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THÈME 1

LE MONSTRE, AUX LIMITES DE L’HUMAIN

Pourquoi la figure du monstre en 6e ? N’y a-t-il pas une forme brutale d’entrée dans le programme ? Sans doute avons-nous été
surpris dans un premier temps par ce choix. À y regarder de plus près, la place de ce thème trouve toute sa pertinence. Lors
des deux années précédentes de cycle 3, les écoliers ont eu l’occasion d’aborder à la fois la notion de héros et la confrontation
avec le merveilleux et l’étrange. Autant dire avec des mondes mais aussi des créatures qui n’existent pas, qui peuvent attirer ou
effrayer. Or, ce sentiment de la peur – qui fascine et inquiète à la fois – ne fait-il pas partie de l’imaginaire des pré-adolescents
d’aujourd’hui, mais surtout, ne se fait-il pas l’écho de l’appréhension légitime que suscite l’entrée en 6e ? Après avoir été les plus
grands des « petits » en CM2, on devient, du jour au lendemain, les petits des plus « grands » à l’entrée au collège. Le détour par
la littérature n’est-il pas un bon moyen de mettre à distance ses propres craintes, mais aussi de les surmonter ?

▶ Notre choix, dans l’organisation du parcours à travers ce thème, a donc été le suivant :

– nous interroger tout d’abord sur ce qu’incarne le monstre à nos yeux – en somme, nous conduisons les élèves à mettre davan-
tage l’accent sur leur propre regard plutôt que sur l’aspect du monstre lui-même : il menace, effraie, mais aussi fascine ; il convient
donc de s’interroger sur les réactions en chacun de nous, afin de prendre une distance par rapport à la monstruosité, mais aussi
par rapport au plaisir du démesuré, du « toujours plus horrible » que les images se chargent de faire déferler sur les jeux vidéo
ou autres dessins animés ;
– pour continuer ce travail sur notre propre appréhension du monstrueux plus que sur le monstrueux lui-même, nous invi-
tons à comprendre que les apparences peuvent être trompeuses et constituent un piège de deux façons : derrière les figures
repoussantes, peuvent se cacher des âmes nobles – La Bête dans La Belle et la Bête, Quasimodo dans Notre-Dame de Paris – mais,
à l’inverse, des créatures attirantes peuvent se révéler encore plus monstrueuses que celles qui sont d’emblée effrayantes : par
exemple les Sirènes sont autant redoutables que le Cyclope Polyphème ;
– la conclusion à laquelle il nous semble intéressant de conduire les élèves peut être la suivante : le monstre n’est rien d’autre
que le visage donné à nos propres peurs et il incarne souvent, dans les récits antiques, les forces qui dominent les hommes et
les écrasent ; le monstre se fait la représentation du pouvoir des dieux, soit qu’il impose aux héros de se mesurer à lui, soit qu’il
devienne la nouvelle apparence d’un humain victime d’un châtiment divin.

▶ Il ne serait pas opportun de s’en tenir à cette seule idée que les monstres sont l’incarnation de la peur. La dimension « éduca-
tive » des récits épiques et des contes est bien de montrer que, tout comme les héros de la littérature, il nous faut trouver en nous
les ressources pour vaincre le pouvoir des monstres. On voit combien ce thème du monstre trouve une articulation évidente
avec le thème Héros/héroïnes et personnages des deux années précédentes de cycle 3, ainsi qu’avec le thème 2 de 6e, « Récits
d’aventures » ; l’année de 5e continuera à son tour d’approfondir aventure et héroïsme, ce qui permet aux « histoires de monstre »
de s’intégrer dans une cohérence aisée à poursuivre d’un niveau à l’autre.

▶ Après la perception du monstre, la réaction face à lui et la recherche de stratagèmes pour le vaincre sont le deuxième volet de
cette étude, que l’on peut croiser de manière pertinente avec le thème 4 : « Résister au plus fort : ruses, mensonges et masques ».
L’Odyssée d’Homère donne des exemples multiples de la ruse et du pouvoir de l’intelligence en montrant comment Ulysse,
victime des colères divines, se retrouve confronté à des créatures effrayantes. Il nous a semblé que l’étude des différentes figures
rencontrées par le héros et des solutions qu’il trouve pour se sortir des situations les plus périlleuses était une manière de repen-
ser les principaux épisodes de son retour à Ithaque. On ne se contente pas d’une chronologie des épisodes les plus célèbres de
l’épopée homérique, mais on tente de voir, à chaque nouvelle épreuve, comment Ulysse trouve en lui les ressources nécessaires
pour y faire face.

▶ Rendre vivante et actuelle cette interrogation sur la monstruosité, tel a été notre souhait : le monstre n’est-il pas avant tout
une projection de nos angoisses ? Comment faire pour dépasser les apparences ? Quelles forces ou quels artifices nous per-
mettent de réagir quand il faut faire face à ce qui nous effraie ? Le mode, très contemporain, de l’interview d’un héros après une
rencontre éprouvante avec une figure monstrueuse, peut permettre à chacun de se mettre « dans la peau d’un héros » qui a
chassé les monstres et surtout… ses propres peurs.

18 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


THÈME 1 LE MONSTRE, AUX LIMITES DE L’HUMAIN

Les monstres dans


PARCOURS UN THEME

les contes du monde entier p. 24 à 39

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DU PARCOURS


Problématique : Comment les monstres permettent-ils de mettre à distance et de dépasser les peurs humaines ?
▶ Ce chapitre s’attache au thème du monstre et prend appui sur des contes de toutes les origines : la question de la monstruosité
traverse en effet toutes les cultures. Parmi les schémas récurrents des contes repérés par Aarne et Thomson, on trouve, par
exemple, « Les adversaires surnaturels » ou « L’enfant monstrueux ». Ces schémas, d’abord tirés des contes européens, peuvent
s’étendre aux contes du monde entier.
▶ Il s’agit de faire réfléchir les élèves sur les raisons qui poussent les hommes, quelle que soit leur culture, à inventer des
récits envahis par des monstres. Quel est le rôle de ces monstres ? Proches des cauchemars de l’enfance, ils incarnent les peurs
archaïques de l’être humain et permettent de les énoncer, de les mettre à distance pour les dépasser. Ils incarnent la violence à
laquelle tout être humain peut être confronté et contre laquelle il lutte. Ils permettent de grandir en agissant et en comprenant
le monde.
▶ Le chapitre ne s’organise pas selon la forme des monstres – elle peut être très différente selon les cultures et ne serait pas
propice à la réflexion – mais plutôt selon la fonction qu’ils occupent au sein des contes : opposants permettant de grandir,
phénomènes naturels effrayants, punitions sanctionnant des personnages trop hardis, personnages difformes dont on
comprend qu’ils ne sont pas si monstrueux que cela.
▶ Des contes célèbres de la tradition européenne (« Le Petit Poucet », « La Belle et la Bête ») ont été volontairement mêlés à des
contes moins connus, issus d’autres territoires. La confrontation de récits familiers et de nouvelles découvertes permet de créer
des liens et de mieux souligner l’universalité du thème.
▶ Ce chapitre vise à permettre aux élèves :
– de comprendre l’aspect universel des contes ;
– de développer leur imaginaire ;
– de travailler sur l’oralité ;
– de saisir la portée morale d’un récit ;
– de réfléchir sur la symbolique des contes ;
– d’imaginer la transposition d’un conte au cinéma.

ORGANISATION DU PARCOURS ET CHOIX DES AXES DE LECTURE

1. Des monstres pour affronter ses peurs ● Proposition d’hypothèse de lecture


Pourquoi est-il intéressant que les personnages confrontés au
Charles Perrault, « Le Petit Poucet » p. 24 monstre soient des enfants ?

Alexandre Afanassiev, « Vassilissa-la-très-belle » p. 26 2. Des monstres pour expliquer des phénomènes


naturels
Patrick Chamoiseau, « La Madame Kéléman » p. 27
● Pistes didactiques Jean Muzi, « L'Île au monstre » p. 28
Ces deux doubles pages mettent en scène des enfants qui,
pour grandir, doivent lutter contre des monstres hostiles.
Guillaume Olive et He Zhihong, « Nian le terrible » p. 29
Dans chacun de ces contes, les jeunes héros sont séparés de
Yves Pinguilly, « Le chasseur plus fort que le lion
leur famille et rejetés. Le monstre incarne, d’un point de vue
psychanalytique, l’abandon ou la séparation que l’enfant a à qui avale l'orage » p. 29
surmonter pour entrer dans l’âge adulte.
● Pistes didactiques
L’entrée dans le chapitre se fait par un conte souvent connu
Cette double page montre que la menace de certains
des élèves, « Le Petit Poucet ».
monstres ressemble beaucoup à celle d’une nature hostile.
L’étude des contes d’Alexandre Afanassiev et de Patrick Cha- Les monstres incarnent la violence de la nature et les peurs
moiseau montre que la poésie et l’humour permettent de qu’elle suscite chez les hommes. Dans les extraits que nous
mettre à distance les monstres et que l’on peut aussi s’en avons choisis, on peut rapprocher les monstres de certains
amuser.

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fléaux, tels que la sécheresse, la famine, les raz-de-marée ou 4. Des monstres pour faire accepter la différence
les incendies.
En ce sens, ces contes ont une dimension étiologique : ils per- Mme Leprince de Beaumont, « La Belle et la Bête » p. 32
mettent en effet de donner une explication (poétique plus
que scientifique) à des phénomènes naturels. Suzy Platiel, « La Fille Caillou » p. 38
● Proposition d’hypothèse de lecture ● Pistes didactiques
Quel rapport peut-on établir entre les monstres évoqués dans Plusieurs extraits de « La Belle et la Bête » et de « La Fille
les contes et les phénomènes naturels auxquels l’homme Caillou » ont été proposés : il semble en effet important de
peut être confronté ? souligner l’évolution de ces contes et de faire réfléchir à leur
structure et leur morale. Le travail d’adaptation cinématogra-
3. Des monstres pour transmettre une leçon de vie phique de « La Belle et la Bête » permet aux élèves d’analyser
en profondeur les extraits et de réfléchir aux sentiments des
Ré et Philippe Soupault, « Le Vounioupi » p. 30 personnages, tout en découvrant un nouveau support d’ex-
pression.
Patrick Chamoiseau, « Le Musicien petit Les deux contes montrent la difformité selon deux points de
bonhomme » p. 31 vue. Dans « La Belle et la Bête », la Belle accepte peu à peu
la monstruosité d’un autre personnage, la Bête. Dans « La
● Pistes didactiques Fille Caillou », c’est la jeune fille monstrueuse qui apprend
Dans cette double page, les monstres ont une fonction puni- elle-même à revendiquer sa différence, malgré le rejet de sa
tive : ils sanctionnent les mauvaises actions et poussent à agir propre mère.
avec sagesse. Ces deux contes permettent d’aborder en classe la question
L’accent est mis sur la morale du conte. Cette partie vise à faire du handicap et de sa reconnaissance par la société. Ils consti-
des élèves des lecteurs vigilants, sensibles aux indices qui tuent une transition vers l’atelier d’écriture suivant (▶ Décrire
annoncent la fin du texte et la punition du héros. l’apparition d’un personnage monstrueux, p. 40-43).
● Proposition d’hypothèse de lecture ● Proposition d’hypothèse de lecture
Qu’enseignent ces contes aux lecteurs ? Qui sont les vrais monstres dans ces deux contes ?

CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. Des monstres pour affronter ses peurs Bilan 5. Plusieurs passages laissent croire que la femme de
l’ogre va sauver les enfants, mais ce n’est pas ce qui arrive. Elle
accueille les enfants et les laisse se réchauffer : « La femme de
Charles Perrault, « Le Petit Poucet » p. 24
l’ogre, qui crut qu’elle pourrait les cacher à son mari jusqu’au
Observer comment l’auteur joue avec le suspense lendemain matin, les laissa entrer et les mena se chauffer
auprès d’un bon feu » (l. 17-18). Cependant son mari arrive
1. Lorsqu’elle voit les enfants, la femme de l’ogre se met à immédiatement après. Elle leur trouve aussitôt une cachette :
pleurer et les avertit du danger qui les menace : « Hélas ! mes « sa femme les fit cacher sous le lit » (l. 23) mais l’ogre sent « la
pauvres enfants, où êtes-vous venus ? Savez-vous bien que chair fraîche » (l. 27) et découvre les enfants.
c’est ici la maison d’un ogre qui mange les petits enfants ? »
Cette succession d’évènements augmente le suspense : à
(l. 6-8). Prise de pitié, elle décide malgré tout de les laisser
chaque fois que le lecteur croit que les enfants sont sauvés,
entrer, espérant que son mari ne les verra pas.
le danger revient. La tension de la scène s’accentue jusqu’au
2. Malgré le danger, le Petit Poucet veut entrer chez l’ogre. Il moment où les enfants sont trouvés. Le lecteur s’associe aux
pense en effet qu’il y a plus de risque à rester dehors à cause enfants et peut ressentir de la peur ou de la pitié pour eux.
des loups : « Il est bien sûr que les loups de la forêt ne man-
queront pas de nous manger cette nuit » (l. 11-13). Il croit en ▶ Lecture d’image
outre qu’il est possible d’apitoyer l’ogre : « peut-être qu’il aura Tout est fait, dans la gravure de Gustave Doré, pour susciter
pitié de nous, si vous voulez bien l’en prier » (l. 15-16). la pitié du spectateur à l’égard des enfants. La proportion des
3. Le Petit Poucet donne l’impression que l’ogre est bien personnages insiste sur leur petitesse : les enfants semblent
élevé. Il parle de lui avec beaucoup de respect en l’appelant minuscules. Le couteau de l’ogre est aussi grand qu’eux.
« Monsieur » : « nous aimons mieux que ce soit Monsieur qui L’ogre les manipule avec brutalité, saisissant l’un d’entre eux
nous mange » (l. 14-15). par la jambe. Son visage, en partie dans l’ombre, ne témoigne
4. L’ogre se comporte plus comme une bête que comme un d’aucune pitié. L’horreur, en revanche, se lit sur les traits de
être humain. Il mange de la viande qui n’est pas cuite : « Le la femme de l’ogre. L’un des enfants est dans une attitude de
mouton était encore tout sanglant, mais il ne lui sembla supplication. Les mouvements de l’ogre laissent croire qu’il va
que meilleur » (l. 26). Comme les animaux, il a un odorat très les tuer.
développé : « Il flairait à droite et à gauche, disant qu’il sen-
tait la chair fraîche » (l. 26-27). Il ne fait pas le différence entre
enfants et animaux, tout est pour lui « gibier ».

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Alexandre Afanassiev, « Vassilissa-la-très-belle » p. 26 ▶ Méthode de lecture : devenir conteur
Le but de cet exercice est d’améliorer la lecture orale des
Patrick Chamoiseau, « La Madame Kéléman » p. 27 élèves en les faisant travailler sur l’adresse aux auditeurs. Le
fait de donner à entendre un texte en songeant à son desti-
Découvrir la poésie d’un conte nataire modifie la façon de lire. Peu à peu, les élèves ne sont
Texte 1 plus dans le déchiffrement mais dans le plaisir du partage et
1. Lorsqu’on lit le conte d’A. Afanassiev à voix haute, on s’aper- le désir de transmettre. La disposition des chaises en cercle
çoit que la traduction a cherché à rendre compte de jeux sur contribue à éloigner cette lecture d’un exercice purement
les sonorités. Il y a parfois des rimes internes : « Sa maison scolaire. La séance peut se passer au CDI.
d’ossements était faite, / des crânes avec des yeux ornaient le
faîte » (l. 2-3) ; « pour montants de portail des tibias humains, / 2. Des monstres pour expliquer des phénomènes
pour loquets-ferrures des bras avec des mains » (l. 3-4) ; « Dans
naturels
un mortier elle voyage, / du pilon l’encourage » (l. 11-12). Les
sonorités des mots créent un effet mimétique : « Les branches
craquaient, les feuilles crissaient » (l. 9-10). L’allitération en [r] Jean Muzi, « L'Île au monstre » p. 28
souligne les bruits produits par l’arrivée de la sorcière.
2. La maison de Baba-Yaga semble vivante car elle est faite de
Guillaume Olive et He Zhihong, « Nian le terrible » p. 29
parties du corps humain : « des crânes avec des yeux ornaient
Yves Pinguilly, « Le chasseur plus fort que le lion
le faîte, pour montants de portail des tibias humains, pour
loquets-ferrures des bras avec des mains » (l. 2-4). Ces élé- qui avale l'orage » p. 29
ments du corps paraissent animés : « une bouche avec des
dents prêtes à mordre » (l. 5-6). Répondre à une interrogation sur le monde
3. Le moyen de transport utilisé par Baba-Yaga, un pilon et Texte 1
un mortier, est surprenant. On a l’habitude d’imaginer les sor- 1. Le monstre a des caractéristiques animales : il est « couvert
cières se déplacer avec un balai. Ici, l’auteur choisit de lui faire de longs poils bruns » (l. 2) qui le font ressembler à un gorille.
utiliser un objet banal du quotidien, un ustensile de cuisine. Il possède trois têtes : l’une ressemble à celle d’un ours, les
Comme c’est inattendu, cela crée un effet comique. deux autres, à celles d’un loup. Il a des « crocs acérés » (l. 9) et
Texte 2 est qualifié de « prédateur » (l. 10). D’autres termes utilisés le
4. Le conte de P. Chamoiseau joue avec l’oralité. La ponctua- rapprochent plus de l’être humain : il possède des « bras puis-
tion souligne les moments où le conteur s’arrête pour faire sants » (l. 4) – cependant au nombre de six –, des « poings de
des pauses dans le récit et instaurer un moment de suspense. boxeur » (l. 5) et « deux longues jambes aux muscles saillants,
C’est le cas après la réplique menaçante de la sorcière : « Si tu prolongés par d’énormes pieds toujours nus » (l. 5-6).
ne prononces pas mon nom, je vais te manger là-même ! » Le 2. Lorsque le monstre arrive, l’ile est très vite désertée par ses
texte est en outre parcouru par des interjections : « Ô frayeur ! » habitants : « tous s’étaient réfugiés sur un îlot voisin » (l. 20).
(l. 2), « Ooo ! » (l. 16), qui soulignent l’aspect oral du texte. Par- Elle reste « couverte d’une végétation luxuriante » (l. 23-24).
fois, le narrateur semble chercher la complicité du public en 3. Les habitants vont avoir envie de revenir sur leur ile, car
s’adressant directement à lui : « et quant à ses pieds, s’il vous l’ilot sur lequel ils se sont réfugiés ne leur permet pas de vivre
plaît, ils s’étaient recouverts d’une corne bifide » (l. 8-9). dans de bonnes conditions. Il est « rocheux » (l.25) et « sa terre
5. La liste des prénoms proposés par la petite fille, hétéroclite, [est] difficile à cultiver » (l. 25-26). Il y fait trop chaud l’été et
« Charlotte, Jeanne, Geneviève, Thérèse, Armansia, Vovonne, seule la pêche leur permet de survivre.
Manotte, Fidélie, Aristophane et Sidonie » (l. 2-3), produit Texte 2
un effet comique. Certains d’entre eux sont en effet assez 4. Voici les mots appartenant au champ lexical de la violence :
anciens. D’autres ressemblent à des diminutifs : « Vovonne ». « terrifiant » (l. 2), « féroce » (l. 2), « cruel » (l. 2), « acérées »
Le prénom « Aristophane », lui, fait référence à un auteur de (l. 3), « s'attaquait sauvagement » (l. 7-8), « dévorant » (l. 9),
comédie de la Grèce antique. « assauts » (l. 12), « sanguinaire » (l. 12).
6. La sorcière a un aspect monstrueux. Elle semble à la fois 5. La consigne porte ici sur une impression de lecture et peut
végétale (« un vermicelle de plante parasite lui doublait les susciter un débat au sein de la classe. Certains élèves pourront
cheveux », l. 6-7) et animale (« comme dents de bœuf âgé ses dire qu’ils s’associent aux villageois et ressentent une inquié-
dents avaient forci, ses ongles avaient fait griffes », l. 7-8). Cer- tude à la lecture du texte. Le relevé du champ lexical va en
taines de ses caractéristiques font même penser à celles du ce sens. D’autres pourront dire qu’ils ne sont pas particulière-
diable : « quant à ses pieds, […] ils s’étaient couverts d’une ment effrayés par le monstre, dont on comprend bien qu’il est
corne bifide, grise et luisante, appelée sabots » (l. 8-10). un personnage de récit légendaire. Le texte le met à distance
7. La petite fille, toute heureuse d’avoir retrouvé le nom de par l’adverbe « autrefois » (l. 1). Le but d’une telle question est
la sorcière, le répète plusieurs fois. Cela donne plus de puis- d’entrer progressivement dans la justification d’un point de
sance à ses mots, qui résonnent comme une incantation, une vue et dans l’argumentation.
formule magique. La répétition de la même phrase rapproche Texte écho
ses paroles d’un texte poétique ou d’une chanson. 6. Le temps utilisé ici est l’imparfait de l’indicatif. Il permet de
Bilan 8. Les contes d’A. Afanassief et P. Chamoiseau, grâce faire une description détaillée. Le danger semble plus présent.
à leur humour et leur poésie, mettent à distance la peur que 7. L’expression « la peau de la terre » est une métaphore. Les
pourraient inspirer les sorcières. Au lieu de les craindre, on élèves peuvent signaler qu’elle est poétique et qu’elle permet
s’en amuse. de comparer la « terre » à la peau d’un tambour. Elle souligne
le bruit que font les monstres en se déplaçant et les rend ter-
rifiants.

