26 826 3 098 2 055 31 978
2008 27 395 3 127 2 234 32 756
2010 27 907 3 147 2 430 33 484
2013 28 754 3 206 2 604 34 564

Note : le nombre total de résidences principales figurant dans ce tableau diffère légèrement de celui des tableaux
qui suivent, qui sont tirés des résultats de l’Enquête logement de 2013. Cette différence est due à l’utilisation de
méthodes de comptage variées. L’Enquête logement ne permettant plus le dénombrement des logements vacants
et des résidences secondaires, c’est le Compte du logement qui fait désormais référence sur ce thème.
Source : Commissariat général au développement durable, « Compte du logement 2013. Premiers résultats 2014 »,
Références, février 2015, p. 197.

Restent donc plus de 28 millions de résidences principales, dont près des


quatre cinquièmes sont situés dans des communes urbaines (tableau 2).

Tableau 2.
Localisation des résidences principales par tranches d’unités urbaines* en 2013
(France métropolitaine) (en unités et en %)
Nombre de résidences
Part (en %)
principales
Commune rurale 6 062 700 21,6 %

Unité urbaine de moins de 5 000 habitants 1 834 200 6,5 %

Unité urbaine de 5 000 à 9 999 habitants 1 613 900 5,8 %


Unité urbaine de 10 000 à 19 999 habitants 1 388 000 4,9 %
Unité urbaine de 20 000 à 49 999 habitants 1 797 700 6,4 %

Unité urbaine de 50 000 à 99 999 habitants 2 106 900 7,5 %

Unité urbaine de 100 000 à 199 999 habitants 1 556 200 5,6 %

Unité urbaine de 200 000 à 1 999 999 habitants 7 117 300 25,3 %

Unité urbaine de Paris 4 599 700 16,4 %

Total 28 076 600 100,0 %

* La notion d’unité urbaine repose sur la continuité de l’habitat : est considéré comme telle un ensemble d’une ou
plusieurs communes présentant une continuité du tissu bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux
constructions) et comptant au moins 2 000 habitants. La condition est que chaque commune de l’unité urbaine
possède plus de la moitié de sa population dans cette zone bâtie (définition de l’Insee – www.insee.fr).
Source : Insee, Enquête logement 2013.
24  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Une des évolutions importantes de la fin du XXe siècle a été la progression


de la part des maisons individuelles : alors qu’elles représentaient à peine
plus de la moitié des résidences principales en 1970, elles en constituaient
57 % en 2013. Près des deux tiers de l’accroissement du parc entre 1970
et 2013 sont imputables aux maisons individuelles.
Cette évolution a également pour conséquence un agrandissement de la
taille moyenne des logements : la surface moyenne des résidences princi-
pales est ainsi passée de 68 m² en 1970 à 91 m² en 2013. Dans le même
temps, la proportion de logements de quatre pièces et plus est passée de
46,5 % à 60,5 % (tableau 3).

Tableau 3.
Évolution du type et de la taille des résidences principales (1970-2013) (France métropolitaine)
(en milliers)
Types 1970 2013
Individuel 8 351 50,9 % 15 896 56,6 %
Collectif 8 056 49,1 % 12 181 43,4 %
Total 16 407 100,0 % 28 077 100,0 %
Nombre de pièces 1970 2013
1 pièce 1 329 8,1 % 1 682 6,0 %
2 pièces 3 052 18,6 % 3 495 12,5 %
3 pièces 4 397 26,8 % 5 907 21,0 %
4 pièces 4 069 24,8 % 7 071 25,2 %
5 pièces 2 100 12,8 % 5 033 17,9 %
6 pièces et plus 1 460 8,9 % 4 889 17,4 %
Total 16 407 100,0 % 28 077 100,0 %

Surfaces 1970 2013


Surface moyenne des
68 m² 91 m²
résidences principales

Source : Insee, Enquêtes logement.

L’accroissement continu de la taille des logements, pour des ménages de


plus en plus petits, permet une croissance encore plus forte de l’espace
disponible pour chaque individu. La surface moyenne par personne est
ainsi passée de 22 m² en 1970 à 40 m² en 2013, avec un nombre moyen
de quatre pièces par logement (et presque cinq en maison individuelle)15.
Ces mutations, qui doivent surtout à la construction neuve, ont été accom-
pagnées par une politique active de maintien du stock ancien. En effet,

15. Voir sur ce point Séverine Arnault, Laure Crusson, Nathalie Donzeau et Catherine Rougerie,
« Les conditions de logement fin 2013. Premiers résultats de l’enquête Logement », op. cit.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  25

aujourd’hui encore, plus du quart (27 %) des résidences principales sont


antérieures à 1948 et 70 % du parc ancien de 1970 existaient encore
en 2013. Le rajeunissement global du parc résulte donc beaucoup plus de la
production neuve que de la disparition du stock ancien, lequel a bénéficié
d’importants travaux de réhabilitation et de mise aux normes de confort.
En effet, les quarante dernières années sont aussi marquées par des gains
considérables en matière de confort sanitaire. En 1970, près d’un logement
sur deux ne disposait pas de WC intérieurs ni d’une installation de baignoire
ou douche ; seuls 34 % bénéficiaient de ces équipements et du chauffage
central. En 2013, 92 % des résidences principales ont l’ensemble des élé-
ments de confort et seul 1 % manque de l’un des équipements sanitaires
de base. L’inconfort sanitaire est donc devenu l’exception, même dans les
logements anciens (tableau 4).

Tableau 4.
Évolution de l’ancienneté et du niveau de confort des résidences principales (1970-2013)
(France métropolitaine) (en milliers)
Époque de construction 1970 2013
1948 ou avant 10 889 66,4 % 7 621 27,1 %
1949 ou après 5 518 33,6 % 20 456 72,9 %
Ensemble 16 407 100,0 % 28 077 100,0 %
Niveau de confort* 1970 2013
Sans confort 7 974 48,6 % 272 1,0 %
Confortables 2 806 17,1 % 1 919 6,8 %
Tout confort 5 627 34,3 % 25 886 92,2 %
Ensemble 16 407 100,0 % 28 077 100,0 %
* Le niveau de confort défini par l’Insee repose sur l’équipement sanitaire des logements. Est « confortable » tout
logement disposant à la fois de l’eau courante, de WC intérieurs et d’une baignoire ou d’une douche. Si l’un de ces
éléments est manquant, le logement est considéré comme « inconfortable ». Il est « tout confort » si, en plus de
ces équipements sanitaires, il est doté d’un chauffage central.

Source : Insee, Enquêtes logement.

Ces évolutions, pour très positives qu’elles soient, tendent à masquer la


persistance de logements de mauvaise qualité que les critères statistiques
traditionnels peinent à identifier. C’est pourquoi l’Insee modifie peu à
peu son approche du confort16, notamment en calant ses travaux sur la
définition légale du logement « décent »17. Partant d’une liste de quinze

16. Voir sur ce point ibid. et Yves Jauneau et Solveig Vanovermeir, « Les jeunes et les ménages
modestes surestiment plus souvent le confort de leur logement », Insee Première, n° 1209,
septembre 2008.
17. Décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris
pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à
la solidarité et au renouvellement urbains. On trouvera les références complètes des textes
réglementaires en annexe du présent ouvrage.
26  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

« défauts » du logement (allant de l’absence d’eau courante à la présence


d’infiltrations d’eau ou à l’absence de prise de terre), l’analyse de l’Enquête
logement de 2013 par l’Insee montre que 10 % des résidences principales
présentent au moins trois de ces défauts.
Ces gains ne sont cependant pas répartis de façon homogène parmi les
ménages, ce qui se traduit par la persistance d’un taux de surpeuplement18
de 9,5 % en 2013, qui correspond à une forte baisse à long terme (24 %
en 1970) mais à une légère augmentation au cours de la période récente
(9,3 % en 2006). 2,7 millions de ménages étaient concernés en 2013
contre 2,4 millions en 2006. Surtout, le critère de surpeuplement s’avère
socialement très discriminant.

Essor de la propriété dans une offre diversifiée


Sur le plan de la relation juridique entre les ménages et leur logement
(ce que l’on appelle les statuts d’occupation), la principale évolution de
l’après-guerre et de la fin du XXe siècle est la montée de la propriété.
En 1953, un tiers des ménages étaient propriétaires de leur résidence
principale. En 2013, ils étaient 58 % et leur part ne cesse d’augmenter,
même si la croissance du taux de propriétaires a ralenti depuis la fin des
années 1980 (figure 1 et tableau 5 ci-contre). Malgré cette évolution, le
parc de logements français conserve une certaine diversité caractérisée par
la coprésence de deux statuts locatifs de poids à peu près équivalents : le
secteur libre et le logement social.
Le statut de propriétaire est fortement majoritaire parmi les familles avec des
enfants (66 % des couples avec des enfants étaient propriétaires en 2013,
contre 45 % des personnes vivant seules) ; il croît aussi de façon continue
avec l’âge des chefs de ménages : 14 % de propriétaires avant 30 ans, 46 %
entre 30 et 39 ans, pour atteindre 70 % entre 60 et 69 ans. Si la propriété
constitue, comme le révèlent les enquêtes d’opinion, l’aspiration des trois
quarts des Français, on constate que, à l’âge de la retraite, ils ont presque
accompli leur souhait (tableau 6, p. 28).

18. Le taux de surpeuplement que l’Insee mesure avec l’Enquête logement est fondé sur le calcul
du nombre de pièces nécessaires aux ménages du logement de façon normative en comptant :
– une pièce de séjour pour le ménage ;
– une pièce pour chaque personne de référence d’une famille ;
– une pièce pour les personnes hors famille non célibataires ou les célibataires de 19 ans et plus ;
– et, pour les célibataires de moins de 19 ans : une pièce pour deux enfants s’ils sont de même
sexe ou ont moins de 7 ans ; sinon, une pièce par enfant.
Il y a surpeuplement « modéré » lorsqu’il manque une pièce par rapport à cette norme et
« accentué » lorsqu’il en manque plus d’une. Nous considérons ici la somme des deux situations.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  27

La propriété est aussi souvent associée à un cadre de vie et à des situations


urbaines particulières dont la maison individuelle est emblématique : 80 %
des propriétaires habitent dans ce type de logement.

Figure 1.
Évolution des statuts d’occupation des résidences principales (1970-2013) (en milliers)
17 500
16 264

15 000

Propriétaires
12 500

10 000

7 500
7 350
Locataires du secteur libre 5 601
5 000
5 019 4 852
Locataires du secteur social
2 473
2 500

1 565 Autres statuts 1 360


0
1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009
20 2
13
1
20

Source : Insee, Enquêtes logement.

Tableau 5.
Évolution du statut d’occupation des résidences principales (1970-2013)
(France métropolitaine) (en milliers)
1970 2013
Propriétaires non accédants* 5 022 30,6 % 10 778 38,4 %

Accédants à la propriété** 2 328 14,2 % 5 486 19,5 %

Locataires du secteur social 1 565 9,5 % 4 852 17,3 %

Locataires du secteur libre*** 5 019 30,6 % 5 601 20,0 %

Autres statuts**** 2 473 15,1 % 1 360 4,8 %

Ensemble 16 407 100,0 % 28 077 100,0 %

* Propriétaire non accédant : propriétaire occupant qui n’est pas en cours de remboursement d’emprunt.
** Accédant à la propriété : propriétaire occupant en cours de remboursement d’emprunt.
*** Y compris loi de 1948 (1,4 million en 1970 ; 127 000 en 2013).
**** Autres statuts : locataires en meublés, sous-locataires, logés à titre gratuit, fermiers et métayers.
Source : Insee, Enquêtes logement.
28  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Tableau 6.
Les propriétaires selon les types de ménages et l’âge des personnes de référence en 2013
(France métropolitaine) (en milliers)
Taux de Structure
Nombre
Types de ménages propriétaires des ménages
(en milliers)
occupants propriétaires
Personnes vivant seules 4 307 44,8 % 26,5 %
Autres ménages sans famille 491 48,4 % 3,0 %
Familles monoparentales 618 30,4 % 3,8 %
Couples sans enfants 6 082 74,3 % 37,4 %
Couples avec enfants 4 766 66,0 % 29,3 %
Ensemble 16 264 57,9 % 100,0 %
Taux de Structure
Nombre
Classes d’âges propriétaires des ménages
(en milliers)
occupants propriétaires
Moins de 30 ans 376 13,8 % 2,3 %
30-39 ans 1 945 46,2 % 12,0 %
40-49 ans 2 897 56,2 % 17,8 %
50-59 ans 3 376 62,5 % 20,8 %
60-69 ans 3 433 70,4 % 21,1 %
70 ans et plus 4 237 74,2 % 26,0 %
Ensemble 16 264 57,9 % 100,0 %

Source : Insee, Enquête logement 2013.

La part des propriétaires situe la France dans une position proche de la


médiane des pays européens, se différenciant des pays du Sud (jusqu’à
79 % de propriétaires en Espagne en 2014 ou 89 % en Croatie en 2013,
par exemple), auxquels il faut ajouter l’Irlande et le Royaume-Uni, où la
propriété est plus développée, et de ceux du Nord (Suède, Allemagne,
Danemark, Pays-Bas), où la part des locataires est plus élevée qu’en France.
En France, le secteur locatif privé reste relativement abondant, mais fra-
gile. En effet, on observe, sur longue période, une stagnation quantitative
de ce secteur qui compte seulement un peu plus de logements en 2013
qu’en 1953 (autour de cinq millions ; 5,6 millions en 2013), ce qui reflète
une perte significative en termes relatifs (31 % du parc en 1970, 20 %
aujourd’hui).
Le secteur locatif libre est, en quelque sorte, l’antithèse de la propriété :
il s’adresse majoritairement à des ménages jeunes (52 % des moins de
30 ans, 19 % des 40-49 ans, 12 % des 60-69 ans, cf. tableau 7), à des
personnes vivant seules et à des couples sans enfants (66 % des locataires
du secteur libre vivent seuls ou en couple sans enfants), vivant en appar-
tement (69 %) et en ville.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  29

Tableau 7.
Les locataires du secteur libre selon les types de ménages et l’âge des personnes
de référence en 2013 (France métropolitaine) (en milliers)
Structure des
Taux de locataires du
Types de ménages Nombre (en milliers) ménages locataires
secteur libre
du secteur libre
Personnes vivant seules 2 517 26,2 % 44,9 %
Autres ménages sans
239 23,6 % 4,3 %
famille
Familles monoparentales 533 26,2 % 9,5 %
Couples sans enfants 1 180 14,4 % 21,1 %
Couples avec enfants 1 132 15,7 % 20,2 %
Ensemble 5 601 20,0 % 100,0 %
Structure des
Taux de locataires du
Classes d’âges Nombre (en milliers) ménages locataires
secteur libre
du secteur libre
Moins de 30 ans 1 420 52,1 % 25,3 %
30-39 ans 1 211 28,8 % 21,6 %
40-49 ans 975 18,9 % 17,4 %
50-59 ans 856 15,9 % 15,3 %
60-69 ans 587 12,0 % 10,5 %
70 ans et plus 552 9,7 % 9,9 %
Ensemble 5 601 20,0 % 100,0 %

Source : Insee, Enquête logement 2013.

Les logements locatifs privés sont presque tous détenus par des particu-
liers. Il reste environ 250 000 logements appartenant à des investisseurs
institutionnels (la Caisse des dépôts et consignations ou des compagnies
d’assurances, notamment) ou à des collectivités territoriales possédant des
logements à loyers libres, mais celles-ci vendent rapidement ce qu’il leur
reste. La grande majorité des bailleurs sont de petits propriétaires qui ne
possèdent qu’un ou deux logements. C’est donc un secteur extrêmement
fragmenté sur lequel les politiques ont peu de prise. C’est aussi un secteur
très fragile, car soumis aux variations de la conjoncture et aux évolutions
des rendements des différents types de placements des ménages.
Le troisième grand statut d’occupation en France est le secteur locatif social,
principalement composé des habitations à loyer modéré, les HLM. Nous
en présentons la réglementation au chapitre suivant. Leur nombre a plus
que triplé au cours des quarante dernières années, passant de 1,5 million
en 1970 à plus de 4,8 millions aujourd’hui. C’est l’un des parcs sociaux
les plus abondants d’Europe. Il a, pour l’essentiel, été construit au cours
des années 1960 et 1970. Sa production a ralenti de façon importante à
partir de 1975, mais ne s’est jamais arrêtée.
Ce parc reste très marqué, notamment en termes d’image, par ses modes
de production et par les formes urbaines des années 1960 et 1970. Les
quartiers produits à ces époques donnent lieu, depuis les années 1980, à
30  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

d’importants programmes de réinvestissement. La politique de rénovation


urbaine lancée à partir de 2004 a encore accéléré ce mouvement. Dès la fin
des années 1970, de fortes incitations de l’État ont conduit les constructeurs
à favoriser un haut niveau de qualité et à privilégier la production de petits
immeubles intégrés dans le tissu urbain. Cet effort, qui a eu la vertu de ne
plus rendre aussi visible le logement social, n’est cependant pas parvenu à
transformer l’image toujours négative qu’il a dans l’opinion publique et,
souvent, dans l’esprit des élus municipaux.
En termes de positions dans le cycle de vie, le peuplement des logements
sociaux est plus diversifié que pour les propriétaires et les locataires du
secteur libre. Les différents groupes d’âges y sont représentés sans fortes
sur – ni sous-représentations (c’est toutefois une population plutôt plus
jeune que la moyenne). Il en est de même en matière de types de ménages,
à l’exception de la très forte sur-représentation de familles monoparentales
(40 % de ces ménages vivent en HLM). En résumé, hors le critère du
revenu, le logement social tend à abriter toutes les catégories de ménages,
mais plus particulièrement ceux d’âge actif et en situation de fragilité
familiale (tableau 8).

Tableau 8.
Les locataires du secteur social selon les types de ménages et l’âge des personnes
de référence en 2013 (France métropolitaine) (en milliers)
Structure des
Taux de locataires
Types de ménages Nombre (en milliers) ménages locataires
du secteur social
du secteur social
Personnes vivant seules 1 978 20,6 % 40,8 %
Autres ménages sans
224 22,1 % 4,6 %
famille
Familles monoparentales 811 39,9 % 16,7 %
Couples sans enfants 689 8,4 % 14,2 %
Couples avec enfants 1 150 15,9 % 23,7 %
Ensemble 4 852 17,3 % 100,0 %
Structure des
Taux de locataires
Classes d’âges Nombre (en milliers) ménages locataires
du secteur social
du secteur social
Moins de 30 ans 410 15,1 % 8,5 %
30-39 ans 839 19,9 % 17,3 %
40-49 ans 1 091 21,2 % 22,5 %
50-59 ans 978 18,1 % 20,2 %
60-69 ans 755 15,5 % 15,6 %
70 ans et plus 779 13,7 % 16,1 %
Ensemble 4 852 17,0 % 100,0 %

Source : Insee, Enquête logement 2013.


MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  31

Des différences sensibles en matière de situation sociale


des ménages
L’occupation du parc social a tendu à se paupériser ces vingt dernières
années, surtout dans les immeubles situés dans les quartiers les plus diffi-
ciles. C’est l’effet de mécanismes de filtrage qui ont vu partir les ménages
à revenus moyens ayant pu accéder à la propriété, alors que restaient
les plus pauvres dont les marges de choix sont restreintes. En revanche,
dans les immeubles plus récents et mieux situés, les rentes de situation
dont bénéficient les locataires (même lorsque leurs revenus ont dépassé
les plafonds) produisent une très faible mobilité qui rend ces immeubles
très difficiles d’accès pour les demandeurs. Malgré ces mécanismes de
différenciation, la relation entre les statuts d’occupation et les situations
sociales des ménages est forte (tableaux 9 et 10).
Les ménages à bas revenus sont nettement surreprésentés dans le parc social,
puisque 67 % des occupants des HLM appartenaient aux deux premiers
quintiles de revenus en 2010 alors qu’ils n’étaient que 52,3 % parmi les
locataires du secteur libre. Cet écart entre les deux secteurs a progressive-
ment augmenté au cours des deux dernières décennies : en 1992, selon
l’Enquête logement de l’Insee, les deux premiers quintiles ne représentaient
que 52 % du peuplement des HLM et 46 % de celui du parc libre.

Tableau 9.
Revenus des ménages (par quintiles) selon les statuts d’occupation au 1er janvier 2010
(France métropolitaine, ensemble des ménages) (en %)
Les 20 % Les 20 %
les plus 2e quintile 3e quintile 4e quintile les plus Ensemble
pauvres aisés
Locataires
HLM et SEM 41,5 25,5 18,1 10,9 4,1 100,0
(parc social)
Locataires du
30,4 21,9 19,1 16,0 12,7 100,0
parc privé
Locataires
des
27,9 23,2 20,6 17,1 11,2 100,0
collectivités
territoriales*
Propriétaires
10,5 17,8 20,9 24,0 27,1 100,0
occupants
Autres
25,1 23,6 18,8 17,6 14,9 100,0
statuts
Ensemble 20,0 20,0 20,0 20,0 20,0 100,0
* Locataires du parc de logements possédés par l’État et les différentes collectivités territoriales.

Source : Filocom 2010 ; d’après Rémi Josnin, « Les conditions de logement des ménages à bas revenus en
2010 », Commissariat général au développement durable-Service de l’observation et des statistiques, Chiffres &
statistiques, n° 291, février 2012, p. 1.
32  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

C’est chez les propriétaires que les trois quintiles les plus élevés sont les plus
présents. Leurs profils se différencient nettement en termes de situation
professionnelle avec plus de 90 % d’actifs occupés chez les accédants à la
propriété, alors que les propriétaires non accédants se caractérisent surtout
par une très forte proportion de retraités.

Tableau 10.
Occupation principale de la personne de référence des ménages selon les statuts
d’occupation en 2013 (France métropolitaine) (en %)
Propriétaires Accédants Locataires Locataires
Autres
non à la du secteur du secteur Ensemble
statuts
accédants propriété social libre
En emploi 33,8 90,5 52,9 62,0 50,6 54,6
Apprenti
ou 0,0 0,1 0,3 0,5 0,8 0,2
stagiaire
Étudiant,
0,1 0,1 0,6 6,2 20,4 2,4
élève
Chômeur 1,9 2,1 11,1 8,9 9,2 5,3
Retraité ou
retiré des 61,6 6,3 27,3 17,5 13,5 33,7
affaires
Personne
1,2 0,1 2,3 1,8 1,1 1,3
au foyer
Autres
1,3 0,8 5,4 3,2 4,4 2,4
situations*
Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
* Handicap…

Source : Insee, Enquête logement 2013.

Forte croissance de l’effort financier des ménages


Cette hiérarchie des statuts d’occupation en fonction du revenu des ménages
renvoie également à la question de l’effort financier consacré au logement.
Celui-ci a beaucoup augmenté depuis 1970.
En effet, hors dépenses d’eau et d’énergie et après déduction des aides à la
personne, les locataires consacraient en moyenne 17,7 % de leur revenu
à payer leur loyer en 200619, alors que ce poste ne représentait que 9 %
en 1970. Il en va de même pour les accédants à la propriété, dont les
charges moyennes de remboursement atteignaient, en 2006, 19,3 % de
leur revenu contre 12 % en 1970.

19. Au moment de la mise à jour de cet ouvrage, les données financières de l’Enquête logement
de 2013 n’étaient pas disponibles. Nous devons donc nous en tenir à celles de 2006.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  33

Si on ajoute à cela les dépenses directement liées au logement (qu’elles


soient quittancées en charges ou non), telles que l’électricité, le chauffage et
l’eau, cet effort atteint désormais 27,4 % pour les locataires du secteur libre,
22,5 % pour ceux des HLM et 24,3 % pour les accédants à la propriété.
Cette tendance résulte des transformations du parc (des logements plus
grands, plus récents et plus confortables sont nécessairement plus chers),
mais aussi du fort renchérissement des coûts directs et indirects : les prix
de vente et les loyers d’abord, mais aussi les charges, dont les montants ont
augmenté, sur la longue durée, nettement plus vite que les rémunérations,
même dans le secteur social.
Le logement est le troisième poste du budget des ménages. Selon l’enquête
« Budget de famille » de l’Insee20, les différentes dépenses occasionnées par
le logement (incluant l’eau, le gaz, l’électricité et les autres combustibles)
représentaient en métropole, en 2011, 15,7 % des budgets moyens (hors
remboursements d’emprunts) derrière les transports (17,4 %) et l’alimen-
tation (16,4 %). Ce poids du logement varie fortement selon le niveau
de revenu des ménages, puisqu’il dépasse 20,6 % pour ceux appartenant
au premier décile de niveau de vie (nettement devant l’alimentation et
les transports, respectivement à 17,8 % et 13,7 %), alors qu’il n’est que
le quatrième poste de dépenses des ménages les plus aisés (dixième et
dernier décile), avec 11,8 %, contre 13,5 % pour l’alimentation, 14,1 %
pour les autres biens et services et 18,3 % pour les transports. L’écart entre
les deux extrêmes de niveaux de vie est donc de près de 9 points ; il s’est
considérablement accru depuis la fin des années 1970, puisqu’il n’était
que de 1,5 point en 1979.
Ces tendances indiquent que, parallèlement à l’amélioration du confort
et à la diffusion de la propriété, les inégalités devant le coût du logement
se sont considérablement accrues au cours des quarante dernières années.
Il y a donc un revers à la médaille de ce qui pouvait apparaître comme
un processus linéaire de progrès social par l’amélioration du cadre de vie.

Persistance du mal-logement
La hausse de l’effort financier, assortie d’une accentuation des inégalités
sociales face à la dépense en logement, est l’indice d’une autre évolution,
qui a vu se creuser un double fossé :
– d’une part, entre une grande majorité de ménages qui a profité de l’amé-
lioration du parc et a pu bénéficier des politiques d’aide à l’accession ou de
l’accroissement du parc social, et ceux qui en sont restés exclus et vivent
encore dans les segments minoritaires de l’inconfort et de l’insalubrité, de

20. Données disponibles sur www.insee.fr.


34  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

l’habitat temporaire, voire de l’absence de logement, et dont tout indique


que leurs situations ne s’améliorent pas ;
– d’autre part, au sein même de la population qui a bénéficié de l’amé-
lioration des conditions de logement, entre ceux qui, grâce à leur revenu,
pouvaient choisir toutes les composantes de leur habitat, notamment sa
localisation, et ceux dont les moyens financiers ne leur ont permis qu’un
exercice partiel de ces choix. Ce clivage alimente de puissants processus
ségrégatifs, ainsi que les mouvements d’étalement urbain et des concen-
trations de pauvreté dans certains quartiers.
Ce sont ces clivages qui, malgré l’amélioration globale des conditions
de logement, alimentent la présence persistante du terme de « crise du
logement » dans le vocabulaire français.
Les politiques de production massive de logements neufs menées entre
la seconde moitié des années 1950 et le milieu des années 1970 ont sans
doute résorbé le déficit séculaire qui touchait la France depuis la révolution
industrielle, aggravé par l’absence d’investissement entre les deux guerres
mondiales. Alors que l’on croyait réglée la fameuse « question du logement »
après la grande réforme de 1977 (chapitre 3), les années 1980, marquées par
la croissance du chômage et de l’endettement, ainsi que par une forte hausse
des prix des logements dans un contexte général de contrainte budgétaire
publique, ont été caractérisées par la persistance tenace de la pauvreté et
de ses manifestations en matière de logement21. Le mal-logement revient
alors sur le devant de la scène, avec l’ensemble des composantes de ce qu’il
convient dès lors de qualifier en termes d’exclusion en matière d’habitat,
en référence au modèle désormais dominant du logement confortable et
du parcours résidentiel ascendant.
Dans le sillage de la loi « Besson »22 du 31 mai 1990, qui vise à la mise
en œuvre du droit au logement et sur laquelle nous reviendrons (voir
p. 166), resurgit un besoin de qualification et de quantification des situa-
tions d’absence de logement ou de mal-logement. À ce titre, le groupe de
travail réuni dans le cadre du Conseil national de l’information statistique
(CNIS) à partir de 1994 sur le thème des sans-abri et de l’exclusion par le
logement a constitué un tournant majeur : son rapport final23 montre à la
fois l’ampleur de la gamme des situations de mal-logement et les limites
de la connaissance en la matière. Depuis cette date, les initiatives visant à

21. Symptôme de l’étonnement provoqué par cette situation, le terme, employé à cette époque,
de « nouvelle pauvreté », comme si un phénomène, supposé disparu, réapparaissait sous des
formes nouvelles.
22. Louis Besson, ministre délégué (1989-1990), puis ministre de l’Équipement, du Logement,
des Transports et de la Mer (1990-1991), puis secrétaire d’État (1997-2001) socialiste en
charge du logement.
23. Conseil national de l’information statistique, Pour une meilleure connaissance des sans-abri et
de l’exclusion du logement, Rapport final du groupe de travail sur les sans-abri, rapport n° 29,
CNIS, Paris, mars 1996.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  35

l’amélioration du savoir dans ce domaine se sont multipliées, notamment


à l’Insee24 et à l’Ined25 et, depuis 1995, avec le rapport annuel que publie la
Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés. Il a toutefois fallu
relancer les efforts en termes d’information et le CNIS s’y est de nouveau
engagé en 2010 et 2011 pour faire le point sur les moyens permettant de
cerner les « situations marginales de logement »26.
Cet ensemble de connaissances met notamment en relief l’existence de tout
un pan du domaine de l’habitat qui reste à la marge du logement ordinaire
habituellement saisi par la statistique et qui comprend une large gamme
de situations allant des plus informelles et dangereuses (personnes sans
abri, en ville et à la campagne, campements de fortune, diverses formes
du squat, camping à l’année, etc.) à celles mises en œuvre dans le cadre des
initiatives publiques et/ou associatives (centres d’hébergement d’urgence
et d’insertion, résidences hôtelières à vocation sociale, foyers, etc.).
Ces situations viennent s’ajouter à celle des personnes logées dans le parc
ordinaire, mais dans des conditions précaires. Nous avons déjà mentionné
la persistance d’un parc de qualité médiocre ou mauvaise ; il faut y ajouter
toutes les personnes qui occupent leur logement sans droit ni titre à la
suite d’une décision d’expulsion, les habitants d’hôtels meublés dont les
contrats de location sont de courte durée (un an s’il s’agit d’une résidence
principale) et toutes les personnes hébergées chez des tiers faute d’autre
solution et qui ne sont donc pas titulaires de leur logement.
Le chiffrage du mal-logement est une entreprise très difficile, car les sources
d’information statistiques ne permettent pas d’en percevoir toutes les
dimensions. La Fondation Abbé-Pierre s’y attache cependant avec constance
dans chacun de ses rapports annuels. Celui présenté en février 2015 parve-
nait à un total de plus de 3,5 millions de personnes mal logées27. Parmi ces
dernières, un peu plus de trois millions vivent pourtant dans un logement
ordinaire.

24. Voir à ce sujet : Marie-Thérèse Join-Lambert, « Une enquête d’exception. Sans-abri, sans-
domicile : des interrogations renouvelées », Économie et statistique, nos 391-392, octobre 2006,
p. 3-14.
25. Voir notamment : Maryse Marpsat, Jean-Marie Firdion et alii, La rue et le foyer. Une recherche
sur les sans-domicile et les mal-logés dans les années 1990, coll. « Travaux et documents », Éditions
de l’Institut national d’études démographiques, Paris, 2000.
26. Conseil national de l’information statistique, Le mal-logement, Rapport du groupe de travail,
rapport n° 126, CNIS, Paris, juillet 2011.
27. L’état du mal-logement en France, op. cit.
36  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

***

Ainsi, depuis le tournant des années 1970, les conditions de logement


n’ont pas cessé de s’améliorer pour la très grande majorité des personnes
vivant en France. Toutefois, cette évolution s’est produite au prix d’un
effort financier croissant, et surtout d’un creusement des inégalités entre
les inclus qui en profitent pleinement, même en payant le prix fort, et
la minorité d’exclus dont il semble que les situations aient plutôt tendu
à s’aggraver, notamment au cours des années 2000, sous l’effet d’une
conjoncture immobilière qui leur a été très défavorable.

Les dynamiques de la production et des échanges


L’évolution des conditions de logement au cours des quarante dernières
années est le fruit d’un ensemble de dynamiques sociales, économiques
et politiques qui trouvent leurs racines dans les caractéristiques très spéci-
fiques du bien logement. Les politiques constituant l’essentiel des chapitres
suivants, il est nécessaire, avant de clore celui-ci, de dégager les grandes
dynamiques de production et d’échange qui caractérisent les dernières
décennies, en centrant le propos sur les trois principales dimensions des
marchés du logement : la construction, les prix et les mobilités résidentielles.

La construction neuve : tendances longues et phénomènes


de conjoncture
La construction de logements neufs a connu d’importantes variations au
cours des soixante-cinq dernières années (figure 2).
Après la phase de démarrage qui suit immédiatement la fin de la Seconde
Guerre mondiale, la production de logements neufs s’envole à partir de
1953-1954, sous l’effet d’une politique vigoureuse de soutien à l’activité
(le plan Courant, voté au printemps 1953, sur lequel nous reviendrons
dans le chapitre 3). En 1956 est franchi pour la première fois le seuil des
300 000 logements neufs commencés.
Les deux décennies suivantes sont ce que l’on peut appeler les « vingt
glorieuses » de la construction de logements. Elles bénéficient d’une très
forte impulsion publique, tant dans le domaine des aides à l’accession à
la propriété que dans celui de la production de logements sociaux. Le
seuil des 400 000 logements neufs est dépassé en 1964 et c’est en 1972
que l’on enregistre le record de production à près de 535 000 mises en
chantier, avant que le choc pétrolier de 1973, puis les transformations
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  37

structurelles des mécanismes d’aides au logement à partir de 1977, ne


viennent renverser la tendance.
Cette phase de vingt années de construction intensive a permis de rat-
traper le retard considérable accumulé au cours de la première moitié du
XXe siècle et de mettre en place une capacité de production nationale en
constituant un puissant secteur économique du bâtiment et une maîtrise
d’ouvrage efficace, surtout dans le secteur public ou parapublic28. C’est
aussi à ce moment-là que la France prend le tournant du confort, de la
maison individuelle et de la propriété occupante.

Figure 2.
Évolution du nombre de logements ordinaires commencés (1948-2014) (en milliers)
550

500

450

400

350

300

250

200

150

100

50
48

53

58

63

68

73

78

83

88

93

98

03

08

14
19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

Note : sont considérés dans ce graphique les logements ordinaires, hors résidences et collectivités. En
février 2015, le SOeS a publié une nouvelle série d’estimations de la construction neuve pour la période 2000-2014
qui vise à corriger certains facteurs de sous-estimation. Afin de maintenir la cohérence de données sur longue
période, nous avons choisi ici de conserver l’ancienne série.

Sources : SOeS (Service de l’observation et des statistiques, Commissariat général au développement durable).

28. Notamment avec la création ou le renforcement des organismes d’HLM et les organismes mis
en place autour de la Caisse des dépôts et consignations : la Société centrale d’équipement du
territoire (la SCET, aménageur) en 1955 et la Société centrale immobilière de la Caisse des
dépôts et consignations (SCIC, maître d’ouvrage et gestionnaire immobilier devenu Icade
en 2003) en 1954.
38  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Le rattrapage étant considéré comme acquis et le rythme de démolition des


logements anciens ralentissant fortement, la construction neuve n’a plus
pour objectif que d’accompagner l’accroissement du nombre des ménages.
Le tournant politique de la seconde moitié des années 1970 (chapitre 3)
conduit donc à une chute de la production plus rapide encore que ne l’avait
été sa croissance, pour se stabiliser dès le début des années 1980 autour
du chiffre de 300 000 mises en chantier par an, malgré quelques accrocs
lors des années de crise de 1993 et 1996-1997 (le nombre moyen annuel
de logements neufs entre 1980 et 1999 est de 293 000).
De fait, jusqu’au début des années 2000, sur la base des projections dressées
par l’Insee en matière d’accroissement du nombre des ménages, la plupart
des acteurs s’entendent à considérer que le chiffre de 300 000 logements
neufs par an constitue un objectif raisonnable, à la fois pour le maintien de
l’emploi dans le secteur de la construction et pour la satisfaction des besoins.
Dès le début des années 2000, la construction reprend un mouvement
ascendant dans un nouveau contexte d’euphorie immobilière impulsée
notamment par les incitations fiscales à l’investissement locatif. En 2004, la
hausse s’accélère et le cap des 400 000 logements neufs est franchi en 2007,
juste avant le retournement de conjoncture qui se traduit par une chute
brutale en 2008 et 2009. Un nouveau pic de production (400 000) est
atteint en 2011, sous l’effet de l’ambitieux plan de relance mis en place
en 2009. Mais l’abandon rapide de ces mesures contra-cycliques coûteuses
pour le budget de l’État se traduit par un retour, dès 2012, à un rythme
proche de la moyenne sur longue durée (310 000 logements ordinaires
neufs entre 1985 et 2014).
Le milieu des années 2000 correspond donc probablement à une brève
période exceptionnelle, très bénéfique pour les acteurs économiques de la
construction, mais dont les effets réels sur la satisfaction des besoins des
ménages sont douteux. C’est en tout cas ce que suggère la répartition de
la production neuve par région (figure 3).
On y observe d’une part une France du Sud-Ouest et de l’Ouest extrême-
ment dynamique avec plus de 7 logements pour 1 000 habitants et par an.
À l’opposé, la France du Nord et l’Est du Bassin parisien sont nettement à
la traîne, sous la barre des 4 logements pour 1 000 habitants, le total le plus
faible étant celui de l’Île-de-France avec 3,4 logements, soit 2,3 fois moins
qu’en Languedoc-Roussillon. Entre 1998 et 2014, il s’est construit plus
de logements en Rhône-Alpes qu’en Île-de-France, pour une population
presque moitié moindre.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  39

Figure 3.
Construction neuve par région pour 1 000 habitants (moyenne annuelle 1998-2014)

3,9

3,6
4,5
5,5
3,4 4,5
3,8
7,5
5,6
6,9
4,8
4,2 5,1

6,5
4,9
5,4
5,1
6,5

7,7
7,5
7,8 5,4

9,1

Source : SOeS (Service de l’observation et des statistiques, Commissariat général au développement durable)-
Sit@del2.

Le retournement conjoncturel de 2008 n’a pas véritablement contribué à


réduire ces écarts, dans la mesure où le ralentissement de la construction
neuve a touché tout le territoire, même là où elle était initialement faible
comme en Île-de-France.

Les prix et les loyers après des hausses exceptionnelles


Sur longue durée, la hausse des prix immobiliers en France est continue,
mais ne s’est pas véritablement écartée de celle de l’ensemble des prix
(indice des prix à la consommation – IPC) jusqu’au milieu des années 1980
40  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

(figure 4)29. À partir de ce moment, le marché immobilier français a connu


deux phases de cycle sensiblement différentes.

Figure 4.
Évolution de l’indice des prix des logements anciens (1948-2014) (base 1 en 2000)
2,5

2,0
Indice des prix de logement (Paris)
Indice des prix de logement (France)
Indice des prix à la consommation
1,5

1,0

0,5

0,0
03

08

14
48

53

58

63

68

73

78

83

88

93

98
20

20

20
19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

Sources : Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et Insee.

La première, qui commence en 1982, est marquée par une hausse particu-
lièrement forte à Paris (et dans quelques villes très recherchées). Entre 1982
et 1991, les prix parisiens ont en effet augmenté de 191 %, alors que ceux
de l’ensemble du territoire n’ont crû « que » de 80 % et l’IPC, de 50 %.
Il s’agit, pour les prix nationaux, d’une sorte de rattrapage après la forte
inflation des années 1974-1983 qui n’avait touché l’immobilier résidentiel
que dans une moindre mesure. En revanche, pour Paris, il s’agit d’une phase
d’euphorie spéculative qui touche la plupart des métropoles mondiales et
se termine en 1991 par un retournement extrêmement brutal. Entre 1992
et 1997, années de crise immobilière, les prix parisiens baissent de plus de
30 %, alors que les prix nationaux stagnent et décrochent à nouveau par
rapport à l’inflation. Ainsi, les quelques années qui précèdent l’an 2000

29. Les données présentées ici sont celles réunies, traitées et mises en forme par Jacques Friggit
(Conseil général de l’environnement et du développement durable) ; elles sont tirées, pour les
années récentes, de l’indice Insee/notaires sur les prix immobiliers, source qui permet, depuis
2000, de disposer d’une bonne connaissance de l’évolution des prix immobiliers en France.
Les analyses de J. Friggit sont disponibles sur www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  41

peuvent être considérées comme des années de prix immobiliers modérés ;


ils seront d’ailleurs favorables à une reprise de la primo-accession. Toute-
fois, cette brève phase de calme qui suit la crise immobilière précède une
nouvelle envolée encore plus spectaculaire.
Cette seconde phase, qui s’amorce donc au début des années 2000, se
distingue de la précédente par trois caractéristiques : l’ampleur du décro-
chement vis-à-vis de l’inflation, la durée de la hausse (dix ans) et le fait
que les prix aient augmenté sur tout le territoire et pas seulement dans les
villes les plus recherchées.
La hausse des prix immobiliers est un phénomène quasiment mondial tout
au long de ces années, notamment sous l’effet du marché international
du crédit, très favorable aux emprunteurs. Seuls quelques pays comme
l’Allemagne, à marché majoritairement locatif et démographie déclinante, y
ont échappé. Le retournement de 2009 doit beaucoup à la crise financière
et économique venue des États-Unis à partir de 2007.
Cependant, on peut aussi voir dans cette phase de cycle immobilier
quelques particularités françaises, notamment l’accentuation de la sol-
vabilisation des emprunteurs par l’allongement, inédit chez nous, de la
durée des prêts octroyés aux particuliers. En effet, pendant longtemps, le
marché français du crédit immobilier s’est caractérisé par des durées de
prêt modérées (moins de 15 ans en moyenne). La forte baisse des taux a
rendu possible d’envisager un allongement des durées de remboursement
à partir du début des années 2000, ce qui a eu pour conséquence un
accroissement sensible de la solvabilité des emprunteurs, du moins si l’on
considère exclusivement leur capacité de remboursement mensuel. Il a
sans doute contribué à l’augmentation des prix, au moins dans les villes
où cette hausse n’était pas due au déséquilibre entre l’offre et la demande.
Cet accroissement de la solvabilité a cependant fini par trouver ses limites,
d’abord pour les primo-accédants ne disposant pas de l’apport initial
suffisant, puis, à partir de 2007, pour un nombre croissant d’acheteurs.
En 2007, le nombre de transactions, qui avait dépassé 800 000 ventes
annuelles pendant les années 2000, commence à ralentir et la chute accélère
en 2008 et 2009. Après la reprise artificielle de 2010 et 2011, le nombre
de transactions semble se stabiliser autour de 700 000 unités annuelles à
partir de 201230.
Ces variations n’ont encore qu’un effet modéré sur les prix. Après le trou
d’air très temporaire de 2009, ils sont effectivement repartis à la hausse,
surtout en région parisienne, et ne reprennent une baisse lente qu’à partir

30. Jacques Friggit estime, pour le Conseil général de l’environnement et du développement


durable, que le rythme annuel des transactions dans l’ancien est passé de 810 000 en 2007 à
595 000 en 2009 pour remonter ensuite autour de 700 000 en 2012, 2013 et 2014 (source :
CGEDD d’après DGFiP – Medoc – et bases notariales).
42  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

de 2012 (l’Insee la chiffre à - 2,2 % en 2014, et à - 2 % en Île-de-France).


La hausse des années 2000, toujours soutenue par des taux d’intérêt his-
toriquement bas, semble avoir placé la barre des prix immobiliers à une
hauteur nouvelle que seule une remise en cause importante des grands
indicateurs macroéconomiques pourrait remettre en question.
L’autre effet de cette hausse des prix qui a touché tout le territoire est un
accroissement considérable des écarts de prix entre les villes. C’est ainsi
que, début 2015, avec un budget total de 300 000 euros, un ménage
pouvait acheter 326 m² à Saint-Étienne, 120 m² à Toulouse et 46 m² dans
l’arrondissement le moins cher de Paris (à savoir le XIXe), soit un écart de 1
à 7. Cet écart et son évolution reflètent l’ampleur des inégalités territoriales
qui se sont creusées en quinze ans en matière d’accès au logement. C’est
un autre symptôme majeur de crise.
Les loyers ont connu, au cours des quarante dernières années, des évo-
lutions moins heurtées et plus conformes à l’indice des prix31 (figure 5).
Une fois passée la période de forte inflation des années 1970 à 1983,
pendant laquelle les loyers ont augmenté à un rythme inférieur à celui de
l’IPC32, un décrochement s’opère et, pendant une longue phase de douze
années (1984-1995), les loyers ont crû nettement plus vite que les prix
à la consommation : alors que ces derniers ont augmenté pendant cette
période de 47 %, les loyers, eux, ont gagné près de 80 %. La période de
crise immobilière est marquée par un bref retour à la modération, avant
une reprise de la hausse pendant les années 2000, parallèlement à celle des
prix de vente, mais de façon beaucoup moins intense : entre 1999, année
du retournement, et 2007, les loyers nationaux n’ont augmenté que de
24 % contre 140 % pour les prix. Depuis cette date, la hausse de l’indice
des loyers est restée très modeste (+ 1,1 % en 2013 et en 2014).
Contrairement à ce que nous observions pour les valeurs vénales, on relève
un écart significatif entre les loyers nationaux et ceux des villes les plus
chères. C’est notamment le cas pour Paris, où les loyers de relocation,
fournis par l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (Olap)33,
ont augmenté de près de 76 % entre 1999 et 2014, passant d’une moyenne
de 13,20 à 24,20 euros/m² (contre 10,20 euros par exemple à Lyon).

31. L’approche statistique des loyers du secteur privé est moins aisée que celle des prix : les baux
ne donnant pas lieu à un enregistrement officiel, on ne dispose pas de sources aussi fiables
que celles des notaires. Pour une analyse de la longue durée, la seule source disponible est
l’enquête trimestrielle « loyers et charges » menée par l’Insee pour contribuer à l’indice des
prix à la consommation.
32. C’est aussi une époque où l’indice du coût de la construction, utilisé pour la révision des
baux en cours, évoluait lui-même moins vite que l’IPC.
33. Les loyers parisiens donnent lieu à une observation continue depuis 1989, en application des
obligations d’observation que prévoit la loi n° 89-642 du 6 juillet 1989. L’Olap publie ainsi
annuellement des données sur Paris et sa banlieue, ainsi que, depuis 1991, sur un échantillon
de onze agglomérations de province.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  43

Figure 5.
Évolution de l’indice général des loyers et des prix à la consommation (1969-2014) (en %)
15

13,5

12

Indice des prix à la consommation


10,5

Indice général des loyers


9

7,5

4,5

1,5

1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009 2014

Source : Insee, indice des prix.

Ces hausses de loyer touchent lourdement les locataires, dont nous avons
vu que le taux d’effort avait crû considérablement au cours des dernières
décennies. Elles ont justifié, en 2012, le retour du débat séculaire sur la
nécessité, ou non, de renforcer les moyens de l’État en matière de régu-
lation des loyers. Nous y reviendrons dans le chapitre 2, mais on ne peut
éviter d’observer que le différentiel de hausse entre les loyers et les valeurs
vénales signifie une dégradation de la rentabilité de l’investissement locatif,
surtout dans les villes où les prix sont les plus élevés.
Au cours des années 2000 et du début des années 2010, cette tendance a
été partiellement compensée par les avantages fiscaux liés à l’investissement
dans le neuf.
Après une phase de décrue de l’offre locative entre 1975 et 1985 (environ
80 000 logements locatifs privés en moins chaque année), la reprise de
l’investissement a nettement favorisé les petits logements, plus faciles à louer
et dont les loyers au mètre carré sont beaucoup plus élevés. Entre 1988 et
44  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

2013, le parc locatif privé a gagné plus de 1,8 million d’unités, mais cet
accroissement est presque exclusivement composé de petits logements :
près de 53 % de studios et deux-pièces et 30 % de trois-pièces (figure 6).
Il en résulte une transformation de la structure du parc locatif privé, au
sein duquel la part des logements à vocation familiale se réduit rapidement.

Figure 6.
L’accroissement du parc locatif libre selon le nombre de pièces des logements (1988-2013)
(en unités)
637 251

600
556 188

500

400

324 916

300

234 559

200

100

45 420
33 121
0
Une pièce 2 pièces 3 pièces 4 pièces 5 pièces 6 pièces et plus

Source : Insee, Enquêtes logement.

Par ailleurs, entre 1996 et 2014, plus de 87 % de cet accroissement s’est


produit dans les villes de province, où la rentabilité locative est plus facile
à trouver qu’à Paris, dont l’agglomération n’en a accueilli que 6 %.
En résumé, depuis la fin des années 1970, les mécanismes de marché
ayant pris le dessus sur les régulations publiques, l’immobilier résidentiel a
connu des soubresauts importants. Dans le même temps, l’offre sociale ne
s’accroît que faiblement. Cet ensemble de variations se ressent en termes
de mobilité résidentielle.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  45

Les blocages de la mobilité résidentielle


Nous l’avons vu, du fait du caractère durable du logement, la mobilité
résidentielle constitue l’un des principaux moteurs du marché ; elle peut
aussi être analysée comme conséquence des variations conjoncturelles
qui touchent les prix et la production. L’observation des principales ten-
dances de la mobilité résidentielle depuis la fin des années 1980 à l’aide
de l’Enquête logement de l’Insee met en évidence ces relations.
L’Enquête logement définit comme « emménagé récent » un ménage ayant
emménagé dans le logement qu’il occupe à la date de l’enquête depuis
moins de quatre ans. On peut donc suivre l’indicateur, a priori simple,
du taux d’emménagés récents34, enquête après enquête (tableau 11), et
observer que, après un pic de mobilité à la fin des années 1990, celle-ci
n’a pas cessé de baisser, pour atteindre un taux historiquement bas dans
la période la plus récente. Afin de progresser dans la compréhension de
la crise du logement, cette évolution gagne à être précisée en distinguant
les statuts d’occupation.

Taux d’emménagés récents

1988-1992 30,0
Tableau 11.
1992-1996 29,7 Évolution des taux d’emménagés récents
1998-2002 32,5 (1988-2013) (en %)
2002-2006 30,8
Source : Insee, Enquêtes logement.
2009-2013 26,6

Si l’on observe d’abord les mobilités concernant le secteur locatif social


(tableau 12), on constate que la croissance du taux de sorties stoppe net
à partir de 2002 et chute brutalement au cours des périodes suivantes.
Ce constat, qui ne semble pas cesser de s’aggraver, illustre les difficultés
rencontrées par les demandeurs de logements sociaux. Par contraste, la
période 1998-2002 apparaît comme exceptionnelle, consécutive à la rela-
tive détente du marché, qui avait permis une nette reprise des sorties du
parc social, avec une proportion inédite de primo-accédants. Au début
des années 2010, le nombre de sorties du parc social a plongé sous ses
niveaux les plus bas depuis la fin des années 1980. La promotion sociale
par l’accession à la propriété des locataires HLM a baissé de plus de 40 %
en dix ans.

34. Cet indicateur, d’usage aisé et très répandu, pose toutefois quelques problèmes, notam-
ment parce qu’il occulte les mobilités intermédiaires. Si l’impact de ce biais est faible pour
les ménages et les statuts à faible mobilité, il est fort, par exemple, pour les plus jeunes et les
étudiants et pour le secteur locatif privé.
46  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Tableau 12.
Évolution de la mobilité résidentielle à partir du parc locatif social (1988-2013) (en unités et
en %)
1988-1992 1992-1996 1998-2002 2002-2006 2009-2013
Taux de sortie
du parc locatif 11,5 % 11,9 % 12,2 % 10,9 % 7,8 %
social*
Nombre de
434 400 486 900 514 800 489 400 379 300
sorties**
Nombre de
sorties vers la 207 400 261 600 296 700 262 700 164 900
propriété***
Contribution
de la primo-
accession à la 47,8 % 53,7 % 57,6 % 53,7 % 46,1 %
sortie du parc
social
Nombre de
mouvements 399 500 428 000 510 500 468 100 454 900
internes****
* Ce taux de sortie est le rapport entre le nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif social au cours des
quatre années précédant l’enquête et le nombre de logements sociaux à la date de l’enquête.
** Nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif social au cours des quatre années précédant l’enquête.
*** Nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif social au cours des quatre années précédant l’enquête et
propriétaires à la date de l’enquête.
**** Nombre d’emménagés récents présents dans le parc locatif social à la date de l’enquête et quatre ans avant.

Source : Insee, Enquêtes logement.

En ce qui concerne le parc locatif privé (tableau 13), le taux de sorties est


à la fois beaucoup plus élevé mais a cessé de croître au cours de la dernière
période enregistrée. Les locataires du parc privé semblent avoir moins souf-
fert de la crise que ceux du secteur social, même si la part de l’accession à
la propriété dans l’ensemble des mobilités tend à baisser en fin de période
avec une chute de 10 % du nombre des ménages concernés.
Après l’euphorie de la première partie des années 2000 qui avaient vu le
marché de troc s’envoler, le nombre de propriétaires ayant revendu un
logement pour en acheter un autre a nettement baissé entre 2006 et 2013
(tableau 14). Au cours de cette période, le nombre de ménages mobiles
vers la propriété a baissé de près de 18 %. Au sein de cet ensemble, la part
de la primo-accession a légèrement augmenté, mais reste très inférieure à
ce qu’elle était au cours des années 1980 et 1990.
La baisse de la rotation dans le parc social et le ralentissement de l’acces-
sion à la propriété pour tous les ménages sont des indicateurs convergents
du durcissement des conditions du marché pour ceux qui souhaitent
adapter leurs conditions de logement. Très liés à l’évolution des prix, et
donc sensibles aux disparités territoriales, ces blocages sont les principaux
symptômes d’une crise qui ne se limite pas aux manifestations extrêmes
du mal-logement.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  47

Tableau 13.
Évolution de la mobilité résidentielle à partir du parc locatif libre (1988-2013) (en unités et
en %)
1988-1992 1992-1996 1998-2002 2002-2006 2009-2013
Taux de sortie
du parc locatif 26,9 % 27,8 % 29,2 % 30,6 % 29,1 %
libre*
Nombre de
1 225 600 1 325 700 1 481 500 1 640 900 1 516 400
sorties**
Nombre de
sorties vers la 676 500 681 600 876 400 973 700 871 500
propriété***
Contribution
de la primo-
accession à la 55,2 % 51,4 % 59,2 % 59,3 % 57,5 %
sortie du parc
libre
Nombre de
mouvements 931 800 1 057 000 1 221 500 1 375 800 1 377 000
internes****
* Ce taux de sortie est le rapport entre le nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif libre au cours des
quatre années précédant l’enquête et le nombre de logements locatifs libres à la date de l’enquête.
** Nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif libre au cours des quatre années précédant l’enquête.
*** Nombre d’emménagés récents sortis du parc locatif libre au cours des quatre années précédant l’enquête et
propriétaires à la date de l’enquête.
**** Nombre d’emménagés récents présents dans le parc locatif libre à la date de l’enquête et quatre ans avant.

Source : Insee, Enquêtes logement.

