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Suicide et crise
1. Lorraine Deschênes, dans L. Lewis. Le suicide: un saut dans le néant, Montréal: Éditions
Nouvelles, 2001, page 9.
Intervenir en situation de crise suicidaire
avec une personne suicidaire sur la crise, en offrant des exercices théoriques,
des laboratoires, des analyses et des histoires de cas. Ce guide se veut un outil
concret et rapide de consultation. Il permettra de rendre disponible aux
cliniciens et aux futurs intervenants la connaissance faisant consensus actuel
lement.
• Le suicide est une des trois causes principales de mortalité chez les jeunes
de 15 à 35 ans.
La France, est l'un des pays de l'Union européenne le plus touché, soit deux
fois plus que l'Angleterre ou que l'Espagne3. En France, les disparités entre
2. OMS, 2007.
3. OMS, 2002.
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1 - Suicide et crise
les régions sont importantes. Les habitants des départements et des régions
fortement urbanisés semblent moins touchés par le suicide que ceux demeu
rant dans les régions rurales4. Le suicide chez les personnes âgées de 30 à 59
ans est également en augmentation5.
4. DREES, Suicides et tentatives de suicide en France, DREES, Études et résultats, mai 2006,
488 p.
5. S. Letellier. « Le suicide des 30-59 ans augmente», Tribune santé, Grigny, vol. 78, 2007, p. 4.
6. Statistique Canada, 2001.
7. Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1996.
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Intervenir en situation de crise suicidaire
1.2 CRISE
Pour comprendre une personne qui est en urgence suicidaire, il est nécessaire
de situer ce qu'elle vit lors d'une crise. En effet, une personne ne se suicide
pas de façon « soudaine » ; il s'agit plutôt de l'aboutissem ent d'un processus
qui a été douloureux et qui s'enracine dans des problèmes de longue date.
Selon Caplan8, la a is e se définit comme suit :
[... ] un état qui se produit quand une personne fait face à un obstacle, à un des
buts importants de sa vie qui, pour un certain temps, est insurmontable par
l'utilisation des méthodes habituelles de résolution de problème. Une période
de désorganisation s'ensuit, période d'inconfort durant laquelle différentes
tentatives de solution sont utilisées en vain. Éventuellement, une certaine forme
d'adaptation se produit qui peut être ou non dans le meilleur intérêt de la
personne et de ses proches [...].
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1 - Suicide et crise
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Intervenir en situation de crise suicidaire
F igure 1
La progression de la crise
Temps
12. J.M. Messick et D.C. Aguilera. Intervention en situation de crise : théorie et méthodologie (2e éd.),
St-Louis: Mosby, 1976.
13. M. Séguin, A. Brunet et L. Leblanc. Intervention en situation de crise et en contexte traumatique,
Montréal: Gaëtan Morin, 2006.
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l - Suicide et crise
qui lui arrive. Elle est extrêmement anxieuse, tendue et obsédée par ses
problèmes et ne voit pas de solutions pour les résoudre. Elle se sent
impuissante, désespérée ou très en colère. Elle vit une perte d'estime de
soi, éprouve de la culpabilité, a peur. Elle dort peu ou pas du tout et ne
mange plus. Elle s'isole et elle délaisse ses activités habituelles. Elle peut
tenir des propos suicidaires ou meurtriers persistants. Dans plusieurs
situations, la phase de désorganisation amène la personne ou son entou
rage à se mobiliser, à trouver des solutions qui font baisser la tension
avant l'escalade jusqu'à la phase aiguë, c'est-à-dire le passage à l'acte.
Toutefois, lorsque la personne n'arrive pas à trouver des solutions effi
caces, la tension culmine jusqu'à la phase aiguë.
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Intervenir en situation de crise suicidaire
Mise en situation
Martin, 35 ans, est m arié et a deux enfants : Julie, 5 ans, et Simon, 7 ans. Il a connu
sa fem me, Carole, il y 12 ans et ils sont mariés depuis 10 ans. Martin s'implique
quand il le peut auprès de ses enfants, mais il ne les voit pas aussi souvent qu'il le
voudrait puisqu’il travaille beaucoup (heures supplémentaires). Il est technicien de
laboratoire dans un hôpital depuis plus de 10 ans. Il adore son travail et le trouve
très valorisant. C'est un homme habile, autonome, qui travaille bien en équipe et
qui est reconnu pour son jugement professionnel. Il ne s'est absenté que deux fois
pour des congés de maladie. Deux fois par semaine, il joue au badminton avec des
amis et va souvent prendre un verre avec eux après les parties. Martin est une personne
appréciée par ses amis pour son sens de l'humour et sa gentillesse.
