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VETAGRO SUP

CAMPUS VETERINAIRE DE LYON

Année 2016 - Thèse n°

TOXICITE DES NEONICOTINOIDES CHEZ L’ABEILLE


DOMESTIQUE

THESE
Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I
(Médecine - Pharmacie)
et soutenue publiquement le 30 septembre 2016
pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire

par

IVERT Marion
Née le 4 juillet 1991
à Courcouronnes
VETAGRO SUP
CAMPUS VETERINAIRE DE LYON

Année 2016 - Thèse n°

TOXICITE DES NEONICOTINOIDES CHEZ L’ABEILLE


DOMESTIQUE

THESE
Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I
(Médecine - Pharmacie)
et soutenue publiquement le 30 septembre 2016
pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire

par

IVERT Marion
Née le 4 juillet 1991
à Courcouronnes
LISTE DES ENSEIGNANTS DU CAMPUS VÉTÉRINAIRE DE LYON
Mise à jour le 09 juin 2015

Civilité Nom Prénom Unités pédagogiques Grade


M. ALOGNINOUWA Théodore UP Pathologie du bétail Professeur
M. ALVES-DE-OLIVEIRA Laurent UP Gestion des élevages Maître de conférences
Mme ARCANGIOLI Marie-Anne UP Pathologie du bétail Maître de conférences
M. ARTOIS Marc UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
M. BARTHELEMY Anthony UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel
Mme BECKER Claire UP Pathologie du bétail Maître de conférences
Mme BELLUCO Sara UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences
Mme BENAMOU-SMITH Agnès UP Equine Maître de conférences
M. BENOIT Etienne UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. BERNY Philippe UP Biologie fonctionnelle Professeur
Mme BERTHELET Marie-Anne UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
Mme BONNET-GARIN Jeanne-Marie UP Biologie fonctionnelle Professeur
Mme BOULOCHER Caroline UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
M. BOURDOISEAU Gilles UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
M. BOURGOIN Gilles UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
M. BRUYERE Pierre UP Biotechnologies et pathologie de la reproduction Maître de conférences
M. BUFF Samuel UP Biotechnologies et pathologie de la reproduction Maître de conférences
M. BURONFOSSE Thierry UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. CACHON Thibaut UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
M. CADORE Jean-Luc UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Professeur
Mme CALLAIT-CARDINAL Marie-Pierre UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
M. CAROZZO Claude UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
M. CHABANNE Luc UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Professeur
Mme CHALVET-MONFRAY Karine UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. COMMUN Loic UP Gestion des élevages Maître de conférences
Mme DE BOYER DES ROCHES Alice UP Gestion des élevages Maître de conférences
Mme DELIGNETTE-MULLER Marie-Laure UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. DEMONT Pierre UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
Mme DESJARDINS PESSON Isabelle UP Equine Maître de conférences Contractuel
Mme DJELOUADJI Zorée UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
Mme ESCRIOU Catherine UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences
M. FAU Didier UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur
Mme FOURNEL Corinne UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Professeur
M. FREYBURGER Ludovic UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
M. FRIKHA Mohamed-Ridha UP Pathologie du bétail Maître de conférences
Mme GILOT-FROMONT Emmanuelle UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
M. GONTHIER Alain UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
Mme GRAIN Françoise UP Gestion des élevages Professeur
M. GRANCHER Denis UP Gestion des élevages Maître de conférences
Mme GREZEL Delphine UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
M. GUERIN Pierre UP Biotechnologies et pathologie de la reproduction Professeur
Mme HUGONNARD Marine UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences
M. JUNOT Stéphane UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
M. KECK Gérard UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. KODJO Angeli UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
Mme LAABERKI Maria-Halima UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
M. LACHERETZ Antoine UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
Mme LAMBERT Véronique UP Gestion des élevages Maître de conférences
Mme LATTARD Virginie UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences
Mme LE GRAND Dominique UP Pathologie du bétail Professeur
Mme LEBLOND Agnès UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
Mme LEFRANC-POHL Anne-Cécile UP Equine Maître de conférences
M. LEPAGE Olivier UP Equine Professeur
Mme LOUZIER Vanessa UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences
M. MARCHAL Thierry UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Professeur
M. MOUNIER Luc UP Gestion des élevages Maître de conférences
M. PEPIN Michel UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur
M. PIN Didier UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences
Mme PONCE Frédérique UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences
Mme PORTIER Karine UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
Mme POUZOT-NEVORET Céline UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
Mme PROUILLAC Caroline UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences
Mme REMY Denise UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur
Mme RENE MARTELLET Magalie UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences stagiaire
M. ROGER Thierry UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur
M. SABATIER Philippe UP Biologie fonctionnelle Professeur
M. SAWAYA Serge UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences
M. SCHRAMME Serge UP Equine Professeur associé
Mme SEGARD Emilie UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel
Mme SERGENTET Delphine UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences
Mme SONET Juliette UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel
M. THIEBAULT Jean-Jacques UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences
M. TORTEREAU Antonin UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences stagiaire
M. VIGUIER Eric UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur
Mme VIRIEUX-WATRELOT Dorothée UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences Contractuel
M. ZENNER Lionel UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

3
4
REMERCIEMENTS

A Monsieur le Professeur Damien SANLAVILLE


de la faculté de médecine de Lyon

Pour nous avoir fait l’honneur d’accepter la présidence du jury de thèse.


Hommages respectueux.

A Monsieur le Professeur Philippe BERNY,


De Vetagro Sup, Campus vétérinaire de Lyon

Pour avoir encadré ce travail de thèse.


Pour votre disponibilité, vos relectures attentives et vos conseils précieux.
Sincères remerciements.

A Monsieur le Professeur Michel PEPIN


De Vetagro Sup, Campus vétérinaire de Lyon

Pour nous avoir fait l’honneur de participer au jury de thèse.


Sincères remerciements.

5
A mes parents,

Pour votre présence à mes côtés et votre soutien inconditionnel.

A ma famille,

Pour toutes les grandes étapes que nous vivons ensemble.

A mon Groupe,

Pour les moments passés, et surtout tous ceux qui restent à venir.

A mes amis de Lyon,

Pour ces 5 formidables années d’Ecole.

6
TABLE DES MATIERES
Table des figures.................................................................................................................................... 10
Liste des tableaux .................................................................................................................................. 11
Liste des abréviations ............................................................................................................................ 12
I. Biologie de l’abeille et sa colonie .............................................................................................. 15
A. Biologie de l’abeille ........................................................................................................................ 15
1. Classification phylogénétique............................................................................................... 15
2. Anatomie et physiologie fonctionnelles ........................................................................... 16
a) Généralités ............................................................................................................................ 16
b) Alimentation......................................................................................................................... 17
(1) Tube digestif ................................................................................................................... 17
(2) Système glandulaire ...................................................................................................... 18
(3) Régime alimentaire ....................................................................................................... 18
c) Respiration et circulation................................................................................................ 20
d) Système nerveux................................................................................................................. 20
(1) Système nerveux central et système nerveux périphérique ......................... 20
(2) Neuromédiateurs ........................................................................................................... 20
(3) Organes sensoriels ........................................................................................................ 21
(4) Capacités cognitives ...................................................................................................... 22
e) Locomotion & orientation ............................................................................................... 23
(1) Locomotion....................................................................................................................... 23
(2) Orientation ....................................................................................................................... 23
f) Communication ................................................................................................................... 23
(1) Par contact ........................................................................................................................ 23
(2) Par les phéromones ...................................................................................................... 23
(3) Par la « danse des abeilles » ...................................................................................... 24
g) Reproduction ....................................................................................................................... 25
(1) Le vol de fécondation.................................................................................................... 25
(2) La ponte ............................................................................................................................. 26
(3) Développement............................................................................................................... 26
B. Fonctionnement d’une colonie ................................................................................................. 28
1. Organisation d’une colonie .................................................................................................... 28
2. Les différentes castes ............................................................................................................... 28
a) La reine ................................................................................................................................... 28
b) Les faux-bourdons ............................................................................................................. 28
c) Les ouvrières ........................................................................................................................ 28
3. Organisation de la ruche ......................................................................................................... 31
4. Le cycle de la colonie ................................................................................................................ 31
5. Récolte de nourriture............................................................................................................... 32
C. Apiculture .......................................................................................................................................... 33

7
1. Produits de la ruche.................................................................................................................. 33
a) Le miel .................................................................................................................................... 33
b) Le pollen................................................................................................................................. 33
c) La gelée royale ..................................................................................................................... 34
d) La cire...................................................................................................................................... 34
e) La propolis ............................................................................................................................ 34
f) Le venin .................................................................................................................................. 34
2. Abeille et pollinisation............................................................................................................. 35
a) Principe de la pollinisation ............................................................................................. 35
b) Place d’Apis mellifera parmi les animaux pollinisateurs ..................................... 35
c) Pollinisation des cultures ................................................................................................ 36
3. Filière apicole française .......................................................................................................... 37
II. Caractéristiques et utilisation des néonicotinoïdes ....................................................... 39
A. Cadre d’utilisation .......................................................................................................................... 39
1. Historique ..................................................................................................................................... 39
2. Utilisation ..................................................................................................................................... 40
a) Obtention des AMM ........................................................................................................... 40
b) Usage agricole ...................................................................................................................... 40
(1) Intérêts ............................................................................................................................... 40
(2) Quelques chiffres............................................................................................................ 41
c) Usage vétérinaire................................................................................................................ 41
3. Evolution de la règlementation en France ....................................................................... 42
B. Caractéristiques physico-chimiques ....................................................................................... 43
1. Structure chimique ................................................................................................................... 43
2. Propriétés physiques ............................................................................................................... 44
a) Poids moléculaire ............................................................................................................... 44
b) Volatilité ................................................................................................................................. 44
c) Sorption.................................................................................................................................. 45
d) Solubilité ................................................................................................................................ 45
3. Devenir au sein des plantes ................................................................................................... 45
a) Absorption et diffusion .................................................................................................... 45
b) Biotransformations ........................................................................................................... 47
4. Persistance dans l’environnement ..................................................................................... 47
a) Contamination par aérosols ........................................................................................... 47
b) Contamination des sols .................................................................................................... 48
(1) Modes de contamination ............................................................................................. 48
(2) Mécanismes et vitesse de dégradation .................................................................. 48
(3) Niveaux de contamination .......................................................................................... 48
c) Contamination de l’eau .................................................................................................... 49
(1) Modes de contamination ............................................................................................. 49
(2) Mécanismes et vitesse de dégradation .................................................................. 49
(3) Niveaux de contamination .......................................................................................... 49

8
C. Mode d’action .................................................................................................................................. 51
1. Activité cholinergique.............................................................................................................. 51
2. Action sélective .......................................................................................................................... 52
3. Mécanismes de résistance...................................................................................................... 53
III. Etude de la toxicité des néonicotinoïdes chez Apis mellifera .................................... 55
A. Modes d’exposition aux pesticides .......................................................................................... 55
1. Les différentes voies d’exposition aux pesticides ......................................................... 55
a) Par ingestion ........................................................................................................................ 55
(1) Nectar et pollen............................................................................................................... 55
(2) Eau ....................................................................................................................................... 55
b) Par contact ............................................................................................................................ 56
2. Méthodes de quantification des résidus ........................................................................... 56
3. Données de terrain ................................................................................................................... 56
a) Contamination des colonies ........................................................................................... 56
b) Episodes de mortalité liés aux néonicotinoïdes ..................................................... 57
c) Coordination du suivi des pertes d’abeilles ............................................................. 58
B. Toxicité aiguë ................................................................................................................................... 59
1. Méthodes d’étude ...................................................................................................................... 59
2. Toxicité aiguë par voie orale et par contact .................................................................... 59
3. Comparaison aux doses utilisées : quotient de risque ................................................ 60
C. Toxicité chronique et effets sublétaux ................................................................................... 62
1. Méthodes d’étude ...................................................................................................................... 62
a) En laboratoire ...................................................................................................................... 62
b) En semi-liberté et en plein champ ............................................................................... 62
2. Résultats........................................................................................................................................ 64
a) Effets létaux chroniques .................................................................................................. 64
b) Effets sublétaux ................................................................................................................... 65
(1) Sur la reproduction et le développement de la colonie .................................. 65
(2) Sur le développement ontogénique ........................................................................ 65
(3) Sur la locomotion, l’activité et le métabolisme ................................................... 66
(4) Sur l’apprentissage, la mémorisation et l’orientation ..................................... 66
(5) Facteurs de variation environnementaux ............................................................ 68
D. Possibilité de synergies................................................................................................................ 69
1. Avec des agents pathogènes .................................................................................................. 69
2. Avec d’autres pesticides.......................................................................................................... 70
Conclusion ....................................................................................................................................................... 71
Bibliographie .................................................................................................................................................. 73

9
TABLE DES FIGURES

Figure 1 : Schéma anatomique général de l'abeille ........................................................................ 16


Figure 2 : Différences morphologiques entre les trois castes d'abeille ................................. 17
Figure 3 : Exemples de danse en huit en fonction de la position de la ressource par
rapport à la ruche et au soleil .................................................................................................................. 25
Figure 4 : Schéma de développement des différentes castes ..................................................... 27
Figure 5 : Emploi du temps de l'ouvrière ........................................................................................... 29
Figure 6 : Répartition du marché mondial des insecticides et évolution entre 1990 et
2008 ................................................................................................................................................................... 41
Figure 7 : Structure des néonicotinoïdes ........................................................................................... 43
Figure 8 : Formules planes des principaux néonicotinoïdes ...................................................... 44
Figure 9 : Structure du récepteur nicotinique à l'acétylcholine ................................................ 51
Figure 10 : Abeille équipée d'un transpondeur RFID et ruche équipée d'un lecteur pour
détecter les passages d’abeilles .............................................................................................................. 64

10
LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Caractéristiques des principaux néonicotinoïdes influençant l'absorption et


la diffusion dans la plante. ........................................................................................................................ 46
Tableau 2 : Temps de demi-vie dans le sol des principaux néonictoinoïdes. ...................... 48
Tableau 3 : Classement des principales cultures traitées avec des néonicotinoïdes selon
leur attractivité pour les abeilles............................................................................................................ 56
Tableau 4 : Récapitulatif des doses toxiques aiguës des principaux néonicotinoïdes, en
fonction de la voie d’exposition, orale ou par contact.................................................................... 60
Tableau 5 : Calcul des HQ de l'imidaclopride pour les doses minimales et maximales
autorisées en considérant les exposition par voie orale et par contact .................................. 61

11
LISTE DES ABREVIATIONS

Ach : acétylcholine
AFSSA : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments
ANSES : Agence Nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et
du travail
DL50 : dose létale médiane
EFSA : Agence européenne de sécurité des aliments (European Food and Safety
Authority)
GABA : acide γ-aminobutyrique
INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
LOD : seuil de détection (limit of detection)
LOQ : seuil de quantification (limit of quantification)
LOEC : dose minimale entrainant un effet (lower observed effect concentration)
nAchR : récepteur nicotinique à l’acétylcholine
NOEC : dose maximale sans effet (no observed effect concentration)
ppm : parties par million
RFID : identification par radiofréquence
SNC : système nerveux central
UE : Union Européenne
US EPA : agence américaine de protection de l’environnement (United State Environment
Protection Agency)

12
INTRODUCTION

L’abeille domestique est l’insecte pollinisateur le plus étudié par les chercheurs et le
mieux connu du grand public. Nous connaissons bien sûr le miel et la gelée royale qu’elle
produit, mais elle intervient aussi dans la pollinisation de très nombreuses plantes, ce
qui la rend indispensable au maintien de la biodiversité ainsi qu’à la culture de certaines
espèces de fruits et légumes (Le Conte et al. 2014).

Or, depuis une vingtaine d’années, les apiculteurs et les scientifiques signalent une
diminution significative des populations d’abeilles à l’échelle mondiale (van der Sluijs et
al. 2013). Si plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ces pertes (prédateurs,
bactéries, virus, champignons, produits chimiques, modifications de l’environnement,
tenue du rucher)(AFSSA 2008), les produits phytosanitaires et surtout les
néonicotinoïdes sont pointés du doigt par les professionnels de la filière apicole. Ces
insecticides mis sur le marché dans les années 1990 ont révolutionné les pratiques
agricoles, mais leurs effets systémiques sur les espèces non-cibles comme les abeilles
ainsi que leur longue persistance dans l’environnement sont à l’origine de la polémique
autour de son utilisation (Jeschke, Nauen 2008). Des réévaluations régulières des
risques sont effectuées et des restrictions d’utilisation sont appliquées en France et en
Europe depuis 1999 (Di Prisco et al. 2013).

Les questions soulevées par le dossier médiatisé des néonicotinoïdes et des abeilles,
ainsi qu’un intérêt particulier pour cette espèce unique ont motivé ce travail. Dans une
première partie seront détaillés les principaux aspects de la biologie de l’abeille et de sa
colonie. Puis dans une deuxième partie, la famille des insecticides néonicotinoïdes sera
présentée. Enfin, nous étudierons dans une dernière partie la toxicité de ces pesticides
sur les abeilles, en reliant ces résultats aux situations rencontrées en milieu naturel.

13
14
I. BIOLOGIE DE L’ABEILLE ET SA COLONIE
Pour comprendre les enjeux liés à l’utilisation de pesticides systémiques comme les
néonicotinoïdes et plus particulièrement leurs effets sur l’abeille domestique, il convient
de bien connaître cette espèce. Dans cette partie seront détaillées les caractéristiques
biologiques des abeilles domestiques, le fonctionnement d’une colonie et les relations
entretenues avec l’homme au travers des différentes activités apicoles.

A. BIOLOGIE DE L’ABEILLE
1. CLASSIFICATION PHYLOGENETIQUE
L’abeille domestique correspond à l’espèce Apis mellifera Lineatus. Celle-ci
rassemble plusieurs sous-espèces, ou races. On la classe comme suit :

- Embranchement des Arthropodes,

- Sous-embranchement des Hexapodes,

- Classe des Insectes,

- Sous-classe des Ptérygotes,

- Super-ordre des Endoptérygotes ou Holométaboles,

- Ordre des Hyménoptères,

- Sous-ordre des Apocrites,

- Groupe des Aculéates,

- Super famille des Apoïdes,

- Famille des Apidés,

- Genre Apis.

Les Apoïdes regroupent 25 000 espèces d’abeilles, dont 85% sont des espèces solitaires,
peu connues du grand public. Les 6 familles d’abeilles solitaires présentent des
différences notoires de morphologie ou de comportement. On leur trouve toutefois un
mode de vie commun : après l’accouplement, la femelle construit un nid dans le sol
composé de cinq à quinze cellules, dans lesquelles elle accumule des réserves de nectar
et pollen, et pond. La femelle meurt bien souvent avant l’éclosion de sa descendance (Le
Conte et al. 2014).

Les Apidés regroupent les abeilles sociales. En plus des abeilles domestiques, on trouve
dans cette famille les bourdons. Leur organisation sociale est comparable à celle de
l’abeille domestique : présence de trois castes d’individus (mâles, reines et ouvrières) et
les adultes de la colonie s’occupent du couvain. Cependant, à la différence des abeilles,
chez les bourdons le rôle de la reine ne se limite pas à la reproduction et à la ponte, elle
participe activement aux différentes tâches avec les ouvrières. De plus, c’est le seul
individu de la colonie à survivre pendant la mauvaise saison (Clément et al. 2002; Tasei
1996).

15
Le genre Apis comprend plusieurs espèces d’abeilles : Apis florea, Apis dorsata, Apis
laboriosa, Apis cerana et Apis mellifera, notre abeille domestique. La plupart de ces
espèces se rencontre en Asie du Sud-Est, sauf Apis mellifera. Cette dernière, originaire
d’Afrique tropicale et subtropicale, s’est répandue dans le monde entier, essentiellement
grâce aux nombreux mouvements liés à l’activité apicole. La taille importante de ses
colonies, son caractère doux et ses facultés d’adaptation expliquent son succès en
apiculture par rapport aux autres espèces (Roy, Vilagines 2015; Clément et al. 2002).

Apis mellifera compte 26 races, également appelées sous-espèces géographiques. On


compte certains écotypes locaux d’origine française, comme l’abeille landaise. Elles se
distinguent par leur aire géographique, leur morphologie et leur comportement. Avec
l’importation d’abeilles d’autres pays, il y a de très nombreux de croisements et des
hybridations qui se font pour améliorer les caractères d’intérêts apicoles comme la
docilité ou la productivité (Roy, Vilagines 2015).

2. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLES


a) Généralités
Comme tout insecte, le corps de l’abeille est recouvert d’un exosquelette de chitine
présentant des soies sur tout le corps. Celui-ci est divisé en trois parties : la tête, le
thorax et l’abdomen. La tête porte les principaux organes des sens, les pièces buccales et
un cerveau d’un volume important. Le thorax porte les éléments de locomotion de
l’abeille, autrement dit les deux paires d’ailes et les trois paires de pattes. Quant à
l’abdomen, il contient une grande partie de l’appareil respiratoire trachéen, le système
digestif, le système reproducteur et l’organe de venin pour les reines et les ouvrières (cf.
fig. 1).

Figure 1 Schéma anatomique général de l'abeille (Clément et al. 2002)

La colonie d’abeilles est divisée en trois castes : reine, faux-bourdons (les mâles) et
ouvrières (cf. fig. 2). Elles présentent des différences morphologiques : la reine est plus

16
grande, avec un abdomen plus développé et un thorax volumineux, le mâle est assez
petit et trapu, avec des yeux très développés, et les ouvrières sont plus petites, avec des
adaptations morphologiques en fonction de la tâche qu’elles assurent (Clément et al.
2002).

Figure 2 Différences morphologiques entre les trois castes d'abeille : (a) le faux bourdon, (b) la reine, et (c)
les ouvrières autour de la reine (repérée par un R)

b)Alimentation
(1) Tube digestif
L’abeille présente des pièces buccales de type lécheur-suceur. Elles sont constituées de
plusieurs éléments autour de la bouche :

- les mandibules sont deux mâchoires fortes attachées sur les côtés de la tête. Elles
servent à l’ingestion de pollen, à la préhension et la manipulation de matières solides
comme la cire ou la propolis ;

- les maxilles et le labium, qui forment le proboscis. Il s’agit d’une « langue » extensible
mesurant entre 5,3 et 7,2 mm de long selon la race, utilisée pour ingérer les liquides
(nectar, miel, eau) ou des éléments solides après dissolution ; des échanges de
nourriture entre les individus ou le léchage des phéromones sur le corps de la reine sont
possibles grâce au proboscis.

