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Chapitre 26

Quel mode ventilatoire


pour quelle détresse respiratoire ?

T. DESMETTRE, S. KEPKA, G. PITON, A. KHOURY, G. CAPELLIER

Points essentiels
■ La ventilation mécanique (VM) est utilisée largement dans les services d’urgence.
■ Les premières heures de la VM peuvent être déterminantes sur le succès de la
technique, le développement ou l’aggravation de lésions pulmonaires induites
par la VM.
■ L’objectif principal de la VM est de réduire le travail ventilatoire et d’améliorer
une hypoxémie ou une hypercapnie mettant en jeu le pronostic vital.
■ La ventilation non-invasive au masque est indiquée comme alternative à
l’intubation en cas de décompensation de BPCO, d’OAP, d’IRA hypoxémique,
et en cas de décision de ne pas intuber.
■ Les modes de ventilation sont classés selon :
1) la nature du paramètre préréglé : le débit ou pression,
2) el s principes du système d’initiation de l’insufflation et du système de
cyclage,
3) le caractère continu ou intermittent de l’application du paramètre préréglé.
■ Dans un mode à débit préréglé, ce sont les pressions qui doivent être
surveillées. Dans un mode à pression préréglée, le volume est la variable
devant être surveillée.

Pôle Urgences/SAMU/Réanimation médicale, Hôpital J. Minjoz, CHRU de Besançon


Université de Franche-Comté, 25030 Besançon cedex, France
Correspondance : Thibaut Desmettre. Service d’Accueil des Urgences/SAMU 25. CHRU de Besançon,
1, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France. Tél. : +33-381-668259. Fax : +33-381-668908
E-mail : tdesmettre@chu-besancon.fr

QUEL MODE VENTILATOIRE POUR QUELLE DÉTRESSE RESPIRATOIRE ? 1


■ Une VM en pression positive peut majorer ou démasquer une hypotension
voire un collapsus par la gène au retour veineux induite par l’augmentation
des pressions intrathoraciques.
■ La surveillance d’un patient sous-ventilation mécanique nécessite de prendre
en compte et de prévenir les complications en relation avec les effets directs
de la ventilation.

1. Introduction
La ventilation mécanique (VM) est utilisée largement dans les services d’urgence, le
plus souvent avec une interface invasive mais également non-invasive, en particulier
dans la prise en charge des insuffisances et détresses respiratoires aiguës (1).
Comme tout traitement, l’utilisation de cette technique nécessite d’en connaître les
principes et objectifs thérapeutiques ainsi que les modalités de surveillance. Pour
l’urgentiste, connaître les principaux modes de ventilation utilisés en situation
d’urgence est indispensable, elle a pour but de lui permettre de comprendre et
d’effectuer les principaux réglages initiaux et les adaptations secondaires. Faire le
choix du bon mode de ventilation et effectuer les bons réglages nécessite
également de connaître les bases physiopathologiques des principales détresses
respiratoires. En effet, les premières heures d’initiation de la ventilation mécanique
peuvent être déterminantes sur le succès de la technique notamment pour la VNI
(choix de l’indication, respect des contre indications), ou sur le développement ou
l’aggravation de lésions pulmonaires induites par le volo/baro traumatisme en cas
de ventilation invasive (pressions d’insufflation et volume courant trop élevés,
pression expiratoire de fin d’expiration non adaptée) (2). L’objectif de ce texte est
de rappeler les critères de gravité qui vont conduire à ventiler une détresse
respiratoire, de développer les modalités de ventilation en situation d’urgence et de
rappeler la surveillance à mettre en œuvre.

2. Rappels
2.1. Objectifs de la ventilation mécanique
Il est d’usage de considérer la respiration comme deux processus : celui de la
ventilation (qui est indirectement proportionnelle à la PaCO 2 ) et celui de
l’oxygénation (mesurée et évaluée par la PaO2, et la SpO2). L’objectif principal de la
VM est de réduire le travail ventilatoire et de corriger ou tout au moins d’améliorer
une hypoxémie ou une hypercapnie mettant en jeu le pronostic vital. La VM permet
également de fournir un support pour l’oxygénation et la ventilation des patients
dans le but de protéger leurs voies aériennes par exemple en cas de coma, du fait
de la nécessité d’une sédation, en cas de paralysie, ou encore d’intoxication.