Sa femme, âgée de 31 ans, est retournée sur le marché du travail depuis environ deux
ans. Elle avait cessé de travailler comme secrétaire après la naissance de Julie. Il y a
trois ans, elle a décidé de se réorienter et a suivi une formation pour devenir agente
immobilière. Elle adore son nouveau travail, qu'elle trouve plus valorisant que le
précédent. Elle a pris beaucoup d'assurance depuis et s'affirme de plus en plus. Son
assurance et son affirmation ont eu des répercussions sur sa relation avec Martin.
Alors qu'auparavant elle exprimait peu ses besoins( maintenant elle le fait de plus
en plus. C'est pourquoi, depuis un an, leur relation est plus difficile. Elle lui reproche
de ne pas être assez souvent à la maison. Elle dit qu'elle doit s'occuper de tout (l'édu
cation des enfants, les tâches ménagères, etc.) et que, contrairement à lui, elle ne
peut pas investir autant qu'elle le voudrait dans sa carrière. Elle trouve qu'il la tient
pour acquise. De son côté, Martin dit qu'il n'a pas le choix de travailler beaucoup.
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Il trouve que Carole a beaucoup changé, qu'elle n’est plus comme avant, qu’elle est
devenue exigeante et compliquée, qu’elle lui fait constamment des reproches. Ils ont
l'impression de s'éloigner l’un de l’autre et ne savent pas comment améliorer leur
relation. La situation a des répercussions sur les enfants qui sentent les tensions entre
leurs parents. Les enfants sont plus agités depuis plusieurs mois. Souvent, ils se dis
putent. Lorsqu'il intervient, Martin est rapidement impatient avec eux et les conflits
se terminent dans les cris et les pleurs des enfants.
Hier, un incident s’est produit. Son coordonnateur l’a fortement critiqué devant
d ’autres collègues et des patients de l’hôpital; ce fu t la goutte qui a fait déborder le
vase. Martin lui a répliqué en le traitant de tous les noms et en lui disant tout ce
qu'il avait sur le cœur depuis trois mois. Son coordonnateur a réagi en le suspendant
et en produisant un rapport sur lui. Depuis ce temps, il est rentré chez lui et il a bu
...
beaucoup d ’alcool, contrairement à son habitude. Il n'a ni mangé ni dormi. Il ne
veut parler à personne. Il a l’impression que tout s'écroule autour de lui. Il a, pour
la première fois de sa vie, des idéations suicidaires. Sa fem m e est très inquiète. Elle
n'arrive pas à lui parler, car il est enfermé dans son mutisme. Une am ie à qui elle
a parlé, lui a recommandé de téléphoner au centre de crise pour recevoir de l'aide.
T :-------- - ■-----:--- ; ;------------------------ ■---- :------- :----- :---:—-----T---------- --—— ———■----- :------- ï T * ' —
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Intervenir en situation de crise suicidaire
La crise psychosociale se traduit par la présence d'une détresse provoquée par une
situation problématique, interne ou externe, prévisible ou imprévisible mais dont la
nature demeure dans les frontières de la normalité. Par exemple, les pertes, les ruptures,
les deuils, ou alors les événements provoqués par des transitions telles que des démé
nagements, les changements d'école, d'emploi, etc.15.
Il n'est pas toujours simple de distinguer ces deux types de crise, particuliè
rement au moment du premier contact avec la personne en crise suicidaire.
En effet, selon Séguin et Leblanc, « la symptomatologie entre la crise psycho
sociale et la crise psychopathologique est similaire. Ce qui est différent est
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l - Suicide et crise
F igure 2
Schéma des types de crise et de leurs trajectoires
17. Ibid.
18. Ibid.
19. G. Vaiva, A. Brunet, F. Lebigot, V. Boss, F. Ducrocq, P. Devos, P. LafFargue et M. Goudemand.
«Fright (effroi) and other peritraumatic responses after a serious motor vehicle accident:
prospective influence on acute PTSD development», Can. }. Psychiatry, 2003.