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8. Les monstres qui poursuivent Kabwa ressemblent à des danger les menaçait » (l. 33-34). Le danger apparait clairement
dragons. Ils ont des « gueules béantes » (l. 1), des « ailes » (l. 1), lorsque soudain l’inondation arrive : « l’eau des étangs mon-
des « pattes » (l. 2), et des « corps de feu » (l. 2-3). tait rapidement » (l. 28).
Bilan 9. Le monstre du texte 1 affame les hommes et les 4. On sait seulement que le Vounioupi n’est « ni un phoque
empêche d’accéder aux ressources naturelles. Il peut faire ni un veau mais un peu des deux à la fois » (l. 9-10) et qu’il est
penser à la sécheresse et à la famine. Celui du texte 2, surgis- « terrible » (l. 12). La mère Vounioupi, hors d’elle à cause de
sant des eaux et faisant fuir les habitants vers les montagnes, la capture de son petit, a « une langue […] rouge comme le
rappelle les dangers venus de la mer (inondations, tsuna- feu » (l. 15-16) et des yeux « étincel[an]t de rage » (l. 16). Cet
mis…) Enfin, le dernier monstre, entièrement fait de « feu » et animal est d’autant plus effrayant qu’il ne ressemble à aucune
arrêté dans sa course par un fleuve, fait penser à un incendie. représentation traditionnelle du monstre et qu’il reste très
Tout se passe comme si ces trois récits avaient symbolisé ces mystérieux.
risques naturels par des monstres animés, qu’il est alors plus 5. Il semble que la montée des eaux de l’étang soit liée à la
facile de vaincre. capture du petit du Vounioupi : elle survient en effet immé-
▶ Lecture d’image diatement après. Le Vounioupi est peut-être un monstre lié à
la nature, une sorte de divinité naturelle.
1. Le monstre représenté sur l’estampe mêle des caractéris-
Bilan 6. Une fois de plus, les élèves peuvent proposer plu-
tiques terrestres et marines. C'est une créature hybride. Il res-
sieurs hypothèses.
semble à un cheval (il en a l’allure, la queue, les pattes et les
sabots) mais aussi à un poisson (il semble avoir des écailles), Certains pourront dire que le conte va bien se terminer parce
à un hippocampe (sa tête et son cou peuvent y faire songer) que c’est souvent le cas, et que le jeune garçon va peut-être,
ou éventuellement à un reptile (le haut de son dos, les plis de sous la pression du danger croissant, lâcher le Vounioupi. Sa
son cou l’évoquent). Il a également des cornes – comme un fiancée pourrait le lui demander. Dans ce cas, on peut imagi-
cerf, par exemple. ner que tout revienne à la normale.
2. L’image correspond au monstre présent dans le texte 2. D’autres pourront indiquer que, d’après eux, le conte va mal se
Dans le texte 1, le monstre est aussi un être hybride, mais terminer dans la mesure où l’enfant a transgressé un interdit
aucune de ses caractéristiques n’est présente sur l’illustration. et que tout montre, dans le texte, que le danger est croissant.
Il fait songer à un être humain et est issu d’un mélange de plu- Seul l’enfant n’y semble pas sensible. Il se montre inflexible :
sieurs animaux : ours, loup, gorille. Ici, l’animal présente des « « le jeune garçon qui l’avait capturé voulait garder sa proie »
cornes pointues et des dents acérées » comme dans le texte (l. 19). On peut imaginer qu’il sera puni de sa témérité.
2 (l. 3). Il semble aussi émerger « des entrailles de l’océan » (l. Une fois toutes les hypothèses émises, le professeur peut
5-6). Le texte comme l’illustration s’inspirent par ailleurs de la rendre compte de la vraie fin du conte : le jeune garçon et les
mythologie chinoise. habitants du village sont tous punis et transformés en cygnes
noirs. Le petit Vounioupi, quant à lui, retrouve sa mère. Les
▶ Imaginer la fin d’un conte hommes évitent désormais de s’approcher de l’étang où ils
Avant de faire écouter les deux contes aux élèves, il peut être vivent.
intéressant de les faire d’abord réfléchir à la fin du texte. Ils
▶ Inventer la suite d’un récit
doivent se saisir des indices des contes pour en imaginer la
suite. Ce travail d’invention peut être collectif ou travaillé par Le but de cet exercice est avant tout d’analyser précisément
groupe de façon très rapide. le texte de départ. Avant de lancer les élèves dans l’écriture,
C’est après cette réflexion seulement que l’écoute du conte le professeur peut leur faire repérer les temps du récit (impar-
prendra tout son sens. fait et passé simple) et leur demander quels sont les pronoms
utilisés (« il », « ils ») afin que les élèves ne basculent pas dans
un récit à la première personne. Il peut leur demander quels
3. Des monstres pour transmettre une leçon de vie sont les indices qui permettent d’imaginer une suite immé-
diate (les habitants du village sont sur les toits, l’eau monte, la
Ré et Philippe Soupault, « Le Vounioupi » p. 30 mère du Vounioupi va sans doute arriver). Les élèves peuvent
arrêter leur texte à un moment de suspens, sans nécessaire-
Étudier les signes d’un avertissement ment résoudre l’intrigue. Ils doivent avant tout inscrire leur
1. Lorsqu’ils voient le petit du Vounioupi, les chasseurs sont récit dans une continuité logique.
immédiatement terrifiés : « ils frissonnèrent d’horreur » (l. 10).
Patrick Chamoiseau, « Le Musicien petit
2. Le jeune garçon veut garder le petit du Vounioupi pour
bonhomme » p. 31
sa fiancée : « J’ai promis à ma fiancée de lui rapporter de la
viande pour son père et ses frères » (l. 20-21).
Faire réfléchir le lecteur
3. Cette question peut amener un débat. Certains élèves pour-
ront dire que le garçon a raison dans la mesure où il a fait une 1. Le conteur semble s’adresser au lecteur car il lui pose des
promesse à sa fiancée. D’autres, plus sensibles aux indices du questions et semble même attendre une réponse : « Que vit-il
texte, pourront souligner que, lorsque le garçon a saisi le Vou- ce petit arrogant, cet entêté qui semblait un mulet malgré son
nioupi, la peur saisit immédiatement ses compagnons et elle peu d’oreilles ? Hum ? » (l. 2-4)
ne les quitte plus : « Ils frissonnèrent d’horreur » (l. 10), »Terri- 2. Le conteur met en valeur le monstre en posant des ques-
fiés, les pêcheurs gardèrent le silence » (l. 13). Ils connaissent tions, juste avant son arrivée, sur ce qui va se produire. Il va
le Vounioupi et savent le danger qu’il y a à le garder : « pas un ensuite à la ligne et change de paragraphe, ce qui fait que
des pêcheurs n’ignorait que cette bête étrange était le petit le nom du monstre se détache nettement sur la page : « La
du terrible Vounioupi » (l. 11-12). Les enfants eux-mêmes le Bête à sept têtes » (l. 5). Il occupe un paragraphe à lui tout
comprennent : « même les enfants devinèrent qu’un grand seul. On image qu’à la lecture, ce nom est entouré de silence.
La bête est ensuite décrite avec une succession de groupes

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nominaux, dans une énumération qui la rend véritablement 3. La Belle, elle, refuse d’épouser ses prétendants, mais parce
effrayante. qu’elle estime qu’elle n’a pas encore l’âge de se marier : « elle
3. Dans cette phrase, on trouve des allitérations en [s] qui leur dit qu’elle était trop jeune et qu’elle souhaitait tenir com-
peuvent faire penser aux sifflements d’un serpent. pagnie à son père pendant quelques années » (l. 23-25). À
4. La Bête est comparée à plusieurs éléments : elle a des yeux noter que l’on retrouve ici les idées de Mme Leprince de Beau-
« d’éclairs et de tonnerres » (l. 6), des dents « plus épaisses que mont vis-à-vis de la condition des femmes et de leur mariage :
des arbres » (l. 7). Son âme est comparée à une « ombre de il ne doit pas être trop anticipé.
cactus noyé » (p. 12) et elle n’a pas plus de sentiment qu’une Bilan 4. Les opinions des élèves peuvent être variées et sont
vague (l. 13). Elle est assimilée à des éléments naturels (le intéressantes à partir du moment où elles sont justifiées. Ils
feu, l’eau) ou à des végétaux. Sans doute est-ce parce qu’elle devraient cependant considérer majoritairement que les
incarne une forme de divinité de la forêt. deux sœurs sont orgueilleuses et impolies, tandis que la Belle
5. Lorsque la Bête apparait, le Petit Bonhomme se met à est bien élevée, sage et délicate à l’égard de ses prétendants.
jouer de la flute : « le Petit Bonhomme déjà soufflait musique Ce type d’exercice permet de varier le vocabulaire. Les adjec-
comme jamais il ne l’avait soufflée » (l. 18-19). tifs « méchante » et « gentille », que les élèves emploient sou-
6. On ne s’attend pas à ce que le Petit Bonhomme soit dévoré vent, pourront être remplacés par d’autres adjectifs plus fins
car il semble très sûr de lui et sa musique est très puissante : et élaborés.
« Ô musique divine ! Ô sirop pour l’oreille ! » (l. 20-21). La Bête ▶ Écrire des dialogues
y semble très sensible : elle « reçut l’harmonie avec des larmes Le professeur peut adapter l’exercice et donner les dialogues à
à tous ses yeux » (l. 21-22). écrire au choix. Les élèves s’emparent du sujet qui les intéresse
7. La réponse la plus attendue est sans doute le rire : la dévo- le plus. Le dialogue avec les sœurs peut également s’écrire à
ration du Petit Bonhomme est tellement surprenante qu’elle trois. L’objectif de cet exercice est de remobiliser la lecture et
provoque le rire, d’autant plus que le conteur l’accompagne de vérifier la compréhension du texte. Les caractères des per-
d’une onomatopée, « flouaammm » (l. 24), qui la dédramatise. sonnages doivent être très visibles dans les dialogues.
Les élèves de 6e s’associant cependant facilement aux person- La classe, pendant la lecture des textes, peut être investie
nages, il est possible qu’ils expriment au contraire de la tris- d’une mission pour être bien attentive. Elle doit se poser les
tesse. Il convient de prendre en compte ce sentiment, mais le questions suivantes : les sœurs ont-elles le caractère décrit
professeur peut relire le passage de façon expressive afin de dans le conte ? Les formulations sont-elles élégantes ? La Belle
faire percevoir l’aspect comique de cette disparition. est-elle vraiment très polie ? Les dialogues sont-ils comiques ?
Bilan 8. Le Petit Bonhomme s’étant fait sévèrement punir Pourquoi ? Les lecteurs incarnent-ils bien les personnages ?
de sa désobéissance, la morale du conte pourrait se formuler Quel dialogue avez-vous préféré ? Pourquoi ?
ainsi : « il faut toujours obéir à ses parents », « il faut écouter
ceux qui ont plus d’expérience que soi », « il ne faut pas se ▶ Mettre en voix
croire plus fort que les autres ». Pour mettre en valeur les qualités de la Belle et bien la distin-
guer de ses sœurs, on peut insister auprès des élèves sur la
▶ Lire de manière expressive
nécessité de faire des pauses dans la lecture. Le silence entre
Les élèves peuvent s’inspirer de la méthode proposée p. 27 et les passages qui concernent les sœurs et ceux qui concernent
éventuellement se répartir la lecture à plusieurs. la Belle permet de faire entendre tout ce qui les sépare. Les
Le conte est particulièrement amusant lorsqu’il est lu à l’oral élèves peuvent en outre utiliser un ton ironique pour parler
parce qu’il est traversé par des interjections et des onomato- des sœurs. Par contraste, la description de la Belle sera natu-
pées qui le rendent très vivant. Le conteur posant des ques- rellement valorisée.
tions au lecteur, les élèves peuvent s’amuser à adresser le
texte à certains de leurs camarades. Les élèves peuvent éga- Première vision de la Bête p. 33
lement jouer sur les effets d’attente, bien mettre en évidence
l’apparition de la Bête et intégrer des silences à leur lecture. Comprendre la cruauté du personnage
1. Voici des mots qui montrent que la Bête est très laide et
4. Des monstres pour faire accepter la différence terrifiante : « horrible » (l. 2), « terrible » (l. 4), « le monstre »
(l. 15), « vilain » (l. 24).
Mme Leprince de Beaumont, « La Belle et la Bête » Le professeur peut évoquer au moment de la correction la
définition de « champ lexical ».
Présentation de la Belle p. 32 2. Il n’y a, dans le texte, aucun indice précis permettant de se
faire une idée concrète de la Bête : c’est à chaque lecteur de
Observer les différences entre les personnages l’imaginer. Elle est ainsi plus terrifiante.
1. Le temps le plus courant dans cet extrait est l’imparfait : on 3. Lorsque la Bête le menace, le père s’adresse à elle de façon
l‘emploie souvent dans les descriptions. Il est surtout utilisé extrêmement polie et respectueuse. Il emploie un vocabu-
dans les deux premiers paragraphes pour présenter les per- laire soutenu et présente ses excuses : « Monseigneur, par-
sonnages. On trouve aussi du passé simple. donnez-moi, je ne croyais pas vous offenser » (l. 12).
2. Les deux ainées refusent d’épouser leurs prétendants car 4. La Bête n’apprécie pas cette façon de s’exprimer : elle consi-
elles sont orgueilleuses et ne veulent se marier qu’avec un dère que le père cherche à la flatter en l’appelant « Monsei-
noble, au-dessus de leur propre condition : « elles ne se marie- gneur ». Elle préfère assumer la réalité de ce qu’elle est : « Je
raient jamais, à moins qu’elles ne trouvassent un duc, ou tout ne m’appelle point Monseigneur […] mais la Bête. Je n’aime
au moins un comte » (l. 20-22). pas les compliments, moi, je veux qu’on dise ce qu’on pense »
(l. 15-17). On comprend déjà que la Bête est quelqu’un de
franc, et qu’elle souffre sans doute de son apparence.

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources 23


Bilan 5. La question a pour but de susciter le débat. Certains
élèves diront que la deuxième proposition est moins cruelle Ressource numérique VIDÉO
car la Bête épargne momentanément le père et décide de
tuer une jeune fille qui serait volontaire pour mourir. D’autres Extrait du film La Belle et la Bête, réalisé par
indiqueront que cette proposition est pire que la seconde J. Cocteau (1946)
puisqu’il s’agit de demander à un père de sacrifier sa propre
fille. Le dilemme auquel il est confronté – mourir ou laisser
mourir son enfant à sa place – est particulièrement cruel. On ▶ Lecture d’images
comprend d’ailleurs que le père préfèrera mourir lui-même. 1. La Bête se trouve derrière la Belle pendant toute la scène,
▶ Mettre en voix comme si elle cherchait à éviter son regard. Elle ne veut pas
imposer sa laideur à la Belle et se tient en retrait.
La mise en voix aura lieu après l’analyse du texte, une fois que
les intentions des personnages seront bien comprises. Pour 2. La Belle ne regarde pas la Bête : elle semble en effet terri-
bien rendre la lecture expressive, les élèves incarnant le père fiée. Sa respiration et ses gestes le montrent. Elle essaie de se
et la Bête devront bien penser à s’adresser mutuellement maitriser en détournant le regard.
leurs répliques. Quant au narrateur, il doit projeter sa voix vers 3. La Belle est un peu plus présente que la Bête, même si c’est
la classe en cherchant à transmettre une forme de suspens. la première fois que celle-ci fait son entrée. Les sentiments de
la Belle sont mis en valeur par le jeu des plans : elle apparait
▶ Faire une description toujours au premier plan, tandis que la Bête est à l’arrière-
Les élèves peuvent imaginer la Bête – que Mme Leprince de plan. La lumière permet également de mieux voir les traits de
Beaumont n’a pas décrite – en cherchant à s’écarter des repré- son visage.
sentations traditionnelles, qui tendent à la rapprocher d’un 4. Le spectateur ne ressent pas nécessairement la même ter-
fauve ou d’un ours. Les élèves doivent imaginer un monstre reur que la Belle car lui voit la Bête. Elle ne parait pas si mons-
constitué des animaux qui les effraient le plus. trueuse : on ne voit pas précisément les traits de son visage,
Le fait d’accompagner leur travail d’une illustration leur per- et elle se déplace comme un humain. Le fait que la Belle ne la
mettra de développer plus encore leur imaginaire. Ce travail, regarde pas amplifie son appréhension.
potentiellement chronophage, peut être effectué à la mai-
son. On peut leur demander de vraiment soigner leur travail,
comme dans un livre illustré. Le fait de le faire figurer dans Ressource numérique VIDÉO
leur album de lecture lui donne plus de valeur.
Extrait du film La Belle et la Bête, réalisé par
Le premier souper de la Belle p. 34 C. Gans (2014)

Comprendre l’évolution de la situation


1. Voici une phrase dans laquelle le mot « bête » signifie autre ▶ Lecture d’images
chose qu’« animal » : « outre que je suis laid, je n’ai point d’es-
prit : je sais bien que je ne suis qu’une Bête » (l. 10-11). « Bête » 1. Comme chez Jean Cocteau, la Bête se trouve derrière la
ici signifie « idiot, qui n’a pas d’intelligence ». On en trouve un Belle, qui est assise à table pour souper. La Belle ne la regarde
synonyme à la ligne 25 : « mais je suis un stupide ». pas.
2. Lorsque la Bête apparait, la Belle semble avoir peur. Elle ne 2. Le personnage de la Bête n’est presque pas visible : on ne
peut « s’empêcher de frémir » (l. 2) et lui répond « en trem- distingue que sa bouche lorsqu’il s’approche pour parler à
blant » (l. 4). l’oreille de la Belle, dont on devine en revanche tous les sen-
timents.
3. Cette phrase signifie qu’il y a des hommes plus mauvais et
cruels que la Bête. Le mot « monstre » est pris au sens moral ici. 3. Le réalisateur choisit de faire de gros plans sur la Belle. On voit
alors très bien à quel point elle a du mal à respirer, paralysée par
Bilan 4. La Belle semble changer d’avis sur la Bête car cette
la peur. Il alterne avec de très gros plans sur son regard : on voit
dernière se montre soumise à son égard : « il n’y a ici de maî-
nettement une larme couler ou sa peur augmenter lorsque ses
tresse que vous » (l. 5). Elle est humble, reconnait sa propre
yeux s’agrandissent. Il ne filme jamais la Bête en contre-champ.
laideur et s’intéresse aux impressions de la Belle : « n’est-ce
On ne l’aperçoit que dans le reflet d’un flacon sur la table. Le
pas que vous me trouvez bien laid ? » (l. 7). Elle est prévenante
spectateur s’associe alors complètement à la peur de la Belle
et attentionnée : « Mangez-donc, la Belle, […] j’aurais du cha-
puisque, comme elle, il ne sait pas encore à quoi la Bête res-
grin si vous n’étiez pas contente » (l. 14-15). Elle fait preuve de
semble. La bande-son accompagne au plus près les sentiments
modestie : « Si j’avais de l’esprit, […] je vous ferais un grand
de la Belle, notamment quand elle crie de terreur.
compliment pour vous remercier ; mais je suis un stupide
[…] » (l. 24-25). ▶ Donner son avis
▶ Faire une mise en voix collective • La version la plus proche du conte de Mme Leprince de Beau-
mont est celle de Cocteau. Dans les deux cas, le monstre
L’objectif de cette lecture est de rendre les élèves attentifs à
demande à la Belle si elle accepte qu’il la regarde souper. Il
la répartition de la parole et à la construction d’un dialogue.
refuse d’être considéré comme le maitre et considère que
L’élève jouant le narrateur doit être très réactif pour intégrer
c’est elle qui a du pouvoir sur lui. La Belle avoue qu’elle ne
aux paroles de ses camarades ses propres interventions (« dit
sait pas mentir et laisse entendre qu’elle trouve la Bête très
le monstre », « dit la Belle »…). La scène peut être très théâ-
laide. Elle devine cependant que la Bête est très dévouée. Elle
tralisée : l’élève lisant les mots de la Belle montre d’abord son
semble moins apeurée à la fin de l’extrait.
effroi, puis semble rassuré(e). L’élève lisant la Bête peut se
mettre en scène, s’agenouiller pour montrer son respect, se Chez Christophe Gans, au contraire, la Bête est très mena-
tenir à distance… çante et ne cherche pas à rassurer la Belle.