2.2. Échanges gazeux physiologiques


L’hypercapnie peut provenir d’une augmentation de la production de CO2
(exemple du sepsis, de l’acidose métabolique), d’une hypoventilation par

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inhibition des centres respiratoires (avec diminution du volume courant et de
fréquence respiratoire) ou par augmentation de l’espace mort (par exemple dans
l’embolie pulmonaire) qui correspond au volume d’air dans les voies aériennes qui
ne participe pas aux échanges de CO2 .
La VM permet de corriger l’hypoventilation alvéolaire par l’augmentation de
la fréquence respiratoire et/ou du volume courant. Cependant, l’instauration de la
VM peut augmenter l’espace mort, et ce phénomène peut être aggravé si un état
de choc est associé ; dans ces situations, la VM doit être instaurée avec prudence,
et le traitement étiologique de l’état de choc est essentiel.
Afin de comprendre les effets de la VM sur l’amélioration de l’oxygénation, il est
utile de rappeler les six différentes causes ou mécanismes à l’origine d’une
hypoxémie : 1) FiO2 basse ; 2) hypoventilation ; 3) anomalie de la diffusion ;
4) altération des rapports ventilation/perfusion ; 5) shunt ; 6) désaturation du
sang artériel pulmonaire (sang veineux mêlé). La VM permet d’améliorer
l’oxygénation par l’augmentation de la FiO2 (qui améliore la diffusion, les rapports
ventilation/perfusion et la saturation du sang veineux mêlé) et par l’instauration
d’une pression positive de fin d’expiration (Positive End Expiratory Pressure, PEEP),
qui permet de réduire le shunt alvéolaire par effet de recrutement alvéolaire de
zones d’atélectasies ou inondées de liquide. L’adjonction d’une PEEP permet donc
d’aider à réduire la FiO2 administrée à des taux non toxiques (FiO2 < 50 %).

3. Critères de gravité qui vont conduire à ventiler


une détresse respiratoire
L’insuffisance respiratoire aiguë est définie comme l’impossibilité pour un patient
de maintenir une hématose normale. Un trouble de l’hématose est défini par une
altération des gaz du sang avec une hypoxémie (PaO2 < 80 mmHg et SpO2
< 95 %), associée ou pas avec une hypercapnie (PaCO2 > 45 mmHg) ou une
hypocapnie selon la cause de l’insuffisance respiratoire aiguë.
Les mécanismes de compensation en cas d’insuffisance respiratoire aiguë font
intervenir :
– une augmentation de la ventilation minute ( produit de la fréquence respiratoire
et du volume courant, L/min) ;
– une augmentation du travail ventilatoire (Work Of Breathing, WOB) ;
– une augmentation du débit cardiaque.
Quand ces mécanismes de compensation sont insuffisants, des signes de détresse
respiratoire aiguë apparaissent, ainsi que des signes de défaillance cardiaque
(cœur pulmonaire aigu) et des troubles neuropsychiques. Au niveau des gaz du
sang, une PaO2 < 60 mmHg, un pH < 7,30 sont des signes de gravité. Les signes
cliniques de détresse respiratoire traduisent l’augmentation du travail ventilatoire,
avec tirage intercostal et sus-claviculaire, balancement thoraco-abdominal,
tachypnée superficielle et diminution du volume inspiré.

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Les indications d’intubation immédiate et de ventilation mécanique invasive
sont (3) :
– un Score de Glasgow < 9 ;
– la survenue d’apnées et de troubles du rythme ventilatoire ;
– l’apparition de signes d’épuisement musculaire ventilatoire : une fR > 35/min,
des signes de tirage et une ventilation abdominale paradoxale, une hypopnée ;
– un état de choc associé ;
– la survenue de troubles du rythme cardiaque.
À coté de ces indications formelles de ventilation invasive, c’est-à-dire à travers
une sonde d’intubation, la ventilation non-invasive au masque est indiquée
comme alternative à l’intubation en cas de décompensation de BPCO, d’OAP,
d’IRA hypoxémique, et en cas de décision de ne pas intuber. Ses principales
indications ont été précisées dans la conférence de consensus de 2006 et sont
résumées dans le tableau 1 (4).