Tableau 14.
Évolution de la mobilité résidentielle des propriétaires et de la contribution des différents
statuts à l’accession à la propriété (1988-2013) (en unités et en %)
1988-1992 1992-1996 1998-2002 2002-2006 2009-2013
Nombre de
nouveaux
propriétaires 1 276 800 1 347 300 1 649 800 1 691 600 1 438 700
(primo-
accession)
Nombre de
mobilités
internes à
533 700 503 600 796 900 954 500 741 100
la propriété
(marché de
troc*)
Contribution des différents secteurs à l’accession à la propriété au cours de la période (en %)
Propriété 29,5 27,7 32,6 36,1 34,0
Locatif social 11,5 14,4 12,1 9,9 7,6
Locatif libre 37,4 37,6 35,8 36,8 40,0
Autres statuts 8,6 7,0 6,7 4,5 6,6
Décohabitation 13,1 13,3 12,8 12,7 11,8
Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
* Le marché de troc désigne, dans le jargon de l’immobilier, les échanges (ventes) de logements entre les
propriétaires.

Source : Insee, Enquêtes logement.


48  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Conclusion : quelques questions pour les politiques


À l’issue de ce chapitre et avant de s’intéresser plus directement aux poli-
tiques, on peut s’interroger, à l’aune de ce qui précède, sur ce qui justifie
la persistance, dans le vocabulaire français, du terme de crise du logement.
En effet, l’usage de ce terme est apparu en France au cours de la seconde
moitié du XIXe siècle pour ne disparaître ensuite que par intermittence.
Cette permanence masque, en fait, d’importantes variations dans le temps,
à la fois en termes d’intensité et de nature des problèmes rencontrés. Afin
d’éclairer les politiques dont l’un des enjeux est de réduire ces crises, il
est donc nécessaire de préciser les contours de cette notion multiforme.

Le décalage entre l’offre et la demande


L’acception la plus répandue de la notion de crise du logement est celle
qui repose sur un fort décalage entre l’offre et la demande, lequel produit
d’importantes difficultés pour les ménages qui cherchent à se loger ou,
plus simplement, à adapter leurs conditions d’habitat à l’évolution de leurs
besoins ou de leurs aspirations.
Les formes de ce décalage entre l’offre et la demande de logement sont
multiples, même s’il arrive qu’elles se cumulent. Pour les comprendre, on
peut les résumer sous trois modalités simples : le déficit quantitatif brut,
la carence qualitative ou l’inaccessibilité financière.
Le déficit d’offre est l’archétype de la situation de crise : il n’y a pas assez
de logements pour tout le monde là où la demande s’exprime. La France
urbaine a connu cette situation pendant plus d’un siècle entre les débuts
de la révolution industrielle et le milieu des années 1970. L’afflux démo-
graphique vers les villes, la grande faiblesse de l’investissement immobilier,
tant public que privé, et les deux guerres mondiales se sont conjugués pour
créer une situation de crise continue tout au long de la période. Nous
verrons que, au cours de la première moitié des années 1950, des règles
nouvelles de financement et une politique d’État de plus en plus affirmée
ont contribué à lancer une dynamique vigoureuse de construction neuve.
En 1975, au moment ou la rigueur budgétaire imposait un freinage brusque
de l’effort financier de l’État, un ensemble d’études révéla le succès de vingt
années de production massive et la fin du déficit quantitatif. Depuis ce
moment, et jusqu’au début des années 2000, il est communément admis
qu’il n’y a plus de retard à rattraper et que la construction ne sert plus
qu’à accompagner la croissance du nombre de ménages et à renouveler le
parc obsolète. Nous avons vu que, au début du XXIe siècle, le débat sur
le déficit est revenu sur le devant de la scène, mais il n’est pas certain qu’il
suffise à expliquer la situation.
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  49

L’évocation d’une crise qualitative du logement peut revêtir elle-même une


vaste gamme de problématiques : celle de la crise des grands ensembles
évoquée dès la fin des années 1970 pour caractériser l’inadaptation du
modèle urbain de ces quartiers aux attentes de ménages qui se précipitent
dès qu’ils le peuvent vers la maison individuelle périurbaine, ou celle du
décalage entre la nature des besoins et celle de l’offre, en termes de type
et de taille des logements disponibles. Ainsi, la forte propension des pro-
moteurs immobiliers à construire en ville des logements de taille réduite,
dans un contexte de faible mobilité des familles bien logées, limite l’offre
disponible et adaptée aux besoins des couples ayant des enfants ou des
familles éclatées qui cherchent à préserver une certaine proximité géo-
graphique et une capacité d’accueil de leurs enfants. Sans doute faut-il
trouver dans ces décalages une part de l’explication du départ des familles
de classes moyennes vers les périphéries des villes et du maintien de taux
de surpeuplements élevés pour les ménages à faibles revenus.
Même en admettant que le nombre de logements soit suffisant et que leur
typologie soit adaptée aux besoins et aux attentes, rien ne garantit qu’ils
soient financièrement accessibles. Les grandes phases de hausse des prix
immobiliers, entre 1985 et 1991, puis à partir de 1998, ont évidemment
contribué à accentuer ce décalage, au moins dans les villes les plus touchées
par ces hausses. C’est dans ces moments-là que s’accroissent les écarts
entre les situations locales (marchés tendus et marchés atones) et entre les
ménages. Ces écarts sont particulièrement sensibles entre les propriétaires
qui ont pu profiter des fortes plus-values occasionnées par la hausse, pour
vendre et adapter leur situation, et les locataires à revenus moyens ou bas qui
ne peuvent plus accéder au marché et renoncent à déménager, accentuant
ainsi la tension sur l’offre. C’est aussi dans ces moments-là que s’accroît
la pression sur le parc locatif social, dont la demande augmente alors que
l’offre se réduit. C’est lorsqu’on se trouve ainsi dans une phase de maintien
des prix à un niveau très élevé et qu’elle se traduit par le gel sélectif des
mobilités résidentielles que resurgissent les discussions sur le déficit, car
seul l’accroissement de la construction neuve peut réduire le décalage, à
condition toutefois que celle-ci se fasse au bon endroit et au bon prix.
Nous l’avons vu, la situation que connaît le logement depuis le début des
années 2000 est caractérisée par la convergence des trois formes de décalages
entre l’offre et la demande (déficit quantitatif brut, carence qualitative
et inaccessibilité financière), mise en évidence et accentuée par la hausse
des prix. Toutefois, la prégnance des mécanismes de marché a désormais
renforcé la territorialisation de la crise : il n’est plus possible d’analyser ces
décalages seulement à l’échelle nationale, tant la diversité des situations est
grande. Il devient donc nécessaire d’engager une approche territorialisée
de la crise du logement. C’est un enjeu fondamental pour les politiques
et sur lequel nous reviendrons.
50  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Les conséquences en bout de chaîne : le mal-logement


Lors de l’hiver 1954, le fameux appel de l’abbé Pierre contribue à la prise
de conscience, par la société française, des impacts du mal-logement. De
fait, c’est alors que commencent les vastes programmes de construction
qui résorberont le déficit en une vingtaine d’années. Plus de soixante ans
plus tard, le mal-logement persiste et rend encore nécessaire l’interpellation
constante des pouvoirs publics par les milieux associatifs et militants dont
la question du logement reste l’une des causes majeures.
Pourtant, comme nous l’avons souligné, l’effort productif a permis de
faire reculer massivement l’inconfort et d’améliorer considérablement
les conditions de logement de la grande majorité des ménages, même
dans le parc ancien. Mais, alors que le marché a désormais pris la main, à
chaque fois que la hausse des prix vient s’ajouter à une dégradation de la
situation sociale des personnes situées au bas de l’échelle, le mal-logement
refait surface dans le débat public. Ce fut le cas au cours des années 1980,
avec l’apparition de la « nouvelle pauvreté », et ça l’est à nouveau depuis
le milieu des années 2000.
Variations de l’emploi et cycles immobiliers se conjuguent donc pour
remettre sur le devant de la scène le scandale du mal-logement dans toute
sa diversité, qui va de l’absence même d’abri durable à l’insalubrité ou au
surpeuplement. L’ouvrage annuel de la Fondation Abbé-Pierre en fournit
une typologie et un chiffrage toujours plus alarmants ; en 1998, le rapport
de Nancy Bouché pour le ministère de l’Équipement35 mettait en relief la
persistance d’une gamme étendue de situations de logements indignes que
les politiques d’incitation aux travaux d’amélioration ne parviennent plus
à résoudre. En 2001, la première enquête officielle de l’Insee sur les usagers
des services de première nécessité (repas, hébergement d’urgence…) recen-
sait près de 90 000 personnes sans domicile. En 2012, la deuxième enquête
de ce type aboutissait au chiffre bien plus élevé de 141 500 personnes.
Ces analyses montrent, outre l’accumulation de situations personnelles
de détresse sociale, sanitaire et psychologique, que le mal-logement est
le résultat, en bout de chaîne, des blocages imposés par le marché et des
insuffisances de l’offre dans toutes ses dimensions (quantité, qualité, prix)
et de l’incapacité du parc social à absorber toute la demande qui se pré-
sente à lui. Certains propriétaires profitent de ces situations pour fournir
à moindres frais une offre indigne et dangereuse, qui constitue parfois la
seule solution pour des ménages rejetés de toutes parts.

35. Nancy Bouché, Expertise concernant les édifices menaçant ruine et les immeubles et îlots insalubres,
Conseil général des ponts et chaussées, Secrétariat d’État au Logement, La Documentation
française, Bibliothèque des rapports publics, 1998 (www.ladocumentationfrancaise.fr/rap-
ports-publics/994001342/index.shtml).
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  51

La persistance de ces situations constitue un défi majeur pour l’action


publique dans un pays riche qui ne peut accepter que certains de ses
habitants vivent dans des conditions aussi éloignées des standards que
connaît la grande majorité des autres.

Crise du logement et crise urbaine


Les dysfonctionnements induits par les marchés ne se limitent pas au
mal-logement. Nous l’avons vu, le caractère localisé des choix des ménages
contribue à produire de puissants mécanismes ségrégatifs, parfois aggravés
par les politiques urbaines.
La crise du logement est aussi une crise urbaine, dans la mesure où elle
renforce les polarisations socio-spatiales entre des quartiers ou communes
dévalorisés et des secteurs résidentiels inaccessibles aux ménages à revenus
moyens ou bas. La répartition dans l’espace des catégories de logement et
de l’activité des constructeurs y est pour quelque chose. Les variations de la
conjoncture immobilière viennent accentuer ou réduire ces spécialisations
spatiales : nous avons vu que les périodes de développement de la primo-
accession à la propriété pouvaient aussi se traduire par une paupérisation
de l’occupation des logements sociaux. Si ces derniers sont concentrés dans
l’espace, ce sont des communes ou des quartiers entiers qui se dégradent
et perdent le peu d’attractivité résidentielle qu’il leur restait.
Il n’y a certes pas de parallélisme strict entre la crise du logement et ce que
l’on appelle la « crise des banlieues ». Les deux correspondent à des processus
sociaux et économiques différents, notamment du fait de la prégnance,
pour les banlieues, de la question spatiale. Il serait, par exemple, erroné
de faire peser sur le logement le handicap social que représente souvent
le fait d’habiter dans un quartier fortement stigmatisé. Nous verrons, en
revanche, qu’il est possible d’utiliser les politiques du logement comme
outils de correction des concentrations spatiales de la pauvreté. C’est le
but des politiques formulées en termes de mixité sociale et dont les prin-
cipaux outils sont ceux qui visent à améliorer la répartition des logements
sociaux dans l’espace.
Toujours est-il que l’attractivité résidentielle, facteur de variation des prix
immobiliers et des polarisations sociales, doit bien plus aux aménités
urbaines et aux connivences de voisinage qu’à l’offre de logement elle-
même. Pour les politiques qui nous intéressent ici, il en résulte une double
exigence : celle de l’intégration de la dimension spatiale et celle de la
transversalité avec les autres volets de l’action publique territoriale portant
sur le cadre de vie, l’activité économique et les mobilités.
52  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Les dimensions sociales et environnementales


de l’étalement urbain
Les statistiques de la construction confirment que la conjonction de l’as-
piration des ménages à la propriété et à la maison individuelle avec les
modalités les plus élémentaires de la formation des prix fonciers produit
mécaniquement l’étalement de la ville pavillonnaire à sa périphérie. Mettre
en parallèle ce mouvement avec la crise du logement semble paradoxal,
dans la mesure où il reflète la concrétisation de ce qui est souvent décrit
comme le rêve de la majorité des Français et qu’il contribue à la générali-
sation du confort domestique.
Toutefois, ce processus a un double coût qui justifie l’attention des acteurs
publics.
C’est d’abord un coût individuel, lié à la dépendance à l’égard de l’auto-
mobile et à la consommation d’un carburant dont le prix est tendanciel-
lement ascendant à moyen ou long terme. S’il existe une relation entre
l’éloignement des centres et le niveau des revenus, les contraintes liées à
la dépense automobile deviennent un facteur d’inégalités sociales. Tout
comme d’ailleurs, pour les actifs, la rigidité que cet éloignement peut
entraîner en matière de lieu de travail, rendant parfois plus difficile une
mobilité de l’emploi devenue nécessaire du fait de la fragilité croissante
des trajectoires professionnelles. Mentionnons également l’obstacle que
la dépendance à l’automobile peut constituer lors du vieillissement. Là
encore, l’éloignement géographique peut être un facteur d’inégalités face
aux handicaps liés à l’âge.
C’est aussi un coût collectif en termes de dépenses d’infrastructures rou-
tières, et surtout de retombées environnementales, du fait de la multipli-
cation des déplacements individuels motorisés, là où une localisation en
zone urbaine dense permet aux transports collectifs d’absorber une part
importante des trajets domicile-travail et à la marche de répondre effica-
cement à la plupart des besoins du quotidien.
La question essentielle dans ce registre n’est pas véritablement tranchée ;
elle continue d’opposer deux types d’approches. Les premières, d’inspi-
ration plutôt libérale, se fondent sur l’idée que la périurbanisation est le
résultat d’aspirations majoritaires qu’il serait excessif et présomptueux de
contrarier. Les secondes, plus interventionnistes, supposent que le processus
est davantage le résultat de la contrainte coût/revenus que la conséquence
d’un choix réel, et proposent d’y mettre fin, tout en s’attachant à proposer
une alternative attractive face au modèle unique du pavillon périurbain.
L’étalement urbain est-il un symptôme supplémentaire de la crise du
logement ? Tout dépend sans doute de l’interprétation que l’on fait de
son rapport aux clivages sociaux. Si on considère qu’il existe un lien entre
la localisation périurbaine et le niveau des revenus, il devient difficile de
MARCHÉS ET CONDITIONS DE LOGEMENT DANS LA FRANCE DES ANNÉES 2010  ❮  53

nier que la difficulté à se loger correctement à proximité des villes soit, au


moins partiellement, corrélée avec l’éloignement des plus pauvres. C’est, là
encore, une question importante pour l’action publique sur le logement.

***

On le voit, ce que l’on appelle la crise du logement est une notion fort
complexe. En développer telle ou telle composante peut orienter l’action
publique dans des directions diverses et dans plusieurs de ses dimensions,
notamment nationale et locale. Pourtant, nous n’avons pas encore fini de
dresser le tableau de la complexité des enjeux qu’affrontent les politiques
du logement, ce qui justifie d’y consacrer le chapitre suivant.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  55

❯ Chapitre 2
Introduction aux politiques de l’habitat : enjeux
et moyens
Ce chapitre pose les principaux termes de ce que recouvrent les politiques
du logement et de l’habitat ; il constitue à la fois la référence et la grille de
lecture du récit historique de ces politiques (chapitre 3), puis de l’étude
plus précise de leurs principales composantes actuelles (chapitre 4). Pour
constituer ce cadre général, nous détaillerons d’abord les grandes catégories
d’enjeux que les politiques du logement et de l’habitat se proposent de
traiter, puis la gamme des outils financiers et juridiques qu’elles mobilisent.

Trois enjeux
L’ensemble que l’on désigne généralement sous le terme de « politiques du
logement ou de l’habitat » masque une diversité d’enjeux qui contribue à
expliquer sa grande complexité.
L’explicitation de ces enjeux aide à introduire la réflexion sur les politiques
en proposant d’emblée une grille de lecture qui trouvera des échos tant
dans les développements historiques que dans l’énoncé des problématiques
contemporaines. En effet, comprendre la diversité des questions liées aux
politiques du logement permet d’en interpréter les différentes dimensions,
la diversité des temporalités qu’elles supposent, la prolifération des lois
et des mécanismes d’aide et l’éventail des acteurs impliqués. C’est aussi
l’occasion de pointer certaines des contradictions qu’elle fait naître.
On a coutume de classer les enjeux des politiques de l’habitat en trois
grandes catégories synthétiques : le social, l’économique et l’urbain. Seul
le premier place le logement à la fois comme finalité et comme outil,
alors que les deux autres ne font que l’utiliser pour atteindre des fins qui
le dépassent.
56  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Les enjeux sociaux : satisfaire les besoins


L’existence d’enjeux sociaux contribue à singulariser le logement par rapport
à la plupart des autres biens marchands. En effet, en termes politiques,
l’analyse de ce bien va au-delà de la simple relation économique entre une
offre et une demande.
Il faut y ajouter la notion de besoins, c’est-à-dire intégrer un consensus
social selon lequel nous estimons collectivement qu’il est nécessaire que
chacun puisse disposer des moyens de se loger dans les meilleures conditions
possibles, ce que nous appellerons un logement décent. La notion de besoin
en logement découle du constat de l’incapacité structurelle du marché à
répondre toujours efficacement à cette nécessité et justifie la mise en place
de moyens visant à la corriger. Dans cette acception, les politiques sont
donc strictement sectorielles : le logement est à la fois l’outil et la finalité.
Ce sont ces enjeux sociaux qui permettent d’expliquer l’existence d’une
fonction politique spécifique à la question du logement, se traduisant
généralement par l’existence d’un ministère ou d’un secrétariat d’État, alors
que l’approche plus strictement économique se satisferait sans difficulté de
l’action des ministres chargés de l’industrie, de l’économie et des finances
et que les problématiques urbaines sont principalement placées sous la
responsabilité des collectivités territoriales.
Les moyens affectés à ces enjeux se déclinent principalement en trois
modalités :
– quantitative, consistant à accroître le volume de l’offre là où la produc-
tion marchande ne parvient pas à répondre à l’intensité de la demande ;
– économique, veillant à ce que l’offre disponible soit financièrement
accessible, y compris pour ceux dont les moyens sont limités, et sans
compromettre les autres nécessités vitales ;
– qualitative, visant à ce que l’offre disponible et accessible réponde à un
ensemble de normes assurant à chacun un logement « digne et décent »
adapté à ses besoins.
Ces trois modalités se recoupent avec la diversité des situations locales
en matière d’intensité de la pression de la demande ; elles suscitent une
approche territorialisée des besoins et de la nécessité plus ou moins forte
de l’intervention publique correctrice et de ses déclinaisons.
L’amélioration globale des conditions de logement en France depuis la fin
de la Seconde Guerre mondiale n’a pas supprimé l’impératif d’une action
publique visant à satisfaire les besoins de tous en la matière ; elle n’a pas
suffi non plus à en concentrer l’attention exclusivement sur les personnes
les plus défavorisées.
De fait, les dimensions sociales des politiques du logement conservent deux
volets qui, bien qu’évidemment complémentaires, se déclinent avec des
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  57

objectifs et des moyens très différenciés. On peut les schématiser à partir de


deux registres : celui des parcours résidentiels et celui du droit au logement.
Le premier vise à permettre à chacun, tout au long de sa vie, d’accomplir
un parcours résidentiel correspondant à l’évolution de ses aspirations et
de ses besoins. Il s’agit donc d’une approche très généraliste de la notion
de besoins, visant à un équilibre global du système et à la poursuite des
tendances d’amélioration et de développement de la propriété d’occu-
pation. Dans ce registre, les acteurs publics se soucient de maintenir le
niveau de production neuve permettant d’accompagner les évolutions
démographiques et sociales, tant à l’échelle nationale qu’au niveau local,
et ils veillent à ce qu’une offre réglementée ou des aides financières per-
mettent de corriger les écarts entre les prix du marché et la solvabilité du
plus grand nombre. C’est aussi dans ce registre que se comprennent les
actions classiques d’amélioration des logements existants, fondées sur
l’incitation aux propriétaires et ayant permis d’accomplir en trente ans
les grands progrès qualitatifs du parc ancien.
Les catégories de connaissance mobilisées par ces politiques sont princi-
palement d’ordre statistique ; elles concernent les grandes tendances qui
traversent la société : évolution du travail, de la famille, des modes de
cohabitation, des relations entre les générations, des aspirations collectives
et individuelles. Les unités de compte sont les ménages ; leurs logements
et leurs parcours sont décrits en termes de mobilité résidentielle, de tra-
jectoire entre les « segments » de l’offre. Ces segments sont définis comme
les différentes catégories de produits immobiliers capables de répondre aux
attentes des ménages, généralement décrites en termes de statuts d’occu-
pation, de types et de gamme de prix (la maison individuelle périurbaine
de standing, le petit appartement locatif de centre-ville, le logement social
en grand ensemble, etc.). Les contours de ces segments peuvent varier
considérablement d’un lieu à un autre, ce qui justifie que l’essentiel de ce
registre d’action se mette en œuvre à l’échelle locale, couvrant une part
importante du champ de ce que l’on appelle les « politiques locales de
l’habitat », avec pour outil central les « programmes locaux de l’habitat »
(PLH), sur lesquels nous reviendrons dans le chapitre 4.
Le second registre du volet social des politiques du logement est celui qui
vise plus spécifiquement les populations connaissant des difficultés parti-
culières en la matière. On se situe ici dans la dimension la plus élémentaire
de la notion de besoin, celle qui repose sur le constat d’une carence de
logement décent ou qui considère qu’il existe un risque de carence. La
politique de l’habitat devient alors une politique de lutte contre l’exclusion
et va jusqu’à énoncer la notion de « droit au logement ».
C’est la loi « Besson » du 31 mai 1990 qui donne sa forme moderne
à ce registre, sur lequel nous reviendrons. Elle définit sa cible dans les
58  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

termes suivants1 : « Toute personne ou famille éprouvant des difficultés


particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou
de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les
conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et
indépendant ou s’y maintenir. » La gamme des situations correspondantes
est extrêmement étendue, elle renvoie aussi bien aux personnes privées de
toit qu’à celles qui sont menacées d’en être exclues.
Face à ces situations, les politiques relèvent principalement du traitement
de cas individuels, en y apportant des solutions de types divers, relevant
de la solvabilisation ou de la fourniture d’un abri temporaire en centre
d’hébergement ou à l’hôtel. Il s’agit d’« instances du cas par cas »2 dont
l’essentiel relève du travail social, de l’accompagnement individualisé et
de la décision unitaire.
C’est ce qui explique que tant les milieux professionnels que les catégo-
ries d’analyse et les moyens d’actions soient nettement différents de ceux
mobilisés à propos des parcours résidentiels. La statistique est bien souvent
incapable de rendre compte d’une extrême diversité de situations portant,
heureusement, sur des nombres réduits3. Alors que la préoccupation
pour les parcours résidentiels se nourrit de modèles et de projections, le
traitement du mal-logement se fonde sur les individus et le contact per-
sonnel direct. L’univers associatif est ici placé en première ligne au côté des
services sociaux des conseils départementaux, puisque la décentralisation
initiée par la loi du 2 mars 1982 leur a confié l’essentiel des compétences
de l’action sociale.
Ce volet très social des politiques du logement concerne aussi l’action sur
le parc et son amélioration. Ce n’est plus de confort qu’il s’agit ici, mais
de « salubrité », de « dignité » et de « décence ». Chacun de ces termes a
désormais un sens juridique précis4, mais ils recouvrent à eux trois un
ensemble de situations d’une gravité telle que l’incitation aux propriétaires
ne suffit plus à les résoudre. Là encore, la statistique trouve ses limites et

1. Article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au loge-
ment, dans sa version d’origine. La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et
responsabilités locales y ajoute, en son article 65 : « et pour y disposer de la fourniture d’eau,
d’énergie et de services téléphoniques ».
2. Voir à ce sujet Louis Bertrand, Norme, règle et individu dans les politiques locales du logement des
personnes défavorisées, thèse de doctorat en urbanisme, aménagement et politiques urbaines,
université Paris-Est, 2008, p. 155 et s.
3. Si l’on retient le chiffrage de la Fondation Abbé-Pierre, le mal-logement concerne près de
3,5 millions de personnes en France, soit un peu plus de 5 % de la population du pays.
4. L’insalubrité est une catégorie juridique ancienne, opératoire depuis la seconde moitié du
XIXe siècle. La décence est introduite dans le droit privé le 13 décembre 2000 par la loi
« Solidarité et renouvellement urbains » n° 2000-1208 et le logement indigne, catégorie
englobant l’ensemble des situations justifiant une action directe, est défini par l’article 84
de la loi n° 2009-323 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (dite
loi « Boutin ») du 25 mars 2009.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  59

les moyens d’action se fondent sur des méthodes fines d’inspection et de


recensement d’immeubles dont chaque cas traité constitue un prototype.
S’il se comprend aisément à l’aune des problématiques traitées, le clivage
entre les deux registres de l’enjeu social des politiques du logement porte en
lui un risque important de cloisonnement dans lequel chacun des milieux
professionnels développe ses moyens d’action ciblés sur des « publics »
différents, sans mettre en place les voies permettant aux personnes en
difficulté de passer au registre des parcours résidentiels dans le logement
ordinaire. Ce clivage est renforcé par la différence des temporalités que
recouvre chacun des deux registres : la régulation des parcours résidentiels
se situe dans le moyen et le long terme de la lente transformation de l’offre
de logements, notamment sous l’effet de la production neuve ; alors que
la question du mal-logement ne se conçoit que dans l’urgence des solu-
tions à trouver pour sortir les personnes de situations intolérables. Nous
reviendrons sur les différentes dimensions de ce risque.

Les enjeux économiques : bâtiment, consommation, fiscalité


Alors que l’essentiel du débat sur les politiques du logement porte sur ses
volets sociaux et souligne à l’envi ses échecs récurrents et ses incohérences,
on continue trop souvent d’ignorer que le logement se situe également au
cœur des enjeux des politiques économiques.
En effet, l’immobilier résidentiel constitue l’un des principaux domaines
d’activité de l’industrie du bâtiment, laquelle est l’un des secteurs majeurs
de l’économie nationale. De plus, comme premier poste de dépense des
ménages locataires ou endettés par l’accession à la propriété, le logement
pèse un poids considérable dans les arbitrages entre consommation et
épargne ; enfin, le secteur apporte des ressources fiscales très importantes.
On comprend dès lors que l’enjeu économique soit l’une des dimensions
essentielles des politiques du logement.
Le secteur du bâtiment en France est composé à la fois d’un nombre relati-
vement faible de grandes entreprises à vocation nationale et internationale
et de très nombreuses petites structures spécialisées, relevant de l’artisanat.
Au-delà des entreprises qui assurent directement la construction, l’acti-
vité liée au logement mobilise beaucoup d’acteurs de la conception, de
la promotion, de la commercialisation, de la gestion et, en amont, de la
fabrication des matériaux et des équipements, de leur transport, etc. Sans
même parler du financement immobilier, qui constitue un des piliers de
l’activité bancaire.
L’ensemble représente un peu plus de deux millions d’emplois dépendant
du logement, de sa construction, de son amélioration, de son entretien
et de sa gestion. Selon les fédérations d’entreprises concernées, chaque
60  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

logement construit représente environ 1,5 emploi ; une baisse de produc-


tion de 10 000 logements signifierait donc la perte de 15 000 emplois.
Sans revenir aux fondements de ce qui avait conduit, en 1850, le député
Martin Nadeau à affirmer : « À Paris, lorsque le bâtiment va, tout pro-
fite de son activité » (assertion déformée ensuite pour donner le célèbre
dicton « Quand le bâtiment va, tout va »), on comprend l’enjeu macro-
économique que représente l’activité liée au logement, tant en matière de
construction neuve que de travaux sur le parc existant. C’est à cette aune
que l’on peut interpréter une part importante des aides à la production
et de leurs modalités d’octroi. Il arrive d’ailleurs périodiquement que les
enjeux du développement de l’emploi dans le bâtiment prennent le pas sur
la dimension sociale du logement. Dans une période de crise telle que celle
que connaît la France au milieu des années 2010, beaucoup d’annonces
gouvernementales visant à la « relance du logement » pourraient être plus
justement formulées en termes de plans de soutien au bâtiment.
À cette question classique s’ajoute un enjeu tout aussi important en termes
de régularisation du travail et de recouvrement des cotisations sociales. Il
existe en effet une forte tradition du travail non déclaré dans le bâtiment,
notamment dans l’artisanat, ce qui représente à la fois un risque social pour
les travailleurs concernés et un manque à gagner important pour les régimes
de sécurité sociale, ainsi que pour les recettes fiscales correspondantes.
Cet ensemble de préoccupations économiques donne lieu à des mesures
incitatives telles que la TVA à taux réduit ou intermédiaire, qui s’applique
depuis 2000 aux travaux que les particuliers font dans leurs logements et
qui a pour double effet de favoriser le recours aux artisans et de rendre la
facturation nécessaire. Plus globalement, il constitue l’un des principaux
motifs de la persistance d’aides impliquant de façon systématique une
contrepartie de production : incitations fiscales à l’investissement locatif
plus puissantes lorsque le logement est neuf, aides à l’accession à la propriété
presque toujours conditionnées à l’achat de logements neufs ou soumises
à d’importants travaux d’amélioration, etc. L’histoire des aides à la pierre
et des avantages fiscaux liés au logement en France peut s’écrire au prisme
de ces enjeux économiques, des variations conjoncturelles de l’activité du
bâtiment et des besoins d’ajustement en période de crise.
Ces variations ont des effets sur les autres volets des politiques du logement,
notamment sur leurs dimensions sociales. En première analyse, on peut se
satisfaire de tout accroissement de la production en tant qu’il augmente
l’offre disponible ; mais, plus avant, on peut poser la question de l’adapta-
tion de cette offre à la réalité de la demande, en termes de qualité, de prix
et surtout de localisation. Or, il apparaît très souvent que les conditions
de mise en œuvre des politiques économiques du logement diffèrent de
celles consacrées à ses dimensions sociales au moins dans deux directions :
– d’une part, dans leur spatialisation. Les politiques économiques sont
nationales et leur application sur le terrain dépend surtout de la façon
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  61

dont les acteurs économiques s’en emparent et y trouvent la meilleure


optimisation5, ce qui n’est pas toujours cohérent avec la réalité des besoins ;
– d’autre part, dans leur temporalité, plus souvent calée sur la conjoncture
immobilière que sur la nécessaire prise en compte du temps long que
suppose le caractère durable du logement.
Du point de vue de l’économie, le logement est également un bien d’intérêt
majeur du fait de son poids dans le budget des ménages. L’accroissement
du coût du logement conduit forcément à des arbitrages de consommation
qui peuvent porter préjudice aux autres composantes de l’économie natio-
nale, d’où l’importance qu’il peut y avoir à modérer l’effort financier des
ménages en réinjectant dans la consommation des dépenses normalement
affectées au logement. Les aides à la personne contribuent à cette logique
pour les ménages à revenus modestes ; d’autres mécanismes, comme les
déductions fiscales des intérêts d’emprunt contractés pour l’accession à la
propriété, en vigueur entre 2007 et 2010, touchent des ménages plus aisés
sans que l’enjeu social ne vienne masquer le véritable objectif de régulation
macro-économique.
Par ailleurs, l’accumulation d’épargne que constitue l’accession à la pro-
priété signifie, après la phase de remboursement de la dette, une baisse
sensible de l’effort financier lié au logement, qui aide à absorber des baisses
de revenu, notamment au moment du passage à la retraite, mais aussi en
cas de perte d’emploi. La diffusion de la propriété occupante constitue,
du point de vue économique, un amortisseur des variations de revenus et
un moyen de financement individuel de la dépendance.
L’ampleur des dépenses de logement se traduit également par d’importantes
recettes fiscales. En effet, le domaine du logement génère chaque année
à lui seul plus de 60 milliards d’euros de prélèvements de types divers6.
En 2013, sur un total de 63 milliards d’euros :
– près de 23,6 milliards étaient dus à la TVA perçue sur l’achat de logements
neufs, sur les dépenses d’énergie et de charges ainsi que sur les travaux7 ;

5. L’une des illustrations de ces démarches d’optimisation porte sur la façon dont promoteurs
et investisseurs ont utilisé les dispositifs d’amortissement fiscal en matière d’investissement
locatif au cours des années 2000 (plus particulièrement pendant la période du mécanisme
« Robien », entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2009). Ils ont produit un nombre
important de logements locatifs à loyers supérieurs aux prix du marché dans des villes où
les prix de vente étaient suffisamment modérés pour assurer une bonne rentabilité locative,
parfois au-delà de la capacité d’absorption de la demande locale et, en tout cas, dans l’igno-
rance de toute approche en termes de besoins. Les excès de ces optimisations ont conduit le
gouvernement à introduire des zonages sur lesquels nous reviendrons.
6. Source : Compte du logement, édition 2015 (portant sur l’année 2013). Disponible en ligne :
www.statistiques.développement-durable.gouv.fr.
7. L’impact des différents régimes de TVA à taux réduit constitue un manque à gagner d’un peu
plus de 5 milliards hors aides au logement social.
62  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

– plus de 26,1 milliards résultaient des différentes taxes prélevées auprès des


propriétaires (principalement la taxe foncière et l’imposition des revenus
immobiliers) ;
– 8,4 milliards correspondent aux prélèvements relatifs aux mutations
(principalement les droits d’enregistrement liés aux ventes de logements) ;
– le reste était composé de taxes diverses liées à la consommation du
logement et à l’énergie.
Sur cet ensemble, 28 milliards sont au profit des collectivités territoriales.
L’activité du secteur contribue donc fortement aux budgets publics, ce qui
oblige à tenter d’en maîtriser les variations conjoncturelles. L’exemple le
plus frappant sur ce sujet est l’ampleur que peut avoir un retournement
du marché immobilier pour les finances des conseils départementaux, qui
sont les principaux bénéficiaires des droits d’enregistrement des mutations.
L’ensemble de ceux-ci (logement et hors logement) représente en effet 11 %
de leurs recettes de fonctionnement. Le retournement du marché en avait
fait perdre près de 33 % entre 2007 et 2009. Ils sont remontés depuis
au niveau de 2008, mais restent très soumis aux perspectives du marché.
On le voit, tant dans une perspective de long terme que pour corriger
l’impact des variations conjoncturelles, le logement constitue un outil
important pour le pilotage de l’économie nationale et des budgets publics.
L’usage fait du logement à chaque fois qu’il se révèle nécessaire d’opérer une
relance économique en temps de crise en fournit une illustration supplé-
mentaire. En 1993, année de récession, le ministre du Logement, Hervé
de Charette8, relance l’accession à la propriété avec un plan conjoncturel
visant à contribuer à la reprise économique ; en 2008 et 2009, le plan
de relance de l’économie comporte, parallèlement à un programme de
grands travaux publics, toute une gamme de modalités directement liées
au logement : doublement du prêt à taux zéro pour l’accession à la pro-
priété conditionné à l’achat de logements neufs, augmentation des crédits
de l’État pour la production de logements locatifs sociaux, acquisition
par les organismes d’HLM de programmes de promotion immobilière
bloqués par la crise, etc. En août 2014, le « Plan de relance du logement »
annoncé par le Premier ministre a encore pour objectif premier la reprise
de l’investissement immobilier afin de doper la construction (v. encadré).
Le pilotage de l’économie par l’immobilier résidentiel relève donc, à l’évi-
dence, de politiques nationales à forte connotation fiscale et fondées sur
des impulsions données aux acteurs et aux mécanismes du marché. Même
si leur légitimité n’est pas douteuse, s’agissant de contribuer à l’emploi, aux
comptes sociaux et aux budgets publics, ces politiques soulèvent quelques

8. Hervé de Charette, ministre centriste du Logement de 1993 à 1995.


INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  63

questions à propos de leur cohérence avec les autres grands enjeux de la


question du logement, surtout lorsque ceux-ci imposent une approche
spatialisée et une vision du long terme. Ces interrogations sont particuliè-
rement vives à propos des dimensions urbaines des politiques de l’habitat.

■■ Le « Plan de relance du logement » du 29 août 2014


« Face à la crise persistante du secteur du logement, le Premier ministre, Manuel
Valls, a présenté, le 29 août 2014, un nouveau plan de relance du logement.
Le plan comprend six axes majeurs :
–  libérer le foncier privé. Afin de favoriser les cessions de terrains, il est prévu de
modifier la fiscalité applicable aux plus-values sur les terrains à bâtir (alignement sur
celle des immeubles bâtis) et de mettre en place des abattements exceptionnels
pour les cessions et les donations de terrains réalisées jusqu’à fin 2015 ;
– augmenter l’offre de logements neufs intermédiaires et sociaux. 30 000 logements
intermédiaires devraient être construits dans les zones tendues dans les cinq pro-
chaines années. Les pénalités renforcées prévues par la loi Solidarité et renouvel-
lement urbains (SRU) pour les communes qui ne respectent pas leurs obligations
en matière de logements sociaux seront renforcées à compter du 1er  janvier 2015.
Le dispositif fiscal en faveur de l’investissement locatif sera revu en permettant de
louer à un ascendant ou à un descendant et en donnant le choix aux investisseurs de
s’engager à louer pour six, neuf ou douze ans en contrepartie d’avantages fiscaux ;
– favoriser l’acquisition de logements neufs. De nouvelles aides sont prévues pour
les primo-accédants : allongement de la période pendant laquelle le remboursement
du prêt à taux zéro est différé, taux de TVA à 5,5 % pour l’accession à la propriété
d’un logement neuf pour les ménages modestes dans les nouveaux quartiers priori-
taires de la politique de la ville ;
– améliorer l’habitat. Il s’agit d’aider les ménages à réaliser les travaux de rénovation
énergétique (augmentation du crédit d’impôt, etc.) ;
– poursuivre la simplification afin de faire baisser les coûts et d’accélérer les délais
de construction ;
– simplifier et recentrer les dispositions de la loi Alur. Trois dispositifs de la loi Alur
sont revus : l’encadrement des loyers ne devrait être mis en œuvre à titre expérimen-
tal qu’à Paris [1], la garantie universelle des loyers (GUL) ne devrait s’adresser qu’aux
jeunes salariés et aux personnes précaires, enfin les formalités en cas d’acquisition
d’un bien devraient être simplifiées. »

(1) Décision qui a suscité le dépôt par l’association de lutte contre le mal-logement «  Bail à
part-Tremplin pour le logement », en juillet 2015, de deux recours auprès du Conseil d’État et
du tribunal administratif de Paris, afin d’obtenir une application plus large de l’encadrement des
loyers (NDE).
Source  : www.vie-publique.fr/actualite/alaune/logement-mesures-presentees-par-manuel-­
valls-20140901.html.
64  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Les enjeux urbains : mixité, renouvellement, environnement


Évoquer les enjeux urbains de la question du logement suscite d’abord un
petit détour par le vocabulaire. À propos des politiques et des marchés,
nous avons principalement utilisé jusqu’ici le terme de « logement » pour
désigner un bien spécifique et évoquer le fait qu’il donnait lieu à des ana-
lyses en termes de « besoins ». Pour l’essentiel, nous n’avons usé du terme
d’« habitat » que pour désigner des politiques, généralement parce que c’est
la terminologie consacrée par la loi ou par les pratiques professionnelles
(le programme local de l’habitat, par exemple). Il faut désormais expliciter
les raisons de l’utilisation de ces deux termes.
Le logement désigne autant le bien qui s’échange sur le marché que celui
que l’on construit ou sur lequel on fait des travaux, et que l’objet physique
à l’intérieur duquel les ménages se logent. C’est la raison pour laquelle
ce premier terme est employé aussi bien par les économistes que par les
acteurs impliqués dans la dimension sociale de la question. C’est donc le
mot le plus adapté pour désigner les volets sociaux et économiques des
politiques que nous avons évoquées jusqu’ici.
Toutefois, le logement est aussi l’une des principales matières premières
du cadre bâti et, plus largement, du cadre de vie, tant en milieu urbain
que dans les zones rurales. Ce lien entre le logement et le cadre de vie,
résultat de son caractère localisé, en fait un outil majeur des politiques qui
visent à agir sur les différentes composantes de l’environnement résidentiel.
C’est pour désigner ces politiques que s’est souvent opéré le glissement de
vocabulaire du logement vers l’habitat. Ce dernier terme vise à désigner
une préoccupation de l’action publique qui dépasse la simple fourniture
d’un abri pour le situer dans un espace dont les caractéristiques influent
elles-mêmes sur les modalités de sa fourniture (son prix, son attractivité,
les caractéristiques sociales de son occupation, etc.). De fait, les termes
de « politique du logement » et de « politique de l’habitat » sont souvent
utilisés comme synonymes, mais nous nous attacherons ici à les différen-
cier, notamment pour souligner l’importance des dimensions urbaines des
politiques qu’ils recouvrent.
Les enjeux urbains ont pris, depuis le début des années 1990, un poids
considérable. Ils correspondent aux politiques spatiales qui utilisent les
outils propres au logement (production, amélioration, investissement,
solvabilisation) pour viser des objectifs dépassant l’approche sectorielle de la
satisfaction des besoins. Les registres de ces politiques sont multiples, mais
trois d’entre eux dominent aujourd’hui : celui de la mixité sociale, celui
du renouvellement urbain et celui de l’environnement ; ils illustrent bien
des politiques qui portent l’attention de leurs acteurs vers l’organisation
spatiale ou sociale de la ville et pour lesquelles le logement n’est qu’un
outil parmi d’autres (même si c’est parfois le principal).
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  65

On peut esquisser les contours des enjeux urbains des politiques de l’habitat
à partir de ces trois registres, pour en souligner les attendus et certaines
contradictions ; notamment dans leur façon d’intégrer (ou non) la longue
durée des processus résidentiels.

La mixité sociale
L’objectif de mixité sociale est aujourd’hui une dimension majeure du corps
de doctrines des politiques urbaines et il contribue à leur argumentation,
ainsi qu’à la définition de beaucoup de leurs outils, notamment dans le
champ du logement.
Si on retient une acception large de l’impératif de mixité sociale tel que
mis en œuvre dans les politiques urbaines françaises, qui postule qu’un
fonctionnement harmonieux de la société doit reposer sur un mélange des
catégories sociales dans l’espace résidentiel, on peut en envisager au moins
deux approches dont la coexistence n’est pas exempte de contradictions :
– si l’espace habité doit être mixte, il doit permettre aux ménages relevant
de toutes les catégories sociales de trouver à s’y loger à tout moment dans
de bonnes conditions. On rejoint ici l’approche en termes de satisfaction
des besoins et ses relations avec le marché du logement. Ce sont les dyna-
miques de mobilité des ménages qui en sont le moteur. Les politiques du
logement visent ici à rendre possible l’accomplissement des parcours de
chacun. L’enjeu de mixité sociale consiste alors à éviter que se produise un
effet de filtrage territorial ou de spécialisation sociale des espaces ;
– plus classiquement, on peut ne retenir que l’acception plus précise de
la notion de mixité, qui correspond plutôt à une approche spatiale de la
composition sociale des ensembles urbains, tant à l’échelle de l’opération
immobilière que du quartier ou de la commune. Le but est alors de faire
en sorte que les groupes sociaux visés cohabitent à ces différentes échelles.
Les politiques s’affairent ici à « mettre ensemble » les groupes sociaux.
Dans cette seconde acception de la mixité sociale, il arrive que l’on se limite
à deux volets d’action censés être complémentaires : d’une part, l’exigence
d’un taux minimum de logements sociaux dans les communes urbaines (le
fameux article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbains – SRU –,
modifié par la loi « Duflot » n° 2013-61 du 18 janvier 20139, qui oblige
les communes urbaines à avoir sur leur territoire au moins 25 % de loge-
ments sociaux au lieu de 20 %) ; d’autre part, la diversification de l’offre
de logements dans les villes et quartiers les plus marqués par la pauvreté.

9. Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur


du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite
loi « Duflot », article 10.
66  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Le relatif renouveau de l’urbanisme opérationnel, tant dans le cadre des


politiques de renouvellement urbain que dans celui des grandes opérations
de construction neuve, reprend ces principes d’action à son compte et
développe le propos en remettant au goût du jour la « diversité de l’habitat »
qui avait guidé, en leur temps, la construction des villes nouvelles10.
L’ensemble de ces démarches s’appuie sur l’idée que la diversité sociale
peut se fabriquer en mélangeant les statuts d’occupation des logements à
une échelle appropriée. Cette hypothèse se vérifie dans ses grandes lignes
en croisant la répartition des niveaux de revenu avec les trois principaux
statuts d’occupation.
Pour argumenter en sens inverse, on peut rappeler que, sans l’affirmer
dans les mêmes termes, les constructeurs des grands ensembles se sont
appuyés avec constance sur une diversité de modes de financement qui
assuraient la coexistence, dans les Zup, de copropriétés, de logements
sociaux « ordinaires », d’immeubles très sociaux et de ce que nous appel-
lerions aujourd’hui des logements intermédiaires. Après trente à quarante
ans, ces modèles de mixité des statuts ont connu quelques déconvenues.
Les dynamiques sociales et économiques ont progressivement remis en
cause les mixités originelles. Les mécanismes du marché du logement,
sous l’effet des choix de localisation des ménages, ont mis à mal les équi-
libres construits à l’origine, produisant des processus de valorisation et de
dévalorisation qui doivent bien plus aux composantes de l’environnement
résidentiel qu’à la typologie des logements.
Les phases des cycles immobiliers peuvent accélérer ou ralentir ces évo-
lutions. Toujours est-il qu’une politique de production neuve visant à
favoriser la mixité sociale ne peut s’arrêter à une approche immédiate de la
consistance des opérations programmées. Les résultats n’en seront véritable-
ment visibles qu’après plusieurs changements d’occupants des logements.
L’anticipation en la matière n’est pas aisée ; elle impose de sortir du domaine
immobilier et de relier la programmation et la gestion du logement à une
approche territoriale des politiques urbaines qui intègre, au sein d’une
vision élargie de l’attractivité résidentielle, elle-même conçue dans la longue
durée, les différentes composantes de la vie urbaine : emploi, scolarité,
petite enfance, transports, etc. C’est d’ailleurs dans cette dimension que
réside l’essentiel de la légitimité d’une territorialisation des politiques du
logement et de l’accroissement des responsabilités des collectivités locales
en la matière, sur lequel nous reviendrons.

10. Les villes nouvelles sont de vastes opérations d’urbanisme lancées en Île-de-France, dans le
cadre du schéma directeur de 1965, et diffusées également autour de Lyon, Lille, Marseille et
Rouen. Il s’agissait de créer de nouveaux pôles de développement urbain à l’écart des agglo-
mérations existantes. À l’opposé des grands ensembles, les villes nouvelles avaient pour voca-
tion de ne pas être des cités-dortoirs, mais d’accueillir autant d’emplois que d’habitants, dans
une logique de diversité sociale qui devait en faire des villes complètes et pour tous.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  67

C’est l’objet de l’articulation entre la problématique de la mixité sociale et


celle de la maîtrise de l’urbanisation qui motive pour partie les politiques
de renouvellement urbain et trouve une légitimité accrue avec la montée
des préoccupations environnementales.

Le renouvellement urbain
En effet, on peut considérer qu’une part largement majoritaire des politiques
territoriales se développe aujourd’hui dans ce que l’on a pris l’habitude
d’appeler le renouvellement urbain. La conjonction de l’impératif de
construction de logements en grand nombre avec la nécessité de maîtrise
des processus d’étalement impose de travailler la matière urbaine existante
en y recherchant les moyens d’une production qui soit à la fois abondante
et respectueuse de la qualité de la vie en ville.
La loi SRU de décembre 2000 et la loi Alur du 24 mars 2014 posent les
termes de ces politiques au sein d’une préoccupation générale de maîtrise
de l’urbanisation. En ce qui concerne le logement, elles rencontrent de
multiples obstacles d’ordres sociologique, économique et institutionnel.
En effet, 78 % des accédants à la propriété récents habitaient dans une
maison individuelle en 2013 (contre 31 % pour les locataires du secteur
privé et 17 % pour les locataires HLM), ce qui indique que, lorsqu’ils
peuvent mettre en œuvre un projet de long terme, la grande majorité des
ménages rejette l’habitat collectif. 39 % de ces accédants en maison indi-
viduelle ont acquis un logement dans une commune rurale. Ce constat
apparemment imparable alimente l’argumentaire libéral selon lequel les
politiques de lutte contre l’étalement urbain iraient à l’encontre des aspi-
rations de la majorité des familles vivant en France. Ils suggèrent aussi
que les choix résidentiels manifestent un net refus de la densité urbaine.
La prise en compte de ces difficultés se heurte souvent aux contradictions
induites par l’emboîtement des niveaux institutionnels de responsabilité
des politiques de l’habitat et par le décalage entre ces niveaux et la réalité
du fonctionnement des marchés du logement. La première de ces contra-
dictions est à mettre en relation avec l’enjeu économique qui a longtemps
fait des régimes d’aides à la pierre de puissants moteurs d’étalement ; ce fut
le cas du PAP (prêt d’accession à la propriété, en vigueur de 1978 à 1995)
et, sauf entre 2005 et 201111, du prêt à taux zéro, principalement destinés
à financer des logements neufs.

11. Entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2011, le prêt à taux zéro était ouvert à toutes les
acquisitions, même de logements anciens, sans obligation de travaux, ce qui avait réduit son
impact sur l’activité de construction et sur l’étalement urbain, mais considérablement accru
son coût pour l’État.
68  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Plus près de la décision locale, on constate une autre contradiction per-


sistante entre des politiques communales de maîtrise de l’usage des sols et
des droits de construire (la plupart des PLU – plans locaux d’urbanisme –
restent énoncés au niveau communal, même si, depuis la loi Alur du
24 mars 2014, la règle est désormais le PLU intercommunal) et l’échelle
intercommunale de l’exposé et de la mise en œuvre des programmes locaux
de l’habitat. Plus largement, on observe que les périmètres des établisse-
ments publics de coopération intercommunale (EPCI) urbains, au mieux
calés sur le territoire des agglomérations, excluent de fait l’essentiel du
périurbain, où se développe une part croissante des parcours résidentiels
de leurs habitants. Ce dernier point constitue l’un des objectifs majeurs des
schémas de cohérence territoriale (Scot), qui doivent relier entre elles les
politiques du logement conçues et mises en œuvre dans les agglomérations
avec la problématique plus large des dynamiques socio-spatiales des aires
urbaines. La maîtrise des enjeux urbains des politiques de l’habitat dépasse
donc de loin les seuls outils sectoriels du logement ; elle suppose d’adopter
une acception étendue de la relation de compatibilité prévue par le Code de
l’urbanisme entre le PLH, le Scot et le PLU (art. L. 122-1-1 et L. 123-1).
Partant de ces attendus, le débat public sur les politiques urbaines s’est
focalisé à partir de la fin des années 1990 sur la question de la densité des
espaces résidentiels. C’est, par exemple, un point central pour le schéma
directeur de la région Île-de-France (Sdrif). Ce débat est piégé par l’intensité
du rejet, par l’opinion et par de nombreux élus locaux, d’une approche de
la densité urbaine qui renvoie à la fois à la critique des tours et des barres
des grands ensembles et au tropisme des ménages vers la maison indivi-
duelle. Pourtant, le caractère largement erroné de ce raisonnement fait
quasiment l’unanimité au sein des milieux professionnels de l’urbanisme,
qui soulignent conjointement la persistance de la forte valeur des quartiers
centraux des grandes villes, la faible densité d’occupation du sol de la plupart
des grands ensembles et l’absence de contradiction définitive avec certaines
formes de maison individuelle. Le problème est donc aujourd’hui avant
tout posé en termes de pédagogie de l’action publique, qui doit surtout se
traduire par un renouveau des réflexions sur la qualité de l’espace habité et
sur la réalité des attentes des habitants à l’égard de leur habitat.
Dans une certaine mesure, la politique de rénovation urbaine lancée
en 2004 a contribué à cette démarche qualitative en reprenant le travail
de « fabrication » de la ville sur la base des formes rejetées de l’urbanisme
des années 1960 et 1970. La rénovation urbaine des années 2000 et 2010
a constitué un concentré des enjeux urbains des politiques de l’habitat à
travers ses deux principaux volets opérationnels : la restructuration urbaine ;
les démarches de reconstitution et de diversification de l’offre de logements.
On y retrouve donc autant les préoccupations posées en termes de par-
cours résidentiel et de mixité sociale que celles plus directement liées à la
transformation des espaces urbains.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  69

La démolition des logements sociaux est l’une des singularités de ces poli-
tiques. En première analyse, celle-ci apparaît d’abord contradictoire avec la
nécessité d’accroissement d’une offre de logements abordables. Elle semble
également symboliser le retour en force de l’idée, abondamment critiquée
ces dernières décennies, selon laquelle certaines formes architecturales et
urbaines seraient porteuses, par elles-mêmes, de pathologies sociales. La
réalité des opérations est évidemment plus complexe. En effet, donner aux
sites traités une nouvelle attractivité résidentielle passe autant par la démo-
lition des bâtiments les plus obsolètes que par la disparition symbolique
des lieux dont la notoriété est la pire. Il s’agit aussi de créer un nouveau
tissu urbain organisé par des rues et des îlots désenclavés du reste de la ville.
La nécessité de démolir en devient souvent une condition opérationnelle.
L’un des points communs de ces enjeux symboliques et opérationnels est
de privilégier l’avenir par rapport au présent, en donnant plus de poids à
la perspective d’attractivité future qu’au choc que peuvent provoquer la
démolition et le relogement des ménages évincés. Cette posture privilégiant
le long terme est sans doute un fondement essentiel de tout bon urbanisme ;
encore faut-il en mesurer toutes les conséquences sociales immédiates pour
les adoucir et conserver l’humilité qu’imposent tous les regards rétrospectifs
sur les politiques urbaines des cinquante dernières années.
Encore une fois, le temps apparaît comme la variable essentielle des poli-
tiques de l’habitat et de l’urbain ; un temps porteur de contradictions
entre l’immédiateté de l’habitant d’aujourd’hui, la courte durée des cadres
institutionnels et juridiques d’intervention, le moyen terme du projet
et la perspective la plus longue des processus de valorisation/dévalorisa-
tion urbaine. Le filtre temporel est probablement aujourd’hui le meilleur
moyen d’étude de la pertinence des opérations de rénovation urbaine et
d’évaluation de leurs effets.