Les matières ingérées sont conduites, après passage de l’hypopharynx et du pharynx,


de l’œsophage jusqu’au jabot, situé dans l’abdomen crânial. Le jabot est extensible ; il
sert à accumuler le miel avant le départ des butineuses et à stocker le nectar pour le
retour à la ruche. Le bol alimentaire passe ensuite au proventricule et au ventricule,
« l’estomac » des abeilles. La digestion et l’absorption ont lieu au niveau du ventricule.
La digestion se poursuit dans l’intestin puis le rectum. La paroi du rectum est très
extensible, ce qui permet le stockage des déchets de la digestion et des produits de
l’excrétion sur une longue durée, avant leur élimination. L’abeille ne défèque jamais
dans la ruche, les déjections sont émises lors d’un vol de propreté.

Annexés au tube digestif au niveau du pylore du ventricule, les tubes de Malpighi


constituent l’équivalent des reins : ils épurent l’hémolymphe des déchets azotés, qui
sont ensuite éliminés dans l’intestin (Clément et al. 2002).

17
(2) Système glandulaire
Les glandes salivaires sont composées des glandes labiales de la tête et du thorax.

Les glandes hypopharyngiennes ne sont présentes que chez l’ouvrière, atteignent leur
plein développement une dizaine de jours après la naissance grâce à une alimentation
très riche en pollen, puis régressent chez les butineuses. Elles participent à la production
de gelée royale et assurent la production d’enzymes à vocation digestive qui
interviennent dans la maturation du miel dans le jabot.

Les glandes mandibulaires sont bien développées chez l’ouvrière et restent actives
toute la vie. Ces glandes participent à la production de cire, de gelée royale et produisent
certaines phéromones (Clément et al. 2002).

(3) Régime alimentaire


Les matières premières de l’alimentation de l’abeille adulte sont le nectar et le pollen des
fleurs. La gelée royale est indispensable à l’alimentation des larves et nymphes.

Les abeilles sont nourries par les nourrices lors de leur développement et pendant les
premiers jours de vie adulte, voire toute la vie dans le cas de la reine. Plus âgées, elles se
nourrissent seules en puisant dans les cellules à miel, ou directement à partir du nectar
puisé dans les fleurs. Enfin, les ouvrières peuvent échanger de la nourriture entre elles
grâce au jabot qui sert d’organe de stockage : c’est ce qu’on appelle la trophallaxie
(Clément et al. 2002).

- Nectar, miellat et miel

Le nectar et le miellat constituent les sources primaires pour produire du miel. Ils
représentent la source de glucides dans l’alimentation des abeilles. C’est la seule source
énergétique naturelle des abeilles. Les apiculteurs peuvent en cas de mauvais temps et
de risque de voir les ruches mourir de faim les nourrir avec l’apport de candi.

Le miellat est un produit sucré, excrété par des insectes piqueurs parasites des végétaux
(pucerons et cicadelle blanche notamment). La pullulation des pucerons peut donc
rendre attractive une plante qui ne l’était pas au départ sans fleurs : citons le sapin à
l’origine d’un miel très apprécié et le miel de chêne en Provence.

Nectar et miellat sont collectés par les butineuses, qui communiquent entre elles afin de
connaître les sites présentant des ressources intéressantes. Cette communication est
renforcée par le dépôt de phéromones de recrutement sur le lieu de la ressource. Lors
du butinage, nectar et miellat sont dilués par la salive de la butineuse. De retour à la
ruche, celle-ci va échanger ce mélange par trophallaxie avec plusieurs ouvrières, qui
elles-mêmes vont échanger le butin, ce qui va enrichir le mélange initial en enzymes
modifiant les sucres présents pour former des di ou trisaccharides. Elles vont ensuite
assécher le mélange pour obtenir moins de 18% d’eau. Les ouvrières vont remplir les
alvéoles de ce mélange (l’excès d’eau va s’évaporer) et les operculer grâce à des écailles
de cire qu’elles fabriquent. On obtient ainsi le miel (Clément et al. 2002).

- Pollen

Le pollen constitue l’apport de protéines. Il est indispensable dans les premiers jours
de vie pour le développement glandulaire des ouvrières. Les abeilles adultes continuent

18
d’en consommer, même si une carence en pollen est assez bien tolérée, contrairement à
une carence en apport glucidique.

Tous les pollens n’ont pas les mêmes qualités nutritionnelles. Les chercheurs ont
l’habitude de les classer par leur teneur en protéines. Il existe des pollens pauvres,
(pissenlit, tournesol), qui ne sont composés que de 13% de protéines environ. Les
pollens moyens, comme ceux du maïs ou du trèfle, tournent autour des 20% de
protéines. Enfin, les pollens « haut de gamme » (colza, moutarde, arbres fruitiers),
présentent jusqu’à 30% de protéines. Ce n’est pas seulement l’aspect nutritionnel qui
attire les butineuses : c’est d’abord la facilité pour l’obtenir. Ainsi, les abeilles adorent le
maïs, car son pollen à gros grains est abondant et très facile à ramasser. Les chercheurs
de l’INRA d’Avignon ont montré que pour être en bonne santé, les abeilles doivent
consommer 5 pollens différents par jour (Clément et al. 2002).

- Gelée royale

La gelée royale est sécrétée par les glandes hypopharyngiennes et mandibulaires des
abeilles nourricières. Les jeunes larves s’en nourrissent pendant les trois premiers jours,
et elle constitue l’alimentation exclusive des futures reines. L’alimentation des autres
larves est complétée par un mélange de sucs digestifs, de miel, de pollen et d’eau. La
gelée royale est un aliment très riche en protéines et en acides aminés. Ainsi en cinq
jours, une larve à ce régime voit son poids initial multiplié par 1800. La gelée royale joue
donc un rôle important en déterminant l’appartenance à l’une des castes, mais aussi en
jouant sur la santé de la colonie grâce à des propriétés antibactériennes (Clément et al.
2002).

- Eau

L’eau est également nécessaire à la survie des abeilles. L’alimentation à base de nectar,
riche en eau, couvre une partie des besoins de l’abeille, et les pertes corporelles sont
limitées par fermeture des stigmates et par réabsorption rectale. Mais l’eau n’intervient
pas seulement dans l’hydratation des individus : par exemple, elle joue un rôle dans la
thermorégulation de la ruche, en faisant baisser la température par évaporation de
gouttelettes déposées par des ouvrières. La consommation d’eau d’une butineuse est
estimée à 11µL/jour (Clément et al. 2002; EFSA 2013a).

Les sources d’eau sont repérées par des butineuses qui se spécialisent dans la recherche
d’eau, et communiquent à leurs congénères leur localisation. Les sources privilégiées par
les abeilles sont des points d’eau courante modérément minéralisée, comme l’eau de
pluie, dans les flaques ou les gouttières. Comme pour les ressources de nectar et pollen,
des phéromones de recrutement sont déposées au niveau des points d’eau. La collecte
est adaptée selon les besoins de la colonie, en fonction de la température au sein de la
ruche, ou des besoins des adultes et du couvain lorsque les autres ressources (eau
contenue dans le nectar principalement) sont faibles (Kühnholz, Seeley 1997; Clément et
al. 2002).

19
c) Respiration et circulation
Les systèmes circulatoire et respiratoire fonctionnent indépendamment l’un de l’autre.

L’appareil respiratoire des Insectes prend et rejette de l’air à partir d’orifices appelés
stigmates, présents de chaque côté des segments thoraciques et abdominaux. Ils sont
prolongés par de nombreuses trachées qui se ramifient et assurent les échanges gazeux
directement avec les cellules. Ce système respiratoire rend l’abeille particulièrement
sensible aux expositions par inhalation : en effet, hormis la fermeture des stigmates et la
présence de poils à leur surface, il n’existe pas de système de « filtre » entre le milieu
aérien et les organes internes.

Le système circulatoire est de type ouvert ; le « sang » est appelé hémolymphe, et il ne


circule pas dans des vaisseaux mais baigne directement les organes internes ; il est mis
en circulation par cinq ventricules situés dans la cavité abdominale. Il sert aux échanges
de nutriments, hormones, métabolites,… et ne joue aucun rôle dans les échanges de gaz
respiratoires (Clément et al. 2002).

d) Système nerveux
(1) Système nerveux central et système nerveux
périphérique
Le système nerveux des insectes est constitué d’un système nerveux central (SNC,
équivalent du SNC des vertébrés) et d’un système nerveux stomatogastrique (équivalent
du système nerveux autonome) régulant le fonctionnement des organes internes.

Le SNC est constitué d’un encéphale et d’une chaîne nerveuse ventrale, formée de
ganglions d’où émergent les nerfs. Comme pour les vertébrés l’encéphale intègre les
signaux nerveux à partir des différents récepteurs sensoriels. La chaîne nerveuse
ventrale est constituée de 8 ganglions : un ganglion sous-œsophagien qui innerve les
pièces buccales, deux ganglions thoraciques pour les ailes et les pattes et cinq ganglions
abdominaux pour les segments abdominaux. C’est un système « décentralisé » car le
cerveau coordonne les mouvements mais c’est la chaîne ventrale qui contrôle l’activité
musculaire avec un certain degré d’autonomie.

Le cerveau produit de nombreuses hormones. Les corpora cardiaca et corpora allata


sont les deux glandes endocrines principales, situées à la base de l’encéphale. Ils
sécrètent l’ecdysone, impliquée dans le développement et la mue larvaire, et l’hormone
juvénile, impliquée dans le développement des ouvrières adultes (Clément et al. 2002).

(2) Neuromédiateurs
La neurotransmission chez les insectes fait intervenir le plus souvent des
neuromédiateurs déjà rencontrés chez les Vertébrés ; les plus connus sont
l’acétylcholine (ACh), l’acide γ-aminobutyrique (GABA), le glutamate et
l’octopamine.

L’acétylcholine est un neurotransmetteur excitateur. Elle agit sur deux types de


récepteurs : les principaux sont les récepteurs nicotiniques, les seconds sont les
récepteurs muscariniques. Le système cholinergique est impliqué dans les processus
d’apprentissage et de mémoire chez les insectes. Le système nerveux des insectes est
extrêmement riche en récepteurs nicotiniques ; ceux-ci ne sont présents que dans le
SNC. Cette particularité est primordiale dans notre étude, puisque les insecticides
néonicotinoides agissent sur les récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine.
20
Le glutamate intervient dans les synapses de la plaque motrice, contrairement aux cas
des Vertébrés chez qui l’acétylcholine joue ce rôle. Le glutamate serait également
présent dans le SNC.

Le GABA est un neurotransmetteur inhibiteur présent dans le SNC et la jonction


neuromusculaire.

L’octopamine a plusieurs rôles dans le SNC ainsi qu’au niveau des muscles et des
glandes. Elle intervient dans les capacités de mémorisation.

(3) Organes sensoriels


- La vue

On trouve chez l’abeille deux types d’yeux : les ocelles, trois triangles situés sur le haut
de la tête, et les yeux composés, situés de chaque côté de la tête.

Les ocelles sont de simples lentilles incapables de focaliser une image. Ils sont très
sensibles à la direction et aux changements d’intensité lumineuse. Ces organes sont
importants chez les butineuses : elles peuvent ainsi estimer le temps dont elles
disposent avant la nuit, lorsqu’elles butinent au crépuscule par exemple.

Les yeux, de grande taille occupent une grande partie de la tête. Ce sont des yeux
composés chacun d’environ 5000 entités hexagonales chez l’ouvrière, les ommatidies.
Chaque ommatidie est un œil complet : elle possède une lentille, un cristallin et des
cellules rétiniennes sensorielles et fonctionne indépendamment. Le système nerveux
central intègre chaque information élémentaire pour former une image globale en
mosaïque. L’abeille est capable de percevoir les couleurs : elle distingue le bleu, le vert et
le rayonnement ultraviolet, mais elle est insensible au rouge. La perception des
ultraviolets leur permet de voir certains signaux floraux, invisibles pour l’homme, qui les
guident au centre des fleurs pour la recherche de nourriture et la pollinisation. Les yeux
sont également sensibles à la lumière polarisée, ce qui les aide pour l’orientation, en
particulier quand le soleil est caché derrière un ciel nuageux.

La vision des mâles de la colonie est plus performante ; ils ont des yeux composés de
grande taille, occupant presque toute la surface de la tête et leur lobe cérébral optique
est plus développé. Cela leur permet de repérer plus facilement la reine lors du vol de
fécondation (Clément et al. 2002).

- L’odorat

Les antennes constituent l’organe olfactif de l’abeille. Elles portent plusieurs types de
structures sensorielles : les sensilles placoïdes sont sensibles aux odeurs, elles sont 10
fois plus nombreuses chez le mâle que chez les ouvrières. Les antennes sont également
sensibles aux phéromones, au taux d’humidité dans l’air, à la teneur en gaz carbonique
et à la température. Ces capacités permettent notamment de réguler le microclimat au
sein du nid (Clément et al. 2002).

21
- Le goût

Le goût est perçu par l’abeille grâce à trois organes : les pièces buccales, les antennes
et les tarses. Les antennes et les tarses sont sensibles au goût sucré, alors que le goût
oral peut distinguer le sucré, le salé, l’acide et l’amer. Ce goût développé intervient dans
la sélection des plantes butinées (Clément et al. 2002).

- L’ouïe

Les abeilles perçoivent les vibrations transmises par le support à l’aide d’une fine
membrane située sur les pattes antérieures et sont pratiquement insensibles aux
vibrations de l’air. Les antennes sont munies de deux types de récepteurs qui détectent
les vibrations émises lors des danses de communication (Clément et al. 2002).

- Le toucher

Le toucher est un sens développé chez l’abeille, grâce aux poils mécanorécepteurs
présent sur l’ensemble du corps. Ces sensilles renseignent sur l’environnement physique
de l’abeille. Elles interviennent également pour percevoir des informations relatives aux
flux d’air et à la gravité, utiles lors du vol. La perception de l’environnement par l’abeille
est complétée par la présence de particules magnétiques orientées transversalement
sur son abdomen : ceci lui permet d’utiliser le champ magnétique terrestre pour
s’orienter.

L’exploration volontaire est réalisée par les antennes, qui possèdent de nombreuses
sensilles mécanoréceptrices : les abeilles sont sans cesse en train de palper leur
environnement (Clément et al. 2002).

(4) Capacités cognitives


Les capacités cognitives de l’abeille ont été beaucoup étudiées et se montrent complexes
et variées.

Cet insecte est ainsi capable d’apprentissage, ceci est notamment montré avec le
réflexe d’extension du proboscis. En présentant une solution sucrée à une abeille,
celle-ci étend son proboscis par réflexe. Si on associe une odeur au stimulus de
présentation d’eau sucrée, après quelques essais, on obtient une extension du proboscis
uniquement avec présentation de l’odeur. L’abeille est donc capable d’apprentissage et
de mémorisation (Decourtye, Devillers, et al. 2004). De plus, si le stimulus appris lui est
présenté jusqu’à 2 semaines plus tard, le réflexe d’extension du proboscis est toujours
présent. Ceci témoigne de l’existence d’une mémoire à long terme en plus de sa
mémoire à court terme.

L’abeille dispose de capacités développées pour se repérer dans son environnement,


grâce à la lumière et au soleil, au champ magnétique et aux repères visuels. Ce sens de
l’orientation est associé à une bonne capacité de mémorisation et de cartographie : elle
peut transmettre précisément aux autres ouvrières de la ruche les sites avec des
ressources intéressantes.

L’action des insecticides néonicotinoïdes sur les capacités cognitives de l’abeille a été
démontrée. En diminuant les capacités d’apprentissage, de mémorisation et
d’orientation, la survie de la colonie entière peut être mise en péril (cf. p66) (Pisa et al.
2015).

22
e) Locomotion & orientation
(1) Locomotion
Le thorax porte tous les organes locomoteurs de l’abeille : les deux paires d’ailes et les
trois paires de pattes. Chez l’abeille, les deux paires d’ailes sont reliées entre elles par
des crochets, appelés hamuli, permettant la coordination des mouvements. Les ailes sont
animées par une puissante musculature à une cadence de 400 battements par seconde ;
un seul influx nerveux entraîne plusieurs contractions musculaires. L’ouvrière se
déplace en vol à une vitesse de 25 à 30 km/h, celle-ci diminue en fonction de son
chargement. Le vol est une activité coûteuse en énergie : l’abeille consomme une partie
du miel ou du nectar contenu dans son jabot pour fournir l’énergie nécessaire aux
muscles alaires, et peut aussi régurgiter des gouttes de liquide pour faire baisser sa
température corporelle (Clément et al. 2002).

(2) Orientation
Afin de s’orienter pour trouver des ressources florales ou pour retourner à la ruche,
l’abeille utilise en priorité la vue, complétée par les sens magnétique et olfactif.

En premier lieu l’abeille utilise la vue pour se repérer par rapport à la position du soleil
à n’importe quel moment de la journée. Elle est capable d’ajuster sa direction de vol en
fonction des mouvements du soleil. Par temps faiblement couvert elle utilise sa
perception du rayonnement solaire ultraviolet ; si le temps est très couvert, sa
position est évaluée grâce à la perception de la lumière polarisée. En l’absence de
lumière polarisée, elle peut s’orienter en identifiant des repères évidents du paysage
(ligne d’arbres par exemple) (Dyer, Gould 1981; Fischer et al. 2014; Henry et al. 2014).

La perception du champ magnétique terrestre pour l’orientation a également été mise


en évidence.

Lorsque l’abeille n’est plus trop éloignée c’est l’olfaction qui permet la reconnaissance
rapprochée des fleurs et le retour à la ruche. Les odeurs interviennent également lors
des danses et renforcent l’apprentissage des sources de butinage pour les autres abeilles
(Clément et al. 2002).

Les capacités d’orientation de l’abeille sont primordiales pour sa survie et impliquent


donc de nombreux mécanismes. Le comportement de retour à la ruche est d’ailleurs un
des paramètres utilisés dans les études sur les effets toxiques des pesticides (cf. p68).

f) Communication
(1) Par contact
Il existe une communication par contact, par exploration physique réalisée grâce aux
antennes. Ce mode de contact lui permet d’interagir avec des congénères mais aussi de
récolter des informations par échange de phéromones ou de particules, par trophallaxie.
Ce mode de communication est primordial chez les gardiennes : chaque arrivante est
palpée par les gardiennes, qui reconnaissent, ou non, la signature chimique propre à la
colonie et évitent ainsi les pillages par des abeilles « étrangères ».

(2) Par les phéromones


On distingue deux types de phéromones : les phéromones incitatrices, qui induisent
des comportements chez les abeilles qui les perçoivent et les phéromones
modificatrices, qui modifient leur physiologie.

23
Toutes les abeilles en émettent et ce dès leur plus jeune âge. Les chercheurs de l’Inra
d’Avignon ont identifié une dizaine de molécules phéromonales de couvain, grâce
auxquelles les larves communiquent à leur nourrice leur âge et leurs besoins. Le couvain
sécrète également une phéromone modificatrice qui ralentit le développement des
nourricières et allonge ainsi le temps passé aux soins du couvain. Les phéromones
d’alerte sont sécrétées à la sortie du dard d’une ouvrière, attirent les autres ouvrières et
les incitent à attaquer. Les phéromones de recrutement sont sécrétées par la glande de
Nasonov des ouvrières et servent à attirer les congénères soit vers la ruche soit vers un
point d’eau ou une source de nourriture. L’arsenal chimique de la reine est le plus riche,
c’est elle qui oriente le travail des ouvrières. La phéromone mandibulaire de la reine
permet ainsi d’attirer les ouvrières à soigner la reine, stimule le butinage, la sécrétion de
la phéromone de Nasanov, et inhibe la construction de cellules royales. C’est aussi une
phéromone modificatrice, qui inhibe le développement de l’appareil reproducteur des
ouvrières (Clément et al. 2002; Le Conte et al. 2014).

(3) Par la « danse des abeilles »


Les butineuses de retour à la ruche sont capables d’indiquer précisément à leurs
congénères la localisation d’une source d’eau ou de nourriture grâce à des danses de
plusieurs types exécutées à la surface des rayons. Ce sont les travaux de Karl von Frisch
et son équipe, récompensés du prix Nobel de médecine et physiologie en 1987, qui ont
permis de comprendre le langage des abeilles.

Les butineuses effectuent une danse en rond pour communiquer la direction de


ressources situées dans l’environnement immédiat de la ruche (moins de 80m de la
ruche). Les butineuses se déplacent en cercles sur les cellules des rayons, suivies des
ouvrières recrutées. La vigueur de la danse renseigne sur la concentration en nectar.
Pour compléter les informations, les ouvrières palpent les butineuses ou échangent le
nectar collecté par trophallaxie, afin d’obtenir des informations sur la plante butinée.

La danse oscillante ou danse en huit est utilisée pour indiquer la localisation des
ressources éloignées de plus de 80m du nid (cf. fig. 3). La butineuse décrit une course
en forme de huit, rythmée d’oscillations, vibrations du corps et bourdonnement. Sur les
rayons verticaux, la direction de la source de nourriture est donnée en un angle par
rapport à la verticale : si l’abeille va vers le haut, la source est située vers le soleil, si elle
va vers le bas, la source est en direction opposée au soleil, et l’angle de la direction de
l’abeille par rapport à la verticale donne l’angle entre la source et l’axe ruche-soleil.
Lorsqu’elle parcourt cet axe, l’abeille est animée de frétillement, dont la fréquence
indique la distance de la ruche à la source. La danse est ponctuée d’arrêts au cours
desquels se produisent des échanges de nectar avec les autres ouvrières.

Un dernier type de danse, la danse vibratoire dorso-ventrale ou danse des vibrations


est en relation avec la régulation de l’activité saisonnière et journalière de butinage
(Clément et al. 2002).

