Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
evolved through time influenced both by an interna1 dynarnic of its own, and
subject to the external forces of contemporary technology, philosophy and
medicine, which tended to either further or oppose it. It is also demonstrated
how the particular nature of its tools led to Hellenistic anatomy's engendering
a body of knowledge which persisted and consolidated itself over a span of at
least a thousand years.
K
1. HOMÈRE
ble coeur-poumons, ce qui n'est bien sQr pas représenté sur le vase,
mais qui est attesté, selon J.-L. Durand, par les pratiques de boucherie
observées en Tunisie islamique.26
La deuxième scène représente le découpage d k n caprin. Deux assis-
tants tiennent les pattes d'avant et d'arrière tendues, dégageant de la
sorte la partie médiane du tronc, qui contient les viscères du foie et de
la rate - décisifs pour la pratique sacrificielle, surtout lorsqu'elle est ac-
t
3. NAISSANCE DE LA MÉTHODE
d'un organe d u bélier. Or, et c'est là toute la nouveauté, une telle expli-
cation suppose une hypothèse d'ordre pleinement morphologique : il
existe u n certain rapport entre deux configurations différentes; or, à
une modification de l'une d'elles doit correspondre u n changement
équivalent d e l'autre; en conséquence, seul un geste spécifique, l'ou-
verture d u crâne, permettra la vérification. Anaxagore transforme en
d
véritable démarche théorique le geste aléatoire de l'époque homérique,
oû seule la main divine guidait le parcours tranchant d e l'arme, brisait
les enveloppes et déterminait la possible connaissance d u rapport des
parties internes.
Un autre philosophe, Alcméon d e Crotone (environ 490-430 avant
J.-C.), s'est vu attribuer par certains commentateurs la paternité d e la
dissection, voire d e la vivisection, en particulier sur la base d'un pas-
sage de Chalcidius, auteur latin d u IVe siècle :
[ . . .] les philosophes récents, qui, en mauvais héritiers, ont dissipé la théorie de
leurs pères, ont fait échoué une proposition parfaite et fertile dans de petites
opinions stériles. Voilà pourquoi il importe d'amener à une exploration assurée
l'ancien commentaire de la doctrine platonicienne que firent les médecins et
naturalistes. Ces hommes assurément illustres, afin de comprendre le système
ingénieux d'une saine nature, ont scruté grâce à l'exectio la structure du corps
humain, parce qu'ils pensaient qu'ils fonderaient davantage leurs présomp-
tions et opinions si la vue s'accordait avec la raison autant que la raison avec la
vue. Il faut donc démontrer la nature de l'oeil, dont plusieurs, et particulière-
ment Alcméon de Crotone, spécialiste des recherches sur la nature et le premier
à avoir osé l'exectio, et Callisthène, disciple d'Aristote, et Hérophile ont fait la
lumière sur de nombreux points importants : il existe deux conduits étroits,
qui, partant du cerveau, où est sise la partie maîtresse et directrice de l'âme, le
relient aux orbites oculaires: c'est par là que circule le souffle vital. Ces con-
duits, qui, partant d'un point de départ unique, sont confondus sur une cer-
taine distance dans la partie la plus profonde du front, se séparent en deux
branches pour rejoindre les orbites oculaires, selon un tracé oblique qui est
celui des sourcils. Et, après des détours, ils aboutissent à des globes qui renfer-
1
ment l'humeur vitale dans le sein de tuniques et qui sont pourvus de la protec-
tion des paupihres, d'où leur nom d'orbes. Ce qui nous permet de savoir que
l'origine de ces canaux qui transmettent la lumière est unique, c'est bien stlr,
surtout la sectio. Il est cependant possible de s'en rendre compte aussi d'après
le fait que les deux yeux bougent en même temps et qu'il est impossible de faire
bouger l'un sans que l'autre bouge aussi. On a observé, d'autre part, que i'oeil
proprement dit est constitué de quatre membranes ou tuniques de consistance
différente. Tenter de connaître les propriétés qui les différencient les unes des
autres revient à se lancer dans une tâche disproportionnéeà son objet.38
Or, le geste initiateur d'Alcméon, si effectivement il a eu lieu, se rap-
porte à la discussion sur la nature d e l'oeil, qui dans le texte précède
immédiatement l'attribution d e la première dissection, plus précisé-
ment d e la première exectio à ce philosophe naturaliste, plutôt qu'à l'in-
vestigation anatomique rationnelle d u corps, mentionnée préalable-
La découpe du corps humain et ses justifications dans l'antiquité 199
Il reste, après Aristote, à franchir le pas ultime, celui qui amène à ouvrir
le corps humain afin d'y poursuivre les mêmes recherches que celles
déjà pratiquées par les philosophes naturalistes sur les animaux. Selon '
la tradition, ce pas est franchi pour la première fois dans l'Alexandrie
des Ptolémée, ahtour de 300 avant J.-C. Les protagonistes principaux
de cet épisode marquant de l'histoire de la médecine n'ont pas laissé de
traces directes : leurs écrits sont perdus et nous ne connaissons leurs
réalisations qu'à travers des témoignages indirects ou des fragments
reportés, pour la plupart tri% éloignés de l'époque ob ils vécurent.
