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Réglages du ventilateur
au cours de la décompensation respiratoire aiguë
des malades avec bronchopneumopathie
chronique obstructive
● C. Guérin*

es progrès récents dans la ventilation mécanique au Toutefois, l’incidence des complications laryngotrachéales de cette

L cours de la décompensation respiratoire aiguë (IRA)


des patients avec bronchopneumopathie chronique
obstructive (BPCO) sont la ventilation non invasive (VNI) en
intubation est proportionnelle à la taille de la prothèse.
On peut séparer la VI en deux phases successives (tableau I) :
une phase initiale pendant laquelle d’excessives charges élas-
pression positive (1) et les évolutions technologiques accomplies tiques et résistives imposent la sédation du malade, la seconde,
au niveau des respirateurs. Plusieurs essais prospectifs randomi- qui fait suite à la précédente plus ou moins rapidement, au cours
sés contrôlés en réanimation (2) mais aussi en pneumologie (3) de laquelle la ventilation spontanée (VS) du patient devient
ont montré l’efficacité de la VNI chez ces malades par rapport à opérationnelle.
un traitement médical standard ; il importe de souligner que ces 1. Les objectifs de la première phase sont de corriger les anoma-
études ont porté sur des malades sélectionnés, n’ayant ni critères lies gazométriques en favorisant une baisse progressive de la
de recours à l’intubation trachéale d’emblée ni contre-indication PaCO2, de permettre un repos musculaire respiratoire, d’attendre
à la VNI. Le succès de la VNI dépend de facteurs liés à la gra- l’amélioration de la mécanique ventilatoire et de ne pas aggraver
vité de l’état du patient ou de l’IRA, à la technique elle-même la distension gazeuse. Ces objectifs sont atteints en réglant le res-
(bonne utilisation des interfaces, modes, réglages, respirateurs) pirateur en mode volume contrôlé (VC) avec un volume courant
et à la capacité de l’équipe médicale et paramédicale à mettre en (VT) de l’ordre de 6-8 ml/kg, une fréquence respiratoire basse et
route et à gérer correctement cette technique. Contrairement à la un rapport temps inspiratoire/temps total bas. Ces deux derniers
VNI, l’utilisation de la ventilation invasive (VI) est gouvernée réglages cherchent à ménager le temps expiratoire le plus long
non pas par des recommandations issues d’essais randomisés possible pour se rapprocher du volume de relaxation du système
prospectifs mais par des données physiopathologiques. La phy- respiratoire. Le recours à la sédation est fréquent lors de cette
siopathologie de l’IRA des BPCO dépasse largement le cadre de phase. Sa titration permet de raccourcir sa durée d’utilisation et
cet article centré sur les réglages du ventilateur en VI et en VNI de réduire la morbidité (4). L’utilisation d’une pression expira-
dans ce contexte. Nous n’envisagerons pas la VNI par pression toire positive (PEPe) n’est, à ce stade, pas recommandée en rou-
négative périthoracique, plus marginale, mais qui, réalisée par tine. Le débit inspiratoire constant n’a pas d’avantage sur le débit
des équipes entraînées, aboutit aux mêmes résultats que la VNI décélérant mais permet toutefois une surveillance continue de la
en pression positive chez les malades avec BPCO en IRA. résistance et de l’élastance du système respiratoire (5).
Le collapsus de reventilation peut être secondaire à différents
VENTILATION INVASIVE mécanismes souvent associés : baisse trop rapide de la PaCO2,
sédation excessive, hypertension artérielle pulmonaire aiguë avec
Les indications de l’intubation trachéale sont assez mal codifiées. défaillance cardiaque droite, réduction de la précharge ventri-
Il faut donc systématiquement se poser la question du bien-fondé culaire droite. Les variations trop rapides de PaCO2 sont asso-
de son indication chez ces patients. Les indications d’intubation ciées à des variations de pH dans le sens d’une alcalose à l’ori-
trachéale sont précisées clairement dans deux essais randomisés gine de troubles du rythme cardiaque ou de convulsions. Ces
prospectifs (2, 3) portant sur l’efficacité de la VNI et dont un des complications peuvent être favorisées par une hypophosphoré-
critères de jugement principaux était précisément le recours à l’intu- mie parallèle aux variations de pH et de PaCO2, hypophospho-
bation trachéale. La prothèse endotrachéale devrait être de grand rémie dont la prévention devrait être systématique.
diamètre (diamètre interne de 8-8,5 chez l’homme et de 7,5 chez La détermination de la pression plateau, reflet de la pression
la femme) pour offrir moins de résistance à l’écoulement gazeux. alvéolaire télé-inspiratoire, et de de l’auto-PEP, elle-même reflet
de la pression alvéolaire télé-expiratoire, peut être utile pour adap-
* Service de réanimation médicale, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon. ter les réglages du ventilateur. Maintenir la pression plateau en