La communication par les danses est un phénomène complexe nécessitant l’intégration


d’un grand nombre de facteurs par le système nerveux. Toute perturbation de ce
comportement, comme les effets neurotoxiques des insecticides, privera la colonie
d’informations importantes pour la localisation de ressources nécessaires à sa survie.

24
Figure 3 Exemples de danse en huit en fonction de la position de la ressource par rapport à la ruche et au
soleil (Clément et al. 2002)

g) Reproduction
Les faux-bourdons et la reine sont les individus reproducteurs de la colonie. Les
ouvrières sont des femelles stériles car leur développement ovarien est inhibé par la
phéromone royale. Les glandes mandibulaires sont plus développées chez la reine que
chez l’ouvrière. Elles sécrètent la phéromone royale qui se répand parmi tous les
individus de la colonie. Son action est fondamentale pour la cohésion de la colonie
puisqu’elle « stérilise » les ouvrières en inhibant le développement ovarien, empêche la
construction de cellules royales et exerce un pouvoir attractif sur les ouvrières qui
viennent former une véritable cour autour de la reine pour la nourrir, la nettoyer etc.
Enfin, cette « substance royale » attire les mâles lors du vol de fécondation (Clément et
al. 2002).

(1) Le vol de fécondation


La reine effectue un vol de fécondation au début de sa vie. Elle est mature à 5-6j de vie,
et effectue son vol entre le 10ème et le 21ème jour : après cette période, son système
reproductif régresse et n’est plus réceptif. Ce vol se déroule à une dizaine de mètres de
hauteur dans des lieux de rassemblement de mâles parfois éloignés de la ruche de
plusieurs kilomètres. Les conditions météorologiques doivent être bonnes : 20°C au
minimum, peu de vent et ciel bleu sont nécessaires. Plusieurs accouplements successifs
rapides se produisent au cours du vol de fécondation. La reine accumule ainsi du sperme
de plusieurs individus différents provenant d’autres colonies, ce qui assure un brassage
génétique et limite la consanguinité. La reine peut effectuer plusieurs vols de
fécondation, jusqu’à ce que sa spermathèque soit remplie. Un seul vol de fécondation
permet la ponte d’œufs fécondés pendant plusieurs années. Les mâles, amputés d’une

25
partie de leur organe copulateur lors de l’accouplement, meurent peu de temps après
(Clément et al. 2002).

(2) La ponte
Après le vol de fécondation, la reine peut assurer la ponte pour le reste de sa vie, soit 1 à
2 ans. Elle pond au maximum 2 000 œufs par jour, et jusqu’à 200 000 en un an. La
ponte est maximale au printemps, régresse en été, peut reprendre à l’automne et
s’arrête complètement l’hiver s’il fait froid. Deux types d’œufs sont pondus : les œufs
fécondés, diploïdes, donneront des femelles, et les œufs non fécondés, haploïdes,
donneront des faux-bourdons. La quantité de sperme dans la spermathèque, et donc la
qualité du vol de fécondation, conditionne la fécondité de la reine. Lorsque celle-ci ne
pond plus assez, les ouvrières vont élever de nouvelles reines pour la remplacer.

Les ouvrières, sous certaines conditions, peuvent également pondre des œufs. En
l’absence de fécondation, ceux-ci donneront forcément des mâles. Dans une colonie en
bonne santé, ceux-ci seront cannibalisés (Clément et al. 2002).

(3) Développement
L’œuf pondu donne d’abord une larve puis une nymphe (ou pupe) qui se
métamorphose finalement en adulte (imago). L’œuf éclot au bout de trois jours en
moyenne pour donner une larve de type « asticot » (sans tête) nourrie par les nourrices
avant l’operculation des cellules. Après operculation des cellules (entre six et dix jours),
la larve commence à tisser un cocon et se métamorphose en pupe lors de sa dernière
mue. La nymphe ressemble extérieurement à l’imago (organes sensoriels, ailes, pattes
etc.) mais la maturité des organes n’est pas atteinte. La mue finale donne l’imago qui
détruit l’opercule avec ses mandibules afin de sortir de la cellule.

Les mues, la métamorphose et la croissance sont sous la dépendance de deux principaux


types d’hormones : l’ecdysone pour le contrôle de la mue et de la métamorphose,
l’hormone juvénile, sécrétée pendant le stade larvaire et impliquée dans le maintien
des caractères larvaires.

Les durées totales d’évolution de l’œuf à l’imago sont respectivement de 16, 21 et 24


jours pour la reine, l’ouvrière et le mâle ; il existe cependant des variations selon la
température d’élevage ou les disponibilités en nourriture (cf. fig. 4).

26
Figure 4 Schéma de développement des différentes castes : la reine (en haut), l'ouvrière (au milieu) et le faux
bourdon (en bas) (Clément et al. 2002)

La différenciation en ouvrière ou en reine à partir d’un œuf fécondé repose


essentiellement sur la qualité et la quantité de nourriture donnée. Les larves royales
sont nourries avec de la gelée royale, en quantité beaucoup plus importante. Les effets
de la différence d’alimentation ne se manifestent cependant pas pour des larves de
moins trois jours : en transposant une larve d’ouvrière de moins de trois jours vers une
cellule royale et en lui fournissant une alimentation adaptée celle-ci évoluera en reine
(Clément et al. 2002).

27
B. FONCTIONNEMENT D’UNE COLONIE
Le mode de vie des espèces sociales, dont font partie les abeilles domestiques, rendent
indispensable une bonne connaissance du fonctionnement de leur colonie.

1. ORGANISATION D’UNE COLONIE


L’abeille domestique est un insecte qui vit en colonie ou essaim. On peut assimiler une
colonie d’abeilles à un super organisme, c’est-à-dire une unité d’individus aux tâches
spécialisées, dont les interactions et la coopération sont indispensables à la survie de
tous les membres. Toutes les maladies ou tous les problèmes qui touchent une abeille
touchent la colonie entière, c’est donc à cette échelle qu’il faut l’étudier.

Dans une colonie, on distingue les formes juvéniles et immatures (œufs, larves et
nymphes) que l’on regroupe sous le terme de couvain, les abeilles adultes et les
provisions (miel, pollen,…). À l'état naturel, les abeilles sauvages s’installent dans
diverses anfractuosités situées généralement en hauteur, troncs creux, falaises,
constructions humaines dont les cheminées. À défaut, elles s’établissent à l'air libre, sous
une branche d'arbre. En apiculture, on utilise des ruches pour abriter les abeilles,
regroupées en ruchers (Clément et al. 2002).

2. LES DIFFERENTES CASTES


Une colonie d’abeille est composée de trois castes : la reine, les faux-bourdons
(autrement dit les mâles) et les ouvrières. Ils présentent des différences dans leur
morphologie, leur développement larvaire et leur espérance de vie. L’intérêt de la
division de la colonie en castes réside dans la répartition du travail.

a) La reine
La reine, seule représentante de sa caste, assure par la ponte la pérennité de la colonie.
C’est l’individu central sur lequel repose la cohésion du groupe, grâce à la sécrétion de
phéromones incitatrices et modificatrices. Elle est l’objet de tous les soins de la part des
ouvrières. On lit souvent dans la bibliographie qu’elle a une durée de vie de quatre à cinq
années en moyenne, cependant son espérance de vie se situe plutôt autour d’un an ou
deux aujourd’hui (Clément et al. 2002).

b) Les faux-bourdons
Les mâles ont pour seul rôle de s’accoupler avec une reine lors du vol de fécondation ;
ils ne participent en rien aux travaux de la ruche. Ce sont des individus haploïdes, issus
d’œufs non fécondés. On en compte 2500 dans une ruche l’été, mais aucun l’hiver.

Leur durée de vie est brève, entre 20 et 45 jours environ. En effet, après s’être accouplés
à la reine durant le vol nuptial, ils meurent aussitôt. Pour ceux qui ne se seraient pas
accouplés, une fois la période des vols nuptiaux terminée et dès que les réserves de la
ruche diminuent, les bourdons sont chassés. Les ouvrières les regroupent au fond de la
ruche puis les font sortir de cette dernière, parfois elles n’hésitent pas à les piquer pour
les supprimer (Clément et al. 2002).

c) Les ouvrières
Les ouvrières forment la majorité des individus de la ruche et en assument tous les
travaux : entretien du couvain, construction des rayons, récolte de nourriture etc. Elles
sont quarante à soixante mille en été, avec une espérance de vie de quelques semaines,
et cinq à dix mille en hiver, qui survivent quelques mois.

28
Figure 5 Emploi du temps de l'ouvrière (Clément et al. 2002)

29
Au cours de son existence, chaque ouvrière réalise une dizaine de tâches différentes :
elle débute par les travaux d’intérieur et ce n’est que dans les derniers jours qu’elle
butinera (cf. fig. 5). Les activités suivantes se succèdent :

- Nettoyage des cellules : pendant ses premières heures de vie l’ouvrière enlève les
débris (restes de cocons et de mues) des cellules et du fond de la ruche.

- Soins au couvain : la nourrice contrôle les cellules du couvain et elle alimente les larves.
L’alimentation est sélective en fonction de leur âge et de leur caste, caractéristiques
reconnues grâce aux phéromones émises par le couvain.

- Soins à la reine : ils sont réalisés pendant la même période que les soins au couvain,
soit entre 6 et 16 jours en moyenne. La reine est entourée constamment d’une cour de
six à dix ouvrières, qui l’inspectent avec leurs antennes et leurs pattes, la nettoient et la
nourrissent de gelée royale.

- Construction des rayons : au début, l’ouvrière ferme les cellules du couvain avec un
opercule de cire. La construction véritable des rayons est assurée par des ouvrières
généralement un peu plus âgées, dont les glandes cirières sont bien développées. Les
failles sont colmatées avec de la propolis, par des ouvrières de tous âges.

- Manipulation de la nourriture : les ouvrières manutentionnaires réceptionnent les


récoltes des butineuses. Le nectar est reçu par trophallaxie, il est ensuite exposé à l’air
pour l’évaporation d’eau pendant quelques minutes grâce à plusieurs extensions
successives du proboscis. Il est ensuite entreposé dans une cellule où l’évaporation
continue quelques jours (taux d’humidité final inférieur à 18%). Le pollen,
sommairement déposé par les butineuses, est tassé de façon compacte dans les cellules à
l’aide des mandibules après avoir été humidifié par un peu de salive et de miel régurgité.
Il se conserve ainsi des mois, c’est le pain d’abeille.

- Ventilation : le pic de cette activité se situe autour de l’âge de 18 jours. Il s’agit de


rafraîchir la ruche, de réguler l’hygrométrie et de faciliter l’évaporation de l’eau du miel.

- Gardiennage : les gardiennes surveillent d’éventuels prédateurs et identifient les


individus à l’entrée du nid et vérifient leur appartenance à la colonie, prêtes à donner
l’alerte et attaquer. Cette activité de contrôle est primordiale pour la survie de la colonie,
en évitant les pillages par d’autres abeilles en période de disette. En cas de menace, les
gardiennes libèrent une phéromone d’alerte, qui recrute d’autres ouvrières, et attaquent
en cas de nécessité.

- Butinage : c’est souvent la dernière activité avant la mort de l’abeille. Le pic d’activité
se situe autour de 23 jours. Les butineuses effectuent une dizaine de voyages par jour en
moyenne pendant quatre ou cinq jours, à la recherche de nectar, pollen, propolis et eau.
Grâce à leurs pièces buccales, les butineuses peuvent récolter du nectar ou du miellat et
le stocker dans leur jabot pour délivrer par la suite leur butin aux abeilles
manutentionnaires. Grâce à la corbeille à pollen située sur la dernière paire de patte, les
butineuses peuvent se charger de pollen sur les fleurs. Les abeilles se retrouvent
généralement aussi recouvertes de pollen car les soies qui recouvrent leur corps
retiennent ces particules. Certaines butineuses sont spécialisées en récolte d’eau. Une
colonie peut récolter jusqu’à 5 kg de nectar par jour, et chaque année, elle ramasse entre
20 et 30 kilogrammes de pollen.

30
- Particularités des ouvrières d’hiver : les ouvrières nées à l’automne assurent la survie
de la colonie au cours de l’hiver, grâce aux réserves de miel. L’hiver, il n’y a pas de
butinage et le couvain est de taille réduite voire absent. La principale tâche est la
thermorégulation : les abeilles se tiennent les unes contre les autres et contractent leurs
muscles thoraciques, ce qui permet de maintenir une température de 20-25°C dans la
ruche.

Certaines tâches nécessitent une spécialisation physiologique et morphologique ;


c’est le cas pour les nourrices ou les cirières pour lesquelles le développement de leur
appareil glandulaire est indispensable. D’autres au contraire peuvent être exécutées de
la même manière par toutes les ouvrières. Ce développement peut être adapté en
fonction des besoins de la colonie, grâce à l’action de différentes phéromones : on peut
citer l’exemple de la phéromone de couvain, qui ralentit le développement des ouvrières
nourrices si le couvain est développé (Clément et al. 2002).

3. ORGANISATION DE LA RUCHE
L’intérieur de la ruche est composé de rayons verticaux formés par des cellules
hexagonales de cire d'abeille. Ces cellules, ou alvéoles, abritent :

- au centre : le couvain non operculé (œufs, larves) et operculé (nymphes)


- à la périphérie : le pollen dans des alvéoles non operculées, au contenu mat, et du
miel dans les alvéoles operculées ou non encore operculées, au contenu brillant.

Le couvain est réparti au centre des rayons, le pollen est stocké à la proximité immédiate
du couvain, le miel en périphérie. Les cellules de mâles et royales sont plutôt en bord de
cadre. La disposition centrale du couvain facilite le travail des nourrices et la régulation
de la température.

Les abeilles bâtissent leur nid dans diverses cavités mais l’homme a de tout temps fourni
des cavités artificielles aux abeilles afin de récolter le miel plus facilement : paniers en
osier, troncs etc. Les premières ruches ne permettaient pas la récolte du miel sans
endommager sérieusement les rayons ou même parfois tuer les abeilles. C’est un
révérend américain, L.L. Langstroth, qui réalisa en 1851 la première ruche à cadres
mobiles autorisant une inspection des cadres, une récolte du miel plus facile et même la
mobilité des colonies. De nombreux perfectionnements ont vu le jour depuis pour
faciliter le travail de l’apiculteur (cire gaufrée, couteau à désoperculer, extraction du
miel par centrifugeuse…) (Clément et al. 2002).

4. LE CYCLE DE LA COLONIE
Le cycle de la colonie subit l’influence des saisons. En région tempérée, la ponte de la
reine démarre à la sortie de l’hiver et s’intensifie jusqu’en juin (elle peut atteindre 2000
œufs par jour) ; la population de la ruche est alors maximale, c’est le moment de
l’essaimage. Après une baisse au mois d’août due à la chaleur, la ponte reprend en
septembre pour fournir les abeilles d’hiver.

En été, les ouvrières ont une activité maximale et une durée de vie courte (de 13 à 38
jours, trois ou quatre semaines en moyenne).

A l’opposé, les abeilles d’hiver ont une activité réduite, leur métabolisme est bas, leur
durée de vie plus longue (140 jours en moyenne). Les colonies les moins fortes meurent

31
pendant l’hiver faute de réserves ; c’est particulièrement vrai dans les régions tempérées
où les durées de floraison sont faibles et les conditions climatiques parfois défavorables.

L’essaimage est le moyen de reproduction de la colonie par division, au cours duquel


une reine et un groupe d’ouvrières quittent le nid pour fonder une autre colonie.
L’essaim laisse dans la ruche le couvain, un tiers des ouvrières et des cellules royales
prêtes à éclore. Une jeune reine prendra la place de l’ancienne. L’essaimage se produit
souvent au printemps (mai-juin), lorsque la population est maximale, que la colonie se
sent à l’étroit et de préférence avec une reine vieillissante. Le grand nombre d’individus
dans la ruche diminue l’efficacité de la phéromone royale, ce qui déclenche l’élevage de
larves de reine quelques semaines avant l’essaimage. Ce phénomène est redouté par les
apiculteurs car il représente une perte de nombreuses ouvrières.

Le renouvellement des générations d’abeilles repose uniquement sur la reine. La


mort de celle-ci (manipulation, prédateur, maladie etc.) est un événement grave car il
peut conduire à la mort de la colonie entière si les ouvrières ne parviennent pas à élever
d’urgence une remplaçante. Dans les meilleures conditions (printemps, été), la
disparition de la reine provoque une cascade d’événements dans la ruche aboutissant à
la naissance puis la fécondation d’une nouvelle reine dans les quatre semaines. En cas
d’échec du remplacement de la reine, les ouvrières se mettent à pondre car le
développement ovarien n’est plus inhibé par les phéromones royales. Leurs œufs non
fécondés donnent tous des mâles : la ruche est dite bourdonneuse. Elle est vouée à la
mort, à moins que l’apiculteur n’introduise une nouvelle reine (Clément et al. 2002).

5. RECOLTE DE NOURRITURE
La nourriture de la colonie est récoltée par les butineuses qui visitent les fleurs à la
recherche de nectar et pollen ou de plantes productrices de miellat. Même au sein des
ouvrières butineuses, le travail est divisé et organisé en fonction des besoins de la
ruche et de son environnement.

Les ouvrières font face à une grande variété de ressources de nectar et pollen, en qualité
et en quantité. Elles doivent cibler leurs recherches et sélectionner les plantes les plus
rentables. Les plantes bonnes productrices de nectar sont nombreuses ; par exemple la
phacélie, la sauge, le thym, la lavande, l’acacia, le tilleul ou le pommier. Quant au pollen,
elles manifestent des préférences marquées pour certaines fleurs : elles ignorent ainsi le
pollen de conifères, pourtant très abondant. De nombreuses plantes sont sources de
pollen attractif pour les abeilles, par exemple le coquelicot, les cistes (régions
méditerranéennes), certaines Fabacées et Astéracées, le maïs et certains arbres (érable,
buis, orme, châtaignier, hêtre, noisetier, arbres fruitiers). Des ouvrières éclaireuses
cherchent les nouvelles sources de nourriture, puis communiquent leur localisation et
leur nature aux butineuses grâce aux danses. Celles qui représentent le meilleur
compromis entre qualité et éloignement seront choisies.

Le rayon de butinage autour de la ruche s’étend en moyenne entre 1000 et 1500m. Ces
distances peuvent s’accroitre considérablement en fonction des ressources, à 3 ou 4km
de la ruche. A l’échelle de l’individu chaque ouvrière récolte assez spécifiquement du
nectar ou du pollen, sur 10 à 15 voyages quotidiens en moyenne. Au cours de ses
voyages successifs, elle a tendance à butiner les fleurs de la même espèce et ce jusqu’à
épuisement de la ressource ou l’identification de ressources plus intéressantes. Les
fleurs sont explorées méthodiquement et une même zone peut être visitée pendant

32
plusieurs jours consécutifs par la même ouvrière, à la même période de la journée (en
s’accordant au rythme de production du nectar). L’ouvrière gagne en expérience à
chaque visite et passe ainsi de moins en moins de temps à exploiter chaque fleur.
L’avantage est aussi du côté végétal car les visites successives aux fleurs d’une même
espèce facilitent la pollinisation croisée. Si chaque abeille prise individuellement se
concentre sur une espèce florale, la colonie, à son échelle, exploite un grand nombre de
ressources différentes.

Les conditions climatiques influent grandement sur l’activité de butinage : la


température doit être suffisante (supérieure à 12°C), et le vent, la pluie et la baisse
d’intensité lumineuse diminuent les visites. Les butineuses sont tout de même capables
de travailler sous de mauvaises conditions météorologiques, si la qualité et l’abondance
des ressources le justifient.

A l’échelle de la colonie, le butinage est régulé de façon complexe. En effet les besoins
sont constamment évalués et les recherches adaptées. Par exemple, un fort taux de
ponte de la reine et un couvain de grande taille signifient des besoins en pollen
importants. L’adaptation au plus juste des besoins repose sur une communication
parfaite entre les individus (Clément et al. 2002).

Le comportement de butinage subit donc de nombreuses influences : qualité des


ressources florales, conditions climatiques et surtout besoins de la colonie. Il est
fondamental de connaître le comportement de butinage pour comprendre l’exposition
aux insecticides. Deux modes de contamination se distinguent : les butineuses sont en
contact direct avec les cultures traitées, et elles peuvent ramener nectar et pollen
contaminés à la ruche, et ainsi exposer les autres individus de la colonie.

C. APICULTURE
Depuis des millénaires, l’Homme a su tirer profit des différentes productions des abeilles
et a appris à domestiquer cette espèce. Les intérêts sont variés, des denrées alimentaires
comme le miel aux utilisations thérapeutiques, en passant par la pollinisation de
certaines cultures.