Galien, au IIe siècle, est l'un de nos informateurs les plus importants
sur la médecine alexandrine, et nous lui devons notamment. de
connaître les pères de la dissection médicale. Ainsi parle-t-il de l'ori-
gine et du nombre des vaisseaux qui entourent l'utérus :
Depuis la veine cave et depuis la grande artère qui est à c6té d'elle partent deux
veines et artères, une de chaque c6té, la veine depuis la veine cave, l'arthre
depuis l'artère. Depuis les vai&aux droits partent les vaisseaux pour la partie
I
droite de l'uténis, et depuis les vaisseaux gauches, les vaisseaux vers la partie
gauche de l'utt5rus; avant d'y entrer, ils envoient des rameaux vers les ovaires;
pds, entrés dans le corps de ce même utérus, ils #'entremêlent; et ces quatre
vaisseaux sont placés un peu plus bas que ceux qui se dirigent vers les reins,
mais les veines sont beaucoup plus grosses que les arthres. Il y a quatre autres
vaisseaux qui n'existent pas chez tout& les femmes, mais chez quelquesmies
d'entre elles, dit H6rophile. Us partent des vaisseaux qui se dirigent vers les
reins, et entrent dans l'uterus. Jen'ai trouvé cela dans aucun autre animal, si ce
n'est rarement dans les singes. Mais je ne doute cependant pas qu'Hérophile
les a trouves souvent chez les femmes; car en plus d'une bonne connaissance
de toutes les choses qui concernent i'art de la médecine, il possédait une con-
naissance particulièrement précise de l'anatomie, qu'il n'avait pas obtenue,
comme la plupart des médecins, sur des animaux, mais sur les hommes
eu~-mêmes.~5
La découpe du corps humain et ses justifications dans l'antiquité 205
topsie ne semble guère devoir être retenue.79Si1 est vrai que l'em-
baumement nécessite une proximité, et donc une familiarité avec le ca-
davre, il est tout aussi vrai que des différences radicales existent entre
cette pratique et celle de la dissection anatomique, et rendent difficile-
ment concevable qu'il y ait eu dérivation directe d'une méthode vers
l'autre. Diodore de Sicile lui même en témoigne :
Lorsque tout a été convenu, on amène le cadavre aux ministres institués pour
cette fonction. Le premier, appelé grammateus, trace sur le côté gauche du corps
déposé sur le sol la longueur qu'il faudra donner à l'incision. Puis celui qu'on
appelle le «paraschiste»tenant une pierre d'Ethiopie, découpe la chair ainsi
que la loi le commande, et prend la fuite aussi vite qu'il peut. Tous ceux qui
sont présents le poursuivent de jets de pierre et d1impr6cations,et détournent
la profanation sur lui. Pour eux en effet, tous ceux qui violentent, blessent de
quelque manière le corps d'un homme de même race ou lui font quelque mal
sont haïssables. Ceux que l'on appelle les «taricheutes»sont dignes de tout
honneur et de culte. En effet, ils sont 18s serviteurs des prêtres, et entrent libre-
ment, comme ceux qui sont purs, dans les sanctuaires. Aussitôt qu'il convient
de procéder aux soins du cadavre incisé, l'un plonge la main par l'ouverture
vers la poitrine et enlève tout, sauf les reins et le coeur. Un autre nettoie chacun
des viscères se trouvant dans le ventre en les lavant avec du vin de palmier et
des parfums.80
On est donc forcé d'en rester à ce stade conjectural pour ce qui con-
cerne le lieu ail s'est pratiquée l'anatomie, en l'absence de tout témoi-
gnage établissant l'existence d'une dissection humaine ailleurs qu'à
Alexandrie : à vrai dire, peut-être la question du lieu n'est-elle pas si
importante, dans la mesure où tout dans l'anatomie, du fait d'une sorte
