VIES DE SAINTS
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velée dans les ordres mendiants du
13e siècle, qui proposent un modèle de
sainteté en rupture souvent scandaleuse
avec les liens familiaux. C'est aux ordres
mendiants de porter la flamme du refus
du monde, un idéal proposé de façon
dérangeante par rapport aux idéaux des
ordres plus anciens devenus entre temps
de valides supports de l'ordre social et
politique. Un dernier mot pour le traite-
ment de biographies féminines, là où
l'auteur décèle tantôt un conservatisme
thématique — époque carolingienne —
ou des réseaux de solidarité féminine
soutenus par le clergé lors de l'éclosion
de la sainteté féminine du 13e au
15e siècle. A ce sujet l'auteur remet uti-
lement en cause les thèses récentes
(Rudolph Bell, André Vauchez) sur le
choix de la virginité monastique comme
ré appropriation féminine du corps et du
destin individuel. Quant aux hagio-
graphies, encore une fois nous décou-
vrons leur marge d'autonomie dans la
présentation du topos en fonction des
orientations et des visées de l'ordre qu'ils
représentent. La désobéissance ouverte
et obstinée à la famille, et la fugue, pré-
sentées avec véhémence et délectation
par les franciscains, sont en revanche
traitées avec une remarquable modéra-
tion par les dominicains, très soucieux de
ne pas provoquer de scandales et de ne
pas bouleverser l'ordre social.
Lucia BERGAMASCO
Elisabeth MALAMUT, Sur la route des
saints byzantins, Paris, Éditions du
CNRS, 1993, 400 p.
Les saints médiévaux voyagent, et
https://doi.org/10.1017/S0395264900054536
même ils voyagent beaucoup, en toutes
régions et à toutes les époques. Le livre
recensé couvre d'une seule traite neuf
siècles, du 4e au 12e, une période pour-
tant coupée en deux par les bouleverse-
ments majeurs du 7e siècle : d'une part,
l'Empire romain tardif, autrement plus
vaste et cosmopolite ; de l'autre, l'empire
byzantin à proprement parler, plus petit
et typiquement médiéval dans ses struc-
tures et ses mentalités. Bien que les
milieux dans lesquels les saints évoluent
aient changé sensiblement à travers les
siècles, ainsi que leur typologie, il faut
admettre que l'envie de se déplacer est
restée identique, car elle répondait à une
seule vocation, extra-temporelle, celle de
la « fuite ».
La recherche est fondée sur les vies de
saints dites « historiques », ce qui repré-
sente une partie seulement des textes
hagiographiques disponibles, mais dont
la date et la géographie sont relativement
sûres. Aussi, ces biographies, souvent
romancées, de personnes « réelles »,
nous décrivent la vie de leurs héros,
quand ils sont devenus moines mais aussi
quand ils étaient encore laïques. Les
« gens ordinaires », décrits dans toute
leur banalité quotidienne, sont omnipré-
sents dans ces textes, car ils constituent le
public qui accompagne, provoque ou
simplement regarde le héros et témoigne
de ses exploits.
Les origines géographiques et sociales
des saints sont étudiées. Les saints vont à
des endroits variés : au monastère voisin
ou au lointain pèlerinage ; aux villes
saintes, Jérusalem, Rome, Constanti-
nople ou en mission chez les barbares ;
on les voit prodiguer en route miracles,
guérisons et prophéties. Il y a aussi le
gyrovague, dont l'errance est un but en
soi. D'autre part, le saint provoque aussi
les déplacements des admirateurs qui
viennent le voir : quelques empereurs ou
membres de l'élite et des foules de
fidèles ou d'autres moines.
Le déplacement apparaît donc aussi
comme une nécessité, provoquée par
l'existence même du saint. Il se fait dans
un monde particulier et exceptionnel,
celui du monde de la route médiévale
dans la partie nord-est du bassin méditer-
ranéen, avec ses moyens de transport
variés, ses images pittoresques, son
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 COMPTES RENDUS
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public de pèlerins et de marchands, de
marginaux et de brigands, et de tant
d'autres.
