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Réglages du ventilateur
au cours de la décompensation respiratoire aiguë
des malades avec bronchopneumopathie
chronique obstructive
● C. Guérin*
es progrès récents dans la ventilation mécanique au Toutefois, l’incidence des complications laryngotrachéales de cette
Tableau I. Réglages du ventilateur en ventilation mécanique invasive chez les malades avec bronchopneumopathie chronique obstructive en
décompensation respiratoire aiguë.
• Mode volume assisté contrôlé • VT 6-8 ml/kg pour pression plateau téléinspiratoire 35 cm H2O
• Temps expiratoire le plus allongé possible pour obtenir un débit nul en fin d’expiration et/ou auto-PEP 10 cm H2O
• Minimiser espace mort anatomique : pas de raccord annelé (20 ml), utiliser humidificateur chauffant plutôt qu’un filtre échangeur de chaleur et d’humidité
• Monitorage pression et débit en fonction du temps • Mesure pression plateau et auto-PEP après chaque changement de réglage
• Mesure volume trappé à maintenir < 20 ml/kg • FiO2 pour SpO2 92 %
• PEP externe 5 cm H2O ou en titrant sur efforts inefficaces • Monitorage pression et débit en fonction du temps • FiO2 pour SpO2 92 %
VT : volume courant ; PEPe : pression expiratoire positive externe – Auto-PEP : pression expiratoire positive intrinsèque
FiO2 : fraction d’oxygène dans l’air inspiré – SpO2 : saturation transcutanée en oxygène
dessous de 35 cm H2O et l’auto-PEP inférieure à 10 cm H2O sont chronisme patient-machine peut résulter d’un décalage entre un Ti
des recommandations raisonnables. La mesure directe de l’hyper- neural trop long par rapport au Ti machine réglé : le patient n’a pas
insufflation pulmonaire dynamique est aisée chez un patient fini son effort inspiratoire alors que la machine a fini d’insuffler.
relaxé. Maintenir sa valeur en dessous de 20 ml/kg permettrait Le patient continue son effort inspiratoire, illustré par une dimi-
de réduire l’incidence d’hypotension ou de pneumothorax (6). nution de pression mesurée sur le respirateur en fin d’inspiration.
2. Soit d’emblée soit secondairement (après l’intubation trachéale), En aide inspiratoire, le cycle mécanique a quatre phases clés : le
le médecin peut laisser s’exprimer la VS du patient. Dans ce cas, déclenchement de l’inspiration, la vitesse de pressurisation, le
les objectifs de la VI sont de permettre le partage du travail respi- niveau de pression d’assistance, le déclenchement de l’expira-
ratoire entre ventilateur et pompe ventilatoire du patient, sans aug- tion. Rappelons qu’en AI, le VT dépend des variations de la com-
menter le travail respiratoire de celui-ci, et la bonne synchronisa- pliance et de la résistance du système respiratoire du patient.
tion entre efforts respiratoires et cycles mécaniques. À ce stade,
deux modes ventilatoires sont utilisables, volume assisté contrôlé Déclenchement de l’insufflation
(VAC) et aide inspiratoire (AI). Aucun des deux n’est réellement Le déclenchement d’un cycle mécanique est assuré par un effort
supérieur à l’autre sur des critères physiologiques (7), l’AI étant inspiratoire suffisant pour atteindre le seuil de déclenchement réglé.