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Tableau I. Réglages du ventilateur en ventilation mécanique invasive chez les malades avec bronchopneumopathie chronique obstructive en
décompensation respiratoire aiguë.

Phase initiale avec sédation requise (bronchospasme-hyperinsufflation pulmonaire importante)

• Mode volume assisté contrôlé • VT 6-8 ml/kg pour pression plateau téléinspiratoire  35 cm H2O
• Temps expiratoire le plus allongé possible pour obtenir un débit nul en fin d’expiration et/ou auto-PEP  10 cm H2O
• Minimiser espace mort anatomique : pas de raccord annelé (20 ml), utiliser humidificateur chauffant plutôt qu’un filtre échangeur de chaleur et d’humidité
• Monitorage pression et débit en fonction du temps • Mesure pression plateau et auto-PEP après chaque changement de réglage
• Mesure volume trappé à maintenir < 20 ml/kg • FiO2 pour SpO2 92 %

Phase ultérieure ou phase initiale si sans sédation

Volume assisté contrôlé Aide inspiratoire


• Réglages VT, débit inspiratoire, temps inspiratoire • Réglage initial de la pression d’assistance pour obtenir VT 6-8 ml/kg
pour obtenir un débit inspiratoire 60 l/mn avec fréquence respiratoire patient entre 25 et 30 cycles par minute
• Titrer augmentation débit inspiratoire • Vitesse de pressurisation le plus élevée possible
jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’altération courbe de pression • Seuil de déclenchement inspiratoire en débit ou en pression à leur valeur minimale
au cours de l’insufflation • Si efforts inefficaces, tester effet réduction du niveau d’aide inspiratoire ou PEPe
• Débit inspiratoire décélérant si poursuite effort inspiratoire • Si recrutement muscles abdominaux, tester effet réduction du temps inspiratoire
du patient malgré débit 60 l/mn ou passage en pression assistée contrôlée

• PEP externe 5 cm H2O ou en titrant sur efforts inefficaces • Monitorage pression et débit en fonction du temps • FiO2 pour SpO2 92 %

VT : volume courant ; PEPe : pression expiratoire positive externe – Auto-PEP : pression expiratoire positive intrinsèque
FiO2 : fraction d’oxygène dans l’air inspiré – SpO2 : saturation transcutanée en oxygène