24 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


• Toutes les réponses sont possibles ici, mais les élèves doivent Suzy Platiel, « La Fille Caillou » p. 38
les motiver. Certains diront qu’ils auraient réagi comme la
Belle de J. Cocteau. Très calme, elle fait reculer la Bête par ses Comprendre comment vivre la différence
mots. D’autres préfèreront la Belle de C. Gans, qui cherche à 1. Les points de suspension au milieu de la phrase montrent
se défendre en se saisissant d’un couteau. Les élèves lui prête- que la naissance de la fille caillou était très inattendue : « elle
ront du courage et de la volonté. accoucha d’un … caillou » (l. 14).
• Tous les points de vue sont possibles ici. On passera vite sur la 2. Quand la fille caillou nait, sa mère ne l’accepte pas et décide
différence entre film en noir et blanc et film en couleurs pour de ne la montrer à personne : « pour cacher sa honte, elle
réfléchir davantage aux façons dont les scènes sont filmées. s’empressa de rouler la petite boule de silex sous le grenier »
La fin d’un conte merveilleux p. 36 (l. 16-17).
3. Les adjectifs qui qualifient la fille caillou ne soulignent pas
Étudier la leçon d’un conte sa monstruosité. Elle semble au contraire très attachante :
« jolie » (l. 14), « petite » (l. 15) et « ronde » (l. 15).
1. La Bête est en train de mourir de chagrin car elle croit que
la Belle l’a abandonnée. Elle a décidé de se « laisser mourir de 4. La fille caillou a vraiment accepté son handicap. Elle a l’air
faim » (l. 4). joyeuse et chante. Elle assume son aspect physique en répé-
tant à plusieurs reprises des adjectifs qui permettent de la
2. La Belle lui révèle son amour et la demande en mariage :
décrire : « ronde, ronde, rondelette » (l. 22 ; 27 ; 30). Beaucoup
« je croyais n’avoir que de l’amitié pour vous, mais la douleur
de ses phrases commencent par la première personne du sin-
que je sens me fait voir que je ne pourrais vivre sans vous
gulier : elle utilise le pronom « je » pour revendiquer ce qu’elle
voir » (l. 9-11).
est : « je roule » (l. 22), « Je n’ai pas d’yeux pour voir » (l. 24),
3. La Belle est si attachée à la Bête que lorsque cette dernière « J’avance en roulant (l. 28). Lorsqu’elle se présente au froma-
se transforme en beau prince, elle cherche encore son appa- ger, elle reprend les mots de la chanson pour les revendiquer.
rence d’avant : « elle ne put s’empêcher de lui demander où
5. La conteuse insiste sur la forme de la jeune fille en répétant
était la Bête » (l. 18-19).
à plusieurs reprises le verbe « rouler » sous plusieurs modes ou
Bilan 4. La morale tourne autour de la question des appa- temps : « notre fille caillou roula, roula […] et roula » (l. 18-19)
rences. Les élèves pourront proposer des formules telles que : (passé simple), « toujours roulant » (l. 19) (participe présent),
« il ne faut pas se fier aux apparences », « ce n’est pas la beauté « Ainsi, elle roulait, roulait » (l. 31) (imparfait de l’indicatif ).
qui fait la valeur d’un être », « la vraie beauté est intérieure »…
6. Le fromager transforme la fille caillou en belle jeune fille
▶ Écrire un scénario sans doute parce qu’il la trouve très polie. Elle s’excuse en
Le but de cet exercice d’écriture, qui peut prendre plusieurs effet de s’être cognée contre lui. Il doit aussi avoir compris
séances, est de remobiliser des compétences développées sa valeur : elle assume son handicap et veut vivre comme les
lors de l’étude du conte (écrire un dialogue, interpréter les autres. Elle refuse d’être cachée et privée de son fiancé. Sa
sentiments des personnages, comprendre un enchainement volonté et sa force sont émouvantes.
de plans au cinéma) et de rendre les élèves plus autonomes. Bilan 7. La morale de ce conte pourrait être formulée de plu-
La perspective d’un tournage motivera les élèves dans le tra- sieurs manières : « il ne faut pas avoir honte de ce que l’on
vail de l’écriture. est », « on est toujours récompensé de son courage », « on est
Les extraits les plus adaptés pour écrire un scénario intéres- toujours plus heureux lorsqu’on s’accepte soi-même »…
sant sont les extraits 2 et 4. L’extrait 1 ne donne pas spécifi-
quement lieu à une scène, et l’extrait 3 a déjà été étudié dans Activités d’expression p. 39
une transposition filmique.
Cette page est destinée à faire réfléchir les élèves sur la
Avant que les élèves ne se lancent dans l’écriture, il peut être
symbolique des monstres dans les contes. Elle s’achève par
utile de lire ensemble la proposition d’échelle des plans et de
un travail d’écriture qui permet d’inventer un monstre et de
réfléchir à leur fonction.
l’associer à une peur particulière. L’interview de Marie Desple-
Lors de l’écriture du scénario, il est possible de proposer aux
chin permet de s’interroger sur les raisons du rejet des diffé-
élèves d’introduire des didascalies dans les dialogues afin
rences – si fréquent en 6e notamment. Son écoute permet de
d’étoffer le jeu des acteurs. débattre de ce sujet en classe et de revenir sur l’expérience
Les séances de tournage peuvent être chronophages ou com- des élèves. L’universalité des contes, confrontée au vécu des
plexes à mettre en place en classe entière. Elles peuvent être élèves, est ainsi mieux comprise.
organisées pendant des heures d’accompagnement person-
nalisé si des dédoublements sont possibles. Dans ce cas, il est ▶ Créer un monstre à partir d’une peur
possible de répartir les rôles des élèves, demander à certains 1. Le monstre du texte d’Henri Pourrat fait sans doute écho
de vérifier le texte, à d’autres de s’occuper des accessoires, à à la peur de la nuit. En effet, il n’apparait que « les soirs, ou le
d’autres de filmer, à d’autres, enfin, de faire les lancements matin, avant que le jour se lève ». Il n’a pas d’apparence fixe,
(« silence plateau », « moteur », « ça tourne », « action »). mais prend l’apparence de toutes les peurs que peuvent avoir
Quant aux costumes ou décors, il ne s’agit pas d’amener les individus dans le noir, où tout semble menaçant.
des costumes d’époque ou de transformer la salle de classe 2. Le but de cet exercice d’écriture est de revenir sur la grande
en château merveilleux. Le conte peut avoir une dimension problématique du chapitre : pourquoi les hommes ont-
parodique liée à la modernité des costumes. Il est intéressant ils besoin de se créer des monstres ? Les élèves percevront
malgré tout de faire réfléchir les élèves aux moyens qu’ils mieux l’aspect métaphorique du monstre en en créant un qui
peuvent mettre en œuvre pour incarner les personnages. serait spécifiquement lié à une peur donnée.
Des logiciels de montage gratuits sont facilement accessibles
sur Internet.

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources 25


L’enseignant peut insister sur le fait que l’aspect extérieur du ▶ Écouter une interview
monstre doit renvoyer le plus possible à la peur qu’il sym-
bolise. Un monstre qui symboliserait la mort pourrait par Ressource numérique INTERVIEW

exemple être constitué d’os, de têtes de mort, être en noir ; un


monstre symbolisant la violence de la nature serait formé de Marie Desplechin (écrivain)
plusieurs animaux menaçants. Marie Desplechin explique qu’on accepte plus
3. Il ne s’agit pas ici de créer un véritable conte, mais uni- facilement la différence quand on est dans la petite
quement de décrire un personnage monstrueux. Le fait que enfance. C’est sans doute parce que, à cet âge-là, on
l’exercice mène à une lecture et surtout à un jeu de devinette n’a pas encore conscience de ce qu’est la norme pour
avec les camarades de la classe incitera les élèves à rester dans les autres. On découvre le monde et on n’est pas encore
le sujet. dans la comparaison.
Cette discussion peut amener une réelle discussion avec
les élèves sur leur rapport à la norme. A-t-elle évolué par
rapport à leur petite enfance ? Sont-ils plus sensibles à
la différence ? Est-ce bien ou mal ? Pourquoi ce besoin
de ressembler aux autres ? Qu’en est-il des adultes
d’après eux ?

Décrire l’apparition
ATELIER D’EXPRESSION

d’un personnage monstrueux p. 40 à 43

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DE L’ATELIER


▶ Les textes présentés dans cet atelier sont difficiles à lire au premier abord pour des élèves de 6e, même si beaucoup d’entre
eux ont déjà entendu parler du personnage de Quasimodo. Il est cependant important de pouvoir aborder avec eux de grands
textes de la littérature. Il est nécessaire, pour que les élèves tirent pleinement parti de cet atelier, que l’enseignant les accom-
pagne pas à pas.
▶ Si la lecture silencieuse par les élèves du premier extrait peut s’avérer intéressante dans la mesure où ils doivent dessiner ce
qu’ils parviennent à comprendre, ce n’est pas toujours le cas. Le troisième extrait, plus difficile du point de vue du vocabulaire,
sera mieux compris s’il est lu à l’oral par l’enseignant et qu’il y a ensuite un retour sur la compréhension du texte par les élèves.
▶ Un des objectifs de cet atelier est de montrer aux élèves qu’ils sont en mesure de comprendre le sens profond d’un texte
même s’ils n’en maitrisent pas tous les mots. Leur méconnaissance de certains termes peut amener à des discussions en classe :
comment réagir lorsqu’on ne connait pas un mot ? Comment le contexte peut-il nous aider ? Connait-on des mots de la même
famille ? Pourquoi un auteur cherche-t-il à accumuler autant de mots complexes ? Cherche-t-il uniquement la compréhension
du lecteur ou veut-il produire d’autres effets ?
L’autre objectif concerne la réflexion que l’on peut mener sur la norme et l’acceptation de la différence. Tous les textes proposés
mettent en présence un personnage d’aspect difforme et une foule qui se rit de lui. L’émotion et la pitié provoquées chez les
élèves permettent de mettre en place un débat sur la violence de ce type de harcèlement. L’atelier favorise l’expression d’un
point de vue sur le rejet et l’exclusion.
▶ Compétences travaillées
– Comprendre un texte littéraire et l’interpréter.
– Partager un point de vue personnel et des sentiments.
– Rédiger un texte en fonction d’une intention précise.
– Faire une description méliorative.
– Les compétences orales développées dans cet atelier tournent autour de l’expression d’un point de vue. La question de l’ac-
ceptation de la différence est un sujet qui peut susciter facilement un débat. Les textes doivent être analysés du point de vue de
l’émotion qu’ils suscitent. À partir de la pitié ou de la colère que les élèves pourront exprimer après la lecture, la discussion peut
s’engager aisément.
– Les exercices d’écriture mettent en jeu des compétences assez précises. Il s’agit ici d’apprendre aux élèves à respecter un sujet
en se fondant sur une analyse détaillée de procédés littéraires. La contrainte peut sembler difficile, mais elle s’avèrera également
fructueuse et permettra d’enrichir et d’encadrer les écrits souvent trop spontanés.

26 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. Décrire l’aspect physique du personnage 2. Décrire les sentiments du personnage

Victor Hugo, Victor Hugo,


Notre-Dame de Paris p. 41 L’Homme qui rit p. 42

Comprendre Comprendre
1. Les élèves sont parfois plus sensibles aux détails de la lec- 1. Lorsqu’elle voit Gwynplaine, la foule se met à rire : « On
ture lorsqu’il s’agit de dessiner ce qu’ils lisent que lorsqu’ils ne voyait Gwynplaine, on se tenait les côtes » (l. 2-3).
doivent produire qu’un simple relevé. L’exercice les amènera 2. On trouve plusieurs emplois du verbe « rire » à partir de la
à poser des questions précises de vocabulaire (« hérissée » ligne 6 : un gérondif, « en riant » (l. 6) ; un infinitif, « rire » (l. 6) ;
(l. 7), « contre-coup » (l. 8), « fourvoyées » (l. 9), « faucilles » le verbe conjugué à l’imparfait, « riait » (l. 6 et 7) ; un participe
(l. 11), « trapu » (l. 18)…) On peut demander aux élèves de passé, « ri » (l. 19). Le narrateur répète ce mot – ainsi que le
mobiliser ce nouveau vocabulaire sur leur schéma, en faisant nom commun « rire » – pour insister sur le fait que le person-
des flèches qui rejoignent les parties du corps du personnage nage ne peut jamais empêcher son visage de rire.
qu’ils auront dessiné. 3. Même s’il semble toujours rire, Gwynplaine n’est pas heu-
2. Quasimodo est comparé à un « géant » (l. 16) et à un reux. Il peut éprouver des sentiments très variés : « Un éton-
« cyclope » (l. 17). nement qu’il aurait eu, une souffrance qu’il aurait ressentie,
3. Le lecteur est placé dans la position d’un témoin extérieur. Il une colère qui lui serait survenue, une pitié qu’il aurait éprou-
ne découvre l’identité de Quasimodo qu’à la fin du texte, ligne vée, n’eussent fait qu’accroître cette hilarité des muscles »
20, lorsque la foule s’exclame : « C’est Quasimodo, le sonneur (l. 16-19). La foule, à chaque fois qu’elle le voit, éclate de rire,
de cloches ! c’est Quasimodo, le bossu de Notre-Dame ! ». mais Gwynplaine ne partage pas cette joie : « C’est en riant
4. On ne sait pas ce que pense Quasimodo, dont on n’a que que Gwynplaine faisait rire. Et pourtant il ne riait pas. Sa face
la description physique. La foule, quant à elle, est très enthou- riait, sa pensée non » (l. 6-7).
siaste face à la laideur du pape qu’elle s’est choisie : « la sur- 4. La phrase « s’il eût pleuré, il eût ri » signifie que même si
prise et l’admiration furent à leur comble » (l. 4-5). À noter que Gwynplaine est profondément triste, son visage semble tou-
le mot « admiration » est plutôt à entendre dans son premier jours rire. Son visage ne reflète pas ses pensées profondes.
sens, « étonnement », (admirari signifie « considérer avec Son apparence est trompeuse.
étonnement » en latin). 5. Le rire sur le visage de Gwynplaine est terrible parce qu’il
5. Une grimace est une déformation du visage. Ici, tout le résulte d’une mutilation : on lui a déformé volontairement la
corps de Quasimodo semble déformé : sa tête est « grosse » bouche. Il ne lui permet pas d’exprimer sur son visage les sen-
(l. 6), il ne se tient pas droit, puisqu’il a « une bosse énorme timents qu’il ressent. Ce rire le sépare de la communauté des
dont le contre-coup se [fait] sentir par devant » (l. 7-8), ses autres hommes : tous rient machinalement et se moquent
jambes sont tordues et ne peuvent « se toucher que par les de lui en le voyant ; ils ne perçoivent jamais ses sentiments
genoux » (l. 9-10), il a « de larges pieds, des mains mons- profonds. La grimace sur son visage l’empêche d’être pris au
trueuses » (l. 11-12). Il est « presque aussi large que haut » sérieux par les autres. Il n’est qu’un spectacle pour eux, un
(l. 18). Le narrateur insiste longuement sur sa « difformité » monstre, c’est-à-dire celui que l’on montre du doigt, mais avec
(l. 12). qui on ne partage rien.
▶ Grammaire pour dire et pour écrire ▶ Grammaire pour dire et pour écrire
1. Les élèves peuvent proposer plusieurs types de verbes. 1. Voici tous les mots et expressions qui appartiennent au
Voici les plus attendus : champ lexical du rire : « se tenir les côtes » (l. 2-3), « se rouler
a. Quasimodo faisait peur. à terre » (l. 3), « rire » (l. 6 à 21), « rictus » (l. 12 et 14), « joie » (l.
b. Son visage était terrifiant. 16), « hilarité » (l. 18), « éclat de rire » (l. 21).
c. Les enfants fuyaient en le voyant. On peut préciser aux élèves qu’ils n’ont pas à relever toutes
2. Voici les adjectifs qualificatifs présents dans le texte de la les occurrences du mot « rire ». Il s’agit plutôt ici d’enrichir leur
ligne 6 à la ligne 15 : « grosse » (l. 6), « roux » (l. 7), « énorme » vocabulaire en relevant des synonymes.
(l. 7), « larges » (l. 11), « monstrueuses » (l. 12), « redoutable » 2. Gwynplaine ne maitrise pas du tout son visage, comme le
(l. 13), « étrange » (l. 13), « éternelle » (l. 14). montrent ces énumérations :
3. Les élèves peuvent s’inspirer, pour leur description, des – « Ce rire qu’il n’avait point mis sur son front, sur ses joues,
termes qu’ils ont relevés dans l’exercice précédent. L’ensei- sur ses sourcils, sur sa bouche, il ne pouvait l’en ôter » (l. 8-9) ;
gnant peut les guider en leur proposant une petite phrase – « Un étonnement qu’il aurait eu, une souffrance qu’il aurait
pour lancer l’écriture : « D'après la caricature, Victor Hugo était ressentie, une colère qui lui serait survenue, une pitié qu’il
/ avait… ». aurait éprouvée, n’eussent fait qu’accroître cette hilarité des
muscles » (l. 16-19).
▶ Débattre du regard sur la différence
• La question est ouverte : les élèves doivent y répondre en
justifiant leur point de vue. Certains pourront choisir Quasi-
modo, parce sa monstruosité fait pitié. La plupart évoqueront