L’environnement
L’utilisation du logement comme outil des politiques environnementales,
beaucoup plus récent et encore embryonnaire, confirme, par essence, les
enjeux d’intégration de la longue durée. Elle converge avec la problématique
du renouvellement urbain dans son combat contre l’étalement et pour la
densité. C’est, là encore, une façon de lier la question du logement à celle
de l’évolution des territoires, avec pour objectif premier la réduction du
nombre et de la longueur des déplacements les plus coûteux en émission
de gaz à effet de serre, le tout sans nuire au développement économique
et à l’emploi. Les contradictions potentielles avec les autres grands enjeux
des politiques du logement sont fortes. En effet, si on considère nécessaire
de construire plus et moins cher, la maison individuelle et l’étalement sont
souvent les manières les plus efficaces d’y parvenir.
70  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

La problématique de l’étalement et des déplacements illustre la puissance


du lien entre les questions environnementales et les politiques du logement ;
ce lien s’est encore considérablement resserré avec la mise en évidence de
l’impact des consommations énergétiques directes de l’habitat sur l’émission
des gaz à effet de serre. Les lois de 2009 et 2010 consécutives au Grenelle
de l’environnement et la loi relative à la transition énergétique pour la
croissance verte du 17 août 201512 ont ouvert de nouveaux champs aux
politiques de l’habitat, tout en mettant en évidence l’importance du coût
que représente la mise à niveau du parc ancien. Quels volumes d’aides
financières seront nécessaires pour traiter l’ensemble du parc, notamment
lorsque ses occupants ne disposent pas des ressources suffisantes ? Où placer
la frontière entre l’incitation aux travaux, motivée par les économies de
charge et la lutte contre la précarité énergétique, et la coercition rendue
nécessaire par le respect des engagements internationaux de la France en
matière d’émissions de CO2 ? Le chantier est encore à peine ouvert et
marquera les prochaines décennies ; il oblige au maintien d’un certain
volant d’aides à la production et il joue un rôle important dans le soutien
à l’artisanat du bâtiment et à l’innovation technique. Mais il occasionne
des coûts supplémentaires souvent incompatibles avec la solvabilité des
propriétaires à bas revenu.
De fait, les préoccupations environnementales liées au réchauffement
climatique doivent être pensées conjointement avec des enjeux sociaux
beaucoup plus immédiats, exprimés en termes de précarité énergétique13,
mais aussi de devenir des patrimoines immobiliers détenus par des ménages
modestes qui n’auront pas les moyens de les mettre à niveau.
Ce peut être également l’occasion d’engager une réflexion sur la valeur
patrimoniale des logements existants : à quelles conditions doit-on ou peut-
on conserver des immeubles dont la valeur architecturale ou historique se
combine avec une consommation énergétique inacceptable ?

***

L’étude des politiques du logement suppose donc d’intégrer des moti-


vations, des temporalités et des géographies diverses. Cette multiplicité
d’enjeux dessine une pluralité des politiques dont on retrouve les traces
aussi bien pour traiter des outils qu’elles mobilisent que pour comprendre
les acteurs qui les conçoivent et les mettent en œuvre. Il en résulte un

12. Celle-ci prévoit notamment un certain nombre de dispositifs visant à accélérer la rénova-
tion énergétique des logements (allègement fiscal, prêt à taux zéro, chèque énergie…) et la
construction de bâtiments à énergie positive.
13. La lutte contre la précarité énergétique est l’un des enjeux prioritaires de l’Agence nationale
de l’habitat (Anah) depuis 2009.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  71

écheveau d’interactions dont aucune des dimensions, prise isolément,


ne permet une compréhension complète. Cette vision systémique aide à
appréhender à la fois la quantité de lois et règlements auxquels le domaine
donne lieu et le caractère souvent très composite des grands textes votés
depuis les années 1990. Elle incite aussi à sortir du strict champ couvert par
le ministère supposément en charge du domaine, qui n’en assume en fait
qu’une partie de plus en plus faible, concurrencé qu’il est tant par l’action
sociale que par les finances et le développement durable.
La description des principaux outils de ces politiques aide à en comprendre
la complexité.

Les moyens
La diversité des enjeux que traitent les politiques du logement et de l’habitat
se reflète dans la gamme très large des outils qu’elles mobilisent. Pour
schématiser, on peut les classer en deux grandes rubriques : les aides finan-
cières et le cadre juridique. Avant de consacrer les prochains chapitres au
récit des évolutions historiques qu’ont subies ces moyens d’action, nous
allons en décrire brièvement les principales caractéristiques au milieu des
années 2010.

Les aides financières


Les aides financières au logement entretiennent des relations très fortes
avec les grandes catégories d’enjeux auxquelles elles se réfèrent. Pour en
décrire les contours, il existe au moins trois grilles d’analyse :
– la première, traditionnelle, distingue les aides à la pierre des aides à la
personne, c’est-à-dire celles qui visent à contribuer au financement de la
production de celles qui concourent à la consommation du logement par
les ménages ;
– la deuxième, plus récente et principalement promue par le Compte du
logement14, différencie les aides donnant lieu à un versement effectif (aux
producteurs comme aux consommateurs) de celles qui constituent un

14. Le Compte du logement, compte satellite de la comptabilité nationale publié chaque année
depuis 1994 et comprenant des séries rétrospectives remontant à 1984, retrace la production
et la consommation de services de logement, ainsi que la consommation de biens et services
connexes considérés comme participant du domaine. Il décrit en outre les investissements
nécessaires à la production du service de logement, ainsi que les dépenses correspondantes et
leur financement. Le Compte décrit également les aides publiques, les prélèvements et les cir-
cuits de financement spécifiques, et fournit des données physiques sur le parc de logements.
72  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

avantage indirect (soit en faisant bénéficier de taux d’intérêt inférieurs au


marché, les « avantages de taux », soit sous la forme d’une aide fiscale, c’est-
à-dire d’un manque à gagner pour la collectivité bénéficiaire de l’impôt) ;
– la troisième, qui recoupe en partie les deux premières, sépare, d’un côté,
les aides dites « contingentées », c’est-à-dire donnant lieu à la fixation
d’une enveloppe en début d’année budgétaire et à des décisions unitaires
d’affectation jusqu’à épuisement du budget disponible, et, de l’autre, des
aides non contingentées, distribuées en droits ouverts, sans plafond de
dépense et, par définition, sans décision au cas par cas.
Afin de simplifier la présentation qui suit, nous reprendrons pour l’essentiel
la grille traditionnelle en y introduisant quelques importantes nuances
inspirées par les deux autres15. Nous y ajouterons un bref développement
sur une source de financement particulière : la participation des employeurs
à l’effort de construction (Peec), que l’on a pris l’habitude d’appeler le
« 1 % logement ».
L’ensemble des chiffres cités dans les lignes qui suivent sont tirés de l’édition
2015 du Compte du logement, portant sur l’année 2013.

Les prestations sociales liées au logement : les aides à la personne


et l’hébergement
Les aides à la personne relèvent des aides effectives ; elles sont aujourd’hui,
de loin, la principale source de dépense publique liée au logement, avec
un total de 17,4 milliards d’euros en 2013.
En 2015, on distingue deux grands régimes d’aides à la personne :
– l’aide personnalisée au logement (APL), qui concerne les logements
ayant donné lieu à la signature d’une convention avec l’État, c’est-à-dire
l’essentiel du parc social, les logements conventionnés réhabilités avec
l’aide de l’Anah et les emprunts souscrits par certains accédants à la pro-
priété ayant eu recours à des prêts d’accession sociale (PAS) ou à des prêts
conventionnés16 ;
– les deux régimes de l’allocation logement (AL) : allocation logement à
caractère social (ALS) et allocation logement à caractère familial (ALF),
qui concernent tous les ménages ne pouvant pas bénéficier de l’APL.

15. Cela nous conduira à omettre deux volets des aides fiscales au logement qui ne constituent ni
une aide à la consommation, ni une aide à la production : les déductions forfaitaires sur les
revenus fonciers des particuliers et l’exonération de l’impôt sur les sociétés dont bénéficient
les organismes d’HLM (soit un ensemble d’avantages chiffré à 1,1 milliard d’euros en 2013
par le Compte du logement).
16. Les aides à la personne des accédants à la propriété ont été remises en cause par le projet de
loi de finances pour 2015. Fortement contestée par les parlementaires, cette mesure a été
repoussée d’un an et reste en débat au moment de la mise à jour de cet ouvrage.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  73

Les barèmes de ces deux régimes sont aujourd’hui homogénéisés. Le calcul


des aides repose pour l’essentiel sur trois variables : la composition du
ménage (notamment le nombre d’enfants à charge), son revenu et sa
dépense de logement (mensualités de remboursement ou loyers, les charges
étant prises en compte de façon forfaitaire selon la taille du ménage). Il
s’agit donc d’aides en droit ouvert sans aucun contingentement, distribuées
par les caisses d’allocations familiales (Caf). Pour les locataires, l’APL est
versée en tiers payant au propriétaire du logement et déduite de la quit-
tance ; l’AL est, en principe, versée directement au ménage, le tiers payant
étant soumis, pour ce régime, à l’accord des deux parties contractant le
bail. Cette différence est importante dans la mesure où elle modifie sensi-
blement les modalités de l’affectation de l’aide à la dépense de logement.
On comptait, en décembre 2014, 6,3 millions d’allocataires, soit un peu
plus de 22 % des ménages, dont 93 % étaient locataires, 57 % relevaient
de l’AL et 43 % de l’APL.
Le financement des aides à la personne varie selon le régime concerné.
En termes globaux, il est assuré conjointement par l’État (33 % du total),
les régimes sociaux via les cotisations familiales (50 %) et par le Fonds
national d’aide au logement (Fnal), alimenté par une contribution des
entreprises extraite du 1 % logement (17 %).
Il faut ajouter à cet ensemble les aides personnelles qui relèvent du domaine
spécifique du volet très social des politiques du logement. Pour l’essen-
tiel, celles-ci proviennent des fonds de solidarité logement (FSL), gérés
depuis 2005 par les départements, et des diverses aides aux associations
spécialisées dans le logement des personnes défavorisées. Nous y revien-
drons à propos du droit au logement (chapitre 4). L’ensemble de ces aides
contingentées atteignait en 2013 un montant total d’un peu moins de
320 millions d’euros.
Le champ particulier de l’hébergement collectif a représenté, pour sa
part, une dépense publique estimée à 2,2 milliards d’euros pour 2013,
principalement sous la forme de l’Aide sociale à l’hébergement (ASH).

Les aides à la pierre et les avantages fiscaux


Les aides à la pierre sont beaucoup plus difficiles à analyser, du fait de
leur grande diversité. En effet, si l’on considère que le terme recouvre
l’ensemble des aides à la production, on y trouve aussi bien des moyens
affectés à la construction neuve qu’aux travaux dans le parc existant ; elles
prennent les formes d’aides directes, d’avantages de taux et d’incitations
fiscales. Certaines opérations de construction cumulent d’ailleurs les trois
modalités. C’est le cas de la production de logements locatifs sociaux, qui
donne lieu, en 2015, à des subventions, à des prêts réglementés avantageux
74  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

et à une TVA à taux réduit. Tentons toutefois, sans souci d’exhaustivité17,


de dresser un tableau général des aides à la pierre en distinguant les aides
directes et contingentées des prêts aidés et réglementés et des aides fiscales.
Les aides directes sont aujourd’hui nettement minoritaires dans le tableau
général. Elles se répartissent pour l’essentiel dans trois filières : le finance-
ment ordinaire de la production du logement social, les aides de l’Anah
et celles de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru).
Le financement direct de la production de logements sociaux concerne
tant l’accroissement du parc que l’amélioration de l’existant ; il se fait par le
biais de subventions de l’État, forfaitaires ou proportionnelles au coût des
opérations, éventuellement complétées par les collectivités territoriales, dont
le taux dépend du type de logement financé, c’est-à-dire principalement
des contreparties sociales auxquelles il donnera lieu (loyers et plafonds de
ressources). Le financement de l’accroissement du parc couvre désormais
aussi bien la construction neuve que l’acquisition d’immeubles existants,
avec ou sans travaux d’amélioration, et même l’achat d’immeubles neufs
construits par des promoteurs, via les modalités de la vente en l’état futur
d’achèvement18 (Vefa). Au milieu des années 2010, trois produits finan-
ciers coexistent :
– le prêt locatif à usage social (PLUS), créé en 2000, produit central cor-
respondant à la définition la plus traditionnelle du logement social ; son
taux de subvention n’a pas cessé de décroître depuis la fin des années 2000,
pour devenir nul dans la majorité des cas en 2015 ;
– le prêt locatif aidé d’intégration (PLA-I), dont le subventionnement
direct est maintenu, pour produire des logements destinés à des ménages à
revenus plus bas et bénéficiant, le cas échéant, d’un accompagnement social ;
– le prêt locatif social (PLS), sans subvention mais bénéficiant de la TVA à
taux réduit et de prêts avantageux, visant à produire des logements à loyers
intermédiaires destinés à des ménages à revenus moyens.
L’amélioration du parc social, qui a connu son heure de gloire au cours des
années 1980-1995 avec les financements Palulos19, est désormais exclusive-
ment financée par des prêts, puisque les subventions correspondantes, en
baisse constante depuis la fin des années 1990, ont été supprimées en 2009

17. Le domaine des aides à la production est mouvant. Il faut, en la matière, se contenter d’en
donner à comprendre les grands principes.
18. La Vefa est le principal outil de vente de logements à construire par les promoteurs, tant pour
les acheteurs particuliers que pour les organismes d’HLM, qui peuvent acheter en Vefa depuis
la loi SRU de 2000, selon des modalités qui ont été largement assouplies depuis. L’acheteur en
Vefa réserve un logement sur plan avant même l’ouverture du chantier et en devient ensuite
progressivement propriétaire, au fur et à mesure de sa construction, en répondant aux appels
de fonds successifs du promoteur. Ce régime juridique est très sécurisé pour l’acheteur.
19. Ce sigle, qui signifiait « prime à l’amélioration des logements à usage locatif et à occupation
sociale », reste utilisé par les milieux professionnels, même si les aides correspondantes s’ap-
pellent, depuis 1988, « subvention à l’amélioration des logements locatifs sociaux ».
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  75

en dehors des programmes de rénovation urbaine. Les travaux générant


des économies d’énergie donnent lieu à « l’éco-prêt logement social » à
taux très avantageux, mais à aucune subvention de l’État.
Cet ensemble de financements contingentés représente, selon les années,
entre 400 et 700 millions d’euros de crédits financés directement par le
budget de l’État (période 2003-2013 ; 634 millions en 2013). Il n’est plus
désormais qu’un complément aux aides principales que sont la TVA à taux
réduit, l’exonération de taxe foncière et les différents prêts réglementés de
la Caisse des dépôts et consignations (voir p. 77).
Les aides de l’Anah sont destinées à l’amélioration des logements appar-
tenant à des propriétaires privés. Elles se répartissent entre les subven-
tions aux propriétaires occupants, sous conditions de ressources assez
rigoureuses, et celles destinées aux propriétaires bailleurs. Dans les deux
cas, ces aides, généralement proportionnelles au montant des travaux
engagés, peuvent être versées soit dans le parc diffus, soit dans le cadre
d’opérations programmées à l’initiative des collectivités territoriales et
donnant lieu, au sein d’un périmètre donné, à des actions incitatives ou
coercitives renforcées pendant une période de trois à cinq ans. Ce sont les
opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah, assorties ou
non de thématiques spécifiques : renouvellement urbain, copropriétés,
lutte contre la vacance, revitalisation rurale…), ou encore les programmes
d’intérêt général (PIG, concernant des thématiques techniques ou sociales
particulières) ou les programmes sociaux thématiques (PST, sortes d’Opah
à ciblage social renforcé).
Les subventions accordées aux propriétaires bailleurs sont conditionnées
à la signature d’une convention avec chacun d’entre eux, par laquelle il
s’engage à pratiquer pendant neuf ans un loyer inférieur à ceux du marché
selon une grille en trois niveaux : intermédiaire, social ou très social. On
parle alors de « loyers maîtrisés », et des plafonds de ressources s’appliquent
aux locataires.
L’ensemble des financements directs de l’Anah représente un budget annuel
global de 320 à 450 millions d’euros (période 2003-2013 ; 322 millions
en 2013). Cette enveloppe contingentée était, jusqu’en 2008, financée
par le budget de l’État. Entre 2009 et 2013, c’est Action Logement (orga-
nisme chargé de la gestion de la participation des employeurs à l’effort de
construction) qui l’alimentait. Depuis 2014, l’Anah dépend de ressources
composites et, pour la plupart, fragiles : l’essentiel provient de recettes
tirées de la politique de réduction de l’émission de gaz à effet de serre
(GES : vente d’actifs carbone, mise aux enchères de quotas d’émission
et contribution des fournisseurs d’énergie en contrepartie d’émission de
certificats d’économie d’énergie). Pour 2015, son budget initial s’établit
à 502 millions d’euros.
76  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Les deux lignes budgétaires d’aides directes contingentées (logement social


et Anah) sont distribuées localement, sur la base des projets présentés
par les maîtres d’ouvrage et des demandes déposées par les propriétaires
privés, par les services déconcentrés de l’État (directions régionales de
l’environnement, de l’aménagement et du logement – Dreal). Depuis le
1er janvier 2005, en application de la loi du 13 août 2004 sur les libertés
et responsabilités locales, ces lignes budgétaires peuvent être déléguées par
l’État aux intercommunalités et conseils généraux qui en font la demande et
prennent en charge leur répartition sur les territoires dont ils ont la charge.
On parle alors de « délégation des aides à la pierre » ; nous y reviendrons
de façon détaillée dans le chapitre 4.
Les aides de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) destinées
au secteur du logement20 relèvent de mécanismes financiers très proches du
droit commun du logement social. Elles se singularisent par le fait qu’elles
sont renforcées, qu’elles incluent encore des subventions à l’amélioration
du parc et qu’elles contribuent de façon très importante au financement
d’opérations de démolition/reconstruction. Par ailleurs, les décisions
de financement sont très centralisées, puisqu’elles sont prises à l’échelle
nationale par le comité d’engagement de l’agence, sur la base de projets
présentés par les communes concernées par la géographie prioritaire de la
politique de la ville. En 2015, les subventions de l’Anru doivent s’élever
à 880 millions d’euros. Son budget annuel global est proche du milliard
d’euros ; initialement financé à parts à peu près égales par l’État et Action
Logement, il est désormais majoritairement pris en charge par ce dernier.
Au total, les aides publiques directes et contingentées à la production de
logements représentent donc un montant inférieur à 2 milliards d’euros par
an, auxquels il faut ajouter une estimation de 1,4 milliard en provenance
des collectivités locales, soit cinq fois moins que les aides à la personne.
Les prêts aidés et réglementés fournissent à leurs bénéficiaires un avantage
de taux. Le manque à gagner correspondant pour le prêteur est compensé
selon des modalités diverses. Ces avantages sont étroitement dépendants de
la conjoncture financière, puisqu’ils se construisent sur l’écart entre un prêt
aidé ou réglementé et ce qu’il en coûterait, pour le bénéficiaire, s’il avait
recours aux prêts bancaires ordinaires. Lorsque les taux de marché sont bas,
les avantages de taux sont mécaniquement moins forts. Pour l’essentiel,
le champ des avantages de taux se réduit aujourd’hui à deux domaines :

20. L’Anru, créée en 2004 pour mener à bien le Programme national de rénovation urbaine
(PNRU), lancé par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003, n’octroie pas seulement des aides au
logement, puisqu’elle contribue, de façon globale, à la conception et à la mise en œuvre de
projets urbains de grande ampleur qui exigent notamment des financements en matière de
coordination opérationnelle et de réalisation d’espaces et d’équipements publics. Nous ne
traitons ici que des aides au logement.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  77

les prêts octroyés pour la construction, l’acquisition ou l’amélioration des


logements locatifs sociaux et le prêt à taux zéro (PTZ) de l’accession sociale.
Outre les subventions déjà évoquées, le secteur du logement social bénéficie,
pour financer ses opérations d’investissement, de l’exclusivité du recours à
des lignes de crédit gérées par la Caisse des dépôts et consignations (CDC),
assises sur la masse financière du Livret A. Il s’agit là aujourd’hui du dernier
circuit totalement spécifique au financement du logement en France, qui
permet de mettre en place des prêts réglementés sans recourir à une aide
publique directe21. Même ouvert à l’ensemble des réseaux bancaires depuis
le 1er janvier 2009, il reste étroitement réglementé ; son taux de centrali-
sation à la Caisse des dépôts et consignations doit désormais permettre
de disposer d’au moins 1,25 fois l’encours des prêts habitat et ville de la
CDC et correspond approximativement à 65 % de l’encours du Livret A.
L’importance des masses financières ainsi mises à disposition permet de
transformer ce que les épargnants prêtent à très court terme en prêts de très
longue durée, puisqu’ils atteignent 50 ans pour les acquisitions foncières
et 40 ans pour la construction. Les taux des prêts octroyés dépendent du
taux de rémunération du Livret A ; ils varient au rythme de ses ajustements,
qui ont donc des conséquences importantes sur les marges de manœuvre
des maîtres d’ouvrage du logement social en matière d’investissement.
Depuis le début des années 2000, la faiblesse des taux des marchés libres
et la volonté politique de maintenir la rémunération des petits épargnants
à un niveau acceptable ont fortement pesé sur le financement HLM ; a
contrario, les baisses de la rémunération du Livret A depuis le début des
années 201022 augmentent l’avantage de taux et accroissent les marges
de manœuvre des maîtres d’ouvrage HLM. Au milieu des années 2000,
l’avantage de taux sur les prêts au logement social représentait environ
400 millions d’euros ; en 2013, on atteint 1,7 milliard23.
Le prêt à taux zéro (PTZ)24 est aujourd’hui la principale aide publique à
l’accession à la propriété. Créé à l’automne 1995, il a remplacé le PAP, qui
avait été institué en 1977. Corrigé à de nombreuses reprises, d’abord pour
être limité à la primo-accession, puis ouvert entre 2005 et 2011 à l’acqui-
sition de logements existants sans condition de travaux, il s’agit d’un prêt

21. La seule aide, très indirecte, est l’exonération de tout prélèvement fiscal ou social sur les inté-
rêts servis par le Livret A aux épargnants.
22. Ce taux a fortement varié depuis début 2009 entre un maximum de 2,5 % et le minimum
de 0,75 % en vigueur depuis le 1er août 2015.
23. Le périmètre des avantages de taux a toutefois changé entre les deux dates, notamment sous
l’effet de la montée en charge des éco-prêts logement social, dont les taux sont très bas.
24. Au fil de ses réformes, le PTZ s’est également appelé « Nouveau PTZ » entre 2005 et 2011,
puis PTZ+ entre 2012 et 2014. L’article 59 de la loi de finances pour 2015 prolonge le PTZ
jusqu’au 31 décembre 2017 et prévoit certains aménagements (suppression de la condition de
performance énergétique ; assouplissement des conditions d’achat dans le parc social ; exten-
sion à l’achat de logements anciens à réhabiliter en milieu rural, dans les 6 000 communes
concernées par le PTZ rural, listées sur le site du ministère chargé du logement).
78  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

complémentaire à un prêt bancaire ordinaire, dont la quotité maximale


varie entre 18 et 26 % selon les zones géographiques (en fonction de la
diversité des niveaux de tension des marchés de l’accession) et dont le taux
d’intérêt est nul. Il est délivré sans contingent par les établissements ban-
caires commerciaux et soumis à des conditions de ressources (sauf en 2011
et 2012). Plus les revenus des emprunteurs sont faibles, plus s’allonge le
différé de remboursement du prêt. C’est ainsi que les bénéficiaires les
plus aisés remboursent le PTZ dès les premiers mois, alors que les plus
modestes ne commencent à le rembourser qu’après avoir entièrement
payé le prêt bancaire principal. Le manque à gagner pour les banques
commerciales qui délivrent le prêt à taux zéro est compensé par le budget
de l’État sous la forme d’une réduction de leur impôt sur les sociétés. Au
cours de ses premières années d’existence, le PTZ a touché un peu plus de
120 000 ménages par an, pour passer sous la barre des 100 000 au début
des années 2000 et descendre même à 75 000 prêts en 2004, du fait de la
hausse des prix immobiliers.
L’ouverture à l’ancien en 2005 change la donne ; jusqu’en 2011, le nombre
de prêts à taux zéro dépasse les 200 000 unités annuelles (dont deux tiers
d’achats de logements existants) et atteint même 323 000 prêts en 2011.
Le resserrement du périmètre en 2012 et 2013 aboutit à une chute bru-
tale à 126 000 prêts en 2012 et à 59 000 en 2013. Le montant total des
avantages de taux correspondants s’en ressent très fortement ; il tournait
autour du milliard d’euros jusqu’en 2001, pour descendre ensuite jusqu’à
500 millions en 2004 et remonter en flèche jusqu’à 2,3 milliards en 2011
et revenir à 631 millions en 2013.
Le PTZ relève donc du champ des aides non contingentées, dont les
contours sont définis au niveau national, sans intervention locale ni subven-
tion directe. Depuis la fin des années 2000, ces modalités nationales sont
cependant nuancées par deux catégories de dispositions complémentaires
qui apportent un début de spatialisation à un dispositif principalement
conçu « hors sol ». Il s’agit, d’une part, de l’ouverture en 2006 d’une TVA
à taux réduit lorsque les logements acquis sont situés à l’intérieur ou à
proximité des zones urbaines sensibles (Zus) ; d’autre part, depuis 2009, de
l’introduction d’un ensemble de mesures qui visaient à relancer la primo-
accession. L’une d’entre elles, le Pass-Foncier, supprimé dès le 1er janvier
2011, avait pour caractéristique de solliciter une contribution volontaire
des collectivités territoriales. Cet instrument très temporaire a créé dans de
nombreuses collectivités une appétence pour l’accession à la propriété et
généré de nombreuses initiatives d’aides locales qui se répandent dans beau-
coup de villes sous le terme d’« accession abordable ». Nous y reviendrons.
Au total, les deux grandes catégories d’avantages de taux représentaient
donc en 2013 un montant de 2,4 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter
quelques autres dispositifs (prêts d’Action logement, éco-prêt à taux zéro)
pour atteindre 2,7 milliards.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  79

Les avantages fiscaux liés à la production de logements sont très nom-


breux et varient d’une année sur l’autre au gré des lois de finances. Une
approche simplifiée tirée des résultats du Compte du logement portant sur
l’année 2013 montre que, sur un total de 14,5 milliards d’euros d’avantages
fiscaux, soit cinq fois le volume des aides directes contingentées, quatre
rubriques principales dominent :
– les différents régimes de TVA à taux réduit, appliqués aux particuliers,
qui portent sur un total de 5 milliards ;
– un ensemble de déductions imputées à l’impôt sur le revenu des par-
ticuliers, principalement liées à l’exonération des intérêts d’emprunt sur
l’acquisition de la résidence principale (1,7 milliard) et pour les propriétaires
bailleurs ayant engagé des dépenses de grosses réparations et d’amélioration
(1,6  milliard) ;
– les aides fiscales au logement social : TVA à taux réduit pour 2,2 milliards,
exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant
25 ans pour 750 millions, exonération d’impôt sur les sociétés pour un
milliard, soit un total de près de 4 milliards ;
– enfin viennent les avantages fiscaux retirés de l’investissement immobi-
lier résidentiel neuf, s’agissant soit de logements locatifs en métropole (les
mécanismes d’amortissement créés depuis 1996 par les ministres Périssol25,
Besson et Robien26, puis portant le nom du député François Scellier27 et,
depuis 2012, des deux ministres successifs en charge du logement sous la
présidence de François Hollande : Cécile Duflot28 et Sylvia Pinel29), soit
d’investissements immobiliers dans les départements d’outre-mer (DOM),
qui représentaient en 2013 près de 1,6 milliard d’euros.
La gamme couverte par ces différents types d’aides est fort large, mais on
constate que, hormis les avantages destinés aux organismes d’HLM, aucun
n’est contingenté et qu’ils sont déclenchés par des décisions d’ordre stricte-
ment privé dont on perçoit bien l’impact sur l’économie de la construction,
mais peu sur les problématiques sociales liées au logement.
Le domaine du logement social constitue une exception sur ce plan. En
effet, il cumule à peu près tous les mécanismes d’aide. La procédure d’agré-
ment qui conditionne la construction (ou l’acquisition) de logements
sociaux en fournit une illustration. En effet, du point de vue financier, la
décision de réaliser une opération de logement social repose sur la déli-
vrance, par la Dreal ou la collectivité délégataire des aides à la pierre, d’un

25. Pierre-André Périssol, ministre et ministre délégué (RPR) chargé du logement (1995-1997).
26. Gilles de Robien, ministre centriste, notamment de l’Équipement et du Logement (2002-2005).
27. François Scellier, député UMP puis Les Républicains du Val-d’Oise depuis 2002.
28. Cécile Duflot, ministre Europe Écologie Les Verts de l’Égalité des territoires et du Logement
(2012-2014).
29. Sylvia Pinel, ministre radicale de gauche du Logement, de l’Égalité des territoires et de la
Ruralité (2014-).
80  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

agrément qui déclenche à lui seul cinq mécanismes financiers : une aide
directe (la subvention, même si celle-ci est devenue rare hors PLA-I),
deux aides fiscales (la TVA à 5,5 % et l’exonération de taxe foncière), un
avantage de taux (le prêt de la Caisse des dépôts et consignations) et, une
fois les logements occupés, le bénéfice de l’APL pour ses locataires. Dans
cet ensemble, la subvention ne constitue que la partie la plus visible, celle
à laquelle on a encore coutume de réduire la notion d’aide à la pierre, mais
qui est de très loin la plus faible de toutes. De fait, s’agissant du logement
social, une part des aides fiscales et des avantages de taux est tout aussi
contingentée et territorialisée que les aides directes.
Depuis 1984, la répartition entre les grandes modalités d’aides au logement
a connu d’importantes variations (figure 7). La principale est la très forte
augmentation des aides à la personne, qui dominent nettement l’ensemble
depuis la fin des années 1980. La deuxième est la baisse presque continue
des aides directes à la production jusqu’au milieu des années 2000, moment
où la tendance s’inverse sous l’effet de l’élargissement du PTZ et d’une
reprise de la production de logements sociaux. La tendance aura toutefois
été de courte durée : dès 2011, la courbe s’inverse au fil des réformes du
PTZ et de la baisse des subventions aux HLM. La troisième tendance est
l’importance prise par les avantages fiscaux, qui passent en quinze ans d’un
peu moins de 5 milliards d’euros en 1998 à 16,5 milliards en 2011, à 15
en 2012 et à 14,5 en 2013. Les régimes réduits de TVA en sont l’explica-
tion principale et le relèvement de certains taux à 7 % en 2012 permet de
comprendre le retournement de la courbe. Il en sera sans doute de même
pour 2014 avec le passage du taux intermédiaire à 10 %.
Au total, l’évolution la plus significative des aides au cours de cette période
est la domination acquise par les mécanismes non contingentés et non
territorialisés. Ils ne donnent lieu à aucune décision unitaire et leur mise
en œuvre dépend de mécanismes marchands d’optimisation par les acteurs
économiques.
En perdant ainsi la main sur la façon dont les aides sont mobilisées, la
puissance publique se prive de capacité de pilotage, tant nationale que
locale. Dans la mesure où la plupart des outils fiscaux qu’il utilise sont
nationaux par définition (TVA, impôt sur le revenu), l’État renonce ainsi
par avance à la possibilité de décentraliser tout ou partie de ses moyens
d’action. Ces grandes évolutions peuvent sembler contradictoires avec la
montée en puissance des politiques locales de l’habitat (chapitre 4).
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  81

Figure 7.
Évolution des modalités des aides au logement (1984-2013) (en milliards d’euros courants)
20
Prestations sociales liées au logement
(aides à la personne)
17,5

15

Avantages fiscaux
12,5

10

7,5

Subventions et avantages de taux


(aides à la pierre)
2,5
02

05

08

11

13
84

87

90

93

96

99

20

20

20

20

20
19

19

19

19

19

19

Source : Compte du logement.

L’inconnue des aides des collectivités territoriales


Il faut mentionner ici, en écho à quelques remarques faites à propos des
aides à la pierre, le rôle croissant que jouent les collectivités territoriales en
matière de financement du logement. Pourtant, ce rôle reste mal connu,
faute d’instruments pour le mesurer.
Si les collectivités territoriales et leurs établissements publics30 ne disposent
à ce jour d’aucune compétence formellement établie en termes de finance-
ment des politiques du logement, certaines d’entre elles, intercommunalités
ou départements, assurent la distribution des fonds d’État sur leur territoire
via la délégation des aides à la pierre. La plupart n’ont pas attendu cette
innovation législative pour apporter des contributions additionnelles aux
aides nationales de droit commun.

30. Les EPCI n’ont pas le statut de collectivités territoriales, mais, par extension, nous les consi-
dérerons comme tels pour simplifier notre propos.
82  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

De fait, tant les régions que les départements, les EPCI et certaines com-
munes (souvent les villes centres des grandes agglomérations) ont déve-
loppé au cours du temps, surtout depuis les années 1990, des mécanismes
d’aides financières extrêmement divers, généralement en complément des
aides d’État, ici pour la production de logements sociaux, là pour leur
amélioration, là encore pour la réhabilitation du parc privé ancien, etc.
Selon les cas, ces aides prennent une forme forfaitaire et automatique,
ajoutée aux mécanismes nationaux de droit commun, ou sont, de plus
en plus souvent, assorties de conditions formulées en fonction des prio-
rités, notamment sociales ou environnementales, de la collectivité. Dans
la plupart des grandes villes se cumulent ainsi des aides de la région, du
département et de l’agglomération, répondant à des critères différents qui
conduisent les opérateurs, du particulier à l’organisme d’HLM, à tenter
d’optimiser leurs projets pour capter le maximum de ressources.
Ces aides ne relevant pas des compétences formelles des collectivités concer-
nées (à ce jour, le seul financement lié au logement explicitement décen-
tralisé est le FSL), elles ne font l’objet d’aucune consolidation nationale et
restent de ce fait très mal connues, même s’il est notoire que la Ville de Paris
et certaines métropoles, telles que Rennes, Lyon ou Nantes, y consacrent
des montants supérieurs à ceux des aides directes de l’État. Depuis le début
des années 2010, le Compte du logement améliore son approche de ces
aides. En 2013, il les valorise à un peu plus de 1,4 milliard d’euros au sein
de la rubrique des subventions d’investissement (soit 41,3 % de celles-ci),
mais il est probable que cela soit encore sous-estimé.

Mutations et fragilités du 1 % logement (participation des employeurs


à l’effort de construction)
À plusieurs reprises, dans les lignes qui précèdent, nous avons évoqué
un outil important du financement des aides publiques : la Peec, plus
souvent désignée sous le terme de « 1 % logement » et, depuis 2009, sous
l’appellation d’Action logement. Son rôle, au côté des apports de l’État et
des collectivités territoriales, est très spécifique ; il justifie de s’y attarder
un peu31.
La Peec a été créée en 1953, à la suite d’une série d’expérimentations locales
à l’initiative d’entreprises ou de groupements d’industriels. Le principe
initial en est le versement d’une cotisation au taux de 1 % de la masse

31. Voir sur ce sujet les travaux de Jules-Mathieu Meunier, notamment « La transformation de la
régulation politique du 1 % logement, entre rationalisation gestionnaire et quête d’une nou-
velle légitimité institutionnelle », in Laurent Duclos, Guy Groux et Olivier Mériaux (dir.), Les
nouvelles dimensions du politique. Relations professionnelles et régulations sociales, coll. « Droit
et société », LGDJ, Paris, 2009, p. 179-192 ; « La réforme du 1 % logement dans la loi de
mobilisation pour le logement. Le paritarisme pris au piège de la RGPP et du conflit entre
le Medef et l’UIMM », Études foncières, n° 139, mai-juin 2009, p. 15-19.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  83

salariale des entreprises privées de plus de 10 salariés, afin de contribuer,


via un circuit géré de façon paritaire par les partenaires sociaux, au finan-
cement du logement de ces salariés. Le prélèvement n’est plus aujourd’hui
que de 0,45 % (la quasi-totalité du reste, soit 0,50 %, est dirigée vers le
financement des aides à la personne, via le Fnal) et le seuil de taille des
entreprises cotisantes est passé de 10 à 20 salariés au 1er septembre 2005
(mais tous les salariés des entreprises de plus de 10 personnes continuent
de pouvoir bénéficier des financements).
Les cotisations sont versées à des organismes collecteurs à statut associatif,
administrés par les partenaires sociaux, les comités interprofessionnels du
logement (CIL). Ces collecteurs sont placés sous l’autorité d’un organisme
fédéral créé en 1996, l’Union des entreprises et des salariés pour le loge-
ment (UESL)32, également gouverné par les partenaires sociaux. Dans un
premier temps, la mission de l’UESL était de signer des conventions avec
l’État pour définir les emplois de la Peec, puis de les faire appliquer par
les CIL, ce qui revenait à placer une tutelle au sommet du dispositif, alors
que les collecteurs avaient jusque-là un fonctionnement très autonome.
Entre 2009 et 2013, ce système conventionnel a été mis entre parenthèses
en application de l’article 8 de la loi de mobilisation pour le logement et
de lutte contre l’exclusion (loi « Boutin »33 du 25 mars 2009), qui stipulait
que c’était désormais l’État qui fixait les emplois, après concertation avec
l’UESL, et qui confiait à cette dernière le soin de les faire appliquer par la
base. En 2013, puis en 2014 dans le cadre de la loi Alur, on en revient à une
forme de négociation et de conventionnement avec l’État en contrepartie
de la poursuite de réformes importantes du système.
En effet, parallèlement à la réforme des emplois, l’UESL a engagé une vaste
réorganisation institutionnelle, notamment en pilotant une réduction dras-
tique du nombre des CIL, par fusion : on est ainsi passé de 125 organismes
en 2009 à 20 en 2015, dans l’attente de leur probable suppression en 2016.
Cet historique très brièvement tracé montre une évolution de longue durée
de plus grand contrôle par l’État et de reprise en main du système par sa
tutelle nationale. Le système repose toutefois toujours sur une cotisation
gérée dans le cadre du paritarisme, malgré de multiples tentations de
l’étatiser et de la transformer en taxe pure et simple. Cette permanence est
le fruit de l’attachement régulièrement rappelé par les partenaires sociaux
pour un mécanisme qui a la double vertu de contribuer au logement des
salariés et d’apporter du chiffre d’affaires aux entreprises du bâtiment.

32. Au moment de sa création, le sigle se développait en : Union d’économie sociale pour le
logement.
33. Christine Boutin, ministre UMP du Logement et de la Ville (2007-2008), puis du Logement
(2009).
84  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Les moyens de la Peec sont principalement composés de la cotisation


des entreprises et du remboursement des prêts qu’elle a consentis dans
le cadre de ses emplois. En 2013, l’ensemble représentait un peu plus
de 3,3 milliards d’euros, dont 1,6 milliard de collecte et 1,7 milliard de
remboursements.
Ses emplois ont connu d’importantes modifications, surtout depuis la
création de l’UESL et sous l’impulsion de l’État. Sans entrer dans les détails,
on peut distinguer ce qui relève des emplois traditionnels, de la mise en
place de fonds de garantie et des contributions plus ou moins forcées aux
politiques de l’État.
Les emplois traditionnels de la Peec sont les prêts directs aux salariés et les
prêts aux organismes de logement social. Dans les deux cas, les caractéris-
tiques de la ressource, renouvelée en permanence, permettent d’octroyer
des conditions de crédit extrêmement favorables, avec des taux d’intérêt
beaucoup plus bas que ceux du marché (1 % à 2 % selon les cas). Les
prêts aux salariés sont, parmi les fonctions historiques du 1 % logement,
les plus symboliques du lien qui l’unit aux entreprises et aux travailleurs.
Il peut s’agir de prêts pour l’accession à la propriété ou pour la réalisation
de travaux dans leur résidence principale. Ces prêts et subventions sont
longtemps restés le premier poste des emplois de la Peec, mais, du fait des
autres obligations faites à l’UESL, leur part s’est considérablement réduite,
passant de 2 milliards d’euros en 2008 à 950 millions en 2013.
Les prêts et subventions destinés à la construction ou à l’acquisition de
logements locatifs sociaux représentaient en 2013 à peu près le même
montant, soit un peu moins de 900 millions d’euros. Il s’agit de contri-
butions complémentaires au financement des opérations HLM, visant
principalement à minorer la part des prêts de la Caisse des dépôts et
consignations, toujours plus coûteux que ceux offerts par le 1 %. Depuis
la fin des années 2000, il s’agit d’ailleurs beaucoup plus souvent de sub-
ventions que de prêts. Ces financements sont donc particulièrement néces-
saires dans les villes où les coûts de production sont élevés, notamment en
région parisienne. La contrepartie de ses apports est la réservation d’une
part des logements produits (jusqu’à 50 %), pour lesquels ce sera le CIL
financeur qui proposera des candidats locataires au bailleur, offrant ainsi
un service logement aux salariés des entreprises cotisantes. Dans les villes
à marché tendu, la participation du 1 % à la construction des HLM est
systématique, ce qui explique le fort attachement à la Peec de la part du
monde du logement social, qui s’inquiète de voir se réduire les ressources
disponibles pour ses apports.
On peut également ranger parmi les emplois traditionnels les apports du
1 % ciblés sur certaines catégories de personnes connaissant des difficultés
particulières. Ce fut le cas pendant de nombreuses années du logement des
travailleurs immigrés et de leurs familles. C’est le cas aujourd’hui via des
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  85

contributions au financement et à l’amélioration des foyers de travailleurs


migrants, à la construction de centres d’hébergement, mais aussi pour
le logement des jeunes et des demandeurs d’emploi et pour les salariés
bénéficiant du droit au logement opposable (voir chapitre 4).
Cependant, pour ces populations fragiles, l’apport majeur de la Peec se
fait désormais sous la forme de la constitution, sous l’impulsion de l’État,
de fonds de garantie destinés à sécuriser les situations de logement et à
rassurer les propriétaires. La première forme prise par ces fonds est le
système Locapass®, créé à la suite de la convention État-UESL du 3 août
1998 et destiné à apporter des avances et des garanties aux candidats à la
location dont la situation est fragile. Depuis 2007, la garantie des risques
locatifs (GRL), contrat d’assurance assis sur un fonds de compensation
provenant du 1 %, renforce encore les modalités de sécurisation locative.
Celle-ci devrait être réformée en 2015, après une première tentative de
généralisation prévue en application de la loi Alur mais abandonnée par le
gouvernement à la fin de l’été 2014. Le nouveau système, pris en charge
par les partenaires sociaux, sera réservé aux salariés modestes.
Toutefois, l’évolution la plus importante des emplois du 1 % depuis le
milieu des années 1990 est la mise à contribution plus ou moins forcée de
celui-ci aux politiques de l’État, notamment en période de forte contrainte
budgétaire.
Le premier épisode important en la matière est l’obligation faite aux acteurs
du 1 % d’opérer un versement direct au budget de l’État à partir de 1995
sur un compte d’affectation spéciale intitulé « fonds pour le financement
de l’accession à la propriété ». Destiné à faire porter par la Peec la charge du
prêt à taux zéro, ce versement atteindra l’équivalent d’un milliard d’euros
en 1997, 1998 et 1999, avant de décroître en trois ans. Pendant les trois
années correspondantes, l’affectation forcée des ressources du 1 % a obligé
à une nette réduction des emplois traditionnels : les prêts aux particuliers
ont ainsi baissé de 22 % entre 1996 et 1999 et les prêts aux organismes
d’HLM de 35 %, ce qui s’est traduit par un net ralentissement de la
construction de logements sociaux au cours de la période.
La mise en place des politiques de renouvellement, puis de rénovation
urbaine, à partir de 2001, remet le 1 % à contribution, d’abord sous la
forme de financements associés aux opérations de démolition-recons-
truction, puis, plus globalement, par le financement de près de la moitié
du budget de l’Anru jusqu’à la fin de 2008. Contrairement à l’épisode
précédent, la négociation qui avait conduit à la signature des conventions
du 11 octobre et du 11 décembre 2001 entre l’État et l’UESL comportait
d’importantes contreparties pour les partenaires sociaux. En effet, ceux-ci
disposaient d’un droit de préemption à titre gratuit sur certains des terrains
constructibles dégagés par les démolitions dans les sites de rénovation,
pour y faire construire par l’association Foncière Logement, créée à cette
86  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

occasion, des immeubles locatifs relevant du droit privé, destinés au loge-


ment des salariés. Après une période de gestion de quinze à dix-sept ans,
ces immeubles devaient être cédés à titre gratuit à des régimes de retraite
complémentaires gérés par les partenaires sociaux, afin de contribuer à leur
financement. Ce mécanisme, négocié de haute lutte, semblait vertueux :
il apportait des financements à l’Anru, il contribuait à la mixité sociale
dans les quartiers en rénovation et renforçait le lien entre la Peec et les
partenaires sociaux en participant, in fine, au financement des retraites
du secteur privé.
L’étape suivante est franchie par la loi de finances pour 2009 et la
loi « Boutin » du 25 mars 2009, dont l’article 8 stipule que c’est désor-
mais l’État qui fixe unilatéralement les emplois de la Peec par décret valant
pour une durée de trois ans. La loi complète à cette occasion la liste des
emplois de celle-ci (article L. 313-3 du Code de la construction et de
l’habitation) en y ajoutant qu’elle contribue « à la mise en œuvre du
Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés,
ainsi qu’au soutien à l’amélioration du parc privé ». Les premières traduc-
tions de ces nouvelles dispositions sont le financement presque intégral
du programme de rénovation urbaine et de l’Anah par la Peec à partir
de 2009 et jusqu’en 2012. Le pic est atteint en 2010, quand la somme des
contributions d’Action Logement aux politiques de l’État dépasse deux
milliards d’euros, soit plus que la somme des aides aux particuliers et du
financement du logement social.
Depuis cette date, les contributions forcées reculent, notamment du fait
du retrait presque total du financement de l’Anah (qui ne représente plus
que 50 millions d’euros en 2015), mais le système sort très fragilisé de
cette période et, pour survivre, doit poursuivre ses réformes.
De son propre chef, l’UESL-Action Logement a annoncé, en avril 2015,
une nouvelle réforme majeure qui entrera en vigueur dès 2016, par la sup-
pression des CIL et une réorganisation globale reposant sur une structure
centrale de pilotage et de négociation avec l’État, un pôle de services pour
les relations avec les entreprises, un pôle immobilier34 et 13 délégations
territoriales en relation avec les collectivités et les opérateurs du logement
social.

Les moyens juridiques et institutionnels


Les outils des politiques du logement ne sont pas seulement financiers ; ils
sont également largement constitués de moyens juridiques qui définissent

34. Ce pôle immobilier regroupera le patrimoine des entreprises sociales pour l’habitat (ESH),
dont les CIL sont actionnaires de référence (voir plus loin dans ce chapitre).
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  87

notamment, au niveau national, les règles de l’habitabilité, de l’accessibilité


et de la performance environnementale du logement, celles qui régissent
les rapports locatifs, et surtout celles qui définissent le cadre et les missions
du logement locatif social. Par ailleurs, à l’échelle locale, les politiques
du logement sont, de plus en plus souvent, liées à la réglementation de
l’urbanisme.

Enjeux sociaux de la réglementation technique


La réglementation technique est le moyen de susciter ou de garantir la qua-
lité des locaux à usage d’habitation. Elle consiste d’abord à définir et à faire
respecter des normes minimales qui s’appliquent à toutes les constructions
et aux opérations de réhabilitation. Ces normes contiennent notamment
des dispositions destinées à garantir la salubrité et la sécurité et à permettre
l’accès des immeubles et logements aux personnes âgées ou qui souffrent
de handicaps physiques. Elles définissent également les règles nécessaires
pour garantir une bonne qualité thermique et phonique des immeubles et
des logements. Cet ensemble de règles s’est considérablement développé
depuis les années 1980 et encore plus depuis le début des années 2000,
sous le double effet des perspectives de vieillissement de la population et
de la montée des préoccupations environnementales.
Cette réglementation technique, de plus en plus rigoureuse pour les
maîtres d’ouvrage, comporte aussi d’importantes dimensions incitatives,
qui s’appliquent essentiellement aux opérations financées avec l’aide de
l’État, que ce soit pour le logement locatif social ou pour la construction
ou l’amélioration de logements privés. Il en va ainsi des règles définissant
les modalités de délivrance de labels (« Qualitel », « Habitat & environ-
nement ») par des organismes spécialisés agréés, qui ouvrent droit à des
prêts aidés.
Dans le parc social, l’existence de cette réglementation depuis la fin des
années 1970 a joué un rôle considérable dans les progrès constants de la
qualité des logements. Mais la médaille a son revers. En permettant aux
opérations ainsi financées d’atteindre un niveau de qualité souvent supé-
rieur aux constructions du secteur libre, la réglementation a favorisé une
hausse des coûts de production, qui, faute d’aides à l’investissement à la
hauteur des enjeux, rejaillit sur le montant des loyers nécessaire à l’équi-
libre de l’exploitation des logements. Le débat sur le coût de la qualité
des logements sociaux est ainsi régulièrement ouvert, surtout lorsque les
financements se réduisent et que l’occupation se paupérise. C’est à nouveau
le cas depuis la fin des années 2000, au moment où, dans un contexte de
coûts élevés, se cumulent la coûteuse réglementation sur le handicap et
la mise en œuvre de la Réglementation thermique 2012 visant à limiter
la consommation d’énergie primaire des bâtiments neufs. Il n’est pas
certain que les réductions de charges consécutives à l’amélioration des
88  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

performances techniques des logements suffisent à équilibrer ces surcoûts,


surtout à court et moyen termes.
Le champ couvert par la réglementation technique dépasse donc large-
ment la simple mise en œuvre de normes : il débouche directement sur
des considérations économiques et sociales. N’étant pas neutre, cette
réglementation suscite le débat, conduisant à réfléchir plus généralement
à l’articulation entre les objectifs de qualité et les exigences de réponse
aux besoins sociaux.

Les contradictions de la réglementation du logement locatif social


La réglementation du logement social vise à garantir que les aides de l’État
destinées à favoriser le logement des ménages modestes atteignent bien
leur cible. Elle est le fruit d’une histoire plus que séculaire sur laquelle
nous reviendrons au chapitre suivant. Le cumul d’une mission énoncée,
dans ses principes, dans des termes de plus en plus sociaux, et d’une his-
toire fondée sur le logement des ouvriers, et plus largement des salariés,
produit aujourd’hui quelques interrogations et contradictions que nous
examinerons. Afin d’en poser les principaux termes, on peut présenter la
réglementation du logement locatif social en cinq dimensions :
– le statut des organismes autorisés à conventionner avec l’État ;
– la fixation de plafonds de ressources ;
– la fixation de loyers maximum ;
– la fixation de règles d’attribution des logements ;
– la nature des contrats de location passés avec les locataires.
Le secteur du logement locatif social se partage ente les organismes d’HLM
et les sociétés d’économie mixte immobilières (SEM). Ces dernières gèrent
un peu moins de 400 000 logements locatifs sociaux ; elles sont régies par
la même réglementation que les HLM.
Les organismes d’HLM, qui exercent l’essentiel de leur activité dans le
secteur locatif, gèrent un peu plus de 4,3 millions de logements accueillant
10 millions de personnes. Ils relèvent de deux statuts différents : les éta-
blissements publics (les offices publics de l’habitat – OPH) et les sociétés
anonymes sans but lucratif (les entreprises sociales pour l’habitat – ESH).
Leurs statuts actuels ont été mis au point en 2004 (pour les ESH) et en
2007 (pour les OPH), mais leurs fondements ont été énoncés entre la fin
du XIXe siècle et le début du XXe.
Les OPH sont des établissements publics à caractère industriel et commer-
cial ; ils sont créés à l’initiative d’une collectivité territoriale (commune,
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  89

EPCI ou département)35 ; leur conseil d’administration est composé majo-


ritairement de représentants nommés par leur collectivité de rattache-
ment et leur président en émane. Ils peuvent toutefois construire et gérer
des logements hors du territoire de cette collectivité. En 2015, il existait
267 OPH gérant 2,2 millions de logements.
Les ESH36 sont des sociétés anonymes dont les statuts garantissent le
caractère non lucratif (limitation de la distribution de dividendes, non-
rémunération des administrateurs…). Leur actionnariat est diversifié,
mais on peut identifier quatre sous-groupes principaux : celui des col-
lecteurs du 1 % logement, qui représentent un gros tiers du patrimoine
des ESH ; celui des groupes financiers, banques et assurances (Caisse des
dépôts, Caisses d’épargne, Axa…) ; celui des entreprises ayant choisi de
se doter d’un outil spécifique pour le logement de leurs salariés (grands
groupes de transports tels que la SNCF ou la RATP, La Poste, l’industrie
automobile…) ; enfin, celui, très minoritaire, des associations et personnes
physiques. Au 31 mai 2014, il y avait 261 ESH gérant un peu plus de
deux millions de logements sociaux.
Outre les règles de fonctionnement institutionnel qui dépendent de leurs
statuts, la réglementation qui s’applique à ces deux familles d’organismes
est identique. À côté de la construction, de l’acquisition et de la gestion
de logements locatifs, qui doivent rester leurs activités principales, ces
organismes peuvent réaliser des opérations d’aménagement et même déve-
lopper des activités de construction pour l’accession à la propriété, mais
à titre secondaire.
Il existe trois autres « familles » d’organismes d’HLM : les coopératives (qui
sont de plus en plus souvent des filiales de grands organismes à vocation
locative menant à leurs côtés une activité en accession à la propriété), les
sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la
propriété (Sacicap)37 et les associations régionales HLM, qui regroupent
l’ensemble des organismes à l’échelle régionale. Chacune de ces cinq
« familles » a une fédération nationale et ces cinq fédérations sont regrou-
pées au sein de l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui les représente
auprès des pouvoirs publics.