1. PRODUITS DE LA RUCHE
Le miel et la cire, mais aussi la gelée royale, la propolis et le venin, les produits de la
ruche sont nombreux. Depuis toujours l’homme récolte le miel. Pendant très longtemps
il constituait avec les fruits l’un des seuls produits sucrés disponibles, ce qui en faisait un
produit précieux et recherché.

a) Le miel
Le miel est la principale production apicole. Il est consommé tel quel ou incorporé dans
des produits dérivés (hydromel, nougat, bonbons etc.). C’est un aliment très riche en
sucres (majoritairement du fructose et du glucose), avec une teneur en eau de 17%. Ses
caractéristiques (couleur, consistance, arômes,…) varient selon les fleurs butinées.

b) Le pollen
Le pollen, source de protéines pour l’abeille, l’est aussi pour l’homme en complément
alimentaire. Pour sa récolte, des trappes à pollen destinées à décrocher les pelotes des
butineuses sont mises en place à l’entrée des ruches. Le pollen est ensuite séché et
nettoyé avant son conditionnement en pot, ou bien congelé, ce qui préserve mieux tous

33
ses composants. Sa composition est riche en protéines, et glucides, ainsi qu’en différents
oligoéléments (vitamines A, B1, C, E, …). Ceci en fait un complément alimentaire indiqué
en cas de fatigue, de troubles gastroentérologiques et génito-urinaires (Clément et al.
2002).

c) La gelée royale
La gelée royale est un très riche complément alimentaire. La composition est assez
proche de celle du pollen, dont elle est issue par une sorte prédigestion des ouvrières. La
gelée royale est encore plus riche en protéines que le pollen, sous forme d’acides aminés,
et elle contient comme lui de nombreux oligoéléments. C’est un produit stimulant,
indiqué en cas de fatigue, de dysorexie, ou encore de convalescence. Sa production en
petites quantités requiert des méthodes d’élevage particulières ainsi que des techniques
d’extraction sophistiquées, ce qui rend son prix très élevé (Clément et al. 2002).

d) La cire
La cire est élaborée par les glandes cirières, des formations paires situées sur l’abdomen
ventral, uniquement chez les ouvrières. Un processus biochimique complexe et très
consommateur d’énergie est nécessaire pour produire de la cire à partir de nectar ou de
miel. La majorité de la cire récoltée est rendue aux abeilles par les apiculteurs sous
forme de feuilles de cire gaufrée aidant ainsi à la construction des rayons. Les produits
dérivés (bougies, enduits) sont nombreux et la cire est utilisée dans les industries
cosmétique et pharmaceutique (Clément et al. 2002).

e) La propolis
Dans la ruche, elle est utilisée comme matériau de construction surtout. La propolis est
composée de résine récoltée sur certains arbres majoritairement, mélangée à de la cire,
du pollen et des huiles essentielles. Les proportions peuvent être très variables vues les
origines diverses de ce produit. Les molécules d’intérêt sont extraites pour être
exploitées : ce sont des flavonoïdes ainsi que divers composés phénoliques et
aromatiques. La propolis peut être incorporée dans des spécialités pharmaceutiques ou
cosmétiques. On lui connaît des propriétés antibactériennes, antifongiques, cicatrisantes
et anti-inflammatoires. Ce produit est indiqué en oto-rhino-laryngologie, en
stomatologie et en dermatologie et il entre dans la composition de certains cosmétiques.
Elle serait de plus un des composants du vernis des Stradivarius, formule gardée secrète
(Clément et al. 2002).

f) Le venin
Le venin est produit par les glandes associées à l’appareil génital de la femelle. Une
ouvrière mature en possède 100 à 150µg. Il est utilisé en médecine, dans la lutte contre
les rhumatismes, et en industrie chimique dans la production de phospholipase A2. La
production de venin est une activité apicole très particulière, pratiquée par quelques
apiculteurs spécialisés, dans des zones peu peuplées, en raison des risques associés à
l’agressivité déclenchée chez les abeilles pour l’obtenir (Clément et al. 2002).

Le miel n’est donc pas le seul produit d’intérêt de la ruche, les substances produites sont
variées, et sans équivalent. L’utilisation des produits de la ruche en médecine alternative
est appelé apithérapie ; cette médecine naturelle rencontre de plus en plus de succès.

34
2. ABEILLE ET POLLINISATION
La pollinisation est un autre aspect intéressant de l’apiculture, en plus de son
importance fondamentale d’un point de vue environnemental.

a) Principe de la pollinisation
La pollinisation se définit comme le transport des grains de pollen des anthères sur
le stigmate des fleurs. Selon que le pollen reste sur la même plante ou bien passe sur
une autre, on parle d’autopollinisation ou d’allopolinisation. De nombreuses espèces
végétales hermaphrodites nécessitent une pollinisation croisée, l’allopollinisation est
ainsi le mode le plus répandu chez les plantes à fleurs. Elle autorise un brassage
génétique important par la mise en commun des génomes de deux individus différents,
mais nécessite le passage du pollen d’un individu à l’autre. Ce transport peut s’effectuer
par des facteurs physiques (pesanteur, eau, vent) ou par des agents biologiques
(insectes, oiseaux ou mammifères).

Les espèces pollinisées grâce au vent sont qualifiées d’anémophiles, c’est le cas de la
grande majorité des Gymnospermes et de 20% des Angiospermes. La nécessité pour
certaines espèces d’être pollinisées par les animaux est nommée zoogamie. Un très
grand nombre d’espèces animales différentes sont retrouvées sur les fleurs mais toutes
n’en assurent pas la pollinisation : pour cela les visites doivent être régulières,
nombreuses, et ne pas léser la fleur. L’odeur ainsi que l’aspect visuel des fleurs facilitent
le repérage par les animaux. Contrairement aux espèces anémophiles, les fleurs des
espèces zoogames sont généralement bien visibles : elles sont soit de grande taille, soit
regroupées en de larges inflorescences ; les couleurs sont vives, se détachent de
l’arrière-plan. Les odeurs émises sont variées : très agréablement parfumées ou au
contraire mimant la matière en décomposition pour attirer les mouches
(sapromyophilie). Le contraste au sein de la fleur (présence de lignes, taches de couleurs
différentes) et la texture de celle-ci guident l’insecte vers les ressources de nectar et
pollen (Clément et al. 2002).

b) Place d’Apis mellifera parmi les animaux


pollinisateurs
On compte 200 000 espèces d’animaux pollinisateurs, qui contribuent à la survie de
80% des espèces végétales (Le Conte et al. 2014). Les Vertébrés pollinisateurs sont
des Mammifères (chauves-souris surtout et certains marsupiaux (Polturat 2015)) et des
Oiseaux. Ils ne sont pas présents en Europe.

Les pollinisateurs les plus importants à la fois par leur nombre, leur diversité et le
nombre d’espèces pollinisées appartiennent à la classe des Insectes ; parmi les insectes,
les Coléoptères, Diptères, Lépidoptères et Hyménoptères sont les principaux. Ce sont
les abeilles (Hyménoptères, Apoïdes), qui constituent les pollinisateurs les plus
efficaces. Les espèces solitaires sont bien moins connues du grand public que l’abeille
domestique ou les bourdons. Elles représentent pourtant la grande majorité des abeilles
et leur rôle dans la pollinisation des espèces sauvages et cultivées, bien que difficilement
estimable, n’est plus à démontrer. Dans la famille des Apidés (espèces sociales) les
bourdons sont des pollinisateurs familiers et efficaces (Clément et al. 2002; Le Conte et
al. 2014).

L’abeille est l’insecte pollinisateur le mieux connu. A part pour quelques espèces de
bourdons ou d’abeilles solitaires, c’est même le seul insecte que l’homme ait

35
véritablement réussi à « domestiquer » et à utiliser pour l’apiculture et la pollinisation
des cultures. L’abeille domestique ne doit pas pour autant occulter le rôle primordial des
autres animaux qui interviennent dans la pollinisation des espèces sauvages et cultivées
de toutes les régions du monde.

La pollinisation par l’homme est possible, et réalisée notamment en Chine sur les
cultures de pommiers : l’absence d’insectes pollinisateurs a rendu ce travail fastidieux
nécessaire dans certaines régions, et est un exemple frappant des conséquences du
déclin non seulement des abeilles domestiques, mais aussi de tous les insectes
pollinisateurs (Clément et al. 2002).

c) Pollinisation des cultures


Une partie de l’activité apicole est tournée vers l’utilisation des colonies pour
polliniser des cultures ciblées (Mengoni Goñalons, Farina 2015). L’intérêt est double :
pour l’apiculteur, qui propose à ses colonies des environnements riches en ressources,
et pour l’agriculteur, qui améliore le rendement et la qualité de ses productions.
Beaucoup de cultures nécessitent, à des degrés divers, l’intervention des insectes pour
assurer leur pollinisation, que ce soit en plein air ou sous serre.

La pollinisation efficace des insectes (très souvent l’abeille domestique) a une action
démontrée sur les rendements de nombreuses récoltes. Dans le cas des grandes cultures
oléagineuses et protéagineuses, le rendement est amélioré en termes de quantité : c’est
le cas de la luzerne (production de graines), du colza et du tournesol. Ces deux dernières
sont particulièrement attractives pour l’abeille domestique et ont un intérêt mellifère.
Pour les arbres fruitiers c’est souvent la qualité des fruits (taille, forme, conservation)
qui dépend d’une bonne pollinisation. L’abeille est ainsi indispensable chez le pommier,
le poirier, le cerisier, l’amandier et le prunier. La production de petits fruits (groseilles,
cassis, fraises, framboises…) et certaines cultures maraîchères (courgette, melon,
concombre…) requièrent aussi des insectes pollinisateurs (Tasei 1996; Brittain, Potts
2011).

La connaissance des caractéristiques de la culture cible et ses besoins en pollinisation


sont primordiaux pour l’agriculteur et l’apiculteur. Le dialogue entre les deux parties est
indispensable dans cette activité afin optimiser l’efficacité de la pollinisation. Ils doivent
ainsi se mettre d’accord sur la charge en colonies par hectare de culture cible, la
disposition des colonies, le calendrier d’apport et de retrait des colonies. Par exemple,
pour les arbres fruitiers dont la floraison est assez brutale et courte, il faut apporter
rapidement une charge de colonies importante ; pour les cultures de colza ou de
tournesol, cet aspect est moins contraignant puisque la floraison s’étale sur plusieurs
semaines. La conduite de la culture cible pendant la présence des ruches est également
un point à discuter. Ceci est important à considérer dans notre étude, puisque
l’utilisation de produits phytosanitaires comme les néonicotinoïdes pendant cette
période entraîne une exposition très importante des butineuses.

Plusieurs études, utilisant des approches différentes, ont été réalisées afin de chiffrer
l’incidence économique de l’abeille en agriculture. Il est pourtant difficile, par
quelque méthode que ce soit, d’étudier isolément l’impact de l’abeille dans
l’augmentation des rendements car ceux-ci sont soumis à un grand nombre d’influences.
Citons l’étude menée par l’INRA en 2009, qui a estimé la valeur de la pollinisation à 153
milliards d’euros à l’échelle mondiale. En France, elle représenterait 2.8 milliards
d’euros (Le Conte et al. 2014). Les différentes études menées sont critiquables et
36
difficilement comparables, cependant toutes s’accordent à dire que l’impact économique
de l’abeille dans la pollinisation des cultures est gigantesque et dépasse largement la
valeur économique des produits de la ruche.

L’abeille joue un rôle prépondérant grâce au grand nombre de ruches disponibles et à


leur mobilité. Il ne faut pas pour autant négliger l’impact des autres pollinisateurs. Les
bourdons sont de plus en plus utilisés, surtout pour la pollinisation des cultures sous
serres (tomates, aubergines surtout) (Clément et al. 2002).

3. FILIERE APICOLE FRANÇAISE


Les apiculteurs peuvent être classés en trois catégories : les amateurs qui possèdent
moins de trente ruches, les pluriactifs pour lesquels l’apiculture procure une partie de
leurs revenus, et les professionnels qui exploitent plus de 150 ruches. La France
(métropole et DOM-TOM) compte en 2010, 1 million de ruches et plus de 40 000
apiculteurs. Les apiculteurs familiaux représentent 91% des acteurs, et 4% seulement
sont des apiculteurs professionnels, mais ceux-ci détiennent 55% des ruches (avec 338
unités par apiculteur en moyenne).

Le métier est en nette régression puisqu’on compte environ 40 000 apiculteurs de


moins en 2010 par rapport à 2004 ! La baisse est marquée surtout pour les petits
producteurs, mais concerne l’ensemble de la filière. Le nombre total de ruches diminue
également, avec une perte de 20% sur la même période.

La production française de miel est difficile à évaluer à cause des aléas climatiques, des
disparités régionales, des différentes stratégies commerciales et de la transhumance des
ruches. Elle paraît relativement stable sur la période 1997-2003, même si la plupart des
acteurs de la filière évoque une tendance à la baisse. Entre 2004 et 2010, la production
nationale a diminué de 28%, avec un rendement moyen de 27 kg/ruche, rendement qui
a également tendance à diminuer (Alim’agri 2013; Bova 2012).

Les apiculteurs avancent quelques hypothèses pour expliquer la baisse ressentie des
rendements et de production : les bouleversements climatiques au long terme peuvent
en être une, mais surtout l’évolution de l’environnement apicole les préoccupe, avec
l’urbanisation, l’appauvrissement en plantes mellifères (monocultures, arrachage des
haies, herbicides notamment) et l’utilisation de produits phytosanitaires (Clément et al.
2002).

En conclusion de cette première partie, l’étude de l’abeille domestique est donc


indissociable de l’étude de sa colonie, qualifiée de super-organisme. L’abeille a une
importance primordiale, en assurant la pérennité de toute la filière apicole, en
garantissant les rendements de certaines cultures ainsi qu’en participant au maintien
de la biodiversité. Ses caractéristiques biologiques, l’organisation précise de la colonie
et les échanges constants avec le milieu extérieur rendent cette espèce très sensible à
d’éventuelles intoxications d’origine environnementale. Les produits phytosanitaires
employés sur les cultures visitées par les abeilles, dont les néonicotinoïdes sont les
premiers représentants, doivent donc être parfaitement connus et leur utilisation
maîtrisée.

37
38
II. CARACTERISTIQUES ET UTILISATION DES NEONICOTINOÏDES

Les néonicotinoïdes sont des insecticides très largement utilisés et dont les ventes ne
cessent d’augmenter depuis leur apparition sur le marché dans les années 90. Ce sont
des agonistes des récepteurs à l’acétylcholine (nAChR), qui présentent une toxicité
sélective des invertébrés. Leurs caractéristiques physico-chimiques les rendent très
persistants dans l’environnement.

A. CADRE D’UTILISATION
L’arrivée des néonicotinoïdes a été un succès commercial faisant suite à des années de
recherches. Ils sont aujourd’hui très largement utilisés en milieu agricole et pour
d’autres usages non-agricoles.

1. HISTORIQUE
Les premières molécules appartenant à la famille des néonicotinoïdes ont été
synthétisées dans les années 70. Le terme de « néonicotinoïde » a été proposé par le
chercheur japonais Izuru Yamamoto pour différencier cette famille des anciens
« nicotinoïdes », c’est-à-dire les plantes contenant de la nicotine, utilisées comme
insecticides depuis le XVIIIe siècle (Jeschke, Nauen 2008; Matsuda et al. 2001).

Le pouvoir insecticide des premières molécules testées était cependant très faible, les
recherches ont donc été poursuivies pour identifier les groupes chimiques actifs et
synthétiser des molécules avec une meilleure activité. La nithiazine fut l’une des
premières molécules d’intérêt présentant une activité insecticide satisfaisante, une
distribution systémique dans les plantes, et une toxicité faible chez les vertébrés. Mais
elle était rapidement dégradée par hydrolyse ou photolyse, rendant impossible son
utilisation agricole. Environ 2 000 molécules ont été testées avant la découverte de
l’imidaclopride par Shinzo Kagabu et sa mise sur le marché en 1991 par Bayer
CropScience. La famille s’est ensuite agrandie et compte aujourd’hui sept composés
commercialisés : l'imidaclopride et le thiaclopride (développés par Bayer
CropScience), la clothianidine (Bayer CropScience et Sumitomo), le thiaméthoxame
(Syngenta), l’acétamipride (Nippon Soda), le nitenpyram (Sumitomo), et le
dinotéfurane (Mitsui Chemicals). Un huitième composé, le sulfoxaflor, a récemment
été mis sur le marché en Chine et aux Etats-Unis et a été examiné par l'Autorité
européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour approbation dans l'Union européenne.
En Chine, de nouveaux composés néonicotinoïdes sont développés et testés (par
exemple, le guadipyr et le huanyanglin) et sont proches de leur mise sur le marché.
(Jeschke et al. 2011; Simon-Delso et al. 2015)

L’arrivée des néonicotinoïdes sur le marché des pesticides insecticides a été un succès
immédiat pour plusieurs raisons (Jeschke, Nauen 2008; Simon-Delso et al. 2015) :

- il n’y avait pas de résistances connues à ces pesticides chez les ravageurs,
contrairement aux organophosphorés, carbamates et pyréthrinoïdes ;
- leurs propriétés physico-chimiques les rendaient plus intéressantes par rapport
aux générations précédentes d’insecticides : ils sont actifs en quantités
beaucoup plus faibles que les autres familles, leur utilisation en enrobage des
semences plutôt qu’en pulvérisation limite le gaspillage, et ils ont une
distribution systémique ;

39
- ils présentent une faible toxicité pour l’utilisateur et les espèces non cibles
(autres que les arthropodes) grâce à leur mode d’action très sélectif des insectes.

Ils sont ainsi devenus les insecticides les plus largement utilisés parmi les 5 grandes
classes chimiques, devant les organophosphorés, les carbamates, les phénylpyrazoles et
les pyréthrinoïdes. Les néonicotinoïdes ont trouvé des applications en milieu agricole,
en jardin d’amateur et en usage domestique pour lutter contre certains nuisibles,
ainsi que dans le domaine vétérinaire avec le contrôle des parasites externes des
animaux domestiques (Jeschke et al. 2011).

2. UTILISATION
a) Obtention des AMM
Pour toute commercialisation d’un nouveau produit à base de néonicotinoïde, le
fabricant doit obtenir une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Il doit pour cela
soumettre un dossier démontrant :

- l’efficacité culturale ;
- l’innocuité pour l’Homme ;
- l’innocuité pour les animaux et l’environnement ;
- la conformité avec les législations nationale et européenne.

En ce qui concerne les abeilles, les essais d’écotoxicité réalisés comprennent : des études
en laboratoire, conduisant à la détermination d’une dose létale 50 (DL50), ainsi que des
études sous tunnel et sur le terrain utilisant le produit à la dose revendiquée sur les
cultures concernées ou sur des cultures attractives pour l’abeille (Clément et al. 2002).

L’EFSA évalue et autorise les substances actives utilisables dans les produits
phytosanitaires. Ainsi il existe une liste de substances autorisées pour chaque type de
production : céréalière, arboricole, maraîchère ou pépinière. Puis les Etats membres
évaluent et autorisent les produits phytosanitaires en eux-mêmes. L’UE est divisée en
trois zones de conditions pédo-climatiques et agronomiques comparable. Ainsi, la
France fait partie de la zone sud avec la Bulgarie, Chypre, la Grèce, l’Italie, Malte,
l’Espagne et le Portugal. Une reconnaissance mutuelle existe entre les Etats d’une
même zone : si la demande est faite, un produit autorisé dans l’Etat d’une zone sera
automatiquement autorisé dans tous les Etats de cette zone.

En France, ces dossiers sont évalués par l’ANSES. Des experts internes et externes à
l’agence vérifient la validité scientifique des données fournies puis évaluent l’efficacité
du produit ainsi que les risques associés à son utilisation. Une AMM peut alors être
délivrée en précisant les conditions d’utilisation, avec une validité maximale de 10 ans
renouvelables (ANSES 2016a).

b) Usage agricole
(1) Intérêts
Les néonicotinoïdes représentent aujourd’hui la famille d’insecticides la plus utilisée
dans le monde. L’utilisation en tant qu’insecticide à usage agricole est la part la plus
importante des ventes. Ils sont utilisés en pulvérisation et enrobage de semences pour
leurs effets insecticides contre de nombreux nuisibles, même résistants à d’autres
familles d’insecticides, comme les pucerons, les thrips, les termites, les aleurodes, les
taupins et certains scarabées. Leur usage s’est très rapidement répandu dans le monde
sur les cultures de riz, céréales, maïs, tournesol, pommes de terre, coton, betterave à
40
sucre et sur les arbres fruitiers et les cultures maraîchères. Les modes d’utilisation sont
variés : semences enrobées, traitement des sols et pulvérisation principalement, mais
aussi application à la base de troncs d’arbres, injection des troncs d’arbre et des
bourgeons, ou encore trempage et chimio-irrigation pour les cultures sous serre.
L’utilisation n’est pas uniquement professionnelle, les néonicotinoïdes se retrouvent
aussi dans des produits à usage domestique pour la lutte contre certains nuisibles
comme les termites, les blattes ou les fourmis (Casida, Quistad 2004; Jeschke et al. 2011;
Bonmatin et al. 2015; Goulson 2013).

(2) Quelques chiffres


Les néonicotinoïdes sont autorisés dans plus de 120 pays à travers le monde. En 2008,
ils représentaient un marché d’1,7 milliards d’euros, soit un quart de l’ensemble des
insecticides, devant les organophosphorés (13%) et les carbamates (11%). Ils dominent
largement le marché des graines enrobées : au moment de leur commercialisation les
graines enrobées représentaient 155 millions d’euros au total et en 2008 ce montant est
passé à 957 millions d’euros, représentés à 80% par les néonicotinoïdes (cf. fig. 6). Dans
la même année, l'imidaclopride est devenu l’insecticide le plus vendu au monde et le
deuxième des ventes de pesticides (le glyphosate étant le plus vendu). Parmi les
néonicotinoïdes, l’imidaclopride est le représentant majeur, insecticide le plus vendu au
monde et représentant 42% des ventes de néonicotinoïdes, devant le thiaméthoxame, la
clothianidine, l’acétamipride, le thiaclopride, le dinotefurane et enfin le nitempyrame.
(Nauen, Jeschke, Copping 2008; Girolami et al. 2009; Jeschke et al. 2011; Sánchez-Bayo,
Hyne 2014; Simon-Delso et al. 2015)

Figure 6 Répartition du marché mondial des insecticides global (à gauche) et pour les graines enrobées (à
droite), et évolution entre 1990 et 2008. Neonicotinoids = néonicotinoïdes ; OPs = organophosphorés ; fiproles =
fipronil ; pyrethrinoids = pyréthrinoïdes ; others = autres (Jeschke et al. 2011).

c) Usage vétérinaire
Les néonicotinoïdes sont des insecticides rapides et avec des effets très sélectifs : leur
utilisation chez les animaux domestiques est intéressante. Les AMMs concernent les
infestations par les puces chez le chat, le chien et le lapin. Elles concernent
l’Advantage®, le Clearspot®, le Capstar® et le Midaspot®. Le spectre d’action peut être

41
complété par un pyréthrinoïde pour agir également contre les tiques, les moustiques, les
phlébotomes et les mouches piqueuses chez le chien et le chat : on trouve dans ce
groupe l’Advantix®, l’Ataxxa®, le Seresto®, le Vectra 3D® et le Tickgard®. Enfin, une
association avec la moxidectine élargit le spectre aux parasites internes du chat, du
chien et du furet : on trouve dans cette catégorie l’Advocate® (ANSES 2016b; Hovda,
Hooser 2002; Jeschke et al. 2011).