dessous de 35 cm H2O et l’auto-PEP inférieure à 10 cm H2O sont chronisme patient-machine peut résulter d’un décalage entre un Ti
des recommandations raisonnables. La mesure directe de l’hyper- neural trop long par rapport au Ti machine réglé : le patient n’a pas
insufflation pulmonaire dynamique est aisée chez un patient fini son effort inspiratoire alors que la machine a fini d’insuffler.
relaxé. Maintenir sa valeur en dessous de 20 ml/kg permettrait Le patient continue son effort inspiratoire, illustré par une dimi-
de réduire l’incidence d’hypotension ou de pneumothorax (6). nution de pression mesurée sur le respirateur en fin d’inspiration.
2. Soit d’emblée soit secondairement (après l’intubation trachéale), En aide inspiratoire, le cycle mécanique a quatre phases clés : le
le médecin peut laisser s’exprimer la VS du patient. Dans ce cas, déclenchement de l’inspiration, la vitesse de pressurisation, le
les objectifs de la VI sont de permettre le partage du travail respi- niveau de pression d’assistance, le déclenchement de l’expira-
ratoire entre ventilateur et pompe ventilatoire du patient, sans aug- tion. Rappelons qu’en AI, le VT dépend des variations de la com-
menter le travail respiratoire de celui-ci, et la bonne synchronisa- pliance et de la résistance du système respiratoire du patient.
tion entre efforts respiratoires et cycles mécaniques. À ce stade,
deux modes ventilatoires sont utilisables, volume assisté contrôlé Déclenchement de l’insufflation
(VAC) et aide inspiratoire (AI). Aucun des deux n’est réellement Le déclenchement d’un cycle mécanique est assuré par un effort
supérieur à l’autre sur des critères physiologiques (7), l’AI étant inspiratoire suffisant pour atteindre le seuil de déclenchement réglé.
associée à un plus grand confort, tout au moins en VNI (8). L’effort inspiratoire pour déclencher le respirateur est en fait un
Le réglage de la VAC doit permettre un débit inspiratoire suffisant élément mineur de l’effort inspiratoire total. L’augmentation de la
pour s’adapter à la demande ventilatoire du malade, en général élé- pression d’AI, si elle permet de réduire l’effort inspiratoire total,
vée, et pour réduire l’effort inspiratoire en cours d’insufflation laisse inchangé l’effort lié au déclenchement du cycle (11). Le
mécanique, c’est-à-dire faciliter la synchronisation patient- déclenchement du cycle mécanique à la suite d’un effort inspira-
machine. Cela est obtenu par une manipulation du débit inspira- toire peut être fondé sur la détection d’une diminution de la pres-
toire, du VT, du temps d’insufflation (Ti) et d’une pause téléins- sion dans le circuit (trigger en pression) ou d’une variation de débit
piratoire. Le débit décélérant pourrait être préférable au débit (trigger en débit). Si l’effort inspiratoire est moindre avec un trig-
constant, car il produit plus rapidement un débit inspiratoire maxi- ger en débit, l’effort inspiratoire postdéclenchement est identique
mal. Il est recommandé de fixer le débit inspiratoire à 60 l/mn, entre les deux modes si bien que l’effort inspiratoire total (= trig-
voire 90 l/mn. Toutefois, chez le sujet normal, l’augmentation du ger + post-trigger) est comparable (12). C’est en effet l’intensité
débit inspiratoire est suivie d’une tachypnée qui, raccourcissant le de la commande qui régule l’effort inspiratoire puisque celui-ci
temps expiratoire, pourrait faciliter l’hyperinsufflation pulmonaire persiste et ne s’interrompt pas brutalement après le début de l’insuf-
dynamique (9). En réalité, chez le patient avec BPCO, l’augmen- flation mécanique. C’est finalement l’augmentation du niveau d’AI
tation du débit inspiratoire est associée au contraire à un allonge- qui permet de diminuer l’effort inspiratoire total en AI. Vingt-cinq
ment du temps expiratoire et à une diminution de l’auto-PEP (10). à trente pour cent des efforts inspiratoires ne sont pas suivis d’un
Cet effet semble lié à l’inhomogénéité pulmonaire (10). L’intérêt cycle mécanique. Ces efforts inefficaces contribuent à l’asyn-
de la PEPe sera développé plus loin. En mode VAC, un asyn- chronisme patient-machine et à l’inconfort du malade car sa volonté

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Vitesse de pressurisation
Il s’agit de la vitesse à laquelle le niveau d’AI choisi est atteint.
PSV 15 PSV 20 Celui-ci dépend des capacités du respirateur à générer un débit
L-s–1 1 inspiratoire initial plus ou moins important. Ces capacités sont
.
V
0 très variables d’un respirateur à l’autre (16). Contrairement au
type de trigger qui, comme nous l’avons vu plus haut, n’influence
pas le travail inspiratoire total, une vitesse rapide de montée au
L 0,5
niveau d’AI réglé diminue le travail inspiratoire total (17).
V
0
Niveau d’aide inspiratoire
Cm H2O 20 Le choix du niveau d’AI repose sur des critères avant tout cli-
Pao niques. L’objectif est d’assurer un VT de l’ordre de 6-8 ml/kg
avec une fréquence respiratoire du patient entre 25 et 30 cycles
0
par minute, un confort optimal, une désynchronisation minimale
Cm H2O 10 entre le patient et le ventilateur. Des pressions d’assistance supé-
rieures à 20 cm H2O sont à déconseiller.
Ppl 0