35. Le statut des OPH a été créé par une ordonnance du 1er février 2007 ; il se substitue aux
anciens offices publics d’HLM (OPHLM, établissements publics administratifs) et offices
publics d’aménagement et de construction (Opac, établissements publics à caractère indus-
triel et commercial).
36. Le statut des ESH a été fortement réformé par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 qui impose,
notamment, la désignation d’un actionnaire de référence détenant la majorité du capital pour
en assurer la gouvernance.
37. Les Sacicap sont les anciennes sociétés anonymes de crédit immobilier qui détiennent 100 %
du groupe Crédit Immobilier de France.
90  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

L’évolution sur trente ans des plafonds de ressources pour accéder aux loge-
ments sociaux apporte une illustration des attendus et des enjeux de cette
réglementation. Après la période de construction de nombreux logements
sociaux entre 1965 et 1975, la création, en 1977, du prêt locatif aidé (PLA),
résultait d’une volonté d’unification du logement social autour d’un pro-
duit de bonne qualité, dont le niveau de loyer élevé serait compensé par
l’apport de l’APL. Conçue comme une étape déterminante du parcours
résidentiel des familles, un marchepied vers l’accession à la propriété, cette
approche du logement social se voulait ouverte à la grande majorité, dans
la continuité de son rôle historique. C’est ainsi que, en 1980, les plafonds
de ressources permettaient encore à 80 % des ménages d’entrer dans les
HLM. Les années 1980 sont marquées par un recentrage des objectifs de
l’État autour des populations les plus modestes. Le gel de l’évolution des
plafonds de ressources entre 1983 et 1988, puis leur actualisation très lente
à partir de 1988 aboutissent à ce que, en 1993, la proportion de ménages
pouvant accéder au logement social descende à 55 %.
En 1994, à la suite d’une alternance politique, l’État remet partiellement
en cause cette politique par une vaste opération de réforme des plafonds
de ressources, qui favorise les familles nombreuses. Depuis cette date, les
plafonds ont de nouveau été réévalués à plusieurs reprises, notamment au
profit des ménages de petite taille. Ils sont désormais indexés sur le salaire
minimum (Smic). C’est ainsi que, au début des années 2000, on estimait
que 65 % des ménages satisfaisaient à ces conditions d’accès.
Une telle évolution avait creusé considérablement l’écart entre le cadre
réglementaire et la réalité de la demande sociale qui, dans le contexte
d’amplification des inégalités sociales en matière de logement, tend à se
concentrer sur les ménages à bas, voire très bas revenus. Dès le début des
années 1990, pour tenir compte de cette réalité sociale, il avait fallu créer
une nouvelle catégorie de logements sociaux à loyers minorés destinés à
des ménages dont les revenus étaient nettement inférieurs aux plafonds
de droit commun. En 2000, le remplacement du PLA par le prêt locatif
à usage social (PLUS) corrigeait légèrement l’écart, mais les fortes aug-
mentations du Smic entre 2003 et 2006, consécutives à la mise en œuvre
des 35 heures (lois du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000), ont entraîné
mécaniquement une révision à la hausse des plafonds de ressources qui,
fin 2008, couvraient à nouveau plus des trois quarts des ménages vivant
en France.
Face à l’écart croissant entre les plafonds et la réalité de la demande, et
conscient du risque que la conception française du logement social soit
mise en cause par l’Union européenne38, le gouvernement a abaissé les

38. Nous reviendrons, dans le chapitre 4, sur la conception française du logement social et ses
conséquences, tant nationales qu’européennes.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  91

plafonds de 10,3 % en 2009, ramenant le taux de couverture de la popu-


lation à environ 65 %.
Les loyers des logements sociaux sont calculés en euros par mètre carré. La
surface de référence est la « surface corrigée »39 pour les logements anté-
rieurs à 1996 et la « surface utile »40 pour les logements les plus récents. Les
valeurs maximales sont fixées par la loi pour les trois types de logements
sociaux41 et indexées sur l’indice de révision des loyers42. Cette réglemen-
tation s’applique à une très large gamme de situations liées aux modes de
financement des logements lors de leur construction ou des opérations
d’amélioration qu’ils ont connues. Il en résulte une grande diversité de
niveaux de loyers dans le parc HLM, laquelle n’est que partiellement
corrélée aux plafonds de ressources (les logements les moins chers ne sont
pas forcément ceux auxquels s’appliquent les plafonds minorés) et encore
moins à la qualité des immeubles ou aux avantages qu’apporte leur loca-
lisation. Cette complexité de la gamme des loyers des logements sociaux,
dont on perçoit la logique financière mais pas la cohérence économique
et sociale, ne facilite pas sa compréhension par l’opinion publique. Elle
est également génératrice de puissants mécanismes ségrégatifs. En effet, les
pratiques d’attribution des bailleurs les conduisent à diriger prioritairement
les ménages les plus pauvres vers les logements les moins chers, qui cor-
respondent pour l’essentiel au parc le plus ancien et singulièrement dans
les grands ensembles des années 1960 et 1970. À l’opposé, les logements
les plus récents, mieux répartis dans les villes et aux loyers nettement plus
élevés, sont affectés prioritairement aux ménages les plus solvables.
La perspective, régulièrement rappelée depuis la fin des années 1980,
d’une « remise en ordre des loyers » revient dans l’actualité au milieu des
années 2010. Reste à savoir si elle construira une nouvelle hiérarchie des
loyers HLM sur la base de la qualité du service rendu aux locataires et de
l’environnement résidentiel des ensembles ou dans la perspective d’une
redistribution moins ségrégative de l’offre.

39. La surface corrigée, introduite par l’article 28 de la loi du 1er septembre 1948 et le décret
n° 48-1766 du 22 novembre 1948 pour les logements privés à loyer réglementé et étendue
plus tard au parc social, est un outil d’incitation à la qualité des logements. Pour la calculer,
on ajoute à la surface habitable quelques mètres carrés fictifs rendant compte des attributs
du logement (niveau d’équipement, orientation, etc.).
40. La surface corrigée ayant entraîné quelques abus de la part des maîtres d’ouvrage qui cher-
chaient à en optimiser le rendement, celle-ci a été remplacée en 1996 par la « surface utile », qui
est égale à la surface habitable, augmentée de la moitié des surfaces annexes (caves, loggia…)
dans la limite de 18 m².
41. Les PLUS, PLAI et PLS, trois catégories dans lesquelles ont été reclassés tous les types histo-
riques qui les ont précédées.
42. Cet indice a évolué à deux reprises en 2006 et 2008. Après avoir été très longtemps calé sur
l’indice du coût de la construction (ICC), l’indice de révision des loyers (IRL) correspond
désormais à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’indice des prix à la consommation
hors tabac et hors loyers.
92  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Ce sentiment d’opacité que génère l’actuelle hiérarchie des loyers du parc


social est encore renforcé par la question sensible des modalités d’attribu-
tion des logements. Sans entrer dans les détails de la procédure, fixée par le
Code de la construction et de l’habitation et réformée régulièrement, on
peut en rappeler les grands principes :
– l’attribution doit respecter la législation en matière de plafonds de res-
sources et les priorités énoncées par la loi du 13 juillet 2006, laquelle précise
que « l’attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en
œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de
ressources modestes et des personnes défavorisées. [Elle] doit notamment
prendre en compte la diversité de la demande constatée localement ; elle
doit favoriser l’égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des
villes et des quartiers » (Code de la construction et de l’habitation, article
L. 441). Les attributions doivent également respecter les priorités définies
localement par les accords collectifs départementaux conclus chaque année
entre les bailleurs et l’État depuis 1999 et doivent concourir à la mise en
œuvre du droit au logement opposable (Dalo) depuis 2008 ;
– la responsabilité finale de l’attribution nominative des logements appar-
tient exclusivement au bailleur social, doté obligatoirement d’une commis-
sion d’attribution des logements, émanant de son conseil d’administration
et dont la composition est réglementée (le maire de la commune d’implan-
tation du logement attribué doit y être invité, avec voix délibérative) ;
– les candidats doivent être inscrits dans un fichier de demande de loge-
ments sociaux et, à ce titre, être titulaires d’un numéro d’enregistrement
départemental (régional en Île-de-France depuis 2009) ;
– 30 % des logements sont réservés à des demandeurs présentés dans
le cadre des « contingents préfectoraux », c’est-à-dire qu’ils doivent être
attribués à des candidats présentés à la commission par la préfecture du
département concerné, à hauteur de 5 % pour les fonctionnaires de l’État
et de 25 % pour les demandes les plus sociales (notamment présentées,
depuis 2008, dans le cadre de la mise en œuvre du Dalo) ;
– dans la plupart des cas, 20 % des logements sont réservés au « contingent
communal » (exceptionnellement intercommunal), c’est-à-dire à des can-
didats présentés par la commune d’implantation du logement, en contre-
partie de la garantie que les communes apportent généralement aux prêts
souscrits par les bailleurs auprès de la Caisse des dépôts et consignations ;
– pour le reste, soit la moitié des attributions, les bailleurs peuvent avoir
conclu des conventions de réservation avec des collecteurs du 1 % logement
(voir plus haut) ou entretenir en leur sein des fichiers de demandeurs dont
ils extraient les candidats à présenter à la commission ;
– dans tous les cas, depuis mars 2007 (loi du 5 mars sur le droit au loge-
ment opposable), les commissions doivent statuer, pour chaque logement
à attribuer, sur trois candidatures qu’elles doivent classer.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  93

La procédure d’attribution des logements sociaux, aussi réglementée soit-elle


et quelles que soient les précautions prises par les bailleurs et leur tutelle,
est intrinsèquement opaque. En effet, ses étapes principales mobilisent
des acteurs, les réservataires et les services des organismes, qui préparent
les choix en amont des commissions et conduisent celles-ci à prendre des
décisions sous contrainte. Souvent jugée discriminatoire, ce qu’elle est par
nature puisqu’il faut faire des choix d’affectation d’un bien rare, la procédure
d’attribution des logements sociaux est le fruit de processus complexes
dans lesquels la responsabilité réelle du bailleur est souvent extrêmement
limitée, sauf dans le cas de petits organismes locaux sous tutelle municipale,
aujourd’hui très minoritaires, mais pour lesquels la dimension politique
des attributions reste importante (mais pas plus transparente pour autant).
Contrairement aux logements locatifs de droit privé, le bail des logements
HLM est à durée indéterminée. Il ne peut y être mis fin qu’en cas de
non-respect par le locataire de ses obligations locatives. Dans les autres
cas, jusqu’à la loi « Boutin » du 25 mars 2009, le locataire bénéficiait du
droit au maintien dans les lieux quelle que soit l’évolution de ses revenus
ou de sa situation familiale. Cette loi introduit les premières failles dans ce
principe, longtemps considéré comme intouchable ; elle prévoit :
– d’abord que les ménages dont les revenus sont au moins égaux au double
des plafonds de ressources voient leur contrat transformé en bail de trois
ans non reconductible. Il s’agit de pousser hors du logement HLM les
ménages à revenus très élevés, mais dont le nombre est très faible ;
– ensuite, pour les ménages en situation de sous-occupation manifeste,
le bailleur doit proposer un logement de taille adaptée correspondant
aux besoins du locataire. Dans les zones à marché tendu, le locataire qui
refuse trois offres de relogement est déchu de son droit d’occupation après
un délai de six mois. Les locataires âgés de plus de 65 ans ou handicapés
sont protégés ; ils ne peuvent pas être déchus de leurs droits d’occupation.
Les velléités de libérer le parc social des locataires dont on considère qu’ils
seraient en mesure de se loger par d’autres moyens existent de longue date
sur le critère du revenu. C’est en partie dans ce but que la loi n° 86-1290
du 23 décembre 1986 avait créé le supplément de loyer de solidarité
(souvent appelé « surloyer »). Mis en place facultativement à l’initiative
du bailleur, dans un premier temps, il est devenu obligatoire à partir de
certains seuils de dépassement en 1996, puis a été réformé à plusieurs
reprises. La dernière en date de ces réformes date de 2008 ; elle réduit les
marges de manœuvre des bailleurs et augmente sensiblement le montant
du supplément de loyer pour les dépassements les plus importants, ce qui
soulève l’inquiétude des organismes de logement social et des associations
de locataires, qui craignent, au nom de la mixité sociale, le départ des
locataires les plus solvables.
94  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

La régulation des rapports bailleurs-locataires dans le secteur privé


L’essentiel des réglementations techniques et sociales est consacré aux sec-
teurs qui bénéficient de l’aide à la pierre. Mais le législateur n’en néglige
pas pour autant le champ stratégique du locatif privé.
En effet, le maintien d’un parc locatif abondant et économiquement
accessible pour les ménages est une condition importante du bon fonc-
tionnement de l’ensemble du système. Très hétérogène, ce parc agit comme
réceptacle d’une part majoritaire des mobilités résidentielles. En ce sens, il
contribue fortement à la satisfaction des besoins et justifie l’attention que
lui portent les pouvoirs publics. Détenu principalement par des personnes
physiques, le parc locatif privé est très sensible aux évolutions macro-éco-
nomiques et aux mesures fiscales qui le concernent.
La réglementation des relations entre bailleurs et locataires constitue un
autre facteur de sensibilité. Sans chercher trop loin dans le passé l’expli-
cation de cette réactivité, on peut rappeler l’impact ravageur de la longue
période de blocage des loyers, imposée à l’issue de la Première Guerre
mondiale, qui a stoppé net l’investissement aussi bien dans la production
neuve que dans l’amélioration du parc. La loi de 1948, marquée par une
volonté libérale, n’a permis qu’un déblocage très lent de la situation. Il
faudra attendre les années 1980 pour que le débat sur l’encadrement du
secteur locatif retrouve toute sa vigueur politique avec une succession de
textes sur lesquels nous reviendrons au chapitre suivant : loi dite « Quil-
liot »43 du 22 juin 1982, loi « Méhaignerie »44 du 23 décembre 1986 et
loi « Mermaz-Malandain »45 du 6 juillet 1989. Cette dernière constitue
l’essentiel du cadre juridique des rapports locatifs, après sa modification
partielle par la loi Alur du 24 mars 2014.
La loi de 1989 a longtemps été considérée comme un texte équilibré et est
restée en l’état pendant vingt-cinq ans, même si certains professionnels et
l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI), qui représente les
propriétaires, ont régulièrement réclamé des assouplissements à leur profit.
En 2012, après une nouvelle alternance politique, le débat est réactivé au
nom de la protection des locataires, victimes des importantes hausses de
loyers qui ont touché les grandes villes, et singulièrement l’agglomération
parisienne, depuis le début des années 2000. La réaction du lobby des
propriétaires et des professionnels de l’immobilier a atteint son maximum
lors du débat de la loi Alur en 2013 et 2014, lorsqu’il s’est agi de réformer
la réglementation des loyers issue de la loi de 1989.

43. Roger Quilliot, ministre socialiste de l’Urbanisme et du Logement de 1981 à 1983.


44. Pierre Méhaignerie, ministre centriste de l’Équipement, du Logement, de l’Aménagement
du territoire et des Transports de 1986 à 1988.
45. Louis Mermaz et Guy Malandain étaient alors députés socialistes.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  95

Pour l’essentiel, dans sa formulation en vigueur au milieu des années 2010,


la loi encadre la durée minimale des baux des logements libres loués vides46,
les conditions de leur renouvellement à échéance et les différentes modalités
d’évolution des loyers (articles 16, 17 et 18 dans leur rédaction nouvelle de
la loi Alur). Les baux sont au minimum de trois ans si le propriétaire est
une personne physique et de six ans s’il s’agit d’une personne morale. Ils
sont renouvelés tacitement à leur échéance, sauf si le propriétaire souhaite
reprendre le logement pour lui-même ou sa famille proche, s’il met en
vente le logement (en cas de congés pour vente, le bailleur doit d’abord
proposer le bien à son locataire) ou en cas de « motif légitime et sérieux »47.
La loi Alur du 24 mars 2014 a sensiblement modifié les articles 16, 17 et 18
de la loi de 1989 qui déterminent les règles de fixation et d’évolution des
loyers. L’article 17 prévoit désormais que « les zones d’urbanisation continue
de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre
et la demande de logement » dont la liste sera fixée par décret, sont dotées
d’un observatoire des loyers permettant au préfet de fixer chaque année
par arrêté un loyer de référence, un loyer de référence majoré (+ 20 %) et
un loyer de référence minoré (– 30 %) par m² de surface habitable, par
catégorie de logement (nombre de pièces et époque de construction) et
par secteur géographique. Dans ces villes, les loyers sont fixés « librement
entre les parties […] dans la limite du loyer de référence majoré ».
C’est la disposition de la loi Alur qui a soulevé les débats les plus intenses.
Cette velléité de régulation des loyers sur la base d’un suivi statistique, très
inspirée du modèle allemand des « miroirs des loyers » (Mietspiegel), a donné
lieu à un lobbying intense des représentants des propriétaires et des fédéra-
tions de professionnels de l’immobilier. Face à ces pressions, et craignant
que de telles dispositions freinent la reprise attendue de la construction et
de l’investissement, le gouvernement a décidé, en août 2014, de n’appliquer
ces dispositions qu’à Paris, à titre expérimental. Début 2015, les villes de
Lille (pour le second semestre de cette année-là) et de Grenoble (fin 2016)
se sont également portées volontaires pour appliquer la régulation des loyers.
Hors des villes où s’appliquent ces mesures, « la fixation du loyer des
logements mis en location est libre » (nouvelle rédaction de l’article 17
de la loi de 1989).
Pendant la durée du bail, le loyer peut être majoré chaque année dans la
limite de l’indice de révision des loyers (IRL) publié par l’Insee, sauf si des
travaux d’amélioration ont été menés et par signature d’un avenant au bail.

46. Le régime de la location en meublé est différent, avec des baux d’un an et un loyer librement
fixé entre les parties.
47. La jurisprudence en la matière retient pour l’essentiel les cas d’inexécution par le locataire
des obligations qui lui incombent (paiement du loyer, mauvaise gestion du logement…) et
les situations qui rendent impossible la poursuite du contrat (démolition de l’immeuble, par
exemple).
96  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Au moment du renouvellement du bail, dans les villes soumises à la régu-


lation, les loyers ne peuvent être réévalués que s’ils sont inférieurs au loyer
de référence minoré. S’ils dépassent le loyer de référence majoré, une action
en diminution de loyer peut être engagée. Hors de ces villes, c’est le sys-
tème initialement mis en place par la loi de 1989 qui s’applique. Lors du
renouvellement du bail, le loyer ne peut augmenter que si le propriétaire
peut prouver qu’il est « manifestement sous-évalué » en présentant des
références de « loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des
logements comparables » (article 17-2 de la loi de 1989 modifiée).
Par ailleurs, la modification de l’article 18 de la loi du 6 juillet 1989 issue
de la loi Alur prévoit que, dans les zones à marché tendu, le gouvernement
peut fixer annuellement par décret le montant maximum d’évolution des
loyers des logements vacants et des contrats renouvelés. Cette modalité de
régulation existait sous une forme légèrement différente depuis 1989 et
de tels décrets, avec des déclinaisons variables, ont été pris chaque année
pour l’agglomération parisienne depuis 1990.
Cet encadrement de la relation locative dans le secteur privé, contraignant
pour les propriétaires, confère aux locataires une sécurité importante. Il
est parfois accusé de décourager l’investissement ou la mise en location
de logements existants et de conduire les propriétaires à prendre des pré-
cautions excessives à l’égard des locataires. Les faits sont pourtant têtus :
l’investissement locatif reste soutenu grâce aux avantages fiscaux et la
vacance est à un niveau faible. Les pays où la réglementation des rapports
locatifs est plus souple qu’en France (Royaume-Uni et Espagne par exemple)
ont connu une décroissance continue du secteur, alors que ceux où les
régulations publiques sont plus fortes (ainsi l’Allemagne, la Suisse ou les
Pays-Bas) ont encore un parc privé abondant. Reste que les pratiques
hautement sélectives de la plupart des propriétaires, dont certaines sont
régulièrement dénoncées par le Défenseur des droits, mettent en relief,
comme pour l’attribution des logements sociaux, l’insuffisance de l’offre,
notamment dans les grandes villes, où le secteur locatif privé joue un rôle
fondamental d’accueil des ménages les plus mobiles, en particulier les
jeunes et les étudiants, dont les ressources sont souvent faibles ou instables.
Les difficultés de la mise en œuvre de mécanismes assurantiels tels que
la garantie des risques locatifs, censés rassurer les bailleurs en sécurisant
les locataires, illustrent bien la persistance de relations très inégales entre
l’offre et la demande.

Au niveau local : l’urbanisme et le logement


Les articulations entre l’urbanisme et le logement sont évidemment fortes,
même si, d’un point de vue juridique, les deux champs restent séparés.
Cette séparation trouve sa première manifestation dans la structure même
de leur cadre juridique : chacun des domaines est doté d’un code qui
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  97

lui est propre (le Code de l’urbanisme ; le Code de la construction et de


l’habitation). Pendant longtemps, ces deux codes sont restés hermétiques
l’un par rapport à l’autre. Les premières et importantes manifestations de
rapprochement sont le fait de la loi d’orientation pour la ville (LOV) du
13 juillet 1991 ; elles se sont multipliées depuis 2000, avec notamment
la loi SRU, puis l’engagement national pour le logement de 2006, la
loi « Boutin » de 2009 et les deux lois impulsées par Cécile Duflot en 2013
(loi du 18 janvier) et 2014 (loi Alur du 24 mars).
La disjonction des niveaux de responsabilité locale en matière d’urbanisme
et d’habitat est un facteur notable de difficultés de mise en œuvre. La décen-
tralisation de 1982 a confié aux communes les compétences principales de
l’urbanisme : approbation des plans d’occupation des sols (POS), devenus
plans locaux d’urbanisme (PLU) en 2000, et délivrance des permis de
construire, alors que l’habitat restait entre les mains de l’État. La montée
en puissance des intercommunalités, à partir de 1999, a conduit les EPCI
à prendre progressivement un poids important dans la conception et la
coordination des politiques locales de l’habitat, notamment à l’aide des
programmes locaux de l’habitat (PLH). Ces derniers énoncent des pro-
grammes d’action de plus en plus précis, en particulier pour la construction
de logements sociaux. Encore faut-il que ces constructions soient rendues
juridiquement possibles par les PLU, ce qui n’est pas toujours le cas, car les
responsabilités politiques des deux domaines sont restées disjointes dans
la plupart des agglomérations au moins jusqu’en 2014.
Les lois des années 2000 ont progressivement renforcé les liens entre PLH
et PLU. Le mouvement, entamé en 2000 par la loi SRU, qui instaurait
pour la première fois une relation de compatibilité entre le PLH d’agglo-
mération, le PLU communal et, à l’échelle des aires urbaines, le schéma
de cohérence territoriale (Scot), est accéléré, notamment à partir des pro-
positions émises dans le rapport des sénateurs Braye et Repentin48 sur
l’urbanisme de 200549. Les lois du 13 juillet 2006 portant engagement
national pour le logement et du 25 mars 2009 de mobilisation pour le
logement et la lutte contre l’exclusion élaborent un rapprochement que
l’on peut schématiser en trois dimensions complémentaires :
– d’abord, par un renforcement du caractère opérationnel des PLH. Ceux-
ci, créés par l’article 78 de la loi du 7 janvier 1983 (loi « Defferre »), qui
prévoit que « les communes ou les EPCI peuvent définir un PLH qui

48. Dominique Braye, sénateur UMP (1995-2011) ; Thierry Repentin, sénateur socialiste (2004-
2012 et 2014), président de l’Union sociale pour l’habitat (USH) entre 2008 et 2012.
Th. Repentin est devenu, par le décret n° 2015-423 du 15 avril 2015, le premier délégué
interministériel à la mixité sociale dans l’habitat.
49. Thierry Repentin et Dominique Braye, Foncier, logement : sortir de la crise. Rapport d’infor-
mation fait au nom de la commission des affaires économiques et du plan par le groupe de travail
sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, Sénat, Paris, coll. « Les rapports
du Sénat », n° 442, 29 juin 2005 (www.senat.fr/rap/r04-442/r04-4421.pdf ).
98  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

détermine leurs actions prioritaires et notamment les actions en faveur des


personnes mal logées ou défavorisées », ont tardé à acquérir une véritable
portée juridique et opérationnelle50. Devenus compétence exclusive des
intercommunalités, les PLH doivent désormais comporter un programme
d’action extrêmement précis, sur le nombre et les types de logements à
réaliser, et surtout sur leur répartition géographique, qui doit dorénavant
être détaillé à l’échelle communale ;
– ensuite, par la poursuite du resserrement des liens avec le PLU. La simple
relation de compatibilité établie par la loi SRU se révélant insuffisante,
les règles de mise en cohérence sont renforcées. S’il s’avère qu’un PLU ne
permet pas la réalisation des opérations programmées par le PLH, il doit
désormais être révisé dans un délai maximum d’un an. Plus avant, lorsque
les PLU sont intercommunaux, la loi « Boutin » de 2009 introduit la
possibilité de fusionner les deux documents ;
– enfin, en intégrant de façon plus précise les préoccupations liées au
logement dans les PLU. Parmi celles-ci, on note la possibilité de faire
figurer, pour certains secteurs géographiques, l’obligation d’inclure un taux
minimum de logements locatifs sociaux dans les opérations de construction
ou celle de délimiter des secteurs à l’intérieur desquels les programmes
de logements devront comporter une proportion définie de logements
d’une taille minimale. De même, les lois successives ont introduit diverses
dispositions techniques permettant d’accroître les densités construites.
L’étape suivante est la généralisation des PLU intercommunaux.
Le débat sur le sujet est acharné. Plusieurs gouvernements ont tenté de
l’inscrire dans le Code de l’urbanisme et tous ont échoué face aux résis-
tances de parlementaires, souvent élus territoriaux, qui ne souhaitaient
pas déposséder les communes de cette responsabilité à forte incidence
locale. Après la création des métropoles (lois du 16 décembre 2010 et du
27 janvier 2014), dont les compétences étendues rendent obligatoires les
PLU intercommunaux, la loi Alur parvient enfin à cette généralisation à
tous les EPCI en fixant pour date limite le 27 mars 2017. Pour faire passer
cette mesure, le gouvernement a toutefois dû accepter de maintenir une
possibilité de surseoir au transfert de la compétence si 25 % des communes
représentant au moins 20 % de la population totale de l’EPCI s’y opposent.
La généralisation ne sera donc pas totale, mais le mouvement est en marche.
Dans ce schéma d’ensemble, la situation de l’agglomération parisienne
constitue une exception particulièrement dommageable, compte tenu de
l’ampleur des besoins en logement et de la tension du marché immobilier.
Jusqu’en mars 2015, elle était marquée par un extraordinaire éclatement des
responsabilités dans le domaine de l’habitat, avec, pour la seule première

50. Sauf entre 1995 et 2000, en ce qui concerne la programmation du rattrapage des communes
ayant un déficit de logements sociaux.
INTRODUCTION AUX POLITIQUES DE L’HABITAT : ENJEUX ET MOYENS  ❮  99

couronne, 41 intercommunalités (dont le nombre a été ramené à 16) et


36 communes hors EPCI (dont la Ville de Paris).
La question du logement est d’ailleurs l’un des arguments majeurs en
faveur de la création de la métropole du Grand Paris au 1er janvier 2016,
mais beaucoup d’interrogations persistent sur la réalité des compétences
exercées en termes d’habitat : quel rôle central pour la métropole ? Quelles
compétences pour les nouveaux territoires qui la composent ? Quelles articu-
lations entre la métropole et les intercommunalités de deuxième couronne ?
Quel rôle pour la région ? La loi portant nouvelle organisation territoriale
de la République (NOTRe), votée définitivement par les deux Chambres
le 16 juillet 2015, modifie certaines dispositions de la loi Maptam du
27 janvier 2014 et apporte quelques précisions en la matière : il reviendra
à la métropole, à partir du 1er janvier 2017, de piloter l’aménagement de
l’espace métropolitain et la politique locale de l’habitat au moyen d’un
plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement qui devra être arrêté
au plus tard le 31 décembre 2017. Une fois ce plan adopté, la métropole
pourra bénéficier de la délégation des aides à la pierre.
Quant aux établissements publics territoriaux (EPT), au statut de véri-
tables EPCI comportant au moins 300 000 habitants, qui composeront la
métropole et dont les contours seront arrêtés au plus tard le 31 décembre
2015, ils élaboreront les plans locaux d’urbanisme intercommunaux et
exerceront l’essentiel des compétences en matière de politique de la ville,
par le biais des contrats de ville. Ces établissements publics territoriaux
auront la tutelle sur les offices publics d’HLM à compter de l’approbation
du plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement, même si, pour les
offices très ancrés dans les territoires communaux, leurs conseils d’adminis-
tration conserveront une représentation forte de leur commune d’origine51.
La stabilisation de ces statuts, après plus de deux ans de débats acharnés
dans les enceintes parlementaires, est un pas important pour l’avenir de
la métropole, mais ne doutons pas du fait que ce sont les ajustements
politiques et les pratiques des élus en la matière qui dessineront progres-
sivement le profil des politiques métropolitaines de l’habitat.

51. « Parmi les représentants de l’établissement public territorial au sein du conseil d’administra-
tion de l’office figurent, dans une proportion d’au moins la moitié, des membres proposés par
la commune de rattachement initial dès lors qu’au moins la moitié du patrimoine de l’office
est située sur son territoire. » (nouvelle rédaction de l’article L. 5219-5 du Code général des
collectivités territoriales en application de la loi NOTRe du 7 août 2015).
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  101

❯ Chapitre 3
Grandes étapes, grands tournants (1850-1995)
Les politiques du logement et de l’habitat sont le résultat d’une riche
histoire ; elles illustrent la façon dont la France a tenté d’adapter les condi-
tions de vie de ses habitants aux grandes évolutions sociales, politiques et
économiques depuis le milieu du XIXe siècle.
Les cent premières années de cette histoire sont celles de la pose des fonda-
tions, notamment pour le logement social. La seconde moitié du XXe siècle
a été d’abord marquée par les exigences de résorption d’un déficit séculaire,
puis, à partir du milieu des années 1970, par de nouvelles préoccupations
à l’origine des politiques du logement contemporaines.

De 1850 à 1948 : fondations, innovation et blocages


Le premier siècle des politiques du logement jette les bases de ce qui
constitue encore aujourd’hui l’armature du logement social et de l’aide
à la pierre. Néanmoins, cette construction institutionnelle ambitieuse et
les réalisations qu’elle a permises, dont les traces restent ancrées dans les
paysages des proches banlieues des grandes villes, se doublent d’une incapa-
cité constante à saisir l’ampleur des difficultés que connaissent les milieux
populaires à se loger décemment et à se doter des moyens de résorber le
déficit qui continue de s’accumuler. De 1850 à 1948, l’histoire du loge-
ment en France et des politiques qu’il suscite mêle innovations et crises.
102  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Les prémices : la mise en place des structures du logement


social (1850-1918)
La plupart des historiens fait remonter la politique du logement en France
à la loi du 13 avril 1850 sur l’assainissement des logements insalubres1.
C’est en effet la première intervention publique significative pour s’attaquer
aux conditions de l’habitat populaire dans les villes, lesquelles avaient été
jugées responsables de l’épidémie de choléra de 1832, ses 18 400 victimes à
Paris et près de 100 000 dans la région, ainsi que de celle de 1849. La mise
en œuvre de la loi de 1850, soumise aux volontés municipales, resta très
limitée, sauf à Paris. Toutefois, avec cette loi, l’idée que l’action publique
locale pouvait s’impliquer dans la question sociale, et singulièrement dans
le logement des classes laborieuses, avait fait son chemin. Louis Napoléon
Bonaparte en était l’un des principaux promoteurs, allant jusqu’à consa-
crer une partie de sa fortune personnelle à la construction de premiers
logements ouvriers à Paris.
Néanmoins, en ces temps de révolution industrielle, c’est à l’initiative
privée que revient l’essentiel de la production de logements destinés aux
ouvriers. Après la cité ouvrière de la rue Rochechouart ou Napoléon (1849),
celle de l’avenue Daumesnil (édifiée à l’occasion de l’Exposition univer-
selle de 1867), le familistère de Guise (dont la construction a commencé
en 1858), la cité ouvrière de Noisiel (à partir de 1874) et celle de Mulhouse
(à partir de 1854) en sont les exemples les plus connus ; ils reposent sur des
modèles de sociétés (et des idéologies) forts divers, mais pour lesquels le
point commun est l’initiative privée et patronale. Ce mouvement s’organise
entre 1885 et 1894, période au cours de laquelle banquiers et employeurs
de plusieurs villes françaises créent les premières grandes sociétés immo-
bilières à vocation sociale (la pionnière, dite des « Petits logements », est
créée à Rouen en 1885, la plus importante, celle de Lyon, a construit
1 500 logements en 1902), qui se réunissent en congrès international à
Paris en marge de l’Exposition universelle de 1889, prenant à cette occasion
l’appellation d’« habitations à bon marché » (HBM), avant la création,
l’année suivante, de la Société française des HBM.

1. Au premier rang d’entre eux, Florence Bourillon, « La loi du 13 avril 1850 ou lorsque la
Seconde République invente le logement insalubre », Revue d’histoire du XIXe siècle, nos 20/21,
2000 et Roger-Henri Guerrand, Propriétaires et locataires. Les origines du logement social en
France (1850-1914), Quintette, Paris, 1987. Citons également Annie Fourcaut, La banlieue
en morceaux : la crise des logements défectueux dans l’entre-deux-guerres, Créaphis, Grâne, 2000 ;
Susanna Magri, « Les propriétaires, les locataires, la loi. Jalons pour une analyse sociologique
des rapports de location, Paris 1850-1920 », Revue française de sociologie, vol. XXXVII, n° 3,
1996, p. 397-418 ; Jean-Paul Flamand, Loger le peuple : essai sur l’histoire du logement social,
coll. « Textes à l’appui », La Découverte, Paris, 1989.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  103

C’est en partant de ces prémices que, de 1894 à 1912, tout le système


français du logement social pose ses fondements institutionnels, lesquels
sont, au moins dans leurs principes, encore en vigueur de nos jours.
En effet, les principaux promoteurs du mouvement des HBM souhaitent
le renforcer, en lui donnant un cadre juridique et en y impliquant les pou-
voirs publics, même si c’est, dans un premier temps, de façon modérée.
C’est ainsi que le député Jules Siegfried (avec l’aide notamment de Georges
Picot, cofondateur de la Société française des HBM) dépose en 1892 une
proposition de loi en faveur des HBM « en vue de les louer ou les vendre »,
qui ne sera promulguée que le 30 novembre 1894, après d’intenses débats
et immortalisée sous le nom de loi « Siegfried ». C’est la première pierre
de l’édifice qui régit le système français du logement social. Le dispositif
qu’elle crée est destiné principalement à favoriser l’accession à la propriété
des salariés2. Le texte prévoit notamment des exonérations fiscales pour les
sociétés de construction et les futurs propriétaires, une assurance pour le
paiement des annuités en cas de décès du chef de famille, et surtout, il invite
les organismes caritatifs et des institutions publiques à investir leurs fonds
dans la construction d’HBM. Au premier rang de ces institutions, figurent
nommément les caisses d’épargne et la Caisse des dépôts et consignations3.
C’est le début d’une intense activité législative sur l’habitation à bon marché,
qui donnera lieu principalement à trois autres lois qui vont renforcer le
système ainsi mis en place :
– la loi « Strauss » du 12 avril 1906 vise à renforcer les mesures de la
loi « Siegfried ». Elle rend obligatoire la création de comités de patronage
des HBM dans tous les départements et autorise les communes et dépar-
tements à venir en aide aux sociétés d’HBM, en apportant des terrains, en
octroyant des prêts, voire en souscrivant des actions ou en garantissant les
dividendes ; elle donne aux sociétés coopératives et sociétés d’HBM des
statuts-types et autorise les prêts directs de la Caisse des dépôts ;
– la loi « Ribot » du 10 avril 1908 institue les sociétés de crédit immobilier
bénéficiant des apports financiers prévus par la loi « Siegfried » et leur
confie le rôle d’octroyer des prêts à taux réduit pour acquérir des maisons
salubres dont la valeur locative est plafonnée, à condition de mobiliser
un apport personnel minimum de 20 % ; elle étend également les aides
fiscales à l’acquisition de terrains de moins d’un hectare par des acheteurs
peu fortunés, pour la construction d’une maison ;

2. Les bénéficiaires de la loi du 30 novembre 1894 sont définis comme « personnes n’étant pro-
priétaires d’aucune maison, notamment […] des ouvriers et employés vivant principalement
de leur travail ou de leur salaire » (article 1er).
3. La Caisse des dépôts et consignations, dont les dirigeants d’alors sont très réticents, mettra
de nombreuses années à s’engager véritablement dans le financement du logement social. Il
faudra attendre le programme issu de la loi « Loucheur » du 13 juillet 1928 pour constater
sa première implication déterminante (v. infra).
104  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

– la loi « Bonnevay » du 23 décembre 1912 complète le dispositif en


autorisant les communes et les départements à créer des « offices publics
d’HBM ». C’est l’institution du service public du logement. Le premier
office public est celui de la Ville de La Rochelle, créé en 1913.
À la veille de la Première Guerre mondiale, toutes les « familles » de l’actuel
« mouvement HLM » sont donc en place : des sociétés de construction de
droit privé, ancêtres des « entreprises sociales pour l’habitat » (ESH), les
offices publics, les sociétés coopératives et les sociétés de crédit immobilier.
Le conflit stoppe net ce mouvement d’innovation. Il se traduit par de très
importantes destructions dans la moitié nord du pays (on estime que près
de 450 000 logements sont détruits et quelque 1,5 million endommagés
par la guerre dans treize départements sinistrés), qui viennent aggraver la
pénurie de logements touchant durement les villes françaises.

1918-1948 : moratoire des loyers, crise du logement


et débuts de l’aide à la pierre
La très forte crise du logement qui suit la guerre donne lieu, dès 1919, à
de graves conflits sociaux qui conduisent le gouvernement à un contrôle
drastique des loyers du secteur privé. C’est ainsi que, dans un contexte
très agité, il reconduit et généralise en mars 1919 le moratoire des loyers
qu’il avait institué pendant la guerre au profit des familles de mobilisés.
Ce moratoire, qui s’accompagne d’une très forte protection des locataires
en place, restera en vigueur jusqu’en 1939, sauf pour les logements à haut
niveau de confort (loi du 1er avril 1926).
Il en a résulté une dégradation rapide de la rentabilité locative du logement
populaire et un effondrement de la valeur des patrimoines correspon-
dants, dont la conséquence fut l’arrêt de l’investissement locatif et, pour
les propriétaires qui n’avaient pas souhaité vendre ou n’ont pas pu le faire,
l’abandon de l’entretien de leur patrimoine. Selon Danièle Voldman,
entre 1914 et 1939, alors que les salaires avaient été multipliés par douze,
les loyers ne l’avaient été que par trois4. En parallèle à la dégradation du
logement ouvrier se sont développés des programmes très haut de gamme
profitant de la liberté des loyers de ces opérations.
Faisant face à l’aggravation de la pénurie d’offre accessible aux ouvriers, le
gouvernement tente une première relance de la production de logements
à bon marché, notamment en intervenant directement dans leur finan-

4. Danièle Voldman, « La loi de 1948 sur les loyers », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 20,
octobre-décembre 1988, p. 91-102 (p. 95).
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  105

cement (ce sont, en 1919, les véritables débuts de l’aide à la pierre5, qui
seront confirmés et fortement renforcés par les lois du 26 février 1921 et
du 5 décembre 1922). C’est à cette époque que commence à s’étendre un
logement social à statut locatif, et que les offices publics prennent le pas
sur les sociétés privées d’HBM.
Parallèlement, également en réponse à l’ampleur de la crise, le début des
années 1920 est marqué par le développement de nouvelles formes de pro-
duction spéculative d’initiative privée, sous la forme de grands lotissements
à la périphérie éloignée des villes principales et singulièrement autour de
Paris6. Ces ensembles, qui ont couvert plus de 16 000 hectares en banlieue
parisienne, souvent limités à une simple division parcellaire de terrains non
équipés, voire marécageux, ont ainsi regroupé plus de 450 000 personnes
dans des conditions généralement déplorables. Les « mal lotis », escroqués
dans leur rêve d’accession à la propriété, se constituèrent peu à peu en un
mouvement social emblématique de la culture ouvrière de l’entre-deux-
guerres, qui fut l’un des fondements du socialisme et du communisme
municipal de la périphérie parisienne, notamment à partir des élections
municipales de 1925. Il contribua aussi à faire monter la préoccupation
pour le logement dans les municipalités de la banlieue populaire, certaines
allant jusqu’à se doter d’offices publics d’HBM.
Après deux tentatives d’encadrement juridique des lotissements en 1919
(loi du 14 mars) et 1924 (loi du 19 juillet), ce n’est véritablement qu’à
partir du 15 mars 1928, avec la loi « Sarrault », que les « mal lotis » des
lotissements défectueux pourront faire financer, a posteriori et avec une
contribution de l’État couvrant 50 % des coûts, les équipements qui leur
faisaient défaut.
En 1928, la crise du logement est donc encore très vive, lorsque le gou-
vernement met au point une alternative aux lotissements privés et lance
un vaste programme de construction neuve, destiné, pour l’essentiel, à
favoriser l’accession sociale à la propriété. Ce programme, organisé par
la loi du 13 juillet 1928 (dite loi « Loucheur », du nom du ministre du
Travail et de la Prévoyance sociale), prévoit la construction, sur cinq ans
(1929-1933), de 260 000 logements, dont 60 000 à « loyer moyen » des-
tinés aux familles de salariés à revenus moyens. La Caisse des dépôts est à
nouveau sollicitée et répond favorablement, bien que très provisoirement
(elle se retire du système en 1932).
Ce programme, ambitieux en apparence, est cependant bien insuffisant
par rapport à l’ampleur des besoins estimés et est rapidement confronté

5. La loi du 31 mars 1919 prévoit que l’État peut verser des subventions pouvant atteindre le
tiers du prix de revient des logements destinés à des familles nombreuses.
6. Annie Fourcaut, La banlieue en morceaux : la crise des logements défectueux dans l’entre-deux-
guerres, op. cit.
106  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

à la crise économique mondiale de 1929, qui freine brutalement les pro-


grammes de construction. Le programme issu de la loi « Loucheur » ren-
contre rapidement des difficultés. Il a finalement permis de construire
126 000 logements en accession à la propriété et environ 60 000 en locatif ;
8,2 milliards de francs ont été dépensés sur les 11 milliards initialement
programmés. C’est dans la région parisienne que les résultats s’approchent
le plus des objectifs poursuivis. En 1934, l’Union de la propriété bâtie de
France obtient de l’État la suppression partielle des aides à la construction,
avec l’abandon du projet de renouvellement du programme « Loucheur ».
En 1938, l’État cesse toute aide financière au logement, alors que la pénurie
est loin d’être vaincue.
Cet échec relatif ne doit cependant pas masquer les effets importants de
l’introduction de l’aide à la pierre dans la structuration du mouvement de
l’habitat social. L’Union nationale des fédérations d’organismes d’HBM
est créée en 19257, et plusieurs offices publics prennent une importance
considérable. C’est le cas, au premier rang, de l’Office public d’HBM du
département de la Seine, fondé (en 1916) et dirigé par Henri Sellier, à qui
l’on doit les quinze cités-jardins construites en périphérie de l’aggloméra-
tion parisienne, sur le modèle de celle de Suresnes (ville dont ce dernier
était le maire), et qui gérait 18 000 logements au 31 décembre 1936 ; c’est
également le cas de l’Office de la Ville de Paris, qui finança, à l’aide du
dispositif Loucheur, les fameux logements de la « ceinture des Maréchaux »
à Paris, et qui gérait, à la même date, 12 000 logements HBM et près de
10 000 logements à loyer moyen.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, près de 300 000 logements
HBM avaient été construits, dont environ la moitié dans le secteur locatif,
ce qui, malgré la qualité de certaines réalisations, reste très insuffisant face
à l’ampleur des besoins de la France ouvrière et urbaine. En effet, « sur les
13 millions de logements recensés en 1939, 2,6 millions étaient considérés
comme vétustes, à peine plus d’un tiers possédait l’eau courante et à peine
un dixième une salle de bains »8.
Le gouvernement de Vichy abroge l’ensemble du système HBM ; il élabore
parallèlement un vaste programme de construction, qui ne sera jamais
mis en œuvre.

7. Elle regroupe la Fédération nationale des sociétés coopératives d’HBM (créée en 1908), celle
des sociétés de crédit immobilier (créée en 1912), celle des offices d’HBM (créée en 1921) et,
plus tard, celle des sociétés anonymes (créée en 1927). Son premier congrès se tient en 1934.
8. Danièle Voldman, « La loi de 1948 sur les loyers », op. cit., p. 93.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  107

De l’après-guerre au milieu des années 1970 :


sortir du déficit
Les « trente glorieuses » sont marquées, du point de vue des politiques
urbaines et singulièrement de celles du logement, par deux périodes assez
nettement différenciées. D’abord la phase de la reconstruction, qui s’est
principalement traduite par la réparation des dommages issus de la guerre,
mais aussi par un ensemble de dispositions juridiques destinées à rendre
possible le redémarrage du secteur de l’immobilier ; puis, à partir du milieu
des années 1950, la phase de production massive qui sortira le pays de
son déficit séculaire.

1945-1954 : de la reconstruction aux premiers grands ensembles


La Seconde Guerre mondiale laisse un pays sinistré. Pour le logement, le
bilan est très lourd : plus de 400 000 immeubles sont détruits, près de
deux millions sont endommagés. Les conséquences du conflit se cumulent
avec celles des insuffisances des politiques menées au cours de la période
précédente, pour donner lieu à une pénurie dramatique. Il s’agit d’abord
de réparer ce qui peut l’être et d’assurer, par les réquisitions, l’occupation
du parc laissé vacant. Dans un second temps, il faut assurer la reprise du
secteur, notamment en incitant les investisseurs à revenir sur un marché
qu’ils avaient massivement abandonné à la suite du blocage des loyers.
Les premières années de l’après-guerre posent, timidement, les jalons de la
relance du logement. Le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme
est créé fin 1944 et, dès l’ordonnance du 28 juin 1945, est instauré un
prélèvement sur les loyers du secteur privé afin d’alimenter une Caisse
nationale d’entretien et d’amélioration de l’habitat urbain et rural, qui
deviendra en 1948 le Fonds national d’amélioration de l’habitat (FNAH),
préfiguration de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), créée en 1971.
Du côté du logement social, les lois du 30 mars et du 3 septembre 1947
recréent les HBM et définissent leurs nouvelles modalités de fonction-
nement, en particulier dans le secteur locatif. Reprenant à cette occasion
des termes de la loi « Strauss » de 1906, les habitations à bon marché ont
pour vocation de loger « les personnes peu fortunées et notamment les
travailleurs vivant principalement de leur salaire », sans pour autant que
soit fixée une autre condition d’accès que la possession de la nationalité
française. Pour leur construction, les nouvelles HBM peuvent bénéficier
de prêts directs du Trésor pour la réalisation de logements répondant à des
normes précises. Ces financements seront ensuite étendus (loi du 8 mars
1949), afin de permettre aux organismes d’HBM ayant recours à des fonds
privés de bénéficier de bonifications d’intérêts. C’est un peu plus tard, par
108  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

la loi du 21 juillet 1950, que l’appellation « Habitation à bon marché »


est remplacée par celle d’« Habitation à loyer modéré » (HLM), sans pour
autant que la réglementation du secteur en soit significativement modifiée.
La même loi du 21 juillet 1950 crée les primes et prêts du Crédit foncier
de France (CFF), qui visent à la mise en place d’un circuit de financement
privé de l’accession à la propriété reposant sur le marché financier, impulsé
par l’octroi de primes.
La loi du 1er septembre 1948 complète le système avec pour objectif de
redonner de l’air aux propriétaires bailleurs du secteur libre, tout en évitant
de créer un choc trop violent pour des locataires habitués depuis trente ans
à des loyers très bas. La loi entérine la libération des loyers des logements
construits postérieurement à sa publication, et, pour ceux qui avaient été
soumis au blocage des réglementations précédentes, institue un dispositif
de rattrapage très régulé, tenant compte des ressources des occupants, et
sous condition d’amélioration du patrimoine par les propriétaires. À cette
occasion sont mis en place le système de la surface corrigée, qui vise à
tenir compte, pour le calcul des loyers, de la qualité des logements, et un
classement des immeubles en cinq catégories de confort. Pour les ménages
à bas revenus, l’augmentation des loyers est partiellement compensée par
la création d’une allocation-logement.
Plus marginalement, à cette époque, commencent à se multiplier, à l’ini-
tiative des patrons ou des syndicats, des comités interprofessionnels du
logement (CIL), sur le modèle de celui créé à Roubaix-Tourcoing en 1943,
et dont l’objectif est de recueillir, au profit du logement, une contribution
des entreprises calculée sur la base de la masse salariale. Les fondations du
1 % logement sont en place.
Très rapidement, cet ensemble de mesures se révèle insuffisant pour sti-
muler un secteur économique totalement déstructuré et manquant cruelle-
ment des moyens financiers d’une relance rendue d’autant plus nécessaire
que les mouvements revendicatifs se multiplient et se radicalisent. De
fait, jusqu’en 1952, la production de logements neufs peine à atteindre
150 000 unités par an.
L’année 1953 marque un nouveau tournant : l’État engage un effort sans
précédent pour favoriser la construction neuve.
Ainsi, le plan « Courant », du nom du ministre de la Reconstruction et
de l’Urbanisme, se concrétise sous la forme d’une série de dispositions
législatives et réglementaires visant notamment à fournir au secteur de
nouveaux moyens financiers, afin d’atteindre un objectif minimum de
240 000 nouveaux logements par an :
– le décret du 16 mars 1953, qui crée les « logements économiques et fami-
liaux » (« Logeco »), destinés à l’accession à la propriété et fortement aidés ;
– la loi du 11 juillet 1953 et son décret d’application du 9 août, qui ins-
tituent la participation des employeurs à l’effort de construction (Peec),
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  109

inspirée des expériences des premiers CIL d’initiative privée, fondée sur le
versement, pour le logement, de 1 % de la masse salariale des entreprises
de dix salariés et plus.
Parallèlement, afin d’obtenir la relance attendue, le plan « Courant » repose
sur une politique vigoureuse de soutien au secteur de la construction, en
lui garantissant un carnet de commandes suffisant et en favorisant son
industrialisation. C’est le début des chantiers de grande ampleur et de la
production en série, ainsi que de la mise en place d’un ensemble de règles
et normes qui permettront la généralisation de l’eau courante, de l’élec-
tricité, du gaz et de la salle d’eau (la salle de bains devenant obligatoire
en 1960). Les grands ensembles sont nés, facilités par la loi foncière du
6 août 1953, qui permet à l’État d’exproprier les terrains nécessaires à la
réalisation de grands projets d’habitation. C’est aussi l’occasion d’une vaste
réorganisation de la Caisse des dépôts, dont les filiales, la SCET et la SCIC,
vont contrôler, à partir de 1955, la quasi-totalité des projets de grands
ensembles. Cette même année est lancé le gigantesque chantier du grand
ensemble de Sarcelles, premier grand emblème de cette politique nouvelle.
Dès 1953, la construction neuve passe la barre des 190 000 unités, et
atteint les 270 000 l’année suivante. L’époque de la construction massive
est lancée.
Mais, au même moment, la question sociale revient dans le débat. Une
série d’enquêtes sur le peuplement des logements HLM montre que leur
objectif social est loin d’être atteint, les ouvriers y étant sous-représentés
et les salariés à faibles ressources peinant toujours autant à se loger.
Le 1er février 1954, le décès d’une femme, morte de froid boulevard Sébas-
topol, à Paris, suscite un premier appel de l’abbé Pierre, qui provoque un
électrochoc dans l’opinion et donne naissance à ce que la presse appellera
l’« insurrection de la bonté ». De son côté, le Parlement réagit à la hâte et
vote, trois semaines plus tard, une série de mesures visant à construire rapi-
dement 12 000 logements d’urgence, créant successivement les « logements
économiques de première nécessité » (LEPN), les « logements économiques
normalisés » (LEN, dont la plupart seront réunis dans l’opération « mil-
lion »9) et les « logements populaires et familiaux » (Lopofa).
La création de cet habitat économique, aux normes inférieures à celles du
HLM ordinaire, ne suffit cependant pas à résoudre le problème massif
du logement des ménages à bas revenu ; d’où la nécessité de repenser les
modalités d’attribution du logement social. Le décret du 27 mars 1954
institue le plafond de ressources et met en place une procédure destinée à
assurer une meilleure transparence des attributions de logements HLM.
Celle-ci comprend notamment l’élaboration d’un classement des candidats

9. L’objectif étant que le coût maximum de ces logements ne dépasse pas un million d’anciens
francs de 1954 (soit environ 21 700 euros en 2014).
110  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

par un système de points selon des critères objectifs tenant compte des
conditions de logement du demandeur.
Ce classement doit être mis en œuvre chaque année et doit comporter
un nombre de candidats excédant d’au moins 50 % le nombre de loge-
ments susceptibles d’être attribués dans l’année. Cette liste nominative
doit être affichée dans un lieu ouvert au public et les demandeurs non
retenus disposent d’un droit de recours. Face à la vigoureuse résistance
des bailleurs sociaux, le gouvernement devra cependant reculer l’année
suivante (décret du 26 juillet 1955), en abrogeant le système de notation
et en remettant la responsabilité totale des attributions entre les mains du
conseil d’administration des organismes. Le plafond de ressources reste
toutefois définitivement acquis.

