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Treillis de bambou utilisés comme renfort -

rie qu’à l’intérieur. Le bambou acquiert au cours de sa maturité une


de structures mixtes en béton
Katia Naouri
constituent 60 à 70% du poids des tiges. De par sa structure évidée, le
bambou, comparé au bois d’œuvre, est très léger.
Soumis à des tests de compression, de cisaillement, de tension et
Les caractéristiques du bambou
particulier) sont beaucoup plus performants que le Douglas, (bois de
construction de référence). Il est également plus résistant à la combus-
Plante aux particularités uniques dans le monde végétal, le bambou
tion que le chêne et le Douglas.
ne présente pas pour autant un aspect uniforme. Il en existe plus d’un
Assemblées correctement, les structures en bambou peuvent résister
millier d’espèces aux caractéristiques propres. Suivant l’endroit où il
aux séismes et ouragans.
pousse, la nature du terrain, le climat, l’altitude, il peut être très différent
de taille, de forme, voire de couleur.
La majeure partie des espèces de bambous sont principalement origi-
l’érosion des sols, restaure des sols appauvris, et participe à l’élimina-
naires d’Asie et d’Amérique où on les trouve à des altitudes variables,
tion de certaines toxines du sol.
jusqu’à 3 000 m dans l’Himalaya. Si quelques rares espèces sont spon-
tanées en Afrique continentale et en Océanie aucune n’est spontanée
en Europe. C’est par la culture que leur aire de répartition a connue une Utilisation du bambou
forte progression.
Aucun autre végétal au monde de pousse si vite. Selon les espèces, il L’utilisation que l’on en fait dépend avant tout du type de bambou, de
son âge et de la partie de la plante utilisée.
deux et quatre mois. A ce stade, la tige est peu résistante. Elle se ligni- Dans de nombreuses régions, notamment en Asie, le bambou est lié à
tous les aspects du quotidien.
croissance très rapide permet de l’utiliser à partir d’un an d’âge pour la On l’utilise pour dans la construction, autant pour les échafaudages
fabrication de papier alors qu’il faut entre 15 et 30 ans pour l’exploita- que pour la structure porteuse des bâtiments, on s’en sert également
tion d pin et près de 60 ans pour celle du chêne. pour l’aménagement, la décoration, et le mobilier. On peut s’en servir
Les bambous appartiennent à la sous-famille des graminées. Ils se pour fabriquer des moyens de transport (radeaux, vélos). A une échelle
caractérisent par un chaume c’est à dire une tige cylindrique creuse plus petite on l’utilise aussi pour faire des instruments de musique, ain-
composée de nœuds et d’entre-nœuds. A chaque nœud correspond si que pour la cuisine.
une cloison rigide qui vient renforcer la tige. Le diamètre de la section
creuse de cette tige, l’épaisseur de la paroi et la longueur des entre-
nœuds varient selon les espèces. Leur surface extérieure est très lisse

-
Renforcer avec du bambou

Le bambou est également utilisé comme renfort dans différents types


de structures mixtes.
Il peut s’agir d’armatures pour renforcer des murs en terre.
Dans de nombreuses constructions traditionnelles, on découpe le bam-
bou en bandes que l’on tresse pour obtenir un maillage. Ce maillage
placé verticalement est ensuite recouvert des deux côtés par un mé-
lange de terre et de fibre. (images 1 et 2)
3

Selon un principe similaire, un système d’arche antisismique a été déve-


loppé à l’université de Kassel (au Building Research Laboratory FEB),
entre 1981 et 1983. Elle consiste en un système d’arche composé de 4
bandes de bambou liées ensemble formant la parabole, sur lesquelles
sont fixées des briques d’argile en forme de U. Cette voute a été renfor-
cée avec une toile imperméable qui permet en plus de protéger le toit
de l’eau de précontraindre et stabiliser la voute. (image 4)

1 2

En s’inspirant d’une technique de construction traditionnelle au Pérou,


l’Institut National de recherche et normalisation du logement (ININVI) au
Pérou, des chercheurs ont développés un système de mur en adobe
renforcé contre les séismes avec des tiges de bambou placées verti-
calement dans les ouvertures de briques de terre. Un mortier est placé
autour des tiges. (image 3)

4
Depuis quelques années de plus en plus de recherches portent sur le
remplacement des armatures en acier par des armatures en bambou
dans le béton armé. Différentes méthodes sont proposées, mais pour
toutes un des enjeux principaux est l’adhérence entre le bambou et le
béton. En effet, la surface du bambou étant très lisse, elle ne permet
pas un bon accrochage au béton. De plus, dans un espace humide, le
bambou peut se gonfler d’eau, or lorsque l’eau s’en va cela entraine un
retrait du bambou et donc sa désolidarisation avec le béton. Il existe
également des recherches sur le mélange des fibres de bambou au
béton pour le renforcer, qu’il pourrait être intéressant d’étudier dans un
second temps, mais nous présenterons ici des méthodes qui essaient
d’avantage de conserver le matériau dans sa forme initiale.