3. EVOLUTION DE LA REGLEMENTATION EN FRANCE


Les préoccupations relatives à la contamination de l’environnement et plus
particulièrement les risques liés à l’exposition des pollinisateurs comme les abeilles ont
conduit à plusieurs réévaluations et à des modifications dans les autorisations des
différents produits néonicotinoïdes.

Très rapidement après leur mise sur le marché, les néonicotinoïdes, et principalement
l’imidaclopride contenu dans le Gaucho®, ont été mis en cause par les apiculteurs. En
effet, à partir de 1994, ceux-ci ont rapporté des cas alarmants de mortalité aiguë et
massive en été, pendant la période de floraison des tournesols. Les abeilles
disparaissaient ou bien étaient retrouvées mortes par centaines devant les ruches. Des
signes comportementaux comme des tremblements ou une extension permanente du
proboscis étaient observés (Maxim, van der Sluijs 2010, 2013). Des études
complémentaires ont été réalisées par Bayer mais aussi par des chercheurs
indépendants pour compléter les résultats présents dans le dossier d’autorisation. Les
résultats, sans apporter de démonstration complète, ont conduit à l’application du
principe de précaution. Ainsi, en 1999, le Ministre de l’agriculture s’est appuyé sur l’avis
émis par la Commission d’étude des toxiques, et a suspendu l’AMM du Gaucho en
traitement des semences de tournesol. Cette interdiction a été renouvelée en 2001 pour
2 ans puis en 2004 pour 3 ans, en s’étendant aux semences de maïs. La contestation de la
firme Bayer en 1999 a été déboutée par le Conseil d’Etat (Clément et al. 2002; Maxim,
van der Sluijs 2010). Les restrictions d’utilisation vont plus loin en 2013. Suite aux avis
émis par les groupes d’études de l’EFSA (EFSA 2013b, 2013c, 2013d), la Commission
européenne interdit l’utilisation de l’imidaclopride, du thiaméthoxame et de la
clothianidine en traitements des semences et des sols pour 2 ans (UE 2013). Cette
période de 2 ans est écoulée, mais pour l’heure la Commission Européenne n’a pas émis
de nouveau règlement.

En 2015, l’EFSA a publié de nouveaux documents d’évaluation prenant en compte les


derniers résultats relatifs au risque posé par l’utilisation d’imidaclopride, de
clothianidine et de thiaméthoxame pour tous les modes d’application excepté sous
forme de graines enrobées (EFSA 2015a, 2015b, 2015c). Des travaux concernant la
réévaluation du risque posé par les graines enrobées sont en cours (EFSA 2016). En
France, l’ANSES a également publié début 2016 un rapport sur l’évaluation des risques
des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs (ANSES 2016c). Ces études de risque ne
concluent jamais à l’absence de risque : selon les utilisations soit un risque est
présent, soit un risque ne peut être exclu, soit trop de données sont manquantes pour
conclure.

Ainsi, depuis leur apparition, la règlementation autour des néonicotinoïdes fait débat :
aux niveaux français et européen, leur autorisation est régulièrement réévaluée. En
France, un projet de loi a finalement été validé en août 2016 après de nombreux débats

42
à l’Assemblée nationale et au Sénat, et prévoit l’interdiction totale des
néonicotinoïdes sur les cultures entre 2018 et 2020 (Journal Officiel 2016).

Les néonicotinoïdes sont leader sur le marché des insecticides depuis leur apparition
sur le marché il y a 25 ans. Ils sont très appréciés en milieu agricole pour leur efficacité
à faible dose et leur faible toxicité pour l’Homme. On les retrouve également en usage
domestique pour traiter les plantes d’ornement ainsi que sur les animaux
domestiques pour lutter contre les parasites externes. Leur large utilisation fait
cependant débat, et les réévaluations et restrictions d’utilisation se succèdent
depuis 1999, allant jusqu’au vote de leur interdiction en 2016 en France.

B. CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES
Leur structure chimique est à l’origine de leurs propriétés communes. Ces
caractéristiques physiques conditionnent leur devenir dans l’environnement et
déterminent leur mode d’action sélectif des Insectes.

1. STRUCTURE CHIMIQUE
La structure des néonicotinoïdes se divise en 3 segments (cf. fig. 7) (Iwasa et al. 2004;
Jeschke, Nauen 2008; Jeschke et al. 2011):

- (i) un groupe « R1 » et « R2 », cyclique (imidaclopride, thiaméthoxame,


thiaclopride) ou acyclique (acétamipride, nitempyram, clothianidine,
dinotefurane) ;
- (ii) un cycle « A » de 5 ou 6 atomes, avec un atome de chlore ;
- (iii) un groupe fonctionnel cyano ou nitro « [X-Y] », indispensable à l’activité
insecticide.

Figure 7 : Structure des néonicotinoïdes (Jeschke, Nauen 2008)

En fonction de ce groupe fonctionnel, on peut classer les molécules selon des propriétés
physiques communes (cf. fig. 8) (Jeschke, Nauen 2008) :

- les nitroimines : thiaméthoxame, dinotéfurane nithiazine, imidaclopride,


clothianidine et nitempyram ;
- les cyanoimines : thiaclopride et acétamipride.

43
Le pouvoir insecticide est également corrélé à la structure chimique (Iwasa et al. 2004;
Decourtye, Devillers 2010; Matsuda et al. 2001) :

- les molécules avec un cycle « A » à 5 atomes de carbone sont moins puissantes


que celles avec un cycle à 6 atomes ;
- la présence des substituants oxygène, sulfure ou nitrogène augmentent l’action
insecticide ;
- les molécules nitrosubstituées présentent une meilleure action insecticide que les
cyanosubstituées.

Figure 8 Formules planes des principaux néonicotinoïdes.


D’après Simon-Delso et al. (2015), Environ Sci Pollut Res

2. PROPRIETES PHYSIQUES
a) Poids moléculaire
Le poids moléculaire des néonicotinoïdes est compris entre 250 et 300g/mol, ce qui en
fait des insecticides de bas poids : à titre de comparaison, le poids du fipronil, un autre
insecticide systémique, est de 440g/mol (Bonmatin et al. 2015) (cf. tab. 1).

b) Volatilité
Les néonicotinoïdes ont une pression de vapeur saturante comprise entre 2,8.10-8 et
0,002 mPa à 25°C. Ceci en fait des molécules peu volatiles, ils contaminent peu l’air au
cours des traitements, et la contamination aérienne dure peu de temps après
pulvérisation. (Bonmatin et al. 2015; Fossen 2006)

44
c) Sorption
La sorption caractérise la capacité de liaison à des particules. Les néonicotinoïdes
peuvent se lier aux particules du sol, limitant ainsi le phénomène de lessivage à
l’origine de la contamination de l’eau. Plusieurs facteurs entrent en jeu : la teneur en
matière organique ainsi que la teneur en argile sont positivement corrélées à la sorption
de l’imidaclopride, tandis qu’une faible température ou une faible concentration en
insecticide diminuent la sorption. Les néonicotinoïdes se fixent également aux particules
des sédiments de fond d’eau douce ou d’eau marine (Bonmatin et al. 2015; Fossen 2006;
Gervais et al. 2010).

Cependant, dans les préparations commerciales, l’ajout de nombreuses substances


modifie le comportement de la substance active : ainsi le lessivage est plus élevé avec
toutes les formulations du commerce par rapport à l’imidaclopride seul
(Bonmatin et al. 2015).

d) Solubilité
La solubilité dans l’eau varie selon les molécules, de 184mg/L pour le thiaclopride
(solubilité modérée) à 590g/L pour le nitenpyram (haute solubilité) (cf. tab. 1). Ces
valeurs sont valables à 20°C pour un pH de 7. Comparés aux autres familles
d’insecticides, les néonicotinoïdes ont une bonne solubilité : à titre d’exemple, dans les
mêmes conditions, la solubilité du fipronil se situe entre 1.90 et 3.78mg/L. (Jeschke,
Nauen 2008; Bonmatin et al. 2015)

Les variations de solubilité sont corrélées à leur structure :

- les composés ouverts sont plus hydrophiles que les composés cycliques
- concernant le groupe [X-Y], la solubilité dans l’eau augmente avec de manière
croissante [=N-NO2] < [=N-CN] < [=CH-NO2]

La solubilité est importante puisqu’elle conditionne leur absorption puis leur diffusion,
étapes indispensables à leur efficacité. Par exemple les néonicotinoïdes les moins
hydrosolubles comme le thiaclopride ou la clothianidine seront adaptés pour le
traitement des graines, le passage membranaine dans les racines étant meilleur pour les
composés lipophiles (Jeschke, Nauen 2008; Jeschke et al. 2011).

3. DEVENIR AU SEIN DES PLANTES


a) Absorption et diffusion
Les néonicotinoïdes sont des pesticides qualifiés de « systémiques » : comme le fipronil,
ils diffusent dans toutes les parties de la plante. Cette propriété dépend de plusieurs
caractéristiques :

- de la solubilité dans l’eau : la diffusion systémique est meilleure avec une bonne
solubilité ;
- du coefficient de partage octanol/eau : il caractérise la lipophilie d’une substance,
et doit être compris entre 0.1 et 5 pour qualifier une molécule de systémique ;
- de la masse moléculaire : l’absorption est favorisée avec un faible poids
moléculaire.
- Les néonicotinoïdes sont des molécules de bas poids moléculaire, avec une
hydrosolubilité modérée à très bonne et un coefficient de partage octanol/eau
compris dans l’intervalle 0.1-5 pour tous les composés sauf le thiamethoxame, le
nitempyrame et le dinotefurane (cf. tab. 1). Ceci explique leur caractère
45
systémique. Les formules commerciales associent également des copolymères
qui améliorent l’absorption de la molécule active (Bonmatin et al. 2015).
Tableau 1 Caractéristiques des principaux néonicotinoïdes influençant l'absorption et la diffusion dans la
plante. D’après Bonmatin et al. (2015)

Poids
Hydrosolubilité Coefficient de partage
Molécule moléculaire
(en g/L) octanol/eau (log Pow)
(en g/mol)
Imidaclopride 255,7 0,61 0,57
Thiaméthoxame 291,71 4,1 -0,13
Thiaclopride 252,72 0,184 1,26
Clothianidine 249,7 0,34 0,9
Acétamipride 222,67 2,95 0,8
Nitenpyrame 270,72 590 -0,66
Dinotéfurane 202,21 39,83 -0,55

Les conditions climatiques, la nature du sol et de la plante cultivée peuvent être à


l’origine de variations dans le taux d’absorption : il sera meilleur à une température
élevée, et pour des pH réduits dans le cas de l’absorption racinaire. On estime qu’à partir
de graines enrobées, 1.6 à 20% de l’imidaclopride est absorbé par la plante et sera
donc efficace (van der Sluijs et al. 2013).

La diffusion des néonicotinoïdes se fait via les vaisseaux du xylème et du phloème (van
der Sluijs et al. 2013). Ils diffusent dans toutes les parties de la plante : racines, tiges,
feuilles, fleurs, fruits et autres organes de stockage. Ils se retrouvent également dans les
parties de la plante attractives pour l’abeille : nectar et pollen. Plusieurs études ont
évalué la contamination du nectar et des pollens : sur des cultures de tournesol,
l’imidaclopride a été détecté à hauteur de 1,9 µg/kg en moyenne pour le nectar et 3,3
µg/kg en moyenne pour le pollen, après des traitements dans les conditions d’utilisation
de terrain (Schmuck et al. 2001; Bonmatin et al. 2005). Une étude a de plus montré que
la concentration en imidaclopride au niveau des capitules de tournesol augmente au
moment de la floraison : ils en contiennent en moyenne 8µg/kg à cette période, laissant
supposer une ascension accrue de l’imidaclopride (Bonmatin et al. 2005; Blacquière et
al. 2012).

Les liquides de guttation produits par les plantes peuvent également contenir des
néonicotinoïdes : la guttation est la production de gouttelettes d’eau sur les marges des
feuilles, c’est un phénomène qui intervient en début de matinée, essentiellement sur les
plantes jeunes, et devient marginal sur une plante mature. Le liquide de guttation peut
s’accumuler au creux des feuilles et rester disponible presque toute la journée (Girolami
et al. 2009). La présence de néonicotinoïdes dans le liquide de guttation de plantes
issues de semences enrobées a été démontrée (Bonmatin et al. 2015; Reetz et al. 2011),
et les concentrations peuvent être élevées : à partir de semences de triticale enrobées,
des concentrations moyennes de 13ng/mL en imidaclopride ont été mesurées, et à
partir de semences de maïs enrobées, on a des concentrations maximales de 8µg/mL.
Ces concentrations diminuent ensuite rapidement, même si les néonicotinoïdes restent
détectables sur quelques semaines (Reetz et al. 2011). Elles varient fortement en
fonction de la plante, de la molécule utilisée et des conditions climatiques. Ainsi les

46
concentrations mesurées sont parfois beaucoup plus élevées : dans une autre étude
réalisée sur des plants de maïs, les concentrations mesurées dans le liquide de guttation
étaient supérieures à 10mg/L, avec un maximum de 100mg/L pour le thiaméthoxame et
la clothianidine, et de 200mg/L pour l’imidaclopride (Girolami et al. 2009).

b) Biotransformations
La métabolisation au sein des plantes des principaux néonicotinoïdes comporte deux
phases, appelées phases I et II. La phase I regroupe un grand nombre de réactions
chimiques reposant majoritairement sur l’activité du cytochrome P450 et conduit à des
formes réduites, hydrolysées, hydroxylées… La phase II est à l’origine de formes
conjuguées. Les métabolites peuvent être communs à plusieurs néonicotinoïdes, ou
bien spécifiques. Certains gardent une activité insecticide, parfois intense. (Simon-
Delso et al. 2015)

Le cas de la métabolisation du thiaméthoxame est intéressant : en effet, il existe une


grande différence d’affinité pour le récepteur de l’acétylcholine, la cible des
néonicotinoïdes, entre le thiaméthoxame et les autres molécules de cette famille. Cette
molécule est en fait rapidement métabolisée au sein de la plante en clothianidine,
forme insecticide beaucoup plus active. (Nauen et al. 2003)

4. PERSISTANCE DANS L ’ENVIRONNEMENT


a) Contamination par aérosols
Les néonicotinoïdes sont peu volatils ; la contamination de l’air peut survenir sur une
courte période au moment de l’application des traitements. La très large utilisation de
semences enrobées semble être une méthode d’utilisation plus sûre que la pulvérisation.
Cependant, plusieurs cas de mortalité aiguë d’abeilles ont été rapportés au moment de
semer des graines de maïs enrobées. Les études conduites ont montré que des quantités
non négligeables de néonicotinoïdes sont présentes au niveau de l’échappement des
semoirs pneumatiques (de l’ordre du µg/m3 à 10m du semoir), formant un « nuage de
poussière toxique » (Fossen 2006; Tapparo et al. 2012; Bonmatin et al. 2015). Ces
pesticides contaminent dans un deuxième temps la végétation environnante. Ainsi, de
la clothianidine a été détectée à raison de 9ng/g sur des pissenlits proches de semis de
maïs enrobé (Krupke et al. 2012).

Cette contamination présente un risque pour les abeilles, à plusieurs niveaux : le nuage
de poussière toxique expose directement les butineuses à des quantités élevées de
néonicotinoïdes, et la contamination de la végétation voisine peut exposer les abeilles à
un nectar ou un pollen contaminé (Bonmatin et al. 2015; Sgolastra et al. 2012).

Des mesures ont été prises pour améliorer les systèmes de semoirs, en utilisant des
« déflecteurs ». L’objectif est de diminuer la taille du nuage autour du semoir. Certaines
modifications ont également été apportées à la formulation des semences traitées pour
limiter l’érosion et la formation de poussière. Ces points d’amélioration présentent des
limites : l’ajout des déflecteurs peut nuire à la précision dans l’utilisation des semences
et augmente le temps de travail, et ces modifications ne semblent ni diminuer
significativement l’émission de particules de néonicotinoïdes ni influer sur la mortalité
des abeilles à proximité des semences traitées (Tapparo et al. 2012; Bonmatin et al.
2015).

47
b)
Contamination des sols
(1) Modes de contamination
La contamination des sols peut être due à une application directe de néonicotinoïdes, ou
bien faire suite à la libération de l’enrobage des semences traitées (Bonmatin et al.
2015).

(2) Mécanismes et vitesse de dégradation


La contamination diminue ensuite par absorption végétale, par lessivage et par
dégradation naturelle de la molécule active. La dégradation est influencée par le type
de sol, les rayons ultraviolets en surface, l’humidité, la température et le pH : elle est
donc variable d’un endroit à l’autre et on trouve les demi-vie les plus courtes dans les
régions tropicales, avec une température et une humidité élevées (Bonmatin et al.
2015).

Malgré ces mécanismes de décontamination, les néonicotinoïdes peuvent rester


présents très longtemps dans le sol : de l’ordre de plusieurs mois à plusieurs
années (cf. tab. 2). Selon les études considérées, il ressort une grande variabilité dans
les données récoltées, ce qui est cohérent lorsqu’on prend en compte les facteurs de
variation inhérents à la nature du sol et aux conditions météorologiques. Ainsi, pour
l’imidaclopride, molécule la plus étudiée, on se situe à des ordres de grandeurs allant de
100 à 1000 jours. Les plus grandes variations se retrouvent pour la clothianidine, et c’est
également pour cette molécule que l’on a les demi-vies les plus élevées : de 148 jours à
près de 7000.
Tableau 2 : Temps de demi-vie dans le sol des principaux néonictoinoïdes. Sources : a = (Hladik, Kolpin, Kuivila
2014) ; b = (van der Sluijs et al. 2013) ; c = (Bonmatin et al. 2015) ; d = (Bonmatin et al. 2005) ; e = (Fossen 2006)
; f = (Goulson 2013)

Molécule ½ vie dans les sols (j)


Acétamipride 3a ; 31-450f
Clothianidine 545 a ; 148-6931b, f
Dinotéfurane 82 a ; 75-82f
Imidaclopride 107c ; 191 a ; 40-997 b ; 188-249c ;
270d ; 26-229e ; 28-1250f
Thiaclopride 15.5 a ; 3.4->1000f
Thiaméthoxame 50 a ; 7-353f
Nitempyram 8f

(3) Niveaux de contamination


De nombreuses études se sont intéressées à la contamination de terrain, à travers le
monde. Nous pouvons citer l’étude de Bonmatin et al. (2005), au cours de laquelle la
concentration de l'imidaclopride a été analysée dans 74 sols couvrant un large éventail
de climats, de types de sols et de pratiques agricoles en France. L'imidaclopride a été
détectée dans 91% des échantillons (> 0,1 μg/kg) alors que seulement 15% des sites
avaient été ensemencés de graines enrobées au cours de la même année.
L'imidaclopride a été détecté dans 97% des sols ensemencés avec des graines enrobées
1 ou 2 ans avant l'étude. Fait intéressant, les concentrations étaient plus élevées dans les
sols qui avaient été traités consécutivement pendant 2 ans avant l'analyse que dans ceux
qui avaient reçu des semences traitées seulement 1 an avant l'analyse, ce qui indique
que l'imidaclopride peut s'accumuler dans les sols au fil du temps. Cette persistance
48
a été confirmée par d’autres chercheurs. Ainsi dans des zones où aucune culture n’a été
traitée depuis 2 ans, la clothianidine est toujours détectée dans le sol (Krupke et al.
2012). Et même six ans après la culture de rhododendrons traités avec de
l’imidaclopride, des résidus ont été détectés avec une concentration maximale de
19µg/kg (van der Sluijs et al. 2013). L’analyse d’un sol où des semences enrobées
avaient été utilisées 4 à 6 ans auparavant a montré la présence d’imidaclopride à raison
de 18µg/kg (Schmuck et al. 2001). Au Ghana, des prélèvements de sols réalisés 4 mois à
2 ans après la dernière utilisation de néonicotinoïdes sur des cultures de cacao montrent
la présence d’imidaclopride dans 50% des échantillons, avec des concentrations de
4.3µg/kg à 251.4µg/kg, et de clothianidine dans 10% des échantillons. La forte
contamination constatée par rapport aux autres régions géographiques s’explique en
partie par une utilisation libre des néonicotinoïdes dans ce pays (Dankyi et al. 2014).

La contamination persistante des sols pose la question de l’absorption par les cultures
suivantes. Plusieurs études ont mesuré la contamination de plantes non traitées
cultivées sur des sols contaminés par les cultures précédentes. Schmuck et al. (2001)
n’ont pas détecté de trace de néonicotinoïdes dans les plants de tournesol issus de
semences non traitées cultivées sur un sol contaminé à 18µg/kg (avec une limite de
détection de 1µg/kg). D’autres études contredisent ces résultats : par exemple des
tournesols non traités cultivés sur un sol contaminé (à raison de 6µg/kg
d’imidaclopride) contiennent ce pesticide avec une concentration de 1 à 2µg/kg au
niveau des capitulum (Bonmatin et al. 2005).

c) Contamination de l’eau
(1) Modes de contamination
Les eaux de surface et souterraine peuvent être contaminées par ruissellement foliaire,
lessivage des sols, écoulement, eaux usées, dérive de pulvérisation foliaire ou de
poussières. Des contaminations importantes peuvent aussi être retrouvées localement
au moment des traitements, pour les eaux de surface, lors d’inondation de serres.
(Bonmatin et al. 2015)

La contamination de l’eau peut faire suite à l’utilisation agricole de néonicotinoïdes


mais aussi à l’utilisation urbaine, lors du traitement des plantes d’ornement : l’eau de
ruissellement peut entraîner les particules en suspension et les particules adsorbées à
des sédiments de petite taille.

