La menace de la COVID diminue.
En revanche,
la menace bactérienne est en hausse
Par le Dr Fred Tenover
Selon les CDC, les progrès significatifs réalisés par les États-Unis dans la réduction des infections
bactériennes résistantes aux antibiotiques se sont évaporés pendant la pandémie. | Joe Raedle/Getty Images
Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies
(CDC), les progrès significatifs réalisés par les États-Unis
dans la réduction des infections bactériennes résistantes aux
antibiotiques dans les hôpitaux avant la COVID-19 se sont
évaporés pendant la pandémie. Cela s’explique en grande partie
par le fait que les médecins prescrivent des antibiotiques à plus
grande échelle et que l’attention accordée à la lutte contre la
propagation des infections bactériennes résistantes dans les
hôpitaux a été réduite au profit de la lutte contre la COVID-19.
En 2017, les CDC ont constaté que les décès liés à des infections
à résistance antimicrobienne avaient diminué de 18 % dans
l’ensemble et de près de 30 % dans les hôpitaux grâce aux
investissements et à l’attention particulière dans les efforts de
prévention et de contrôle des infections. Toutefois, lorsque le
nombre de cas de COVID-19 a augmenté dans les hôpitaux
en 2020, l’utilisation d’antibiotiques a également augmenté. Une
étude réalisée par l’Organisation mondiale de la Santé a révélé
qu’entre mars 2020 et octobre 2020, près de 80 % des patients
hospitalisés en raison de la COVID-19 ont reçu un antibiotique,
alors que l’infection était documentée dans seulement 8 % des
cas. La prescription excessive d’antibiotiques est un facteur
majeur qui contribue à la résistance aux antibiotiques.
Les progrès réalisés en matière de contrôle de la résistance
ont également été inversés de façon spectaculaire en milieu
communautaire. En 2020, les taux de tuberculose ont
augmenté à l’échelle mondiale pour la première fois depuis
plus de dix ans. De plus, les taux d’infection par la gonorrhée
ont explosé à mesure que les programmes de santé publique
et les ressources consacrées à la lutte contre les infections
transmissibles sexuellement cédaient la place aux efforts de
lutte contre la COVID-19. La situation s’est encore aggravée
avec l’émergence et la propagation de souches de tuberculose,
Alors que la menace de la
COVID-19 a diminué et que nous
envisageons la possibilité qu’elle
entre dans un état endémique, il
est urgent de prendre conscience
d’un dangereux héritage de cette
sombre période : la grave menace
que représente la diminution de
l’efficacité des antibiotiques.
Le Dr Fred Tenover, Ph. D., D(ABMM), FIDSA, FAAM,
FISAC, a été vice-président des affaires scientifiques
chez Cepheid de 2008 à 2023. Auparavant, il a travaillé
pendant 18 ans aux Centres pour le contrôle et la
prévention des maladies (Centers for Disease Control
and Prevention, CDC) à Atlanta en tant que codirecteur
pour les sciences de laboratoire au sein de la division de
la promotion de la qualité des soins de santé.
Chaque année, près de 5 millions de décès dans
le monde sont liés à l’utilisation d’antibiotiques
inefficaces ou au manque d’accès aux antibiotiques
pour les personnes gravement malades. Une
évaluation de la menace, faite par les CDC
en 2019, a signalé plus de 2,8 millions d’infections
résistantes aux antibiotiques aux États-Unis et plus
de 35 000 décès liés à cette résistance. Cela signifie
qu’aux États-Unis, une nouvelle infection résistante
aux antibiotiques survient toutes les 11 secondes.
de gonorrhée et d’infections associées aux soins résistantes
non pas à un seul, mais à plusieurs antibiotiques, au point que
certaines étaient impossibles à traiter.
La résistance aux antibiotiques est parfois appelée « pandémie
cachée », mais elle n’est certainement pas cachée à toute
personne qui passe du temps dans un hôpital ou à tout parent
dont l’enfant souffre de sa troisième infection de l’oreille en
une année. La résistance bactérienne est l’un des plus grands
défis sanitaires de notre époque, et de plus en plus de gens
vont mourir si nous ne nous remettons pas sur la bonne voie
et si nous ne luttons pas plus efficacement.
Le lancement des antibiotiques dans les années 1940
a marqué une nouvelle ère pour la médecine. Pour la
première fois, l’être humain disposait d’une arme efficace
contre les infections bactériennes mortelles. Mais ces
nouveaux médicaments miracles s’accompagnaient d’un
avertissement concernant le risque de résistance bactérienne
en cas d’utilisation excessive, lequel venait justement de Sir
Alexander Fleming, le découvreur de la pénicilline.