de «dynamiqueinterne» à la méthode, convergeait A la fin du IVe sikle
avant J.-C. pour qu'elle s'accomplisse sur l'homme, après avoir été ap-
pliquée sur les animaux. Quoi qu'il en soit, les grands progrès dont elle
était porteuse se réalisent de façon exceptionnelle à Alexandrie au
moins, à en croire la tradition ~ l t é r i e u r eMais
. ~ ~ de telles victoires de la
science ne seront pas obtenues sans en payer le prix. Tertullien, auteur
chrétien du IIIe siècle, n'hésite pas A placer très haut le nombre des
hommes victimes du couteau dlHérophile :
Ce médecin ou boucher qui exécuta des centaines de personnes afin d'en
connaître la nature, qui a haï les hommes, je ne sais pas s'il pouvait explorer
avec certitude tout ce qui se trouve à l'intérieur du corps, la mort elle-même
altérant ce qui était vivant, et non une mort naturelle, mais falsifieepar l'artifice
de l'exéc~tion.~~
Il serait vain aujourd'hui de vouloir évaluer l'ampleur du nombre de
victimes attribuées à Hérophile; si vies humaines sacrifiées il y eut - ce
qu'il ne nous sera bien sOr jamais possible de vérifier-, notre attention
doit être avant tout attirée sur les raisons ayant poussé le médecin
alexandrin à un tel sacrifice. Aristote, dans le moment m&meoù il don-
nait l'impulsion à la méthode, avait déjà pressenti les possibles im-
passes sur lesquelles lui-mêmebouses successeursbuteraient :
Un cadavre a aussi la même forme extérieure, et pourtant ce n'est pas un
homme. [ . . . ] Il n'est pas une partie du cadavre qui conserve encore le
caractère d'une partie véritable du corps, par exemple l'oeil ou la main.
I
Soutenir le contraire est donc par trop simpliste et ressemble au propos d'un
menuisier qui parlerait d'une main de bois.84
La dissection est en effet porteuse d'un probleme, qui a toutes les ap-
parences d'un truisme :«le mort n'est pas le vivant», mais dont les im-
plications sont ici clairement dégagées. Est-il légitime, lorsqu'on a pour
modele de connaissance le cadavre, de prétendre savoir quoi que ce
soit sur l'animal vivant? Comment réduire la distance qui sépare le
modèle de l'objet réel que l'on souhaite connaître? Une des astuces
méthodologiques d'Aristote fut, nous l'avons vu, de sacrifier l'animal
selon des modalités spécifiquement prévues pour son examen ana-
tomique.* Mais il avait aussi prévu et pratiqué - comme sans doute
avant lui certains philosophes naturalistes -l'artifice apparemment le
plus apte à combler cette différenceessentielle et à déjouer ainsi l'insuf-
212 JEAN-MARIEANNONI et VINCENT BARRAS
6. EPILOGUE
* NOTES
1 C'est du moins la definition qu'en donne le Petit Robert. Dictionnaire de la langue
française dans son édition de 1990.
2 Aristote, Histoire des animaux, III, 3,513 b 26-28, trad. P. Louis (Paris : Les Belles Let-
tres, 1964).
3 Homère, L'Iliade, XUI, 545-48, trad. P. Mazm (Paris :Les Belles Lettres, 1938).
4 Pour le détail d'une argumentation dans ce sens,voir F. Kudlien, «ZumThema 'Ho-
mer und die Medizin'w, Rheinisches Museumfür Philologie, 108 (1965):293-99.
5 Pour un commentaire des blessures de la guerre de Troie, voir M. D. Grmek, Les
maladies b l'aube de la Oivilisation occidentale (Paris :Payot, 1983),p. 50-60.
6 Homère, L'Iliade, XIV,465-68.
7 0. Korner, «Wie entstanden die anatomischen Kenntnisse in Ilias und Odyssee'l*,
Milnchener Medizinische Wochenschrift,42 (1922) :1484-87.
8 Homère, L'lliade, XXI, 204-5.
9 E. Puld, «Prëhomerische Sektionen?~,Miinchener Medizinische Wochenschrift, 50
(1922):1731.