(2) Mécanismes et vitesse de dégradation


La dégradation dans l’eau des néonicotinoïdes dépend de plusieurs facteurs. En
conditions de laboratoire, il a été montré que la photolyse diminue la demi-vie de
l’imidaclopride à moins de 3h (Fossen 2006). En conditions de terrain, ce facteur est à
moduler : la lumière qui passe dans l’eau varie beaucoup selon la profondeur et la
turbidité de l’eau. La dégradation se fait majoritairement par hydrolyse, phénomène
beaucoup moins rapide. Elle varie avec la température : de 547 jours à 5°C à 89 jours à
25°C pour une étude réalisée avec l’imidaclopride. Le pH de l’eau entre aussi en compte :
les néonicotinoïdes sont stables pour un pH compris entre 5 et 7, et se dégradent plus
rapidement à des pH basiques (Bonmatin et al. 2015; Gervais et al. 2010).

(3) Niveaux de contamination


La contamination de l’eau a été rapportée dans de nombreux pays. En Suède, une étude a
analysé les cours d’eau des zones drainées près de cultures maraîchères sous serre :

49
l’imidaclopride était présent dans 36% des échantillons, avec une teneur maximale de
9.6µg/L (Bonmatin et al. 2015). En Espagne, l'imidaclopride a été détecté dans 58%
(2010) et 17% des échantillons (2011), avec des concentrations lors de ces deux années
comprises entre 2,34 et 19,20 ng/L (Masiá et al. 2013). Malgré des fréquences de
détection élevées, les taux mesurés sont conformes aux normes européennes dont la
limite est de 0.1µg/L en ce qui concerne l’eau potable. Aux Etats-Unis, en Iowa,
l’analyse de l’eau de ruisseaux d’une région productrice de maïs et de soja a montré la
présence de résidus de néonicotinoïdes. Dans cette région de production intensive, c’est
la clothianidine qui a été trouvée le plus fréquemment (dans 75% des échantillons),
devant le thiaméthoxame (47%) puis l’imidaclopride (23%). Les concentrations
maximales et médianes (concentration maximale ; médiane) de ces trois molécules
suivaient le même ordre que leur fréquence de détection avec la clothianidine
(257ng/L ; 8.2ng/L), le thiaméthoxame (185ng/L ; <2ng/L) puis l’imidaclopride
(42.7ng/L ; <2ng/L) (Hladik, Kolpin, Kuivila 2014). Une autre étude menée en Californie
a montré une contamination par l’imidaclopride dans 89% des échantillons (Starner,
Goh 2012). En 2008, l’United State Environment Protection Agency (US EPA) a détecté
des taux de 0.2 à 0.7µg/L dans l’eau dans l’Etat de New York (Bonmatin et al. 2015). Une
étude des bassins de la région de Sydney a montré une contamination par des
néonicotinoïdes de tous les échantillons analysés, avec de l’imidaclopride dans 93% des
échantillons (concentration moyenne 0.2µg/L) et du thiaclopride dans 80% des
échantillons (concentration moyenne 0.15µg/L) (Sánchez-Bayo, Hyne 2014).

Il faut bien sur prendre en compte l’environnement dans lequel ces échantillons sont
prélevés : comportement des agriculteurs, météo des jours précédents, produits
autorisés dans les pays considérés… Ainsi, la concentration en néonicotinoides est liée
aux précipitations, avec une augmentation après chaque épisode de pluie. Ces valeurs
montrent aussi une saisonnalité, avec un pic de contamination des ruisseaux en mai
et juin, ce qui correspond à la période de plantation et donc de traitement des cultures.
Cependant, les néonicotinoides sont détectés aussi avant cette période : il s’agit donc des
résidus des traitements de l’année précédente qui se retrouvent dans les cours d’eau au
moment de la fonte des neiges et des pluies. Après juin, la fréquence de détection et les
concentrations diminuent progressivement sur le reste de l’année (Hladik, Kolpin,
Kuivila 2014).

Pour les eaux souterraines, les études sont plus difficiles : aucune présence
d’imidaclopride n’a encore été mise en évidence (Fossen 2006), cependant on estime
que le temps nécessaire pour avoir une contamination à partir de la contamination des
eaux de surfaces est de 20 ans (Bonmatin et al. 2015). Ainsi, même si les néonicotinoïdes
sont maintenant utilisés depuis un peu plus de 20 ans, on n’a pas encore le recul
nécessaire pour évaluer toutes les conséquences en termes de contamination des eaux
souterraines.

Les néonicotinoïdes sont donc des molécules de bas poids moléculaire, peu volatiles
et solubles : ceci leur permet d’être absorbées et diffusées dans toute la plante, y
compris les parties attractives pour les abeilles que sont le nectar et le pollen. Ils
contaminent l’environnement et peuvent persister plusieurs années dans le sol
malgré des variations liées à la molécule, au type de sol et aux conditions
météorologiques. Il existe un phénomène d’accumulation de l’insecticide d’une année
sur l’autre ce qui peut entraîner la contamination des cultures suivantes.

50
C. MODE D’ACTION
La toxicité sélective des néonicotinoïdes s’explique par leur mode d’action et la
physiologie particulière des insectes.

1. ACTIVITE CHOLINERGIQUE
Le système cholinergique représente chez les insectes la principale voie de transmission
excitatrice du système nerveux central (Palmer et al. 2013). L’acétylcholine est le
neurotransmetteur libéré au niveau de la membrane présynaptique. Le récepteur
nicotinique à l’acétylcholine (nAChR) est une combinaison de 5 sous-unités semblables
(homomériques) ou différentes (hétéromériques) (cf. fig. 9). Ces sous-unités forment un
canal à ouverture contrôlée, spécifique des ions Na+, K+ et Ca2+. Le récepteur est
l’extrémité N-terminale d’une sous-unité, domaine extracellulaire : la fixation de
l’acétylcholine entraîne l’ouverture du canal cationique puis une dépolarisation de la
cellule nerveuse, à l’origine de la transmission du signal nerveux. (Casida, Quistad 2004)

Figure 9 : Structure du récepteur nicotinique à l'acétylcholine (en haut) et d'une de ses sous-unités (en bas).
TM1, 2, 3 et 4 représentent les quatre domaines membranaires d’une sous-unité, prolongés par les extrémités
extracellulaires N-terminale et COOH. En position intracellulaire, le site P correspond au site de phosphorylation
impliqué dans la modulation des messages nerveux. D’après Thany et al. (2007)

Les néonicotinoïdes sont agonistes de l’acétylcholine sur les récepteurs


cholinergiques nicotiniques postsynaptiques. Leur liaison irréversible aux nAChRs
entraine une excitation continue des membranes des neurones, conduisant à
l’épuisement des cellules puis à la mort de l’animal (Belzunces, Tchamitchian, Brunet
2012). La nature des liaisons en jeu et la structure chimique des sites impliqués sont
connus avec précision. Les différents substituants des molécules de cette famille sont à
l’origine d’une affinité plus ou moins forte pour les nAChRs. Au niveau intracellulaire,
des mécanismes de phosphorylation peuvent également moduler cette affinité. Celle-ci
est étroitement liée à l’activité insecticide (Matsuda et al. 2001). D’autres sites de liaison
entreraient également en jeu dans l’activité des néonicotinoïdes, avec par exemple un
rôle des canaux calciques voltage-dépendant (Liu, Casida 1993; Thany et al. 2007;
Matsuda et al. 2001; Palmer et al. 2013; Simon-Delso et al. 2015). Les néonicotinoïdes,
comme de nombreux autres insecticides, entraînent des lésions cellulaires et

51
tissulaires dans le reste de l’organisme. Des analyses par immunofluorescence ont
montré que les cellules en apoptose étaient significativement plus nombreuses chez des
larves d’abeilles nourries pendant 4 jours avec 400ppm d’imidaclopride que chez les
larves témoins (Gregorc, Ellis 2011).

La dégradation de ces molécules ne peut se faire via l’acétylcholine-estérase, active ni


sur la nicotine ni sur les néonicotinoïdes. Les mécanismes de détoxification au niveau
des neurones sont très limités (Simon-Delso et al. 2015; Casida, Quistad 2004). Ceci
entraîne une action prolongée de l’insecticide. De plus, parmi les nombreux
métabolites formés, certains sont très toxiques et peuvent être à l’origine d’effets létaux
et sublétaux retardés (Suchail, Debrauwer, Belzunces 2004; Simon-Delso et al. 2015).
La métabolisation repose, comme chez les plantes, sur une phase I dépendante du
cytochrome P450 avec des réactions d’oxydation, de réduction, ou d’hydrolyse, et d’une
phase II de conjugaison avant excrétion (Casida, Quistad 2004; Suchail, Debrauwer,
Belzunces 2004; Honda, Tomizawa, Casida 2006; Casida 2011).

2. ACTION SELECTIVE
Vertébrés et Invertébrés présentent des différences de structures dans les sous-
unités des nAChRs. Ainsi, les néonicotinoïdes ont une plus grande affinité pour les
récepteurs des insectes que pour ceux des vertébrés : chez ces derniers, ils agissent
comme des antagonistes faibles des nAChRs et l’affinité pour ces récepteurs est faible à
nulle. De plus, les insectes présentent le tissu nerveux le plus riche en nAChRs. Ceci
explique la faible toxicité chez les Vertébrés, avec toutefois une sensibilité très
variable et quelques espèces sensibles comme la perdrix (Matsuda et al. 2001).

Au sein des invertébrés, et même au sein d’une même espèce, il existe différents
types de nAChRs, présentant une sensibilité variable aux insecticides (Guez et al.
2001; Thany et al. 2007). Par exemple, on trouve chez Periplaneta americana, la blatte
américaine, 2 types de récepteurs : nAChR1, sensible à l’imidaclopride, et nAChR2,
insensible à l’imidaclopride et sensible à la nicotine, l’acétamipride et au thiaclopride.
Les variations dans la structure des nAChRs sont liées à des variations d’affinité des
liaisons qui se créent entre l’insecticide et ses sites de liaison. Chez l’abeille, l’existence
d’au moins deux types de nAChRs est fortement suspectée et pourrait expliquer la
toxicité différentielle entre des doses faibles et des doses très faibles (Simon-Delso et al.
2015). Différents types de récepteurs sont exprimés au cours du développement de
l’insecte : chez l’abeille, il a été montré une différence de sensibilité aux
néonicotinoides en fonction de l’âge, suggérant une maturation de l’expression des
nAChRs (Guez, Belzunces, Maleszka 2003; Guez et al. 2001). Les études ont montré que
pour des doses ingérées équivalentes, les abeilles Apis mellifera n’avaient montré aucun
signe d’intoxication, alors que les bourdons Bombus terrestris avaient modifié leur
comportement alimentaire (Cresswell et al. 2012). Cette caractéristique est à prendre en
compte lors de l’étude de la toxicité chez les espèces non cible : Apis mellifera est de loin
l’espèce la plus étudiée, et utilisée comme modèle, mais les conclusions chez cette
espèce ne reflètent pas toujours fidèlement les effets chez le reste de la faune
pollinisatrice. La sensibilité des invertébrés aux néonicotinoïdes est par
conséquent variable, entre les espèces et au sein d’une même espèce selon son
stade de maturation.

52
3. MECANISMES DE RESISTANCE
Des résistances aux néonicotinoïdes ont été observées chez certaines espèces cibles
comme les aleurodes ou les doryphores. (Casida, Quistad 2004; Goulson 2013)

Plusieurs mécanismes à l’origine de résistances des insectes aux néonicotinoïdes ont été
mis en évidence. Des mutations génétiques dans les séquences codant pour les sous-
unités des nAChRs ont été identifiées comme étant à l’origine de résistances à
l’imidaclopride ; les phénomènes de phosphorylation des domaines intracellulaires
des rAChRs peuvent aussi désensibiliser les insectes (Thany et al. 2007) ; enfin, il a été
montré qu’une augmentation dans la synthèse des enzymes intervenant dans la
métabolisation est responsable de résistances chez la drosophile (Casida 2011). A notre
connaissance, il n’existe pas à ce jour d’étude comparant l’importance relative de ces
mécanismes dans les phénomènes de résistance rencontrés sur le terrain.

Malgré leur cible commune, à ce jour, aucune résistance croisée n’a été démontrée entre
le sulfoxaflor et les autres néonicotinoïdes (Simon-Delso et al. 2015). Cependant, il faut
noter l’arrivée très récente de cette molécule sur le marché, le recul n’est pas le même
que pour les autres composants de la famille.

Les néonicotinoïdes sont agonistes des nAChRs. Les différences de structure de ces
récepteurs entre les Insectes et les Vertébrés expliquent la grande sensibilité des
premiers et la résistance des seconds. Cependant, il y a des variations de sensibilité
au sein de la classe des Insectes, dues à la variété de sous-unités pouvant former les
nAChRs. Des résistances sont rapportées, et expliquées par plusieurs mécanismes :
mutations génétiques, phosphorylations intracellulaires et surexpression des enzymes
de métabolisation.

En conclusion de cette deuxième partie, les néonicotinoïdes sont des pesticides


d’apparition relativement récente, d’activité neurotoxique spécifique des Insectes.
Leur commercialisation en 1991 a été un succès et ils occupent encore aujourd’hui une
grande place sur le marché des insecticides. Ils sont utilisés principalement en
milieu agricole, mais participent également à la lutte contre les parasites externes des
animaux de compagnie et se retrouvent dans de nombreux pesticides à usage
domestique. Leurs caractéristiques physico-chimiques les rendent systémiques et très
persistants dans les sols. Ceci les rendent menaçants pour les Insectes non cibles
dont font partie les abeilles : l’étude de leur toxicité chez cette espèce est importante
pour garantir une utilisation durable de ces produits phytosanitaires, n’allant pas à
l’encontre de la survie des pollinisateurs.

53
54
III. ETUDE DE LA TOXICITE DES NEONICOTINOÏDES CHEZ APIS
MELLIFERA

Bien qu’elles ne soient pas une espèce cible des néonicotinoïdes, les abeilles sont
exposées à ces pesticides par différentes voies, directes et indirectes, qui sont
présentées dans cette dernière partie. Les résultats des études de toxicité aiguë,
chronique et les effets sublétaux sont présentés, et les problématiques soulevées par ces
travaux sont décrites.

A. MODES D’EXPOSITION AUX PESTICIDES


Les butineuses mais aussi les autres membres de la colonie sont exposés aux
néonicotinoïdes par plusieurs voies. La contamination des abeilles, de leur nourriture
(miel et pollen) et de la cire peut être évaluée et les seuils de détection des pesticides
sont de plus en plus faibles : ceci permet d’estimer les niveaux de contamination des
colonies, et dans les cas de mortalité de tenter d’établir un lien de causalité.

1. LES DIFFERENTES VOIES D’EXPOSITION AUX PESTICIDES


a) Par ingestion
(1) Nectar et pollen
La contamination du nectar et du pollen a été démontrée pour les cultures traitées,
mais également pour les plantes présentes en bordure des surfaces traitées, ainsi que
pour les plantes cultivées une ou plusieurs années après l’utilisation de
néonicotinoïdes sur une parcelle (cf. p49). Les butineuses peuvent ingérer le nectar et
le pollen et ainsi se contaminer directement, mais en rentrant à la ruche, ces produits
exposent ensuite les autres individus de la colonie (AFSSA 2008; Krupke et al. 2012; van
der Sluijs et al. 2013). Il a de plus été montré récemment que les abeilles ne sont pas
repoussées par les néonicotinoïdes (Stanley et al. 2015), elles préfèrent même une
solution sucrée contenant imidaclopride, clothianidine ou thiaméthoxame par rapport à
une solution sucrée seule (Kessler et al. 2015).

(2) Eau
La consommation par les butineuses puis le transport jusqu’à la ruche d’eaux de
surface contaminées peut exposer toutes les castes d’abeilles aux néonicotinoïdes (van
Dijk 2010).

Le liquide de guttation (cf. p46) représente un risque qui fait débat. Produit par les
plantes jeunes, il peut contenir de très grandes concentrations en néonicotinoïdes. La
consommation de liquide de guttation est peu documentée, il reste des incertitudes sur
l’utilisation de cette ressource par les abeilles, et sur la quantité qui serait consommée
(EFSA 2013c) : certaines études ont rapporté que les abeilles vont collecter le liquide de
guttation, y compris lorsqu’il est contaminé (Girolami et al. 2009). Mais l’ANSES estime
que puisque la période concernée par la guttation (stades très précoces) n’est pas une
période attractive pour les abeilles, puisque l’eau de guttation n’est présente que
pendant un court laps de temps en conditions naturelles, et puisque ce type de ressource
en eau n’est pas recherché par les butineuses, la consommation de cette eau n’est pas un
risque majeur pour les abeilles (AFSSA 2009a). Cette position initiale est en
contradiction avec les travaux plus récents réalisés par l’EFSA, qui estime que

55
l’exposition par le fluide de guttation est possible, même si elle n’est pas parfaitement
connue (EFSA 2013c). Ce mode de contamination est donc également à prendre en
considération.

b) Par contact
Les abeilles peuvent se contaminer lorsqu’elles sont présentes au moment d’un
traitement phytosanitaire, qu’il soit réalisé par pulvérisation ou par semences
enrobées à cause de la présence du nuage toxique (cf. p47). Cette contamination par
contact est couplée à une ingestion des produits par toilettage, et à une inhalation
(AFSSA 2008; van der Sluijs et al. 2013). Pour les produits utilisés par pulvérisation, la
dose appliquée donne une estimation de la dose à laquelle sont exposées les butineuses
(EFSA 2013c).

Dans tous les cas, l’exposition dépend de l’intérêt de l’abeille pour la parcelle traitée, de
la quantité de produit appliqué et du mode d’application du produit. En ce qui concerne
l’attractivité des espèces cultivées, les néonicotinoïdes sont utilisés pour des espèces
attractives et des espèces peu attractives (cf. tab. 3).
Tableau 3 Classement des principales cultures traitées avec des néonicotinoïdes selon leur attractivité pour
les abeilles (EFSA 2013b, 2013c, 2013d)

maïs, tournesol, colza,


Plantes attractives moutarde, asperges, pois, coton, sorgho, luzerne, trèfle
et coquelicot
chicorée, betterave, choux (chou-fleur, brocolis, choux
Plantes non attractives de Bruxelles…), salades, carottes, pommes de terre,
oignons et céréales (orge, avoine, triticale, blé, seigle)

2. METHODES DE QUANTIFICATION DES RESIDUS


Pour étudier la contamination au niveau des colonies d’abeilles, les néonicotinoïdes
peuvent être dosés sur différents types de matrices : sur les abeilles elles-mêmes, mais
aussi sur la cire, le miel et le pollen stockés dans la ruche. Le plus communément les
échantillons sont homogénéisés, les pesticides sont extraits, purifiés puis mélangés à un
solvant pour être analysés en chromatographie en phase liquide (LC-MS/MS) ou gazeuse
(GC-MS/MS) couplée à de la détection par spectrométrie de masse en tandem. Les
analyses sont souvent qualifiées de multi-résidus : plusieurs produits phytosanitaires
sont recherchés simultanément (Carpentier et al. 2008; Lambert 2013; Walorczyk,
Gnusowski 2009). Ces méthodes d’analyses sont sans cesse harmonisées et améliorées :
les limites de détection (LOD) et limite de quantification (LOQ) diminuent peu à
peu, rendant plus précises les analyses. Ainsi, dans les études citées, la LOD se situe
entre 2ng/g (Schmuck et al. 2001) et 0.3ng/g (Kasiotis et al. 2014) et la LOQ entre 5ng/g
(Schmuck et al. 2001) et 1ng/g (Kasiotis et al. 2014).

3. DONNEES DE TERRAIN
a) Contamination des colonies
En France, plusieurs études ont montré que les colonies d’abeilles sont contaminées
par des néonicotinoïdes, en proportions variables selon les régions. Dans une étude
menée dans l’Ouest de la France, la contamination des abeilles, pollens et miels par de
nombreux produits phytosanitaires a été démontrée (Lambert et al. 2013). Deux pour

56
cent des échantillons de miel et 1% des pollens contenaient de l’imidaclopride, avec des
concentrations inférieures aux LOQ : dans cette étude, les métabolites n’étaient pas
recherchés, ce qui peut sous-estimer la contamination. Une enquête menée en France
entre 2002 et 2005 a montré des taux de contamination beaucoup plus élevés :
l’imidaclopride était présent dans 11%, 40% et 22% des échantillons d’abeilles, de miel
et de pollens respectivement, avec une concentration maximale de 5.7µg/kg (Carpentier
et al. 2008; Chauzat et al. 2009).

b) Episodes de mortalité liés aux néonicotinoïdes


La perte d’abeilles est un phénomène d’échelle mondiale rapportée par les apiculteurs
depuis une vingtaine d’années. Les pesticides, et en particulier les néonicotinoïdes, sont
souvent suspectés, mais leur implication reste difficile à démontrer. Il manque
souvent des informations concernant les endroits visités par les butineuses et les
traitements phytosanitaires réalisés sur toutes les parcelles environnant les ruches
(Kasiotis et al. 2014).

Les cas confirmés d’intoxication correspondent aux épisodes de mortalité aigues


massives survenant à proximité de champs de maïs au moment des semis :
l’intoxication se produit à partir des poussières autour du semoir. Ces cas ont été
rapportées en Italie, en Allemagne, en Autriche, en Slovénie, aux Etats-Unis et au Canada
(Girolami et al. 2009; Pisa et al. 2015).

Mais le plus souvent, le lien entre la mortalité et l’intoxication par les néonicotinoïdes
est peu clair. La contamination est présente, sans pour autant pouvoir expliquer
avec certitude la mortalité, les doses retrouvées étant trop faibles. Ainsi, En Grèce,
l’analyse d’abeilles prélevées suite à des épisodes de mortalités suspectes a montré la
présence d’un néonicotinoïde dans 55% des cas, mais à des concentrations inférieures
aux DL50 (Kasiotis et al. 2014). Les résultats des analyses de Résabeille, réseau de suivi
de la mortalité en France, montrent une contamination par des pesticides dans 22% des
cas, sans pouvoir conclure sur la cause de la mortalité (Meziani 2014). Un rapport de
l’Anses cherchant à expliquer des cas de mortalité en Pyrénées-Atlantiques n’a pu se
prononcer sur la cause précise : des néonicotinoïdes ont été retrouvés dans certains
échantillons d’abeilles, mais à des doses inférieures aux doses toxiques et aucun lien n’a
été mis en évidence (AFSSA 2009b). Une étude menée aux Pays-Bas au cours de l’hiver
2011-2012 a tout de même montré que les pertes étaient significativement plus élevées
en présence d’une contamination par les néonicotinoïdes (van der Zee et al. 2015), mais
la corrélation entre les variations de population des colonies et la présence de résidus de
pesticides n’est pas toujours vérifiée (Carpentier et al. 2008).