Figure de gauche, lanières de bambou crénelées


Dans son travail de mémoire , Jonathan Boucher utilise des lanières
1 Figure de droite, une des armatures de bambou qui apparaît après fissuration de la
poutre en béton
découpées dans des tiges de bambou pour armer des poutres T en
béton. Après avoir traité par immersion puis séchage les tiges, celles ci
sont sablées et enduites d’un agent hydrofuge. De plus les lanières ont
été crénelées pour obtenir un meilleur ancrage mécanique au béton.
Enfin pour dimensionner sa poutre et placer les armatures, il utilise les
mêmes procédures de design que pour le béton armé d’acier.

Placements des lanières de bambou dans le coffrage pour


armer la poutre en béton

1 Boucher Jonathan, Développement d’une poutre de béton armé de bam-


bou préfabriquée pour l’habitat urbain de Hanoi, mémoire, 2006
A la Pontifical Catholic University de Rio de Janeiro, des expériences Un autre exemple semble intéressant, mais due au manque d’informa-
ont été menées par David Guzman, dirigées par Khosrow Ghavami, tions disponible, il faudrait continuer les recherches pourcomprendre
pour construire des planchers utilisant du bambou (coupé en deux) comment le problème de l’adhérence a été résolu. Il s’agit du projet de
placés dans la zone en tension, et du béton dans la zone en compres- Rabi Mukhopadhyay, Parthasarathi Mukhopadhyay et Barindra Lal Sar-
sion. Les tests ont montré que si les diaphragmes du bambou sont kar, nommé parmis les finalistes des lafarges inventions award 2011,
conservés, la résistance dans les nœuds augmente. consiste a remplacer l’acier du béton armé dans les planchers par du
bambou. De manière à réduire la consommation d’acier mais égale-
ment celle du béton car on ne l’utiliserai plus dans la zone de traction
où il ne contribue pas à la résistance. Cela permettrai avant tout de
réduire le poids des planchers, mais aussi la production de CO2.

Le système de planchers en bam-


2 bou

1/ avant le coulage du béton les


Le système de plancher mixte béton-bambou
tiges sont coupées en deux et les
zones de nœuds sont conservées
2/ les tiges de bambou sont recou-
vertes d’une solution bitumeuse et
sablées pour une meilleure adhé-
rence avec le béton
3/ le béton est coulé
3
Traitement et préservation du bambou du traitement du bambou et de la résistance du béton sur la qualité
de l’adhérence entre le béton et les armatures de bambou. D’après
La dégradation du bambou est une des limites majeures dans l’utilisa- leurs test, ils ont montrés que les tiges de bambou ayant des nœuds
tion de ce matériau comme armature dans le béton. Pour assurer sa obtiennent toujours une meilleure adhérence que celles sans nœuds,
durabilité il est nécessaire d’effectuer certains traitements. Traditionnel- car ils agissent comme des protubérances qui permettent au bambou
lement, celui ci consiste à immerger le bambou dans l’eau stagnante de mieux s’agripper au béton. Le séchage prolongé du bambou per-
pendant trois mois afin de dissoudre l’amidon ainsi que les autres subs- mettrai également une meilleure adhérence en évitant le retrait de l’eau
tances nuisibles à la conservation des tiges. Il convient par la suite et donc la désolidarisation des armatures avec le béton. De la même
d’enduire les surfaces d’un produit imperméabilisant avant qu’elles manière le recouvrement des tiges par le bitume (proposé pour imper-
n’entrent en contact avec le béton frais. En effet, soumis à des condi- méabiliser les tiges) ainsi que le sablage de la surface permet une
tions d’humidité, le bambou devient un matériau hygroscopique : il ab- meilleure adhérence au béton. Enfin une autre méthode dans laquelle
sorbe l’humidité du béton et subit un important gonflement suivi d’un le bambou est recouvert par un vernis puis par un grillage métallique
retrait lors du séchage. De nombreux traitements sont étudiés pour offre le meilleur coefficient d’adhérence béton-bambou.
recouvrir le bambou et réduire l’absorption d’eau, comme l’application
d’une couche de bitume chaud. Des recherches menées par Kawai5 propose de tailler les armatures
pour augmenter leur adhérence. La création de crénelures dans la sec-
tion longitudinale des lanières de bambou exercerait un meilleur accro-
Adhérence béton bambou chage au béton.