10 L. Edelstein, «Die Geschiohte der Sektion in der Antike», Quellen und Studien zur
Geschichte der Natunuissenschaften und der Medizin, 3 (1933): 50-106. Cet essai est
' repris en traduction anglaise d a L. Edelstein, Ancient Medicine (Baltimore: The
'
Johns Hopkins University Press, 1967): 247-302. Voir aussi son article plus bref)
«The Development of Greek Anatomy*, Bulletin of the Histb~yof Medicine, 3 (1935):
235-48.
11 La question de la téalité du sacrifice humain en Grèce antique reste débattue. Une
mW au point récente, et relativement sceptique, se trouve chez D. D. Hughes, Hu-
man Sam$& in Ancient Greece (London :Routledge, 1991). (Cet ouvrage est tiré d'une
th&, qui contient les principaux textes relatifs au sacrifice humain en Grèce an-
cienne : «Human Sacrifice in Ancient Greece: The Literary and Archeological Evi-
dence*, PhD Thesis, Ohio State University, 1986.)Nous nous proposons d'examiner
dans une étude ulterieure ce qui ne peut @treévoqué ici qu'en passant : le probIème
des connaissances anatomiques - ou plus exactement du niveau de ces connais-
sances - au sein de certaines cultures voisinee, telles qu'elles se manifestent dans ces
I étonnants «ex-votos*.ou «mannequins* anatomiques étrusques ou gaulois. Pour
une première approche, vdir M. ï'abanelli, Gli *ex-votor poliviscerali etruschi e romani
(Firenze : Olschki, 1958); P. Decouflé, «Introduction B l'étude des mannequins an-
torniques: l'incision du corps humain dans 18 plastique archaïque»; Semaine des
HBpitaux de Paris (20.12.1961) :3608-20; S. Deyts et R. Martin, Ex-voto de bois, de pierre
et de bronze du sanctuaire de@Sources de la Seine. Catalogue d'exposition (Dijon: Musée
archéolo&ue de Dijon, 1966); et C. Masaet et J. Scheid, «Une Rencontre sur la
découpe dè9 cadavres», L'Homme, 108 (1988): 156-39. (Nous remercions Daniel
Paunier, Philip~eBorgeaud et Youri Volokhine du Département des Sciences de
l'tlntiquitk, Université de Genève, pour les réferences qu'ils nous ont fournies à ce -
sujet.)
12 B. Snell, Die Entdeckung des Geistes, 3ème éd. (Hamburg: Claassen Verlag, 1955),en
particulier le chapitre 1 :«Die Auffassungdes Menschen bei Homerw, p. 17-43.
13 Snell, Die Entedeckung, p. 25.
14 Dont on trouve un recensement détaillé dans O. Korner, Die btztlichen Kenntnisse in
Ilias und Odyssee (München:Bergrnann, 1929).
La découpe du corps humain et ses justifications dans l'antiquité 219
Hérodote, au Ve siècle av. J.-C., nous offre un bel exemple de ce qu'étaient suscepti-
bles d'offrir à un oeil curieux de telles occasions: «Après que les cadavres furent
dépouillés de leurs chairs, on découvrit,- ce fut quand les Platéens transportaient
les ossements en un même lieu, - un crane qui ne présentait: aucune suture, mais
était fait d'un seul os; apparurent aussi une machoire dont les dents se tenaient
toutes, étant formées d'un seul os, dents de devant et molaire, et les ossements d'un
homme de cinq coudées* (IX, 83, trad. Ph.E. Legrand [Paris: Les Belles-Lettres,
19541).
Hippocrate, De la nature de l'hommef 4, éd. et trad. E. Littré, Oeuvres compl2tes d'Hippo-
crate, 10 tomes (Paris :Baillière, 1839-61),t. 6 = L VI, 42; éd. et trad. récente J. Jouanna,
Corpus Medicorum Graecorum I,1,3 (Berlin :Akademie Verlag, 1975).
Voir Hippocrate, Des lieux dans l'homme, 1-2, L VI, 276-280; éd. et trad. récente R. Joly
(Paris: Les Belles Lettres, 1978).
Ancienne médecine, 22, L 1, 626-630; éd. et trad. récente J. Jouanna (Paris : Les Belles
Lettres, 1990).
Voir par exemple De lagénération, 8, L VII, 480; éd. et trad. récente R. Joly (Paris : Les
Belles Lettres, 1970). Une analyse similaire est proposée par H. Ioannidi, «Les no-
tions de partie et d'organe*, in F. Lasserre et Ph. Mudry, Formes de pensée dans la col-
lection hippocratique (Genève:Droz, 1983):327-30.
Hippocrate, Des chairs, 3-4, L VIII, 586-90; 6d. et trad. récente R. Joly (Paris: Les
Belles Lettres, 1978).