– 10 Cyclage inspiration-expiration
En AI, le passage de l’inspiration à l’expiration est fondée sur un
critère de débit qui, selon les respirateurs, peut être un pourcentage
Figure 1. De haut en bas sont figurés les signaux de débit, volume, pres- du débit de pointe ou une valeur absolue réglable. Chez le patient
sion des voies aériennes et pression pleurale (pression œsophagienne)
chez un malade ventilé en aide inspiratoire à 15 cm H2O (à gauche) et atteint de BPCO, deux phénomènes physiologiques vont entraver
20 cm H2O (à droite). Pour un niveau d’aide inspiratoire de 20 cm H2O ce cyclage. Comme dit plus haut, l’effort expiratoire du patient peut
apparaissent des efforts inefficaces (flèches), visibles essentiellement débuter à l’intérieur du Ti machine. Il en résulte un risque d’effort
sur le tracé de pression œsophagienne. Ces efforts sont dus à un excès inefficace, d’augmentation du travail respiratoire et d’asynchro-
d’aide inspiratoire, responsable de l’insufflation de grand volume cou-
rant. Ce type de phénomène est interprété comme l’expression de la mise nisme patient-machine, source d’inconfort. Par ailleurs, compte tenu
en jeu d’un réflexe de Hering et Breuer. D’après 14, avec permission. de l’allongement de la constante de temps du système respiratoire
chez ces malades, le temps nécessaire pour que le débit inspiratoire
atteigne le seuil de déclenchement est long. Tant que ce seuil n’est
de recevoir un VT n’est pas récompensée. La raison essentielle de pas atteint, la machine continue à insuffler alors que le patient sou-
ce phénomène est que l’effort inspiratoire est prématuré et se trouve haite expirer. Il en résulte un recrutement des muscles abdominaux
confronté à l’hyperinsufflation pulmonaire dynamique. En effet,
le cycle qui précède l’effort inefficace est caractérisé par un VT
plus grand, un temps expiratoire plus court et une auto-PEP plus
élevée que le cycle qui précède un effort efficace (13). Ces carac- EMG Pression dans
du transverse abdominal les voies aériennes Débit
téristiques du cycle précédant un effort inefficace sont dues à deux (unités arbitraires) (cm H2O) (l/s)
mécanismes : un excès d’assistance (14) et un décalage entre le Ti 10 10 – 10 40 – 2 2
0

machine et le temps expiratoire neural (13). L’excès d’assistance


(figure 1), c’est-à-dire un niveau d’AI trop élévé ou un VT trop
grand en VAC (des efforts inefficaces sont bien sûr également pré-
Temps (secondes)

sents en VAC), doit être systématiquement recherché. Une fré-


quence respiratoire du patient trop basse, inférieure à 15 cycles par
3

minute, est un bon élément d’orientation. Le décalage entre le Ti


machine et le temps expiratoire du patient est secondaire à l’ effort
expiratoire qui débute activement, par recrutement des muscles
abdominaux, notamment du transverse abdominal, alors que la
machine continue à insuffler (figure 2). Il s’ensuit une gêne au
6

débit expiratoire et une réduction du temps expiratoire du patient,


conduisant à l’hyperinsufflation pulmonaire dynamique. Pour ten-
Figure 2. De haut en bas : signaux de débit, pression des voies aériennes
ter de s’opposer à ce phénomène, il faut modifier le cyclage entre et signal EMG du muscle transverse abdominal chez un malade ventilé
inspiration et expiration (cf. infra). en aide inspiratoire. L’effort expiratoire du patient débute au milieu de
Chez le patient avec BPCO, l’effort inspiratoire débute bien avant l’insufflation par la machine (trait pointillé vertical). Celle-ci continue
le déclenchement du cycle mécanique, même si cet effort est effi- l’insufflation jusqu’au critère de cyclage, indépendamment de l’effort
expiratoire du patient. Cet asynchronisme patient-machine peut contri-
cace. Cela est lié à l’auto-PEP. Des auteurs ont réussi à maîtri- buer aux efforts inspiratoires inefficaces. Pour éviter ce phénomène, il
ser le signal EMG du diaphragme et à asservir le déclenchement faut réduire le temps d’insufflation, donc changer le mode de cyclage.
de l’aide inspiratoire au Ti neural (15). D’après 13, avec permission.