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources 27


sans doute Gwynplaine, parce qu’on a accès à ses sentiments ▶ Grammaire pour dire et pour écrire
et que l’on devine qu’il souffre derrière le rire de son visage. Groupes nominaux : « les hommes » (l. 2) ; « les lords » (l. 8) ;
• Il est difficile pour la foule de ne pas rire lorsqu’elle voit Qua- « les évêques » (l. 8) ; « les juges » (l. 8) ; « le banc des vieillards »
simodo et Gwynplaine parce que leur apparence est inatten- (l. 9) ; « le banc des enfants » (l. 9) ; « toutes ces figures » (l. 11) ;
due et grotesque ; elle ne correspond pas à la norme. Elle sus- « ce tourbillon de battements de mains, de trépignements et
cite aussi sans doute un certain malaise : le rire est un moyen de hourras » (l. 12-13) ; « ce splendide épanchement d’hila-
de se défendre contre ce qui nous gêne. rité » (l. 14-15) ; « son auditoire » (l. 17).
Les élèves sont amenés à se mettre à la place de la foule et à Pronom personnel : « On » (l. 7, 8).
réfléchir à partir de leur expérience personnelle : auraient-ils
réagi de cette manière ? ▶ Exprimer son point de vue
• La sympathie éprouvée pour le personnage amène les
élèves à prononcer un jugement moral sur le comportement
de la foule et à s’interroger sur le regard que l’on doit porter
Ressource numérique VIDÉO

sur les personnes qui souffrent d’un handicap. Extrait du film L’Homme qui rit, réalisé par
▶ Le regard d’un écrivain, Marie Desplechin J.-P. Améris (2012)
L’extrait du film correspond exactement au passage du
roman étudié.
Ressource numérique INTERVIEW
Les élèves sont invités à donner leur opinion sur la
Marie Desplechin (écrivain) façon dont Gwynplaine est représenté. Tous les points
Marie Desplechin, dans son interview, explique que de vue sont admissibles. Certains diront sans doute
les arts, la littérature, la peinture et le cinéma se sont leur déception de voir le comédien beaucoup moins
beaucoup attachés aux monstres. Les personnages monstrueux que ce que le texte suggère. Le personnage
monstrueux nous fascinent parce qu’au fond, ils ne sont ne provoque pas de rire immédiat chez la foule – ni
pas si éloignés que cela de nous. Ils nous ressemblent. chez le spectateur. D’autres pourront indiquer que cela
À partir de cette interview et de ce constat, on peut permet au spectateur de s’associer plus facilement
entrer avec les élèves dans une discussion sur nos au personnage. S’il était véritablement monstrueux,
ressemblances avec les monstres, et notamment avec il pourrait susciter une forme de répugnance chez le
Gwynplaine. En quoi Gwynplaine nous ressemble-t-il ? spectateur, qui n’éprouverait pas de véritable pitié.
Qu’est-ce qui fait que, parfois, nous agissons comme
lui ? Portons-nous aussi un masque ? Cachons-nous,
nous aussi, nos sentiments derrière notre visage qui ne ▶ Activité finale
laisse rien transparaitre ? Est-ce toujours douloureux ou L’objectif de cette activité d’écriture est de créer un person-
est-ce nécessaire ? nage dont l’aspect extérieur est radicalement différent de
sa psychologie. Elle prend à contrepied les textes étudiés
dans l’atelier : il va s’agir cette fois-ci de décrire un « monstre
3. Décrire la réaction des spectateurs sacré », une célébrité séduisante, mais de souligner que, der-
rière des apparences aimables, cette personne est peut-être
plus inquiétante que d’autres.
Victor Hugo, L’Homme qui rit p. 43
Le texte des élèves suivra de préférence les étapes proposées
Comprendre dans les consignes. L’enseignant peut leur suggérer de se réfé-
rer aux encadrés « Grammaire pour dire et pour écrire ». Les
1. Le schéma demandé permet aux élèves d’orienter leur lec- élèves doivent mettre en jeu, à chaque étape de leur texte, les
ture sur l’espace et les personnages, sans s’inquiéter outre procédés qu’ils ont étudiés.
mesure de la difficulté du vocabulaire. Le personnage de
– La description du physique de la célébrité se fera donc à
Gwynplaine doit être au milieu de tous les autres person-
l’imparfait et nécessitera l’emploi de plusieurs adjectifs.
nages (« entouré de toutes ces figures » (l. 11)). Il doit y avoir
un « banc des vieillards » et un « banc des enfants » (l. 9). Les – La description des sentiments du personnage peut donner
élèves peuvent aussi décider de placer à des endroits distincts lieu à des énumérations. Pour accentuer le contraste avec le
les « lords », les « évêques » et les « juges » (l. 8). physique du personnage, on suggèrera aux élèves d’imaginer
des sentiments désagréables ou violents. Pour nourrir leurs
2. Le narrateur ne décrit pas l’aspect physique de Gwynplaine.
énumérations, ils peuvent utiliser un dictionnaire des syno-
Rien n’est dit ici sur le rire de son visage. Le lecteur sait cepen-
nymes et constituer une liste de mots appartenant au champ
dant à quoi il ressemble.
lexical de la violence, par exemple, ou du mépris.
3. Gwynplaine semble anéanti par les moqueries de l’assem-
– Pour décrire la réaction de la foule, qui ne se rend pas
blée. Il les vit comme un « supplice » (l. 5), une véritable tor-
compte de la méchanceté du personnage, les élèves sont
ture. Il se sent proche de la mort : « il avait en lui le sépulcre »
invités à relire le passage surligné en jaune dans le texte. Ils
(l. 15) ; « Cette moquerie inepte et souveraine le mettait en
peuvent imiter l’alternance entre le pronom personnel « on »
poussière » (l. 20). Les rires sont pour lui aussi violents que des
et les groupes nominaux.
coups : « Il se sentait comme frappé par derrière » (l. 21).
4. Après la lecture expressive de l’enseignant et les questions
antérieures, la plupart des élèves indiqueront que le lecteur
ressent de la pitié ou de la compassion pour le personnage
de Gwynplaine.

28 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


Les monstres dans
PARCOURS UN THÈME

les récits antiques p. 44 à 55

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DU PARCOURS


Problématique : Comment le héros antique révèle-t-il ses qualités exceptionnelles dans la confrontation avec le monstre ?
▶ L’objectif de ce parcours est de découvrir les monstres présents dans les principaux récits épiques antiques : Les Argonautiques,
l’Odyssée et l’Énéide. Le thème est décliné ici sous la forme d’un groupement de textes où des monstres, issus des dieux primitifs
ou suscités par certains Olympiens, font obstacle au destin d’un héros.
▶ Confronté à l’apparition du monstre, le héros, en observateur, peut ressentir comme ses compagnons un immense effroi. Les
textes antiques invitent les héros à voir dans cette apparition l’expression d’une volonté divine qu’il s’agit d’interpréter. Mais dans
la confrontation directe, il s’agit pour lui d’une mise à l’épreuve de son intelligence, de sa patience ou de son obéissance. De cette
mise à l’épreuve résulte le plus souvent un choix difficile qu’il affrontera avec courage et détermination, quelle que soit l’horreur
que lui inspire le monstre.
▶ Les cinq premiers textes choisis présentent les principaux monstres rencontrés par Ulysse et Énée dans un ordre qui
suit, tant que faire se peut, la chronologie de la narration épique, depuis la prise de Troie jusqu’aux voyages de retour. Nous
sommes conscients que cette fiction temporelle associe des récits dans une succession qui néglige les retours en arrière ou les
enchâssements des textes antiques.
Les épisodes choisis mettent en scène les monstres les plus familiers, aux professeurs et aux élèves : les serpents de Laocoon
ouvrent une porte sur l’histoire des arts ; la cruauté du Cyclope est mise en avant plus que la violence du héros crevant l’œil de
son ennemi ; le passage de Charybde et Scylla est propice à une réflexion sur le dilemme et le choix du moindre mal ; le chant
des Sirènes fera écho à la tentation du serpent et aux dangers de la parole séduisante ; les Enfers découverts par Énée tissent des
liens avec d’autres récits antiques où les monstres apparaissent, comme la Théogonie d’Hésiode dont Virgile est nourri.
Le texte d’Apollonius de Rhodes ne se rattache pas au cycle troyen. Mais il semblait intéressant de montrer, à la suite d’un texte
où Cerbère est maitrisé par la magie, d’autres monstres animaux, des taureaux, maitrisés au cours d’un combat physique. Ce
texte est mis en écho direct avec une réécriture de la littérature de jeunesse, qui prolonge, grâce au cinéma, la présence des
monstres antiques dans notre culture moderne. L’intérêt de ce passage est de mettre en scène une jeune fille combattive, qui
donne une image féminine plus positive que les figures féminines antiques (Harpies, Gorgones, Sirènes...)
▶ À titre d’exemple d’entrée didactique, le premier extrait étudié peut être abordé par le lexique : le choix de textes au vocabulaire
littéraire peut être un obstacle à la compréhension pour des élèves moins à l’aise avec un registre très soutenu. Ce travail peut
être réalisé en préparation à la maison ou dans une séance d’AP. On peut aussi imaginer un travail d’écriture préalable, comme
celui présenté à la page 62 du manuel.
▶ Ce parcours vise à permettre aux élèves :
– de découvrir des récits épiques ;
– de se familiariser avec de grandes figures monstrueuses antiques ;
– d’aborder des questionnements moraux ;
– de faire des liens entre la culture antique dans notre imaginaire moderne ;
– de s’approprier des références culturelles tant littéraires qu’iconographiques ;
– d’exprimer leur compréhension, leur sensibilité et leur créativité.

ORGANISATION DU CHAPITRE ET CHOIX DES AXES DE LECTURE

1. Le monstre, un avertissement divin ● Proposition d’hypothèse de lecture


Comment s’exprime le pathétique dans cette attaque mons-
Virgile, Énéide, chant II p. 44 trueuse ?

● Pistes didactiques 2. Le monstre, une mise à l’épreuve inévitable


Ce texte se situe après la fameuse scène où Laocoon pro-
nonce : « Timeo Danaos et dona ferentes. » (« Je crains les Homère, Odyssée, chant IX p. 46
Grecs même s’ils apportent des offrandes »). Il propose un ren-
versement de situation, le sacrificateur devenant la victime : il ● Pistes didactiques
pousse des mugissements comme un taureau blessé qui fuit Le texte présente un long dialogue qui tourne court : la dis-
l’autel (l. 1-2 et 22-25). La scène, très dynamique, commence cussion sur l’hospitalité s’achève dans un bain de sang. Le
par une description effrayante des serpents, puis enchaine sur plaidoyer pour l’hospitalité d’Ulysse fait place à la ruse et au
l’attaque du prêtre et de ses acolytes. Le texte s’attarde sur le mensonge, seule stratégie du faible pour vaincre le fort. Cet
pathétique de la souffrance de Laocoon, et fait l’ellipse de sa épisode peut se rapprocher de la lutte de David contre Goliath
mort. La fin du passage permet de comprendre quel dieu est ou de la joute verbale entre l’Ogre et le Chat Botté : le plus
vraiment à l’origine de l’attaque, Pallas Athéna.

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources 29


faible doit utiliser son intelligence pour se sortir d’un mau- d’une cérémonie sacrificielle comme au chant XI de l’Odyssée
vais pas. De même, c’est la prudence qui retarde le moment quand Ulysse consulte le devin Tirésias. Aidé par la Sibylle de
où Ulysse tire vengeance du Cyclope : le tuer immédiatement Cumes qui lui ouvre le chemin, Énée consulte l’ombre de son
rendrait la fuite impossible. Ce texte peut s’inscrire dans une père Anchise qui lui révélera le destin de Rome. L’iconogra-
propédeutique à l’argumentation : avant d’agir, il est néces- phie de la page 53 évoque une autre catabase qui constitue le
saire de réfléchir aux conséquences ou aux implications d’un dernier des Travaux d’Héraklès : ramener Cerbère à Eurysthée.
geste définitif. D’autres héros mythologiques sont descendus dans l’Hadès
(Orphée, Thésée...). Dans la Divine Comédie, c’est Virgile lui-
● Proposition d’hypothèse de lecture même qui accompagne Dante dans les neuf cercles de l’Enfer
Comment l’intelligence vient-elle à bout de l’inhumanité ? (▶ Eugène Delacroix, La Barque de Dante ou Dante et Virgile
Homère, Odyssée, chant XII p. 48 aux enfers, 1822, huile sur toile (189 x 141,5 cm), musée du
Louvre, Paris).
● Pistes didactiques ● Proposition d’hypothèse de lecture
Le passage est un monologue d’avertissement. Circé annonce Comment la rencontre des monstres aux Enfers constitue-t-
à Ulysse les trois dangers qu’il encourt en la quittant : les elle un parcours initiatique pour le héros ?
Sirènes, Charybde et Scylla et l’ile du Soleil. Ce texte présente
aussi un moment de réflexion qui précède l’action : Ulysse Apollonius de Rhodes, L‘Expédition des Argonautes ou
aura à choisir entre deux maux. La narration du passage entre la conquête de la Toison d‘or, chant III
les deux monstres se situe aux vers 234-258 du chant XII :
l’équipage, captivé par les tourbillons de Charybde, ne voit Rick Riordan, Percy Jackson p. 54
pas l’attaque de Scylla. Le monstre, sortant de la brume,
enlève six marins, et les dévore à l’entrée de son antre. L’inté- ● Pistes didactiques
rêt de l’intervention de Circé est qu’elle permet la description L’expédition des Argonautes est un récit épique dont on a déjà
de l’un et l’autre danger. La magicienne expose le choix diffi- l’écho dans l’Odyssée (chant XII), quand Circé met en garde
cile, tout en offrant la solution. L’illustration de la p.49 permet Ulysse. On peut considérer que la légende de Jason est anté-
de bien comprendre la situation d’énonciation. rieure à celle du retour d’Ulysse. Circé est la sœur d’Aeétès (ou
Éétes) et de Pasiphaé, et donc la tante de Médée : la magie est
● Proposition d’hypothèse de lecture
héréditaire dans la famille des descendants d’Hélios, le Soleil.
Comment cette description est-elle aussi une mise en garde ? Tout comme l’est l’intérêt pour les taureaux (voir les troupeaux
Homère, Odyssée, chant XII p. 50 de l’ile du Soleil, fatals à l’équipage d’Ulysse, ou les amours
monstrueuses de Pasiphaé qui donneront naissance au Mino-
● Pistes didactiques taure). À son arrivée à Colchos, Jason a réclamé la Toison d’or
Dans cet extrait, Ulysse s’adresse à deux publics différents : au roi Aeétès (ou Éétes). Celui-ci accepte mais à condition que
le début, de la ligne 1 à la ligne 7, s’adresse à l’équipage ; la Jason prouve sa vaillance. L’épreuve est double : il doit atteler
narration aux Phéaciens reprend ensuite, seulement entre- à une charrue deux taureaux qui vomissent des flammes, puis
coupée par le chant des Sirènes restitué au style direct (l. 27 tracer un sillon dans lequel il sèmera des dents de dragon. De
à 34). Le texte est scandé par l’utilisation des liens : Ulysse ces dents naitront des géants armés qu’il devra défaire. Éros
demande à ses hommes de l’attacher et de ne pas répondre (Cupidon), à l’instigation d’Héra, fait naitre chez Médée une
à ses appels pour le détacher (l. 3 à 7) ; les hommes attachent passion amoureuse qui l’incitera à aider Jason et à trahir son
Ulysse (l. 21-22) ; Ulysse cherche à se faire détacher (l. 36 à 39) ; père. Une traduction des Argonautiques est disponible à cette
Ulysse est détaché quand le danger est passé (l. 42-43). L’uni- adresse : http ://remacle.org/bloodwolf/poetes/falc/apollo-
vers sonore du passage mêle la cadence obstinée des rames nius/livre3.htm
au chant des Sirènes et aux cris d’Ulysse. Le texte permet de La série de littérature de jeunesse de Rick Riordan, Percy Jack-
travailler le champ lexical de la navigation et celui de l’ouïe. son, raconte les aventures de jeunes Américains, descendants
d’Olympiens. Ces demi-dieux ou demi-déesses sont éduqués
● Proposition d’hypothèse de lecture dans un camp d’entrainement dirigé par le centaure Chiron.
Comment cet épisode montre-t-il l’ambivalence du héros ? Ils doivent lutter contre les dieux primitifs et les Titans qui
cherchent à renverser les pouvoirs des Olympiens. Percy (Per-
3. Le monstre maitrisé sée) est le fils de Poséidon ; il est en rivalité avec Clarisse, la fille
de Mars, mais quand leur camp est attaqué par deux taureaux
mécaniques qui lancent des flammes, une alliance de circons-
Virgile, Énéide, chant VI p. 52
tance se noue.
● Pistes didactiques ● Proposition d’hypothèse de lecture
La descente aux Enfers, appelée « catabase », est un topos litté- Comment la réécriture des récits antiques permet-elle d’ou-
raire qu’il faut distinguer de la nekuia, évocation des morts lors vrir l’héroïsme à des figures féminines ?

30 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. Le monstre, un avertissement divin évocatrice typique de l’esthétique hellénistique. Les élèves


pourront être sensibles à la souffrance que la bouche de Lao-
coon fige dans un cri muet. Cette sculpture est une belle illus-
Virgile, Énéide, chant II p. 44
tration du registre pathétique.
▶ Vocabulaire pour entrer dans le texte Comprendre le message divin délivré par les serpents
Entrer dans la lecture. Les deux serpents, quoique venant
de la mer, obéissent à la cruelle Tritonienne (l. 26), la déesse
ACTIVITÉ
Pallas Athéna, comme le prouve le lieu où ils trouvent refuge,
Ressource numérique le bouclier placé aux pieds de la statue de la déesse.
La déesse poursuit Troie de sa vindicte depuis le jugement de
Les monstres dans les récits antique Pâris.
• Les verbes en -indre (pour éclairer et mettre en pers- 1. Neptune, autrement dit Poséidon dans une lectio Romana,
pective la forme « étreignent », ligne 14). règne sur les mers. C’est aussi une puissance chtonienne : il
1. provoque les tremblements de terre. Il est le protecteur de
Nom Verbe Troie, dont il a contribué à édifier les murs. La cérémonie a
pour but de remercier le dieu de sa protection. On peut aussi
contrainte contraindre imaginer des imprécations pour le mauvais retour des Grecs.
crainte craindre 2. L’attaque maritime des serpents peut provoquer sidéra-
plainte plaindre tion et incompréhension des Troyens, car c’est justement du
domaine de Neptune que les serpents surgissent.
étreinte étreindre
3. Les présents ressentent une grande épouvante : ils
feinte feindre deviennent « livides » et s’enfuient (l. 12). En en faisant le récit,
teinte teindre Énée en frémit encore (ligne 4, voir l’expression proverbiale hor-
resco referens qui évoque la peur ravivée du témoin du drame).
• Famille de « repaitre » (pour éclairer et mettre en 4. La taille des serpents est mise en valeur par l’emploi des
perspective la forme « se repaissant », ligne 15) expressions « aux orbes immenses » (l. 4), « ils dominent les
2. Le pâtre fait paitre le mouton dans la pâture. Sous ondes » (l. 7), « leurs échines démesurées » (l. 8). Ils se caracté-
la garde de son pasteur, la bête se repait d’herbe verte. risent par des « crêtes rouge sang » (l. 6) et des « yeux brillants
Une fois repue, elle revient dans sa bergerie. […] injectés de sang et de feu » (l. 10). On pourrait ajouter tout
3. Le mot générique repas permet de définir le déjeuner, un univers sonore où la mer « résonne » (l. 9) de l’approche
le diner et le souper. des « gueules sifflantes » (l. 11).
4. Pour éclairer le sens de « échines » (l. 8, l. 19), et de 5. Le premier assaut est subi par les fils de Laocoon. L’injustice
« souillées » (l. 21) : de cette attaque ne doit pas faire oublier que l’Antiquité est
familière des familles sacerdotales, où les fils sont éduqués
Leurs échines écailleuses souillées.
à prendre la succession de leur père. La mort pathétique de
ces enfants annonce la mort des enfants de Priam (Cassandre,
▶ Lecture d’image Polyxène) ou d’Hector (Astyanax).
Le groupe sculpté présente une attaque simultanée des trois 6. L’élève pourra exprimer toute une palette de sentiments
personnages. Dans la partie inférieure, un serpent attaque les allant de la pitié à l’horreur ou la révolte.
jambes des trois personnages ; sa tête, invisible, semble atta- Bilan 7. Le mécontentement de Pallas Athéna apparait dans
quer le fils de gauche. Le second serpent s’est enroulé autour la punition du sacrilège : en tuant celui qui refuse le don des
de la partie supérieure de Laocoon et du bras droit de son Grecs, le cheval de bois, la déesse semble les inviter à ne plus
autre fils ; la tête, visible, mord la hanche du prêtre. tarder à faire entrer le cheval dans Troie. Elle réclame le res-
1. Le texte présente une attaque successive d’abord des fils, pect qui lui est dû, et comme dans toute tragédie, elle aveugle
puis du père. Les enfants semblent avoir été dévorés avant ceux qu’elle veut perdre (▶ p.190, dossier « Aux origines de la
la tentative de sauvetage du père. Les serpents enserrent en ruse »).
deux endroits le corps du prêtre, à la taille et au cou. Le point
commun des deux évocations est l’effort, la tension pour ten- 2. Le monstre, une mise à l’épreuve inévitable
ter de desserrer l’étreinte.
2. La nudité héroïque de Laocoon va à l’encontre de sa fonc- Homère, Odyssée, chant IX p. 46
tion sacerdotale. La présence de la barbe montre cependant
un personnage âgé ou sage (cf. la barbe des portraits de ▶ Graine de savoir
philosophes). La dignité du prêtre, perdue dans ce combat
L’épithète homérique « aux mille tours » (polutropos), employée
contre les serpents, peut être lue dans le drapé qui recouvre
dès les premiers vers de l’Odyssée, est la marque d’un person-
l’autel sur lequel s’appuie Laocoon. L’arme évoquée dans le
nage prudent qui ne tuera pas le Cyclope avant d’avoir trouvé
texte n’apparait pas ou a disparu.
le moyen de faire déplacer le rocher qui obstrue l’entrée de la
3. Cette scène est dynamique et violente : la torsion des corps, caverne. Il est rusé, car il prétend se nommer « Personne », mais
la multiplication des anneaux des serpents et la construction aussi habile dans toutes les techniques (pour durcir la pointe
pyramidale du groupe confèrent à cette sculpture une force d’un épieu ou fabriquer seul un radeau).