associée à un plus grand confort, tout au moins en VNI (8). L’effort inspiratoire pour déclencher le respirateur est en fait un
Le réglage de la VAC doit permettre un débit inspiratoire suffisant élément mineur de l’effort inspiratoire total. L’augmentation de la
pour s’adapter à la demande ventilatoire du malade, en général élé- pression d’AI, si elle permet de réduire l’effort inspiratoire total,
vée, et pour réduire l’effort inspiratoire en cours d’insufflation laisse inchangé l’effort lié au déclenchement du cycle (11). Le
mécanique, c’est-à-dire faciliter la synchronisation patient- déclenchement du cycle mécanique à la suite d’un effort inspira-
machine. Cela est obtenu par une manipulation du débit inspira- toire peut être fondé sur la détection d’une diminution de la pres-
toire, du VT, du temps d’insufflation (Ti) et d’une pause téléins- sion dans le circuit (trigger en pression) ou d’une variation de débit
piratoire. Le débit décélérant pourrait être préférable au débit (trigger en débit). Si l’effort inspiratoire est moindre avec un trig-
constant, car il produit plus rapidement un débit inspiratoire maxi- ger en débit, l’effort inspiratoire postdéclenchement est identique
mal. Il est recommandé de fixer le débit inspiratoire à 60 l/mn, entre les deux modes si bien que l’effort inspiratoire total (= trig-
voire 90 l/mn. Toutefois, chez le sujet normal, l’augmentation du ger + post-trigger) est comparable (12). C’est en effet l’intensité
débit inspiratoire est suivie d’une tachypnée qui, raccourcissant le de la commande qui régule l’effort inspiratoire puisque celui-ci
temps expiratoire, pourrait faciliter l’hyperinsufflation pulmonaire persiste et ne s’interrompt pas brutalement après le début de l’insuf-
dynamique (9). En réalité, chez le patient avec BPCO, l’augmen- flation mécanique. C’est finalement l’augmentation du niveau d’AI
tation du débit inspiratoire est associée au contraire à un allonge- qui permet de diminuer l’effort inspiratoire total en AI. Vingt-cinq
ment du temps expiratoire et à une diminution de l’auto-PEP (10). à trente pour cent des efforts inspiratoires ne sont pas suivis d’un
Cet effet semble lié à l’inhomogénéité pulmonaire (10). L’intérêt cycle mécanique. Ces efforts inefficaces contribuent à l’asyn-
de la PEPe sera développé plus loin. En mode VAC, un asyn- chronisme patient-machine et à l’inconfort du malade car sa volonté
– 10 Cyclage inspiration-expiration
En AI, le passage de l’inspiration à l’expiration est fondée sur un
critère de débit qui, selon les respirateurs, peut être un pourcentage
Figure 1. De haut en bas sont figurés les signaux de débit, volume, pres- du débit de pointe ou une valeur absolue réglable. Chez le patient
sion des voies aériennes et pression pleurale (pression œsophagienne)
chez un malade ventilé en aide inspiratoire à 15 cm H2O (à gauche) et atteint de BPCO, deux phénomènes physiologiques vont entraver
20 cm H2O (à droite). Pour un niveau d’aide inspiratoire de 20 cm H2O ce cyclage. Comme dit plus haut, l’effort expiratoire du patient peut
apparaissent des efforts inefficaces (flèches), visibles essentiellement débuter à l’intérieur du Ti machine. Il en résulte un risque d’effort
sur le tracé de pression œsophagienne. Ces efforts sont dus à un excès inefficace, d’augmentation du travail respiratoire et d’asynchro-
d’aide inspiratoire, responsable de l’insufflation de grand volume cou-
rant. Ce type de phénomène est interprété comme l’expression de la mise nisme patient-machine, source d’inconfort. Par ailleurs, compte tenu
en jeu d’un réflexe de Hering et Breuer. D’après 14, avec permission. de l’allongement de la constante de temps du système respiratoire
chez ces malades, le temps nécessaire pour que le débit inspiratoire
atteigne le seuil de déclenchement est long. Tant que ce seuil n’est
de recevoir un VT n’est pas récompensée. La raison essentielle de pas atteint, la machine continue à insuffler alors que le patient sou-
ce phénomène est que l’effort inspiratoire est prématuré et se trouve haite expirer. Il en résulte un recrutement des muscles abdominaux
confronté à l’hyperinsufflation pulmonaire dynamique. En effet,
le cycle qui précède l’effort inefficace est caractérisé par un VT
plus grand, un temps expiratoire plus court et une auto-PEP plus
élevée que le cycle qui précède un effort efficace (13). Ces carac- EMG Pression dans
du transverse abdominal les voies aériennes Débit
téristiques du cycle précédant un effort inefficace sont dues à deux (unités arbitraires) (cm H2O) (l/s)
mécanismes : un excès d’assistance (14) et un décalage entre le Ti 10 10 – 10 40 – 2 2
0
pour expirer, source d’asynchronisme patient-machine, d’augmen- la baisse du débit cardiaque liée à l’accentuation de l’hyperin-
tation du travail respiratoire et d’inconfort. Pour tenter de remédier sufflation pulmonaire dynamique. Une autre difficulté dans le
à ces inconvénients, le cyclage de la machine peut être établi en réglage de la PEPe selon la valeur de l’auto-PEP tient à la contri-
fonction du temps, le Ti machine peut être limité à une valeur maxi- bution abdominale dans la valeur mesurée de l’auto-PEP, contri-
male réglable ou, encore, le mode pression assistée contrôlée dans bution qu’il faut prendre en compte par la mesure de la pression
lequel la variable de cyclage est le temps peut être employé. Nous abdominale. L’adjonction d’une PEPe de 5 cm H2O à l’AI per-
reverrons ces phénomènes ultérieurement avec la VNI. met d’éloigner les muscles respiratoires du seuil de fatigue (20).