“
Nous ne pouvons attendre encore 30 ans
pour agir contre un problème qui nous
menace tous dès aujourd’hui.
Il avait bien raison. Les bestioles ont contre-attaqué. Elles ont
évolué à la fois en modifiant leur propre constitution génétique
et en acquérant auprès d’autres bactéries l’information
génétique leur permettant de devenir résistantes. Les bactéries
ont appris à s’adapter rapidement à ce qui leur causait du tort.
Le principal facteur à l’origine de la résistance croissante des
bactéries est l’utilisation abusive et excessive des antibiotiques :
en médecine humaine et vétérinaire, dans l’agriculture et la
production d’animaux destinés à l’alimentation, ainsi que dans
l’aquaculture (notamment, pensez au saumon d’élevage). Il
s’agit d’un problème majeur lorsque les médecins rédigent des
ordonnances « par mesure de précaution », mais n’effectuent
pas de test de diagnostic pour éclairer leurs options
thérapeutiques (même quand les antibiotiques sont inutiles).
Pendant trop longtemps, il y avait peu d’obstacles à la
prescription d’antibiotiques parce que ceux-ci étaient perçus
comme utiles et généralement inoffensifs. C’est loin d’être
le cas. Les effets indésirables liés à la prise d’antibiotiques
peuvent conduire les gens aux services d’urgence en raison
de symptômes allant de légers à mettant la vie en danger.
Avant tout, l’utilisation d’antibiotiques prédispose les
gens au risque d’infection par une bactérie très virulente,
produisant des toxines, appelée Clostridioides difficile, ou
plus simplement « C. diff. ».Le C. diff peut infecter l’intestin et
provoquer des symptômes allant d’une légère diarrhée à une
colite potentiellement mortelle. L’infection survient après un
traitement antibiotique, lorsque les « bonnes bactéries » de
l’intestin sont éliminées.
Dans le cas d’infections bactériennes graves, les avantages des
antibiotiques l’emportent nettement sur les risques, mais nous
ne pouvons certainement pas ignorer les risques. On ne doit
pas continuer à administrer des antibiotiques, lesquels sont
inutiles pour les infections virales, comme le rhume courant,
ou « par simple mesure de précaution ». Nous devons tous
adopter une attitude responsable à l’égard des antibiotiques
afin de préserver ces ressources précieuses.
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Deux changements faciles à mettre en place contribueraient à
prévenir la surutilisation des antibiotiques :
Investir davantage dans les outils de
diagnostic
L’utilisation de tests de diagnostic permet de réduire les
conjectures pouvant contribuer à une mauvaise utilisation des
antibiotiques. Par exemple, les tests de diagnostic basés sur la
PCR peuvent identifier plusieurs agents pathogènes à partir
d’un seul échantillon et fournir des résultats plus rapidement
et à moindre coût (souvent en une heure ou moins) que les
techniques de culture classiques susceptibles de prendre
2 à 3 jours, voire des semaines, avant d’obtenir une réponse.
L’obtention rapide d’une réponse précise permet aux médecins
de décider si un antibiotique est nécessaire et, si oui, lequel.
Une meilleure formation et sensibilisation
des médecins et des patients
Les patients et leurs aidants doivent prendre conscience que les
antibiotiques ne sont pas toujours la meilleure approche pour
traiter leur maladie. Lorsqu’on leur prescrit un antibiotique,
les patients doivent demander à leur professionnel de la santé
de leur dire pourquoi ils en ont besoin et de leur indiquer si le
médecin a effectué un test de diagnostic pour justifier le choix
de l’antibiotique. Toutefois, si leur médecin leur dit qu’ils n’ont
pas besoin d’antibiotiques, p. ex., en raison d’une infection
virale, les patients ne devraient pas insister auprès du médecin
pour qu’il leur prescrive un antibiotique. Cela pourrait bien leur
causer plus de tort que de bien.
“
Il ne faut pas laisser les revers devenir
permanents, comme ceux observés
pendant la COVID-19. Le recours aux
tests de diagnostic, l’utilisation et la
gestion responsables des antibiotiques, la
formation des patients et des fournisseurs,
ainsi que l’investissement dans la prochaine
génération d’antibiotiques, sont tous des
éléments qui jouent un rôle essentiel dans
la lutte contre cette crise de santé publique.
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