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources 31


Étudier l’affrontement avec un monstre inhospitalier 1. La grotte de Scylla s’ouvre sur les pentes d’une haute mon-
Entrer dans la lecture. Ulysse et ses compagnons se com- tagne dont la cime se perd dans les nuages. L’ensemble, cime
portent comme des marins à la recherche de nourriture : sans comme grotte, est plongé dans les nuages (l. 2-3) ou la brume
l’arrivée du propriétaire de la grotte ils pourraient la piller sans (l. 8). Le rocher est lisse, nul être, fût-il monstrueux, ne peut s’y
scrupules (voir l’épisode ultérieur des troupeaux du Soleil qui accrocher (l. 5-7).
provoquera la perte de l’équipage). Au regard de la suite des 2. Circé utilise l’image d’une flèche lancée par un archer puis-
évènements, cette violation du domicile du Cyclope est une sant qui ne peut atteindre le fond de la grotte.
mise en danger imprudente. Rappelons que les compagnons La portée de flèche est de nouveau évoquée à la ligne 30 pour
d’Ulysse le pressaient de quitter rapidement l’endroit (IX, 224- mesurer l’espace entre les deux écueils.
228). Rien ne dit, dans les limites de l’extrait, que l’exploration 3. Scylla est appelée la « terrible aboyeuse », car sa voix res-
ne respecterait pas l’intégrité des lieux et des réserves : la semble à celle d’un chiot (l. 14). Le relief présente en arrière-
présence d’Ulysse et son insistance sur les lois de l’hospitalité plan deux têtes de chien à gueule ouverte. L’image du chien
inciteraient à une lecture moins négative. est très contrastée dans l’Antiquité : symbole de fidélité
1. Ulysse met en avant les hasards de l’errance d’hommes comme le chien d’Ulysse, Argos, qui attend son maitre pour
« chassés par tous les vents du ciel » (l. 1-2), ainsi que la volonté mourir, c’est aussi un élément maléfique lié aux Enfers comme
probable de Zeus (l. 4). Cerbère ou à la déesse magicienne Hécate.
2. Le quémandeur se met aux genoux de l’hôte (l. 8). En 4. Si Ulysse passe du côté de Scylla, six de ses hommes
retour, si l’hôte accepte la requête du suppliant, il se doit de risquent d’être dévorés par le monstre ; s’il passe du côté de
lui faire un don (l. 10). Ulysse se met sous la protection de Zeus Charybde, tout l’équipage risque d’être englouti.
Xénios (garant des étrangers) : les lois de l’hospitalité inter- 5. Les dieux pourraient être impuissants face à de tels
disent le meurtre de l’étranger que l’on a accepté comme hôte monstres : le dieu de la mer ne sauverait pas Ulysse de l’en-
(l. 11-13). Xén(o)- est le radical grec présent dans xénophobie gloutissement (l. 35) ; un monstre primitif doté de vingt bras
ou proxène (Athénien qui prenait en charge les intérêts de et vingt pieds n’escaladerait pas la montagne où se situe la
citoyens d’autres cités) ; le mot proxénète est un emprunt du grotte de Scylla (on peut penser aux trois géants primitifs
latin à un mot grec de la même famille, qui signifiait intermé- appelés Hécatonchires, les Cent-bras, qui aideront Zeus à
diaire dans les transactions ; le sens a dérivé et s’est spécialisé. vaincre les Titans).
3. Le Cyclope fait preuve d’arrogance et de démesure (hubris) : Bilan 6. Le choix d’Ulysse est difficile : il pourrait renoncer au
il ne craint pas Zeus et le sacrilège qu’il va commettre est passage et voir son voyage de retour s’allonger. S’il se résout
la preuve de son absence de peur (l. 19). Il fait aussi preuve à passer, il doit affronter ce dilemme : perdre six hommes ou
d’une certaine ruse en cherchant à savoir si un bateau est à son équipage entier. Cet extrait permet aux élèves de s’initier
l’ancre à proximité de sa grotte (l. 21-22). à l’argumentation : faut-il choisir le moindre mal ou faire un
4. Ligne 31 : « comme des chiots ». Cette comparaison indique pari risqué ? Les élèves devront commencer l’argumentation
la faiblesse des hommes entre les mains du Cyclope. par « À la place d’Ulysse, je... ». Ce travail peut être mis en rap-
Ligne 34 : « comme un lion né des montagnes ». Cette compa- port avec le travail d’oral suggéré sur la même page.
raison indique la férocité animale du Cyclope. ▶ Imaginer un dialogue.
5. Le spectacle sanglant du dépeçage des compagnons
Le sujet de cette activité est lié à la question Bilan de la même
d’Ulysse provoque la tristesse et l’horreur des survivants, ainsi
page. Si le travail sur le texte a donné lieu à une mise en com-
qu’un sentiment d’impuissance devant une telle force brutale.
mun orale, le professeur pourra constituer des binômes aux
Les Grecs pleurent en appelant Zeus à l’aide (l. 36-37).
avis divergents. Un élève peut jouer le rôle de maitre de la
6. Ulysse n’attaque pas le Cyclope durant son sommeil, car parole en assumant le rôle d’Ulysse. Euryloque, Périmède et
ses hommes et lui n’ont pas la force de déplacer le rocher qui Politès sont les noms des compagnons d’Ulysse utilisables
obstrue l’entrée de la caverne. Ulysse montre, avec raison, sa pour l’exercice (Elpénor s’est tué en tombant d’un toit chez
prudence et son intelligence. Circé).
Bilan 7. Le Cyclope se montre inhospitalier en méprisant Chaque personnage peut s’adresser à trois interlocuteurs dif-
les règles de l’hospitalité garanties par Zeus : il accomplit un férents : à son interlocuteur direct, à Ulysse ou à l’équipage
double meurtre et mérite donc un châtiment qui ne tardera entier. Plusieurs étapes sont possibles pour construire ce
pas à arriver. La scène sanglante et détaillée d’anthropopha- dialogue : l’identification de l’orateur (« Vous avez tous que je
gie montre que le Cyclope appartient au monde de la sauva- suis... »), le rappel de la situation ou la mise en cause d’Ulysse
gerie, celui des mangeurs de cru, qui s’oppose au monde des (« Circé t’avait prévenu, mais tu as absolument voulu... »),
hommes, les mangeurs de pain cuit. l’expression du choix personnel (« Selon moi/d’après moi/à
Homère, Odyssée, chant XII p. 48 mon avis, il faudrait/il vaudrait mieux/je préférerais...), la pro-
position d’une solution pour minimiser les risques (rapidité
Étudier les conséquences monstrueuses d’un choix du passage, utilisation d’armes, attente d’un vent plus favo-
rable...), l’appel à un vote à main levée (passage d’un nom
Entrer dans la lecture. Amphitrite n’est pas mentionnée
propre à un nom commun).
comme l’épouse de Poséidon (l’édition de Jaccottet écrit
le nom sans accent) dans l’Odyssée. Cependant la tradition Homère, Odyssée, chant XII p. 50
hésiodique et iconographique permet de forcer le texte pour
introduire cette donnée culturelle. Amphitrite est ici la mai- ▶ Graine de savoir
tresse des monstres marins (sous-entendu les baleines). L’uti- À partir du XIXe siècle, le mot sirène désigne par antonomase un
lisation de l’épithète « hurlante » à la ligne 25 (traduction du dispositif sonore d’alarme ou d’appel. Le terme a été inventé
grec agastonos, « au fort gémissement ») rapproche la déesse en 1819 par le physicien Charles de Cagniard de Latour.
de l’aboyeuse Scylla. Le royaume marin, peuplé de monstres,
n’est pas fait pour rassurer les navigateurs.

32 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


Comprendre comment le héros résiste à des monstres 3. Le monstre maitrisé
tentateurs
Entrer dans la lecture. Ulysse organise sa séduction et sa Virgile, Énéide, chant VI p. 52
résistance : il peut écouter le chant des Sirènes, mais en
restant attaché et en protégeant ses compagnons de cette ▶ Graine de savoir
séduction, il évite le naufrage. L’orque (n. f.) est un cétacé à dents (odontocète) nommé aussi
1. Ulysse impute l’arrêt du vent à une influence divine – Poséi- épaulard. Animal prédateur, elle est appelée en anglais killer
don ou Éole ? (l. 11-12, 21-22). whale (« baleine tueuse »). Sa célébrité s’est développée avec le
2. Ulysse demande à ses marins de l’attacher au mât de son film Sauvez Willy (1993) et ses suites. La première attestation du
navire et de serrer fort les liens (l. 4-7). Il utilise de la cire qu’il mot en français date de 1550 au vers 22 de la Musagnoemachie
découpe pour en boucher les oreilles de ses compagnons (Guerre des Muses et de l’Ignorance) de Joachim du Bellay.
(l. 16-20). ▶ Raconter un combat
3. Le terme employé par Jaccottet désigne l’emplacement Le récit s’appuie sur la lecture préalable du texte de la page
où vient se loger le mât, la base du mât lui-même. Sur la 52. Le narrateur a soin de décrire le physique du monstre :
mosaïque, Ulysse est attaché au mât qui se prolonge au-des- les trois têtes, le cou hérissé de couleuvres, la taille énorme. Il
sus de sa tête, mais sa position surélevée semble confirmer met en scène le comportement canin : Cerbère aboie, grogne,
que ses pieds reposent sur l’emplanture. montre les crocs, tire sur la chaine, cherche à mordre pour
Emplanture est formé d’un préfixe locatif em-, du radical montrer son hostilité. Héraclès utilise divers moyens d’intimi-
-plant- et du suffixe -ure indiquant le résultat d’une action dation (voix, menaces, massue...). Héraclès conclut l’affronte-
(voir balayure, boursoufflure...). ment par une solution ingénieuse.
4. Les Sirènes flattent d’abord Ulysse (l. 27), puis lui pro-
mettent le savoir (l. 31, 32, 34). Elles connaissent le passé (l. Observer une galerie de monstres infernaux
32-33) et l’avenir (l. 34). Entrer dans la lecture. Le trajet d’Énée commence par la
5. Ulysse, désireux de les écouter, cherche à communiquer visite d’une maison infernale dotée d’un vestibule (l. 1), de
avec ses compagnons, afin de les faire le détacher. chambres (l. 8) et d’une cour (l. 10). La traversée du Styx se fait
6. Le texte d’Ovide présente les Sirènes comme des êtres mi- à la ligne 23, mais il faut endormir Cerbère avant de continuer
femmes mi-oiseaux dotés d’une voix capable de « charmer le chemin et s’éloigner du fleuve (l. 33-34).
l’oreille » (l. 10) par ses chants. 1. Les premières figures sont des allégories (des idées personni-
7. L’introduction permet d’entrevoir la puissance de séduc- fiées dont le nom comporte une majuscule) : les Pleurs, les Sou-
tion des Sirènes sans que le texte précise la nature du danger cis (l. 2), les Maladies, la Vieillesse (l. 3), la Crainte, la Faim, l’Indi-
(naufrage, oubli de la patrie...). La tentation du savoir qu’elles gence (l. 4), le Trépas, la Peine (l. 5), la Torpeur (l. 6), la Guerre (l.
offrent peut être rapprochée de la Tentation exercée par le 7) et la Discorde (l. 8). Ligne 11, on trouve aussi les Songes.
serpent sur Ève. Leur malveillance tient dans la promesse 2. La Discorde bénéficie d’une description particulière (l. 9).
fallacieuse d’un possible départ de leur ile. Elles imitent les C’est elle qui est à l’origine de la guerre de Troie : pour se ven-
Muses pour mieux tromper les voyageurs. ger de ne pas avoir été invitée au banquet des dieux, elle jette
Bilan 8. Des Sirènes le texte d’Homère ne fait aucune des- au milieu des déesses une pomme d’or destinée à la plus belle.
cription physique contrairement au texte d’Ovide qui reprend Pour éviter de fâcher Héra, Athéna et Aphrodite, Zeus confie à
les éléments iconographiques des vases et des mosaïques. Hermès la mission de trouver un juge impartial. C’est le berger
Toute leur séduction tient dans leur expression orale : le dan- troyen Pâris qui accordera le fruit à Aphrodite en échange de
ger aurait été imparable sans les avertissements de Circé. la promesse de la plus belle femme, Hélène.
Sans l’aide de la magicienne, Ulysse aurait cédé à la séduc- 3. Énée tremble de crainte et dégaine son épée pour se proté-
tion du chant glorieux et à la promesse d’un savoir nouveau. ger des ombres (l. 18-22).
Le danger était d’autant plus grand que, malgré la vitesse du 4. Cerbère dispose de trois gueules (l. 25), il est énorme, son
bateau, leur chant était clairement perçu. corps emplit son antre (l. 31-32). Ses aboiements font réson-
ner les Enfers (l. 26). Ses cous se hérissent de couleuvres (l. 27).
▶ Mettre en voix
La faim le fait enrager (l. 29).
Cette activité, dont le nom est une adaptation d’un télé-cro- 5. Grâce à la magie de la Sibylle qui jette à Cerbère une bou-
chet familier aux élèves, déborde le cadre de la simple récita- lette soporifique, Énée peut continuer sa route (l. 27-28).
tion en invitant les participants à jouer sur plusieurs registres :
Bilan 6. D’abord effrayé par l’aspect terrifiant des habitants
l’apprentissage par cœur du texte devient un prérequis de la
des Enfers qualifiés de « figures effrayantes » (l. 5), « de bêtes
performance orale enregistrée. Un travail avec le professeur
monstrueuses » (l. 13), Énée traverse lentement le monde des
de musique peut s’avérer intéressant pour ce qui est du travail
Enfers. Une fois Cerbère endormi, Énée franchit en hâte l’en-
instrumental ou de l’appropriation du travail vocal antique
trée et s’éloigne rapidement du fleuve (l. 33-34).
(▶ http ://www.kerylos.fr/home.php : travaux d’Annie Bélis
sur la musique grecque et les enregistrements de l’ensemble ▶ Décrire un monstre
Kérylos). Négocier la participation d’un adulte de l’établisse- Cette activité est réalisable en AP. Pour débloquer l’imagi-
ment au jury qui départagera les prestations constitue aussi naire, on peut reprendre la liste des monstres rencontrés et
un travail oral à partager. énumérer les caractéristiques physiques qui concourent à
leur monstruosité : difformité, hybridation, taille... Réfléchir
sur le lieu de la rencontre peut faciliter la détermination de
la nature terrestre, aquatique ou aérienne du monstre. Faire
précéder l’écriture d’une réalisation graphique est une autre
piste de travail.

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources 33


Apollonius de Rhodes, L’Expédition des Argonautes Activités d’expression p. 55
ou la Conquête de la Toison d’or
▶ Imaginer la fin d’un récit
Rick Riordan, Percy Jackson p. 54 Un paragraphe d’une dizaine de lignes écrit en respectant
tout ou partie des conseils de méthode est attendu. L’arti-
Étudier le courage des deux héros face au danger culation avec le texte doit être travaillée : comment Clarisse
Entrer dans la lecture. Dans le premier texte, Jason a prati- se sort-elle d’une attaque en tenaille ? Esquive-t-elle l’assaut
quement achevé son combat : il a dompté les taureaux et ne ou est-elle bousculée ? Quelqu’un vient-il à la rescousse pour
doit plus que leur imposer le joug (voir l’indication donnée en détourner l’attention ?
introduction). L’introduction d’un adjuvant est possible, d’autant qu’un nar-
Dans le second texte, Clarisse est prise en tenaille par l’autre rateur assiste au combat (l. 9 : « je ne voyais pas comment... »).
taureau qui vient de faire volte-face : elle est en danger. L’examen des photogrammes de la page, ainsi que l’expres-
1. Les deux taureaux sont puissants, ils crachent le feu. Le sion « gueule articulée » (l. 4) indiquent que les taureaux sont
premier extrait utilise la comparaison du soufflet de forge métalliques, l’issue du combat peut se jouer sur l’utilisation
et développe longuement la description (l. 7-11). Le second de l’eau, d’abord pour tenter d’éteindre les flammes, puis pour
extrait se contente d’une notation succincte comparant le gripper les articulations en provoquant une oxydation rapide.
jaillissement des flammes à celui de geysers. Pour conclure le combat, Clarisse doit plus utiliser la ruse et
2. Les deux héros disposent d’une grande force physique : la tactique que la force, or le caractère du personnage ne s’y
Jason reste inébranlable sous le choc (l. 6), Clarisse est « bara- prête guère.
quée » (l. 7), « bâtie pour porter une armure grecque » (l. 8-9).
▶ Écrire un récit de combat
3. Tous deux font preuve de courage, mais Jason est protégé
par un charme qui le rend invulnérable, ce qui pourrait faire Le travail attendu est ici une écriture plus longue (une ving-
de Clarisse un personnage plus méritant. taine de lignes manuscrites). Le sujet laisse ouvert le choix du
héros, afin de permettre d’imaginer une héroïne au combat.
4. Jason a une alliée, Médée, qui lui a offert un onguent pro-
Des figures féminines combattantes peuvent être étudiées
tecteur. Clarisse ne combat pas seule, mais à la tête de guer-
au préalable, comme les Amazones Antiope ou Penthésilée,
riers et le héros éponyme, Percy Jackson, l’aidera par la suite.
ou la princesse volsque Camille de l’Énéide, ou même Jeanne
5. Bilan Les deux héros font preuve de fermeté et de courage d’Arc. On trouvera quelques exemples sur ce site consacré à
face à l’attaque des taureaux. Chacun est doté d’une grande l’histoire des femmes : https ://histoireparlesfemmes.com/
force physique. L’un est un garçon, alors que l’autre est une tag/combattante/.
fille.

Les périples antiques


DOSSIER

en Méditerranée p. 56 à 59

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DU DOSSIER


▶ Ce dossier s’appuie sur trois récits de périples antiques présentés dans un ordre chronologique. Les aventures de Jason sont
déjà évoquées au cours de la narration des aventures d’Ulysse : les Argonautiques, du moins certains épisodes, sont à considérer
comme antérieurs à ceux de l’Odyssée. Cependant l’un et l’autre récit ne cessent d’être réécrits ou résumés jusqu’à la fin de
l’Antiquité. L’Énéide, dès son écriture par Virgile, est conçue comme une imitation des épopées homériques dans le but d’une
glorification de la famille des Julii (la famille de César et de son petit-neveu, Auguste) : elle se compose d’un périple racontant
l’arrivée d’Énée en Italie selon le modèle de l’Odyssée et d’une épopée guerrière imitant l’Iliade au cours de laquelle Énée doit
vaincre les peuples latins qui s’opposent à son installation dans le Latium, la région de la future Rome.
▶ Deux pages sont consacrées à la légende de Jason et des Argonautes : souvent moins connue des élèves, elle survit surtout
par le nom de son héros devenu un prénom à la mode par le biais de feuilletons américains. Deux péplums (films en costumes
antiques) y ont été consacrés et la littérature de jeunesse en exploite certains épisodes. C’est surtout le personnage tragique de
Médée qui prolonge jusqu’à aujourd’hui la légende noire de cette navigation au long cours.
▶ Une page est consacrée au périple d’Ulysse dont les épisodes les plus importants sont traités dans la partie littérature du
manuel – voir le parcours Les monstres dans les récits antiques p. 44-55 et le dossier Aux origines de la ruse, p. 190-191. Elle fait
le pendant à une page consacrée aux aventures d’Énée, dont la survie tient surtout au récit de ses amours tragiques avec la reine
Didon.
▶ Chaque périple est à lire sous trois angles différents :
– la navigation antique et ses dangers ;
– le rôle des dieux ;
– le rôle des femmes.
▶ Ce dossier vise à permettre aux élèves :
– de connaitre des légendes fondatrices de l’imaginaire européen ;
– d’établir des liens avec des œuvres littéraires, picturales ou cinématographiques ;
– de s’exprimer oralement pour renouveler la mémoire de ces récits.