Tableau II. Réglages du ventilateur en ventilation mécanique non invasive chez le malade avec bronchopneumopathie chronique obstructive en
décompensation respiratoire aiguë.
Tester masque nasal si coopération parfaite, demande ventilatoire peu augmentée, interface habituelle du patient si ventilation à domicile
Interface initiale
Expliquer au patient les objectifs et la réalisation
Appliquer et tenir manuellement l’interface sur le visage du patient
Ajuster le masque pour obtenir les fuites minimales
Aide inspiratoire
Cyclage inspiration-expiration fondé sur le temps ou limiter le temps inspiratoire selon recrutement muscles abdominaux
ou effet de la fuite sur la prolongation du Ti machine
la VNI n’est pas encore clairement établi. Le monitorage est en 6. Tuxen DV, Lane S. The effects of ventilatory pattern on hyperinflation, air-
effet important pour ajuster les réglages. L’asynchronisme way pressures and circulation in mechanical ventilation of patients with severe
airflow obstruction. Am Rev Respir Dis 1987 ; 136 : 872-9.
patient-machine peut être d’abord détecté cliniquement par l’ins-
7. Tejeda M, Boix JH, Alvarez F et al. Comparison of pressure support venti-
pection et la palpation des muscles abdominaux et la recherche lation and assist-control ventilation in the treatment of respiratory failure.
d’une balance thoracoabdominale. L’asynchronisme patient- Chest 1997 ; 111 : 1322-5.
machine peut être également repéré en comparant le temps du 8. Vitacca M, Rubini F, Foglio K et al. Non-invasive modalities of positive
cycle dans lequel se situe le respirateur avec la phase inspiratoire pressure ventilation improve the outcome of acute exacerbations in COLD
patients. Intensive Care Med 1993 ; 19 : 450-5.
ou expiratoire du patient. Cela peut en outre permettre de préci- 9. Puddy A, Younes M. Effects of inspiratory flow rate on respiratory output in
ser son mécanisme et d’adapter les réglages en conséquence normal subjects. Am Rev Respir Dis 1992 ; 146 : 787-9.
(durée du Ti machine, vitesse de pressurisation intiale, niveau 10. Laghi F, Segal J, Choe WK et al. Effect of imposed inflation time on respi-
d’AI). La compensation des fuites est un atout majeur des venti- ratory frequency and hyperinflation in patients with chronic obstructive pul-
lateurs de domicile à deux niveaux de pression. Certains respi- monary disease. Am J Respir Crit Care Med 2001 ; 162 : 1365-70.
rateurs de réanimation disposent d’une adaptation logicielle per- 11. Leung P, Jubran A, Tobin MJ. Comparison of assisted ventilator modes
on triggering, patient effort and dyspnea. Am J Respir Crit Care Med 1997 ;
mettant une meilleure compensation des fuites et un réglage 155 : 1940-8.