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Intervenir en situation de crise suicidaire
Les recherches démontrent que les personnes décédées par suicide faisaient
face, pour une très grande majorité, à une crise psychopathologique (voir
section 1.4.2.). En effet, les «études d'autopsies psychologiques réalisées
depuis les trente dernières années indiquent un taux de psychopathologie
variant autour de 90 % chez les personnes décédées par suicide et des taux
de problèmes comorbides variant autour de 6 5 % à 7 0 % 20». De plus, on
trouve des problèmes de toxicomanie, dont la durée est importante, chez les
deux tiers des personnes décédées par suicide, ce qui en fait un des éléments
les plus importants. Finalement, dans la grande majorité des cas, les per
sonnes qui décèdent par suicide ont un cheminement de difficultés qui
s'échelonne sur toute leur vie et qui est constitué d'un cumul de problèmes
personnels, familiaux, relationnels, psychologiques, sociaux persistants.
Ces données confirment ce que les intervenants de crise constatent dans leur
pratique : la crise psychopathologique est souvent celle qui mobilise le plus
leur énergie puisque les personnes qui la vivent connaissent des difficultés
qui durent depuis longtemps et il n'est donc pas facile pour elles de s'en
sortir sans une aide particulière. C'est le type de crise qui laisse souvent
l'intervenant démuni par rapport à l'ampleur du défi. C'est pourquoi le
modèle d'intervention présenté dans ce DVD s'appuiera sur la situation d'un
individu aux prises avec une crise psychopathologique. Il nous semble que
même si ce modèle d'intervention peut susciter des craintes chez la personne
en formation à l'intervention suicidaire, il est utile de la préparer à cette
réalité.
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.... ............. _____________________________ :___Lj_________ ‘A V* < ____:_____ Lj______ _______________ :_______ !_____:... ......... :___
3. Il existe trois catégories de réponses par rapport aux événements stressants de la vie quoti
dienne: les réponses comportementales, les réponses émotives et les réponses_________ .
4. La tension au moment d'une crise est tellement intense que la durée de l'état de crise ne
dépasse pas six à huit semaines.
Vrai ou Faux.
5. La crise se termine toujours par une croissance qui permet à l'individu de faire de nouveaux
apprentissages.
Vrai ou Faux.
6. La personne qui se trouve en état de désorganisation va automatiquement se rendre à la
phase aiguë.
Vrai ou Faux.
7. Les trois types de crise sont la crise psychosociale, la crise psychopathologique et la crise
_
8. La crise psychosociale se produit généralement en l'absence de problèmes de santé mentale
et nécessite une intervention brève.
Vrai ou Faux.
9. Au moment d'une crise psychopathologique, la personne se retrouve plus lentement en
crise étant donné son état de vulnérabilité déjà existant.
Vrai ou Faux.
10. La symptomatologie entre la crise psychosociale et la crise psychopathologique est assez
semblable.
Vrai ou Faux.
11. Une intervention à plus long terme est nécessaire pour une crise psychopathologique afin
de travailler les difficultés persistantes et les problèmes de santé mentale.
Vrai ou Faux.
12. L'évaluation de la personne en crise est surtout importante dans le cas d'une crise psycho
pathologique. C'est pourquoi elle demande beaucoup plus de temps que dans le cas d'une
crise psychosociale.
Vrai ou Faux.
---------! ---- -TT----- ----- ~----------- "---- —----------- ^
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Intervenir en situation de crise suicidaire
1.4 p r o c e s s u s d e c r i s e s u i c i d a i r e
Nous vous proposons ici une petit questionnaire qui vous permettra de
porter un regard critique sur les mythes entourant l'acte suicidaire. Nous
nous inspirons des ouvrages de Lewis21 et de Diotte22.
21. L. Lewis. Le suicide un saut dans le néant, Montréal : Éditions Nouvelles, 2001.
22. M. Diotte. Formation sur l'intervention auprès de la personne en état de crise, Gatineau :
Réaction-Vie, Centre d'aide 24/7, 2003.
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1. Faux. La grande majorité des personnes qui se sont suicidées ont laissé
des indices de leurs intentions. Les messages directs ou indirects que les
personnes que nous côtoyons envoient doivent être pris au sérieux.
Toutefois, nous devons reconnaître que chez une petite proportion, le
geste peut être impulsif.
5. Faux. On ne devient pas suicidaire par hérédité mais parce qu'on fait
face à une situation intolérable. Toutefois, les études récentes démontrent
que certaines dimensions génétiques peuvent augmenter la présence de
certains facteurs de risque.
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Intervenir en situation de crise suicidaire
11. Faux. En fait, la personne suicidaire est dans une impasse; elles ne
trouvent pas de solutions.