34 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. Jason et les Argonautes : l’expédition et ses 1. Jason et Médée sont poursuivis par le père de cette dernière
et ses soldats. Mais la magicienne a emmené avec elle son
dangers
jeune frère, qu’elle découpe et dont elle jette les morceaux à
la mer. Le roi Éétès s’attarde pour recueillir les membres dépe-
Apollonius de Rhodes, L’Expédition des Argonautes ou cés de l’enfant, afin de lui offrir une sépulture.
la Conquête de la Toison d’or p. 56 2. Pélias est ébouillanté par ses filles, trompées par Médée.
Les textes de la page 56 montrent que la poupe est la place Cette dernière leur a fait croire qu’un bain dans une eau bouil-
habituelle du pilote qui tient les rames de direction. Lors du lante le rajeunirait.
passage des rochers mobiles des Symplégades, l’écrasement 3. Jason, arrivé à Corinthe, courtise la fille du roi Créon, et s’ap-
de l’extrémité de la poupe indique que le navire a échappé prête à abandonner Médée. Celle-ci se venge en offrant une
de peu au naufrage – les Symplégades sont deux rochers qui robe qui brule la princesse et son père. Puis elle tue les deux
s’entrechoquent à l’emplacement actuel du Bosphore. fils qu’elle a eus de Jason. Elle lui échappe en s’envolant sur un
char tiré par des dragons ailés.
▶ Devinette
La chouette se cache au sommet du pilier, derrière le siège ▶ Graine de culture
d’Athéna. Sur le relief romain, on voit Athéna, identifiée par La Toison d’or est un ordre de chevalerie créé par Philippe
son casque et son bouclier, qui porte la tête de Méduse en son le Bon, duc de Bourgogne, en 1430. À la mort de Charles le
centre, mettre en place la voile sur la vergue tenue par Tiphys. Téméraire, l’ordre est dirigé par son gendre Maximilien Ier de
Pendant ce temps, Argos achève la proue que la déesse a Habsbourg. Il se transmettra ensuite aux maisons Habsbourg
façonnée avec du bois d’un chêne sacré de la forêt de Dodone d’Espagne et d’Autriche.
et à laquelle elle a donné le don de la parole.
▶ Mène l’enquête !
▶ Devinette 1. Médée offre à Jason des onguents magiques, des crèmes
Les positions sur le navire se donnent dans le sens de la navi- protectrices contre les brulures.
gation : a. à l’arrière → 2. à la poupe ; b. à l’avant → 3. à la 2. Jason lance une pierre au milieu des combattants et ceux-ci
proue ; c. du côté droit → 4. à tribord ; d. du côté gauche → à s’entretuent.
babord.
▶ Lire la carte 3. Quitter les rivages de Troie (Ilion)
1. En Méditerranée, les Grecs ont surtout colonisé le bassin
oriental et le bassin occidental, mais ils ont établi quelques Homère, Odyssée p. 58
comptoirs sur les côtes de la mer Noire jusqu’en Crimée. Ulysse est un personnage héroïque, il a un « esprit magna-
La côte septentrionale de l’Anatolie était occupée par des nime » – étymologiquement, c’est une « grande âme », le grec
royaumes barbares qui se sont hellénisés avec la conquête dit : « au grand cœur ». Cependant, ce nouveau coup du sort
d’Alexandre. On appelait cette mer le Pont-Euxin (pontos a raison de son courage et il est désemparé et se plaint : il
signifie « mer », euxinos « accueillante »), par antiphrase, de appréhende ce que Poséidon lui réserve encore. L’humanité
façon à conjurer les terribles conditions de navigation qui y du personnage transparait dans la plainte pathétique qu’il
régnaient. émet. Il n’a pas la fermeté d’un héros guerrier dans ce passage.
Les Romains, qui ont conquis l’ensemble du bassin méditer-
ranéen, considèrent la Méditerranée comme leur mer inté- ▶ Mène l’enquête !
rieure. C’est pourquoi les bords de la mer Noire sont une sorte Les tribulations d’Ulysse l’amènent en plusieurs étapes à
de bout du monde, un lieu d’exil pour tout homme civilisé : perdre progressivement ses compagnons.
Ovide, qui finit sa vie à Tomes, sur la côte bulgare, y compo- En quittant Troie, Ulysse aborde d’abord en Thrace chez les
sera ses plaintes des Tristes. Cicones. Puis, après quatre jours de navigation vers le sud, il
2. Comme toutes les terres lointaines, la Colchide, région de arrive au pays des Lotophages (les « mangeurs de lotos », un
Colchos, est un pays dangereux. Située loin à l’est, elle appar- fruit qui ôte le désir du départ) : Ulysse doit contraindre ceux
tient au dieu du soleil Hélios, père du roi Éétès, de Circé et de de ses hommes qui y avaient gouté de reprendre la mer. Il
Pasiphaé. La magie y a cours (cf. les épreuves proposées à Jason, aborde ensuite l’ile des Cyclopes (retrouvez l’épisode p. 46-47
le dragon gardien de la Toison ou les pouvoirs de Médée). du manuel élève).
Après avoir échappé au Cyclope, Ulysse débarque sur l’ile
2. Rencontre avec Médée : la passion et la magie d’Éole, dieu des vents, qui lui offre une outre pleine de vents
à ne pas ouvrir. Durant le sommeil d’Ulysse, ses compagnons
l’ouvrent et le navire s’éloigne d’Ithaque. Éole refuse de renou-
Apollonius de Rhodes, L’Expédition des Argonautes ou
veler son aide.
la Conquête de la Toison d’or p. 57
Les bateaux d’Ulysse font escale chez les Lestrygons. Ce
▶ Mène l’enquête ! peuple de géants anthropophages détruit l’ensemble de la
flotte grecque, sauf le navire qu’Ulysse parvient à libérer à
temps.
ACTIVITÉ
Ressource numérique Ulysse rejoint l’ile de Circé : dans un premier temps, la magi-
cienne transforme les compagnons du héros en porcs, mais
Les périples antiques il parvient à la réduire à sa merci et elle lui offre son aide. Elle

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources 35


lui permet de consulter l’âme du devin Tirésias, qui informe 4. Quitter les rivages de Troie (Ilion)
Ulysse de son destin, puis le conseille sur ses deux prochaines
épreuves : la navigation le long de l’ile des Sirènes et le pas- Virgile, Énéide p.59
sage entre Charybde et Scylla (retrouvez les deux épisodes, p.
48-49 et 50-51). ▶ Mène l’enquête !
En dépit de quelques pertes humaines, le bateau parvient à 1. Le père d’Énée s’appelle Anchise. Son fils est connu sous le
rejoindre l’ile du Soleil. Malgré les avertissements d’Ulysse, ses nom d’Ascagne ou de Iule (ancêtre supposé de la famille des
marins, affamés, tuent des bœufs consacrés au dieu. Le navire Julii, que Virgile, appartenant au cercle des amis d’Auguste,
est foudroyé par Zeus et tous les marins périssent. Ulysse, flatte ainsi). Il est le fondateur de la ville d’Albe, d’où naitront
accroché à son mât, repasse le détroit de Charybde et Scylla, Romulus et Rémus.
puis dérive durant neuf jours jusque l’ile lointaine de Calypso 2. Les Pénates sont les dieux protecteurs de la maison, en par-
où il séjournera sept ans. ticulier du garde-manger.
▶ Lire la carte 3. Il existe aussi des Pénates publics qui semblent être hérités
des Pénates légendaires amenés de Troie. Le fait de les empor-
ACTIVITÉ ter assure la pérennité de l’existence de Troie, comme le sym-
Ressource numérique bole du feu de Vesta à Rome qui ne doit jamais s’éteindre.
4. Les trois personnages représentent les trois âges de la vie :
Les périples d’Énée et d’Ulysse
Ascagne, la jeunesse ; Énée, la maturité ; Anchise, la vieillesse.
1. Cette activité demande à être préparée par des
Bilan 5. La tempête est un lieu commun du récit de voyage
recherches préalables, effectuées lors de l’exercice
antique. C’est un topos présent dans la littérature épique,
précédent. (Mène l’enquête !) Le périple compte une comme dans la littérature romanesque. Ce symbole de la lutte
dizaine d’étapes, plus ou moins longues à raconter, de l’homme contre la nature et ses éléments traverse la litté-
entre le départ de Troie et l’arrivée sur l’ile de Calypso. rature d’aventures et se prolonge encore aujourd’hui dans les
a. Outre les monstres connus par les textes du manuel films catastrophe d’Hollywood.
(Cyclopes, Sirènes, Charybde et Scylla), on peut
aisément ajouter le peuple des Lestrygons.
b. Il s’agit du détroit où sévissent Charybde et Scylla.
c. Nausicaa est la fille du roi des Phéaciens, chez qui
Ulysse raconte son périple.
2. Carthage se situe en Afrique, approximativement
sur le site de Tunis. La ville de Lavinium se situe à
proximité de la ville de Rome.

36 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


PARCOURS UNE ŒUVRE INTÉGRALE

Les Métamorphoses, Ovide p. 60 à 69

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DU PARCOURS


Problématique : Comment les dieux affirment-ils leur pouvoir en créant ou en détruisant des créatures monstrueuses ?
▶ L’objectif de ce parcours est de découvrir les monstres présents dans Les Métamorphoses d’Ovide. Le thème se présente ici
sous la forme d’une étude d’œuvre intégrale où la monstruosité est moins physique que morale.
▶ Ce parcours d’œuvre propose un choix succinct de personnages monstrueux, parce que le monstre en tant que tel apparait
peu dans l’œuvre d’Ovide ; nous pourrions évoquer le dragon contre lequel combat Cadmus au livre III de l’Énéide, mais ce type
de monstre a déjà été évoqué par un texte dans un autre parcours (▶ p. 44-45 du manuel). Néanmoins nous ne voulions pas
renoncer à une œuvre dont la richesse culturelle et les nombreuses adaptations dans des éditions jeunesse ont fait un passage
obligé de l’enseignement de la culture antique en 6e.
▶ Les quatre premiers textes choisis s’articulent autour du même moment narratif, l’instant même de la métamorphose, ce
moment où l’être châtié perd ses caractéristiques humaines pour rejoindre une altérité physique. Ce moment s’accompagne
d’une épiphanie divine : le dieu apparait alors dans toute sa puissance (Jupiter, Bacchus, Pallas-Athéna) ou, dans le cas de Persée,
par l’appropriation du pouvoir divin de Méduse. Il peut être intéressant d’expliquer aux élèves le terme épiphanie, du grec ancien
epiphaneia (« manifestation, apparition »), connu par la fête des Rois de début janvier. Il fait référence à la manifestation de Jésus
aux Rois mages venus lui rendre hommage.
▶ Les victimes de la métamorphose sont des criminels sacrilèges tels Lycaon et les pirates cherchant à attenter à la personne
divine, ou des personnages dont l’arrogance – l’hybris – conduit à mépriser les dieux : Atlas persévère dans la révolte des Titans
contre l’ordre olympien ; Arachné se mesure à Pallas et présente les dieux de façon peu glorieuse. Le cinquième texte choisi est
un passage où les Piérides, ultérieurement transformées en pies par les Muses, chantent un épisode peu glorieux du combat des
dieux olympiens contre le monstre Typhée (Typhon).
▶ Ce parcours vise à permettre aux élèves :
– de découvrir des récits de métamorphoses ;
– d’aborder des questionnements moraux ;
– de faire des liens entre la culture antique et notre imaginaire moderne ;
– de s’approprier des références culturelles tant littéraires qu’iconographiques ;
– d’ exprimer leur compréhension, leur sensibilité et leur créativité.

ORGANISATION DU PARCOURS ET CHOIX DES AXES DE LECTURE

1. La monstruosité révélée : Lycaon, un monstre allures christiques se défend de la tentation à laquelle le sou-
met un Lycaon diabolique.
de cruauté
Contrairement à faon, taon ou Laon dont les trois dernières
lettres se prononcent avec un seul son [I], le nom de l’animal
Ovide, Les Métamorphoses, I, 230-239 p. 60-61 et du personnage mythologique se prononce en deux sons
● Pistes didactiques [aI].
Ce texte raconte la première métamorphose de l’œuvre ● Proposition d’hypothèse de lecture
d’Ovide : il fait suite à la description des quatre âges de l’his- Comment une métamorphose conserve-t-elle l’identité
toire humaine (âges d’or, d’argent, d’airain et de fer) et illustre, monstrueuse d’un personnage ?
ce faisant, la férocité de l’âge de fer. Le récit est un retour en
arrière que le narrateur, Jupiter, fait lors d’un banquet des
2. La monstruosité révélée : La vengeance
dieux. Son indignation devant la férocité humaine va l’ame-
ner à annoncer la destruction des hommes lors de l’épi- de Bacchus
sode suivant du déluge. Lycaon n’est qu’un exemple, parmi
d’autres, de l’indignité humaine. Sa métamorphose, une Ovide, Les Métamorphoses, III, 650-690 p. 62-63
punition personnelle, précède une complète métamorphose
terrestre, dont sortira une nouvelle humanité, recréée grâce à ● Pistes didactiques
Deucalion et Pyrrha. Ce texte est un passage d’un récit fait au roi Penthée par
Ce passage, récit à la première personne, évoque l’opposition Acœtès, un Tyrrhénien, ministre du culte de Bacchus. Ce récit
religieuse du peuple et de son roi, et une mise à l’épreuve enchâssé est un avertissement que néglige le tyran thébain : il
du dieu par l’homme. Des sacrilèges sont alors commis : le sera mis en pièces par les Bacchantes, des femmes en proie au
meurtre d’un otage, la préparation d’une viande rituelle ina- délire bacchique, menées par Agavé, la propre mère de Pen-
déquate... La réaction divine est foudroyante : le palais est thée. La métamorphose des pirates tyrrhéniens explique la foi
détruit et la métamorphose commence. Le texte est à mettre dionysiaque du narrateur.
en rapport avec le tableau d’un peintre flamand, Jan Cossiers, Le passage est long et complexe : cinq étapes sont matériali-
qui œuvrait pour la cour d’Espagne : le personnage divin aux sées par un fléchage latéral. Elles sont reprises par un tableau

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources 37


récapitulatif à compléter oralement. L’entrée dans le texte se Dans l’un et l’autre récit, la métamorphose des personnages
fait par un travail d’écriture en quatre étapes, qui suivent non est causée par une même attitude irrespectueuse à l’égard
pas un déroulement narratif, mais une progression dans la des dieux : les Piérides se moquent de la couardise des dieux,
complexité du travail écrit. Partant d’un premier jet, l’élève est Arachné évoque publiquement leur inconduite. Une divinité
amené à imaginer une métamorphose, puis à vérifier que les ne saurait tolérer que l’on bafoue sa puissance divine (VI, 4).
éléments lexicaux, les motifs narratifs ou les structures gram- Le texte littéraire est ici mis en rapport avec un texte explica-
maticales ont été réfléchies. tif, extrait du Dictionnaire de la mythologie de Pierre Grimal. Il
Les trois illustrations choisies permettent de mettre en rap- est possible d’utiliser le lienmini pour écouter une lecture de
port l’iconographie et les moments du texte. ce texte et en faire une exploitation en lien avec le tableau de
Il peut être étonnant pour les élèves de considérer une méta- Velázquez proposé en numérique.
morphose en dauphin comme une punition. L’animal béné- Trois illustrations sur le thème sont exploitables aux pages 67
ficie dès l’Antiquité d’un grand coefficient de sympathie. et 320, ainsi que dans les ressources numériques accessibles
La légende d’Arion en est un exemple probant. Cependant par les lienminis.
l’intention de vente du dieu comme esclave n’est pas un
● Proposition d’hypothèse de lecture
crime aussi grave que les meurtres de Lycaon : la punition
transforme un groupe d’hommes liés au monde marin en un Comment le châtiment divin de la métamorphose intervient-il
groupe d’animaux marins. pour punir un excès d’orgueil ?

● Proposition d’hypothèse de lecture


5. Un monstrueux désordre :
Pourquoi une métamorphose doit-elle être interprétée
comme une punition ?
Des dieux effrayés par des monstres /
Typhée, un monstre absolu
3. Les monstres de la démesure : La punition
Ovide, Les Métamorphoses, V, 321-331 p. 68
d’Atlas
Hésiode, Théogonie, v. 820-840 p. 68
Ovide, Les Métamorphoses, IV, 646-662 p. 64-65
● Pistes didactiques
● Pistes didactiques Les textes de la page 68 évoquent le dernier monstre suscité
Ce passage du livre IV des Métamorphoses est extrait du pre- par Gaia, la mère (ou grand-mère) de tous les monstres primi-
mier des récits de la geste de Persée, qui comprend la méta- tifs qui seront éliminés par Zeus-Jupiter ou les héros évoqués
morphose d’Atlas, le sauvetage d’Andromède et le récit du dans l’atelier d’écriture (p. 72-75 du manuel).
combat contre Méduse. Le début du livre V poursuit cette La traduction ancienne de M. Patin utilise le nom de Vénus
geste avec l’affrontement de Persée et Phinée, frère du roi pour désigner Aphrodite : Vénus est une divinité latine assimi-
Céphée. lée au IIe siècle avant Jésus-Christ à la déesse grecque. Consi-
L’affrontement d’Atlas et Persée est dû à un oracle mal inter- dérée comme membre à part entière des douze grands dieux
prété par le Titan. Il prédit qu’un fils de Jupiter le dépouille- olympiens, Aphrodite appartient pourtant à une génération
rait de ses pommes d’or : ce sera l’un des travaux d’Hercule, antérieure : elle est née de la chute de la semence d’Ouranos
un autre fils de Jupiter. Persée ne comprend pas l’hostilité du dans la mer, au moment où celui-ci a été mutilé par Cronos.
géant et utilise le pouvoir prodigieux du regard de Méduse C’est le thème d’Aphrodite anadyomène (« surgie des eaux ») :
pour neutraliser la force titanesque d’Atlas. voir le tableau de Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus,
Outre les deux illustrations, qui viennent en écho enrichir 1485.
la lecture du texte, cette double page est munie d’un arbre Le texte d’Ovide présente la métamorphose non pas comme
généalogique succinct qui reprend l’ensemble des person- un moyen de punir ou de récompenser, mais comme une
nages cités dans le parcours : chaque génération est marquée piètre tentative d’échapper à un destin funeste : la majesté des
d’une couleur spécifique, les enfants ayant une teinte plus dieux est mise à mal par le chant des Piérides, ce qui causera
claire que les parents. leur châtiment, infligé par les Muses. Le texte d’Hésiode, par sa
Un exercice de mémorisation est proposé à partir d’un pas- description foisonnante de la puissance terrifiante de Typhée
sage de la métamorphose proprement dite. (Typhon) met en valeur sa force chaotique, qui ne pourra être
vaincue que par Zeus : une fois le monstre foudroyé, le roi des
● Proposition d’hypothèse de lecture
dieux l’enfonce dans les entrailles de son propre père, le Tar-
Quel moyen le héros doit-il employer pour vaincre un adver- tare. Sur la signification de l’épisode, voir l’article de F. Blaise :
saire qui le surpasse en force ? www.persee.fr/issue/reg_0035-2039_1992_num_105_502
Le personnage de Campé, un être monstrueux préposé à la
4. Les monstres de la démesure : Le châtiment garde des Cyclopes et des trois Hécatonchires par Cronos,
d’Arachné est évoqué dans un texte tardif chez Nonnos de Panopolis
(Ve siècle après Jésus-Christ). Pour vaincre Cronos, Zeus avait
Ovide, Les Métamorphoses, VI, 130-145 p. 66-67 besoin des prisonniers et tua donc cette gardienne, dont la
légende est très évasive. Ce personnage réapparait dans la
P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque littérature de jeunesse contemporaine.
et romaine, texte écho p. 66-67 ● Proposition d’hypothèse de lecture
● Pistes didactiques Comment la monstruosité provoque-t-elle des réactions
Cet épisode qui ouvre le livre VI des Métamorphoses peut être opposées, y compris chez les dieux ?
lu en écho avec le récit des Piérides qui se situe à la page 68.