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pour expirer, source d’asynchronisme patient-machine, d’augmen- la baisse du débit cardiaque liée à l’accentuation de l’hyperin-
tation du travail respiratoire et d’inconfort. Pour tenter de remédier sufflation pulmonaire dynamique. Une autre difficulté dans le
à ces inconvénients, le cyclage de la machine peut être établi en réglage de la PEPe selon la valeur de l’auto-PEP tient à la contri-
fonction du temps, le Ti machine peut être limité à une valeur maxi- bution abdominale dans la valeur mesurée de l’auto-PEP, contri-
male réglable ou, encore, le mode pression assistée contrôlée dans bution qu’il faut prendre en compte par la mesure de la pression
lequel la variable de cyclage est le temps peut être employé. Nous abdominale. L’adjonction d’une PEPe de 5 cm H2O à l’AI per-
reverrons ces phénomènes ultérieurement avec la VNI. met d’éloigner les muscles respiratoires du seuil de fatigue (20).

L’utilisation de la PEPe chez le patient BPCO Ventilation proportionnelle en pression


ventilé en AI ou en VAC En dehors des modes VAC et AI, elle offre une assistance en
Elle agit essentiellement en s’opposant partiellement à la charge pression proportionnelle à tout instant à l’effort inspiratoire du
élastique interne qu’est l’auto-PEP, qui réalise un véritable seuil patient. Extrêmement séduisant intellectuellement, ce mode
de déclenchement de l’inspiration : tant que la pression alvéo- connaît des difficultés d’application en raison de la complexité
laire n’est pas négative l’inspiration ne peut débuter. La première de son intégration dans le respirateur. Il n’est pas démontré que
étape de l’inspiration chez les patients avec auto-PEP est d’annu- la ventilation proportionnelle en pression soit supérieure à l’AI
ler celle-ci. La PEPe a ainsi les avantages suivants : augmenter pour réduire la durée de sevrage de la ventilation mécanique.
la rentabilité de la contraction des muscles inspiratoires, dimi-
nuer le travail respiratoire lié à l’auto-PEP (facteur principal du VENTILATION NON INVASIVE
travail inspiratoire total), diminuer le nombre d’efforts inspira-
toires inefficaces et réduire le recrutement des muscles abdomi- Tous les développements précédents concernant les modes et les
naux, favorisant ainsi la synchronisation patient-machine. Une réglages sont valables en VNI (tableau II). La ventilation pro-
des difficultés du réglage de la PEPe tient au choix de son niveau. portionnelle en pression a été également utilisée en VNI. Il y a
Des études menées chez des patients sédatés recommandent de toutefois trois éléments spécifiques représentés par les interfaces,
ne pas dépasser 85 % de l’auto-PEP statique (18, 19) pour éviter les fuites et les respirateurs à utiliser en VNI.

Tableau II. Réglages du ventilateur en ventilation mécanique non invasive chez le malade avec bronchopneumopathie chronique obstructive en
décompensation respiratoire aiguë.

Masque facial avec le plus faible espace mort possible

Tester masque nasal si coopération parfaite, demande ventilatoire peu augmentée, interface habituelle du patient si ventilation à domicile
Interface initiale
Expliquer au patient les objectifs et la réalisation
Appliquer et tenir manuellement l’interface sur le visage du patient
Ajuster le masque pour obtenir les fuites minimales

Fixer le masque de réanimation ou de domicile

Écran avec monitorage des signaux de pression et débit


Respirateur
Pas de raccord annelé

Humidificateur chauffant si respirateur de réanimation, pas d’humidification si turbine et FiO2 < 50 %

Aide inspiratoire

Niveau d’assistance initial à 10 cm H2O au-dessus de la PEPe


Augmenter par paliers de 2 cm H2O selon tolérance (fuites), efficacité, sans dépasser 20 cm H2O au-dessus de la PEPe
Réglages initiaux
Vitesse de pressurisation le plus élevé possible