L’étude des cas de mortalité chez les abeilles ne peut se limiter à l’étude des
néonicotinoïdes ou même des produits phytosanitaires. D’autres facteurs sont
souvent étudiés en parallèle, comme les principales maladies de l’abeille ou la gestion
du rucher par l’apiculteur : ainsi, la modélisation réalisée lors d’une étude conduite en
2005-2006 sur le plateau de Valensole n’a montré aucune relation entre la mortalité des
abeilles et la présence de pesticides, alors qu’un lien était présent entre les cas de
mortalité et la présence de maladies ou la mauvaise gestion sanitaire des ruchers
(Faucon et al. 2006).

57
c) Coordination du suivi des pertes d’abeilles
Des programmes de surveillance relatifs aux épisodes de mortalité d’abeille rapportés
par les apiculteurs se mettent peu à peu en place en France et en Europe. Ces
programmes sont cependant très hétérogènes dans les protocoles utilisés, une
harmonisation et une généralisation de l’utilisation de ces procédés serait nécessaire.

A l’échelle européenne, le programme Epilobee a été mis en place sur la période 2012-
2014 : l’objectif était d’avoir une estimation du taux de mortalité des colonies, puis de
mettre ces résultats en relation avec les principales maladies des abeilles. C’est la
première fois qu’une harmonisation était réalisée pour étudier la mortalité des abeilles,
en coordonnant 17 pays (Chauzat et al. 2013; Quéré 2015; Hendrikx 2013). Cependant,
l’absence des produits phytosanitaires dans la liste des facteurs de risque étudiés
a été très critiquée. Le volet français de ce dispositif, appelé Résabeille, a introduit en
2013 un volet écotoxicologique prenant en compte la présence de résidus de pesticides
(Hendrikx et al. 2014). Actuellement ces dispositifs de surveillance ne sont plus actifs,
mais les programmes à venir pourraient se baser sur les travaux réalisés et prendre en
compte de nouveaux facteurs de risque comme les pesticides (Laurent et al. 2016).

A l’échelle internationale, l’association Coloss (dérivée de « Prevention of COlony


LOSSes ») a pour objectif de coordonner le suivi des pertes d’abeilles et les recherches
sur les différents facteurs de risque impliqués (van der Zee et al. 2012). Plus
particulièrement, le groupe de travail Apitox créé en 2013 se concentre sur l’étude
de la toxicité des pesticides (Simon-Delso, Medrzycki 2014).

L’exposition des abeilles peut donc se faire par voie orale et par contact. Tous les
membres de la colonie, couvain compris, sont concernés : les butineuses s’exposent
directement, mais en collectant du nectar ou du pollen contaminé, elles exposent ensuite
les autres individus de la ruche. Les épisodes de mortalité et l’affaiblissement des
colonies préoccupent de plus en plus les apiculteurs, mais il est rare de pouvoir
conclure avec certitude sur la cause : le lien avec les néonicotinoïdes est rarement mis
en évidence, à l’exception des cas où les butineuses sont exposées directement lors des
traitements des cultures. Les actions de suivi de la mortalité des abeilles et de recherche
des causes possibles se sont récemment développées : sans avoir aujourd’hui d’action
harmonisée et coordonnée, plusieurs groupes de travail sont en place.

58
B. TOXICITE AIGUË
1. METHODES D’ETUDE
Déterminer la toxicité aiguë est la première étape dans l’étude des effets des
néonicotinoïdes sur les abeilles. Elle est représentée par la DL50 : dose pour laquelle la
moitié des abeilles exposées meurent. La plupart des protocoles utilisés sont
standardisés, ce qui permet d’avoir des études fiables et comparables entre elles
(Doucet-Personeni et al. 2003). L’EFSA a ainsi publié un guide décrivant les conditions
idéales pour l’étude de la toxicité aiguë. Les expériences consistent en l’administration
unique par contact ou par voie orale via une solution sucrée du composé à tester.
Plusieurs concentrations sont utilisées afin de pouvoir réaliser une régression linéaire et
déterminer la DL50 à 48h. En parallèle, les effets sublétaux doivent être observés et
notés le plus régulièrement possible, l’idéal étant d’observer les abeilles toutes les
heures (EFSA 2013a, 2012).

2. TOXICITE AIGUË PAR VOIE ORALE ET PAR CONTACT


La toxicité aiguë a été étudiée à la fin des années 90 et au début des années 2000,
lorsque les néonicotinoïdes ont commencé à être pointés du doigt par les apiculteurs.

Les observations réalisées montrent que l’exposition aux néonicotinoïdes à des doses de
l’ordre de la dizaine de ng/abeille provoquent en une dizaine de minutes des
symptômes neurologiques comme de l’incoordination, des tremblements et des chutes
puis une baisse de l’activité (Decourtye, Devillers 2010). La mortalité survient dans un
deuxième temps, avec une cinétique particulière : à des doses élevées, la mortalité est
plus tardive que pour de faibles doses, ce qui suppose qu’il existe plusieurs voies de
métabolisation (Suchail, Guez, Belzunces 2000). L’étude de l’imidaclopride et ses
métabolites a montré que les effets neurotoxiques correspondent à l’action de
l’imidaclopride, tandis que la mortalité est liée à l’action de ses métabolites actifs, 4h
après l’intoxication (Suchail, Debrauwer, Belzunces 2004).

Les DL50 calculées lors de différentes études montrent une variabilité dans les résultats,
comme on peut le voir dans le tableau 4. Comme pour les espèces cibles (cf. p44), les
abeilles sont sensibles à de plus faibles doses pour les molécules nitro-substituées,
avec des DL50 de l’ordre du ng à la dizaine de ng/abeille, par rapport aux molécules
cyano-substituées (acétamipride et thiaclopride), qui présentent des DL50 de l’ordre
de la dizaine de µg/abeille (Iwasa et al. 2004). Les doses toxiques sont plus élevées
par contact que par voie orale (Blacquière et al. 2012). En plus du mode d’exposition,
les valeurs de DL50 varient avec la température, l’âge des abeilles, les sous-espèces
d’abeilles testées et l’existence d’une exposition antérieure aux pesticides (Pisa et al.
2015).

59
Tableau 4 Récapitulatif des doses toxiques aiguës des principaux néonicotinoïdes, en fonction de la voie
d’exposition, orale ou par contact

DL50 orale DL50 contact Source


(ng/abeille) (ng/abeille)
Imidaclopride 4,8 6,7 (Suchail, Guez, Belzunces 2000)
3 à 80 18 à 80 (Decourtye, Devillers 2010)
3,7 8,1 (EFSA 2013b)
5 25 (Poquet et al. 2014)
4 à 71 6,7 à 242 (Doucet-Personeni et al. 2003)
3,7 à 40,9 (Schmuck et al. 2001)
5 (Goulson 2013)
60 (Suchail, Guez, Belzunces 2001)
30 (Decourtye, Lacassie, Pham-Delègue 2003)
18 (Iwasa et al. 2004)
Clothianidine 3,8 27 (EFSA 2013c)
3 22 à 44 (Decourtye, Devillers 2010)
4 (Goulson 2013)
22 (Iwasa et al. 2004)
Thiamethoxame 5 24 (EFSA 2013d)
5 25 à 30 (Decourtye, Devillers 2010)
30 (Iwasa et al. 2004)
Dinotefurane 75 (Iwasa et al. 2004)
23 à 75 (Decourtye, Devillers 2010)
Nitenpyrame 138 (Iwasa et al. 2004)
138 (Decourtye, Devillers 2010)
Acétamipride 14 530 7 000 à 8 000 (Decourtye, Devillers 2010)
7 100 (Iwasa et al. 2004)
Thiaclopride 17 320 14 000 à 38 (Decourtye, Devillers 2010)
800
13 000 (Schmuck, Stadler, Schmidt 2003)
14 600 (Iwasa et al. 2004)

3. COMPARAISON AUX DOSES UTILISEES : QUOTIENT DE RISQUE


La première étape dans une étude de risque sur les néonicotinoïdes consiste à prendre
en compte les doses rencontrées sur le terrain et les comparer à la toxicité aiguë
chez l’abeille. Le quotient de risque (HQ pour « hazard quotient ») est un indicateur
de « l’exposition/toxicité ». Son adaptation à l’étude de la toxicité des néonicotinoïdes
chez l’abeille a été proposée par l’Efsa et s’exprime par (EFSA 2013b):
dose utilisée (𝑒𝑛 𝑔 𝑑𝑒 𝑠𝑢𝑏𝑠𝑡𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑒/ℎ𝑎)
DL50 (𝑒𝑛 µ𝑔/𝑎𝑏𝑒𝑖𝑙𝑙𝑒)

C’est un indicateur, exprimé en abeilles/m², qui s’interprète empiriquement : on


considère que le risque est négligeable si l’on a HQ<50 (Suchail, Guez, Belzunces 2000;
EFSA 2013a; Poquet et al. 2014). Considérer que l’exposition correspond à la dose
utilisée en plein champ est adapté pour l’utilisation de pesticides par pulvérisation, mais

60
cela convient moins pour les traitements au sol ou par semences enrobées (Rortais et al.
2005). Ainsi cette estimation correspond à la pire situation : un quotient de risque
élevé ne permet pas de conclure à l’existence d’un risque élevé, en revanche un
faible quotient de risque permet de conclure à un risque négligeable. Le calcul pour
l’imidaclopride est détaillé dans le tableau 5, et montre un HQ > 50 pour tous les cas de
figure (EFSA 2013b).
Tableau 5 Calcul des HQ de l'imidaclopride pour les doses minimales et maximales autorisées en considérant
les exposition par voie orale et par contact (EFSA 2013b)

DL50 contact DL50 orale


0,081µg/abeille 0,0037µg/abeille
Dose maximale autorisée la
123 2703
plus faible (10g/ha)
Dose maximale autorisée la
13827 302703
plus forte (1120g/ha)

Appliqué au thiaméthoxame et à la clothianidine, HQ est également toujours largement


supérieur à 50 (EFSA 2013d, 2013c). Ainsi, on ne peut pas exclure de risque à partir de
la dose toxique et des quantités utilisées en plein champ, des études supplémentaires
sont donc nécessaires pour avoir une évaluation du risque complète.

La toxicité aiguë des néonicotinoïdes chez les abeilles est étudiée en suivant de
protocoles standardisés, et s’exprime en DL50. Les résultats montrent une toxicité
aiguë à très faible dose, de l’ordre du ng/abeille pour l’imidaclopride par exemple. Le
quotient de risque HQ est un outil qui permet de comparer cette toxicité aiguë aux doses
maximales rencontrées en plein champ : à partir des résultats de ces études, un risque
élevé ne peut être exclu pour les abeilles et des études de niveau supérieur sont
nécessaires pour compléter l’étude de la toxicité de ces pesticides et évaluer
précisément le risque posé.

61
C. TOXICITE CHRONIQUE ET EFFETS SUBLETAUX
Les niveaux supérieurs concernent l’étude des effets toxiques lors d’exposition
chronique, et lors d’exposition à des doses sublétales. La toxicité chronique représente
les effets létaux suite à une exposition répétée et prolongée dans le temps aux
néonicotinoïdes. Les effets sublétaux regroupent les effets démontrés suite à une
exposition à des doses inférieures aux DL50.

1. METHODES D’ETUDE
Pour les études des effets chroniques et sublétaux, il existe une grande diversité dans
les protocoles utilisés. S’il n’existe pas d’harmonisation internationale, l’EFSA a publié un
guide de recommandations à l’échelle européenne (EFSA 2013a), qui propose les
protocoles à suivre ainsi que les limites existantes : par exemple pour l’étude de la
toxicité chronique, il n’existe pas de protocole faisant consensus (EFSA 2012, 2013a;
Medrzycki 2014). L’absence de protocole d’étude standardisé complique l’interprétation
des différents résultats, rendant difficiles voire impossibles les comparaisons.

a) En laboratoire
L’étude de la toxicité chronique se réalise sur des abeilles issues d’une même colonie
qui viennent d’émerger du couvain. Elles sont nourries avec une solution sucrée donnée
à volonté avec une concentration connue en pesticide. La quantité consommée est
mesurée. La mortalité est régulièrement contrôlée pendant 10 jours, et son taux est
comparé au seuil de toxicité fixé à 15%. Ces études permettent de déterminer une DL50,
une NOEC (dose maximale sans effet) et une LOEC (plus petite dose entraînant des
effets) en µg/abeille/jour ou en mg/kg à 10 jours (EFSA 2013a; Pisa et al. 2015). Plutôt
que la DL50 à 10j, d’autres chercheurs ont proposé d’utiliser la durée nécessaire pour
avoir 50% de mortalité parmi la population étudiée (Rondeau et al. 2014; Pisa et al.
2015). A la fin de ces études, les effets sur les glandes hypopharyngiennes, productrices
de gelée royale, peuvent être contrôlés en les observant et mesurant leur taille au
microscope ou bien en mesurant les protéines totales des glandes (Hatjina et al. 2013).
Plusieurs méthodes sont également mises au point pour évaluer la toxicité sur le
couvain, en nourrissant des larves avec de la nourriture contaminée (Aupinel, Fortini
2013).

C’est parmi les études qui s’intéressent aux effets sublétaux que l’on trouve la plus
grande diversité de protocoles. Ces recherchent se déroulent essentiellement en
laboratoire, et de nombreux éléments peuvent être pris en compte : les critères
d’évaluation sont biochimiques, physiologiques ou comportementaux. Par exemple
on peut étudier l’activité cholinestérasique, le bon développement du couvain,
l’espérance de vie, la locomotion, les capacités de navigation et d’orientation, le
comportement alimentaire ou encore les capacités d’apprentissage comme le
conditionnement ou l’habituation (EFSA 2013a; Pham-Delègue et al. 2002).

b) En semi-liberté et en plein champ


Les études réalisées en plein champ ont pour objectif de préciser les effets des pesticides
dans des conditions se rapprochant le plus possible des situations naturelles (Stanley et
al. 2015). Les études en semi-liberté sont réalisées dans un vaste espace sous serre ou
sous tunnel. Elles s’éloignent de l’exposition en conditions de terrain, mais elles
permettent d’obtenir certaines informations comme des observations plus précises du
butinage. Elles représentent un complément d’information à prendre en compte dans
les études de risque (EFSA 2013a).
62
Pour ces études, l’adéquation entre les doses administrées et l’exposition réelle des
abeilles est primordiale. La prise en compte des doses contaminant nectar et pollen des
plantes d’intérêt, les quantités ramenées à la ruche par les butineuses et les quantités
ingérées par abeille sont à évaluer pour qu’ensuite les tests soient pertinents. Afin que
les études soient fiables, des recommandations concernant la taille et le nombre de
colonies étudiées, la disposition et les surfaces des champs traités et des champs
témoins, la disposition des ruches sont données, sans toutefois constituer de protocoles
idéaux (EFSA 2013a). La durée de l’étude doit se faire au minimum sur 2 cycles de
couvain, soit 42 jours, voire plus pour l’étude de l’hivernage.

Il existe deux types de points d’évaluation exploitables dans les études en plein champ :

- Critères d’évaluation primaires : mortalité des butineuses, force de la colonie


(nombre d’individus), et réussite de l’hivernage ;
- Critères d’évaluation secondaires : effets comportementaux, c’est-à-dire
comportement de butinage, capacité de retour à la colonie ou encore
comportement des gardiennes à l’entrée de la ruche.

Les critères primaires sont ceux pris en compte dans les études de risque et les avis émis
par l’EFSA. Les critères secondaires peuvent permettre de mieux comprendre des effets
sur les critères primaires mais ils ne peuvent suffire pour justifier une restriction
règlementaire (EFSA 2013a).

La force de la colonie peut être calculée à partir de l’estimation visuelle du nombre


d’adultes et de la taille du couvain. On peut aussi peser la colonie : cette méthode a
l’avantage d’être plus précise, mais elle dérange beaucoup la colonie et ne peut donc être
utilisée pour un suivi fréquent. La mortalité des butineuses est difficile à estimer
précisément, il n’existe pas de méthode standardisée pour l’identification et le suivi : le
plus intéressant est l’utilisation d’identification par radiofréquence (RFID, cf. fig. 10),
mais l’identification peut aussi être réalisée avec des repères colorés placés sur le thorax
à leur émergence du couvain. Une comparaison du nombre d’abeilles marquées entre les
colonies exposées et les témoins donne une estimation de la mortalité parmi les
butineuses. L’hivernage est évalué en comparant la force des colonies exposées et des
colonies témoins avant et après passage de l’hiver.

Pour les critères secondaires, le comportement de butinage est évalué en observant au


moins une fois par jour les butineuses, en regardant par exemple si elles sont présentes
sur les fleurs plutôt que sur le reste de la plante, si elles sont capables de former des
pelotes de pollen et d’aspirer le nectar. Les signes neurologiques comme
l’incoordination, la paralysie sont notés. Ces observations peuvent se faire en plein
champ ou bien sur des fleurs artificielles, en conditions de semi-liberté. La capacité de
retour à la ruche peut être évaluée en marquant des abeilles, ou en étudiant leur vol
dans un espace clos grâce à des radars harmoniques (transpondeurs placés sur le thorax
des abeilles) (Schneider et al. 2012; Fischer et al. 2014). Le comportement des abeilles
à l’entrée de la ruche peut être étudié avec des dispositifs de comptage (Decourtye,
Devillers, et al. 2004).

63
Figure 10 Abeille équipée d'un transpondeur RFID et ruche équipée d'un lecteur pour détecter les passages
d’abeilles (Henry et al. 2012). L’utilisation des RFID donne de meilleures conditions d’étude : au lieu
d’évaluations visuelles, des émetteurs sont placés sur les abeilles et reconnus par des détecteurs placés à l’entrée
de la ruche et au niveau des sources de nourriture.

2. RESULTATS
a) Effets létaux chroniques
Très peu d’études ont calculé la DL50 sur 10 jours. Il apparaît que les doses toxiques
sont beaucoup plus faibles en exposition chronique par rapport à une exposition
aiguë : la DL50 peut diminuer jusqu’à 100 000 fois (Suchail, Guez, Belzunces 2001;
Moncharmont et al. 2003; Pisa et al. 2015). Pour l’imidaclopride, la DL50 sur 10 jours est
de 12pg/abeille, soit 1000 fois moins que la DL50 orale aiguë (Doucet-Personeni et al.
2003). La réussite de l’hivernage est compromise par une exposition chronique à
l’imidaclopride (0.7ng/abeille/jour sur 3 mois) : dans cette étude, la moitié des colonies
exposées étaient vides à la sortie de l’hiver, alors que toutes les colonies témoins étaient
viables au printemps (Lu et al. 2014).

Sur des durées supérieures à 10 jours, il a été montré un effet du temps sur la
mortalité : pour une même dose toxique (4 à 8µg/L de solution sucrée), la mortalité
augmente par rapport au groupe témoin pendant 30 à 40 jours, la DL50 diminue donc
avec l’augmentation du temps d’observation (Rondeau et al. 2014). Ces résultats
indiquent que la période de 10 jours recommandée pour l’étude de l’exposition
chronique est insuffisante pour évaluer précisément les effets sur la survie.

Mais ces études de laboratoire ne se vérifient pas en condition de terrain. En effet,


des abeilles butinant sur des cultures de tournesol et maïs traitées aux doses maximales
autorisées n’ont montré aucun signe de mortalité ni d’atteinte du développement de la
colonie après une exposition chronique (Schmuck et al. 2001; Bailey et al. 2005). Une
étude a suivi les colonies sur 4 ans, exposées à des cultures de maïs et colza traitées
annuellement avec du thiaméthoxame et n’a montré aucun effet significatif sur
l’hivernage, le butinage, la force de la colonie, la quantité de nourriture stockée ou
encore le développement du couvain (Pilling et al. 2013).

Cette variabilité de résultats trouve des explications dans la variabilité des protocoles
expérimentaux et les différences parmi les abeilles utilisées (race, âge,
environnement…). Henry et al. (2015) ont étudié plus spécifiquement les causes
pouvant expliquer l’absence d’effet toxique au cours des études réalisées en conditions
de terrain : le suivi sur 2 ans par RFID d’abeilles sur des cultures de colza issues de

64
graines enrobées a montré que la mortalité individuelle des abeilles augmente avec
l’exposition au pesticide, ce qui est en accord avec les différents tests de laboratoire,
mais la performance des colonies n’est pas significativement atteinte, ce qui est en
accord avec les résultats des études menées en plein champ. L’activité au sein des
colonies les plus atteintes est modifiée : le développement du couvain est retardé, ainsi
les ouvrières peuvent se consacrer au butinage et remplacer les pertes. Les interactions
avec les congénères et la structuration de la colonie interviennent donc dans les études
en liberté : en plein champ, les effets toxiques sont bien présents et modifient le
comportement des colonies, mais contrairement aux études de laboratoire, des
mécanismes de compensation existent et peuvent masquer la mortalité chez les
butineuses (Decourtye, Devillers 2010; Dively et al. 2015).

b) Effets sublétaux
(1) Sur la reproduction et le développement de la colonie
Les fonctions de reproduction de la reine et des faux-bourdons ainsi que la
croissance de la colonie sont affectées par les néonicotinoïdes : le thiaclopride,
l’imidaclopride et le thiaméthoxame diminuent la production d’œufs, l’éclosion de larves
et le taux de croissance de la colonie. L’émergence des larves est également retardée
avec de la nourriture contenant 5µg/kg d’imidaclopride (Pisa et al. 2015; Decourtye,
Devillers 2010). La taille du couvain est diminuée après ingestion d’une solution
contenant 24µg/L d’imidaclopride (Decourtye, Devillers, et al. 2004). Il a été montré
récemment que la clothianidine et le thiaméthoxame (en solution à raison de 1.5 et
4.5µg/L respectivement) diminuent significativement la fertilité des faux-bourdons, en
diminuant la quantité de sperme produite et en réduisant la durée de vie des
spermatozoïdes (Straub et al. 2016). L’exposition chronique à l’imidaclopride sous
forme de pollen contaminé (de 5 à 100µg/kg) entraîne un affaiblissement de la colonie
qui survient tardivement, après plusieurs mois d’exposition. Ceci se traduit par la mort
de la reine ou bien l’existence de périodes sans ponte au cours de l’été, ainsi que par une
mortalité augmentée au cours de l’hivernage. Ces résultats sont observés à des doses
>20µg/kg de pollen, ce qui est supérieur aux doses rencontrées dans les pollens en
conditions naturelles (Dively et al. 2015). Cependant, une étude menée sous tunnel avec
une exposition au thiaclopride à 2 à 4 fois la dose recommandée n’a pas montré de
différence significative sur le développement du couvain et la taille de la colonie
(Schmuck, Stadler, Schmidt 2003). Une autre étude a suivi des abeilles en cage sur une
année, nourries avec 0.5 à 5µg/L d’imidaclopride dans une solution sucrée et n’a montré
aucune différence significative sur l’activité des adultes, leur survie à l’hivernation et la
taille du couvain (Faucon et al. 2005) ; cette étude a cependant utilisé un petit nombre
d’abeilles par rapport aux recommandations.