38 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. La monstruosité révélée : Lycaon, un monstre de cruauté

Ovide, Les Métamorphoses, I, 230-239 p. 60-61

ACTIVITÉ
Ressource numérique plan du plafond l’ensemble de la sphère céleste. La
La fresque des Constellations représentation est centrée sur le méridien du solstice
La fresque des Constellations orne le plafond de la salle d’hiver, ce qui fait que des constellations du méridien du
de la Mappemonde (« de la carte ») de la Villa Farnèse solstice d’été apparaissent en partie sur les deux côtés
de Caprarola, près de Viterbe dans le Latium (Italie). du plafond. Cette représentation s’appuie probablement
La décoration de la salle dura de novembre 1573 à sur le travail préparatoire du cosmographe, Orazio Trigini
décembre 1575 : on ne connait pas avec certitude l’ordre de’ Marii, possesseur d’un manuscrit de l’astronome
dans lequel furent peintes la voute céleste du plafond et latin Hygin.
la carte de l’Europe qui occupe les murs. La répartition
du travail entre les peintres Giovanni De’ Vecchi (1536- Les questions posées invitent les élèves à repérer les
1614) et Raffaello Motta (dit Raffaellino da Reggio, constellations du zodiaque facilement reconnaissables.
1550-1578) est aussi mal connue. Sur un fond de ciel La Grande Ourse et la Petite Ourse (avec l’étoile polaire
bleu outremer, constellé d’étoiles, le plafond présente au bout de la queue) font partie de la légende de
la cinquantaine de constellations connues depuis Callisto, aimée de Zeus, mais jalousée par Héra. On
l’Antiquité (les 88 d’aujourd’hui prennent en compte distingue aussi le cygne blanc qui a permis à Zeus de
celle de l’hémisphère sud, qui vont être progressivement séduire Léda, la mère d’Apollon et d’Artémis. La plupart
répertoriées à partir de la découverte des mers du sud). des constellations circumpolaires, qui ne disparaissent
Les constellations se répartissent sur la surface du jamais du ciel de l’année, appartiennent à la légende
plafond selon un ordre donné par un réseau de fines de Persée. Le jeune héros, après avoir pétrifié Atlas
lignes dorées représentant l’équateur, les tropiques (cf. p. 64-65) sauve la belle Andromède du monstre
et l’écliptique, mais aussi les méridiens des solstices marin (Cétos ou la Baleine) et la rend à son père,
d’hiver et d’été, le problème étant de dérouler sur le Céphée, et à sa mère, Cassiopée.

Comprendre comment le monstre se révèle


Entrer dans la lecture. Le peuple montre sa piété en com- ▶ Lecture d’image
mençant à prier, dès que Jupiter manifeste sa divinité (l. 3). 1. La scène se passe à l’intérieur du palais, dont on aperçoit
Lycaon se moque des prières du peuple et met en doute la une colonne en arrière-plan.
réalité de la divinité de Jupiter. Ce scepticisme et ce mépris
2. Lycaon vient d’offrir un plat de viande à Jupiter. Il s’agit pro-
sont constitutifs de son hybris (arrogance démesurée).
bablement d’une partie du corps de l’otage dont il est ques-
1. Le roi commet un sacrilège : il tente de tuer son hôte durant tion dans le texte d’Ovide. Sur la table, nous voyons aussi une
son sommeil, puis il tue un otage de sa propre main et fait miche de pain.
préparer le corps de la victime pour le donner à manger à son
3. Le personnage est barbu, sa tête est entourée d’un halo de
hôte. Si le dieu ou prétendu tel ne s’aperçoit pas de la crimi-
lumière ; l’image présente beaucoup de similitudes avec une
nelle supercherie, il ne peut être divin. L’intention du roi sus-
iconographique christique. Il est habillé d’un drapé rouge et
cite dégout, répulsion, révolte...
au-dessus de sa tête se tient l’aigle avec les foudres dans son
2. Jupiter utilise la foudre pour renverser le palais royal. bec.
Lycaon cependant parvient à s’échapper.
4. Le personnage commence à se métamorphoser par la tête.
3. Lycaon commence par perdre sa voix humaine : il se met Sa gueule ouverte, avec les crocs visibles, est le symbole de la
à hurler comme un loup (l. 6-17). Sa peau se transforme et il cruauté du personnage.
adopte un pelage animal ; ses membres se métamorphosent
5. Le tableau est principalement construit sur une diagonale :
en pattes (l. 19).
Jupiter commence à se lever de son siège avec le bras droit
4. L’anaphore de « même » montre que l’identité de Lycaon se tendu, alors que Lycaon est déjà de profil en train de s’extraire
conserve dans la couleur du pelage et la férocité animale qui de son siège. Ce dernier va s’engager dans l’arcade en arrière-
le caractérisait avant sa métamorphose (l. 21-22). plan : sa fuite est amorcée. La convergence de l’aigle et de
Bilan 5. Lycaon est transformé en loup car sa cruauté (éty- Jupiter accentue le mouvement d’échappée vers la gauche.
mologiquement, son gout du sang) est la même que celle de Les drapés attestent d’une fluidité qui s’oppose à la rectitude
l’animal : « il tranche la gorge » (l. 9), « sa soif irrépressible de du décor en arrière-plan.
carnage » (l. 17), « il se repaît […] de leur sang » (l. 18).

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources 39


2. La monstruosité révélée : La vengeance Étudier l’échec d’un projet monstrueux
de Bacchus Entrer dans la lecture. Les marins sont transformés en dau-
phins.
Ovide, Les Métamorphoses, III, 650-690 p. 62-63 1. Les pronoms personnels de la première personne (« que
j’avais demandée » l. 4, « Qu’ai-je donc fait » l. 5) sont employés
▶ Écrire pour comprendre dans les paroles rapportées du dieu Bacchus. Les guillemets
Cette activité est conçue comme une entrée dans la lecture : encadrent ce passage (l. 3 à 6).
ordinairement les travaux d’écriture sont conçus comme le 2. Lors de l’étape 2 du texte, le personnage qui dit « je » est
résultat d’une observation qui amène, par imitation, à l’écri- le narrateur, le marin qui a refusé de prendre part à l’attaque
ture. Ici, chaque étape fait boule de neige et se conçoit comme contre Bacchus.
un travail d’amélioration de l’écrit qui peut se faire par traite- 3. La puissance du dieu se manifeste d’abord par l’apparition
ment de texte. À chaque étape, le professeur peut collation- d’une vigne qui immobilise le navire, puis, dans l’étape 3, par
ner les productions pour donner des conseils d’amélioration. celle des animaux fantasmatiques qui appartiennent au cor-
La première rédaction se fait en temps limité de façon manus- tège bacchique : « de tigres, de lynx et de panthères tache-
crite. On peut projeter sur le tableau une image de dauphin tées » (l. 20).
pour ouvrir l’imaginaire. L’étape suivante se fait au traitement 4. Les marins se transforment en dauphins, il s’agit d’une
de texte, en classe pupitre dans la mesure du possible, avec, métamorphose.
en préalable, une mise en commun des mots du corps que 5. Ce spectacle a provoqué l’effroi du narrateur : il tremble de
chacun a employés. L’étape suivante introduit un enrichisse- peur, la chaleur a déserté son corps, il est près de défaillir. Un
ment lexical nécessaire ; décrire le corps du dauphin nécessite spectateur pourrait ressentir de la crainte face à la puissance
une certaine précision, d’autant que l’exercice demande une du dieu, mais aussi de la surprise ; malgré les intentions cri-
mise en parallèle des éléments qui se transforment. Les élèves minelles des marins, on peut ressentir pour eux de la com-
doivent partir d’un tableau complété avec les parties du corps passion.
du dauphin pour retrouver tous les membres humains qui se
Bilan 6. Les marins prévoyaient l’attaque et l’enlèvement
transforment. La dernière étape vérifie la qualité des verbes
d’un enfant qui s’était confié à eux. Cet acte de piraterie a
employés dans leur variété et leur conjugaison : nous privilé-
provoqué leur perte, car ils ignoraient la nature divine de leur
gierons la troisième personne du présent ou du passé simple.
passager, qui les a transformés en dauphins.
▶ Lecture d’image
▶ Échanger sur le texte
1. L’image illustre l’avant-dernière étape du récit : les marins
sont saisis dans leur plongeon, la métamorphose à demi Qui est présent ? Qui parle ? Résumé de
engagée. L’orientation des corps et la présence végétale sur l’action
la gauche indiquent que le bateau doit se situer hors-champ. - Bacchus - Bacchus Bacchus se plaint
2. Le personnage de gauche a commencé sa métamorphose Étape 1 - les marins - le narrateur, du comportement
par les jambes, alors que les cinq autres entrent dans les marin rescapé des marins.
vagues par leur nouveau rostre. La superposition des person-
- Bacchus le narrateur, Le narrateur raconte
nages de droite donne une certaine profondeur de champ à - les marins marin rescapé l’immobilisation
la scène. Étape 2 - le narrateur, du navire par la
ACTIVITÉ marin rescapé vigne suscitée par
Ressource numérique Bacchus.
L’Assemblée des dieux - Bacchus - le narrateur, Des bêtes sauvages
École de Raphaël (1483-1520), détail de la loggia - les marins marin rescapé fantasmatiques
d’Amour et Psyché, villa Farnesina, Rome (Italie) Étape 3
- Lycabas, apparaissent
En 1517, Raphaël et son école décorent la galerie du un marin auprès du dieu ;
rez-de-chaussée (la loggia) de la villa suburbaine de la les marins sont pris
de folie.
famille Chigi. Deux fresques tirent leur sujet du conte
d’Amour et Psyché raconté par Apulée dans L’Âne d’or les marins le narrateur, Les marins se
ou les Métamorphoses : L’Assemblée des dieux et Le marin rescapé jettent à la mer en
Étape 4
se métamorphosant
Banquet de noces. en dauphins.
Psyché a suscité la colère de Vénus. La déesse demande
à son fils Cupidon de la débarrasser de la jeune fille. - les marins - le narrateur, Les dix-neuf marins
- le narrateur, marin rescapé métamorphosés
Mais celui-ci, séduit par Psyché, la fait enlever et la
marin rescapé - Bacchus sont désormais
garde auprès de lui. Il lui a interdit de chercher à le Étape 5 - Bacchus des dauphins.
voir. Sous le conseil perfide de ses sœurs jalouses, Le narrateur est
Psyché découvre la beauté de son mari endormi, mais rassuré par le dieu
il se réveille et la quitte. Vénus impose alors diverses Bacchus.
épreuves à la jeune femme dont elle se sort avec de
l’aide. Cupidon décide de plaider sa cause, mais Vénus
reste inflexible. Alors, il passe outre et s’adresse à
Jupiter. Psyché, dont le nom signifie « âme » en grec
ancien, est acceptée dans l’assemblée des dieux, son
symbole est le papillon.

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3. Les monstres de la démesure : 4. Les monstres de la démesure : Le châtiment
La punition d’Atlas d’Arachné

Ovide, Les Métamorphoses, IV, 646-662 p. 64-65 Ovide, Les Métamorphoses, VI, 130-145 p. 66

Analyser les causes d’un affrontement monstrueux P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque
Entrer dans la lecture. Atlas subit une métamorphose miné- et romaine, texte écho p. 67
rale (il se transforme en montagne) et végétale (sa barbe et
ses cheveux deviennent des forêts). ▶ Décrire une métamorphose
1. Atlas craint le vol des pommes d’or de son jardin. Il en a La première étape de ce travail d’écriture est la détermina-
confié la garde à un dragon, le serpent Ladon. tion précise des personnages en conflit. Les élèves peuvent
2. Son comportement est hostile, méfiant et agressif, il se référer aux attributs et aux fonctions divines rappelés dans
manque d’hospitalité. les commentaires du tableau de L’Assemblée des dieux (voir
Activité +, p. 63). La métamorphose, telle qu’elle est décrite
3. Même s’il est l’enfant de Zeus (Jupiter), Persée, fils de
dans les exemples du parcours, suit souvent le même enchai-
Danaé, est un héros humain, il ne dispose pas de la force phy-
nement narratif. Une fois le conflit constaté, la divinité se
sique du Titan Atlas. Persée risque de perdre la vie au cours du
met en colère et touche son adversaire en utilisant ou pas un
probable affrontement.
instrument. La métamorphose provoque immédiatement la
4. La tête de Méduse a le pouvoir de pétrifier qui croise son perte de la parole, mais l’humain garde ses capacités d’émo-
regard. L’image le montre détournant le regard car il veut évi- tion (colère, tristesse, peur...). Le corps suit un ordre de méta-
ter la pétrification. morphose, en général de la tête aux pieds, mais l’inverse est
5. Atlas est presque entièrement transformé en montagne, possible comme dans le cas des pirates (p. 62-63). La méta-
seuls sa barbe et ses cheveux subissent une transformation morphose terminée, le nouvel animal prend la fuite dans son
végétale (l. 12-13) nouveau milieu.
6. Atlas doit soutenir la voute céleste. La sculpture montre
la sphère céleste avec les constellations : on distingue sur la Découvrir les conséquences monstrueuses d’un talent
droite la nef Argo. Entrer dans la lecture. La métamorphose d’Arachné est un
Bilan 7. Persée compense sa faiblesse physique par un objet châtiment explicitement nommé à la ligne 8 du texte.
magique : la tête de Méduse. Pour combattre un Titan, le 1. Pallas Athéna détruit la toile où Arachné présente les situa-
héros doit disposer d’une puissance qui remonte aux forces tions amoureuses peu glorieuses des dieux. Elle présente en
primitives, Phorcys et Céto, les enfants de Gaia, la Terre, et de effet les « adultères divins » (l. 2), en particulier les infidélités
Pontos, l’Océan. de Zeus-Jupiter.
▶ Lecture d’image 2. Dans un premier temps, la déesse frappe Arachné de sa
navette à plusieurs reprises. Le terme navette (« petit navire »,
Comprendre la représentation d’une métamorphose du latin navis, « bateau ») désigne l’instrument de bois dont
1. L’image peut être mise en rapport avec les lignes 12 à 15 se servent les tisseurs pour faire passer le fil entre les fils de
du texte : la métamorphose a commencé, mais Atlas n’a pas trame. De ce passage alternatif, nous avons tiré l’expression
encore démesurément grandi. faire la navette, c’est à dire se déplacer régulièrement d’un
2. Le personnage central est Persée, il détourne la tête tout en point à un autre. Est apparu récemment le terme navetteur,
tenant celle de Méduse par les cheveux. traduction de l’anglo-américain commuter, qui désigne les
3. Le personnage de gauche est Atlas : sa jambe droite, à banlieusards contraints à des déplacements quotidiens entre
gauche de l’illustration, disparait dans la masse rocheuse, leur domicile et leur lieu de travail.
alors que son genou gauche apparait encore nettement. 3. Arachné se suicide sous l’affront.
4. a. Atlas est presque aussi haut qu’un arbre ; c’est bien un 4. Pallas Athéna se comporte comme une sorcière de conte.
géant. Néanmoins son développement vers le ciel n’a pas La décoction est une sorte de tisane recueillie après avoir fait
encore commencé. La scène est ainsi construite autour de chauffer jusqu’à ébullition les feuilles d’une plante pour en
trois verticales : Atlas, Persée, l’arbre. retirer les principes actifs. Le traducteur utilise ce terme pour
b. L’artiste a réuni dans un même espace restreint les deux sucis (suc, sève, jus) qui peut simplement désigner le liquide
personnages principaux : la métamorphose est en cours. Les obtenu après pressurage.
traits encore anthropomorphes d’Atlas sont la preuve de la 5. Arachné tissait de la toile et s’est pendue à un lacet : ces
présence du temps inachevé. deux éléments rapprochent la jeune femme de l’animal en
Bilan 5. Le peintre Gillis Congnet (1542-1599) s’est inspiré lequel elle est transformée. La métamorphose établit une
du passage pour en restituer un moment précis. Cependant analogie.
il n’a pas cherché à préciser le décor par la présence d’un ver- 6. C’est l’attitude arrogante d’Arachné, son défi, qui provoque
ger gardé par un dragon. Nous voyons tout au plus quelques l’intervention de Pallas Athéna. La déesse lui laisse d’abord
arbres alignés au second plan et la présence de vaches accré- une chance de ne pas faire preuve d’hybris (de démesure) en
dite le caractère bucolique du paysage. Nous distinguons apparaissant sous l’aspect d’une vieille femme.
la tête de Pégase derrière un repli de terrain. L’arrière-plan 7. La toile de la déesse rappelle quatre épisodes à l’issue des-
montre une sorte de forteresse, peut-être une allusion au jar- quels des mortels ayant preuve d’hybris ont trouvé la mort
din des Hespérides, qui s’élève au sommet d’un pic. Le tableau (l. 12-13). Cependant l’allusion reste incompréhensible à la
montre que la connaissance de la fable, à savoir la mythologie jeune fille.
telle qu’elle est transmise par les textes littéraires antiques, est Bilan 8. Toute attitude de défi ou de provocation à l’égard des
un élément de la formation des peintres de la Renaissance et dieux conduit à un sévère rappel à l’ordre. L’irrespect envers
du monde classique.