Cyclage inspiration-expiration fondé sur le temps ou limiter le temps inspiratoire selon recrutement muscles abdominaux
ou effet de la fuite sur la prolongation du Ti machine

Pendant les 24 premières heures, au moins 50 % du temps en VNI


Durée Diminution progressive selon efficacité et tolérance et contrôle du facteur déclenchant (OAP, pneumopathie, exacerbation, surdosage
médicamenteux)

Gazométrie artérielle au bout de 30 à 60 minutes


Surveillance Évaluation clinique du confort, des fuites de la synchronisation patient-machine
(efforts inefficaces, recrutement muscles abdominaux)

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Interfaces variation de débit correspondant à un effort inspiratoire et
Les plus employées sont le masque nasal ou le masque facial déclenche l’inspiration. Selon l’importance de la fuite, l’autodé-
(naso-buccal) ou l’embout buccal. Aucune étude ne permet réel- clenchement est intermittent ou permanent. Il entraîne une tachy-
lement de recommander le masque facial en première intention pnée avec hyperinsufflation pulmonaire dynamique et réduction
chez les patients BPCO en IRA. Le masque nasal a l’avantage du VT délivré. Pour s’opposer à cela, on peut augmenter la sen-
d’être mieux toléré, mais il est moins efficace pour réduire sibilité du trigger ou diminuer les fuites.
l’hypercapnie (21). Le confort du malade est significativement
meilleur avec des améliorations apportées au masque facial, Respirateurs
comme un coussinet gonflable qui permet de réduire les lésions Le choix de respirateurs utilisables pour la VNI est très large
de pression au niveau du nez et les fuites (22). On peut ainsi obte- actuellement. La VNI peut être réalisée avec des respirateurs de
nir à la fois efficacité et confort, facteurs majeurs de réussite de réanimation ou des respirateurs de domicile. Les premiers ont
la VNI (1). Il est recommandé d’opter pour un masque facial plu- pour avantages la puissance, des FiO2 allant de 21 à 100 %, et le
tôt que nasal en première intention. Une protection cutanée nasale monitorage des signaux de pression et de débit sur un écran. En
devrait être systématique. Des interfaces englobant totalement revanche, ils sont encombrants et fonctionnent à partir des gaz
ou partiellement la tête (Helmet, Total Full Face) sont en cours muraux secs et froids, ce qui impose humidification et réchauf-
d’évaluation. L’espace mort du masque facial mérite d’être pris fement de l’air inspiré. Les seconds ont pour avantages d’être peu
en considération car sa valeur peut varier de 80 (Peters™) à 160 ml encombrants, d’offrir une génération pneumatique par turbines
(Trident®, Intersurgical). L’espace mort est minime avec le et de compenser les fuites. Ils ont pour inconvénients d’être limi-
masque nasal et quasi nul avec l’embout buccal. tés en FiO2 au-dessus de 50 % et de ne pas systématiquement
offrir un monitorage sur écran. Des différences très importantes
Fuites en VNI relatives aux phases clés de l’AI existent entre ces respira-
Elles sont très fréquentes, quasi obligatoires, mais variables en teurs (16). Toutefois, le rôle de ces différences dans l’échec de
fonction de différents facteurs. Il faut les prendre en considéra-
tion et chercher à les réduire car elles sont source d’inconfort
et d’échec (23), provoquent une hypoventilation alvéolaire puisque
le VT délivré est insuffisant, et exagèrent l’asynchronisme patient-
machine, donc l’inconfort. Pour diminuer les fuites en VNI, la
des voies aériennes

première action est d’agir sur l’interface et d’essayer un masque


facial en cas de fuites buccales avec un masque nasal ou de ren-
Pression

forcer la fixation du masque facial. Cela peut entraîner des lésions


de pression handicapant la suite du traitement. Par ailleurs, une
fixation excessive du masque facial luxera en arrière le maxillaire
inférieur, avec le risque de collapsus des voies aériennes supé-
Ti machine prolongé
rieures, donc d’hypoventilation. La gestion des fuites est facilitée
maintenant par des systèmes de fuites calibrées, comme les dis-
positifs de fuite intentionnelle ou les masques à fuite intégrée. La Débit de fuite
deuxième action à tenter est de réduire les pressions en diminuant
le niveau d’AI, en abaissant ou en supprimant la PEPe. Les fuites
aggravent l’asynchronisme patient-machine. Prenons deux
Débit