Tableau 1 – Niveaux de recommandations pour les indications de la ventilation


non-invasive. D’après (4)

Il faut faire Décompensation de BPCO


– intérêt certain OAP cardiogénique

Il faut probablement faire IRA hypoxémique de l’immuno-déprimé


– intérêt probable Stratégie de sevrage de la ventilation invasive chez les BPCO
Traumatisme thoracique fermé isolé
Décompensation de maladies neuromusculaires chroniques
IRC restrictive
Limitation thérapeutique

Il ne faut probablement pas Pneumopathie hypoxémiante


faire – intérêt improbable SDRA

Pas de recommandations Asthme aigu grave

4. Modalités de ventilation en situation d’urgence


4.1. Définitions et terminologie
La ventilation mécanique est une technique permettant faire entrer et sortir des
gaz du système pulmonaire, afin de suppléer temporairement à la défaillance de
la fonction ventilatoire. Selon l’interface utilisée entre le malade et la machine, on
appelle ventilation mécanique invasive l’utilisation d’une prothèse endo-trachéale
(sonde d’intubation ou trachéotomie), et non-invasive quand cette interface est
représenté par embout buccal, un masque, nasal, naso buccal ou facial, ou encore
par un système externe (poumon d’acier, poncho). La ventilation invasive est
toujours une ventilation en pression positive, tandis que la ventilation non-invasive

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Figure 1 – Caractérisation du cycle ventilatoire

cyc

V’

tI tE
t TOT
Le cycle ventilatoire est caractérisé par la période (tTOT, s). L’initiation du cycle et l’instant de cyclage
(cyc) (passage de la phase inspiratoire à la phase expiratoire) correspondent aux points de débit nuls.
Le temps inspiratoire (tI, s) correspond à la durée de l’inspiration et le temps expiratoire (tE, s) à la
durée de l’expiration. Les calculs dérivés de ces caractéristiques sont la fréquence f (f = 1/ t TOT, cycle :
min), le volume courant VT, l (intégrale du débit), le rapport tI/tE. V’ : débit, t : temps, tI : temps
inspiratoire, tE : temps expiratoire

peut être réalisée par l’application d’une pression externe négative ou


l’administration d’une pression positive interne via l’interface. Le mode ventilatoire
(breathing pattern) caractérise le cycle ventilatoire adopté par le malade
spontanément ou dans le cadre de la mise sous assistance ventilatoire. Le cycle
ventilatoire est caractérisé par la période (tTOT, s). Le découpage du cycle en phase
inspiratoire et expiratoire est réalisé sur le signal de débit. C’est le passage aux
points de débit nuls qui sépare ces deux phases (figure 1).

4.2. Classement des modes de ventilation

Les modes de ventilation sont classés selon les principes physiques suivants
(tableau 2) (5) :

a) la nature du paramètre préréglé : le débit (V’) ou la pression (P) ;


b) les principes du système d’initiation de l’insufflation et du système de cyclage
du temps inspiratoire vers le temps expiratoire (C) pour contrôlé, (AC) pour assisté
contrôlé, et (A) pour assisté) ;
c) le caractère continu (C) ou intermittent (I) de l’application du paramètre
préréglé.

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Tableau 2 – Classification des modes de ventilation. D’après (5)

Débit préréglé/Flow preset Sigle Initiation cyclage + Peep

Débit contrôlé/Flow Control V’C T T V’C, Peep

Débit assisté-contrôle/Flow Assist Control V’AC P/V’ T V’AC,Peep

Débit assisté-contrôle intermittent/ V’ACI P/V’ T V’ACI,Peep


Flow Assist Control Intermittent (pour les cycles assistés-contrôlés)

Pression préréglée/Pressure preset Sigle Initiation cyclage + Peep

Pression contrôlée/Pressure Control PC T T PC, Peep

Pression assistée-contrôlée/ PAC P/V T PAC, Peep


Pressure Assist-Control

Pression assistée-contrôlée Intermittente/ PACI P/V’ T PACI, Peep


Pressure Assist Control Intermittent (pour les cycles assistés-contrôlés)

Pression assistée (aide inspiratoire)/ PA P/V’ V’/P PA, Peep


Pressure Assist (Pressure support)