1954-1975 : les « vingt glorieuses »


Dès l’année 1953, plus de 90 % des 191 800 logements mis en chantier
ont reçu une aide publique, mais le secteur HLM n’en représentait encore
que 16 %. Trois ans plus tard, la barre des 300 000 unités est franchie (on
ne redescendra pas au-dessous avant 1984), et l’État reste l’acteur domi-
nant, qui aide encore directement 88 % de la production. Dans ce cadre,
le secteur HLM assure, dès 1957, près de 30 % de la construction neuve.
Cette importante évolution est encore renforcée par la loi cadre du 7 août
1957 qui revoit en profondeur la programmation du logement, prévoit
une réforme des professions du bâtiment, renforce les aides à la personne
apparues au lendemain de la guerre et crée des programmes pluriannuels
de construction qui prennent en compte, parallèlement à la création de
logements, les équipements publics qui leur seront nécessaires. L’article 1er
de la loi prévoit la construction de 300 000 logements par an en moyenne
au cours du Troisième plan de modernisation et d’équipement (1958-1961)
et la suite de cette loi prévoit les moyens financiers de la mise en œuvre de
cet objectif, répartis entre programmes locatifs et en accession à la propriété.
La voie est ouverte pour la création des zones à urbaniser en priorité, les
Zup, instaurées en 1958.
En effet, la naissance de la Ve République accélère encore ce mouvement,
concrétisé par la série de décrets de décembre 1958, promulgués sous le
titre générique : « Urbanisme, HLM, crise du logement. »
L’un de ces textes prévoit que le ministre de la Construction est chargé
d’arrêter la répartition, sur le territoire national, de « zones à urbaniser
en priorité » (Zup) qui comprendront au moins 500 logements, sur des
sites à la périphérie des villes, qui seront conçus de façon intégrale (un
seul architecte) et prévoiront l’assainissement, la voirie et les équipements
correspondants, et dont le financement est pris en charge par les communes
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  111

concernées. La procédure de création, puis de mise en œuvre, des Zup est


considérablement facilitée par le rôle du préfet, qui arrête le programme
des travaux, le plan masse et le planning des réalisations ; il peut également
exproprier les terrains nécessaires.
La Zup est donc une procédure très centralisée, que l’on peut qualifier
d’autoritaire, mais dont le principal mérite, compte tenu des objectifs
poursuivis, est d’être d’une grande efficacité. C’est aussi l’occasion d’une
réforme profonde de l’appareil de production, dans la continuité des
débuts d’industrialisation de la période précédente. La préfabrication
lourde devient la règle, autorisant le développement d’une conception
« ordonnée » de la ville et de l’habitat largement inspirée, non sans dévia-
tions, des théories issues de la Charte d’Athènes10 et de l’architecte Le
Corbusier. Deux cents Zup seront créées entre 1959 et 1969.
Parallèlement au déploiement de l’urbanisation nouvelle, l’État engage
un vaste effort de renouvellement des quartiers anciens. C’est la « rénova-
tion urbaine », également mise en œuvre à partir de 1958. Elle consiste
en d’importantes opérations de démolition du bâti vétuste (les « îlots
insalubres ») des secteurs centraux, remplacé, sur une trame rénovée, par
de nouveaux îlots, de larges avenues, et une séparation drastique entre
l’espace des piétons et celui de l’automobile (parfois sous forme de dalles).
Il s’agit de résorber définitivement les nombreux taudis qui persistent dans
les centres des villes et d’adapter ceux-ci à la vie moderne, notamment
au développement de l’automobile. Ces opérations conduisent générale-
ment au déplacement des familles ouvrières qui peuplaient les quartiers
populaires des centres anciens vers les grands ensembles périphériques. Les
transformations sociales qui en découleront seront au cœur des critiques
faites à cette première époque de la rénovation urbaine.
Cependant, dès la seconde moitié des années 1950 et surtout au début des
années 1960, il apparaît également nécessaire de s’attaquer à d’autres formes
nouvelles d’urbanisation, largement impulsées par l’essor économique des
villes et la vague d’immigration à laquelle elles donnent lieu : les bidon-
villes. L’arrivée des rapatriés d’Algérie à partir de 1962 aggravera encore
la situation. En 1966, la première enquête nationale sur le sujet recense
255 bidonvilles, dont près de la moitié en région parisienne, accueillant
près de 50 000 personnes.
Pour répondre à cet ensemble de problèmes, les aides à la pierre connaissent,
à partir de 1960, une série de réformes qui les diversifie considérablement.
Après l’abandon des programmes d’urgence et une tentative d’unification
du financement du secteur locatif social sous la forme des HLM-O (« HLM
ordinaires »), ne tardent pas à apparaître de nouvelles aides, qui concernent

10. Document en faveur d’une ville moderne plus « humaine » rédigé par le Congrès interna-
tional d’architecture moderne (Ciam) en 1933 et publié par Le Corbusier en 1941.
112  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

aussi bien les ménages connaissant les situations les plus graves que ceux
à revenus moyens. La gamme des objectifs sociaux de l’aide à la pierre
consommée par les organismes d’HLM s’élargit ainsi :
– vers le bas de l’échelle sociale, à partir de 1960, avec les « programmes
sociaux de relogement » (PSR), destinés aux populations issues des taudis
et bidonvilles éradiqués, puis en 1963, avec les « programmes à loyer
réduit » (PLR) ;
– vers les catégories moyennes, avec les « immeubles à loyer normal »
(ILN), non soumis à plafond de ressource, et les « immeubles à loyer
moyen » (ILM).
Les années 1960 sont caractérisées par la poursuite de la montée en puis-
sance des aides à la pierre. Parallèlement aux programmes locatifs, les
organismes d’HLM contribuent à l’accession à la propriété, à travers les
financements « HLM-accession » (dits « HLM-A »), principalement utilisés
pour la construction d’immeubles collectifs en copropriété, tandis que
les prêts du Crédit foncier de France continuent de se développer, à un
rythme supérieur à 100 000 unités par an jusqu’en 1972, finançant surtout
l’urbanisation diffuse de l’habitat pavillonnaire. Le financement privé de
l’accession à la propriété commence à prendre de l’importance, impulsé
par l’épargne-logement, créée par la loi du 10 juillet 1965 en remplace-
ment de l’épargne-crédit instituée par une ordonnance du 4 février 1959.
Au cours des deux décennies qui séparent le plan Courant (arrêté en 1953)
des conséquences du premier choc pétrolier, l’intense production de loge-
ments neufs transforme rapidement les paysages urbains de la France,
mettant en place deux de ses formes archétypales : le grand ensemble et
le lotissement pavillonnaire.
Le premier, d’abord valorisé comme symbole de la modernité, vecteur de
la diffusion massive du confort sanitaire (la salle de bains y devient la règle
dès le début des années 1960) et de la ville dédiée à l’automobile, mêle en
son sein l’essentiel du spectre de la société française. La gamme des modes
de financement permet la construction, dans les grands ensembles, d’une
diversité de produits immobiliers qui anticipe sur les outils aujourd’hui
mobilisés au nom de la mixité sociale11. Ce sont les processus sociaux
consécutifs aux transformations économiques de la fin des « trente glo-
rieuses » qui mettront à mal la diversité sociale des grands ensembles dès
le début des années 1970.
D’autant que, dans le même temps, les politiques d’appui à l’accession à
la propriété contribuent à la diffusion du pavillon en lotissements périur-
bains, dont il s’avère rapidement qu’il recueille une très forte adhésion

11. Le terme de « mixité sociale » n’est pas encore à l’ordre du jour. Il ne viendra véritablement
sur le devant de la scène qu’à la fin des années 1980 et, comme fil conducteur des politiques,
à partir de la loi d’orientation pour la ville n° 91-662 du 13 juillet 1991.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  113

dans l’opinion12. C’est principalement à partir de la fin des années 1960


et surtout au début de la décennie suivante que se développent à grande
vitesse les « nouveaux villages » impulsés par la politique d’Albin Cha-
landon13 et facilités par les progrès de la préfabrication industrielle. On
parle de « chalandonnettes » pour désigner les 70 000 maisons produites
à la suite du Concours international de la maison individuelle lancé par
le ministre en 1969. Ce sont les débuts de la maison sur catalogue, qui
assurera le succès de quelques grands constructeurs spécialisés.
La construction neuve atteint son pic en 1973, avec 556 000 unités, dont
64 % sont encore aidés par l’État, 23 % en locatif social (127 300 unités),
11 % en HLM accession, 23 % bénéficiant des primes et prêts du CFF et
7 % des « prêts immobiliers conventionnés » (PIC) institués en 1972. Le
secteur non aidé est passé de 35 400 unités en 1957 à 204 400 en 1973,
soit d’à peine plus de 10 % à plus du tiers de la production neuve.
Ces résultats montrent sans conteste la réussite d’une politique vigoureuse
qui, après les hésitations de l’immédiat après-guerre, est parvenue à remettre
sur pied, puis à rénover de fond en comble, le secteur du bâtiment. En
atteignant un niveau de construction neuve jamais connu en France (et
que rien n’indique que nous puissions approcher à nouveau), la produc-
tion a contribué à résorber une crise sociale grave, autorisant, après vingt
ans d’effort, un ralentissement progressif qui s’enclenche, après le premier
choc pétrolier, en 1974.

Critique des grands ensembles et de la rénovation urbaine


Le ralentissement de la production est aussi le résultat de la fin de l’enthou-
siasme suscité par la rénovation urbaine, les grands ensembles et les Zup.
Dès le début des années 1960, apparaît un discours nouveau de rejet de
l’habitat collectif, rapidement relayé par les débuts de la commercialisation
des maisons individuelles groupées et vendues à bas prix.
La critique de la politique de rénovation prend forme dès le milieu des
années 1960, quand les travaux de sociologie urbaine mettent en lumière
les effets sociaux des transformations radicales des quartiers populaires.
L’ouvrage d’Henri Coing est pionnier en la matière dès 196614 à propos d’un

12. Nicole Haumont et Henri Raymond citent à ce sujet une enquête de l’Ined qui montre que
82 % des habitants des grands ensembles exprimaient dès 1965 une préférence pour la maison
individuelle (Henri Raymond, Nicole Haumont et alii, L’habitat pavillonnaire, Centre de
recherche d’urbanisme et Institut de sociologie urbaine, Paris, 1966).
13. Albin Chalandon, gaulliste, ministre de l’Équipement et du Logement (1968-1972).
14. Henri Coing, Rénovation urbaine et changement social. L’Îlot n° 4 (Paris 13e), coll. « L’évolution
de la vie sociale », Les Éditions ouvrières, Paris, 1966.
114  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

îlot du XIIIe arrondissement de Paris ; il sera suivi d’autres analyses15. Toutes


montrent la résistance des populations au changement brutal qu’imposent la
rénovation et la disparition de la vie sociale ouvrière qui leur correspondait.
Ces travaux à fort retentissement dans les milieux professionnels et poli-
tiques, émanant principalement de la sociologie marxiste de l’époque,
soulignent aussi, avec des mots forts, l’impact du déplacement des familles
ouvrières vers les grands ensembles périphériques, certains allant jusqu’à
parler de « rénovation-déportation »16.
La fin de la politique de rénovation urbaine ne sera effective qu’en 1978
avec l’arrêt de la procédure correspondante, mais elle fonctionnait au ralenti
depuis la fin des années 1960, sauf dans quelques villes qui poursuivront
leur politique de transformation lourde des quartiers populaires considérés
comme insalubres.
La critique des grands ensembles et des Zup s’amplifie également pendant
toute la décennie 1960 ; plus aucune n’est lancée après 1969. La circulaire
du 30 novembre 1971, « relative aux formes d’urbanisation adaptées aux
villes moyennes », souvent dite « tours et barres », interdisait toute déro-
gation aux règles de hauteurs et la construction d’immeubles comportant
plus de trois cages d’escaliers en ligne dans les agglomérations de moins
de 50 000 habitants.
Dans un registre différent, la circulaire du 15 décembre 1971 « relative
à l’action sociale et culturelle dans les ensembles d’habitations » pointe
« le malaise qui se développe parfois dans les “grands ensembles” » et note
qu’il « n’est pas seulement une affaire d’habitat » ; elle soulève, entre autres
difficultés, la question de la délinquance des jeunes dans ces quartiers et
propose d’y mettre en œuvre des programmes d’action sociale spécifiques.
Mais l’arrêt de mort de la politique des grands ensembles est signifié par
la circulaire « relative aux formes d’urbanisation dites “grands ensembles”
et à la lutte contre la ségrégation sociale par l’habitat » d’Olivier Gui-
chard17 du 21 mars 1973. Dans son introduction, la circulaire Guichard
est extrêmement explicite :
« Après les efforts considérables accomplis pour augmenter la production
massive de logements neufs, il est aujourd’hui indispensable de répondre
plus efficacement aux aspirations à une meilleure qualité de l’habitat et
de l’urbanisme, et de lutter contre le développement de la ségrégation
sociale par l’habitat.

15. Par exemple Manuel Castells, Henri Delayre, Francis Godard et alii, La rénovation urbaine
à Paris : structure urbaine et logique de classe, Mouton, Paris/La Haye, 1973.
16. Groupe de sociologie urbaine de Nanterre, « Paris 1970 : reconquête urbaine et rénovation-
déportation », Sociologie du travail, n° 4, octobre-décembre 1970, p. 488-514.
17. Olivier Guichard, gaulliste, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Équipement, du
Logement et du Tourisme (1972-1974).
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  115

La présente directive définit quelques règles simples en matière d’urbanisme


et d’attribution des aides au logement ; ces règles doivent contribuer :
– à empêcher la réalisation des formes d’urbanisation désignées générale-
ment sous le nom de “grands ensembles”, peu conformes aux aspirations
des habitants et sans justification économique sérieuse ;
– à lutter contre les tendances à la ségrégation qu’entraîne la répartition
des diverses catégories de logements entre les communes des aggloméra-
tions urbaines.
L’homogénéité des types et des catégories de logements réalisés, la mono-
tonie des formes et de l’architecture, la perte de la mesure humaine dans
l’échelle des constructions ou des ensembles eux-mêmes, l’intervention
d’un maître d’ouvrage, d’un architecte ou d’un organisme gestionnaire
sur de trop grands ensembles ne favorisent pas une bonne intégration des
quartiers nouveaux dans le site urbain, ni celle des habitants nouveaux au
sein de la commune qui les accueille. »
Plus loin, la même circulaire insiste sur la nécessité de prévoir un minimum
de 20 % (sans toutefois dépasser 50 %) de logements locatifs sociaux dans
toutes les Zac de plus de 1 000 logements.
C’en est désormais fini de la création de grands ensembles, et la politique
des villes nouvelles prend le relais pour la production de logements. Néan-
moins, la crise consécutive au premier choc pétrolier va changer la donne :
le rythme de la construction neuve baisse et un nouveau chantier s’ouvre,
celui de la réforme du financement du logement.

Le tournant de la réforme de 1977


Les années 1973 et 1974 marquent une rupture majeure dans la vie poli-
tique française et, plus globalement, pour l’économie mondiale. La fin du
gaullisme au pouvoir est aussi celle du modernisme triomphant, stoppé
dans son élan par la crise qu’ouvre le choc pétrolier consécutif à la guerre
du Kippour d’octobre 1973. Ce qui n’est alors perçu par la plupart des
observateurs que comme une crise passagère avant le retour à la croissance,
est en fait la fin de l’époque exceptionnelle des « trente glorieuses » et du
baby-boom. S’agissant des politiques du logement, le temps est venu d’une
grande réforme.

Les antécédents de la réforme


Les contraintes économiques et budgétaires imposées par la crise naissante
conduisent à une réduction progressive des concours de l’État, engagée
116  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

dès le milieu des années 1960 avec la création, par la loi de finances


pour 1966 et le décret du 19 mars 1966, de la Caisse des prêts aux orga-
nismes d’HLM (CPHLM) et la poursuite de l’encouragement à l’épargne
privée. Ce mouvement s’accentue ensuite et conduit à une concentration
progressive de l’aide publique sur les secteurs les plus sociaux. L’État appuie
son argumentation sur les premiers symptômes sérieux de la résorption
d’une pénurie quasiment séculaire. Le rapport Consigny de 197118, en
préparation du VIe Plan (1971-1975), marque ainsi une forte rupture, en
critiquant le caractère peu redistributif des aides à la pierre, les inégalités
face aux régimes d’aides à la personne et l’absence de politique à l’égard des
populations dites « spécifiques » (jeunes actifs, personnes âgées, handicapés).
Il s’est traduit dès 1971 par une réforme de l’allocation de logement visant
justement ces catégories de ménages. Parallèlement, les mécanismes d’aide
à l’accession à la propriété sont réorientés pour favoriser la banalisation de
leur financement et le développement d’une concurrence nouvelle entre les
établissements spécialisés (au premier rang d’entre eux, le Crédit foncier
de France) et l’ensemble du secteur bancaire.
Le discours sur les politiques du logement change donc progressivement.
Le secteur de la construction est désormais fort, la majorité des ménages
est logée dans des conditions acceptables, même s’il reste beaucoup à faire
dans le parc privé ancien, et leurs perspectives d’ascension vers l’accession
à la propriété sont ouvertes ; les bidonvilles sont presque tous résorbés.
L’année 1973 est celle du pic historique de la construction de logements
neufs avec près de 560 000 mises en chantier ; c’est aussi la dernière année
où plus de 60 % de la production bénéficie d’aides directes de l’État (HLM
ou primes à l’accession). Dès 1974, la tendance s’inverse et, quatre ans
plus tard, en 1977, la construction neuve a perdu presque 100 000 unités
et la part du secteur libre dépasse 50 %.
Face à cette mutation, le milieu des années 1970 donne lieu à une intense
activité de réflexion sur les changements nécessaires à la politique du
logement. C’est ainsi que les groupes de travail et les rapports se multi-
plient. Parmi ceux-ci, trois ont fortement marqué l’histoire en préparant
un tournant majeur des politiques : le Livre blanc de l’Union des HLM,
le rapport Nora-Eveno sur l’amélioration de l’habitat ancien et le rapport
Barre sur la réforme du financement du logement en 197519.

18. Commissariat général du plan, Rapport de la Commission habitation du VIe Plan 1971-1975,
La Documentation française, Paris, 1971.
19. Union nationale des fédérations d’organismes HLM, Propositions pour l’habitat : livre blanc,
Paris, 1975 ; Simon Nora et Bertrand Eveno, Rapport sur l’amélioration de l’habitat ancien,
La Documentation française, Paris, 1975 ; Rapport de la commission d’étude d’une réforme du
financement du logement, présidée par Raymond Barre, La Documentation française, Paris,
1975.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  117

Schématiquement, les constats émis par ces rapports convergent à consi-


dérer que la pénurie quantitative est terminée et que, dans ces conditions,
le problème du logement n’est plus tant celui du nombre de ménages à
loger, ni celui de la persistance de taudis et bidonvilles, que celui de la
liberté de choix des statuts et des caractéristiques des logements. Le rapport
Barre dresse ce bilan dans les termes suivants : « Ainsi, s’est organisée une
économie de la production de logements qui a permis de répondre à une
grande partie des demandes. Aujourd’hui, cependant, tous les besoins
légitimes ne sont pas encore satisfaits et des aspirations nouvelles se des-
sinent qui portent en elles la demande d’une économie de la qualité. »20
Ceci étant posé, chacun s’accorde alors à considérer que l’efficacité sociale
du système des aides au logement n’est pas suffisante et qu’il faut passer
d’une logique générale d’aide à la construction à un système assis sur des
aides personnelles « modulée[s] de façon fine et continue en fonction du
revenu »21. En effet, le constat est que la plupart des ménages a, au début de
sa trajectoire résidentielle, besoin d’être aidée financièrement pour se loger
de façon décente, mais que le développement économique et social du pays
permet de considérer que ce besoin n’est que transitoire ; que l’aide n’est
qu’une façon de leur « mettre le pied à l’étrier », avant que la promotion
sociale généralisée ne leur permette d’accéder à la propriété en se constituant
un patrimoine immobilier, source de richesse pour l’ensemble du pays.
Par ailleurs, l’efficacité acquise par le secteur du bâtiment et la montée en
puissance de l’initiative et des financements privés permettent, dans un
contexte de crise économique consécutive au choc pétrolier de 1973, d’envi-
sager un recul sensible des dépenses de l’État en soutien à la construction.
À ces constats généraux s’ajoutent les conséquences des critiques formu-
lées depuis le début de la décennie à l’égard des pratiques de production
dominantes. Le changement introduit par l’accession au pouvoir de Valéry
Giscard d’Estaing, succédant à Georges Pompidou en 1974, symbolise le
retournement opéré dans les conceptions du développement urbain. On
passe ainsi d’une modernisation triomphante qui proposait de faire arriver
des autoroutes jusqu’au cœur de Paris et construire un « Manhattan-sur-
Seine » dans le XVe arrondissement (le quartier du Front de Seine, qui ne
fut que partiellement achevé au cours de la seconde moitié de la décennie),
à une politique patrimoniale à la fois conservatrice et respectueuse. S’agis-
sant des politiques du logement, ce changement conduit à opérer trois
mutations complémentaires :
– d’abord, à propos des grands ensembles, auxquels il est proposé de
substituer des modes de réalisation de logements plus attentifs aux formes

20. Rapport de la commission d’étude d’une réforme du financement du logement, présidée par Raymond
Barre, op. cit., p. 9.
21. Ibid., p. 27.
118  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

urbaines du passé et mieux insérés dans les tissus existants. Aux grands
projets portant sur des milliers de logements conçus ensemble, doivent
donc succéder de petites opérations intégrées dans la ville. Seules les villes
nouvelles, dont la production est lancée à peu près au même moment,
reprennent le flambeau des grandes opérations, mais selon des modalités
radicalement différentes de celles des années 1960, en privilégiant les
acteurs multiples et la diversité des formes, incluant une réflexion intense
sur la maison individuelle et les logements intermédiaires ;
– ensuite, en termes qualitatifs. L’exigence de la quantité et l’idée qu’il
fallait construire pour tous les Français avaient conduit parfois à transiger
sur la qualité, notamment dans les immeubles destinés aux plus pauvres,
mais aussi à développer une gamme de produits immobiliers porteuse
de mécanismes ségrégatifs au sein même des grands ensembles. Dès lors
qu’une production massive n’est plus jugée nécessaire et que la hausse du
prix du pétrole modifie la donne sur la consommation énergétique des
bâtiments, l’amélioration de la qualité des logements produits devient un
enjeu social, ce qui la rend prioritaire et impose des normes homogènes.
Il faudra donc réunifier les produits aidés ;
– enfin, le respect du patrimoine et des quartiers existants a sonné la
fin de la politique de rénovation urbaine au profit de nouveaux modes
d’intervention regroupés sous le terme de « réhabilitation » et dont le
champ d’action dépassera les secteurs historiques fortement valorisés qui
étaient déjà protégés par la restauration immobilière réalisée dans le cadre
de la loi « Malraux » du 4 août 1962. Ce qui n’empêchera cependant pas
certaines municipalités de continuer pendant quelques années à mettre en
œuvre des projets de restructuration urbaine passant par de nombreuses
démolitions dans les quartiers populaires, à l’image de la Ville de Paris
jusqu’au milieu des années 1990.

Ses principales composantes


Suivant la plupart des recommandations des rapports Barre et Nora-Eveno,
l’État tire les conséquences opérationnelles des constats qui précèdent et
engage la rédaction de ce qui deviendra la loi du 3 janvier 1977.
On peut schématiser la réforme en retenant trois de ses composantes
principales22.

22. Nous retiendrons ici principalement les composantes de la réforme dont les traces sont encore
fortement présentes de nos jours, ce qui conduit, par exemple, à minorer des dispositifs,
comme les prêts conventionnés, tombés en relative désuétude.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  119

L’aide personnalisée au logement (APL)


La première est l’introduction de l’aide personnalisée au logement, qui
modifie en profondeur les équilibres entre les aides directes à la pierre et
les aides à la personne destinées à aider les ménages à assumer le coût de
leur logement.
Considérant que le secteur de la construction est désormais bien struc-
turé et que l’épargne privée peut prendre le relais des aides budgétaires
massives, l’accent peut être mis sur l’accompagnement du marché par
la solvabilisation des ménages en ayant véritablement besoin. L’APL est
donc la véritable clé de voûte du nouveau système, avec ce qui déclenche
l’ouverture du droit à la recevoir : le conventionnement.
Contrairement aux aides personnelles préexistantes23, l’APL est ouverte
à toutes les catégories de ménages, et calculée sur la base d’un barème
qui donne la place prépondérante au niveau de ressources. La condition
essentielle du droit à l’APL est le statut du logement. Celui-ci doit avoir
donné lieu à la signature d’une convention entre le propriétaire et l’État,
fixant notamment un certain nombre de conditions économiques (loyer
maximum pour les logements locatifs) et techniques (destinées principa-
lement à favoriser une qualité minimale).
Au moment de la création de l’APL, ces conventions ne pouvaient être
signées que pour les logements neufs bénéficiant d’une aide à la pierre (PAP
et PLA, le conventionnement est alors obligatoire), les logements sociaux
améliorés avec un financement Palulos (conventionnement également obli-
gatoire), les logements améliorés avec l’aide de l’Anah (conventionnement
facultatif soumis à des contreparties sociales) ou encore certains logements
construits ou acquis à l’aide d’un nouveau régime de prêts non aidés, mais
réglementés : les « prêts conventionnés » (PC, dont le conventionnement
APL était facultatif).
Concrètement, la réforme de 1977 crée un parc de logements à deux
vitesses :
– d’une part, un parc conventionné, très récent ou lourdement réhabilité,
dont les occupants peuvent aisément être aidés par l’APL. Dans ce cas,
l’aide est justifiée par le fait que les loyers de ces logements sont nettement
plus élevés que ceux du parc ancien ou non amélioré ;
– d’autre part, un parc non conventionné, qui touche à cette époque
l’essentiel du parc privé, mais aussi la majorité des logements sociaux
construits avant 1978 et n’ayant pas donné lieu à une réhabilitation. Pour

23. Le principe de l’aide à la personne est apparu en 1948, avec la création de l’allocation loge-
ment familiale (ALF), et avait été renforcé en 1971 avec celle de l’allocation de logement
sociale (ALS). Mais ces deux systèmes ne concernaient qu’un nombre limité de bénéficiaires.
L’ALS et l’ALF n’étaient accessibles qu’aux ménages présentant certaines caractéristiques spé-
cifiques (liées à l’âge, à la situation familiale, au handicap, etc.).
120  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

le parc privé non conventionné, il s’agit d’éviter les effets inflationnistes


des aides24 ; pour le parc social non réhabilité, l’absence d’aide automatique
est justifiée par la faiblesse des loyers. Les occupants de ces logements ne
peuvent alors prétendre qu’à l’ALS ou à l’ALF, mais à condition de remplir
les conditions spécifiques à ces aides.
Il faudra attendre un peu plus de dix ans pour que ces systèmes soient unifiés
afin de corriger les injustices et les dysfonctionnements qu’ils entraînaient.
Ce sera le « bouclage des aides à la personne », mis en œuvre progressive-
ment entre 1988 et 1992.

L’unification des aides à la pierre


La deuxième composante de la réforme est la remise à plat des aides à la
pierre. Le rapport Barre allait jusqu’à suggérer leur suppression totale,
mais la résistance des HLM et de l’industrie du bâtiment a eu raison de
ce projet. Les aides ont toutefois été fortement réformées, à la fois sous
la forme d’une réduction de leur montant et par leur simplification. En
effet, si l’on fait abstraction des prêts conventionnés, les aides à la pierre
pour la construction neuve sont réduites à deux catégories de prêts qui,
malgré plusieurs réformes techniques, ont persisté jusqu’en 1995 pour
l’un et 2000 pour l’autre :
– les prêts à l’accession à la propriété (PAP) sont destinés à financer la
primo-accession de ménages à revenus moyens. Ils sont distribués par le
Crédit foncier de France et par le réseau des sociétés anonymes de crédit
immobilier (Saci) du Crédit immobilier de France, une des composantes
du mouvement HLM. Le PAP est un prêt principal à taux réglementé qui,
à certaines époques, a pu financer jusqu’à 100 % des coûts d’acquisition.
Il était principalement destiné à acquérir des logements neufs et, sous
certaines conditions, des logements existants nécessitant d’importants
travaux. C’était donc à la fois un outil d’aide à l’accession, grâce à des
taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché, et un moyen de canalisation de
l’investissement des ménages vers les entreprises de construction (notam-
ment l’artisanat de la maison individuelle). Le PAP connaîtra son heure
de gloire pendant les années de forte inflation, lorsque le pari d’un retour
prochain à la croissance restait de mise, avec la perspective d’une hausse
généralisée des revenus25. Il s’en produira plus de 100 000 unités annuelles
entre 1977 et 1986. La période suivante, jusqu’à son remplacement par le

24. Dans le parc privé dont les loyers ne sont pas plafonnés, l’aide à la personne peut favoriser
une augmentation des loyers, le propriétaire captant ainsi, comme une aubaine, une part de
l’aide normalement destinée au locataire.
25. Les prêts à mensualités progressives, qui tablaient sur une croissance continue des revenus des
emprunteurs, permettaient un effort financier modéré en début d’emprunt, mais se retour-
neront ensuite contre les accédants lorsque l’augmentation continue de leurs mensualités
croisera la chute de l’inflation et le ralentissement de l’augmentation des salaires.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  121

prêt à taux zéro en 1995, sera caractérisée par la chute brutale du nombre
de PAP financés, sous l’effet d’un faisceau de facteurs économiques défa-
vorables à l’accession sociale : forte hausse des prix fonciers et immobiliers,
recul de l’intervention budgétaire de l’État dans l’aide à la pierre, baisse de
l’inflation et prudence des ménages modestes26 ;
– du côté des HLM, les prêts locatifs aidés (PLA) deviennent le moyen
unique de financement de la construction et de l’acquisition-amélioration
de logements locatifs sociaux. Il s’agit avant tout de réunifier le système
en supprimant la quantité excessive de financements spécifiques et en
réduisant à la fois le nombre de logements aidés et leur coût unitaire pour
le budget de l’État. En effet, la forte réduction de l’aide publique directe,
accompagnée d’une nouvelle réglementation qui favorise l’augmentation de
la qualité27, conduit, pour en équilibrer la gestion, à des montants de loyer
très largement supérieurs (jusqu’au double) à ceux des logements financés
à l’aide des systèmes précédents. Ce financement unique de la production
de logement sociaux gardera cette forme jusqu’au début des années 1990.

Les outils de la politique de réhabilitation


La troisième composante de la réforme, qui trouve l’essentiel de son argu-
mentation dans le rapport Nora-Eveno, est le renouveau de la politique
appliquée à l’habitat existant.
Dans le parc privé, aux aides déjà anciennes de l’Agence nationale pour
l’amélioration de l’habitat (l’Anah, créée par décret du 29 septembre 1971),
la loi du 3 janvier 1977 ajoute un véritable plan d’amélioration de l’habitat
ancien qui se concrétisera pour les propriétaires occupants, avec la création,
en 1979, de la prime à l’amélioration de l’habitat. Les opérations program-
mées d’amélioration de l’habitat (Opah) sont créées par une circulaire du
1er juin 197728 afin de faciliter, au sein de périmètres délimités, le recours
aux subventions de l’Anah.
Pour le parc locatif social, et notamment les grands ensembles qui com-
mencent à se dégrader, ou souffrent de sérieuses lacunes en matière d’iso-
lation thermique, la loi se place dans la lancée d’un ensemble de réflexions
sur l’intervention dans les grands ensembles, qui avait donné lieu à la
création d’un Fonds d’aménagement urbain (FAU) par arrêté du 28 sep-
tembre 1976. La loi crée la prime à l’amélioration des logements à usage

26. Thierry Lacroix, « Le recul de l’accession sociale », Économie et statistique, nos 288-289, 1995,
p. 11-41.
27. Le système du « prix de référence » et le calcul des loyers sur la base de la surface corrigée sont
les clés de voûte de cette politique d’amélioration de la qualité des logements locatifs sociaux
produits avec des PLA. Les dérives consécutives à cette réglementation ont conduit l’État à
la réformer à partir de 1995.
28. Elles n’obtiendront la consécration par la loi qu’avec la loi d’orientation pour la ville du
13 juillet 1991.
122  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

locatif et à occupation sociale (Palulos29), outil financier parallèle au PLA


pour l’amélioration des HLM existantes. Le début du programme Habitat
et vie sociale (HVS) en 1977 donne à la Palulos ses premiers chantiers
d’expérimentation, qui seront promis à de forts développements au cours
des années 1980 et 1990.

Les années 1980 et le début des années 1990 : le cadre


contemporain des politiques du logement
La réforme de 1977 a eu le mérite considérable de rationaliser un système
qui avait peu à peu perdu son fil directeur, et de prendre acte des grandes
évolutions économiques nationales et mondiales. Elle a introduit un méca-
nisme d’aide personnalisée qui constitue encore aujourd’hui le socle de
l’action publique sur le logement.
En revanche, une part importante du constat qui a justifié cette réforme s’est
révélée erronée, ou du moins en retard sur les effets de la crise économique
et sociale qui ébranlait alors les pays les plus anciennement industrialisés.
Ce qui était encore considéré à la fin des années 1970 comme une crise
passagère, avant le retour de la croissance, était en fait un changement
structurel considérable, accompagné du recul rapide de l’inflation30.
La promotion sociale, qui devait favoriser la mobilité des ménages (notam-
ment leur sortie du parc HLM vers l’accession à la propriété) et l’augmen-
tation linéaire des revenus (permettant aux dépenses de l’État en APL
de rester stables, voire de baisser, comme le prévoyait le rapport Barre à
partir des années 1990), ne fut pas au rendez-vous, entraînant à la fois
une insuffisance quantitative de l’offre de logements sociaux (les ménages
« captifs » ne laissant pas la place aux générations suivantes) et une explosion
des dépenses d’aide à la personne (toutes aides et tous régimes confondus,
on passe de 1,9 milliard d’euros en 1980 à 7,8 milliards en 1990 et à plus
de 16 milliards au début des années 2010).
Dans ce contexte, auquel s’ajoute le tournant politique de 1981 qui amène
la gauche au pouvoir pour la première fois depuis les années 1950, les
années 1980 sont caractérisées par d’importantes inflexions qui contri-

29. Tout en gardant son sigle, la Palulos a été largement réformée en 1988, et s’appelle désormais
« subvention à l’amélioration des logements locatifs sociaux ».
30. Il faut rappeler à ce titre que les hypothèses économiques du rapport Barre pariaient sur une
inflation de 8 % et une hausse annuelle du pouvoir d’achat des ménages concernés par l’aide
personnelle de 2,5 %, soit une augmentation des revenus de 10,5 % par an ! (Rapport de la
commission d’étude d’une réforme du financement du logement, présidée par Raymond Barre, op.
cit., p. 83).
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  123

bueront à dessiner les grandes lignes du cadre des politiques du logement


contemporaines. Au cours de cette décennie marquée politiquement par
le tournant économique de 1983 (passage d’une politique de l’offre à une
politique de rigueur), puis deux alternances (retour de la droite libérale
en 1986 et réélection de François Mitterrand en 1988), les politiques du
logement sont marquées par trois tendances complémentaires qui mettent
en orbite les grandes orientations des années 1990 et 2000 : les débuts de
la décentralisation, des débats autour du secteur locatif privé qui mettent
en avant l’idée de droit au logement et un ensemble de réformes des
mécanismes d’aides qui adaptent le système mis en place en 1977 aux
nouvelles réalités sociales, économiques et budgétaires.

Les premiers pas de la décentralisation


L’un des projets emblématiques de l’Union de la gauche arrivée au pouvoir
en 1981 est la décentralisation. Les principes adoptés par les lois de 1982
et 1983 reposent sur le transfert de blocs de compétences de l’État vers les
différents niveaux de collectivités territoriales, c’est-à-dire principalement,
à ce moment-là, les communes et les départements.
Dans ce cadre général, ce premier acte de la décentralisation « à la française »
fait peu de place à la question du logement. Le choix de laisser entre les
mains de l’État les compétences liées à l’habitat est fondé sur une triple
nécessité : d’abord, celle de garder la maîtrise des importantes masses
financières engagées, notamment celle des aides à la personne ; ensuite,
celle de conserver une capacité de pilotage macro-économique du secteur
du bâtiment dans un contexte de crise grave de l’emploi ; enfin, celle de
préserver le niveau national d’exercice de la solidarité.
Sur ce dernier point, l’un des arguments majeurs de ce centralisme sectoriel
était la crainte que l’émiettement de la structure communale conduise les
élus à adopter des pratiques d’exclusion guidées par le souci d’une maîtrise
du peuplement à des échelles hors de proportion avec les véritables enjeux
du logement dans les agglomérations. À ce moment de la décentralisation,
la France manque encore d’un niveau territorial capable de prendre en
main une politique locale solidaire.
En revanche, l’urbanisme et les politiques sociales, deux domaines qui
entretiennent des liens forts avec la question du logement, sont décentralisés
respectivement aux communes et aux départements.
S’agissant de l’urbanisme, la préparation et l’approbation des plans d’occu-
pation des sols (POS, devenus les PLU en 2000) permet aux communes
de définir les règles de constructibilité qui s’appliqueront sur leur territoire,
ce qui, assorti à la délivrance, par les mêmes communes, des permis de
124  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

construire, entraîne des conséquences sur la capacité des opérateurs à


produire tel ou tel type de logement sur telle ou telle portion du territoire.
La loi du 7 janvier 1983, qui précise le contenu des compétences décentra-
lisées, prend modestement acte de ce lien entre l’urbanisme et les politiques
de l’habitat en créant un outil nouveau sans portée juridique réelle mais
voué à un grand avenir : le programme local de l’habitat (PLH). Dans sa
version d’origine, celui-ci n’est, en effet, qu’une démarche facultative par
laquelle une commune (ou un groupement de communes) peut dresser
un diagnostic de sa situation en matière de logement et des besoins qu’il
serait nécessaire d’y satisfaire. Le PLH en tire des intentions d’action sur
lesquelles la commune pourra fonder sa négociation avec les services décon-
centrés de l’État qui gardent en main la gestion des financements aidés et
leur répartition spatiale (ce que l’on appelle la programmation des aides à
la pierre). Dans cette acception du PLH, il s’agit donc d’un outil à faible
portée, principalement destiné à aider les communes qui le demandent à
faire valoir leurs souhaits et à faciliter leur accès aux financements de l’État
pour la construction ou l’amélioration de logements sociaux sur leur ter-
ritoire. Il faudra attendre les années 1990 pour que le PLH connaisse une
succession de réformes qui lui donneront une portée juridique croissante ;
nous y reviendrons dans le prochain chapitre.
S’agissant des politiques sociales, le lien avec la question du logement
n’apparaît pas aussi immédiatement, même si les travailleurs sociaux,
désormais placés sous la responsabilité des départements, seront parmi les
premiers à percevoir, dès le début des années 1980, les dimensions sociales
de l’échec de l’édifice de la réforme de 1977. Ce lien prendra forme pro-
gressivement avec la mise en évidence des fortes relations qui unissent les
situations d’exclusion dues à la précarisation de l’emploi avec la question
du logement. Ainsi, dès le milieu des années 1980, surgit dans certains
départements la nécessité de mettre en place des mécanismes d’aide sociale
spécifiques au secteur de l’habitat soit pour éviter l’expulsion de ménages
devenus incapables d’assumer la charge financière de leur logement, soit
pour les aider à franchir les obstacles financiers à l’accès à l’offre (paiement
des dépôts de garantie, caution solidaire, etc.). À cette époque apparaissent,
à titre expérimental, des dispositifs tels que des fonds d’aide aux impayés
de loyer (FAIL) ou des fonds d’aide au relogement et de garantie (FARG).
Sous l’impulsion de l’État, qui favorise l’expérimentation dans ce domaine,
certains conseils généraux vont alors jusqu’à élaborer des « plans départe-
mentaux » regroupant un ensemble d’aides et d’instruments d’accompa-
gnement des ménages connaissant des difficultés en matière de logement.
Ils posent ainsi les bases de ce que la loi « Besson » généralisera en 1990
avec les PDALPD et les FSL – nous y reviendrons.
Par ailleurs, la loi du 7 janvier 1983 crée les conseils départementaux de
l’habitat, qui seront, jusqu’en 2005 et leur remplacement par les comités
régionaux de l’habitat (CRH), des lieux d’échange réguliers entre l’État,
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  125

les collectivités territoriales et les opérateurs du logement. Ces conseils ne


disposaient d’aucun pouvoir décisionnel et ne sont que rarement parvenus
à jouer un rôle significatif pour le partenariat entre les différents niveaux de
responsabilité politique impliqués dans la conception et la mise en œuvre
des volets territoriaux des politiques de l’habitat.
Le premier acte de la décentralisation française n’a donc fait qu’effleurer
la question de l’habitat, qui reste, à ce stade, une compétence quasiment
exclusive de l’État. La question du droit au logement, qui émerge dans les
débats des années 1980, introduira les premières brèches dans le système
ainsi mis en place.
Mais, alors que l’articulation indispensable entre les politiques de l’habitat
et les compétences en matière d’urbanisme conduit à évoquer de plus en
plus souvent la notion de « compétence partagée », les années 1980 sont
aussi marquées par la persistance de la méfiance de l’État à l’égard des
communes. En effet, les manifestations de la crise des banlieues conduisent
à mettre en avant, au cours de la seconde moitié de la décennie, un nouvel
objectif de mixité sociale qui semble contradictoire avec des politiques
municipales réputées favoriser l’entre soi, voire le clientélisme. Les émeutes
d’octobre 1990 à Vaulx-en-Velin accélèrent le processus. En décembre,
Michel Delebarre est nommé ministre de la Ville et son premier chantier
est consacré à la préparation d’une loi dite alors « anti-ghetto ». Ce texte,
qui deviendra la loi d’orientation pour la ville (LOV) du 13 juillet 1991,
comportera, pour la première fois, une obligation de produire des logements
sociaux dans les villes qui en sont insuffisamment dotées.
Dans ses grandes lignes, la LOV31 lançait des ponts entre la politique de la
ville (en supprimant le statut de Zup et en allant jusqu’à promouvoir dans
son article premier « le droit à la ville »), l’urbanisme et le logement (par
exemple en obligeant à l’insertion des enjeux locaux de l’habitat dans les
plans d’occupation des sols et les schémas directeurs ou en donnant une
existence juridique aux Opah et en instituant des établissements publics fon-
ciers créés à l’initiative des collectivités territoriales). Mais la mesure la plus
souvent citée est l’obligation faite aux communes de plus de 3 500 habitants
incluses dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants, d’atteindre
20 % de logements sociaux. À défaut, les communes devaient payer une
contribution financière ou s’engager dans un programme local de l’habitat
programmant le rattrapage de leur déficit. C’est donc l’apparition d’une

31. À l’initiative du Plan construction et architecture (actuel Puca : Plan urbanisme construc-
tion architecture) et sous l’impulsion de François Ascher, la LOV a été en partie rédigée sous
le regard des chercheurs en sciences sociales. On trouve les traces de ces échanges et de cette
histoire dans deux ouvrages : Véronique de Rudder, Ghislaine Garin-Ferraz et Bénédicte
Haquin, Loi d’orientation pour la ville : séminaire chercheurs, décideurs, Plan construction et
architecture, Paris-La Défense, 1992 et Arlette Heymann-Doat, L’élaboration de la loi d’orien-
tation pour la ville (recherches 31), ministère de l’Équipement et du Logement, 1993.
126  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

deuxième génération de PLH, entrepris sous injonction étatique à l’échelle


communale, par les villes obligées de programmer des logements sociaux.
Moins volontaristes que ceux de la loi de 1983, ils acquièrent, par la
contrainte dont ils émanent, une certaine portée juridique.
Désapprouvée et jugée inapplicable par la majorité libérale qui accède au
pouvoir en 1993, cette disposition de la LOV est mise en attente jusqu’à la
loi « relative à la diversité de l’habitat » du 21 janvier 1995, qui en atténue
considérablement la portée en étendant la définition de l’habitat social aux
logements réalisés en accession à la propriété aidée.
Concernant la répartition des responsabilités publiques en matière de
politiques du logement, le début des années 1990 est donc marqué par
une ambiguïté entre l’idée d’un partage de compétences entre l’État et
les communes et celle d’une défiance ne pouvant être surmontée que par
la contrainte. Il faudra attendre la fin de la décennie, avec la loi « Che-
vènement »32 du 12 juillet 1999, pour que la montée en puissance de
l’intercommunalité33 change la donne et mette sur le devant de la scène
un nouvel acteur dont la légitimité à agir dans le domaine de l’habitat soit
reconnue : l’agglomération.

La question sociale : débat sur le secteur locatif privé


et émergence du droit au logement
Si la décentralisation n’apparaît pas immédiatement liée aux politiques
du logement, un autre débat occupe les années 1980 : celui du droit et
des relations entre propriétaires et locataires. La décennie est le théâtre
d’un débat, très vigoureux et teinté d’idéologie au rythme des alternances
politiques, sur ces questions et les relations qu’elles entretiennent avec
l’avenir du secteur locatif privé. Ces échanges se traduisent par la succes-
sion de trois lois importantes : la loi « Quilliot » du 22 juin 1982, la loi
« Méhaignerie » du 23 décembre 1986 et la loi « Mermaz-Malandain »
du 6 juillet 1989, toujours en vigueur au milieu des années 2010, après
ses amendements par la loi Alur.
La loi « Quilliot » « relative aux droits et obligations des locataires et des
bailleurs » s’ouvre sur une déclaration solennelle :
« Art. 1er – Le droit à l’habitat est un droit fondamental ; il s’exerce dans
le cadre des lois qui le régissent.

32. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur de 1997 à 2000.


33. Pour le développement de l’intercommunalité, le dernier essai en date, la loi n° 92-125 du
6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, n’avait pas connu le
succès escompté.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  127

L’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de


son mode d’habitation et de sa localisation grâce au maintien et au déve-
loppement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété
ouverts à toutes les catégories sociales.
Les droits et obligations réciproques des bailleurs et des locataires doivent
être équilibrés, dans leurs relations individuelles comme dans leurs rela-
tions collectives. »
La relation est faite, dès le début du texte, entre la notion de « droit à
l’habitat » et la question des rapports locatifs. D’ailleurs, à ce stade, la
relation reste exclusive puisqu’aucune autre mesure ne viendra mettre en
œuvre ce nouveau droit avant le début des années 1990.
Le pouvoir socialiste de 1981 s’attache donc essentiellement à rééquilibrer
les rapports locatifs au profit d’une plus forte protection du locataire. Tou-
tefois, il s’avère rapidement que la réforme accentue un fort déséquilibre
au sein d’un marché immobilier résidentiel déjà sensible, depuis la seconde
moitié des années 1970, à la concurrence des placements financiers et à
la dégradation de la rentabilité locative. Les Enquêtes logement de l’Insee
montrent que, entre 1978 et 1984, le parc locatif privé a perdu plus de
600 000 unités, soit près de 12 % de l’offre en six ans. En 1985, l’inves-
tissement locatif des personnes physiques est au plus bas (1,7 milliard
d’euros d’acquisitions, selon le Compte du logement34).
La question posée, au milieu des années 1980, devient celle de l’utilité
de ce secteur dont on constate qu’il est difficile à réguler et qu’il est d’une
grande fragilité, d’autant que la part des propriétaires personnes physiques
ne cesse de croître, alors que les institutionnels (compagnies d’assurance,
groupes financiers, caisses de retraite, Caisse des dépôts…) commencent
à se désengager. Or, le rôle joué par ce secteur locatif apparaît comme
fondamental, notamment pour le logement des jeunes et des ménagers
mobiles dont le secteur social peine à satisfaire les besoins en termes de
souplesse et de rapidité de réaction.
Dès 1985, Paul Quilès35, ministre en charge du logement, s’alarme de cette
situation et prend des premières mesures fiscales d’incitation à l’inves-
tissement, mais c’est Pierre Méhaignerie qui, après le retour au pouvoir
de la droite en 1986, accélère les choses et propose une loi (promulguée
le 23 décembre de cette année-là) d’inspiration très libérale « tendant à
favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements
sociaux et le développement de l’offre foncière ». Son article 55 abroge

34. À titre de comparaison, il a atteint un maximum proche de 28 milliards en 2011.


35. Paul Quilès, ministre socialiste de l’Urbanisme, du Logement et des Transports (1984-1985).
Il sera à nouveau en charge du logement comme ministre de l’Équipement, du Logement,
des Transports et de l’Espace en 1991-1992.
128  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

purement et simplement la loi « Quilliot » du 22 juin 1982, et avec elle,


le fragile « droit à l’habitat ».
Le discours libéral d’alors argumente sur le fait que, avec des règles plus
favorables aux propriétaires, le marché s’équilibrera progressivement grâce
à l’accroissement de l’offre, ce qui générera une certaine modération des
loyers. Cependant, la plupart des acteurs du secteur soulignent le risque
d’une flambée des loyers et d’une précarisation du statut de locataire.
De fait, la loi « Méhaignerie » n’est jamais véritablement entrée en vigueur
sur ce point. En revanche, la loi était accompagnée d’un renforcement
des dispositifs fiscaux d’incitation à l’investissement locatif, qui portera,
jusqu’en 1997, le nom de ses deux géniteurs, « Quilès-Méhaignerie », et
dont l’impact sur le secteur a été bien plus vif que l’encadrement juridique
des rapports locatifs. Dès la seconde moitié des années 1980, l’investisse-
ment locatif avait en effet repris et la décrue du parc était enrayée.
La loi « Mermaz-Malandain » du 6 juillet 1989 permet de sortir le secteur
locatif privé du débat idéologique qui a marqué la décennie. Son article
premier reprend à quelques mots près celui de la loi « Quilliot » et remplace
le terme de « droit à l’habitat » par celui de « droit au logement ».
Restait à le mettre en œuvre. C’est l’objet, un an plus tard, de la loi du
31 mai 1990, dite loi « Besson ». Avec la montée du chômage, de la précarité
et de la pauvreté (on parle alors de « nouvelle pauvreté » pour qualifier des
situations que l’on croyait avoir résorbées pendant les « trente glorieuses »),
les années 1980 avaient remis en lumière la problématique du logement
des personnes défavorisées et révélé que le pari du retour à la croissance
sur lequel reposait largement la réforme de 1977 était largement erroné.
La loi Besson institue un nouveau registre de politiques de l’habitat, ciblé
sur les personnes en difficulté, et s’appuie sur une logique de contractua-
lisation entre l’État et les conseils généraux, dont la loi de 1983 faisait
les acteurs majeurs de l’action sociale. C’est la généralisation des plans
départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées
(PDALPD) et des fonds de solidarité logement (FSL). La loi « Besson »
et celles qui lui succéderont sur la thématique du logement des personnes
défavorisées font entrer les conseils généraux dans les questions d’habitat
par la porte des politiques sociales orientées vers des publics cibles que les
départements connaissent bien du fait des compétences qu’ils ont acquises
au cours de la décennie précédente.

Les réformes des mécanismes d’aide de 1977


Dès le début des années 1980, il apparaît que les grands principes de la
réforme des aides au logement posent problème. Ce constat entraîne une
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  129

succession de retouches qui concernent aussi bien les aides à la pierre que
les modalités de distribution des aides à la personne.
S’agissant de la production de logements sociaux, l’alternance de 1981 avait
remis au goût du jour la question des aides à la pierre dans un contexte
économique difficile qui justifiait à la fois leur rôle de soutien à l’activité
du bâtiment et le besoin d’accroissement de l’offre sociale. Cependant, le
tournant de politique économique pris en 1983 a compromis ce retour
à une aide à la pierre massive et s’est traduit par une accélération de la
banalisation du système avec la suppression, en 1985, de la Caisse des prêts
aux organismes d’HLM et la séparation, dans la technique de financement
du locatif social (en neuf et en réhabilitation), de l’aide directe de l’État
sous forme de subvention et du prêt de la Caisse des dépôts.
En 1988 est créée une « ligne fongible » par laquelle la distribution des aides
à la pierre (PLA et Palulos) est arbitrée au niveau des services déconcentrés
de l’État (les directions départementales de l’Équipement – DDE), sur la
base d’une dotation unique résultant de la répartition par département
des crédits budgétaires nationaux. Partant de là, les DDE énoncent leurs
priorités en termes de construction ou d’amélioration de l’existant et
répartissent leurs aides en se fondant sur leurs analyses des besoins en
matière de construction neuve et de réhabilitation36. C’est un premier pas
vers une prise en compte plus efficace des spécificités locales. C’est aussi
l’expression de ce qui sera la grande époque de l’amélioration du logement
social, considérée quasiment à égalité avec la construction neuve, d’abord
pour des raisons de maîtrise énergétique, puis comme pièce maîtresse
de la politique de la ville dans les quartiers en difficulté. Le 3 juin 1989,
le Président de la République annonce la volonté du gouvernement de
réhabiliter un million de logements sociaux en cinq ans.
Du côté de l’accession à la propriété, la baisse rapide de l’inflation et les
contraintes liées à la rigueur budgétaire ont progressivement conduit
l’État à une révision drastique de la politique qui visait à aider les ménages
modestes à devenir propriétaires.

36. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, l’administration centrale chargée du
logement s’est attachée à alimenter les services déconcentrés en études et guides méthodo-
logiques destinés à les aider à mener à bien cet « exercice de programmation ». C’est aussi
le moment où se diffusent les observatoires locaux et les divers moyens d’amélioration des
connaissances sur la question du logement à l’échelle locale. Voir à ce sujet René Ballain et
Martine Goujon, Le logement des populations défavorisées. Répertoire des textes officiels et biblio-
graphie 1945-1989, Groupe d’études urbaines (Getur), Grenoble, 1989 et Jean-Claude Driant,
Les marchés locaux du logement. Savoir et comprendre pour agir, Presses de l’École nationale des
ponts et chaussées, Paris, 1995.
130  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Les premières générations des PAP, assises sur une inflation élevée et des
taux réels négatifs37, ont placé de nombreux emprunteurs dans des situations
extrêmement difficiles lorsque les prix et les salaires ont cessé d’augmenter
et la rigueur budgétaire a mis fin, dès le milieu des années 1980, au déve-
loppement euphorique du début de la décennie.
Dans le même temps, la croissance du nombre d’accédants confrontés à
des situations de surendettement dramatique (on parle alors des « acci-
dentés du PAP ») et l’insécurité croissante des situations professionnelles
ont contribué à faire baisser le nombre de candidats à la propriété chez les
ménages à ressources modestes et moyennes.
Dans un tel contexte, la réduction du nombre des PAP octroyés (divisé par
3,3 de 1982 à 1990, passant de 126 000 à 38 000 unités, avant une légère
relance en 1994 et la disparition de ce dispositif en 1995, remplacé par le
prêt à taux zéro) traduisait également une réaction à l’augmentation de leur
coût pour le budget de l’État qui compensait, auprès des établissements
émetteurs, la différence entre le taux des prêts aidés et ceux pratiqués sur
le marché libre.
Selon les Enquêtes logement de 1992 et 1996, la part des accédants récents
ayant bénéficié d’un prêt aidé n’était plus que de 15 %, alors qu’elle attei-
gnait 28 % en 1988. Pour la première fois depuis l’après-guerre, la pro-
portion des accédants à la propriété avait baissé : de 26,1 % des ménages
en 1988, elle était passée à 22,2 % en 1996. En effet, au cours de cette
période, le nombre de nouveaux accédants est inférieur à celui des ménages
qui achèvent le remboursement de leur dette38.
S’agissant des aides à la personne, dès le milieu des années 1980 commencent
à apparaître les effets du caractère inégalitaire de leur réglementation. Sur
cette base, c’est tout l’édifice qui est revu, pour être généralisé, d’abord
par le « bouclage » de l’APL dans le secteur social, qui débouche sur le
conventionnement de presque tout le parc HLM (y compris sans recours
aux travaux d’amélioration), et donc l’accès à l’APL pour tous les locataires ;
ensuite par la généralisation progressive des autres allocations logement,
permettant de considérer, à partir de 1993, que tout ménage a droit à une
aide personnelle.
Le bouclage de l’APL est rendu nécessaire par le creusement de l’écart
entre le parc conventionné, dont les locataires ont droit aux aides maxi-
males en contrepartie de loyers élevés et de logements de bonne qualité

37. Le taux d’intérêt réel est le taux d’intérêt d’un prêt après déduction de l’inflation. Ce concept
a une validité très limitée, notamment s’il s’agit de comparer des taux fixés pour des emprunts
à long terme avec une variable conjoncturelle telle que l’inflation. C’est ainsi qu’un taux réel
négatif en période de forte inflation peut s’avérer fortement positif si les prix à la consomma-
tion cessent d’augmenter. C’est ce qui s’est produit pour les PAP au cours des années 1980.
38. François Dubujet et David Le Blanc, « Accession à la propriété : le régime de croisière ? »,
Insee Première, n° 718, juin 2000.
GRANDES ÉTAPES, GRANDS TOURNANTS (1850-1995)  ❮  131

(neufs ou améliorés), et les autres, moins bien solvabilisés et occupant des


immeubles de moindre qualité. Les premières évaluations de la politique
de réhabilitation montrent même que, pour de nombreux bailleurs, les
opérations Palulos ont pour objectif essentiel le conventionnement plutôt
que l’amélioration des immeubles. Pour d’autres, le conventionnement
induit des pratiques d’attribution qui tendent à loger les ménages les plus
précaires dans les logements les plus chers, dans la mesure où ceux-ci
donnent droit à des aides personnelles versées en tiers payant, lesquelles
constituent alors une assurance de recette pour le bailleur plus encore
qu’une aide aux locataires modestes.
Ces effets non souhaités rendent nécessaire la généralisation du bénéfice
de l’APL pour les locataires du parc social et donc l’extension du conven-
tionnement défini par la réforme de 1977. Cette généralisation, appelée
« bouclage », est organisée entre 1988 et 1991 sous la forme de la signa-
ture de conventions entre l’État et les organismes de logement social par
lesquelles le premier s’engage à rendre tous leurs locataires bénéficiaires de
l’APL et les seconds à entreprendre une démarche de gestion prévisionnelle
de leur patrimoine (prévision pluriannuelle des travaux à mener, réflexion
sur le devenir des ensembles immobiliers…) et à aménager leurs politiques
de loyers pour mieux tenir compte de la qualité du service rendu aux
locataires. C’est à ce moment que, en contrepartie de la généralisation de
l’APL, commencent à se développer les « plans de patrimoine »39 et les
réflexions sur la « remise en ordre des loyers », sans grands résultats à ce
stade mais préhistoire des conventions d’utilité sociale (CUS) mises en
place vingt ans plus tard.
Du côté du parc privé, les autres régimes des aides personnelles atteignent
également leurs limites pour des raisons différentes. Réservées à certaines
catégories de ménages, celles-ci excluent la plupart des salariés modestes et
de nombreux jeunes à bas revenus. Le bouclage de l’ALS et de l’ALF exige
une grande prudence dans la mesure où, n’étant pas conventionnelle, la
généralisation de ces aides n’engage aucune contrepartie de la part des pro-
priétaires et où, dans le parc privé, la liberté des loyers risque de se traduire
par de nombreux effets d’aubaine. Après bien des hésitations, c’est le souci
de justice sociale qui l’a emporté et le bouclage s’est opéré progressivement
en trois ans sur l’ensemble du territoire national (entre 1990 et 1992),
permettant désormais à tout locataire de bénéficier d’une aide personnelle,
avec des effets inflationnistes limités quoique localement forts, notamment
sur les petits logements. Un des effets les plus commentés du bouclage
des aides à la personne a été de permettre aux étudiants d’en bénéficier,

39. Le terme de « plan stratégique de patrimoine » (PSP) n’apparaîtra que dix ans plus tard, à la
fin des années 1990. La remise en ordre des loyers ne réapparaitra quant à elle qu’au cours
des années 2000 avec le « conventionnement global », transformé en « convention d’utilité
sociale » (CUS) par la loi « Boutin » du 25 mars 2009.
132  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

quelle que soit la structure de leur revenu et notamment la solvabilité de


leurs parents, même lorsque ceux-ci financent leur logement. C’est ainsi
que le nombre de ménages bénéficiaires de l’AL, qui s’était stabilisé autour
de 2,2 millions jusqu’en 1991, a crû brutalement pour s’approcher des
3,5 millions à partir de la seconde moitié des années 1990.