exemples. En AI avec un cyclage inspiration-expiration fondé sur


un critère de débit, la fuite empêche d’atteindre ce seuil de déclen- Critère
chement de l’expiration. Le ventilateur n’enregistrant pas ce cri- de cyclage
tère de cyclage continue à insuffler jusqu’à une limite de temps vers respiration
qui dépend de la fréquence minimale réglée. L’insufflation peut
ainsi durer 3 à 4 secondes (figure 3). Le malade, qui cherche à Temps
expirer, ne le peut pas et recrute ses muscles abdominaux, ce qui
est source d’asynchronisme et d’inconfort, comme signalé plus
haut. Pour s’opposer à cela, on peut agir sur le respirateur en rac- Figure 3. Représentation schématique de signaux de pression des voies
courcissant le Ti lorsqu’il est réglable, en utilisant en AI un cri- aériennes et de débit en aide inspiratoire. En cas de fuite (ligne poin-
tillée), le critère de débit pour le cyclage en expiration ne sera pas atteint.
tère de cyclage fondé sur le temps (24) ou en adoptant le mode La machine continue d’insuffler jusqu’à une valeur de Ti dictée par la
pression assistée contrôlée. Les modifications des algorithmes de fréquence réglée sur le respirateur. La prolongation du Ti machine met
cyclage devraient permettre d’améliorer la transition inspiration- le patient qui veut expirer en asynchronie avec la machine. Le patient
expiration. De plus en plus de ventilateurs de réanimation ou de recrute ses muscles abdominaux pour expirer, d’où augmentation du
travail respiratoire, inconfort et risque d’échec de la technique. Pour
domicile permettent de régler le trigger expiratoire. Le second éviter ce phénomène, il faut utiliser le temps comme variable de cyclage.
exemple est l’autodéclenchement inspiratoire induit par les fuites. Des algorithmes ont été développés sur certains respirateurs pour ten-
Dans ce cas, le respirateur comprend le débit de fuite comme une ter de remédier à ce problème.

