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Michel Foucault, Qu’est-ce que la critique, suivi de La Culture de soi, Vrin, 2015.
Les éditeurs de ces textes en fournissent une présentation précise et des notes fort utiles. Les
deux conférences donnent en effet un éclairage sur le déploiement de la pensée de Foucault, sur ses
évolutions et ses continuités. En tout cas, ces deux textes fournissent une réflexion féconde sur la
question du sujet et plus particulièrement encore du soi.
La notion de critique permet de se reconnaître comme « sujet », défini à son tour comme
singularité, mais cela suppose, évidemment, la reconnaissance, réciproquement, de l’assujettissement.
La critique est ainsi « généaologique dans sa finalité et archéologique dans sa méthode », selon
Foucault dans son article de 1984 sur Was ist Aufklärung ? La méthode « archéologique » s’entend
comme le « thème général d’une description qui interroge le déjà-dit au niveau de son existence : de
la fonction énonciative qui s’exerce sur lui, de la formation discursive à laquelle il appartient, du
système général d’archives dont il relève » (L’Archéologie du savoir, 1969, p. 173, cité par D. Lorenzini
et A.I. Davidson, op. cit., note 29 p. 77 ; cf. également : « Michel Foucault explique son dernier livre »,
DE I, p. 800 ; « La Naissance d’un monde », ibid., n°68, p. 814-815, « Dialogue sur le pouvoir », DE II,
n°221, p. 468-469).
En référence à Nietzsche, c’est un travail de généalogie que Foucault propose : « pas opposition
à une genèse qui s’oriente vers l’unité d’une cause principielle lourde d’une descendance multiple, il
s’agirait là d’une généalogie, c’est-à-dire de quelque chose qui essaie de restituer les conditions
d’apparition d’une singularité à partir de multiples éléments déterminants, dont elle apparaît non pas
comme le produit, mais comme l’effet. » (p. 55). Ce qui est important de remarque c’est que la
question du sujet devient celle de l’engendrement de singularités, et non pas de la reconnaissance
d’un universel. La procédure est « généalogique » en ce qu’elle dégage « de la contingence qui nous a
fait être ce que nous sommes la possibilité de ne plus être, faire ou penser ce que nous faisons ou
pensons » (« What is Enlightenment ? », DE II, p. 1393).
« Le soi n’est rien d’autre que les relations à soi. Le soi est une relation. Le soi n’est pas une
réalité, ce n’est pas quelque chose de structuré, qui est donné au commencement. C’est une relation à
soi. Je crois qu’il est impossible de donner du soi une autre définition que cette relation et cet
ensemble de relations. » (p. 117) ;
« La pratique de soi, ce que j’appelle la pratique de soi, c’est la manière dont l’individu, dans le
rapport qu’il a à soi-même, se constitue lui-même comme sujet » (p. 177-178). Le « sujet » n’est donc
plus premier par rapport à la façon dont il entre en relation avec les autres, le pouvoir, etc. : le sujet
n’est rien d’autre que ces rapports. Et en ce sens, le sujet peut être questionné d’un point de vue
critique, justement comme production possible d’une singularité, à condition de « ne pas être
tellement gouverné » (cf. p. 37).
L’Herméneutique du sujet. Cours au collège de France, 1981-1982, éd. F. Gros, Paris, Seuil-Gallimard,
2001.
Jérôme Jardry