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les dieux est un désordre qui appelle un châtiment, qui 5. Un monstrueux désordre : Des dieux effrayés
impose un retour à l’ordre par une métamorphose. Le rappel par des monstres / Typhée, un monstre absolu
des règles divines se manifeste par une punition.
Ovide, Les Métamorphoses, V, 321-331 p. 68
Ressource numérique ART
Hésiode, Théogonie, v. 820-840 p. 68
Diégo Velázquez, Les Fileuses ou La Fable d’Arachné
Le tableau de Velázquez s’intitule Les Fileuses ou La Étudier deux réactions opposées des dieux face au
Fable d’Arachné, car son interprétation a varié au fil monstre
des siècles. D’une interprétation réaliste qui identifie Entrer dans la lecture. Les dieux présents dans les deux
la scène au premier plan à l’atelier de tapisseries de textes sont Zeus-Jupiter et Aphrodite-Vénus.
Santa Isabel de Madrid, on revient à l’heure actuelle 1. Typhée (Typhon) provoque la terreur des dieux.
à une interprétation plus mythologique, soit le conflit 2. Ils tentent de lui échapper en se métamorphosant : Jupi-
entre Athéna, sous l’apparence de la vieille femme, et ter en bélier, Apollon en corbeau, Bacchus en bouc, Diane
Arachné, qui fait une pelote de fil face à un écheveau en chatte, Junon en vache, Vénus en poisson et Mercure en
qui ressemble à un embryon de toile, soit les fileuses ibis (l. 6-11). Derrière ces métamorphoses, il est possible de
évoquent les Parques, les fileuses du fil de vie dans la repérer quelques dieux égyptiens qui bénéficient d’une inter-
mythologie gréco-romaine. prétation latine (intrepretatio romana) : Jupiter serait le bélier
La toile, une grande composition contemporaine d’Amon ou de Khnoum, Diane la chatte de Bastet, Junon la
des Ménines, daterait de 1659. Le tableau construit vache d’Hathor, Vénus le poisson de Neith et Mercure l’ibis de
Thot. Apollon et Bacchus semblent avoir gardé leur propre
sa scénographie sur deux niveaux : au premier plan
animal symbolique.
une scène d’atelier, à l’arrière-plan une assemblée
3. La puissance de Typhée se manifeste dans l’utilisation
de femmes d’un milieu plus élevé rassemblée face à de nombreux adjectifs qui marquent la démesure, dont
une grande tapisserie. Les ouvrières, à l’avant-scène, « terrible » (l. 3), « indomptables » (l. 4), « infatigables » (l. 4),
sont au nombre de cinq : une jeune femme qui ouvre « effroyables » (l. 6). Elle est aussi sensible par la présence du
le rideau se penche vers la plus âgée du groupe qui feu (l. 7) et de la confusion des sons (dès la ligne 9). Toute sa
fait fonctionner un rouet ; au centre, une jeune femme personne est l’expression du désordre chaotique.
assise de face semble carder la laine ; le groupe de 4. Le terme « hybride » suppose un ensemble composé d’élé-
droite est vu de dos ou de côté, l’une embobine le ments d’espèces différentes. L’image présente un Typhée ailé
fil, l’autre s’occupe d’un panier dans un geste arrêté. et anguipède (aux jambes en forme de serpents). Le texte
La scène à l’arrière-plan présente deux groupes de propose la vision de cent têtes de serpents d’où sortent des
personnages féminins : trois observatrices sur le bord de voix animales diverses : mugissements taurins (l. 12), rugisse-
l’estrade, et deux personnages qui se font face devant ments léonins (l. 13), plaintes canines (l. 13-14) et sifflements
serpentins (l. 15).
la tapisserie. L’identification d’Athéna est plus aisée : la
Bilan 5. Dans le premier texte, la chanteuse n’hésite pas à
déesse porte un casque. Elle semble montrer quelque
ridiculiser les dieux de l’Olympe ; elle en sera punie, comme
chose sur la toile. Les spécialistes ont reconnu dans le
le fut Arachné, par une métamorphose en pie bavarde. Zeus
sujet de la tapisserie L’Enlèvement d’Europe, un sujet passe de la majesté divine gréco-romaine à un zoomorphisme
qu’Arachné a pu tisser, puisque Zeus y a un rôle de égyptien dégradant. Dans le second texte, Zeus garde son
séducteur sous la forme taurine. Le sujet est connu de statut de dieu redoutable : après avoir chassé les Titans, il doit
Velázquez, puisqu’à Madrid se trouvait un tableau du engager un combat au retentissement cosmique, du haut du
Titien sur ce sujet. Ce qui est reproduit sur la tapisserie ciel aux profondeurs du Tartare (l. 20 à 25). Hésiode garde un
est probablement ce tableau ou sa copie par Rubens. respect religieux des grands dieux.
On peut voir le tableau du Titien (entre 1559 et 1562) ▶ Écrire à partir d’un texte
au Isabella Stewart Gardner Museum de Boston, tandis
Ce combat a été illustré dans le quatrième volume de la série
que le Rubens (1628) est conservé au musée du Prado de littérature de jeunesse de Rick Riordan, Percy Jackson : La
de Madrid. Bataille du Labyrinthe, chapitre 7 (Librairie Générale Française,
2011, © Albin Michel, 2010).
Pour le premier paragraphe, les élèves peuvent reprendre des
éléments des textes où les personnages ressentent de la peur
(p. 60, l. 15-16 ; p. 63, l. 21...). Un travail de préparation en AP
Ressource numérique AUDIO peut leur demander de recenser tous les passages en ce sens
dans le parcours. Pour le deuxième paragraphe, ils travaillent
« Arachné », Dictionnaire de la mythologie grecque seuls ou en AP les étapes de la métamorphose, en choisis-
et latine de Pierre Grimal sant l’ordre de disparition des éléments physiques anthropo-
Activités possibles : situer le récit par rapport au texte morphes. L’animal choisi par le dieu peut rappeler son animal
d’Ovide, l’article de dictionnaire évoquant essentiellement totem. Pour le troisième paragraphe, l’affrontement avec le
ce qui précède le conflit entre la déesse et la jeune fille, monstre peut reprendre les éléments du texte de la page 69,
en les développant différemment. Le quatrième paragraphe
ou encore imaginer la scène entre la vieille femme et
s’évalue sur la pertinence du choix de l’arme : Poséidon préfé-
Arachné, mais aussi faire des recherches sur les légendes
rera la mer, Zeus l’éclair, etc.
évoquées.

42 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


ATELIER D’EXPRESSION Participer à un jeu de rôles :
interviewer un héros chasseur de monstres p. 70 à 75

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DE L’ATELIER


▶ Cet atelier s’inscrit dans le cadre de la thématique consacrée aux monstres. Il s’attache en particulier à présenter quatre
autres héros antiques confrontés à la monstruosité : Persée, Hercule, Thésée et Bellérophon. Ici, les textes choisis ne sont pas des
classiques, mais des textes documentaires ou de littérature de jeunesse.
▶ L’objectif principal de cette activité est l’expression, tant orale qu’écrite : l’élève est mis en position d’exercer de façon concrète
un rôle social, celui de journaliste. Les deux étapes essentielles du travail journalistique sont successivement abordées : celui de
collecte de l’information (par la documentation et l’interview) et celui de restitution de l’information (élaboration et diffusion du
contenu).
▶ Chaque héros est présenté par un texte d’étude différent, équipé d’une aide sous la forme d’un surlignage de couleur. Chaque
page vise un objectif journalistique précis : l’élève se documente sur Persée, interviewe Hercule, confronte les témoignages
sur l’exploit de Thésée (l’information doit être recoupée) ou contextualise l’aventure de Bellérophon. Ce travail de lecture
s’accompagne d’une réflexion sur la langue : comment poser une question ? Comment y répondre ? Comment rapporter le
témoignage d’autrui ? Comment évoquer le passé récent ou le futur proche ?
▶ Réaliser la tâche finale nécessite de choisir un héros dès le lancement de l’activité documentaire ; chaque étape guide le
travail sur un héros particulier, mais chaque groupe peut, avec l’aide de son professeur, avancer de concert, quel que soit le
héros interviewé. Le travail d’expression orale intervient quand les membres du groupe ont établi le fil conducteur de l’entretien :
certains groupes pourront préférer l’expression théâtrale directe face au groupe-classe, à eux d’aménager leur espace scénique
et d’apporter les éventuels accessoires – sans disposer d’un véritable micro, on peut jouer avec une règle dont un bout est
recouvert d’une boule de papier entourée de film aluminium. Le lancement du reportage peut se faire comme en plateau de
journal télévisé avec un présentateur général et un reporter en mission.
▶ Cet atelier vise à apporter différentes compétences aux élèves :
– acquérir des connaissances culturelles et savoir les réinvestir ;
– savoir s’exprimer à l’oral en utilisant divers supports d’expression ;
– être capable de se documenter en citant ses sources ;
– savoir rédiger un dialogue ;
– maitriser le questionnement ;
– maitriser la chronologie d’un récit ;
– savoir prendre ses distances avec des affirmations ;
– prendre en compte un interlocuteur.

CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. Se documenter sur le héros 3. Les Gorgones ont des parties animales comme les défenses
ou la chevelure de serpents (l. 3, 6). D’autres parties de leur
corps présentent des similitudes avec les animaux : ainsi leurs
M. Piquemal, D. Garcia, Petite anthologie
ongles tels des serres de rapaces (l. 5). Méduse est spécifique-
de la mythologie p. 71 ment décrite comme une bête (l. 14), elle rugit comme un lion
▶ Comprendre (l. 20), et sa chevelure, comme celle de ses sœurs, est faite de
serpents (l. 22).
1. Persée s’est équipé pour affronter Méduse : il a une épée
4. Les Gorgones peuvent attaquer les hommes comme des
(l. 20) et une besace (l. 22), ainsi que des armes défensives
sangliers (l. 4). Méduse est dangereuse par son regard qui
offertes par les dieux, le casque d’invisibilité d’Hadès (l. 10), le
pétrifie (l. 15).
bouclier poli offert par Athéna.
2. Persée ressent de l’horreur et du dégout : les Gorgones ▶ Grammaire pour dire et pour écrire
sont nommées péjorativement « monstres » (l. 11, 18) ou 1. a. Quelles armes Persée utilise-t-il ?
« créatures » (l. 1, 11, 21), elles sont qualifiées d’« immondes » b. Où Persée a-t-il été mis avec sa mère tout bébé ?
(l. 1), leur aspect est « horrible » (l. 6) et laid (l. 12). La descrip- c. Où les Gorgones habitaient-elles ?
tion de Méduse insiste sur sa laideur : elle a des « verrues »
d. À quel âge Persée participa-t-il à un banquet chez le roi
(l. 14), diverses sécrétions s’épanchent des orifices de sa tête
Polydectès ?
(l. 14-17).
e. De qui Persée est-il le fils ?
f. Qu’a promis Persée à Polydectès ?

© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources 43


2. Dès qu’elle est sortie, j’ai crié à Iolaos de s’écarter, et je l’ai
ACTIVITÉ
saisie solidement ; mais elle, elle m’a saisi aussi, enroulant
Ressource numérique ses anneaux affreux autour de l’une de mes jambes. »
2. a. Je suis arrivé en char avec mon neveu Iolaos.
Réalise un dossier documentaire sur Persée
b. J’ai utilisé des flèches enflammées pour la débusquer.
Le travail journalistique ne s’improvise pas : les grands
c. J’ai protégé Iolaos en l’écartant de la scène de combat.
journaux disposent de services documentaires que
le journaliste peut consulter avant de rencontrer la d. J’ai utilisé la technique du corps à corps pour me saisir
d’elle.
personnalité à interviewer.
e. L’hydre s’est défendue en s’enroulant autour de mes jambes.
Ce travail de recherche doit permettre de valoriser les
f. J’ai essayé de lui faucher les têtes à grands coups d’épée.
ressources documentaires présentes au CDI.
Les questions sont d’abord de nature biographique, g. Je me suis aperçu que la tête coupée était remplacée par
deux autres.
puis s’intéressent aux circonstances de l’affrontement
h. Toutes les têtes coupées ont repoussé en double.
avec le monstre. Connaitre le devenir du héros permet
aussi de cadrer la conclusion de la future interview. Ce
travail est l’occasion d’apprendre à nommer les sources 3. Confronter les témoignages
d’information, car un(e) journaliste se doit de posséder
des sources fiables. Comme le même travail est possible M. Grant, J. Hazel, Dictionnaire de la Mythologie p. 73
sur le monstre affronté, le dossier documentaire peut ▶ Comprendre
être réalisé en équipe de deux ou trois élèves.
1. Dédale est à l’extérieur du Labyrinthe en un lieu non identi-
▶ Lire en mimant fié : il ne peut rien savoir du combat. Ariane fournit le fil salva-
teur, mais ne pénètre pas dans le Labyrinthe : elle ne peut rien
Toute la phase préparatoire est une occasion d’échanges savoir du combat. Les compagnons de Thésée sont à l’entrée
oraux entre les trois lecteurs. Ils sont amenés à négocier le du Labyrinthe : ils ne peuvent qu’entendre éventuellement
choix du paragraphe à lire, à déterminer le rôle de chacun des bruits étouffés du combat sans en connaitre l’issue. Thé-
durant la lecture, à préparer éventuellement des masques ou sée est le véritable héros du récit.
des armes factices. Ils déterminent le moment et la nature des
2. Aphrodite, déesse de l’amour, apporte l’aide la plus
gestes à accomplir durant la lecture.
précieuse.
3. La fille de Minos, Ariane, apporte une aide indispensable.
2. Recueillir le témoignage du héros 4. Ariane est tombée amoureuse du prince athénien.
5. Dédale est l’architecte du Labyrinthe, il connait le moyen
D. Buisset, Les Douze travaux d’Hercule p. 72 d’en ressortir : attacher un fil à l’entrée, le dérouler jusqu’au
lieu de l’affrontement et le suivre pour ressortir.
▶ Comprendre
6. Thésée et ses compagnons arrivent près du Labyrinthe,
1. Hercule monte sur son char avec son neveu (l. 7). Il arrive mais Thésée s’enfonce seul dans les couloirs. Son retour
face au repaire de l’hydre (l. 8). Il lance des flèches enflam- prouve qu’il a tué le Minotaure, mais il est le seul témoin, car
mées pour la débusquer (l. 9). L’hydre sort (l. 9). Hercule fait tous s’enfuient immédiatement vers le port.
s’écarter son neveu (l. 9-10). Hercule se saisit de l’hydre (l. 10).
L’hydre s’enroule autour d’une de ses jambes (l. 10-11). Her- ▶ Grammaire pour dire et pour écrire
cule tire son épée (l. 13). Hercule commence à couper les têtes 1. a. Lignes 11 et 12, le texte laisse planer une incertitude sur
de l’hydre (l. 14-15). Plus Hercule coupe de têtes, plus nom- l’armement de Thésée. Sa réponse doit prendre en compte
breuses elles repoussent (l. 15-24). l’une ou l’autre tradition (l. 13). Le texte doit expliquer pour-
2. L’hydre vivait « dans les marais » (l. 2), à proximité du bord quoi les témoins n’ont pas vu l’épée.
de la mer (l. 3). Son repaire se situe « près d’une source » (l. 8). → « On a dit que je n’avais pas d’épée et qu’Ariane m’en avait
3. Hercule affronte seul le monstre, il écarte son neveu du lieu fourni une, c’est faux/inexact. J’avais conservé mon épée
du combat pour le protéger (l. 10). Il saisit l’hydre à mains nues cachée dans mes vêtements... »
(cf. l’illustration, dont l’auteur semble s’inspirer) : au cours du → « Il est vrai que, quand je suis entré dans le Labyrinthe, je ne
corps à corps, il montre de la vigueur et déploie rageusement disposais pas d’épée, mais j’en ai découvert une abandonnée
son énergie (l. 18-19). par une précédente victime... »
4. Le monstre est difficile à vaincre, car il se régénère : chaque b. La question sous-entend que le témoignage de Dédale est
tête coupée est remplacée par deux autres (l. 23-24). sujet à caution, avec l’utilisation de « prétend ». La réponse
5. Les trois interventions de l’interlocuteur ponctuent la nar- doit donner la juste mesure de son rôle, le minimiser sans le
ration d’Hercule de moments d’émotion : l’horreur, l’éton- nier.
nement, l’inquiétude. Ces interventions ne relancent pas → « Ariane m’a expliqué qu’elle avait obtenu de lui l’idée
Hercule, elles scandent le dialogue sans demander de sup- du peloton de fil à dérouler. Il n’est pas venu m’aider de lui-
plément d’information : l’auteur a ménagé ces espaces pour même, il exagère un peu. »
rythmer la lecture pour son jeune public. c. Le récit est antérieur à l’abandon d’Ariane sur l’ile de Naxos.
▶ Grammaire pour dire et pour écrire Thésée peut répondre sans cynisme avec reconnaissance.
1. Réécriture du passage (l. 6 à 10) : « Je suis monté sur mon → « Ariane a dit vrai et je tiens publiquement à remercier la
char de combat, avec mon neveu Iolaos pour cocher. L’hydre fille du roi Minos pour son aide précieuse. Son intervention
avait son repaire sur une colline, près d’une source. Pour la auprès de Dédale a été décisive. Je lui ai proposé de s’enfuir
débusquer de son gîte, j’y ai lancé des flèches enflammées. avec moi, car elle a bravé son père pour me sauver. »

44 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources


4. Prendre en compte le héros – première partie (l. 1 à 6) : mettre en valeur dans le titre le
danger caché du message ;
O. Grandon, Dieux et héros de l’antiquité p. 74-75 – deuxième partie (l. 7 à 12) : mettre en valeur le risque
encouru ou la férocité du monstre ;
▶ Grammaire pour dire et pour écrire – troisième partie (l. 12 à 21) : mettre en valeur l’affrontement ;
1. La première phrase doit prendre en compte les trois élé- – quatrième partie (l. 22) : mettre en valeur le retour victo-
ments grammaticaux suggérés : la périphrase verbale venir de, rieux.
un adjectif qui qualifie de façon flatteuse l’exploit du héros, et 2. Bellérophon ne se rend pas compte que le message qu’il
un complément de temps qui permet de situer l’interview par transporte est en fait sa condamnation à mort. Il va vers un
rapport à l’exploit. Cette phase est celle de la captatio benevo- destin funeste en toute inconscience. La situation est tra-
lentiae des discours rhétoriques – mot à mot : « la recherche gique.
de la bienveillance », c’est-à-dire la manière d’obtenir l’adhé- 3. Le roi de Lycie est tenu, de par les lois de l’hospitalité, à ne
sion de l’auditoire dès le début. C’est aussi un moyen de faire pas mettre à mort son hôte. Sa ruse consiste à confier à Bellé-
le point pour l’auditeur ou le lecteur. La première question rophon une mission impossible à remplir sans risquer sa vie. Il
doit ensuite permettre au héros d’entrer dans la chronologie se joue de la naïveté du héros.
des évènements. 4. Bellérophon fait preuve d’intelligence : il ne se rue pas sur
Proposition : « Votre Altesse, vous venez de réaliser un exploit la Chimère, mais réfléchit à une tactique d’approche, l’attaque
sans précédent. Vous avez vaincu il y a quelques jours le aérienne (l. 16). Par ailleurs, il a anticipé la contrattaque de la
monstre qui terrorisait la Lycie, l’affreuse Chimère. Dans Chimère en se munissant de plomb pour étouffer ses flammes
quelles circonstances vous êtes-vous lancé dans cette aven- (l. 19-21). Bellérophon fait non seulement preuve de vaillance
ture ? » et de courage, mais il se montre aussi avisé et prudent.
2. La suite de l’histoire de Bellérophon comporte encore des
épreuves imposées par le roi de Lycie, dont le héros sort vain- Activité finale p. 75
queur. Il finit même par épouser la fille du roi. Sa fin cependant Cette tâche finale ne demande pas à être réalisée entièrement
est teintée d’hybris, cette démesure qui abat les imprudents : en classe. Les étapes préliminaires ont familiarisé les élèves
Bellérophon tente en effet de se rendre jusqu’à la demeure avec les quatre héros (Persée, Hercule, Thésée et Belléro-
de Zeus sur Pégase, son cheval ailé. Zeus provoque sa chute phon). Le travail doit simplement être planifié :
et sa mort. – se documenter sur le héros et le monstre choisis ;
L’échange final ouvre sur l’avenir et les intentions du héros : – rédiger le dialogue au cours duquel le héros détaille l’affron-
la question utilise le futur simple ou le futur périphrastique tement ;
(aller + infinitif ) ; la réponse du héros tient compte des don-
– reprendre le dialogue en y insérant des témoignages
nées mythologiques recherchées ; la conclusion doit garder
contradictoires ou en demandant une précision ;
une tonalité polie, voire déférente ou admirative. Proposition :
– prendre soin de rédiger l’ouverture et la fermeture du dia-
JOURNALISTE – Bellérophon, quels sont aujourd’hui vos pro-
logue.
jets ? Envisagez-vous d’autres aventures ?
Il est préférable de réaliser ces quatre étapes en classe, éven-
BELLÉROPHON – Le roi de Lycie désire me confier d’autres
tuellement en utilisant le traitement de texte pour éviter la
missions périlleuses. J’espère me montrer digne de sa
lassitude de la reprise de l’écrit. Avant la restitution orale ou
confiance. Un jour, cependant, je pense rejoindre mon père
visuelle, une séance de remue-méninges collective est néces-
sur le dos de Pégase.
saire pour établir un cahier des charges, ne serait-ce que pour
JOURNALISTE – Voici des projets qui intéresseront, j’en suis convenir des critères d’évaluation. On trouve, sur YouTube par
sûr, nos lecteurs/auditeurs. Je vous remercie de toutes ces exemple, des didacticiels pour la réalisation d’interview : une
informations et vous souhaite un grand succès. séance guidée d’observation du travail de l’interviewer peut
▶ Comprendre aider à la mise en œuvre. La réalisation technique est laissée
au choix des élèves, selon leurs moyens ou leurs capacités
1. Les parties de texte à considérer sont « surlignées » dans la
techniques : la saynète jouée ou enregistrée sera l’objet d’une
marge de gauche avec la numérotation :
évaluation collective.

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