***

Principalement marqué par la loi « Besson » et la loi d’orientation pour la


ville, le début des années 1990 a pris acte des échecs et des insuffisances
du système mis en place par la réforme de 1977. Dans le même temps,
la loi de 1989 semble avoir pacifié durablement le débat sur les rapports
locatifs et la décentralisation instaure très progressivement de nouvelles
organisations des compétences sur l’habitat entre un État toujours fort et
des collectivités entrées en « apprentissage ».
Au milieu des années 1990, le cadre général des politiques contemporaines
du logement est en place, mais de nombreux débats restent ouverts.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  133

❯ Chapitre 4
Les grands débats des politiques contemporaines
du logement
S’agissant des domaines du logement et de l’habitat, la période qui va
de 1995 à 2015 est marquée par d’importantes variations conjoncturelles.
Après une phase de récession et une violente crise immobilière, la seconde
moitié des années 1990 connaît une nette accalmie : la reprise économique,
accompagnée par une baisse des prix des logements, permet à de nombreux
ménages d’accéder à la propriété. À la fin de la décennie, on parle même de
« détente du marché ». Mais le rebond des prix au cours des années 2000
change radicalement la donne et le terme de « crise du logement » revient
dans le vocabulaire des acteurs, surtout quand la hausse du chômage
fragilise à nouveau une part importante des ménages.
Ces évolutions peuvent être lues parallèlement aux fluctuations de l’impor-
tance du thème du logement dans le débat politique français.
Au cours du ministère de Pierre-André Périssol, entre 1995 et 1997, voit
le jour un ensemble de réformes visant à faire redémarrer le marché (créa-
tion du prêt à taux zéro – PTZ – et relance de l’investissement locatif). Le
gouvernement de Lionel Jospin, entre 1997 et 2002, profitera de la reprise
pour renouveler, en les renforçant, les acquis du début de la décennie (lutte
contre les exclusions, loi Solidarité et renouvellement urbains, dévelop-
pement de l’intercommunalité). Entre 2002 et 2005, la conscience de la
montée des difficultés est encore faible et les gouvernements traiteront le
champ du logement par des voies indirectes : celles du renouvellement
urbain et de l’acte II de la décentralisation. À partir de 2005, la prégnance
de la question et son lien avec les difficultés sociales des ménages, ainsi que
l’émotion suscitée par les émeutes qui ont embrasé les banlieues françaises
à l’automne de cette année-là, obligent à reprendre le sujet de façon plus
directe (plan de cohésion sociale en 2005, engagement national pour le
logement en 2006, droit au logement opposable en 2007). La présidence
de Nicolas Sarkozy (2007-2012) poursuivra dans le même sens, surtout à
partir du moment où la crise économique et financière l’obligera à la fois
à organiser la relance de l’économie et à renoncer à ses objectifs initiaux en
termes de développement de la propriété (loi « Boutin » en 2009, plan de
relance de 2008-2009). Une nouvelle phase est ouverte à partir de 2012,
où l’alternance politique relance les débats de fond sur l’action publique
134  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

en matière de logement. Ces questions, qui constituent le fil conducteur


de ce chapitre, structurent aujourd’hui l’essentiel des débats.
Quelle place accorder à la construction ? Quelle promotion de la propriété ?
Quel rôle doit jouer le logement social ? Jusqu’à quel point faut-il accom-
pagner ou réguler le secteur privé ? Quels rôles des structures intercom-
munales en matière d’urbanisme et d’habitat ? Quels moyens pour assurer
conjointement le droit au logement et la mixité sociale ?

Construire 500 000 logements par an ?


Les expressions récentes des politiques du logement se concentrent sou-
vent sur une approche productiviste symbolisée par l’objectif quantitatif
d’atteindre la construction de 500 000 logements par an pendant cinq ans.
Cet objectif chiffré figurait dans le Contrat social pour une nouvelle poli-
tique du logement proposé par la fondation Abbé-Pierre et signé par
plusieurs candidats à l’élection présidentielle de 2012 (Eva Joly, Jean-Luc
Mélenchon, François Bayrou et François Hollande), montrant à quel
point l’enjeu de la construction de logements neufs avait pénétré de façon
consensuelle les orientations politiques de la plupart des partis du pays.
Cet affichage reste constant, même si sa mise en œuvre effective semble
s’éloigner d’année en année. Il faut y voir un double enjeu : celui de la
réponse aux besoins des ménages, mais aussi, et sans doute surtout, celui
du rôle de la construction de logements dans l’économie nationale et
sa contribution à l’emploi. Toutefois, un tel argumentaire suffit-il à en
prouver la pertinence ?

Les origines de l’objectif de 500 000 logements


Rappelons d’abord que ce rythme de production n’a été atteint en France
qu’au début des années 1970, et ce, pendant seulement trois ans, en plein
boom de la construction, juste avant que le premier choc pétrolier de 1973
sonne le glas des « trente glorieuses ». Depuis cette date, le rythme moyen
de construction de logements ordinaires neufs est de 330 000 unités par
an, et il n’a dépassé les 400 000 unités qu’en 2007 et en 2011 (chapitre 1).
Atteindre à nouveau 500 000 logements serait donc le résultat d’un effort
exceptionnel. Cet objectif, mis en avant au début des années 2000, part du
postulat de l’existence d’un déficit de 800 000 à un million de logements.
Celui-ci proviendrait d’une sous-estimation des projections d’accroissement
du nombre de ménages ayant entraîné l’affichage d’objectifs quantitatifs de
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  135

construction neuve insuffisants et, in fine, un nombre lui-même insuffisant


de logements neufs, notamment au cours des années 1990.
Il est vrai qu’une partie de cette décennie a été marquée par une relative
insouciance en matière de promotion de la construction neuve, dans un
contexte marqué par un faisceau de facteurs peu propices au dynamisme
productif, avec un nombre moyen de 311 000 logements neufs par an
entre 1991 et 2000 contre 336 000 au cours des années 1980 et 388 000
pendant les années 2000.
C’est donc à cette époque que se serait creusé un déficit de 800 000 loge-
ments qu’il faudrait aujourd’hui résorber par un programme quinquennal
ajoutant 160 000 logements par an aux besoins nouveaux chiffrés à partir
des projections de l’Insee et des besoins de renouvellement du parc autour
de 340 000. C’est ainsi qu’est construit l’objectif des 500 000.

Un déficit difficile à prouver


Les analyses statistiques des conditions de logement en France peinent
pourtant à démontrer l’existence d’un tel déficit. En effet, s’il manquait
autant de logements, se pose la question de la façon dont se logent les
personnes qui auraient dû y habiter. Mécaniquement, cela devrait avoir au
moins deux conséquences : un accroissement du nombre de personnes par
logement et une augmentation du nombre de celles privées de logement.
Pourtant, la baisse du nombre moyen de personnes par ménage se poursuit,
même si elle a ralenti depuis la fin des années 1980. En 2011, la France
se situait autour du septième rang des pays de l’Union européenne ayant
les plus petits ménages (avec les Pays-Bas, l’Autriche, la Belgique et le
Royaume-Uni).
Parallèlement, le nombre de personnes sans domicile augmente fortement,
mais reste heureusement marginal. Il est passé de 86 500 en 2001 à 141 500
début 2012. Il s’agit bien d’une croissance très forte et très inquiétante,
mais sans commune mesure avec l’idée d’un déficit de 800 000 logements
(qui concernerait, si on lui appliquait la taille moyenne des ménages,
1,8 million de personnes).
Une comparaison rapide avec nos voisins européens montre que la situa-
tion française en matière de stock de logements semble assez favorable.
En 2010, la France comptait 518 logements pour 1 000 habitants, contre
487 en Allemagne, 457 en Belgique, 438 en Angleterre et 436 en Autriche.
Il en va de même si on observe la construction neuve : avec une moyenne
annuelle de 5,6 logements neufs pour 1 000 habitants entre 1998 et
2013, la France se situe à des niveaux supérieurs à ceux du Royaume-Uni
ou de l’Allemagne – certes caractérisée par une démographie atone –, qui
plafonnent autour de 4 pour 1 000 pendant la même période. Au cours
136  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

de la deuxième moitié des années 2000, seuls l’Espagne et le Portugal ont


construit plus que la France.
En résumé, ces tendances relevées en Europe n’apportent pas la preuve de
l’existence d’un déficit quantitatif en France.

Le problème spécifique de l’agglomération parisienne


L’agglomération parisienne fait exception à ces indicateurs. En effet, plu-
sieurs indices signalent un probable problème quantitatif.
D’abord l’arrêt de la réduction de la taille des ménages : dans un contexte
urbain moins accueillant pour les grands logements et les familles, celle-
ci est logiquement plus faible que pour l’ensemble du pays. Mais ce qui
frappe surtout, c’est que la baisse du nombre moyen de personnes par
ménage s’est considérablement ralentie dans l’agglomération de Paris
(2,34 personnes en 1999 ; 2,30 en 2011). Intra muros, il est stable depuis
le début des années 1980 autour de 1,9.
Deux hypothèses principales peuvent être avancées pour expliquer cette
évolution à contre-courant :
– il peut s’agir d’un retour des familles vers le centre de l’agglomération.
Ce serait le bon côté des choses ;
– mais cela peut aussi être le résultat de la tension du marché et du déficit
quantitatif qui freinent le desserrement des ménages.
Il est difficile de trancher entre les deux tendances et il est d’ailleurs pro-
bable qu’elles se cumulent, mais la seconde pèse sans doute assez lourd :
les Enquêtes logements de l’Insee montrent qu’un ménage sur quatre
à Paris intra muros et près d’un sur cinq en banlieue parisienne (contre
moins d’un sur dix à l’échelle nationale) peut être considéré en situation
de surpeuplement.
La moindre réduction de la taille moyenne des ménages dans l’agglomé-
ration parisienne serait donc un indice de déficit localisé. L’atonie de la
construction neuve dans la région confirme l’ampleur du problème. Si
on avait construit en Île-de-France au même rythme que la moyenne
nationale, on aurait bâti 66 000 logements par an au lieu d’un peu moins
de 40 000, soit, sur 15 ans, plus de 390 000 logements supplémentaires.
On voit que l’enjeu quantitatif s’impose dans la région capitale. Il est
confirmé par l’objectif, affiché par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand
Paris, d’atteindre une production annuelle de 70 000 logements neufs. Il
faudrait, pour l’atteindre, pratiquement doubler le rythme de production
récent.
L’exemple francilien n’est sans doute pas unique, même s’il est probablement
le plus extrême. Il faudrait faire le même type d’analyses dans certaines
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  137

grandes villes de la bordure méditerranéenne (la région Paca – Provence-


Alpes-Côte d’Azur – ne se situe pas parmi les rythmes de construction les
plus élevés) et, sans doute dans une moindre mesure, dans l’agglomération
lyonnaise et certaines villes attractives de l’Ouest (Nantes, par exemple).
L’approche strictement quantitative de la crise du logement est donc insuf-
fisante pour en comprendre toutes les composantes. La persistance du
mal-logement et l’ampleur de l’effort financier des ménages à revenus
modestes traduisent la difficulté qu’éprouvent ces derniers à se loger selon
leurs besoins et leurs moyens.
La question majeure, pour ces ménages, est donc la mobilité résidentielle
qui leur permettrait d’ajuster leurs conditions de logement à leur situa-
tion familiale et professionnelle. Or cette mobilité n’est possible que si le
marché la permet. Ce sont les enjeux du développement de la propriété
et des rôles respectifs des parcs social et privé.

Quels rôles respectifs pour la propriété et les statuts


locatifs ?
L’encouragement au développement de la propriété occupante est une
constante des politiques du logement en France depuis leur naissance à
la fin du XIXe siècle. Il s’est poursuivi pendant l’après-guerre et a accédé
au rang de priorité lors de la réforme de 1977, au nom du « parcours
résidentiel ascendant » dont la propriété serait l’aboutissement.
Même si cette priorité n’est pas exempte d’idéologie, les quelques varia-
tions d’intensité dans sa proclamation selon la couleur politique des gou-
vernements successifs n’ont pas mis en cause les principes d’un objectif
qui correspond, par ailleurs, aux aspirations de la majorité des ménages.
Cette constante, partagée par la plupart des pays du monde, avait été for-
tement réaffirmée lorsque Nicolas Sarkozy avait, dans un premier temps,
en 2007, fait de l’objectif d’atteindre 70 % de propriétaires l’étendard de
sa conception du logement.
Cependant, l’examen attentif des composantes des politiques de l’habitat
montre que l’une des caractéristiques françaises en la matière est le soin
apporté, en parallèle, à la poursuite du développement des deux statuts
locatifs. Par comparaison, les politiques menées dans la plupart des pays
d’Europe apparaissent beaucoup plus exclusivement centrées sur la pro-
priété. C’est donc une particularité française de s’attacher au maintien de
la diversité de l’offre de logements et des statuts et d’assigner à chacun
d’entre eux des rôles complémentaires.
138  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Cette diversité des statuts se double d’un soin particulier apporté à la


complémentarité de l’offre neuve et du parc existant.

Une France de propriétaires1 ?


L’argumentation en faveur du développement de la propriété occupante
mobilise une grande diversité de registres.
D’abord, celui des situations individuelles, à partir de l’idée selon laquelle
la propriété est une aspiration très majoritaire2, qui répond à des attentes
en matière de sécurité du statut résidentiel, de stabilité, d’accumulation
patrimoniale3 et de solidarité intergénérationnelle. La propriété serait
« l’aboutissement d’un parcours résidentiel réussi dans le secteur HLM »4.
Les inquiétudes sur l’avenir des retraites et sur le financement de la dépen-
dance renforcent cette aspiration et justifient que la grande majorité des
Français souhaite atteindre le statut de propriétaire au plus tard au moment
de leur passage à la retraite. De fait, en 2013, le taux de propriétaires
occupants parmi les ménages de 60 ans et plus dépassait 72 % (il était de
65 % entre 50 et 59 ans).
Ensuite, le registre de la responsabilisation des ménages selon lequel, pour
reprendre à nouveau les propos de Nicolas Sarkozy en décembre 2007, « la
propriété, c’est la garantie d’un bon entretien des parties communes d’un
immeuble. C’est la garantie du civisme, des relations de voisinage pacifiées,
d’occupants responsabilisés. C’est même la garantie d’une réelle mixité »5.
Bref, le développement de la propriété serait un gage de fonctionnement
urbain harmonieux et de la qualité d’un parc immobilier.
Enfin, le registre macro-économique, construit sur l’idée qu’un propriétaire,
plus autonome, coûte moins à la collectivité et consacre plus de dépenses
à la consommation une fois ses dettes remboursées. De plus, on souligne
le rôle que joue la primo-accession dans les mécanismes du marché du
logement en libérant les logements locatifs, notamment sociaux, nécessaires

1. Le slogan de « France de propriétaires », très ancien, a ainsi été repris par le président Valéry
Giscard d’Estaing lors d’un discours tenu à Verdun-sur-le-Doubs, le 27 janvier 1978 : « Trois
grands desseins qui me tiennent à cœur. Le premier d’entre eux est de rendre les Français
propriétaires de la France. Non pas propriétaires collectivement […], mais propriétaires indi-
viduellement […] par la propriété de leur logement. »
2. Ainsi, selon un sondage Ipsos-Corem d’avril 2009 pour l’Observatoire français des retraites,
le fait d’être propriétaire de son logement est cité en tête (49 %) des conditions pour aborder
la retraite sereinement (contre 34 % pour « avoir mis de l’argent de côté »). Plus récemment,
en avril 2013, il ressortait d’un sondage réalisé par Ifop pour Nexity que 91 % des personnes
interrogées considéraient qu’il était préférable d’être propriétaire de sa résidence principale.
3. Selon le Conseil d’orientation des retraites (« Le patrimoine des ménages retraités : résul-
tats actualisés », séance plénière du 8 juillet 2015, p. 4), en 2010, le patrimoine immobilier
moyen des retraités s’établissait à 181 000 euros contre 158 000 pour les actifs.
4. Nicolas Sarkozy, discours du 11 décembre 2007 à Vandœuvre-lès-Nancy.
5. Ibid.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  139

à l’accueil des personnes les plus modestes, ce qui revient à énoncer une
sorte de partage des rôles entre les statuts, fondé sur leur complémentarité
dans les parcours résidentiels.
Face à cette argumentation, d’autres voix soulignent les risques que peut
faire courir un déploiement inconsidéré de la propriété, notamment chez
les ménages à revenus bas, moyens ou précaires.
Quatre registres d’inquiétudes dominent :
– d’abord, le registre social, illustré par le risque de surendettement, qui
renvoie aux difficultés rencontrées au cours des années 1980 et à certaines
expériences étrangères. L’exemple des subprimes américains fait ici office
de répulsif, sans doute durable6 ;
– ensuite, le registre économique, qui conduit à s’inquiéter de certaines
conséquences du développement de la propriété, notamment à partir de
l’expérience des copropriétés en difficulté, qui rappelle que le statut de
propriétaire ne libère ni des dépenses de maintenance, ni des consomma-
tions d’eau et d’énergie et que, dans la copropriété, ces dépenses relèvent
d’une responsabilité collective ;
– mais c’est aussi, plus largement, le constat des évolutions de la société, qui
incitent à éviter les freins à la mobilité résidentielle : les ruptures familiales
et les pertes d’emploi sont souvent des moments à l’occasion desquels la
propriété du logement peut constituer un obstacle à l’adaptation7 ;
– enfin, le registre urbain, reposant sur le constat que le développement
de la propriété en maison individuelle est l’un des moteurs de l’étalement
urbain qui fait croître à la fois les dépenses des ménages en matière de
déplacement et les émissions de gaz à effet de serre.

Des politiques prudentes et des résultats dépendant de la conjoncture


Ce débat contribue à dessiner les contours des politiques françaises de
développement de l’accession à la propriété qui, après les errements de la
première génération des PAP, sont caractérisés par une grande prudence.
Le prêt à taux zéro (PTZ) en fournit une illustration ; il exige de l’accédant
une capacité de recours à des prêts bancaires libres. Par ailleurs, pour les
emprunteurs à revenus modestes, le PTZ bénéficie de la garantie de l’État à
travers le Fonds de garantie de l’accession sociale (FGAS). Et, d’une manière
générale, le crédit immobilier français a fait le choix d’éviter le système
hypothécaire et résout la question des garanties de prêt par un système
de cautions plus sécurisant pour l’emprunteur. Le choix sous-jacent à ces
mécanismes d’aide et de garantie est de concentrer l’effort de l’accession

6. Voir à ce sujet les analyses de Bernard Vorms, notamment « Accession à la propriété : la leçon
des subprimes », Études foncières, n° 131, janvier-février 2008.
7. Voir à ce sujet les analyses de l’Anil : Jean Bosvieux, « Les obstacles à la mobilité des proprié-
taires », Anil, Habitat Actualité, décembre 2008.
140  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

sociale à la propriété sur les classes moyennes modestes sans aller jusqu’à
une accession « très sociale » qui ferait courir des risques inconsidérés aux
ménages à bas revenus.
Depuis la création du PTZ, en 1995, la hausse des prix immobiliers, puis
la crise économique et financière à partir de 2008 ont freiné la reprise de
l’accession qui avait été observée entre 1995 et 2005. Quelques mesures
conjoncturelles ont bien tenté de relancer la machine avec un certain
succès (déduction des intérêts d’emprunt entre 2007 et 2010, mise en
place du Pass-Foncier et de la « maison à 15 euros par jour » – avril 2008 –,
accompagnés du doublement du PTZ en 2009 et 2010), mais à un coût
budgétaire élevé qui en a condamné la durabilité puisque pratiquement
tous ces mécanismes ont été abandonnés en 2011. Le recul de 15 %
du nombre de primo-accédants enregistré par les Enquêtes logement de
l’Insee entre 2002-2006 et 2009-2013 illustre la difficulté que rencontre
la poursuite de l’accroissement de la propriété en France.

Vendre les HLM à leurs occupants ?


Mentionnons enfin le débat souvent vif auquel donne lieu la vente des
logements sociaux à leurs occupants. Ouverte à la suite des expériences
britanniques du début des années 1980, la question revient périodiquement
sur l’agenda politique. La vente des logements sociaux à leurs occupants
est juridiquement possible de longue date ; elle avait été remise au goût
du jour par la loi « Méhaignerie » de 1986, puis en 1994, en 2004, et
surtout pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. À chaque fois, il s’agit
de favoriser l’aliénation en incitant les bailleurs sociaux à s’engager sur des
objectifs quantitatifs de mise en vente et des conditions favorables aux
locataires, sans aller jusqu’à mettre en place un « droit d’acheter » similaire
au right to buy8 instauré en 1980 au Royaume-Uni par le gouvernement
Thatcher et qui avait conduit, en vingt ans, à la vente de près de deux
millions de logements sociaux.
En 2007, la ministre du Logement, Christine Boutin, avait obtenu de
l’Union sociale pour l’habitat (USH) la signature d’une convention pré-
voyant que les bailleurs sociaux s’organisent pour mettre en vente un
minimum de 40 000 logements par an. Cet accord national n’engageait
que modérément les organismes bailleurs, qui s’en tiennent aux politiques
énoncées par leurs conseils d’administration, même si l’État a tenté d’im-
poser l’énoncé d’objectifs de mises en vente dans le cadre de la première

8. Voir Nicolas Beyls, « HLM : pour un “right to buy” à la française », lesechos.fr, 19 mars 2015.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  141

génération des conventions d’utilité sociale (CUS) signées avec chaque


bailleur en 2010 9.
Les points de vue au sein du milieu des HLM sont très partagés sur ce
sujet sensible. Les organismes favorables à la vente fondent l’essentiel
de leur argumentation sur l’apport en fonds propres que représente la
vente, lequel permet d’améliorer le financement de l’investissement et
ne se révèle donc pas contradictoire avec l’accroissement de l’offre. Les
opposants soulignent le risque qu’il y a à réduire l’offre sociale dans les
grandes villes. Ils s’inquiètent aussi de l’avenir des immeubles ainsi trans-
formés en copropriétés, d’autant plus qu’ils y gardent souvent quelques
logements que les locataires n’ont pas souhaité acheter, ce qui ne facilite
pas leur gestion. La plupart des organismes de logement social se situent
entre les deux points de vue ; ils développent presque tous des politiques
prudentes et pragmatiques, mais, à l’échelle nationale, l’ensemble reste
loin des objectifs quantitatifs gouvernementaux. Depuis le début des
années 2010, le nombre de ventes annuelles varie entre 6 000 et 8 000
unités, contre environ 4 000 par an au cours des années 1990 et 2000.

À quel prix faut-il sauver le secteur locatif privé ?


Le secteur locatif privé relève de l’initiative de propriétaires dont les ratio-
nalités sont très diverses. La France a, sur ce sujet, une position assez spé-
cifique, avec à la fois le maintien d’un secteur quantitativement significatif
(encore un peu plus de cinq millions et demi de logements, soit à peine
un million de plus que pendant les années 1950, mais davantage que dans
beaucoup d’autres pays) et la faiblesse de la part de marché des bailleurs
institutionnels, contrairement à ce qui s’observe dans les pays du Nord de
l’Europe, où la location reste le statut dominant.
Le choix fait au milieu des années 1980 de ne pas abandonner ce secteur
à un déclin inéluctable a été constamment réaffirmé depuis, mais au prix
de débats animés sur les modalités de régulation du secteur.

Réglementer ou déréguler ?
Les fortes hausses des prix immobiliers au cours des années 2000 ont
remis à l’ordre du jour la tentation d’une réglementation plus drastique du
secteur locatif privé, réanimant le débat sur le contrôle des loyers en 2013
avec la présentation du projet de loi Alur.

9. Ces conventions, créées par la loi « Boutin » du 25 mars 2009, ont pour objectif d’arrêter,
pour chaque bailleur, ses politiques patrimoniales, sociales et de service, approuvées par l’État,
pour une période de six ans. La première génération des CUS porte sur la période 2011-2016.
142  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

On y retrouve une confrontation classique entre le point de vue de ceux


qui estiment que l’offre locative se développera plus facilement sous une
faible réglementation, laissant beaucoup de marges de manœuvre aux
propriétaires, et celui de ceux qui prônent une responsabilité sociale du
bailleur privé, laquelle doit se traduire par un ensemble de contraintes, y
compris pour la fixation des loyers. Dans l’esprit des premiers, ces libertés
favorisant l’accroissement de l’offre, elles auront un effet positif sur les
loyers, au bénéfice des locataires. De façon sans doute contre-intuitive
pour beaucoup d’analystes libéraux et pour les professionnels français de
l’immobilier, les comparaisons internationales donnent plutôt raison aux
seconds. L’Angleterre est certainement l’un des pays les plus libéraux en la
matière : pas de durée minimum du contrat (la seule garantie du locataire
porte sur les six premiers mois, avec un préavis de deux mois non motivé)
et liberté totale de fixation et d’évolution des loyers. L’offre locative privée
au Royaume-Uni ne représente pourtant que 11 % du stock global de
résidences principales contre 20 % en France au milieu des années 2010.
À l’inverse, en Allemagne, le secteur est beaucoup plus régulé qu’il ne l’est
en France10, avec un système de baux à durée indéterminée qui ne peut
même pas être résilié en cas de vente du logement et un contrôle des loyers
induit par la possibilité pour le locataire de se tourner vers le juge s’il peut
montrer que le loyer dépasse de plus de 20 % les prix pratiqués pour des
logements équivalents. L’application de cette disposition donne lieu à une
grande transparence grâce à un réseau d’observatoires, les « miroirs des
loyers », présents dans la plupart des villes allemandes. Pourtant, l’Allemagne
est l’un des pays d’Europe où le secteur locatif privé est le plus abondant,
avec près de 50 % du parc total.
Il est donc difficile de soutenir l’hypothèse selon laquelle la réglementa-
tion tuerait l’offre. C’est ce raisonnement, et l’affirmation d’un « modèle
allemand » en la matière, qui constituent l’argumentaire principal d’une
remise en cause de l’équilibre acquis depuis 1989. La loi Alur propose une
régulation très proche du système allemand (chapitre 2).
Peut-on croire pour autant que la mise en place d’un tel dispositif permettra
à terme un alignement sur le caractère très modéré des loyers allemands11 ?
Probablement pas, dans la mesure où les contextes sont radicalement
différents à la fois du fait d’une tension moindre des marchés outre-Rhin
(meilleure répartition de l’offre sur le territoire national, démographie

10. Voir à ce sujet Bernard Vorms, « Le modèle allemand de régulation des loyers est-il transpo-
sable en France ? », www.metropolitiques.eu, 2 avril 2012,
11. Fin 2013, le loyer moyen de Munich, ville la plus chère d’Allemagne, était de 9,70 euros/m2.
Il atteignait 8,70 euros à Stuttgart et 5,73 euros à Berlin (source : « Les loyers en Allemagne :
index des villes allemandes les plus chères », www.connexion-francaise.com). Ces loyers,
beaucoup plus bas que ceux des grandes villes françaises, sont cependant orientés à la hausse
depuis plusieurs années dans les villes les plus chères et à Berlin.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  143

déclinante), d’un comportement différent des propriétaires et de la présence,


en France, d’un secteur social relativement abondant.

La controverse sur les avantages fiscaux


L’autre grand volet de l’intervention publique sur le parc locatif privé est
constitué par les mécanismes d’incitation fiscale à l’investissement. Depuis
les premiers essais placés sous l’égide de Paul Quilès en 1985 et renforcés
par Pierre Méhaignerie l’année suivante, les instruments de ce type ont été
réformés et complexifiés à de nombreuses reprises. La première réforme
importante a été introduite par Pierre-André Périssol en 1996, qui en a
modifié les modalités et accru la portée en créant un système d’amortis-
sement accéléré permettant de réduire sensiblement le revenu imposable
de l’investisseur12. La réforme introduite sous le nom du député François
Scellier fin 2008 revient au principe simple de la réduction d’impôt, adopté
ensuite, sous des formes moins avantageuses, par les ministres Cécile Duflot
et Sylvia Pinel. Ces incitations fiscales ont contribué à stopper l’érosion du
secteur locatif privé, mais aussi à en modifier la structure (chapitre 2). Ils
ont été aussi un puissant moteur pour la construction neuve et l’activité
des promoteurs. Ils soulèvent toutefois d’importants débats autour des
contraintes et contreparties auxquelles ils donnent lieu.
En effet, les mécanismes fiscaux qui ont connu les plus grands succès furent
ceux qui ne supposaient ni contrainte ni contrepartie, mais ce sont aussi
ceux qui ont conduit à la production du plus grand nombre de logements à
loyer élevé et à utilité douteuse pour la réponse aux besoins13. La question
est dès lors de savoir jusqu’où on peut aller en termes d’obligations contrac-
tuelles sans perdre l’efficacité du dispositif, y compris en fait de soutien
à l’activité de construction. Les deux voies en la matière sont connues :
– d’abord, en limitant le bénéfice des avantages fiscaux à des investissements
situés dans les zones du territoire où les besoins locatifs sont forts et où
le marché n’est pas spontanément favorable à l’investissement. C’est la
logique des zonages introduits en 2009 (arrêté du 29 avril) et régulièrement
renforcés depuis, qui limitent, voire annulent, les avantages fiscaux dans
les zones à marché détendu ;

12. Les héritiers des systèmes Quilès-Méhaignerie reposaient sur des réductions d’impôts,
alors que ceux du système Périssol (jusqu’au mécanisme Robien) étaient fondés sur un amor-
tissement accéléré réduisant le revenu imposable. Le bénéfice tiré était donc proportionnel
au taux d’imposition du contribuable et, partant, optimisé pour les revenus les plus élevés.
Le mécanisme Scellier, mis en place en 2009, revient à la technique simple et directement
lisible de la réduction d’impôt proportionnelle à l’investissement.
13. Voir à ce sujet : Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité
et l’aménagement (Cerema), Étude exploratoire : les logements produits grâce à l’investissement
locatif fiscalement aidé des ménages, Lille, janvier 2013 (disponible sur www.nord-picardie.
cerema.fr).
144  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

– ensuite, en assortissant le bénéfice des avantages à des plafonds de loyers


et de ressources pour les locataires. C’est la logique introduite par le système
« Besson » en 1999, maintenue depuis cette date, mais de façon plus ou
moins forte, et dont la portée sociale reste faible.
Les politiques du logement en France persistent donc à soutenir une offre
locative privée, soit au nom de son rôle social, soit comme support de la
mobilité soit encore comme moyen de soutenir l’activité de la construction
et de la promotion immobilière. Néanmoins, malgré les arguments de ses
défenseurs les plus libéraux, cette offre, évidemment nécessaire au bon
fonctionnement des marchés résidentiels, ne parvient pas se substituer à
une offre sociale de droit. C’est ce qui justifie la poursuite de l’investisse-
ment public dans le secteur HLM.

Poursuivre l’accroissement du parc social ?


La France est l’un des pays d’Europe disposant d’un parc social relativement
abondant, certes assez loin derrière certains pays du Nord de l’Union (les
Pays-Bas détiennent le record avec près de 35 % de logements locatifs
publics ; la Suède et le Danemark, ainsi que le Royaume-Uni et l’Autriche,
dépassent les 20 %), mais largement supérieur à ceux des pays du Sud et
de la plupart des pays de l’ancien bloc de l’Est, qui ont privatisé l’essentiel
de leur offre publique. La priorité affichée en faveur du développement de
la propriété aurait pu conduire la France, comme d’autres pays (Royaume-
Uni, Italie, Espagne ou Allemagne), à cesser de faire croître cette offre
institutionnelle et réglementée et à organiser des réponses aux besoins par
le développement d’une accession à la propriété sociale, voire très sociale. Il
n’en a rien été jusqu’à présent, bien au contraire, puisque, même si c’est à
un rythme souvent considéré comme insuffisant, le parc HLM n’a jamais
cessé de croître en France.
Après la réforme de 1977 qui rompait avec les grands ensembles et pro-
mouvait une production de qualité dans des groupes immobiliers de taille
réduite, deux tournants majeurs ont été pris au début des années 1990 :
– celui de la loi « Besson » de mai 1990, qui prenait acte du retour de la
problématique du mal-logement et affirmait la nécessité de développer
une offre accessible aux bas revenus ;
– celui de la loi d’orientation pour la ville (LOV) de juillet 1991, reprise
et pérennisée par l’article 55 de la loi SRU en 2000, qui mettait en œuvre
les principes de la mixité sociale en imposant un minimum de 20 % de
logements sociaux dans les communes urbaines.
Les deux mesures justifient, chacune à leur manière, la poursuite du déve-
loppement du parc de logements locatifs sociaux.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  145

La deuxième moitié des années 1990 a pourtant été marquée par un net


ralentissement de la production. Ce paradoxe tenait principalement à la
perte d’efficacité des mécanismes de financement du logement social et à
une certaine détente de la demande. Malgré plusieurs réformes importantes
au début des années 2000 (loi SRU et remplacement du PLA par le PLUS
en 2000, revalorisation des subventions de l’État en 2001), il faudra attendre
le plan de cohésion sociale annoncé par Jean-Louis Borloo14 en 2004 et
confirmé par la loi du 18 janvier 2005, dont le logement est l’un des
piliers, pour que l’on observe un véritable redémarrage de la production.
L’objectif est la mise en service de 500 000 nouveaux logements sociaux en
cinq ans (2005-2009), incluant une proportion importante de logements
dits « intermédiaires » non subventionnés15. Cet objectif quantitatif sera
corrigé en 2007 avec la loi sur le droit au logement opposable (Dalo), qui
l’augmentera et modifiera les proportions respectives des financements
très sociaux (les prêts locatifs aidés d’intégration – PLAI), du PLUS et
des PLS. En 2012, au retour de la gauche au pouvoir, le gouvernement
affiche un objectif de 150 000 nouveaux logements sociaux par an. Ces
différents plans et affichages ambitieux ont bien été suivis d’une hausse
de la production, mais les objectifs quantitatifs n’ont jamais été atteints.
Parmi les explications de ces insuffisances, beaucoup relèvent du niveau
local : les réticences de certains élus à l’égard des HLM et les réactions de
rejet de la population et du voisinage, sans parler d’un malthusianisme
fréquent face à la croissance démographique et urbaine, se traduisent par
des règles d’urbanisme qui font souvent obstacle à la production d’im-
meubles collectifs, même de taille limitée et de qualité élevée. La ques-
tion de l’urbanisme et ses conséquences sur la mise à disposition d’assises
foncières constructibles pour le logement social sont ainsi revenues au
cœur des préoccupations des politiques du logement. À partir de 2005 et
à la suite du rapport des sénateurs Dominique Braye et Thierry Repentin
(chapitre 2), de nombreuses mesures sont prises dans la loi portant enga-
gement national pour le logement du 13 juillet 2006, la loi « Boutin » du
25 mars 2009, jusqu’à la loi Alur du 24 mars 2014 qui institue enfin le
PLU intercommunal.
Quelles que soient les réformes du droit de l’urbanisme, la variable foncière
restera un frein majeur pour la construction de logements neufs dans les
quartiers et communes déjà densément urbanisés. C’est ce qui a justifié,
au cours des années 2000, une évolution sensible des modes de produc-

14. Jean-Louis Borloo, UMP, ministre délégué à la Ville et à la Rénovation urbaine de


2002 à 2004, puis ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement de 2004 à
2007, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi en 2007, ministre d’État, ministre
de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, ministère de tutelle du
secrétaire d’État au Logement et à l’Urbanisme de 2007 à 2010.
15. Les prêts locatifs sociaux (PLS), dont la cible sociale est plus proche des franges supé-
rieures des classes moyennes que de la clientèle habituelle du logement HLM.
146  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

tion du logement social, facilitant l’acquisition d’immeubles existants


pour les faire passer sous le statut HLM. Il est même désormais possible
pour un bailleur social d’acheter un immeuble privé occupé et de faire
glisser les statuts progressivement, au rythme du départ des locataires. Ces
formules d’acquisition-amélioration ou d’acquisition-conventionnement,
particulièrement adaptées aux villes centres des grandes agglomérations
et à celles ne disposant pas des 20 % réglementaires, ont représenté, par
exemple, plus de la moitié de la production de logements sociaux de la
Ville de Paris entre 2001 et 2010.
Depuis le début des années 2010, le développement de l’acquisition par
les bailleurs sociaux de logements neufs construits par les promoteurs (la
Vefa HLM) a également contribué à diversifier les modes de production
du logement social. En 2013, au niveau national, la Vefa a représenté près
de 40 % de la production sociale.
Face aux mécanismes d’exclusion générés par les marchés du logement
dans les grandes villes françaises et singulièrement en région parisienne,
l’offre réglementée de l’habitat social reste l’outil principal de la puissance
publique pour apporter des conditions de logement dignes à un prix abor-
dable, là où les prix sont élevés. L’efficacité de cet outil donne toutefois
lieu à de nombreuses critiques qui justifient de réinterroger le modèle
français du logement social. Les débats européens sur le sujet apportent à
ce questionnement un éclairage et des inquiétudes.
L’histoire du logement social français peut être lue à l’aune de l’évolution
des missions qui lui ont été confiées. D’abord destiné aux ouvriers, puis aux
salariés à revenus modestes dans leur ensemble, il s’est ensuite vu confier
un rôle de contribution au parcours résidentiel des classes moyennes,
constituant un « pied à l’étrier » en période de croissance. L’ouverture
d’un front social pour des politiques du « droit au logement » à partir des
années 1990 a renforcé les attentes de la société pour que le parc loge les
populations exclues du marché du logement décent. Ces trois volets de la
mission des HLM cohabitent toujours. Ils alimentent le débat sur la per-
tinence qu’il y a à concevoir les objectifs de mixité au sein même du parc
social et à conserver le principe quasiment intangible du droit au maintien
dans les lieux. Ils justifient aussi la gamme des « produits » locatifs et des
plafonds de ressources qui s’y appliquent, englobant potentiellement près
de 80 % des ménages.
Ce modèle français reste-t-il pertinent dans un contexte qui pousserait
plutôt les enjeux vers une capacité accrue d’accueil des personnes les plus
démunies ? Cette problématique est renforcée par le constat des principales
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  147

évolutions à l’œuvre dans les pays d’Europe occidentale. Il est devenu clas-
sique de considérer que coexistent en Europe trois modèles d’offre sociale16 :
– un modèle dit « universaliste », en voie de disparition, qui utilise le
parc public comme outil de régulation globale du marché en imposant
ses loyers faibles, grâce à une offre abondante et sans conditions d’accès.
C’était le schéma dominant dans des pays comme la Suède, les Pays-Bas
ou le Danemark ;
– à l’autre extrémité se trouve le modèle dit « résiduel », par lequel le parc
social est réservé aux ménages les plus en difficulté et qui ne peuvent pas
accéder au logement privé. Historiquement présent dans le pays du sud
de l’Europe, il s’est également diffusé au Royaume-Uni. Il entérine une
approche d’un logement social hors marché, paupérisé et souvent très
stigmatisé. C’est ce modèle qui tend à se répandre dans les pays d’Europe
orientale et même en Allemagne, dont le parc social se réduit à grande
vitesse sous l’effet de ventes massives et de déconventionnement ;
– entre l’universaliste et le résiduel, le modèle « généraliste », dont la
France constitue l’archétype, comporte des conditions d’accès relativement
ouvertes et intègre même la possibilité d’une mixité sociale en son sein.
Celle-ci repose notamment sur le droit au maintien dans les lieux. Une telle
ouverture reste-t-elle acceptable dans un contexte où les listes d’attentes ne
cessent de s’allonger ? En Île-de-France par exemple, il y a six fois plus de
demandeurs inscrits que d’attributions prononcées chaque année. Le débat
sur ce point est ouvert, mais reste difficile tant les organismes de logement
social se raidissent dès qu’est évoquée l’hypothèse d’une « résidualisation ».
L’action de l’Union européenne (UE) y contribue fortement. Certes, le
logement étant un enjeu éminemment local et donnant lieu à très peu
de perméabilités internationales, l’UE ne s’est pas dotée de compétences
dans ce domaine. Tout juste trouve-t-elle à s’exercer indirectement via les
aides du Fonds européen de développement régional (Feder). Par ailleurs,
l’Union « reconnaît et respecte », dans l’article 34 de sa Charte des droits
fondamentaux, le droit à une aide au logement (ainsi que celui à une aide
sociale) « afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté ». C’est dans
ce cadre qu’a eu lieu la condamnation de la France en 2008 par le Conseil
de l’Europe, à la suite de l’avis du Comité européen des droits sociaux qui

16. Laurent Ghekiere, Le développement du logement social dans l’Union européenne, Quand l’in-
térêt général rencontre l’intérêt communautaire, Dexia Éditions, Paris-La Défense, 2007.
Noémie Houard (dir.), Loger l’Europe. Le logement social dans tous ses États, La Documentation
française, Paris, 2011.
148  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

estimait en 2007 que notre pays violait la Charte sociale européenne sur
la question du droit au logement17.
Mais c’est principalement dans la mise en œuvre de ses orientations visant
à favoriser la libre concurrence que l’UE s’est immiscée dans les politiques
nationales du logement. L’action de gouvernements libéraux visant à
réformer leurs politiques du logement social (tels que la Suède ou les Pays-
Bas au cours des années 2000) ou les contentieux soulevés par les acteurs de
l’immobilier privé ou des banques s’estimant lésés par les aides publiques
ou les circuits financiers privilégiés du logement social, conduisent l’Union
à préciser progressivement sa doctrine. C’est tout l’enjeu de la définition
des services d’intérêt économique général (SIEG) à caractère social et de
la place des systèmes nationaux d’aides au logement dans ce cadre. À la
mi-2015, après l’ouverture du Livret A aux banques en 2009, les fonda-
mentaux du système français du logement social sont préservés, mais les
risques de mise en cause persistent et justifient une présence constante de
l’univers du logement social parmi les lobbies installés à Bruxelles.
Ces interventions de l’Union montrent à la fois les ambiguïtés des ins-
titutions européennes en la matière et la tentation récurrente et forte de
réduire le rôle des politiques du logement et les missions du parc HLM à
leurs dimensions les plus sociales.
La deuxième catégorie d’arguments pour l’ouverture du débat sur le rôle
du logement social se fonde sur le fort accroissement des inégalités terri-
toriales en matière de logement, sous l’effet de hausses de prix généralisées
qui ont creusé les écarts géographiques en termes de capacité d’accès au
logement privé. Reste-t-il possible d’avoir une acception nationale de la
mission sociale des HLM ? La situation de l’Île-de-France diffère radica-
lement de celle de la plupart des villes moyennes et, de plus en plus, de
celle des grandes métropoles régionales. Le rôle du parc social ne peut pas
y être identique.
La troisième famille d’arguments repose sur le constat généralisé de l’écart
qui existe entre les grands principes posés par la réglementation relative
aux plafonds de ressources, et le profil des ménages qui accèdent au parc.

17. Résolution CM/ResChS(2008)8, votée à l’unanimité par le Comité des ministres du Conseil
de l’Europe le 2 juillet 2008, en réponse à la plainte déposée, en novembre 2006, par la
Fédération des associations nationales de travail avec les sans-abri (Feantsa) contre la France
et ayant donné lieu à un rapport du Comité européen des droits sociaux adopté le 5 décembre
2007.
Cette résolution, formulée dans des termes très sévères, pointe notamment le « progrès insuf-
fisant concernant l’éradication de l’habitat indigne », « l’application non satisfaisante de la
législation en matière de prévention des expulsions », « l’insuffisance des mesures qui sont
actuellement en place pour réduire le nombre de sans-abri », « l’insuffisance de l’offre de loge-
ments sociaux accessibles aux populations modestes », le « dysfonctionnement du système
d’attribution des logements sociaux », « la mise en œuvre insuffisante de la législation relative
aux aires d’accueil pour les gens du voyage ».
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  149

Les revenus et les situations d’emploi des demandeurs et des nouveaux


locataires HLM sont très inférieurs aux plafonds et devraient donner à
réfléchir à la pertinence de la gamme des produits, qui apparaît aujourd’hui
pour le moins décalée.
Indépendamment de la doctrine, de la réglementation, des produits et des
plafonds, la résidualisation du parc social est donc en marche. C’est, sans
doute contre le gré de ses acteurs, sous l’effet des mécanismes sociaux et
des choix des ménages.
La question finale devient donc de savoir si cette évolution est acceptable.
N’est-elle pas le reflet d’une tendance inexorable de la mission du loge-
ment social qu’il faudrait désormais entériner dans la doctrine, à l’image
de beaucoup de nos voisins ? Cependant, il faudrait en mesurer toutes les
conséquences, notamment celles liées à la mauvaise répartition spatiale
des HLM18, qui transforme mécaniquement toute paupérisation de son
occupation en concentration de pauvreté et d’exclusion à l’échelle de
quartiers entiers, voire de communes.

L’action sur l’habitat existant : du logement indigne à la précarité


énergétique
Après les grandes vagues de démolition des quartiers anciens insalubres
de la rénovation urbaine des années 1960 et 1970, la réforme de 1977 et
la montée des pratiques locales au cours des années 1980 avaient pris le
tournant de la réhabilitation et, plus largement, de la prise en considération
du parc de logements existant.
Si les considérants majeurs de la réforme de 1977 reposaient sur le constat
d’un déficit quantitatif résorbé, le marché immobilier pouvait reprendre
ses droits et la construction neuve reculer. Selon le Compte du logement,
c’est au cours des années 1980 que l’investissement des accédants à la
propriété dans l’ancien prend le pas sur le neuf ; les courbes se croisent
en 1988, avec des montants équivalents de l’ordre de 23 milliards d’euros ;
en 2013, l’acquisition de logements anciens a représenté un peu moins de
100 milliards d’euros, celui de logement neufs, un peu plus de 40 milliards.
Plus largement, si près de deux millions et demi de ménages emménagent
dans un logement chaque année, face à une offre de 350 000 livraisons
neuves, c’est bien que 85 % de l’offre proviennent du parc existant. C’est
ce qui justifie l’attention soutenue des pouvoirs publics à son égard.

18. Par exemple, en Île-de-France, au 1er janvier 2013, 75 % des logements sociaux étaient
situés dans 111 communes sur les 1 281 que compte la région (source : Observatoire du loge-
ment social en Île-de-France, Le parc locatif social et son occupation en Île-de-France. Édition
2014, Paris, 2014, p. 7).
150  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

En ce qui concerne le parc social, la politique d’amélioration financée par


la Palulos, après son heure de gloire au cours des années 1980 et 1990, se
concentre désormais dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville
(nous y reviendrons) et sur les travaux d’économie d’énergie.
Pour le parc privé, les années 1990 constituent l’âge d’or des opérations
programmées d’amélioration de l’habitat (Opah) et de leurs dérivées plus
ou moins thématiques. Les enjeux en sont multiples ; ils varient en fonction
des situations et des volontés politiques locales – mise à niveau d’un parc
ancien vétuste en ville ou dans les communes rurales, regain d’attractivité
des centres anciens des villes moyennes, remise sur le marché de logements
inoccupés, etc., le tout plus ou moins teinté d’enjeux sociaux autour de
l’objectif ambitieux de constituer ou de conforter un parc privé à vocation
sociale. Il s’agit aussi d’améliorer l’adaptation du parc privé au vieillissement
de la population et de lutter contre la précarité énergétique des propriétaires
pauvres. Les Opah et l’ensemble des mécanismes d’aides pilotés par l’Anah
reposent sur l’incitation et évitent souvent les dispositifs plus coercitifs tels
que la résorption de l’insalubrité, dont le statut juridique avait été mis en
place par la loi « Vivien » du 10 juillet 1970.
La montée des préoccupations liées aux copropriétés en difficulté, qui
émerge à la fin des années 1980, mais devient surtout visible au début de
la décennie suivante, modifie la donne, à la fois parce qu’elle révèle des
situations qui peuvent atteindre une gravité extrême et parce qu’elle pose
crûment la question de la légitimité de l’intervention publique dans un
cadre où prévaut une responsabilité collective de droit privé. On touche
là de plein fouet les limites de l’action incitative, et la problématique des
copropriétés va servir de révélateur à la problématique plus large de la
persistance en France de situations que le rapport de Nancy Bouché déjà
cité19 considérera comme portant « atteinte à la dignité humaine », terme
qui acquiert un sens juridique avec la loi « Boutin » du 25 mars 200920.
Ce rapport marque un tournant dans les politiques de l’habitat ancien. Il
met en relief la sous-utilisation par les acteurs locaux de l’arsenal juridique
pourtant riche de l’action publique coercitive auprès des propriétaires
indélicats et des moyens de les aider s’ils sont impécunieux. Il avance
aussi d’importantes pistes d’adaptation de ces outils, qui ouvriront la voie
à une abondante production législative sur ce thème, depuis la loi SRU
qui donne un statut juridique à la notion de logement décent, jusqu’à la

19. Nancy Bouché, Expertise concernant les édifices menaçant ruine et les immeubles et îlots
insalubres, op. cit., pp. 13 et 120.
20. « Constituent un habitat indigne les locaux ou installations utilisés aux fins d’habi-
tation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du
bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant
porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. » (art. 84).
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  151

loi Alur qui réforme en profondeur l’action publique sur les copropriétés
les plus dégradées.
Le rapport Bouché est suivi de la création du Pôle national de lutte contre
l’habitat indigne en 2002, rattaché à la Délégation interministérielle à
l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) depuis sa création en 2010,
qui joue un rôle important d’animation de la politique de l’État dans ce
domaine, à la fois pour concevoir et promouvoir les adaptations juridiques
nécessaires et pour impulser et coordonner la mise en place de plans d’action
locaux de lutte contre l’habitat indigne.
À cet ensemble de préoccupations liées à la lutte contre le logement indigne
s’ajoute désormais la question de l’amélioration de la performance ther-
mique et de la lutte contre la précarité énergétique.
Les travaux menés dans le cadre du Grenelle de l’environnement en 2007
et 2008 ont mis en relief le fait que le secteur du bâtiment consomme plus
de 40 % de l’énergie finale et contribue pour près du quart aux émissions
nationales de gaz à effet de serre.
Outre un renforcement des normes et labels qui s’appliquent à la construc-
tion neuve, l’enjeu principal ici est la mise à niveau du parc existant. C’est
pourquoi l’article 5 de la loi « Grenelle I » (loi n° 2009-967 du 3 août 2009)
prévoit que « l’État se fixe comme objectif de réduire les consommations
d’énergie du parc des bâtiments existants d’au moins 38 % d’ici à 2020 ».
Beaucoup reste à faire en la matière, notamment en termes d’adaptation des
techniques et des réglementations aux spécificités des bâtis anciens, mais
aussi de savoir-faire des artisans. La création en 2008 d’un éco-prêt à 0 %
pour les travaux d’isolation et la mise en place d’un programme national
de rénovation énergétique de 800 000 logements sociaux entre 2009 et
2020 sont les premières mesures fortes en la matière. En 2015, dans le
cadre de la préparation et des débats de la loi sur la transition énergé-
tique, le gouvernement annonce l’intention de rénover énergétiquement
500 000 logements par an à compter de 2017. Pour l’Anah, la lutte contre
la précarité énergétique devient une priorité, notamment dans le cadre du
programme « Habiter mieux », qui se donne pour objectif (réalisé dès 2014)
d’atteindre l’amélioration énergétique de 50 000 logements appartenant
à des ménages modestes.
La création, en 2009 (loi du 25 mars), d’un programme national de
requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) avait suscité
de grandes attentes pour un renouveau de l’action publique sur le parc
privé, laissant penser qu’elle s’engageait dans une action de même ampleur
que la rénovation urbaine. Placé sous la double responsabilité de l’Anah
et de l’Anru, le PNRQAD prévoyait en quelque sorte de « supers-Opah »
dotées de moyens importants. Dans un premier temps, l’annonce du
lancement de ce programme en 2008 évoquait l’ambition de traiter au
moins 150 quartiers. Le premier appel à projet lancé en 2009, qui se disait
152  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

expérimental à ce stade, en a finalement retenu 40, dont 25 bénéficient


du financement de l’État (les 15 autres ne faisant l’objet que d’un soutien
de l’Anah pour l’ingénierie de projet). Six ans plus tard, les opérations
sont en cours et il ne semble pas que le PNRQAD aille au-delà, puisque
le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU),
prévu dans la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et
la cohésion urbaine et précisé par l’arrêté du 29 avril 2015, intègre aussi
bien des quartiers anciens que des grands ensembles. Nous y reviendrons.

■■ L’action du département de la Seine-Saint-Denis


en matière de lutte contre le logement indigne
et dégradé
«  En Seine-Saint-Denis, près de 18  % du parc locatif privé serait potentiellement
indigne et près de 4  % du parc occupé en propriété, ce qui représente environ
34 000 logements. Le département a engagé deux types d’actions.

■■ Les Fonds d’intervention de quartier (FIQ)


Il s’agit d’une intervention croisée avec les communes ou les intercommunalités.
Des copropriétés incluses dans une Opah ou un plan de sauvegarde, en voie de
dégradation mais pas encore en situation dramatique, obtiennent une aide pour fi-
nancer les travaux de rénovation, l’objectif étant qu’elles ne basculent pas dans la
catégorie des copropriétés dégradées. En général, entre 0,5 et 1 million d’euros de
subvention sont affectés par opération. En 2012, 16 FIQ étaient en cours dans quinze
communes. Depuis  2008, le conseil général a engagé un investissement de près
de 7,6 millions d’euros, ce qui a permis de traiter 9 300 logements. 202 immeubles
étaient aidés dans ce cadre en 2012, contre 120 en 2010.