Ventilation spontanée en pression aérienne positive/


Positive Airway Pressure Spontaneous Ventilation

Pression aérienne positive continue/


CPAP
Continuous Positive Airway Pressure

Pression aérienne positive intermittente/


IPAP
Intermittent Positive Airway

Pression aérienne positive biphasique/


BIPAP
Biphasic positive airway pressure

Le paramètre préréglé correspond au paramètre que l’on fixe par réglage du


ventilateur. Il peut s’agir du débit d’insufflation, le mode est dit à débit préréglé
(mais le paramètre réglé est souvent son intégrale, c’est-à-dire le volume), ou de
la pression des voies aériennes, le mode est dit à pression préréglée.
Principes d’initiation de l’insufflation et de cyclage de l’inspiration vers l’expiration.
Lors de l’insufflation, le ventilateur délivre un mélange gazeux jusqu’à atteindre la
consigne fixée. La consigne est maintenue jusqu’à la reconnaissance du début de
l’expiration. La valve inspiratoire est alors fermée et la valve expiratoire ouverte.
L’expiration est passive, puisque la pression interne du système respiratoire est
supérieure à la pression atmosphérique. La fin de l’expiration est déterminée par
le début de l’inspiration suivante. Le passage d’une phase inspiratoire à une phase
expiratoire (le cyclage) est fixé, selon le mode choisi, sur un temps inspiratoire ou
sur une valeur seuil de débit. L’ouverture de la valve inspiratoire est autodéclenchée,
si la fréquence ventilatoire est fixée, sinon, il y a attente d’un effort inspiratoire du
patient (le déclenchement par trigger). L’initiation du cycle peut donc s’effectuer :
à un temps donné (Tini) ; à une différence de pression donnée (Pini) déterminée

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entre la pression préréglée de fin d’expiration (Peep) et la pression des voies
aériennes ; à un débit inspiratoire (V’) déterminé et réglable. L’initiation détermine
un déclenchement de l’insufflation. Le terme « autodéclenchement » correspond
aux cycles déclenchés par le ventilateur, sans effort du malade. Le cyclage de la
phase inspiratoire vers la phase expiratoire peut s’effectuer : à un temps donné
(Tcyc) déterminé par réglage du ventilateur ; à un débit inspiratoire prédéterminé
(V’cyc) en valeur absolue ou calculé en pourcentage du débit inspiratoire maximal,
habituellement 25 % ; à une pression (Pcyc) donnée de la pression instantanée
des voies aériennes. À partir de ces critères, chaque mode de ventilation peut être
répertorié comme appartenant à l’une des catégories suivantes : les modes
contrôlés (C) Tini-Tcyc, les modes assistés-contrôlés (AC) P/V’ini-Tcyc, les modes
assistés (A) P/V’ini-P/V’cyc, les modes spontanés. La liberté laissée au malade
augmente lors du passage des modes contrôlés vers les modes assistés contrôlés,
assistés, spontanés.

4.3. Quel mode de ventilation pour quelle détresse


et avec quels réglages ?
Les modalités d’utilisation pratique de la VM aux urgences peuvent être illustrées
à travers plusieurs scenari, couvrant la plupart des situations qu’un médecin
urgentiste peut être amené à prendre en charge.

4.3.1. VM sur poumon sans altération de la mécanique ventilatoire


et des échanges gazeux respiratoires : exemple d’une intoxication
médicamenteuse volontaire
Dans cette situation, l’hypoventilation alvéloaire est la conséquence d’une
inhibition des centres respiratoires, et la VM a pour but de restaurer une
ventilation minute. Les modes contrôlés en volume (VAC) ou en pression (PAC)
peuvent être utilisés. L’adjonction d’une PEP de 5 cm H2 O a pour objectif de
compenser la perte de capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) induite par le
décubitus dorsal et de prévenir les risques d’atélectasie. La ventilation minute est
adaptée de façon à normaliser la PaCO2 . Les réglages initiaux suivants peuvent
être proposés : mode VAC, un volume courant 7 à 8 ml/kg, fréquence respiratoire
de 10 à 15 c/min, FiO2 à 40 %, PEP de 3 à 5 cm H2 O et débit d’insufflation de
60L/min.

4.3.2. Décompensation aiguë de BPCO


Chez ces patients, l’obstruction bronchique et la rétention gazeuse intrathoracique
et le collapsus dynamique expiratoire des voies aériennes sont responsables d’une
augmentation du travail ventilatoire conduisant à un épuisement musculaire et à
une polypnée superficielle inefficace. La ventilation en pression positive avec
administration d’une PEP extrinsèque a pour but de réduire le travail ventilatoire
induit par le déclenchement du cycle du fait d’une PEP intrinsèque élevée ;
l’utilisation d’une interface non-invasive chez ces patients est particulièrement
efficace et recommandée en première intention chez ces patients avec pH < 7,35
en l’absence de critères formels d’intubation. En cas d’intubation, il faut lutter

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contre l’augmentation de la PEP intrinsèque par le réglage d’un rapport I/E à 1/4
voire 1/5, administrer un volume courant de 4-8 ml/kg, augmenter le débit
inspiratoire > 60 L/min, administration d’une PEEP < 80 % de la PEEP intrinsèque.