(2) Sur le développement ontogénique


Le développement ontogénique correspond à la croissance de l’œuf à l’adulte. C’est
une période cruciale qui détermine l’intégrité physiologique et morphologique des
individus adultes. Les néonicotinoïdes peuvent agir à ce stade, avec des conséquences
sur l’adulte. Ainsi, des abeilles exposées à de l’imidaclopride au stade larvaire ont une
déficience olfactive une fois adultes. Ces abeilles présentent également des retards dans
le développement de leur système nerveux et des modifications de la marche. Juste
après émergence, le développement des glandes hypopharyngiennes est altéré.
L’espérance de vie des abeilles adulte est diminuée (Yang et al. 2012; Pisa et al. 2015).
Lorsque la nourriture donnée à des larves est contaminée avec 0.2 à 20pg/µL de

65
thiaméthoxame, la mortalité est significativement augmentée et des malformations
diverses sont présentes chez les larves qui survivent : tête incomplète, flaccidité, corps
transparent… (Laurino 2014). Si l’exposition survient chez l’adulte, le développement
peut aussi être modifié : par exemple la taille des glandes hypoharyngiennes,
fondamentales pour la production de gelée royale, est diminuée après ingestion unique
d’imidaclopride à des doses sublétales (Hatjina et al. 2013).

(3) Sur la locomotion, l’activité et le métabolisme


Imidaclopride, thiaméthoxame et clothianidine induisent rapidement une paralysie des
muscles impliqués dans le vol (Girolami et al. 2009).

Avec des doses sublétales d’imidaclopride, l’activité de butinage et l’activité à l’entrée


de la ruche sont diminuées, même après arrêt de l’exposition au pesticide (Schmuck,
Stadler, Schmidt 2003; Decourtye, Devillers, et al. 2004). Les réserves de pollen sont
plus petites que pour les colonies témoin (Decourtye, Devillers, et al. 2004). Cependant
les effets sur l’activité de butinage ne sont pas vérifiés lors d’études en plein champ avec
une exposition à des concentrations proches de l’exposition réelle (Schmuck, Stadler,
Schmidt 2003; Dively et al. 2015). Au niveau des interactions, l’utilisation de vidéos
montre que la mobilité et le temps passé à interagir sont diminués par l’ingestion
d’imidaclopride (50µg/kg) et de thiaméthoxame (3.8ng/abeille) (Teeters et al. 2012;
Charreton et al. 2015). Mais cet effet n’est pas systématiquement retrouvé à des doses
sublétales (Pisa et al. 2015). La réalisation des danses, indispensables pour la collecte
de nourriture, sont ralenties et modifiées par la consommation de néonicotinoïdes (Eiri,
Nieh 2012).

Au niveau métabolique des modifications sont visibles après exposition aux


néonicotinoïdes. Après ingestion d’eau et pollen contaminé (contenant respectivement
2 et 3µg/L d’imidaclopride), le rythme respiratoire est diminué et les mouvements
abdominaux sont plus rapides (Hatjina et al. 2013). Certaines voies métaboliques
comme la détoxification ou le métabolisme énergétique sont altérées par une
intoxication aux néonicotinoïdes (Pisa et al. 2015).

Une dernière activité modifiée par l’exposition à des doses sublétales d’imidaclopride
est la diminution de la vigilance envers les prédateurs : des abeilles exposées à un
nectar contenant 40µg/L d’imidaclopride ayant le choix entre une source de nourriture
avec un frelon et une deuxième source de nourriture libre choisissent 2 fois plus souvent
la source avec le prédateur (Tan et al. 2014).

(4) Sur l’apprentissage, la mémorisation et l’orientation


En dose unique ou en exposition sublétale chronique, les capacités cognitives étudiées à
travers les capacités d’apprentissage et de mémorisation sont altérées. L’orientation fait
appel à plusieurs capacités : les sens doivent être intègres pour que l’abeille puisse se
situer dans l’environnement à partir de repères visuels et olfactifs, la mémorisation est
indispensable pour qu’elle retrouve les sources de nourriture et le lieu de la ruche, et
bien sur la locomotion doit être fonctionnelle pour assurer le vol. L’observation des
effets des pesticides sur l’orientation représente donc une somme d’effets toxiques sur
plusieurs systèmes de l’abeille.

66
 Effets sur la sensibilité

Le sens du goût est exploré en utilisant des solutions sucrées : la plus faible
concentration d’une solution sucrée déclenchant un comportement d’alimentation est
appelée seuil gustatif. Les effets des néonicotinoïdes sont variables : le seuil gustatif est
augmenté après une exposition orale à l’imidaclopride, alors qu’il est abaissé après
exposition à l’acétamipride et au thiaméthoxame (Pisa et al. 2015; Mengoni Goñalons,
Farina 2015).

Le même raisonnement est appliqué pour étudier l’olfaction en laboratoire.


Lorsqu’elles sont exposées à des doses sublétales de néonicotinoïdes, les abeilles ont des
capacités olfactives diminuées : elles distinguent moins bien 2 odeurs différentes
(Williamson, Wright 2013).

 Effets sur l’apprentissage

Certaines études se concentrent sur l’apprentissage par habituation : il consiste en la


disparition progressive de réponse à une stimulation répétée. Le réflexe d’extension du
proboscis (REP) présenté p14 est utilisé dans plusieurs études Le REP peut disparaître
si ce stimulus n’est pas suivi d’une phase d’alimentation. L’apprentissage par habituation
est modifié par des doses sublétales d’imidaclopride (0.1 à 10ng/abeille) (Guez et al.
2001; Decourtye, Devillers, et al. 2004). Les capacités d’apprentissage olfactif sont
donc altérées par les néonicotinoïdes. La réponse varie selon l’âge des abeilles et la
durée post-exposition : l’habituation peut être ralentie pour les abeilles de moins de 7j,
et pour les abeilles plus âgées, l’habituation est plus rapide juste après ingestion puis
plus lente 4h après ingestion (Guez et al. 2001). Cette variation dans les réponses
s’explique par l’expression de différents types de nAChR selon l’âge, plus ou moins
sensibles à l’imidaclopride (jeunes abeilles sensibles) et à ses métabolites (abeilles plus
âgées sensibles).

Le REP est également utilisé pour étudier l’apprentissage par conditionnement : au


moment de délivrer une solution sucrée, une odeur est émise (stimulus conditionné).
Après un certain nombre de répétitions, l’émission de l’odeur seule entraîne un REP. Cet
apprentissage est plus long après une exposition à une solution contaminée
d’imidaclopride (24µg/L ou 0.25ng/abeille) (Decourtye, Armengaud, et al. 2004;
Williamson, Wright 2013).

Ainsi, en fonction des doses utilisées et des tâches demandées, les néonicotinoïdes ont
des effets variables sur les capacités cognitives des abeilles. Ceci pourrait être lié à des
effets sur certaines régions du cerveau spécifiques, impliquées dans les fonctions
altérées (Decourtye, Armengaud, et al. 2004). En déduire l’impact sur les butineuses en
milieu naturel reste cependant difficile.

 Effets sur la mémorisation

Une fois l’apprentissage effectué, il peut être testé après différentes durées pour évaluer
les capacités de mémorisation à court, moyen et long terme. L’exposition à de
l’imidaclopride (0.12 à 12 ng/abeille) après un conditionnement utilisant le REP montre
que les mémoires à court (15 min après apprentissage) et à moyen (1h après) terme
sont altérées (Decourtye, Armengaud, et al. 2004; Williamson, Wright 2013; Mengoni

67
Goñalons, Farina 2015). La mémoire à long terme est également affectée par la
consommation de doses sublétales d’acétamipride (Decourtye, Devillers 2010).

L’utilisation de labyrinthes renseigne également sur les capacités de mémorisation :


avec une récompense en sirop de sucre, 38% des abeilles exposées à 3ng/abeille de
thiaméthoxame retrouvent le lieu de récompense, contre 61% des abeilles non exposées
(Pisa et al. 2015). Des abeilles entraînées à retrouver un réservoir de sucre ont été
incapables de retourner à la ruche après ingestion de 100 à 1000 ppb d’imidaclopride
(Pisa et al. 2015).

 Effets sur l’orientation

L’exposition à des doses sublétales de clothianidine et d’imidaclopride diminue l’activité


de recherche de nourriture et induit de plus longs vols pour cette recherche
(Bortolotti et al. 2003; Yang et al. 2008; Brittain, Potts 2011; Schneider et al. 2012). Le
retour à la ruche est également affecté par l’exposition à des doses sublétales
d’imidaclopride (7.5 et 11.25 ng/abeille), de clothianidine (2.5 ng/abeille) et de
thiaclopride (1.25 µg/abeille) : le taux de réussite au retour est significativement
diminué, et les vols de retour directs sont moins nombreux (Fischer et al. 2014). De
même, les butineuses exposées à des doses sublétales de thiaméthoxame (solution à
67µg/L) voient leur taux de réussite au retour diminué de 10 à 32% par rapport aux
colonies témoins, en fonction de l’environnement (Henry et al. 2012). Les capacités
d’orientation et/ou de mémorisation sont donc diminuées, allant jusqu’à la
disparition de butineuses (Bortolotti et al. 2003), ce qui est délétère pour le reste de la
colonie. Les effets de ces pertes au niveau de la colonie ont été modélisés et les résultats
montrent un effet significatif avec un risque d’effondrement de la colonie (Henry et al.
2012). Cependant, plusieurs variables ne peuvent être prises en compte en raison des
nombreuses incertitudes, ces résultats doivent donc être interprétés avec précaution.

Comme nous l’avons vu dans la première partie, l’apprentissage et la mémorisation sont


des fonctions fondamentales impliquées dans les interactions entre les individus et avec
leur environnement. Ces fonctions sont indispensables pour permettre aux abeilles
d’effectuer leurs tâches au sein de la colonie.

(5) Facteurs de variation environnementaux


Les conditions environnementales et météorologiques influent sur la toxicité des
néonicotinoïdes, ceci a été prouvé avec l’étude du retour à la ruche (Henry et al. 2014).
La température, les radiations solaires, la présence de repères spatiaux (comme des
haies ou des rangées d’arbres) modifient les effets des néonicotinoïdes sur la capacité de
retour à la ruche. Ainsi, pour une même dose de thiaméthoxame, les effets toxiques les
plus marqués sont observés à basse température dans une zone avec beaucoup de
repères spatiaux. Ceci s’explique par le fait que le retour à la ruche implique de
nombreuses fonctions comme la motricité, les capacités d’orientation, de mémorisation
spatiale ou encore d’activité métabolique. Les facteurs environnementaux interfèrent
avec le métabolisme et modifient le comportement d’orientation, basé sur le soleil dans
de bonnes conditions météorologiques, et plutôt sur les repères spatiaux en cas de
météo défavorable (cf. p21). Il existe également une variation selon la saison. En effet, la
sensibilité aux pesticides varie entre les abeilles d’été et les abeilles d’hiver : les
capacités d’apprentissage sont diminuées pour les abeilles d’été, mais les doses toxiques
chroniques sont plus de 2 fois plus faibles chez les abeilles d’hiver (Decourtye, Lacassie,
Pham-Delègue 2003). Ces différences peuvent s’expliquer par des différences
68
physiologiques entre les saisons : par exemple en hiver les abeilles présentent plus de
tissu adipeux, lieu d’accumulation privilégié des pesticides, ce qui les rend plus sensibles
lors d’exposition chronique. La toxicité des pesticides doit donc être considérée en
tenant compte de l’environnement dans lequel évoluent les abeilles.

Peu d'études se sont penchées sur la toxicité chronique, mais elles montrent des DL50
diminuées et l’existence d’un effet d'accumulation. Les effets sublétaux sont quant à
eux étudiés à travers une grande diversité de critères et de protocoles. Beaucoup
d'effets sont prouvés avec des expositions sublétales, à l'échelle individuelle et à l’échelle
de la colonie : les néonicotinoïdes sont délétères pour la reproduction, le
développement ontogénique, les activités réalisées, certains aspects métaboliques,
et pour les capacités cognitives. Ils sont modulés par les conditions
environnementales et en fonction des abeilles (âge, espèce, saison...), facteurs qui
sont donc à prendre en compte dans l’évaluation du risque posé par ces insecticides.

D. POSSIBILITE DE SYNERGIES
Si la toxicité aiguë à faible dose, la toxicité chronique et les effets sublétaux des
néonicotinoïdes sur les abeilles sont préoccupants, il existe une contamination
généralisée des matrices apicoles par une grande diversité de molécules (pesticides,
métaux, hydrocarbures,…) et d’agents pathogènes (Carpentier et al. 2008; Lambert
2013). Se pose alors la question des interactions et synergies pouvant exister entre ces
différents facteurs de stress.

1. AVEC DES AGENTS PATHOGENES


L’imidaclopride peut agir en synergie avec l’agent pathogène Nosema spp. En présence
du pesticide à des doses sublétales (solution sucrée à 7µg/kg), la mortalité induite par ce
champignon est augmentée (Alaux et al. 2010; Pettis et al. 2012). A l’échelle moléculaire
l’activité de la glucose oxidase, enzyme impliquée dans les défenses immunitaires de la
colonie, est diminuée uniquement en présence de l’association néonicotinoïde-Nosema
(Alaux et al. 2010). Les mêmes résultats sont obtenus en utilisant des doses sublétales
de thiaclopride (Vidau et al. 2011; Delbac 2013). Lorsque des larves sont élevées dans
des cellules contenant des résidus de néonicotinoïdes, les adultes sont ensuite plus
sensibles à l’infection par Nosema. Ces effets synergiques sont communs à plusieurs
classes de pesticides comme les pyréthrinoïdes ou le fipronil (Wu et al. 2012).

L’exposition à la clothianidine et à l’imidaclopride à des concentrations compatibles avec


celles rencontrées sur le terrain stimule la synthèse d’une protéine immunosuppressive
chez les abeilles. Cela favorise la réplication du virus de l’aile déformée (Di Prisco et al.
2013).

Enfin, des colonies nourries avec du pollen contaminé à des doses compatibles avec
celles rencontrées sur le terrain (de 5 à 100µg/kg d’imidaclopride) ont été plus infestées
par Varroa, un parasite courant des ruchers (Dively et al. 2015).

69
2. AVEC D’AUTRES PESTICIDES
En conditions de laboratoire, le thiaclopride et l’acétamipride agissent en synergie avec
certains fongicides et avec le butoxyde de pipéronyle (Pisa et al. 2015). En
nourrissant des abeilles avec de la luzerne traitée aux néonicotinoïdes (imidaclopride,
acétamipride et thiaclopride) et à plusieurs fongicides, Iwasa et al. (2004) ont eu des
résultats variables sur la mortalité : certains fongicides potentialisent la toxicité des
néonicotinoïdes (1100 fois plus importante avec le triflumizole par exemple), tandis que
d’autres n’ont pas d’effet synergique.

Cependant ceci n’a pas été confirmé par les études en plein champ (Pisa et al. 2015). En
utilisant du thiaclopride et un fongicide aux doses d’utilisation recommandées en tunnel,
la mortalité des abeilles n’a pas été augmentée (Schmuck, Stadler, Schmidt 2003).

Malgré l’existence démontrée d’effets synergiques, notamment avec Nosema et


certains fongicides, l’étude des synergies avec les agents pathogènes comme avec les
autres pesticides reste difficile et pour l’instant de nombreuses lacunes existent. C’est
pourtant une notion primordiale puisque les abeilles sont rarement exposées à une
seule source de stress.

Pour conclure cette troisième partie, tous les membres de la colonie, couvain
compris, sont exposés à des doses non négligeables de néonicotinoïdes. La
contamination des ruchers a été prouvée, allant jusqu’à 40% de colonies exposées en
France. Les doses toxiques sont très faibles pour ces molécules, et sont encore plus
faibles en cas d’exposition chronique ; connaissant la longue persistance de ces
insecticides dans l’environnement, le risque posé pour les abeilles est à prendre en
compte. Souvent suspectés d’être à l’origine de mortalité, ce lien de causalité est
cependant rarement mis en évidence : si les néonicotinoïdes sont présents en cas de
mortalité, et malgré des DL50 déterminées en laboratoire très faibles, les doses
retrouvées sur le terrain sont le plus souvent inférieures aux doses létales. Dans ce
cadre, l’étude des effets de doses sublétales est justifiée, et de très nombreux
protocoles ont été proposés. La plupart de ces études sont menées en laboratoire et
montrent l’existence d’effets sublétaux variés. En revanche, les études menées en
plein champ ne confirment pas systématiquement ces résultats : les effets individuels
de doses sublétales de néonicotinoïdes peuvent être masqués par des mécanismes de
compensation à l’échelle de la colonie. Ces effets sublétaux sont à prendre en compte
dans l’étude de l’affaiblissement des colonies : les néonicotinoïdes font partie d’un
ensemble de facteurs de stress pouvant désorganiser la colonie. Ainsi, une
approche plus récente prend en compte les interactions possibles entre ces différents
facteurs, et des synergies sont mises en évidences entre les néonicotinoïdes et
certains agents pathogènes ou d'autres produits phytosanitaires.

70
CONCLUSION
Les abeilles sont très sensibles aux insecticides néonicotinoïdes. Elles s’exposent
principalement en ingérant du nectar et du pollen contaminés. Si les doses mortelles sont
rarement atteintes en milieu naturel, Apis mellifera peut être exposée à des doses dites
sublétales dont les effets sont très variés : baisse de la reproduction, désorientation, atteinte
de la locomotion, malformations des larves… Tout cela a des répercussions à l’échelle de la
colonie : l’exposition aux néonicotinoïdes est un facteur qui participe aux phénomènes
d’affaiblissement et d’effondrement des colonies mis en évidence depuis une vingtaine
d’années par les apiculteurs et par les organismes de suivi des populations d’abeilles.

Entre les enjeux environnementaux comme la survie des abeilles et les enjeux économiques
pour les filières agricole et phytosanitaire, la règlementation encadrant l’utilisation des
néonicotinoïdes est régulièrement remise en question et elle évolue lentement. Bien que de
nombreuses incertitudes demeurent quant à l’impact exact de ces insecticides sur les
populations d’abeilles, en août 2016 la France décide d’aller plus loin que les différentes
suspensions émise par les gouvernements français et européens et vote l’interdiction totale
de l’utilisation de ces pesticides sur les cultures à partir de 2020.
Ceci ne résout pas tous les problèmes : cette mesure sera longue à mettre en place, des
alternatives doivent être proposées pour assurer la pérennité des activités agricoles et la
question de l’impact des usages domestique et vétérinaire n’est pas prise en compte. De plus,
les abeilles sont exposées à d’autres facteurs de stress, qui peuvent parfois agir en synergie :
elles doivent en effet faire face à plusieurs agents pathogènes omniprésents dans les colonies
(varroase, nosémose…), à des produits phytosanitaires variés et très souvent retrouvés en
association dans les ruches, ainsi qu’à des conditions environnementales parfois difficiles
comme dans les régions de grandes monocultures. Améliorer la situation sanitaire des
abeilles passe donc par la recherche de solutions face à tous ces éléments qui participent au
déclin des colonies.

L’abeille joue un rôle majeur dans notre société : fabrication de nombreux produits sans
équivalents, mais aussi et surtout rôle primordial dans le maintien de la biodiversité. Cette
espèce unique mérite donc que les recherches soient poursuivies et que des mesures de
protection continuent d’être mises en place.

71
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84
IVERT Marion

Toxicité des néonicotinoïdes chez l’abeille domestique

Thèse d’Etat de Doctorat Vétérinaire : Lyon, le 30 septembre 2016

RESUME :

Ce travail est une synthèse bibliographique des connaissances actuelles sur la toxicité des insecticides
de la famille des néonicotinoïdes sur l’abeille Apis mellifera. Les principales caractéristiques
anatomiques et physiologiques de cette espèce ainsi que son mode de fonctionnement en colonie sont
présentés dans une première partie, afin de comprendre les modes d’exposition aux pesticides. Puis les
néonicotinoïdes sont abordés dans une deuxième partie : leurs caractéristiques physico-chimiques, leur
utilisation et les données environnementales sont détaillées et mises en relation avec la contamination
des ruchers. Enfin, la dernière partie expose les données de toxicité en précisant les effets létaux et
sublétaux des néonicotinoïdes sur l’abeille, à l’échelle de l’individu et de la colonie. Ces effets sont
discutés et mis en lien avec la contamination de l’environnement et l’exposition des ruchers pour
arriver aux conclusions actuelles sur le risque présenté par ces pesticides.

MOTS CLES :
- Abeille domestique
- Néonicotinoïdes
- Insecticides
- Ecotoxicologie
- Apiculture

JURY :
Président : Monsieur le Professeur Damien SANLAVILLE

1er Assesseur : Monsieur le Professeur Philippe BERNY


2ème Assesseur : Monsieur le Professeur Michel PEPIN

DATE DE SOUTENANCE : 30 septembre 2016

ADRESSE DE L’AUTEUR :
19 rue Antoine Brun
69280 SAINTE CONSORCE

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