■■ Le projet départemental de lutte contre l’habitat indigne (LHI)


Il s’agit d’une expérimentation sur six communes dont l’expérience et l’implication
en matière de LHI sont très hétérogènes. Ce projet, d’une durée initiale de cinq ans,
doté d’une autorisation de programme de 6 millions d’euros, devait prendre fin au
31  décembre 2013. Il devrait être reconduit, car, en septembre  2013, seules deux
conventions sur les six prévues avaient été signées. Il était prévu de décaisser des
fonds à hauteur de 20 % du montant total à la signature de la convention et 50 % au
démarrage des travaux. En novembre 2014, quatre conventions sur les six prévues
ont été signées et 1,16 million d’euros engagé en investissement sur l’ensemble du
programme. »

Source  : Cour des comptes, Le logement en Île-de-France. Donner de la cohérence à l’action


publique, rapport public thématique, avril 2015, p. 133.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  153

La marche lente des politiques locales de l’habitat


Le logement est un bien localisé et les marchés sont locaux. La réforme
de 1977 ayant eu pour conséquence notamment la montée en puissance
des mécanismes marchands, dès le début des années 1980, il s’est révélé
nécessaire de rapprocher la focale des politiques de l’habitat vers le local.
Même si le premier acte de la décentralisation avait ignoré la question du
logement, un mouvement irréversible s’est mis en marche. Plus de trente
ans après, il n’est toujours pas achevé.
Les politiques de l’habitat comportent pourtant de longue date des dimen-
sions locales, d’abord exprimées à l’échelle communale par la tutelle sur les
offices publics d’HLM et les pratiques d’attribution des logements sociaux,
puis, à partir des années 1980, par les politiques d’urbanisme, et parfois
par l’élaboration des programmes locaux de l’habitat créés par la loi du
7 janvier 1983. Dès cette date se diffuse le terme de « politiques locales de
l’habitat » pour désigner à la fois, non sans certaines ambiguïtés, les poli-
tiques menées par les collectivités territoriales et la façon dont s’articulent,
sur les territoires, les politiques des différents acteurs qui restent, pour
l’essentiel et jusqu’à la fin des années 1990, sous la tutelle décisionnelle
des services déconcentrés de l’État.
Ces mutations ne se réduisent pas à un mouvement classique de décen-
tralisation par lequel un bloc de compétences serait transféré à un échelon
donné de collectivité territoriale. En effet, elles se manifestent par trois
dynamiques, dont aucune n’est arrivée à son terme :
– une tendance à la dérégulation, par laquelle une part croissante de l’effort
financier public prend la forme d’aides non contingentées mises à la dis-
position des acteurs du secteur privé (ménages, investisseurs, opérateurs)
auxquels est confiée la charge de l’accroissement de l’offre de logements ;
– une dynamique partiellement décentralisatrice, par laquelle certains
niveaux de collectivité territoriale sont conduits à énoncer des politiques
locales de l’habitat articulées avec les autres dimensions de leurs stratégies
territoriales et peuvent prendre en charge, sous le contrôle de l’État, des
aides qui restent contingentées mais dont le volume global ne cesse de
diminuer ;
– une tentation forte d’afficher des programmes pluriannuels pilotés
par l’État (rénovation urbaine, plan de cohésion sociale, objectif des
500 000 logements neufs), qui viennent se superposer de façon plus ou
moins complémentaire aux initiatives des autres acteurs.
La délégation des aides à la pierre, mise en œuvre dans le cadre de la loi du
13 août 2004 et qui constitue aujourd’hui le cœur des politiques locales de
l’habitat, relève directement de la deuxième de ces trois dynamiques, mais
elle se développe parallèlement aux deux autres et en subit les influences.
154  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Les conséquences du recul structurel des moyens de pilotage


politique local
La création du prêt à taux zéro (PTZ) en 1995 et la multiplication des
mécanismes fondés sur la fiscalité des personnes physiques ont contribué
à faire reculer les outils de pilotage local des politiques du logement au
profit de systèmes encadrés principalement par le ministère en charge de
l’économie et des finances. L’objectif majeur semble être le réglage du
rythme de la construction neuve, tout en modérant la pression fiscale, ce
qui conduit à préférer souvent le manque à gagner des aides fiscales aux
subventions trop coûteuses. Ces dispositifs ont cependant un impact fort
sur les contextes locaux en accroissant l’offre disponible. Mais la super-
position d’aides définies à l’échelle nationale sur des situations locales
contrastées produit des mécanismes de marché difficilement maîtrisables
par les acteurs publics locaux. Nous l’avons noté à propos des mécanismes
d’aide à l’investissement locatif et des effets de la diffusion de la propriété
sur l’étalement urbain.
Dans un tel contexte, seules restent entre les mains de la décision locale
les aides liées à la production et à l’amélioration du parc social et celles
distribuées par l’Anah pour l’amélioration des logements privés. C’est cet
ensemble qui est mis dans la balance de la délégation de compétence des
aides à la pierre.

Les premiers signes du mouvement décentralisateur :


compétence partagée et défiance à l’égard des communes
Malgré ce recul des moyens de pilotage local, les trente dernières années
donnent lieu à la montée progressive de la responsabilité des collectivités
territoriales en matière de politique de l’habitat.
Par les lois de décentralisation de 1982 et 1983, le législateur avait choisi de
laisser entre les mains de l’État l’essentiel des décisions en fait de politiques
du logement (chapitre 3). La crainte que l’émiettement de la structure
communale conduise les élus à adopter des pratiques d’exclusion en était
un des arguments majeurs.
En parallèle, la prégnance de la problématique du logement des personnes
défavorisées a débouché, avec la loi « Besson » de 1990, sur la création
d’un nouveau registre de politiques de l’habitat, ciblé sur les personnes en
difficulté et s’appuyant sur une logique de contractualisation entre l’État
et les conseils départementaux21, dont la loi de 1983 faisait les acteurs

21. Les conseils départementaux ont succédé aux conseils généraux en vertu de la loi n° 2013-
403 du 17 mai 2013.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  155

majeurs de l’action sociale. La loi « Besson » et celles qui lui ont succédé
ont fait entrer les conseils départementaux dans les questions d’habitat
par la porte des politiques sociales orientées vers des publics cibles que les
départements connaissent bien, du fait des compétences acquises au cours
de la décennie précédente.
Dans cette lignée, les années 1990 sont marquées par un ensemble de dis-
positifs et de démarches plus ou moins pérennes dont le point commun est
d’aller vers une meilleure territorialisation de l’encadrement des politiques
locales par voie contractuelle.
Notons sur ce plan les conventions de mise en œuvre des PLH qui faci-
litaient aux collectivités le souhaitant l’accès aux financements de l’État,
les protocoles d’occupation du patrimoine social (POPS, instaurés par la
loi du 31 mai 1990) et les conférences communales et intercommunales
du logement (instituées par la loi d’orientation relative à la lutte contre les
exclusions du 29 juillet 1998 mais jamais vraiment mises en œuvre). Celles-
ci privilégiaient une approche concertée de l’attribution des logements
sociaux et le renforcement des volets habitat des contrats de ville à partir
de 199922, qui prévoyaient une diversification de l’offre de logement dans
les quartiers prioritaires ou une nouvelle territorialisation de la production
de logements sociaux.
Ce sont ces divers éléments contractuels qui, s’ajoutant à l’exercice ordi-
naire des compétences respectives de l’État et des communes ou des EPCI,
conduisaient à considérer que l’habitat devenait, peu à peu, dans les faits
plutôt qu’en droit, une compétence partagée.
Mais cette période est aussi marquée par une méfiance persistante de l’État
à l’égard des communes, qui le conduit à énoncer, d’abord dans la loi
d’orientation pour la ville (LOV) de juillet 1991, puis dans l’article 55 de
la loi SRU de décembre 2000, une obligation de produire des logements
sociaux dans les villes qui en sont insuffisamment dotées.
Dans ce contexte de partage partiel de la compétence et de défiance à
l’égard des politiques communales, l’obstacle majeur à la décentralisation
des prises de décision est l’inadaptation de l’organisation administrative
et politique du territoire aux enjeux de la question du logement. En effet,
ceux-ci s’entendent désormais à la fois en termes de réponse aux besoins
de la population (que chacun soit logé, et bien logé, quels que soient ses
revenus) et de contribution du logement aux grands équilibres sociaux et
urbains (mixité sociale, maîtrise de l’étalement urbain, qualité de la vie en
ville…). L’échelle communale, porteuse d’enjeux de proximité, ne peut
répondre que très partiellement à ces défis.

22. Circulaire du 31 décembre 1998 relative aux contrats de ville 2000-2006.


156  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

La montée de l’intercommunalité change la donne


Après plusieurs essais moins concluants, notamment avec la loi du 6 février
1992 sur l’administration territoriale de la République, la loi « Chevène-
ment » du 12 juillet 1999 modifie profondément la donne en créant les
nouvelles structures intercommunales qui, grâce à de fortes incitations
financières, vont se diffuser rapidement et rendre possible une approche
totalement rénovée du partage des tâches entre les collectivités territoriales
et l’État dans le domaine de l’habitat. Les lois du 16 décembre 2010 et du
27 janvier 2014 y ajoutent un nouveau niveau : les métropoles.
Le cadre général comporte donc désormais quatre niveaux d’intercom-
munalités qui prennent en charge différemment les responsabilités liées
au logement :
– les métropoles dont la liste est arrêtée par la loi (13 métropoles sont
créées, dont deux à statuts particuliers : celles de Lyon et de Marseille-Aix-
en-Provence). Obligatoirement compétentes en matière de logement et de
PLH, elles peuvent également étendre leurs responsabilités s’agissant de
la garantie du droit au logement opposable (voir p. 172 et s.) et exercer
par convention les compétences relevant du département, notamment la
gestion du Fonds de solidarité pour le logement ;
– la communauté urbaine regroupe un ensemble de communes d’un seul
tenant et comportant au moins 500 000 habitants (seuil ramené à 250 000
par l’article 68 de la loi Maptam, sans préjudice des communautés urbaines
existantes, qui ont pu garder leur statut si elles le souhaitaient quelle que
soit la taille de leur population). Elle exerce obligatoirement sept blocs
de compétences (énumérés à l’article L. 5215-20 du Code général des
collectivités territoriales), dont celui de l’« équilibre social de l’habitat
sur le territoire communautaire », ce qui inclut le PLH, la politique du
logement et les opérations programmées d’amélioration de l’habitat. Les
communautés urbaines sont également obligatoirement compétentes pour
les domaines de l’aménagement de l’espace et de la politique de la ville,
dans la limite de l’intérêt communautaire, qui peut, par exemple, inclure,
ou non, les opérations de rénovation urbaine ;
– la communauté d’agglomération regroupe un ensemble de communes
d’un seul tenant et comportant au moins 50 000 habitants autour d’une
ou plusieurs villes centres de plus de 15 000 habitants. Elle exerce quatre
compétences obligatoires (article L. 5216-5), parmi lesquelles l’« équilibre
social de l’habitat », ce qui comprend nécessairement le PLH et tout ce qui
sera déclaré d’intérêt communautaire dans ce domaine. Elle est également
compétente en matière de politique de la ville (dans la limite de l’intérêt
communautaire) ;
– la communauté de communes n’a aucun seuil de taille, c’est la forme
d’EPCI la plus souple, mais aussi la moins contraignante. La « politique du
logement et du cadre de vie » n’est pour elle qu’une compétence optionnelle
dont elle définit les contours en fonction de l’intérêt communautaire.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  157

La loi Alur du 24 mars 2014 stipule que toutes les intercommunalités


devront être compétentes en ce qui concerne les PLU à compter du 27 mars
2017, sauf si au moins 25 % des communes représentant au moins 20 %
de la population s’y opposent.
Depuis la loi « Chevènement » de 1999, la création d’une grande quantité
d’EPCI ayant compétence pour l’élaboration de PLH a modifié l’échelle
d’élaboration et de mise en œuvre des politiques locales de l’habitat. Elle
a posé dans des termes rénovés les questions de solidarité intercommunale
que sous-tendent les problématiques d’accueil des ménages défavorisés et
de mixité sociale. Elle laisse souvent encore de côté, en revanche, l’autre
échelle de solidarité, qui devrait lier les agglomérations à leur périphérie
résidentielle.
Selon la Direction générale des collectivités locales23, il y avait 2 133 EPCI
à fiscalité propre au 1er janvier 2015, concernant 62,9 millions d’habitants
et 36 588 communes. La couverture atteint donc 99,8 % des communes.
Il ne reste que 70 communes isolées (hors métropole de Lyon), dont 42
ont vocation à rejoindre la métropole du Grand Paris au 1er janvier 2016.
L’ensemble est composé de 11 métropoles (plus celles de Lyon et Aix-
Marseille), 9 communautés urbaines, 226 communautés d’agglomération
et 1 884 communautés de communes.

La loi SRU et le renforcement de la portée juridique des PLH


Avant même que la diffusion de l’intercommunalité n’atteigne son niveau
actuel, la loi SRU du 13 décembre 2000 a accentué le mouvement d’inté-
gration des politiques locales de l’habitat en renforçant les PLH, lesquels
entretiennent désormais une relation croisée de compatibilité avec les PLU
et les schémas de cohérence territoriale.
La disparition progressive des PLH communaux24 a entériné la prise de
position de l’échelle intercommunale dans l’échiquier des politiques de
l’habitat. Au début des années 2000, pourtant, le dispositif n’est pas encore
complet, notamment du fait du flou qui entoure l’articulation entre la
pleine responsabilité des EPCI sur les PLH et la liberté laissée aux grou-
pements de définir plus précisément l’intérêt communautaire en matière
d’habitat. L’enjeu local reste fort pour le niveau communal, dont le loge-
ment est l’un des outils majeurs de gestion du peuplement.

23. Source : Sylvie Plantevignes et Lionel Sebbane, « L’intercommunalité à fiscalité propre au


1er janvier 2015 », Direction générale des collectivités locales, Bulletin d’information statis-
tique de la DGCL, n° 104, mars 2015.
24. La loi « Boutin » a rétabli les PLH communaux en 2009 pour les communes de plus de 20 000
habitants non membres d’un EPCI. Dans la pratique, cela ne concerne que l’Île-de-France
et, entre autres, la Ville de Paris.
158  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

De plus, la défiance à l’égard des politiques communales, qui persiste,


explique la volonté du gouvernement de renforcer l’obligation d’un pour-
centage minimum de logements sociaux qui avait été vidé de son sens
en 1995 (chapitre 3).
L’article 55 de la loi SRU maintient le taux de 20 % à l’échelle communale,
mais il resserre la définition du logement social en la limitant au secteur
locatif. Les communes concernées n’ont plus le choix entre réaliser les
logements sociaux et payer une contribution ; elles doivent programmer
le rattrapage de leur retard sur une durée maximale de vingt ans et verser,
pendant ce temps, une participation financière destinée au financement de
logements sociaux. En cas de carence, le préfet peut aller jusqu’à se substi-
tuer à la commune pour délivrer les permis de construire. La loi « Duflot »
du 18 janvier 2013 porte le seuil à 25 % d’ici à la fin 2025, sauf dans une
liste d’agglomérations fixée par décret et pour lesquelles le parc de logement
existant « ne justifie pas un effort de production supplémentaire »25. À
défaut de chiffres plus récents, le palmarès 2011 publié par la Fondation
Abbé-Pierre montrait que, sur un total de 682 communes étudiées, 343
n’avaient pas respecté leurs objectifs de production entre 2002 et 2009.
À ce moment charnière du début des années 2000, les véritables politiques
communautaires de l’habitat restaient rares. Il manquait à leur dévelop-
pement trois moteurs fondamentaux : la pleine légitimité démocratique
que peut apporter le suffrage universel ; la maîtrise de la relation entre
l’habitat et l’urbanisme ; un puissant levier financier. Alors que le premier
a évolué modérément avec la mise en place des fléchages26 lors des élections
municipales de 2014, que le deuxième a franchi un pas important avec la
loi Alur, le troisième est en partie apporté par l’acte II de la décentralisa-
tion : la loi du 13 août 2004.

La délégation des aides à la pierre


Cette loi de 2004 comporte un chapitre consacré au « logement social et
[à] la construction »27. Outre le transfert complet de la charge des fonds de
solidarité logement aux départements (article 65) et des dispositions impor-
tantes visant à accroître l’offre de logements pour les étudiants (article 66),
ce chapitre modifie en profondeur le mode de programmation locale des

25. Loi du 18 janvier 2013, article 10.


26. En vertu de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013, en 2014, au sein des communes de
1 000 habitants et plus, les conseillers communautaires seront élus au suffrage universel direct
via un système de fléchage dans le cadre des élections municipales. Chaque électeur a donc
désigné le même jour, et sur le même bulletin de vote, les élus de sa commune et ceux de
l’intercommunalité.
27. Titre III, chapitre III, articles 60 à 68 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative
aux libertés et responsabilités locales.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  159

aides à la pierre en introduisant le principe de la délégation de celles-ci aux


EPCI compétents en matière d’habitat et, subsidiairement, aux conseils
généraux.
L’article 61 de la loi prévoit en effet que l’État peut signer avec les EPCI,
quelle que soit leur taille, mais à condition qu’ils aient adopté un PLH, une
convention de délégation pour l’attribution des aides à la pierre en faveur
de la construction, de l’acquisition, de l’amélioration et de la démolition
des logements locatifs sociaux28, ainsi que les aides définies par l’Anah
pour l’amélioration de l’habitat privé et celles destinées à la création de
places d’hébergement. Pour les territoires non couverts par des EPCI,
ou dont les EPCI n’ont pas signé de convention, la délégation peut être
confiée aux départements qui le souhaitent. Là où aucune convention de
délégation n’est signée, l’État continue de programmer l’usage des crédits
comme précédemment.
Les conventions sont signées pour une durée de six ans ; elles précisent les
montants en jeu, notamment la contribution financière des collectivités
territoriales signataires ; elles spécifient, pour toute leur durée, les parts
respectives des enveloppes destinées au parc social et au logement privé,
ainsi que l’échéancier de réalisation des opérations prévues au PLH. Enfin,
les conventions prévoient les modalités de leur évaluation au terme de leur
application et dans la perspective de leur renouvellement.
Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une décentralisation des aides
à la pierre, puisque la répartition des enveloppes budgétaires reste entre
les mains de l’État. Celle-ci s’opère en deux étapes : d’abord, le niveau
central procède à une ventilation par régions, puis, au sein de celles-ci, le
préfet dote chaque EPCI potentiellement délégataire, ainsi que les dépar-
tements, pour ce qui leur revient. La compétence d’attribution des aides
aux bénéficiaires finaux n’est pas formellement transférée, mais déléguée
sur la base du volontariat.
Par ailleurs, la loi offre au préfet de département la possibilité de déléguer
tout ou partie de son contingent de réservation de logements sociaux aux
maires qui en font la demande. Cette délégation peut également être faite
aux présidents d’EPCI compétents en matière d’habitat. Elle est de droit
pour les métropoles ayant pris la compétence facultative de garantie du
droit au logement opposable.
On est loin d’une modification structurelle de l’apport financier de l’État
au système du logement. Du strict point de vue budgétaire, la réforme ne

28. C’est-à-dire la ligne gérée jusque-là par les services déconcentrés de l’État dans le cadre de
l’exercice de programmation des aides au logement locatif social, hors crédits spécifiquement
consacrés à la rénovation urbaine, ceux-ci restant gérés par l’Anru.
160  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

joue que sur des montants assez faibles29. Il ne pouvait pas en être autre-
ment, dans la mesure où trente ans d’évolution des mécanismes d’aide
ont consacré un système presque entièrement composé de droits ouverts.
La délégation de compétence constitue cependant, pour les collectivités
volontaires, un important levier au service de leurs politiques urbaines.
Jusqu’ici dépendantes des décisions de l’État, même lorsqu’elles abondaient
les financements, elles peuvent désormais gérer souverainement et dans
une ligne unique l’ensemble des opérations situées sur leur territoire. Cette
facilité contribue à renforcer le niveau intercommunal en l’instituant expli-
citement comme instance de décisions qui s’imposent aux communes, sur
la base d’une programmation concertée au préalable dans le cadre du PLH.
La maîtrise des outils financiers d’aide au logement privé relève d’un
registre complémentaire : elle contribue notamment à faire des collectivités
territoriales des interlocuteurs directs des bénéficiaires de ces aides, ce qui
permet d’afficher plus clairement la participation des EPCI à l’action sur
le parc dégradé.
Depuis 2005, la géographie des délégations de compétence différencie
donc doublement le territoire : d’abord, entre les EPCI ayant choisi de
prendre la main et les zones rurales et urbaines subsidiairement prises en
charge par les départements ; ensuite, entre les territoires où la compétence
est déléguée et ceux où elle ne l’est pas.
Reste la situation très particulière de l’Île-de-France. Malgré quelques
débats à l’Assemblée nationale lors d’une première lecture concomitante
avec la campagne des élections régionales du printemps 2004, la loi n’ac-
corde finalement pas de statut spécifique à la région sur la question du
logement. Des parlementaires avaient pourtant proposé la création d’un
« syndicat du logement d’Île-de-France », sur le modèle de ce qui existe
pour les transports, qui réunirait la région et les départements, serait le
délégataire de la compétence et élaborerait un PLH régional. D’autres
prônaient simplement une délégation à la région, considérée comme une
vaste agglomération urbaine en soi. Ces débats posaient les prémices de
celui, lancé quelques années plus tard, sur la question du logement dans
le Grand Paris.
La délégation des aides à la pierre a connu un succès modéré dans la
région capitale : seuls les départements de Paris et des Hauts-de-Seine et
les communautés d’agglomération de Melun-Val-de-Seine et de Cergy-
Pontoise ont souscrit à la démarche. L’État a refusé de la renouveler dans

29. En 2013, selon le Compte du logement, le montant total pouvant être ainsi délégué s’élevait
à un peu plus de 1,3 milliard d’euros sur les 41 milliards de dépense publique en matière de
logement, répartis à parts presque égales entre les aides au logement social et le budget de
l’Anah.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  161

les Hauts-de-Seine en 2013, faute d’accord sur les objectifs de production


qu’il souhaitait imposer.
Depuis 2010, avec la loi du 3 juin relative au Grand Paris, qui comporte
dans son article 1er un objectif ambitieux de construction de 70 000 loge-
ments neufs par an en Île-de-France, la problématique de la gouvernance
du logement dans la région capitale est relancée. Les rapports et débats
qui y ont été consacrés font ressortir deux scénarios. Le premier, semble-
t-il rejeté à ce jour, reviendrait aux propositions de 2004, donnant à la
région un rôle central et passant par la création d’une autorité régionale
du logement. Le second, calé sur le modèle des autres grandes aggloméra-
tions, donnerait à la Métropole du Grand Paris, créée au 1er janvier 2016
et regroupant les quatre départements centraux (Seine, Hauts-de-Seine,
Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne, soit quelque 7 millions d’habitants),
le rôle principal, sur la base d’une sorte de PLH métropolitain (le Plan
métropolitain de l’habitat et de l’hébergement) et d’une délégation unique
des aides à la pierre. C’est le schéma retenu en 2014 par la loi Maptam et
confirmé par la loi NOTRe du 7 août 2015.

■■ Les résultats obtenus à Paris en matière de production


de logements locatifs sociaux
« Les objectifs quantitatifs assignés au département de Paris ont été globalement
respectés au cours de la période sous revue. Paris a réalisé plus du quart de la pro-
duction de logements locatifs sociaux de la région pour un poids démographique
inférieur au cinquième. Un rééquilibrage géographique des flux d’offre de logements
sociaux sur le territoire parisien a été constaté, même si le déséquilibre persiste
dans certains arrondissements. Des difficultés résident cependant dans la capacité à
développer partout les logements les plus sociaux de type PLAI.
Les objectifs de construction neuve ont varié avec le temps et ont eu tendance à aug-
menter : le taux est de 50 % en 2010, 60 % en 2011, 50 % en 2012. Les réalisations
(hors quartiers Anru) sont supérieures aux objectifs fixés par la convention, mais il
faut tenir compte du fait que les acquisitions et réhabilitations lourdes sont comptées
comme des logements neufs : 51 % en 2009 et 62 % en 2010, 68 % en 2011, mais
47 % en 2012 car, cette année-là, 38,5 % des logements sociaux agréés étaient liés
au conventionnement de 1 543 logements de la Régie immobilière de la ville de Paris.
Ainsi, l’offre nouvelle de logements sociaux (hors logements-foyers) a été limitée par
l’importance des opérations d’acquisition, réhabilitation et surtout par les conven-
tionnements réalisés pour des logements possédés par des organismes liés à la
ville, mais considérés comme logements intermédiaires avant leur transformation
en logements sociaux, sans pour autant que le maintien dans les lieux des locataires
n’en soit affecté. »

Source  : Cour des comptes, Le logement en Île-de-France. Donner de la cohérence à l’action


publique, rapport public thématique, avril 2015, p. 84.
162  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Reste ouverte, comme partout ailleurs, mais avec plus d’acuité, la question
de la relation de la métropole avec ses espaces périurbains. La création par
la loi Maptam d’un Schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en
Île-de-France n’y apportera sans doute que des réponses partielles.

Les intercommunalités en apprentissage


La délégation des aides à la pierre a connu un succès rapide. En effet,
en 2015, selon l’Assemblée des communautés de France (AdCF), on
dénombre une centaine de collectivités délégataires, dont 26 départements
et 73 EPCI. 92 % de la population appartenant à des communautés
urbaines sont couverts, ainsi que près de la moitié de celle des communautés
d’agglomération. Seules cinq communautés de communes sont concer-
nées. Toutes collectivités confondues, plus de la moitié de la population
du pays est couverte par la délégation des aides, laquelle mobilise 60 %
de l’enveloppe nationale potentielle.
Ce succès reflète des volontés locales fortes de maîtriser les outils des poli-
tiques de l’habitat dans une logique territoriale qui intègre, mieux que ne
le font les services de l’État, l’ensemble des dimensions du développement
urbain au service du cadre de vie, de la réponse aux besoins locaux et de
la mixité sociale. Le bilan de la mise en œuvre de ces politiques peut être
schématisé en soulignant les avancées qu’elle a rendues possibles comme
les interrogations qu’elle soulève encore.
La délégation des aides à la pierre a accéléré l’apprentissage des collectivités
territoriales dans le domaine de l’habitat. Jusqu’au milieu des années 2000,
seules quelques grandes agglomérations pionnières avaient adopté des
politiques intercommunales ambitieuses, souvent déjà fondées sur une
coopération étroite avec les services déconcentrés de l’État et dotées d’outils
performants de suivi et d’évaluation de leur impact. Les exemples de
Rennes, Lyon, Brest et quelques autres sont ainsi constamment cités et mis
en avant pour illustrer ces situations alors exceptionnelles. La délégation des
aides à la pierre a permis à ces agglomérations de consolider leurs positions
en se dotant d’un outil supplémentaire qui se situait dans la continuité
de leur engagement. Pour beaucoup d’autres, le choix de se lancer dans la
démarche était l’occasion de se saisir d’un domaine jusque-là peu exploré,
mais dont la nécessité était devenue évidente pour les politiques d’agglo-
mération. C’est ainsi que, dans la majorité des cas, la prise de délégation
a permis d’enclencher l’apprentissage des enjeux et de la technicité d’un
domaine qui était laissé jusque-là entre les mains de l’État ou concentré
sur l’approche communale de l’attribution des logements sociaux.
Un des principaux volets de cet apprentissage réside dans les relations
qui se sont rapidement instaurées avec les acteurs du logement social.
Beaucoup de collectivités se sont trouvées confrontées pour la première
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  163

fois aux logiques professionnelles du monde HLM : ses préoccupations


gestionnaires et patrimoniales et le montage juridique et financier des
opérations de construction. Le choc fut parfois rude, mais de nouvelles
habitudes de travail s’installèrent peu à peu et de nouveaux partenariats
se mirent en place, non sans quelques ambiguïtés, notamment vis-à-vis
de la position de l’État dans ces tours de table locaux.
C’est d’ailleurs à propos des relations avec l’État que de nombreuses ques-
tions persistent, au point que certains délégataires ont pu faire parfois
planer la menace de se retirer d’un dispositif dont ils estiment qu’il n’est
pas aussi loyal qu’ils l’espéraient. Le département des Côtes-d’Armor est
d’ailleurs allé au bout de la démarche en renonçant à la délégation à partir
du 1er janvier 2011. Ces inquiétudes mettent en lumière les ambivalences
de la position de l’État, qui persiste à imposer certaines de ses orientations
même lorsqu’elles contredisent celles mises en avant par les collectivités
dans le cadre de leurs PLH. C’est le cas avec les opérations pilotées par
l’Anru qui n’entrent pas dans le cadre des conventions de délégation ; c’est
le cas depuis 2013 lorsqu’il s’agit d’atteindre l’objectif gouvernemental des
150 000 nouveaux logements sociaux par an, comme ce fut le cas lors du
Plan de cohésion sociale entre 2005 et 2009. Ces chiffrages venus d’en
haut se heurtent souvent aux estimations locales des besoins. Ces antago-
nismes locaux sont renforcés par l’insécurité financière que provoquent
l’incapacité de l’État à assurer des engagements pluriannuels et la menace
constante qui pèse sur le maintien de ses financements.
Les politiques locales de l’habitat ne se résument cependant pas au tête-
à-tête entre l’État et les collectivités territoriales, ni même au triangle qui
les unit aux bailleurs sociaux.
La relation des EPCI avec les communes qui les composent n’est pas tou-
jours aussi fluide que souhaité30. Elle reflète la diversité des configurations
intercommunales et des rapports entre les communes et les EPCI. Vient
s’ajouter à ces édifices souvent fragiles la problématique plus coercitive
de la mise en œuvre de l’article 55 de la loi SRU et de l’article 10 de la
loi « Duflot » du 18 janvier 2013, désormais prise en main, via les PLH,
par les EPCI.
Depuis la loi SRU, les textes successifs ont imposé que les programmes
d’action des PLH soient de plus en plus finement territorialisés (v. cha-
pitre 2). Dernière en date en la matière, la loi « Boutin » du 25 mars 2009
impose que cette territorialisation se fasse « par commune ». Ainsi, chaque
PLH intercommunal débouche désormais sur une sorte de feuille de route,

30. On trouve une très bonne analyse de cette question dans la contribution de Mathilde
Cordier et Jules-Mathieu Meunier, « L’émergence du pouvoir d’agglomération dans le champ
de l’habitat », in Alain Bourdin et Robert Prost (dir.), Projets et stratégies urbaines. Regards
comparatifs, coll. « La ville en train de se faire », Parenthèses, Marseille, 2009, p. 138-150.
164  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

commune par commune, imposant si nécessaire les modifications des PLU


respectifs dans un délai maximum d’un an et constituant la base de tous
les outils de suivi de leur mise en œuvre.
Sur cette base, les agglomérations peuvent imposer, via les PLU, des sec-
teurs de mixité sociale où chaque programme neuf devra comporter une
proportion minimale de logements sociaux.
Le processus de glissement des responsabilités, qui place progressivement
les EPCI au rang de chefs de file des politiques locales de l’habitat, n’est
pas achevé. Les textes successifs renforcent encore cette position, notam-
ment pour les métropoles. Depuis 2014, les nouveaux contrats de ville
et le Nouveau programme national de renouvellement urbain placent les
intercommunalités au centre du dispositif.
Mais c’est aussi par leurs pratiques que les intercommunalités font la preuve
de leur capacité d’apprentissage. Le développement, depuis le début des
années 2010, de nouvelles formes d’accession aidée à la propriété, surtout
dans le cadre des projets urbains des agglomérations, en est une illustra-
tion. Contournant le caractère a-territorial des dispositifs nationaux tels
que le prêt à taux zéro, de plus en plus d’EPCI (et de communes dans le
centre de l’Île-de-France) mettent en œuvre des pratiques d’offre foncière
et de partenariat avec les promoteurs privés pour dégager localement des
formes « d’accession abordable »31. La maîtrise de l’investissement locatif
est sans doute l’une des prochaines étapes de ce processus d’autonomisation
des politiques locales de l’habitat. En revanche, à ce jour, celles-ci restent
majoritairement très modestes sur le volet le plus social de ces politiques
et la mise en œuvre du droit au logement.

Droit au logement et mixité sociale. Des ambitions


contradictoires ?
Le champ des politiques du logement, qu’il relève des registres nationaux de
promotion de la diversité de l’offre ou des politiques locales qui articulent
les questions d’habitat avec leurs enjeux de développement territorial, ne
met pas toujours spontanément en première ligne la problématique des
personnes connaissant les difficultés de logement les plus graves.

31. Voir à ce sujet le dossier constitué sur le « Logement abordable » dans le n° 160 de la revue
Études foncières (novembre-décembre 2012).
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  165

C’est ce qui a justifié, depuis le début des années 1990, le développement


d’un nouveau registre de politiques placées sous l’étendard du « droit au
logement »32.
La présence de la question des personnes défavorisées dans la politique
du logement en France n’est pas une nouveauté des années 1990 (voir le
chapitre 3). Depuis l’appel de l’abbé Pierre en 1954, l’histoire du loge-
ment social, du plan Courant de 1953 à la résorption des bidonvilles et de
l’insalubrité au début des années 1970, est jalonnée de démarches visant
à résorber le mal-logement. Il s’agissait alors d’une situation majoritaire,
largement résolue par la production massive des « vingt glorieuses ».
Le problème n’a cependant pas tardé à resurgir, avec le développement d’un
chômage massif à partir du début des années 1980 (chapitre 3).
La décentralisation, qui a confié l’essentiel des politiques sociales à l’échelon
départemental, a justifié l’entrée en lice progressive des conseils généraux
dans ces dimensions sociales des politiques du logement. C’est cependant
encore sous l’impulsion de l’État que, dès 1987, commencent à se créer
des groupes de travail destinés à formuler des réponses nouvelles à la pro-
blématique du logement des personnes défavorisées.
Au même moment, après une série d’événements très médiatisés, se mettent
en place les premiers grands dispositifs de la politique de la ville33, refondée
par les circulaires de Michel Rocard du 22 mai 1989, puis par le discours
de François Mitterrand à Bron le 4 décembre 1990, peu après les émeutes
survenues à Vaulx-en-Velin en octobre. L’ensemble est concrétisé par la
création du premier ministère d’État chargé de la politique de la ville le
21 décembre 1989 et la mise en chantier d’une loi alors dite « anti-ghetto »
qui deviendra en juillet 1991 la loi d’orientation pour la ville (LOV).
À partir de ces orientations va émerger dans le vocabulaire des politiques
de l’habitat le terme de mixité sociale et que vont se mettre en place ses
principaux outils : la meilleure répartition spatiale du logement social et
la diversification sociale des quartiers prioritaires.
Le parallélisme historique entre les politiques du droit au logement et
celles de la mixité sociale ne cesse, depuis lors, de faire débat, voire de poser

32. Voir sur ce point le rapport très détaillé du Conseil d’État (Rapport public 2009, vol. 2 :
Droit au logement, droit du logement, coll. « Études et documents du Conseil d’état », La
Documentation française, Paris, 2009).
33. Formellement, le champ de la politique de la ville apparaît en 1976 (arrêté du 24 août) avec
la création du Fonds d’aménagement urbain (FAU), suivie, en 1977, par le programme
Habitat et vie sociale, centré sur la réhabilitation de logements dans 50 quartiers prioritaires.
En 1984, ce sont 148 quartiers qui s’inscrivent dans la démarche de Développement social
des quartiers (DSQ). C’est en 1988 (décret n° 88-1015 du 28 octobre) que le programme
prend une tout autre dimension avec les créations du Conseil national des villes, du Comité
interministériel des villes et du développement social urbain et de la Délégation interminis-
térielle à la ville et au développement social urbain.
166  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

problème. Pour de nombreux acteurs et analystes34, il y aurait contradiction


entre l’accueil des personnes défavorisées dans le parc social et la mixité
sociale notamment parce que le parc social le moins cher est situé dans les
quartiers populaires. Y loger les plus pauvres contribuerait à leur paupé-
risation et au développement de toutes sortes de communautarismes. Les
attentats de janvier 2015 contre le journal Charlie Hebdo et une supérette
casher du XXe arrondissement de Paris et le retour à l’agenda, depuis cette
date, de la thématique des « politiques de peuplement »35 en fournissent
une nouvelle illustration.
Afin de mieux comprendre ces contradictions, il est nécessaire de recons-
tituer successivement les composantes des deux pans de la problématique.

La longue marche du droit au logement


Après l’instauration définitive du droit au logement par l’article premier de
la loi du 6 juillet 1989, la loi « Besson » du 31 mai 1990 met en place les
principaux éléments nécessaires à sa mise en œuvre. Cependant, en moins
de dix ans, ces instruments se révéleront insuffisants et feront émerger la
nécessité de donner à ce droit un caractère plus concret : son opposabilité,
qui sera acquise par la loi du 5 mars 2007.

Les principales composantes de la loi « Besson »


L’ensemble constitué par la loi « Besson » et le programme d’action qui
l’a accompagné36 peut être résumé en quatre rubriques.
C’est d’abord la généralisation des dispositifs de solvabilisation des ménages
en difficulté pour accéder à un logement ou pour s’y maintenir, par la créa-
tion, dans tous les départements, d’un Fonds de solidarité pour le logement
(FSL). D’abord abondés à part égale par les départements et par l’État,
les FSL peuvent également recueillir les contributions d’autres partenaires

34. Voir à ce sujet le dossier réalisé par Christine Lelévrier, qui rend bien compte de ces débats :
Christine Lelévrier, « Les mixités sociales », Problèmes politiques et sociaux, n° 929, La
Documentation française, Paris, octobre 2006. Voir aussi, de la même auteure, « Au nom de
la “mixité sociale”. Les effets paradoxaux des politiques de rénovation urbaine », Savoir/Agir,
n° 24, juin 2013, p. 11-17.
35. Ainsi, le Premier ministre, Manuel Valls, a déclaré, lors de son introduction à la conférence
de presse du 22 janvier 2015 sur la grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la
République, au lendemain de la présentation d’un ensemble de mesures exceptionnelles
pour lutter contre la menace terroriste, le djihadisme et l’islamisme radical : « “Et sur la
base de ces réflexions et propositions, nous prendrons les décisions qui s’imposent.” Et il ne
s’agira pas seulement de politique du logement et de l’habitat. Mais bien “de politique du
peuplement pour lutter contre la ghettoïsation et la ségrégation.” » (www.gouvernement.fr/
partage/3181-les-fractures-qui-traversent-notre-societe-s-etendent-sur-l-ensemble-du-territoire).
36. Ensemble de circulaires du 30 mars 1990, réuni sous l’intitulé « Programme d’action pour
le logement des plus défavorisés ».
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  167

(communes, bailleurs, Caf, etc.). Ils accordent des aides financières telles


que cautions, prêts, garanties et subventions à des ménages défavorisés
qui entrent dans un logement ou qui se trouvent dans l’impossibilité de
faire face à leurs dépenses de loyer ; ils servent aussi au financement de
l’accompagnement social lié au logement. En 2004, la loi relative aux
libertés et responsabilités locales a décentralisé les FLS, dont les conseils
départementaux sont désormais les responsables uniques.
Le deuxième volet majeur de la loi « Besson » est consacré à la diversifica-
tion de l’offre de logements accessibles aux populations défavorisées sous
deux formes principales :
– la création des PLA adaptés (en construction neuve) et d’insertion (PLA-I
par acquisition dans le parc). Réformés à plusieurs reprises depuis et désor-
mais réunis sous l’intitulé de PLA-Intégration (PLA-I)37, ils bénéficient
d’une subvention majorée et de prêts bonifiés et doivent accueillir, en
contrepartie, des ménages à ressources très modestes payant un loyer infé-
rieur à celui des PLUS ordinaires (de l’ordre de 80 % des loyers maximum
de ces derniers) ;
– la création d’un statut juridique élargi de la sous-location, qui permet
à tout bailleur (social ou privé) de donner en location à des associations
agréées dont l’objet est l’insertion des personnes en difficulté, lesquelles
sous-louent, à titre temporaire38, à des personnes en cours d’insertion ou
de réinsertion sociale.
Le troisième volet des dispositifs prévus par la loi « Besson » est l’institu-
tionnalisation des démarches d’accompagnement social lié au logement
(ASLL), destinées à favoriser l’insertion durable dans le parc des personnes
en difficulté en les aidant à mieux connaître leurs droits et obligations, à
effectuer leurs démarches administratives, à gérer leur budget lié au loge-
ment, etc. Ces modalités d’accompagnement se sont considérablement
diversifiées depuis le début des années 1990 en s’adaptant à la variété
des instruments d’aide au logement des personnes en difficulté. Citons
l’Accompagnement vers et dans le logement (AVDL) pour les personnes
sortant de centres d’hébergement ou l’Allocation de logement temporaire
(ALT) pour développer une offre de logements temporaires accompagnés.

37. Entre 1994 et 1997, ces catégories de logements ont été regroupées sous le terme de
PLA très sociaux (PLA-TS). À partir du 1er janvier 1998, une nouvelle typologie est mise en
place, avec la distinction entre les « PLA à loyer minoré » (PLA-LM) et les « PLA-Intégration »
(PLA-I) destinés aux ménages cumulant des difficultés et ayant besoin d’un accompagnement
social. Avec la création du PLUS en janvier 2000, le PLA-LM est supprimé ; seuls les PLA-
Intégration sont maintenus.
38. Dans le parc social, la sous-location permet de contourner, à titre provisoire, le prin-
cipe du droit au maintien dans les lieux. L’occupation d’un logement temporaire par ce biais
doit déboucher sur une offre de logement définitif correspondant aux besoins et moyens du
ménage. Celui-ci perd son droit à la sous-location s’il refuse cette proposition définitive. La loi
a également introduit le principe du « bail glissant » par lequel l’occupant du logement, une
fois autonome, passe du statut de sous-locataire à celui de locataire en titre, sans déménager.
168  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Cet accompagnement, dont certaines formes sont financées par le FSL, est
pris en charge le plus souvent par des associations spécialisées, en liaison
avec les travailleurs sociaux du secteur.
Enfin – c’est la disposition phare de la loi « Besson » –, les modes de fonc-
tionnement du FSL, les objectifs d’accroissement de l’offre de logements
accessibles aux personnes défavorisées et les dispositifs d’accompagnement
social donnent lieu à l’élaboration d’un plan départemental d’action pour
le logement des personnes défavorisées (PDALPD)39. Ce plan, qui doit être
révisé tous les cinq ans, est placé sous la double responsabilité du préfet et
du président du conseil départemental, auxquels s’associe toute la gamme
des acteurs locaux de l’habitat ; il a pour fonction de faire le point sur les
besoins des personnes défavorisées, d’en déduire une série d’objectifs prio-
ritaires et d’exposer les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Le
PDALPD est l’outil principal de coordination des politiques du logement
des personnes défavorisées dans tous les départements.
La logique générale des dispositions contenues dans la loi « Besson » struc-
ture encore de nos jours l’essentiel de l’action publique nationale et locale
en faveur du logement des personnes défavorisées. Le détail de certaines
procédures a été amélioré par la loi d’orientation relative à la lutte contre
les exclusions du 29 juillet 1998 ; mais elle a constitué un tournant dans
la formulation des dimensions sociales des politiques du logement. Elle
instaure des démarches contractuelles qui mobilisent le plus grand nombre
possible d’acteurs concernés, tant dans le strict champ du logement que
dans celui de l’action sociale (caisses d’allocations familiales, associations
spécialisées, travailleurs sociaux). De fait, elle donne, dans ce processus, un
rôle central aux départements, à égalité avec l’État, qui reste garant de la
généralisation des démarches et donc du principe de solidarité nationale.

Le rôle central des associations


La loi « Besson » a institué le monde associatif en acteur majeur des poli-
tiques du logement. Initialement venues des milieux caritatifs (souvent
confessionnels), les associations spécialisées dans le domaine du logement
se sont considérablement développées et diversifiées, prenant en charge des
pans entiers de l’offre d’hébergement, de logement et d’accompagnement
des personnes en difficulté. C’est l’occasion pour elles d’une plus grande
professionnalisation, mais aussi d’une forte dépendance à l’égard des finan-
cements publics, le bénévolat ne suffisant pas à répondre à l’ampleur des
missions qui leur sont confiées.

39. Depuis la loi Alur du 24 mars 2014, les plans départementaux incluent l’hébergement :
plan départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées
(PDALHPD).
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  169

Aujourd’hui, ce milieu est principalement composé d’une multitude de


petites associations pratiquant l’accompagnement et la médiation dans la
relation locative avec les bailleurs sociaux ; d’autres, allant jusqu’à adopter
le statut formel d’agences immobilières (« à vocation sociale », les AIVS),
s’attachent à prospecter dans le parc privé une offre mobilisable pour
les personnes en difficulté. Ce dernier statut s’est trouvé renforcé depuis
2008-2009 par la mise en place des régimes d’intermédiation locative tels
que « Louez solidaire et sans risque » à Paris et Solibail dans le reste du
territoire ; il faut y ajouter Solizen, initié en 2012 par la région Île-de-France
à l’intention des jeunes Franciliens. Il s’agit de capter des logements privés
en fournissant aux propriétaires un ensemble de garanties de revenu et
de préservation du logement et d’y loger temporairement, en les accom-
pagnant, des ménages en difficulté. L’État (ou la Ville de Paris) met en
concurrence les associations pour les différentes tâches induites par ces
programmes : prospection des logements, gestion et accompagnement
social. D’autres associations, moins nombreuses mais disposant d’une plus
forte assise financière, se sont engagées directement dans l’offre d’héberge-
ment et de logement, y compris, pour certaines, dans la maîtrise d’ouvrage
immobilière. Mentionnons aussi le rôle important des associations Pact40,
devenues Soliha en mai 2015 après leur fusion avec les associations Habitat
et développement, qui, depuis les années 1950, mais avec un renforcement
sensible depuis la loi « Besson », œuvrent au profit de toutes les dimensions
sociales de l’habitat privé. Les plus visibles de ces associations et fondations
sont celles, telles que la Fondation Abbé-Pierre, Droit au logement (Dal),
Jeudi Noir ou les Enfants de Don Quichotte, qui se consacrent essentiel-
lement, avec des moyens et des tonalités différents, à l’interpellation de
l’opinion et des pouvoirs publics.

Vers l’opposabilité du droit au logement


Une première évaluation de la mise en œuvre de la loi « Besson » a été
entreprise dès 1994 et confiée à des chercheurs41. Elle portait un regard
critique sur l’élaboration et le contenu de la première vague de plans dépar-
tementaux et montrait la grande diversité des moyens mis en œuvre pour
identifier les besoins et en déduire des objectifs d’action clairs. Par ailleurs,
l’étude insistait sur le risque de la création progressive d’un secteur trop
spécifique dont les bénéficiaires auraient de plus en plus de mal à sortir.

40. À l’origine du mouvement, il s’agissait d’un sigle signifiant « Propagande et action contre les
taudis ». Le terme est désormais devenu un nom propre dont le sigle ne se décline plus.
41. René Ballain et Francine Benguigui (dir.), Loger les personnes défavorisées : une politique publique
sous le regard des chercheurs, Ministère du Logement/La Documentation française, Paris, 1995.
170  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Le volet consacré au logement de la loi du 29 juillet 1998 se place très


directement dans le prolongement de la loi « Besson » et du plan d’urgence.
Il réaffirme la priorité sociale des politiques du logement. La loi apporte
quelques modifications techniques importantes aux PDALPD et aux FSL,
renforce l’arsenal juridique en créant un nouveau régime de réquisition
des logements inutilisés et instaure, à compter du 1er janvier 1999, une
taxe sur les logements vacants (TLV) dans les agglomérations « où existe
un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande » (article 51)42.
Surtout, la loi réforme de façon importante la procédure d’attribution des
logements sociaux en créant un numéro unique départemental d’enregis-
trement des demandes de logements sociaux. Elle instaure le concept de
« délai anormalement long » à partir duquel un demandeur peut recourir
à une commission de médiation chargée d’analyser sa situation. Très peu
mises en œuvre dans un premier temps, ces dernières dispositions seront
promises à un grand avenir dix ans plus tard, lorsque le droit au logement
accédera à l’opposabilité.
Au cours des années qui suivent la loi « Besson », le volet social des poli-
tiques de l’habitat prend une importance considérable et tend à se consti-
tuer de manière autonome par rapport aux autres dimensions de l’action
publique sur le logement. Le problème de l’insertion, entendue comme
processus d’entrée progressive dans le monde du droit commun (emploi,
logement, consommation), en constitue l’ossature conceptuelle avec, dans
le domaine qui nous intéresse ici, pour objectif final l’accès à un logement
ordinaire et autonome.
Dès lors, les interrogations clés se posent aux deux extrémités des dis-
positifs : en amont, pour sortir les personnes concernées de la rue ou du
mal-logement et, en aval, pour rendre possible leur entrée dans un habitat
autonome, afin que les formules spécifiques ne se transforment pas en piège.
Plus généralement, ce domaine de politique publique pose la question de
la pertinence même du concept de « droit au logement ». Selon le Diction-
naire critique de l’habitat et du logement, « deux approches principales sont
possibles […]. Suivant la première, il convient seulement de reconnaître
une aide au logement ou d’instituer des dispositifs propres à faciliter l’accès
au logement de telle ou telle catégorie défavorisée de la population. […]

42. « La loi engagement national pour le logement […] du 13 juillet 2006 a ajouté la possibi-
lité, pour les communes n’entrant pas dans les critères de la TLV, d’instituer par délibération
sur leur territoire une taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV). Les intercom-
munalités (EPCI) disposant d’un PLH peuvent également mettre en œuvre cette taxe. Elle
s’applique selon les mêmes conditions que la TLV, à la différence du temps de vacance, qui
est de deux ans sans une occupation de plus de 90 jours consécutifs. Les bailleurs sociaux
(HLM et SEM) sont également assujettis à la THLV. Les taux d’imposition sont fixés par
délibération de la commune ou de l’EPCI compétent » (Haut Comité pour le logement des
personnes défavorisées, La mobilisation du parc privé pour créer une offre sociale. 18e rapport,
juin 2015, p. 28).
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  171

L’autre optique consiste à mettre en avant la reconnaissance d’un droit


au logement, voire la consécration d’un droit à un logement “décent” ou
“convenable”, à charge pour les autorités publiques de mettre en œuvre
ce nouveau droit-créance »43. La loi « Besson » et ses suites relèvent plutôt
de la première de ces deux acceptions, qui va montrer ses insuffisances à
répondre à l’ampleur des enjeux.
Un pas supplémentaire est franchi en janvier 1995, lorsque le Conseil
constitutionnel estime, dans une de ses décisions, que « la possibilité pour
toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif de valeur
constitutionnelle »44, mais cette position de principe ne change encore
rien à l’effectivité d’un droit qui ne suppose, à ce stade, que la mise en
place de moyens.
L’inquiétude des acteurs face à la persistance du mal-logement donne lieu
à une multiplication d’initiatives servant tour à tour à tenter de mieux
connaître les situations correspondantes, à alerter l’opinion ou à stimuler
la réflexion de l’État : création en 1992, à la demande de l’abbé Pierre,
du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD),
travaux du Conseil national de l’information statistique en 1994 et 199545,
premier rapport de la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défa-
vorisés en 1995.
Peu à peu, devant le constat que les mesures mises en place à partir de la
loi « Besson » et de ses suites restent insuffisantes pour rendre véritablement
effectif le droit au logement, émerge la nécessité de franchir un pas de plus
pour faire du respect de ce droit une obligation opposable aux pouvoirs
publics. Sous l’impulsion initiale des mouvements associatifs, le Haut
Comité pour le logement des personnes défavorisées engage la réflexion
et, à partir de celui de 2002, ses rapports annuels successifs n’ont pas cessé
d’approfondir l’idée de l’instauration d’un droit au logement opposable.
Dans son 9e rapport, le HCLPD46 énonce les trois conditions qui lui
semblent nécessaires pour l’instauration de cette opposabilité : « Dési-
gner une autorité politique responsable », la doter « des moyens d’agir »
et donner aux citoyens « des voies de recours ». Dans son 11e rapport
de décembre 2005, intitulé Face à la crise : une obligation de résultat, le
Haut Comité, s’inspirant de l’exemple écossais, pose l’essentiel des termes
nécessaires à l’ouverture du travail législatif.

43. Emmanuel-Pie Guiselin, « Droit au logement, quelle reconnaissance ? », in Marion Segaud,


Jacques Brun et Jean-Claude Driant (dir.), Dictionnaire critique de l’habitat et du logement,
coll. « Dictionnaire », Armand Colin, Paris, 2002, p. 132-137.
44. Décision n° 94-359 DC du 19 janvier 1995.
45. Conseil national de l’information statistique, Pour une meilleure connaissance des sans-abri et
de l’exclusion du logement, op. cit.
46. Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, Droit au logement : construire la
responsabilité, HCLPD, Paris, novembre 2003.
172  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

Les choses s’accélèrent soudainement en décembre 2006, quand l’associa-


tion des Enfants de Don Quichotte organise l’occupation des bords du
canal Saint-Martin, à Paris, par plusieurs centaines de personnes sans abri
ou mal logées munies de tentes. La revendication majeure du mouvement,
soutenu par les associations œuvrant sur le sujet depuis des années, est la
mise en œuvre, sans délai, de l’opposabilité du droit au logement.
Face à la pression associative et de l’opinion publique sur le gouvernement,
l’élaboration législative commence dès janvier 2007 et la loi « instituant
le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de
la cohésion sociale » entre en vigueur le 5 mars 2007.