12. Faux. Bien que les personnes endeuillées après un suicide aient déjà été
considérées comme un groupe à risque, les études ne démontrent rien
de tel. Cependant, le deuil vécu après suicide revêt des dimensions qua
litativement différentes des autres deuils.
13. Faux. Une personne en a is e qui décide de s'enlever la vie peut se sentir
temporairement soulagée d'avoir trouvé un moyen de cesser de souffrir
et peut ainsi présenter un mieux-être trompeur.
14. Faux. Il est possible que certaines personnes parlent de suicide pour
obtenir de l'aide. En ce sens, toute verbalisation suicidaire doit être prise
au sérieux et évaluée.
15. Faux. Il faut éviter de faire la morale aux personnes suicidaires. Il est
préférable de les encourager à exprimer leur souffrance et d'essayer de
déterminer leurs besoins.
La personne en crise suicidaire passe par un processus que l'on peut diviser
en cinq étapes. L'intervenant à l'aise avec ce modèle théorique sera apte à
cerner à quelle étape se situe la personne et il pourra orienter ses actions en
fonction des besoins précis de la personne.
23. M. Séguin. « Comment désamorcer une crise suicidaire avant la phase aiguë ou le passage à
l'acte ? », dans La crise suicidaire, Reconnaître et prendre en charge, Conférence de Consensus de
la Fédération Française de Psychiatrie, John Libbey Eurotext: Paris, 2001.
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1 - Suicide et crise
Avant toute chose, il faut comprendre que ces étapes s'échelonnent dans le
temps, mais le processus peut être très rapide dans certains cas, selon la
situation de la personne et les facteurs de risque en présence. Il faut savoir
également que l'ambivalence par rapport au suicide est présente tout au long
du processus et qu'elle se conjugue avec la souffrance et le sentim ent
qu'aucune autre solution n'est possible pour mettre fin à cette souffrance.
La personne ne voit plus d'autre solution que le suicide pour mettre fin
à sa souffrance. Elle est convaincue d'avoir tout essayé sans succès et, si
ce n'est déjà fait, elle développe le scénario de son suicide (où, quand,
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Intervenir en situation de crise suicidaire
• Passage à l'acte
F igure 3
Modélisation de la crise suicidaire
Solutions inefficaces
ou inadéau ates
Solution
P * * »
Solution Solution
Solution
Solution Solution
Solution
r Flash
Recherche
Messages
active de
indirects
solutions Ruminations
x ____________ ) V _________ ■J Messages verbaux
24. M. Séguin et J.L. Terra. Formation à l'intervention de crise. Manuel du Formateur, Ministère de la
Santé et de la Protection Sociale, Direction Générale de la Santé, France, 2004.
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Les personnes suicidaires montrent bien souvent des signes qui laissent
présager leurs intentions. Les professionnels qui connaissent les signes pré
curseurs du suicide peuvent ainsi être plus attentifs aux personnes à risque
et être à même de déceler celles qui auraient des idées suicidaires.
Définition
Catégories
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Intervenir en situation de crise suicidaire
C Signes comportementaux:
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1. La crise suicidaire constitue un processus dans lequel la personne se sert du suicide comme
moyen de manipulation.
Vrai ou Faux.
2. Les taux de suicides entre les hommes et les femmes sont à peu près équivalents.
Vrai ou Faux.
3. Mettez les énoncés du processus de la crise suicidaire dans l'ordre où ils devraient normale
ment se produire.
a) Rumination : angoisse, pense tout le temps au suicide.
b) Image: première apparition de l'idée de suicide.
c) Recherche active de solutions : élimination de solutions inadéquates.
d) Cristallisation : suicide retenu comme la solution.
e) Idéations: idées de suicide plus fréquentes.
4. L'ambivalence par rapport au suicide est seulement présente dans les trois premières étapes
du processus suicidaire.
Vrai ou Faux.
5. À l'étape de « Cristallisation », la personne peut laisser croire à son entourage que tout va
bien.
Vrai ou Faux.
7. Nommez les quatre catégories de signes précurseurs du suicide.
8. Donner des objets significatifs peut être interprété comme un signe comportemental du sui
cide.
Vrai ou Faux.
9. Nommez quatre signes ou symptômes dépressifs liés au suicidé.
10. Une personne qui dit: «le veux mourir, j'ai mal» exprime un message indirect de sui
cide.
Vrai ou Faux. :
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