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la VNI n’est pas encore clairement établi. Le monitorage est en 6. Tuxen DV, Lane S. The effects of ventilatory pattern on hyperinflation, air-
effet important pour ajuster les réglages. L’asynchronisme way pressures and circulation in mechanical ventilation of patients with severe
airflow obstruction. Am Rev Respir Dis 1987 ; 136 : 872-9.
patient-machine peut être d’abord détecté cliniquement par l’ins-
7. Tejeda M, Boix JH, Alvarez F et al. Comparison of pressure support venti-
pection et la palpation des muscles abdominaux et la recherche lation and assist-control ventilation in the treatment of respiratory failure.
d’une balance thoracoabdominale. L’asynchronisme patient- Chest 1997 ; 111 : 1322-5.
machine peut être également repéré en comparant le temps du 8. Vitacca M, Rubini F, Foglio K et al. Non-invasive modalities of positive
cycle dans lequel se situe le respirateur avec la phase inspiratoire pressure ventilation improve the outcome of acute exacerbations in COLD
patients. Intensive Care Med 1993 ; 19 : 450-5.
ou expiratoire du patient. Cela peut en outre permettre de préci- 9. Puddy A, Younes M. Effects of inspiratory flow rate on respiratory output in
ser son mécanisme et d’adapter les réglages en conséquence normal subjects. Am Rev Respir Dis 1992 ; 146 : 787-9.
(durée du Ti machine, vitesse de pressurisation intiale, niveau 10. Laghi F, Segal J, Choe WK et al. Effect of imposed inflation time on respi-
d’AI). La compensation des fuites est un atout majeur des venti- ratory frequency and hyperinflation in patients with chronic obstructive pul-
lateurs de domicile à deux niveaux de pression. Certains respi- monary disease. Am J Respir Crit Care Med 2001 ; 162 : 1365-70.
rateurs de réanimation disposent d’une adaptation logicielle per- 11. Leung P, Jubran A, Tobin MJ. Comparison of assisted ventilator modes
on triggering, patient effort and dyspnea. Am J Respir Crit Care Med 1997 ;
mettant une meilleure compensation des fuites et un réglage 155 : 1940-8.
d’alarmes adaptées à la ventilation à fuite. En cas de fuites, en 12. Aslanian P, Elatrous S, Isabey D et al. Effects of flow triggering on brea-
mode barométrique, le ventilateur ne peut délivrer le niveau de thing effort during partial ventilatory support. Am J Respir Crit Care Med
1998 ; 157 : 135-43.
pression préréglée et tentera de s’en approcher en augmentant le
13. Parthasarathy S, Jubran A, Tobin MJ. Cycling of inspiratory and expira-
débit inspiratoire ou le Ti. Toutefois, un allongement trop grand tory muscle groups with the ventilator in airflow limitation. Am J Respir Crit
du Ti peut dépasser son but en augmentant la fuite, puisque le Care Med 1998 ; 158 : 1471-8.
débit de fuite restera plus longtemps au-dessus du critère de 14. Appendini L, Purro A, Patessio A et al. Partitioning of inspiratory muscle
cyclage, surtout si le débit inspiratoire est augmenté. La com- workload and pressure assistance in ventilator-dependent COPD patients. Am
J Respir Crit Care Med 1996 ; 154 : 1301-9.
pensation de la fuite augmente la fuite. En mode volumétrique
15. Sinderby C, Navalesi P, Beck J et al. Neural control of mechanical venti-
les possibilités de compensation sont faibles car le débit aug- lation in respiratory failure. Nature Med 1999 ; 5 : 1433-6.
mente pas ou peu. La capacité de compensation des fuites est en 16. Bunburaphong T, Imanaka H, Nishimura M et al. Performance characte-
fait très variable selon les respirateurs (25, 26). Enfin, certains ristics of Bilevel pressure ventilators. A lung model study. Chest 1997 ; 111 :
ventilateurs de VNI comportent une valve expiratoire et exigent 1050-60.
des masques sans fuite. 17. Bonmarchand G, Chevron V, Chopin C et al. Increased initial flow rate
reduces inspiratory work of breathing during pressure support ventilation in
patients with exacerbation of chronic obstructive pulmonary disease. Intensive
Alarmes Care Med 1996 ; 22 : 1147-54.
Le réglage des alarmes du ventilateur a été abordé au cours d’une 18. Ranieri VM, Giuliani R, Cinella G et al. Physiologic effects of positive
end-expiratory pressure in patients with chronic obstructive pulmonary
conférence d’experts (27, 28). Chez le BPCO, il a été recommandé disease during acute ventilatory failure and controlled mechanical ventilation.
de mettre l’alarme de la pression maximale proche de la valeur ini- Am Rev Respir Dis 1993 ; 147 : 5-13.
tialement mesurée, de régler l’alarme basse de ventilation-minute 19. Guérin C, LeMasson S, Devarax R et al. Small airway closure and
à une valeur inférieure de 20 % à la valeur de base du malade, de positive end-expiratory pressure in mechanically ventilated patients with chronic
obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 1997 ; 155 : 1949-56.
suivre les valeurs de l’auto-PEP et de la pression plateau pour les
maintenir au-dessous de 10 et 30 cm H2O, respectivement. En ven- 20. Appendini L, Patessio A, Zanaboni S et al. Physiologic effects of positive
end-expiratory pressure and mask pressure support during exacerbations of
tilation spontanée, il a été recommandé de régler l’alarme supé- chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 1994 ;
rieure de fréquence respiratoire à 35 par minute. En VNI, la sur- 149 : 1069-76.
veillance est surtout clinique. Les fuites enlèvent toute fiabilité aux 21. Navalesi P, Fanfulla F, Frigerio P et al. Physiologic evaluation of noninva-
sive mechanical ventilation delivered with three types of mask in patients with
valeurs de volume et de pression, mais il a été recommandé de chronic hypercapnic respiratory failure. Crit Care Med 2000 ; 28 : 1785-90.
suivre la différence entre volume courant inspiré et expiré. ■ 22. Gregoretti C, Confalonieri M, Navalesi P et al. Evaluation of patient skin
breakdown and confort with a new face mask for non-invasive ventilation : a
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218 La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 6 - nov.-déc. 2002

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