Dans son travail de mémoire intitulé «Développement d’une poutre de Foudjet et Fomo6 (1995) proposent un tout autre moyen d’augmenter
béton armé de bambou préfabriquée pour l’habitat urbain de Hanoi», l’adhérence entre les matières végétales et le bambou, par l’utilisation
Jonathan Boucher2 présente différentes travaux menés sur l’adhérence d’une structure périodique de confinement. Il s’agirait de façonner les
armatures de rotin ou de bambou en forme de cadres ayant un côté dans
entre les tiges de bambou et le béton. En effet, il s’agit également d’une
des principales limites des bétons armés de bambou. la zone comprimée. A partir d’essais d’arrachement, ils démontrent que
l’adhérence apparente varie de 2,8 MPa à 5,4MPa pour des contraintes
Tout d’abord, Raj avance que l’adhérence moyenne observée entre de rupture en traction du rotin allant de 52 à 100MPa. Ils émettent alors
3

plusieurs espèces de bambou et le béton est de l’ordre de 0.25 à 0.5 l’hypothèse suivante, sachant que les contraintes d’adhérence du bam-
MPa. De plus Kankam4 et Perry ont tenté de déterminer l’influence

pages 187-193)
2 Boucher Jonathan, Développement d’une poutre de béton armé de bam-
bou préfabriquée pour l’habitat urbain de Hanoi, http://theses.ulaval.ca/archimede/ 5 (KAWAI Tadashi, KAMAMURA Masashi, KASAI Yoshio, (2000), Properties of
fichiers/23928/pr01.html , mémoire, 2006 bonding, weathering, bending of beam of bamboo reinforced soil-cement concrete,
Transactions of the Japan Concrete Institute, Vol. 22, pages 451-464)
3 (RAJ,Vijay, (1991), Treatise on utilization of bamboo as reinforcement in
ferrocement , Journal of Ferrocement, Vol. 21, No. 4, pages 371-382) 6 (FOUDJET, A., FOMO, J., (1995), Une nouvelle méthode d’accroissement
de l’adhérence entre une armature en matière végétale et le béton (effet de confine-
4 (KANKAM, Charles K., ODUM E., Brigitte (1999), Structural behavior of ment) : cas de l’armature de rotin dans le béton de nodule latériques , Materials and
babadua reinforced concrete beams , Construction and Building Materials, Vol. 13, Structures, Vol. 28, pages 554-557)
bou et de l’acier dans le béton sont supérieures à celles du rotin et que
la contrainte de rupture en traction du bambou peut atteindre 400 MPa,
la valeur de l’adhérence limite serait de 20 MPa si ce procédé était
appliqué au bambou. Jonathan Boucher précise que les auteurs ont
menés leurs recherches sur des éprouvettes armées de rotin et que les
résultats avancés pour le bambou ne sont que des spéculations.

Recherche

Dans cette recherche sur le renforcement du béton par des armatures 1 4


en bambou, il me semble que le projet d’école et de centre communau-
taire de Shoei Yoh réalisé en 1995, au Japon, peut être particulièrement
intéressant. En effet, pour réaliser cette structure il a fallut tout d’abord
créer un maillage de lamelles de bambou disposées orthogonalement.
Ce treillis, a été ensuite soulevé par une colonne placée temporairement
au centre pour soutenir la structure et permettre de lui donner sa forme

3cm de polyuréthane, pour permettre une isolation thermique, puis des


armatures en acier ont été disposées et le béton coulé. Le bambou 2
a donc joué le rôle de coffrage pour couler le béton puis après trois
semaines la colonne a été retirée et la structure fonctionne alors comme
une coque.
En réutilisant les recherches effectuées par Foudget et Formo (voir
paragraphe sur l’adhérence béton-bambou) il serait intéressant de réaliser un double treillis de bambou qui
au lieu de ne servir que pour le coffrage de la structure, pourrait être
l’armature du béton.

3 5
1/ Réalisation à plat du maillage de lanières de bambou
2/ Installation de la colonne centrale et mise en forme du maillage
3/ Installation des armatures en acier sur le coffrage en bambou

5/ Vue depuis l’intérieur de la structure


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