4.3.3. Œdème pulmonaire cardiogénique


La VNI est une modalité de traitement à part entière, en mode VS-PPC ou VS-
PEP-AI, avec le traitement pharmacologique représenté par les dérivés nitrés. Ce
traitement doit être administré le plus précocement possible, et l’amélioration est
rapide, au cours des deux premières heures.

4.3.4. Pneumonie hypoxémiante et SDRA


Dans cette situation, il existe une diminution de la compliance pulmonaire, et
une stratégie ventilatoire protectrice doit être administrée afin de limiter le
barovolotraumatisme et l’agression induite par la ventilation mécanique
(ventilator-induced lung injury, VILI) : un volume courant de 4-6 ml/kg avec un
objectif de pression de plateau < 30 cmH2 O, une PEEP et FiO2 avec objectif de PaO2
entre 55 et 80 mmHg, et SpO2 entre 88 et 95% (tableau 3) (6).

Tableau 3 – Schéma de réglage de la FiO2 et de la PEEP en cas de SDRA

PEEP basse/FiO2 élevée

FiO2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

PEEP 5 5-8 8-10 10 10-14 14 14-18 18-24

PEEP élevée/FiO2 basse

FiO2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

PEEP 5-10 10-18 18-20 20 20 20-22 22 22-24

Deux schémas sont présentés, le choix de l’un par rapport à l’autre fait l’objet de débats. Dans tous
les cas l’objectif est de maintenir une PaO2 entre 55 et 80 mmHg, et SpO2 entre 88 et 95 %.
D’après (6)

4.3.5. Traumatisme thoracique


La mise en place d’une ventilation mécanique chez un patient traumatisé
thoracique potentiellement polytraumatisé impose de prendre en compte le rôle
de l’hypovolémie, de la diminution de compliance pulmonaire et également
l’association à un traumatisme crânien avec augmentation de la pression
intracrânienne (PIC). Déterminer le bon réglage de la PEEP peut s’avérer difficile en
l’absence de monitoring de la PIC. Des bas niveaux de PEEP semblent préférables,
et une PEEP élevée peut majorer l’hypotension. Un objectif de PaCO2 entre 35
et 40 mmHg est recommandé. De plus, ces patients peuvent présenter une
compliance pulmonaire basse, ce qui augmente leur risque de barotraumatisme.

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5. Quelle surveillance ?
La surveillance est guidée tout d’abord par le mode ventilation qui a été choisi.
Dans un mode à débit préréglé, les variables sont représentées par les pressions
des voies aériennes qui varient avec les caractéristiques mécaniques du système
thoraco-pulmonaire, compliance (Crs) et résistance (Raw). Dans ces modes, ce
sont les pressions qui doivent être surveillées. Dans un mode à pression préréglée,
la pression est le paramètre que l’on règle, la variable est donc le débit, et en
conséquence le volume qui est donc la variable devant être surveillée.

Le retentissement immédiat de la ventilation mécanique sur l’hémodynamique


du patient doit être surveillé. En effet, l’instauration d’une ventilation mécanique
en pression positive peut majorer ou démasquer une hypotension voire un
collapsus par la gène au retour veineux induite par l’augmentation des pressions
intrathoraciques.

La surveillance d’un patient sous ventilation mécanique nécessite de prendre en


compte et de prévenir les complications en relation avec les effets directs de la
ventilation, celles liées à la présence de la sonde d’intubation, la toxicité de
l’oxygène, mais également les complications systémiques. Le barotraumatisme
(avec pour conséquence le pneumothorax, pneumomédiastin, pneumopéricarde)
survient quand la pression transalvéloaire dépasse un seuil de rupture alvéolaire.
Le volotraumatisme est la conséquence d’une hyperdistension alvéloaire qui
endommage le parenchyme pulmonaire. La prévention de ces complications
nécessite de surveiller et maintenir la pression de plateau à moins de 30 cmH2 O,
et le volume courant entre 4 et 8 ml/kg. La mesure de la PEEPi permet d’évaluer
indirectement les conséquences du volume de rétention gazeuse. La toxicité
de l’oxygène est expliquée par la production de radicaux libres, qui entraînent
une agression pulmonaire, allant d’une inflammation trachéobronchique à une
dommage alvéolaire diffus. La prévention passe par l’acceptation de maintenir
une PaO2 basse, aux alentours de 50 mmHg. Les complications en relation avec
la sonde d’intubation sont l’œdème des cordes vocales et des voies aériennes,
les ulcérations muqueuses, les granulomes, sténoses trachéales, fistules
œsotrachéales et paralysies des cordes vocales. Les pneumonies acquises sous
ventilation représentent un autre problème. L’adaptation de la sédation en cas de
VM invasive, et l’adaptation du patient au ventilateur est un élement également
fondamental de la surveillance.