Le droit au logement opposable (Dalo) : principes


et premiers résultats
Outre le fait que la loi du 5 mars 2007 instituant le Dalo prévoit l’accrois-
sement de l’offre de logements sociaux à bas loyer et de places d’héberge-
ments, conditions jugées nécessaires pour répondre à la demande qu’elle
va susciter, la loi met en place les procédures qui doivent rendre effective
l’opposabilité du droit au logement. Elle prévoit également, en parallèle,
un droit opposable à l’hébergement.
Ces procédures prévoient une phase amiable et une phase contentieuse ;
elles font de l’État l’autorité responsable de leur mise en œuvre sur tout le
territoire national. Lui seul peut donc être condamné pour la non-appli-
cation du droit au logement. La loi Maptam du 27 janvier 2014 permet
aux métropoles de faire le choix d’exercer cette compétence.
Chaque bénéficiaire du Dalo, qui doit résider sur le territoire français de
façon régulière, est défini comme n’étant pas « en mesure d’y accéder par
ses propres moyens [à un logement décent et indépendant] ou de s’y main-
tenir » (article 1). Afin de déposer une demande, il doit être titulaire d’un
numéro unique départemental (ou régional en Île-de-France) de demandeur
de logement social. La loi définit ensuite six catégories de personnes dont
la demande est susceptible d’être reconnue comme prioritaire et urgente :
– les personnes dépourvues de logement ;
– les personnes logées dans des locaux manifestement sur-occupés ou indé-
cents et ayant au moins un enfant mineur ou une personne handicapée ;
– les personnes menacées d’expulsion sans relogement ;
– les personnes hébergées ou logées temporairement dans un établissement
ou un logement de transition ;
– les personnes logées dans des locaux impropres à l’habitation ou insa-
lubres, ou dangereux ;
– les personnes dont la demande de logement social n’a pas reçu de réponse,
après dépassement d’un « délai anormalement long », fixé dans chaque
département.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  173

La voie amiable est placée sous la responsabilité des commissions dépar-


tementales de médiation, dont le principe avait été créé par la loi de
lutte contre les exclusions de 1998 sans grand succès sur le terrain. Leur
composition est modifiée et elles sont en état de fonctionner dans tous les
départements depuis le 1er janvier 2008. C’est la commission de médiation
qui, après examen des dossiers, transmet au préfet la liste des demandeurs
qu’elle a considérés comme prioritaires et urgents. Ces demandeurs prio-
ritaires doivent ensuite être relogés dans un délai de trois à six mois selon
les tailles d’agglomération. Cela peut se faire via le contingent préfectoral,
qui en est la filière principale, mais aussi via Action Logement, qui, depuis
la loi « Boutin » de 2009, doit contribuer au Dalo en faisant en sorte que
25 % des attributions passant par sa filière se fassent au bénéfice de salariés
désignés comme prioritaires.
Le recours contentieux permet à toute personne reconnue prioritaire sur
ces critères et qui n’a pas obtenu satisfaction, de demander une décision
de justice ordonnant à l’État de procéder au logement, assortie ou non
d’une astreinte financière versée au Fonds d’aménagement urbain (FAU)
et vouée à financer des acquisitions foncières ou immeubles destinées à
l’accroissement de l’offre de logement social.
La loi met en place un comité de suivi du Dalo, présidé par le président
du HCLPD. Ce comité remet chaque année au gouvernement un rap-
port rendant compte de la mise en œuvre de la loi et rend publiques les
statistiques correspondantes.
À la fin 2014, le Dalo a donné lieu à un total près de 560 000 recours
par la voie amiable portant sur le logement ou l’hébergement. Le nombre
annuel de recours ne cesse d’augmenter : 76 000 en 2011, 97 000 en 2014.
On note surtout des écarts territoriaux très forts. Sur ce point, le comité
de suivi du Dalo distingue trois catégories de départements :
– ceux à « forte activité », au nombre de 18, en Île-de-France, dans le bassin
méditerranéen, le Genevois français et autour des autres grandes villes :
Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux et Nantes, qui cumulent à eux seuls 87 %
des recours déposés en 2014, dont 58 % rien qu’en Île-de-France (et 13 %
rien qu’à Paris, où on reçoit plus de 1 000 recours par mois) ;
– ceux à « activité soutenue » au nombre de 30, qui ne totalisent que
11 % des recours ;
– et les plus nombreux (52 départements), où l’activité est « modérée »,
qui ne représentent que 2 % de l’activité, avec un total de moins de
2 000 recours en 2014 (moins de 40 par département, 77 dossiers en tout
pour la région Limousin).
Le Dalo est ainsi le révélateur des très fortes disparités territoriales en
matière de difficultés d’accès au logement. Il montre aussi que, lorsqu’une
agglomération met en place des politiques actives d’accueil des ménages en
difficulté, le recours au Dalo n’est qu’une solution ultime peu mobilisée.
174  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

C’est le cas, par exemple, de l’agglomération rennaise, dont le marché du


logement est assez tendu. Pourtant, en 2014, seuls 13 dossiers Dalo ont
été déposés en Ille-et-Vilaine.
Fin 2014, plus de 92 % des recours déposés avaient été examinés par les
commissions de médiation et avaient donné lieu à des décisions. En 2014,
seules 36 % (dont 2 % de réorientations vers l’hébergement) de ces déci-
sions étaient favorables47, les principaux motifs de celles-ci étant le fait
d’être dépourvu de logement (32 %) ou d’avoir dépassé un délai anormale-
ment long (24 %). Viennent ensuite les cas de sur-occupation du logement
(12 %) et la menace d’expulsion sans relogement (10 %).
C’est après la décision que les choses se compliquent dans les régions où
la pression est la plus forte. Depuis le début de la procédure, seules 54 %
des personnes déclarées prioritaires en Île-de-France et 52 % en Paca ont
été effectivement relogées en 201448, alors que ce taux atteint 95 % dans
le Nord-Pas-de-Calais et 88 % en Rhône-Alpes (France : 63 %). Ces écarts
indiquent les très fortes différences de capacité d’accueil du parc social
et montrent que le Dalo peine à trouver son efficacité là où il est le plus
nécessaire. Au niveau national, un tiers des personnes ayant été déclarées
prioritaires reste à reloger. C’est ce qui a justifié que le comité de suivi du
Dalo donne pour titre à deux de ses rapports des formules volontairement
provocatrices : « L’État ne peut pas rester hors la loi » (2010) et « Droit au
logement : rappel à la loi » (2012).
La voie contentieuse reste cependant assez peu utilisée : fin 2014, un peu
moins de 10 000 recours avaient été déposés devant les tribunaux admi-
nistratifs, dont 82 % ont obtenu satisfaction.
Toutefois, la principale menace qui pèse sur le Dalo est aujourd’hui le
risque de stigmatisation des personnes ayant été reconnues prioritaires.
Dans le jargon des services chargés de leur relogement, on parle de « label-
lisation Dalo » ou de « ménages Dalo ». La délivrance de ce label fait désor-
mais débat dans la mesure où elle peut induire, dans l’esprit des acteurs de
l’attribution des logements sociaux (bailleurs et collectivités locales), une
inquiétude plus forte face à leur supposée fragilité sociale et économique.
Mais ces inquiétudes sont encore renforcées, depuis le début des
années 2010, par des prises de position de plus en plus fréquentes sur le
fait qu’il faudrait éviter de loger les « ménages Dalo » dans les quartiers de
la politique de la ville, au prétexte qu’ils en renforceraient la paupérisa-
tion. Ce point de vue, énoncé successivement par plusieurs ministres en
charge de la politique de la Ville et soutenu par l’Anru, est entré dans le

47. 6 % des dossiers étaient sans objets (personnes relogées par ailleurs ou décédées…) et 58 %
ont été rejetés comme non prioritaires.
48. Ou ont au moins eu une proposition, ce chiffre incluant les personnes ayant refusé le loge-
ment qui leur était proposé.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  175

débat public au moment de la relance des réflexions sur les politiques de


peuplement après les attentats de janvier 2015.
Il illustre l’une des difficultés du débat sur la mixité sociale dans les quar-
tiers en difficulté, qui sont aussi ceux où les loyers des logements sociaux
sont les moins chers et donc les plus à même de loger les ménages à bas
revenu. C’est l’une des contradictions essentielles de la politique de la ville
et de la rénovation urbaine.

Politique de la ville et rénovation urbaine. Objectif mixité


Depuis les années 1990 et jusqu’à la loi « Lamy » du 21 février 2014, la
politique de la ville des quelque vingt-cinq dernières années est le théâtre
d’une alternance des priorités entre les trois pôles de l’action publique sur
les quartiers en difficultés :
– le pôle de l’intervention urbaine. D’abord concentré sur la consomma-
tion des crédits Palulos dans le parc social, il s’est diversifié en incluant
des actions sur les équipements et les espaces publics. De telles opérations
nécessitant d’importants moyens financiers, elles supposent une certaine
concentration de l’effort. C’est la logique de la rénovation urbaine qui a
succédé en 2004 aux grands projets urbains lancés en 1991 et aux grands
projets de ville de 1999 ;
– le pôle social et économique, qui touche, parmi d’autres, les questions de
sécurité, d’éducation (les zones d’éducation prioritaire, devenues en 2015
les réseaux d’éducation prioritaire) et d’emploi et prend une ampleur par-
ticulière à partir du plan de relance pour la ville de 1995 (loi du 4 février)
qui réforme la géographie prioritaire de la politique de la ville, avec les zones
urbaines sensibles (Zus), les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et
les zones franches urbaines (ZFU), et donne une forte impulsion à l’essor
économique des quartiers. Cette géographie prioritaire qui, au rythme des
évolutions politiques et des négociations entre l’État et les villes, avait atteint
près de 2 600 quartiers, est réformée en 2014. En resserrant le mode de
détermination sur les secteurs urbains comportant une forte proportion
de ménages pauvres, on arrive à une nouvelle géographie comportant
1 300 quartiers prioritaires49 ;
– le pôle territorial apparaît avec le besoin de considérer les quartiers dans
leur environnement urbain le plus large pour travailler les interdépendances
et les solidarités nécessaires à leur développement. Ce seront les contrats
de ville, qui concerneront plus de 200 agglomérations entre 1994 et 1999,
puis entre 2000 et 2006, avant la mise en place des contrats urbains de

49. Actée par deux décrets du 30 décembre 2014 (l’un pour la métropole, l’autre pour
l’outre-mer).
176  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

cohésion sociale (CUCS) à partir de 2007, puis, depuis le 1er janvier 2015,


des nouveaux contrats de ville.
Lorsque naît la politique de rénovation urbaine avec la loi « Borloo » du
1er août 2003, les prémices du programme sont déjà bien en place. En
1997-1998, le changement de la doctrine de l’État sur la démolition des
logements sociaux50 avait donné le coup d’envoi à de nouvelles pratiques
promues par la Caisse des dépôts sous le terme de renouvellement urbain.
Partant de là, les ministres successifs avaient énoncé des objectifs quanti-
tatifs de plus en plus ambitieux. Le 19 juin 1999, Louis Besson, secrétaire
d’État au Logement, déclarait au congrès des HLM qu’il fallait lever « le
tabou de la démolition de l’offre obsolète ». Selon son successeur, Marie-
Noëlle Lienemann51, il fallait démolir 100 000 logements sociaux. Avec
Jean-Louis Borloo, responsable de la politique de la ville à partir de 2002,
le chiffre passe à 200 000. C’est l’élément phare de la nouvelle politique
de rénovation urbaine qu’il entend mettre en œuvre.
La loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la
rénovation urbaine instaure le Programme national de rénovation urbaine,
qui sera mis en œuvre et coordonné à partir de février 2004 (décret du
9 de ce mois-là) par l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru).
L’objectif du programme est énoncé en peu de mots par l’article 6 de la loi :
« Le Programme national de rénovation urbaine vise à restructurer, dans
un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers
classés en zone urbaine sensible. »
La loi confirme la nouvelle hégémonie du pôle de l’intervention urbaine
sur le champ de la politique de la ville. Les volets sociaux et économiques
n’y gardent qu’une portion congrue.
Le programme de rénovation urbaine, énoncé initialement sous forme
d’objectifs quantitatifs forts sur cinq ans52, repose sur des opérations de
restructuration urbaine lourde dans un nombre important de quartiers. Il
s’agit à la fois d’en changer l’image et l’attractivité, de mieux les relier au
reste des villes et de diversifier l’offre d’habitat en remplaçant une partie
des logements sociaux démolis par une offre en accession à la propriété et

50. Jusque-là, les services de l’État promouvaient une attitude très prudente à l’égard de la
démolition des logements sociaux, la réservant à des sites en déclin ou à des cas avérés d’ob-
solescence technique du patrimoine social.
51. Marie-Noëlle Lienemann, socialiste, ministre déléguée chargée du logement et du
cadre de vie de 1992 à 1993 et secrétaire d’État au Logement de 2001 à 2002.
52. Initialement : 200 000 démolitions, 200 000 constructions neuves de logements locatifs
sociaux, 200 000 réhabilitations entre 2004 et 2008, objectifs réévalués par le plan de cohésion
sociale (art. 91 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005) respectivement à 250 000, 250 000
et 400 000 à l’échéance de 2011, reculée à 2013 par l’article 63 de la loi n° 2006-872 du
13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement puis à 2015 par l’article 17
de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (loi « Lamy ») n° 2014-173
du 21 février 2014.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  177

du locatif à statut libre. Chaque logement social démoli doit être remplacé
(c’est la règle du « un pour un »), mais pas forcément dans le même quartier,
afin que cette politique contribue également à la diffusion du parc social
hors des quartiers et communes qui en possèdent déjà beaucoup. L’idée
de mixité sociale est donc omniprésente dans le programme.
Du point de vue de sa gouvernance, la rénovation urbaine est assurée par
une agence nationale, l’Anru, qui dispose de moyens financiers importants
issus principalement du budget de l’État puis, à partir de 2009 (article 192
de la loi de finances pour 2009), par Action Logement. Après avoir défini
les types de quartiers potentiellement bénéficiaires de ses financements53,
l’Anru a lancé des appels à projets auprès des communes concernées, les-
quelles ont élaboré des projets urbains en partenariat avec les acteurs locaux,
souvent les bailleurs sociaux, et avec le soutien des services déconcentrés
de l’État. In fine, au 15 décembre 2014, 490 quartiers auront été traités
avec l’aide de l’Anru, dans le cadre de 397 conventions, portant sur un
total de plus de 47 milliards d’euros, dont 11,6 milliards de subventions de
l’agence. Dans son état d’avancement du 5 mai 2015, l’Anru annonce la
construction de près de 140 000 logements sociaux pour 148 000 démo-
litions. 323 000 logements auront été réhabilités et 358 000 auront été
résidentialisés54. Sur cet ensemble, 119 conventions portent sur des quartiers
situés en Île-de-France, la deuxième région étant le Nord – Pas-de-Calais,
avec 41 conventions, puis Rhône-Alpes, avec 35 conventions.
Du fait de ses objectifs ambitieux et de son impact immédiat sur la vie
des habitants des quartiers, la politique de rénovation urbaine aura été
très commentée. Outre les débats sur sa gouvernance, qui a pu sembler
contradictoire avec le mouvement décentralisateur55 mais dont les éva-
luations montrent une réalité plus nuancée et hétérogène56, on peut sché-

53. L’Anru avait établi une première liste de 189 quartiers prioritaires, auxquels elle consacre
70 % de son budget, et une seconde liste de 220 quartiers. Les quelque 500 autres quartiers
de la politique de la ville pouvaient également postuler.
54. Le terme de « résidentialisation » a été introduit dans les politiques du logement en France
dans le courant des années 1990. Il désigne principalement des opérations de traitement des
abords des immeubles appartenant aux grands ensembles des années 1960 et 1970, par les-
quelles sont clarifiées les relations entre l’espace privé des entrées d’immeubles, les espaces
semi-privatifs des abords immédiats et l’espace public extérieur. Dans la plupart des cas, les
opérations de résidentialisation consistent à installer des éléments physiques (haies, barrières,
sas d’accès, etc.) de délimitation et de sécurisation de ces espaces. Dans les opérations de réno-
vation urbaine, il s’agit aussi souvent de reconstituer un rapport des immeubles à la rue, qui
avait été nié par l’urbanisme moderne des années 1960. C’est aussi l’occasion de clarifier la
domanialité des espaces extérieurs et de répartir les tâches de gestion et d’entretien entre les
organismes d’HLM et les villes qui prennent leurs responsabilités sur la voirie.
55. Renaud Epstein, La rénovation urbaine : démolition-reconstruction de l’État, coll. « Académique »,
Presses de Sciences po, Paris, 2013.
56. Voir à ce sujet l’évaluation de la gouvernance de la rénovation urbaine menée par le cabinet
Aristat pour le compte du Comité d’évaluation et de suivi (CES) de l’Anru en 2014 : Mathilde
Cordier, Camille Devaux et alii, La gouvernance de la rénovation urbaine à l’épreuve des terri-
toires, Comité d’évaluation et de suivi de l’Anru, La Documentation française, Paris, 2014.
178  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

matiquement rattacher les nombreuses questions qu’elle soulève à deux


dimensions temporelles.
D’abord celle de l’immédiateté, qui s’attache aux conséquences de la démo-
lition, et qui souligne les inquiétudes associées au relogement des ménages.
Ce processus, long et parfois douloureux, a été placé sous le regard attentif
du Comité d’évaluation et de suivi de l’Anru et a donné lieu à de nom-
breuses recherches. Chaque projet de rénovation urbaine est accompagné
de l’élaboration d’une charte du relogement qui fixe les règles du jeu de la
concertation locale et des modalités du respect des attentes des ménages à
reloger. Dans la plupart des cas, ces évaluations sont plutôt positives, même
si elles soulignent que la démolition des immeubles n’est que très rarement
souhaitée par leurs habitants. À défaut de rester chez eux, ceux-ci trouvent
cependant souvent dans le relogement l’occasion d’un changement positif,
au sein du même quartier ou, lorsqu’ils le souhaitent, hors de celui-ci57.
Dans une perspective tout aussi immédiate, mais plus macro-économique,
la démolition de logements sociaux, surtout dans l’agglomération pari-
sienne ou dans les grandes villes à marchés tendus, peut sembler paradoxale
quand, dans le même temps, le gouvernement s’attache à faire croître
l’offre d’HLM. Ce n’est pas la moindre contradiction de cette politique
qui apparaît à contretemps de l’urgence des besoins en logements.
Dans une perspective de plus long terme, on peut estimer que la politique
de rénovation urbaine constitue un facteur positif de transformation radi-
cale des lieux qu’elle touche et de regain d’attractivité. Quelques exemples
suscitent l’optimisme, dans le centre de Vaulx-en-Velin, dans l’agglomé-
ration lyonnaise, ou dans le quartier Malakoff à Nantes, qui montrent
notamment que, au-delà du caractère parfois traumatisant d’une inter-
vention urbaine lourde, les cibles véritables de ces opérations sont leurs
habitants futurs, parfois aux dépens de certains de leurs occupants actuels.
La question centrale est alors la longue durée qui suivra l’investissement
exceptionnel qu’a permis la politique de rénovation urbaine. La nouvelle
urbanité produite et la diversité de l’offre immobilière construite au nom
de la mixité sociale sont-elles les gages d’une attractivité maintenue dans
le temps ? Le marché du logement donnera la clé de cet avenir et, derrière
lui, la capacité des responsables de la gestion de ces quartiers, au premier
rang desquels les élus locaux, à maintenir une attractivité résidentielle
suffisante et, pour leurs habitants, « les moyens de partir et l’envie de
rester », pour reprendre la formule que Daniel Béhar appliquait déjà aux
quartiers d’habitat social en 199158.

57. Voir à ce sujet : Daniel Bourdon, Sonia Fayman, Christine Lelévrier et Christophe Noyé,
La rénovation urbaine : pour qui ? Contributions à l’analyse des mobilités résidentielles, Comité
d’évaluation et de suivi de l’Anru, La Documentation française, Paris, 2013.
58. Daniel Béhar, « Réussir l’intégration. Les moyens de partir, l’envie de rester », Projet, n° 227,
automne 1991, p. 32-36.
LES GRANDS DÉBATS DES POLITIQUES CONTEMPORAINES DU LOGEMENT  ❮  179

Mais l’interrogation majeure que suscite aujourd’hui la rénovation urbaine


– et, plus largement, les velléités de sortir les quartiers populaires de leur
paupérisation croissante59 – est justement la façon dont elle tente d’orga-
niser cette transformation au risque d’évincer de ces quartiers les plus
pauvres ou les plus exclus. La démolition a fait reculer la portion du parc
social dont les loyers étaient les plus bas sans la remplacer durablement
par une offre socialement équivalente. Les pratiques menées au nom des
« politiques de peuplement » tendent à exclure ces ménages considérés
comme fragiles des ensembles et des quartiers où ils sont déjà nombreux.
On peut craindre que ces évolutions rendent encore plus difficile la mise
en œuvre d’un droit au logement tant souhaité par ailleurs.

59. Le dernier rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, publié en décembre
2014, confirme la poursuite, voire l’accélération, de cette paupérisation.
CONCLUSION  ❮  181

C onclusion

Retrouver une vision d’ensemble


L’exposé des enjeux, de la construction et de l’actualité des politiques du
logement permet de nuancer les jugements sévères qui leur sont générale-
ment infligés. Il montre notamment que, à l’aune de certains des objectifs
poursuivis, elles peuvent être, au contraire, extrêmement performantes.
C’est le cas, par exemple, lorsqu’elles parviennent à corriger, souvent à coût
budgétaire élevé, les effets des aléas conjoncturels sur le rythme de l’activité
du bâtiment. C’est aussi le cas de leur contribution à l’amélioration des
conditions de confort de la grande majorité des ménages. C’est beaucoup
moins vrai lorsqu’elles tentent de résoudre les problèmes du mal-logement
ou d’assurer la mixité sociale dans la durée.
La lisibilité et la cohérence de ces politiques sont mieux assurées lorsqu’elles
sont décomposées en domaines clairement identifiés, dont il devient aisé
de désigner les niveaux de responsabilité publique : l’État pour le pilotage
macroéconomique général et la garantie du droit au logement ; les dépar-
tements pour les dimensions sociales et les acteurs de l’insertion ; les EPCI
pour la territorialisation.
C’est la vision d’ensemble qui pose problème, ce qui ne serait pas grave
s’il s’agissait de prendre acte d’une pluralité d’enjeux et de moyens qui
n’auraient plus de raisons d’être traités conjointement et dont on pourrait
évaluer les effets séparément les uns des autres.
Cet éclatement, qui se retrouve aussi bien au niveau des responsabilités
politiques (des services déconcentrés aux différents niveaux des collectivités
territoriales) qu’à celui des opérateurs de terrain (organismes d’HLM,
lotisseurs, promoteurs, Sem, associations, travailleurs sociaux…), permet
à chacun d’exercer ses compétences sectorielles, mais empêche de dégager
la logique d’ensemble du système.
Celle-ci est pourtant la condition indispensable pour sortir de la situation
actuelle en mettant le doigt sur les contradictions et parfois les concurrences
qui découlent, sur le terrain, de la superposition des enjeux et des moyens.
Beaucoup de ces contradictions ont été soulevées au fil des chapitres qui
précèdent : entre le développement de la propriété des ménages modestes,
182  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

la construction neuve et la maîtrise de l’urbanisation périurbaine ; entre


le maintien d’une conception généraliste du logement social, la mise en
œuvre du droit au logement et la mixité sociale… La liste pourrait être
longue, mais le traitement de ces contradictions constitue sans doute le
défi majeur pour les politiques du logement du XXIe siècle. Tentons, pour
conclure, d’en tracer quelques directions essentielles.

Territorialiser les enjeux, améliorer les moyens de connaissance


L’essentiel des enjeux de l’habitat, surtout dans leurs dimensions sociales
et urbaines, se joue à l’échelle locale. Ces enjeux sont intimement liés à
la situation des marchés immobiliers, lesquels connaissent des variations
conjoncturelles fortes, mais restent principalement guidés par des facteurs
structurels liés aux configurations locales (dynamiques économiques et
démographiques, attractivité résidentielle, composition du parc de loge-
ment…). La structure des besoins en logement varie donc considérable-
ment d’un lieu à l’autre. Les politiques doivent mieux tenir compte de ces
différences, ce qui suppose deux conditions essentielles :
– que les programmes de l’État soient construits sur une base ascendante
plutôt que sur l’application d’objectifs quantificatifs exclusivement fondés
sur des considérations d’affichage et de calcul budgétaire ;
– que les acteurs politiques des agglomérations soient en position de res-
ponsabilité première, à la fois comme forces de négociation avec l’État
sur la nature et le montant des crédits affectés à leur territoire et comme
décideurs sur l’affectation de ces ressources et de celles qu’ils apportent
sur leur propre budget.
La délégation des aides à la pierre fournit les premiers outils nécessaires à
la réalisation de la seconde condition, même si sa mise en œuvre soulève
encore quelques critiques, mais elle gagnerait à être élargie à d’autres formes
de conventionnement.
La première condition suppose un changement assez radical des façons
de faire de l’État et l’acquisition par son niveau central d’une meilleure
expertise de la diversité des situations locales.
D’où l’importance, pour l’ensemble des acteurs, d’une amélioration des
moyens d’une connaissance partagée des marchés locaux du logement.
Cela suppose un effort important d’adaptation et de mise à disposition
de tous des sources d’information, notamment statistiques. De nombreux
efforts ont été menés en ce sens depuis les années 1990, mais beaucoup
reste à faire.
C’est sur cette base de connaissance des situations et des besoins que pourra
se jouer l’articulation essentielle entre les diagnostics locaux des PLH et
des analyses nationales plus fines de la diversité des marchés locaux.
CONCLUSION  ❮  183

Diversifier et clarifier une offre accessible au plus grand nombre


Le maintien en France d’une offre diversifiée est l’une des spécificités de
notre pays et nous lui devons sans doute une part de l’amélioration globale
des conditions de logement et de la satisfaction des ménages. La persistance,
voire l’aggravation, des difficultés que connaissent certains ménages à se
loger correctement justifient toutefois de repenser au moins partiellement
cette offre et d’en accroître encore la diversité.

Réformer le logement social, sans renoncer à la mixité


La contradiction entre droit au logement et mixité sociale doit être dépassée ;
en la dénonçant, on feint d’ignorer qu’il s’agit en fait de temporalités
distinctes : le premier relevant de l’urgence, alors que la seconde est une
affaire de long terme. Les politiques correspondantes doivent pouvoir tenir
conjointement ces deux enjeux.
Du côté du logement social, l’enjeu majeur est de développer une offre
financièrement accessible. Ce n’est pas seulement une affaire de construc-
tion neuve, les moyens en sont multiples et supposent des déclinaisons
territoriales affinées :
– par la promotion de la mobilité résidentielle dans le parc à la fois pour
les ménages qui doivent y trouver un logement plus adapté à leur situation
et pour ceux qui sont en mesure de le quitter. Sans doute faudra-t-il pour
cela rouvrir les débats sur les plafonds de ressources et le droit au maintien
dans les lieux ;
– par une remise à plat des loyers qui privilégie, quelles que soient les
localisations, des loyers effectivement modérés et compatibles avec les
valeurs prises en compte par l’APL ;
– par une priorité donnée, dans la construction sociale neuve, aux terri-
toires où les besoins d’accroissement ou de renouvellement sont avérés.
Cela passe par une augmentation ciblée, en loyers et en localisation, de la
production sociale neuve, et par un effort budgétaire pérenne.
Compte tenu du fait que ces mesures ont un effet différé sur l’offre dispo-
nible, il faut améliorer parallèlement tous les moyens permettant la mise
en œuvre immédiate du Dalo, sans fermer, au nom de la mixité sociale,
les portes de l’accès au parc le plus accessible. Cela suppose une action sur
les voies d’accès au logement des personnes prioritaires en accroissant la
perméabilité entre les contingents de réservation. Cela suppose surtout de
tarir les sources du mal-logement en accentuant l’effort de résorption de
l’habitat indigne et en organisant plus efficacement la sortie de l’héberge-
ment vers les logements ordinaires.
Ces évolutions conduiront inéluctablement à accentuer encore la spé-
cialisation sociale du parc HLM, ce qui renvoie à la problématique de
la mixité sociale. Le rôle social des HLM doit cesser de se traduire par la
184  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

paupérisation de quartiers et de villes entières. C’est un chantier de long


terme, mais il doit être entrepris, ne serait-ce qu’en faisant pleinement
appliquer les textes existants. L’État doit pouvoir se substituer aux com-
munes récalcitrantes à la production de logements sociaux à bas loyers ;
les opérations neuves doivent comporter une part minimum de logements
financièrement accessibles ; le renouvellement urbain doit contribuer à
redessiner la carte du logement social.
Dans le même temps, la mission sociale des HLM devra être mieux
reconnue et accompagnée, en termes de financement et de sécurisation ges-
tionnaire comme en matière de qualité des services publics et des aménités
urbaines de l’environnement de leurs immeubles, dont la responsabilité
incombe aux collectivités territoriales. Les politiques locales de l’habitat
et leur articulation avec les politiques urbaines ne s’arrêtent pas lorsque
les logements sont construits ou les quartiers rénovés.

Repenser une offre locative intermédiaire


Si le rôle du logement social se resserre, cela doit être accompagné, dans les
quelques villes les plus chères, par le développement d’une offre locative
plus ouverte aux ménages à revenus moyens.
C’est l’enjeu de l’offre intermédiaire, très mal pris en charge aujourd’hui par
des produits tels que le PLS. Pour être efficace, le logement intermédiaire
ne peut pas se confondre avec le logement social. Il ne peut pas servir de
paravent aux communes récalcitrantes qui remplissent leurs obligations
légales sans accueillir de ménages à bas revenus. Il ne peut pas non plus
rester soumis à une réglementation qui ralentit son attribution et le rend
répulsif pour les ménages qu’il cible.
Le retour d’une logique d’investisseurs institutionnels et le déploiement
d’une offre intermédiaire garantie par des plafonds de ressources et des
loyers inférieurs à ceux du marché sont devenus des nécessités, notamment
dans le cœur de l’agglomération parisienne. L’ordonnance n° 2014-159 du
20 février 2014 porte sur ce thème et ouvre la possibilité pour les bailleurs
sociaux de créer des filiales capables de mettre en œuvre cette activité. Il
faut espérer qu’elle portera rapidement de nombreux fruits.

Poursuivre le développement de l’accession à la propriété


sans favoriser l’étalement
Le développement de l’accession à la propriété des ménages à revenus
moyens correspond aux aspirations majoritaires, participe à l’économie
nationale ainsi qu’à la solvabilisation des retraités et contribue à la libération
de l’offre locative accessible. Ces vertus justifient la poursuite des politiques
nationales et locales d’accompagnement de l’accession, à condition qu’elles
restent prudentes.
CONCLUSION  ❮  185

Les exigences du développement durable, les coûts induits par l’étalement


pour les collectivités publiques et, plus immédiatement, la maîtrise des
dépenses de déplacement des ménages, obligent désormais à renforcer cette
prudence en freinant les processus de périurbanisation, surtout lorsque
l’éloignement résidentiel résulte plus de la contrainte économique que d’un
choix de cadre de vie. Le travail dans ce sens peut emprunter au moins
trois directions complémentaires :
– l’essentiel passe par des politiques foncières et d’aménagement permettant
de mettre à la disposition des promoteurs des terrains aménagés proches des
centres et permettant de produire des logements financièrement accessibles
pour la majorité des ménages ;
– à défaut d’un élargissement rapide de périmètres intercommunaux inté-
grant les territoires périurbains, il est nécessaire de mieux organiser les
coopérations entre les agglomérations et leurs périphéries. C’est l’un des
rôles majeurs des Scot ;
– cela passe également par la poursuite des réflexions sur ce que signifie
l’aspiration des ménages pour la maison individuelle. Quelles conséquences
en tirer sur les formes architecturales et urbaines qui permettent d’en obtenir
les attributs sans renoncer à la densité ? Comment mieux valoriser les atouts
de l’urbanité, des proximités et de l’accès aux services, notamment dans la
perspective du vieillissement de la population ?

Clarifier la répartition des responsabilités


Rien de tout ce qui précède n’est envisageable sans une clarification des
responsabilités des différents niveaux de la décision politique en matière
d’habitat.
L’État, tant au niveau national que dans ses déclinaisons déconcentrées,
doit rester le garant des fondamentaux du secteur, principalement dans
trois dimensions :
– la stabilité à un bon niveau de solvabilisation des aides à la personne ;
– la mise en œuvre du droit au logement, dans laquelle il prend directement
sa part via le Dalo et pour laquelle il doit être en mesure de sanctionner
(et/ou de se substituer aux) les autres niveaux de responsabilité engagés ;
– la mixité sociale, en exerçant pleinement ses pouvoirs de sanction et de
substitution à l’égard des communes qui ne respectent pas l’article 55 de
la loi SRU et l’article 10 de la loi du 18 janvier 2013.
La crédibilité de ce rôle de l’État peut s’appuyer sur deux piliers essentiels :
– l’expertise, tant nationale que locale, qui permet à la fois de faire valoir ses
exigences auprès de ses partenaires et de les argumenter en toute connais-
sance de la diversité des situations locales ;
– la pérennité de ses engagements financiers dans les différents grands
domaines de l’investissement public en matière de logement, condition
186  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

d’une confiance des acteurs économiques et de sécurisation dans la durée


de la mise en œuvre des politiques locales de l’habitat.
Les métropoles et autres EPCI urbains doivent confirmer leur rôle de chefs
de file des politiques locales de l’habitat, en partenariat avec l’État et les
communes, ainsi qu’avec leur périphérie.
Ils doivent, pour ce faire, jouir d’une légitimité démocratique issue plus
directement du suffrage universel et surtout disposer de l’ensemble des
compétences du champ de l’habitat sur leur territoire : délégation élargie
des aides de l’État, politiques foncières et d’aménagement, moyens de lutte
contre la rétention foncière, énoncé des règles d’urbanisme (PLU), décli-
naison sur l’agglomération du PDALPD et délégation des FSL, négociation
et signature des conventions de rénovation urbaine, etc. Ces compétences
acquises, il appartiendra à ces EPCI de les utiliser, en particulier pour
développer la contractualisation avec les communes qui les composent.
Ils doivent aussi rendre des comptes sur leur capacité à faire respecter
les fondamentaux garantis par l’État et se doter d’outils d’évaluation des
effets de leurs politiques et des engagements financiers qu’elles supposent.
Les territoires ruraux et les villes petites et moyennes ne doivent pas être
les laissés-pour-compte de la montée en compétences des grandes agglo-
mérations. Ils manquent souvent de l’ingénierie et des moyens financiers
pour mettre en œuvre des politiques de l’habitat. Le rôle des services
déconcentrés de l’État reste pour eux fondamental. Celui des régions,
acteurs de l’aménagement du territoire dont les compétences sont étendues
par la loi NOTRe du 7 août 2015 en matière d’habitat, est également
appelé à prospérer.
Reste le cas de l’Île-de-France et du Grand Paris, où la seconde moitié
des années 2010 marquera une étape déterminante pour la mise en place
d’une gouvernance métropolitaine de l’habitat.

***

Au total, ces pistes, dont il faudrait développer les implications techniques,


suggèrent plus de clarifications que de réformes lourdes ; elles reposent
principalement sur la prise en compte conjointe des différentes tempo-
ralités mises en jeu par la question du logement et de son rôle dans les
dynamiques urbaines : l’urgence des situations sociales et des conjonctures
économiques ne doit pas écarter une vision à moyen et à long terme. Une
telle exigence suppose, une fois que les enjeux et les responsabilités auront
été précisés, que les règles du jeu soient stabilisées mais aussi pleinement
mises en œuvre, que l’on en finisse avec l’inflation législative et que les
textes en vigueur soient appliqués.
ANNEXES  ❮  187

INDEX DES SIGLES

AIVS : agence immobilière à vocation sociale


ALF : allocation logement à caractère familial
ALS : allocation logement à caractère social
ALT : allocation logement temporaire
Alur : accès au logement et un urbanisme rénové (loi pour l’)
Anah : Agence nationale de l’habitat (jusqu’en 2006 : Agence nationale pour l’amélioration
de l’habitat)
Anru : Agence nationale pour la rénovation urbaine
APL : aide personnalisée au logement
ASLL : Accompagnement social lié au logement
AVDL : Accompagnement vers et dans le logement
Caf : caisse d’allocations familiales
CCH : Code de la construction et de l’habitation
CFF : Crédit foncier de France
CIL : Comité interprofessionnel du logement
CNIS : Conseil national de l’information statistique
CRH : comité régional de l’habitat
CUCS : contrat urbain de cohésion sociale
CUS : convention d’utilité sociale
Dalo : droit au logement opposable
DDE : direction départementale de l’équipement
Dihal : Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement
Dreal : Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement
DSQ : développement social des quartiers
EPCI : établissement public de coopération intercommunale
ESH : entreprise sociale pour l’habitat
FAIL : Fonds d’aide aux impayés de loyer
FARG : Fonds d’aide au relogement et de garantie
FAU : Fonds d’aménagement urbain
Feder : Fonds européen de développement régional
Fnal : Fonds national d’aide au logement
FSL : Fonds de solidarité pour le logement
GES : gaz à effet de serre
HBM : habitation à bon marché
HCLPD : Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées
HLM : habitation à loyer modéré
HLM-A : HLM-accession
188  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

HLM-O : HLM ordinaire


HVS : Habitat et vie sociale
ICC : indice du coût de la construction
ILM : immeuble à loyer moyen
ILN : immeuble à loyer normal
Insee : Institut national de la statistique et des études économiques
IPC : indice des prix à la consommation
IRL : indice de révision des loyers
LOV : loi d’orientation pour la ville
NPNRU : Nouveau programme national de renouvellement urbain
Olap : Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne
Opah : opération programmée d’amélioration de l’habitat
OPH : office public de l’habitat
OPHLM : office public d’habitation à loyer modéré
Pact : Propagande et action contre les taudis
Palulos : prime à l’amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale
(depuis 1988 : subvention à l’amélioration des logements locatifs sociaux)
PAP : prêt pour l’accession à la propriété
PAS : prêt d’accession sociale
PDALHPD : plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes
défavorisées
PDALPD : plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées
Peec : participation des employeurs à l’effort de construction
PEL : plan d’épargne logement
PIG : programme d’intérêt général
PLA : prêt locatif aidé
PLA-I : prêt locatif aidé d’insertion (prêt locatif aidé d’intégration depuis 1998)
PLA-LM : prêt locatif aidé à loyer minoré
PLA-TS : prêt locatif aidé très social
PLH : programme local de l’habitat
PLR : programme à loyer réduit
PLS : prêt locatif social
PLU : plan local d’urbanisme
Plus : prêt locatif à usage social
PNRU : Programme national de rénovation urbaine
POPS : protocole d’occupation du patrimoine social
POS : plan d’occupation des sols
PSP : plan stratégique de patrimoine
PSR : programme social de relogement
PST : programme social thématique
ANNEXES  ❮  189

PTZ : prêt à taux zéro


Puca : Plan urbanisme construction architecture
SCET : Société centrale d’équipement du territoire
SCIC : Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations
Scot : schéma de cohérence territoriale
Sdrif : Schéma directeur de la région Île-de-France
Sem : société d’économie mixte
Sieg : Service d’intérêt économique général
Smic : salaire minimum interprofessionnel de croissance
SOeS : Service de l’observation et des statistiques (Commissariat général au développement
durable)
SRU : solidarité et renouvellement urbains (loi)
TFPB : taxe foncière sur les propriétés bâties
UE : Union européenne
UESL : Union des entreprises et des salariés pour le logement (ex-Union d’économie sociale
pour le logement)
UNPI : Union nationale de la propriété immobilière
USH : Union sociale pour l’habitat
Vefa : vente en l’état futur d’achèvement
ZFU : zone franche urbaine
ZRU : zone de redynamisation urbaine
Zup : zone à urbaniser en priorité
Zus : zone urbaine sensible
190  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE (TITRES RÉCENTS)1

Rapports et ouvrages généraux


Belmessous (Fatiha), Bonneval (Loïc), Coudroy de Lille (Lydia) et Ortar (Nathalie)
(textes réunis et présentés par), Logement et politique(s). Un couple encore d’actualité ?,
coll. « Habitat et sociétés », L’Harmattan, Paris, 2014.
Chiron (Jacques), L’Agence nationale pour la rénovation urbaine : rénover l’Anru sans la
dénaturer, n° 768, Sénat, 23 juillet 2014.
Comité d’évaluation et de suivi de l’Anru, La gouvernance de la rénovation urbaine à
l’épreuve des territoires, La Documentation française, Paris, 2014.
Cornuel (Didier), Économie immobilière et des politiques du logement, coll. « Ouvertures
économiques », De Boeck, Bruxelles, 2013.
Cour des comptes, Le logement en Île-de-France : donner de la cohérence à l’action publique,
rapport thématique, avril 2015.
Emont (Gilbert), Marché du logement. L’empreinte des territoires, coll. « L’immobilier en
perspectives », Économica, Paris, 2015.
Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés, L’état du mal-logement en
France. Rapport annuel, Paris, 2015.
Friggit (Jacques), Évaluation du nombre de mutations de logements à titre onéreux et gratuit
par statut d’occupation, Conseil général de l’environnement et du développement durable,
n° 008187-02, août 2014.
Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l’aménagement, de
l’urbanisme et de l’habitat, Du logement social à l’habitat. Les Offices cent ans après la
loi Bonnevay, coll. « Les Cahiers du Gridauh », série « Droit de l’habitat », Gridauh, Paris,
2014.
Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, La mobilisation du parc privé
pour créer une offre sociale, 18e Rapport, juin 2015.
Repentin (Thierry), La mise en œuvre du dispositif de mobilisation du foncier public en faveur
du logement, rapport remis à Sylvia Pinel, ministre du Logement, de l’Égalité des territoires
et de la Ruralité, le 7 janvier 2015.
Stébé (Jean-Marc), Le logement social en France, coll. « Que sais-je ? », n° 763, Puf, Paris,
6e éd., 2013.
Touati (Anastasia) et Crozy (Jérôme) (dir.), La densification résidentielle au service du
renouvellement urbain. Filières, stratégies et outils, Plan urbanisme construction architecture,
La Documentation française, Paris, 2015.

1. Sélection opérée par l’éditeur.


ANNEXES  ❮  191

Articles et documents divers


Arnault (Séverine), Crusson (Laure), Donzeau (Nathalie) et Rougerie (Catherine), « Les
conditions de logement fin 2013. Premiers résultats de l’enquête Logement », Insee Première,
n° 1546, avril 2015, 4 p.
Blanc (Maurice), « L’éternel retour de la crise du logement », Espaces et sociétés, n° 159,
4/2014, p. 173-187.
Commissariat général au développement durable, « Compte du logement 2013. Premiers
résultats 2014 », Références, février 2015.
Dossier, « Le mal-logement », Informations sociales, n° 184, juillet-août 2014.
Dossier, « Logement et marché immobilier », Cahiers français, La Documentation française,
n° 388, septembre-octobre 2015.
Driant (Jean-Claude), « La crise du logement vient-elle d’un déficit de constructions ? »,
L’Économie politique, n° 65, janvier-février-mars 2015, p. 23-33.
Driant (Jean-Claude), « Enjeux et débats des politiques du logement en France », Revue
d’économie financière, n° 115, septembre 2014, p. 189-208.
Dumont (Gérard-François), « Les causes démographiques de la crise du logement »,
Informations sociales, n° 183, mai-juin 2014, p. 26-34.
Lagandré (Éric) et Renard (Vincent), « Immobilier : les prix en question », Revue Projet,
n° 344, 2015/1, p. 37-43.
Le Bayon (Sabine), Levasseur (Sandrine) et Rifflart (Christine) (dir.), « Ville et
logement », Revue de l’OFCE-Débats et politiques, n° 128, avril 2013.
Moatti (Sandra), « Logement : comment construire plus ? », Alternatives économiques,
n° 337, juillet 2014, p. 34.
Trannoy (Alain) et Wasmer (Étienne), « Comment modérer les prix de l’immobilier ? », in
Conseil d’analyse économique, Recueil 2013 des notes du CAE, La Documentation française,
Paris, 2015, note n° 2.
192  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

RÉFÉRENCES DES TEXTES LÉGISLATIFS


ET RÉGLEMENTAIRES CITÉS (1850-2015)

1850
– Loi du 13 avril 1850 sur l’assainissement des logements insalubres.

1894
– Loi du 30 novembre 1894 relative aux habitations à bon marché (loi « Siegfried »).

1906
– Loi du 12 avril 1906 relative aux habitations à bon marché (loi « Strauss »).

1908
– Loi du 10 avril 1908 relative à la petite propriété et aux maisons à bon marché
(loi « Ribot »).

1912
– Loi du 23 décembre 1912 sur les habitations à bon marché (loi « Bonnevay »).

1928
– Loi du 13 juillet 1928 établissant un programme de constructions d’habitations à bon
marché et de logements, en vue de remédier à la crise de l’habitation (loi « Loucheur »), JO
(Journal officiel) du 17 juillet 1928.

1945
– Ordonnance n° 45-1421 du 28 juin 1945 portant 1° institution d’un service national
du logement, 2° institution d’une caisse nationale d’entretien et d’amélioration de l’habitat
urbain et rural […], JO du 29 juin 1945.

1947
– Loi n° 47-580 du 30 mars 1947 portant fixation du budget de reconstruction et
d’équipement pour l’exercice 1947, JO du 31 mars 1947.
– Loi n° 47-1686 du 3 septembre 1947 modifiant la législation des habitations à bon
marché et instituant un régime provisoire de prêts, JO du 4 septembre 1947.

1948
– Loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la
législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux
d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, JO du
2 septembre 1948.

1950
– Loi n° 50-854 du 21 juillet 1950 relative au développement des dépenses d’investissement
pour l’exercice 1950 (prêts et garanties), JO du 23 juillet 1950.

1953
– Décret n° 53-200 du 16 mars 1953 modifiant le décret n° 50-899 du 2 août 1950 relatif à
l’attribution des prêts garantis par l’État pour la construction d’immeubles d’habitation, JO
du 17 mars 1953.
ANNEXES  ❮  193

– Loi n° 53-611 du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier, JO du


11 juillet 1953.
– Décret n° 53-701 du 9 août 1953 relatif à la participation des employeurs à l’effort de
construction, JO du 10 août 1953.

1954
– Décret n° 54-346 du 27 mars 1954 fixant les conditions d’attribution des logements des
organismes d’habitations à loyer modéré, JO du 28 mars 1954.

1955
– Décret n° 55-1037 du 26 juillet 1955 modifiant le décret n° 54-346 du 27 mars 1954
fixant les conditions d’attribution des logements des organismes d’habitations à loyer
modéré, JO du 5 août 1955.

1957
– Loi n° 57-908 du 7 août 1957 tendant à favoriser la construction de logements et les
équipements collectifs, JO du 10 août 1957.

1962
– Loi n° 62-903 du 4 août 1962 complétant la législation sur la protection du patrimoine
historique et esthétique de la France et tendant à faciliter la restauration immobilière
(loi « Malraux »), JO du 7 août 1962.

1965
– Loi n° 65-554 du 10 juillet 1965 instituant un régime d’épargne-logement, JO du
11 juillet 1965.

1970
– Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre
(loi « Vivien »), JO du 12 juillet 1970.

1971
– Circulaire du 30 novembre 1971 relative aux formes d’urbanisation adaptées aux villes
moyennes, JO du 15 décembre 1971.
– Circulaire du 15 décembre 1971 relative à l’action sociale et culturelle dans les ensembles
d’habitations, aux locaux collectifs résidentiels et aux modalités d’intervention des
organismes constructeurs et gestionnaires de logements, JO du 5 mars 1972.

1973
– Circulaire du 21 mars 1973 relative aux formes d’urbanisation dites « grands ensembles »
et à la lutte contre la ségrégation sociale par l’habitat, JO du 5 avril 1973.

1977
– Loi n° 77-1 du 3 janvier 1977 portant réforme de l’aide au logement, JO du 4 janvier
1977.

1982
– Loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des
bailleurs (loi « Quilliot »), JO du 23 juin 1982.
194  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

1983
– Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les
communes, les départements, les régions et l’État (loi « Defferre »), JO du 9 janvier 1983.

1986
– Loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif,
l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière
(loi « Méhaignerie »), JO du 24 décembre 1986.

1989
– Circulaires 3464 et 3465 relatives au programme d’action du Comité interministériel des
villes et du développement social urbain du 22 mai 1989 (circulaires « Rocard »), JO du
20 décembre 1989.
– Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant
modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (loi « Malandain-Mermaz »), JO
du 8 juillet 1989.

1990
– Lettre-circulaire du 30 mars 1990 du ministre de l’Équipement, du Logement, des
Transports et de la Mer et du ministre délégué chargé du Logement.
– Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement
(loi « Besson »), JO du 2 juin 1990.

1991
– Loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville (« LOV »), JO du 19 juillet
1991 et du 29 octobre 1991 (rectificatif ).

1992
– Loi d’orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la
République, JO du 8 février 1992 et du 12 mai 1992 (rectificatif).

1995
– Loi n° 95-74 du 21 janvier 1995 relative à la diversité de l’habitat, JO du 24 janvier 1995.

1998
– Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, JO
du 31 juillet 1998.

1999
– Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale (loi « Chevènement »), JO du 13 juillet 1999.

2000
– Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement
urbains (loi « SRU »), JO du 14 décembre 2000.

2002
– Décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent
pris pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative
à la solidarité et au renouvellement urbains, JO du 31 janvier 2002.
ANNEXES  ❮  195

2003
– Loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la
rénovation urbaine, JO du 2 août 2003 et du 20 septembre 2003 (rectificatif).

2004
– Décret n° 2004-123 du 9 février 2004 relatif à l’Agence nationale pour la rénovation
urbaine, JO du 11 février 2004.
– Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (« acte II
de la décentralisation », dite aussi loi « Raffarin »), JO du 17 août 2004.

2005
– Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, JO du
19 janvier 2005 et du 27 janvier 2005 (rectificatif ).

2006
– Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, JO du
16 juillet 2006.

2007
– Ordonnance n° 2007-137 du 1er février 2007 relative aux offices publics de l’habitat, JO
du 2 février 2007.
– Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant
diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (loi « Dalo »), JO du 6 mars 2007.

2009
– Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre
l’exclusion (loi « Boutin »), JO du 27 mars 2009.
– Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du
Grenelle de l’environnement (loi « Grenelle 1 »), JO du 5 août 2009.

2010
– Loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, JO du 5 juin 2010 et du
1er juillet 2010 (rectificatif ).
– Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement
(loi « Grenelle 2 »), JO du 13 juillet 2010.
– Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, JO du
17 décembre 2010 et du 18 décembre 2010 (rectificatif).

2013
– Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en
faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social
(loi « Duflot »), JO du 19 janvier 2013.

2014
– Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et
d’affirmation des métropoles (loi Maptam), JO du 28 janvier 2014.
– Ordonnance n° 2014-159 du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire, JO du
21 février 2014.
– Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion
urbaine (« loi Lamy »), JO du 22 février 2014.
196  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

– Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové


(loi Alur), JO du 26 mars 2014, du 21 juin 2014 et du 30 septembre 2014 (rectificatifs).
– Décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la
politique de la ville dans les départements métropolitains, JO du 31 décembre 2014.
– Décret n° 2014-1751 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de
la politique de la ville dans les départements d’outre-mer, à Saint-Martin et en Polynésie
française, JO du 31 décembre 2014.

2015
– Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la
République (NOTRe), JO du 8 août 2015.
– Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance
verte, JO du 18 août 2015.
ANNEXES  ❮  197

LISTE DES TABLEAUX, FIGURES ET ENCADRÉS

Tableaux
1.   Évolution de la structure du parc de logements (1984-2013) (France métropolitaine)
(en milliers), p. 23
2.   Localisation des résidences principales par tranches d’unités urbaines en 2013
(France métropolitaine) (en unités et en %), p. 23
3.   Évolution du type et de la taille des résidences principales (1970-2013) (France
métropolitaine) (en milliers), p. 24
4.   Évolution de l’ancienneté et du niveau de confort des résidences principales (1970-2013)
(France métropolitaine) (en milliers), p. 25
5.   Évolution du statut d’occupation des résidences principales (1970-2013)
(France métropolitaine) (en milliers), p. 27
6.   Les propriétaires selon les types de ménages et l’âge des personnes de référence en 2013
(France métropolitaine) (en milliers), p. 28
7.   Les locataires du secteur libre selon les types de ménages et l’âge des personnes
de référence en 2013 (France métropolitaine) (en milliers), p. 29
8.   Les locataires du secteur social selon les types de ménages et l’âge des personnes
de référence en 2013 (France métropolitaine) (en milliers), p. 30
9.   Revenus des ménages (par quintiles) selon les statuts d’occupation au 1er janvier 2010
(France métropolitaine, ensemble des ménages) (en %), p. 31
10.   Occupation principale de la personne de référence des ménages selon les statuts
d’occupation en 2013 (France métropolitaine) (en %), p. 32
11.   Évolution des taux d’emménagés récents (1988-2013) (en %), p. 45
12.   Évolution de la mobilité résidentielle à partir du parc locatif social (1988-2013)
(en unités et en %), p. 46
13.   Évolution de la mobilité résidentielle à partir du parc locatif libre (1988-2013)
(en unités et en %), p. 47
14.   Évolution de la mobilité résidentielle des propriétaires et de la contribution des
différents statuts à l’accession à la propriété (1988-2013) (en unités et en %), p. 47

Figures
1.   Évolution des statuts d’occupation des résidences principales (1970-2013) (en milliers),
p. 27
2.   Évolution du nombre de logements ordinaires commencés (1948-2014) (en milliers),
p. 37
3.   Construction neuve par région pour 1 000 habitants (moyenne annuelle 1998-2014),
p. 39
4.   Évolution de l’indice des prix des logements anciens (1948-2014) (base 1 en 2000),
p. 40
198  ❯ LES POLITIQUES DU LOGEMENT EN FRANCE

5.   Évolution de l’indice général des loyers et des prix à la consommation (1969-2014)
(en %), p. 43
6.   L’accroissement du parc locatif libre selon le nombre de pièces des logements
(1988-2013) (en unités), p. 44
7.   Évolution des modalités des aides au logement (1984-2013) (en milliards d’euros
courants), p. 81

Encadrés
Le « Plan de relance du logement » du 29 août 2014, p. 63
L’action du département de la Seine-Saint-Denis en matière de lutte contre le logement
indigne et dégradé, p. 152
Les résultats obtenus à Paris en matière de production de logements locatifs sociaux, p. 161
Les études
Parutions récentes
Agriculture et monde agricole. 2e édition
Pierre Daucé, 2015, 176 p.
Enseignement supérieur et recherche en France. Une ambition d’excellence
Anne Mascret, 2015, 168 p.
Les industries agroalimentaires en France
Jean-Louis Rastoin et Jean-Marie Bouquery (dir.), 2015, 256 p.
La politique culturelle en France. 2e édition
Xavier Greffe et Sylvie Pflieger, 2015, 240 p.
Le financement de l’économie française. Quel rôle pour les acteurs publics ?
Yves Jégourel, Max Maurin, 2015, 160 p.
La délinquance des jeunes
Laurent Mucchielli (dir.), 2014, 160 p.
Le Conseil constitutionnel. 2e édition
Michel Verpeaux, 2014, 224 p.
L’industrie française de défense
Claude Serfati, 2014, 232 p.
La fonction publique en débat
Luc Rouban, 2014, 176 p.
L’industrie pharmaceutique. Règles, acteurs et pouvoir
Marie-Claude Bélis-Bergouignan, Matthieu Montalban et alii, 2014, 256 p.
Les immigrés en France
Jean-Yves Blum Le Coat et Mireille Eberhard (dir.), 2014, 208 p.
Le marché de l’art. 2e édition
Jean-Marie Schmitt et Antonia Dubrulle, 2014, 424 p.
La presse française. Au défi du numérique. 8e édition
Pierre Albert et Nathalie Sonnac, 2014, 208 p.
Droits syndicaux dans l’entreprise et liberté syndicale
Franck Petit, 2014, 304 p.
Les agences de presse. 2e édition
Henri Pigeat et Pierre Lesourd, 2014, 192 p.
Les finances locales. 2e édition
Fabrice Robert, 2013, 240 p.
L’aide et l’action sociales
Michel Borgetto et Robert Lafore, 2013, 224 p.
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Tarifs au 1er février 2015 : un an (12 nos)


– France métropolitaine : 95 € (TTC)
– France de l’outre-mer : 103,50 € (HT)
– Union européenne : 105 € (TTC)
– autres pays : 115 € (HT)
études

études
Les
Les politiques
du logement en France

Les
Depuis les années 2000, le logement est redevenu un sujet de pré-
occupation majeur pour les Français. La forte hausse des prix de l’immobilier,
alimentée notamment par un déficit de constructions par rapport aux nouveaux
besoins, rend de plus en plus difficile le choix d’un lieu d’habitat et plus encore Les politiques
du logement
l’accession à la propriété. Face à ces défis considérables, les politiques du
logement sont jugées bien souvent trop peu visibles et pas assez efficaces.
En réalité, la complexité des politiques du logement mises en œuvre aujourd’hui

en France
est liée à la diversité des enjeux, parfois contradictoires, qui entourent toutes
les questions sociales et politiques liées à l’habitat. Comment assurer en effet 2e édition
le droit au logement tout en favorisant la mixité sociale ? Comment accompa-
gner le développement de la propriété en stimulant l’économie du bâtiment,
tout en préservant l’environnement et en minimisant l’étalement urbain ?
La deuxième édition de cet ouvrage, mis à jour pour tenir compte des trans-
formations induites par la crise de la fin des années 2000 et la production
législative récente jusqu’aux lois Alur de 2014 et NOTRe de 2015, met ces poli-
tiques en perspective et en trace l’historique. Il en souligne la diversité, sans

n J.-C. Driant
quitter un ton accessible et pédagogique propre à intéresser un large public.

n L ’auteur est professeur à l’École d’urbanisme de Paris (Université Paris-Est-Créteil – UPEC) et


membre du laboratoire Lab’Urba. Urbaniste, il est spécialiste des marchés du logement et des
politiques de l’habitat, sur lesquels il a publié plusieurs ouvrages.

Les politiques du logement en France


L es « Études de La Documentation française »
Une collection de référence sur le monde contemporain et ses évolutions : institutions, vie politique,
questions sociales, secteurs économiques, relations internationales. Des ouvrages pour tout lecteur
en quête d’analyses approfondies et objectives.
Jean-Claude Driant

Diffusion
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légale et administrative
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3:DANNNB=^ZYVY^: dF

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