d’alarmes adaptées à la ventilation à fuite. En cas de fuites, en 12. Aslanian P, Elatrous S, Isabey D et al. Effects of flow triggering on brea-
mode barométrique, le ventilateur ne peut délivrer le niveau de thing effort during partial ventilatory support. Am J Respir Crit Care Med
1998 ; 157 : 135-43.
pression préréglée et tentera de s’en approcher en augmentant le
13. Parthasarathy S, Jubran A, Tobin MJ. Cycling of inspiratory and expira-
débit inspiratoire ou le Ti. Toutefois, un allongement trop grand tory muscle groups with the ventilator in airflow limitation. Am J Respir Crit
du Ti peut dépasser son but en augmentant la fuite, puisque le Care Med 1998 ; 158 : 1471-8.
débit de fuite restera plus longtemps au-dessus du critère de 14. Appendini L, Purro A, Patessio A et al. Partitioning of inspiratory muscle
cyclage, surtout si le débit inspiratoire est augmenté. La com- workload and pressure assistance in ventilator-dependent COPD patients. Am
J Respir Crit Care Med 1996 ; 154 : 1301-9.
pensation de la fuite augmente la fuite. En mode volumétrique
15. Sinderby C, Navalesi P, Beck J et al. Neural control of mechanical venti-
les possibilités de compensation sont faibles car le débit aug- lation in respiratory failure. Nature Med 1999 ; 5 : 1433-6.
mente pas ou peu. La capacité de compensation des fuites est en 16. Bunburaphong T, Imanaka H, Nishimura M et al. Performance characte-
fait très variable selon les respirateurs (25, 26). Enfin, certains ristics of Bilevel pressure ventilators. A lung model study. Chest 1997 ; 111 :
ventilateurs de VNI comportent une valve expiratoire et exigent 1050-60.
des masques sans fuite. 17. Bonmarchand G, Chevron V, Chopin C et al. Increased initial flow rate
reduces inspiratory work of breathing during pressure support ventilation in
patients with exacerbation of chronic obstructive pulmonary disease. Intensive
Alarmes Care Med 1996 ; 22 : 1147-54.
Le réglage des alarmes du ventilateur a été abordé au cours d’une 18. Ranieri VM, Giuliani R, Cinella G et al. Physiologic effects of positive
end-expiratory pressure in patients with chronic obstructive pulmonary
conférence d’experts (27, 28). Chez le BPCO, il a été recommandé disease during acute ventilatory failure and controlled mechanical ventilation.
de mettre l’alarme de la pression maximale proche de la valeur ini- Am Rev Respir Dis 1993 ; 147 : 5-13.
tialement mesurée, de régler l’alarme basse de ventilation-minute 19. Guérin C, LeMasson S, Devarax R et al. Small airway closure and
à une valeur inférieure de 20 % à la valeur de base du malade, de positive end-expiratory pressure in mechanically ventilated patients with chronic
obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 1997 ; 155 : 1949-56.
suivre les valeurs de l’auto-PEP et de la pression plateau pour les
maintenir au-dessous de 10 et 30 cm H2O, respectivement. En ven- 20. Appendini L, Patessio A, Zanaboni S et al. Physiologic effects of positive
end-expiratory pressure and mask pressure support during exacerbations of
tilation spontanée, il a été recommandé de régler l’alarme supé- chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 1994 ;
rieure de fréquence respiratoire à 35 par minute. En VNI, la sur- 149 : 1069-76.
veillance est surtout clinique. Les fuites enlèvent toute fiabilité aux 21. Navalesi P, Fanfulla F, Frigerio P et al. Physiologic evaluation of noninva-
sive mechanical ventilation delivered with three types of mask in patients with
valeurs de volume et de pression, mais il a été recommandé de chronic hypercapnic respiratory failure. Crit Care Med 2000 ; 28 : 1785-90.
suivre la différence entre volume courant inspiré et expiré. ■ 22. Gregoretti C, Confalonieri M, Navalesi P et al. Evaluation of patient skin
breakdown and confort with a new face mask for non-invasive ventilation : a
R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S
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