Dans le cas particulier de la VNI, sa pratique en situation d’urgence impose que la


surveillance paramédicale et médicale soit suffisante, par un personnel formé et
entraîné. Les causes d’échecs sont représentées par les problèmes d’asynchronie
patient/ventilateur, qui surviennent le plus souvent en présence de fuites
importantes au niveau de l’interface masque-patient (7). Une des difficultés
posées par la VNI chez le patient BPCO est celle de la prise de décision d’intubation
en cas d’échec. Plusieurs critères prédictifs d’échec de la VNI ont été proposés
dans la conférence de consensus de 2006 (cf. tableau 4), ces paramètres doivent

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Tableau 4 – Critères à risque élevé d’échec de la VNI. D’après (4)

Indication À l’initiation À la réévaluation précoce

pH < 7.25, H+2 :


BPCO décompensée fR < 35, pH < 7.25, fR < 35,
GCS < 11 GCS < 11

Âge < 40 ans


IRA hypoxémique sur cœur et fR < 38 H+1 :
poumons antérieurement sains Pneumopathie communautaire PaO2/FiO2 < 200
Sepsis

donc être pris en compte, surveillés et monitorés pour le pH, la fR, le score de
glasgow, le rapport PaO2 /FiO2 . Dans tous les cas, le matériel d’intubation doit être
préparé afin de pourvoir rapidement intuber le patient en cas de non réponse ou
d’aggravation (8).

6. Conclusion
L’utilisation à bon escient de la VM par les urgentistes nécessite qu’ils en
connaissent les principes et les indications. Le choix du mode de ventilation et des
objectifs de ventilation doivent être adaptés au patient et à la pathologie ayant
conduit à l’instauration d’une VM. Après l’initiation de la VM l’urgentiste doit être
capable d’évaluer l’interaction patient/machine, l’efficacité de la ventilation sur
la PaO2 et la PaCO2 , et d’assurer la surveillance initiale avant le transfert vers
le service des urgences, en unité de soins intensifs ou en réanimation. Cette
surveillance passe par l’adéquation de l’effectif en personnel médical et
paramédical à la charge de travail représentée par ces patients, par la formation et
l’acquisition d’expérience de toute l’équipe, et par l’utilisation d’un matériel
performant. Le développement de la VNI en préhospitalier et dans les services
d’urgences représentent un challenge, sa réussite passe par la prise prendre en
compte de ces différents aspects (9).

Références
1. Roti M., Arnal J.M., Delnista D., et al. Étude prospective observationnelle bicentrique
sur la pratique de la ventilation mécanique aux urgencies. Ann Fr Med Urgence
2011 ; 1 : 305-311.
2. Archambault P.M., St-Onge M. Invasive and non invasive ventilation in the emergency
department. Emerg Med Clin N Am 2012 ; 30 : 421-449.
3. Pierson D.J. Indications for mechanical ventilation in adults with acute respiratory
failure. Respir Care 2002 ; 47 : 249-62.
4. 3e conférence de consensus commune. Ventilation non-invasive au cours de l’insuffi-
sance respiratoire aiguë (nouveau-né exclu).

10 ■ UN NOUVEAU SOUFFLE
5. Chopin C., Chambrin M.C. Essai de classification des modes actuels de ventilation
mécanique en pression positive. Réan Urg 1998 ; 7 : 87-99.
6. The acute respiratory Distress Syndrome Network. Ventilation with lower tidal
volumes as compared with traditional tidal volumes for acute lung injury and the
acute respiratory distress syndrome. N Engl J Med 2000 ; 342 : 1301-8.
7. Thille A.W. Asynchronies patient-ventilateur : diagnostic et traitement. In Ventilation
artificielle : de la physiologie à la pratique. Brochard L., Mercat A., Richard J.C.M.,
Paris Masson 2008, p. 85-93.
8. Combes X., Jabre P., Vivien B., Carli P. Ventilation non-invasive en médecine
d’urgence. Ann Fr Med Urgence 2011 ; 1 : 260-266.
9. Templier F. La ventilation mécanique aux urgences : promouvoir une compétence du
médecin urgentiste adaptée aux profils des patients. Ann Fr Med Urgence 2011 ; 1 :
301-302.

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