On peut se demander s'il est opportun
d'opposer le réseau routier romain (qui,
naturellement, prédomine, grâce à la
solidité des routes et à la remarquable
permanence des habitats) à un réseau
« chrétien ». Que le nouveau réseau soit
surtout lié à des institutions religieuses
ne le différencie point, à mon avis, de
l'ancien qui, avec le triomphe du christia-
nisme, s'est aussi défini par des lieux de
culte chrétiens installés à des endroits
anciennement païens. Ne serait-il pas
plus normal d'y voir des innovations dues
au passage du temps ? De même, le
caractère chrétien des relations person-
nelles et sociales que l'on peut recon-
naître dans ces récits ne serait-il pas une
conséquence inévitable des sources utili-
sées ? Les Byzantins, certes peuple pro-
fondément religieux, adoptaient aussi à
l'occasion une attitude profane, voire
anti-ecclésiastique et anticléricale, attes-
tée par quelques rares textes (par
exemple la satire des higoumènes par
Théodore Prodrome ou la satire du col-
lectionneur de reliques par Christophore
de Mitylène) mais souvent ignorée des
sources qui sont conservées jusqu'à nous
surtout dans (ou à travers) des biblio-
thèques monastiques.
Nicolas OIKONOMIDES
Dom Jacques DUBOIS et Jean-Loup
LEMAÎTRE, Sources et méthodes de
l'hagiographie médiévale, préface de
Joseph Van der Straeten, Paris, Le
Cerf, « Histoire », 1933, x-373 p.
https://doi.org/10.1017/S0395264900054536
Ce livre annonce clairement sa visée :
il s'agit là d'un manuel qui présente les
problèmes et les instruments liés à une
source importante de l'histoire médié-
vale, les vies de saints. Il a sa place dans
les recensions d'une revue savante, car il
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ne s'adresse pas à un public de débu-
tants ; sa grande qualité et l'accès tardif
des textes hagiographiques à la dignité
de véritable source historique complexe
en rendent l'usage profitable à tout
médiéviste. En outre, il comble un vide.
Jusqu'à présent, on ne disposait que de
deux manuels, ceux de René Aigrain et
de Dom Grégoire, dont la perspective
demeurait celle des bollandistes, pour
qui l'hagiographie constitue une branche
de l'histoire des cultes et de l'Église. La
fameuse collection de la « Typologie des
sources médiévales », créée et animée
par Léopold Génicot, n'a pas encore pro-
duit de fascicule sur l'hagiographie ; la
préparation en est annoncée, mais de
toute façon, la visée n'est pas la même.
La Typologie sert essentiellement à l'édi-
tion des textes, alors que le présent
ouvrage entend donner une vision glo-
bale et explicative des sources.
Dom Dubois, récemment disparu, et
Jean-Loup Lemaître, son successeur à la
chaire d'hagiographie historique de la
IVe section de l'École Pratique des
Hautes Études, ont choisi la voie origi-
nale d'une vaste bibliographie raisonnée,
répartie en chapitres thématiques qui
fournissent, de façon ramassée, mais
totalement claire et explicite, les données
essentielles de l'aspect considéré : la
notion de sainteté, les différents genres
de l'hagiographie, le culte liturgique
(point essentiel, généralement mal connu
des historiens), les martyrologes (ces pre-
miers catalogues de saints qui ont fourni
la matrice de la littérature hagiogra-
phique et dont Jacques Dubois fut le
grand spécialiste), les données factuelles
de la vie de saint, la présence des saints
dans la toponymie, puis dans l'art, les
reliques et enfin les pèlerinages. La mise
en page, les systèmes de renvois per-
mettent une consultation aisée et rapide.
Les indications bibliographiques, issues
du savoir impressionnant des deux
auteurs, exhaustives et précises, sont
irremplaçables, en particulier en matière
d'érudition ancienne (17e-18e siècles no-