Selon l'expression de B. Snell, p. 272.
M. Vegetti, Il coltello e 10 stilo, 2e éd. (Milano: Mondadori, 1987), développe longue-
ment ce point, ainsi que l'affinité entre technitai et médecins. Voir notamment son
premier chapitre :«Animale,vivo O morto. Classificazionee razionalitàscientifka».
Aristote, Histoire des animaux, I,17,496 b 21-29.
G. Berthiaume, Les rbles du Mdgeiros (Leiden: Brill, 1982); J.-L. Durand, «Bêtes '
grecques. Propositions pour une topologique des corps à mangem, dans M. De-
tienne et J.-P. Vernant, La nrisine du s a c f i e en pays grec (Paris: Gallimard, 1979),
p. 133-65.
Ce vase a été publié pour la première fois par G. Ricci, «Una hydria ionica da Caere»,
Annuario della Scuola Archeblogica di Atene e delle misswni ifalinne in Oriente, 24-26 (n.s.
8-10) (1946-48) : 47-57 et planches hors texte III-VI. On en trouve également des re-
productions dans Durand.
Cette phase de la boucherie sacrificielletrouve d'ailleurs un écho dans l'Electre d'Eu-
ripide, où le messager rapporte à l'héroïne les propos d'Egisthe sur le sacrifice du
boeuf: «Allons! afin que nous puissions nous regaler de la fressure, qu'on m'ap-
porte, au lieu de la lame dorienne, un couperet de Phthie; je fendrai le thorax. Il saisit
l'arme et coupe. Egisthe prend le8 viscères et les observe, chacun séparément»(trad.
L. Parmentier [Paris : Les Belles Lettres, 19251, p. 835-39). Le traducteur a préféré,
pour chelus -qui dbigne la partie bombée de la poitrine, le sternum - le terme de
thorax.
On retrouve un geste identique dans le texte d'Euripide précédemment cité:
~Egistheprend dans ses mains les parties sacréeset les observe. Un lobe manque au
foie; la veine porte et les vaisseaux voisins de la vésicule biliaire montrent à ses re-
gards des saillies funestes* (p. 826-29).
Répertoriés et représentés dans Durand,
Cette techniquen'est pas utile qu'aux seuls professionnels de la découpe. Socrate en
fait usage lorsqu'il s'agit d'expliquer la méthode dialectique: «[Le procédé] consiste
a diviser à nouveau l'idée en ses éléments, suivant ses articulations naturelles, en
tâchant de n'y rien tronquer, comme le ferait un boucher maladroit» (Platon, Phèdre,
266a, trad. E. Chambry [Paris :Garnier Flammarion, 19641).
Cf, Vegetti, Il coltello, p. 2lsqq. Ainsi Platon utilise-t-il une taxinomie directement
empruntée au savoir pratique des chasseurs et des pêcheurs : «Dans cette chasse aux
êtres vivants, n'est-il pas juste de distinguer deux espèces, celle des animaux qui
220 JEAN-MARIE ANNONI et VINCENT BARRAS
vont à pied, qui se subdivise en plusieurs classes avec des noms particuliers et qui
s'appelle la chasse aux animaux marcheurs, et celle qui embrasse tous les animaux
nageurs, la chasse au gibier d'eau?» (Sophiste, 220 a, trad. E. Chambry [Paris: Gar-
nier-Flammarion, 19691).
31 Hippocrate, Des articulations, 1, L IV, 78-80.
32 Hippocrate, Des articulations,46, L IV, 196-98.
33 Sur la base de tels traités et des connaissances anatomiques qui s'y trouvent con-
tenus, V. Di Benedetto, soucieux de ponderer le r8le d'Aristote dans l'histoire de
*.
l'anatomie, postule l'existence h.es probable d'une dissection menée alors par des
hommes du métier, chirurgiens ou médecins, sur dm cadavres humains. Voir V. Di
Benedetto, Il medico e la rnalattia. La scienza di Ippocrate (Torino : Einaudi, 1986), en
particulier le chapitre 9, «La nascita dell'anatomian, p. 225-47.
34 Galien, De naturalibusfacultatibus, 1, 13, éd. C. G. K t i h , Claudii Galeni Opera Omnia,
20 tomes (Leipzig.: Cnobloch, 1821.30), t. 2 0 K II, 30-31; trad. francaise dans Ch.
Daremberg, ÔeuGes anatomiques, physihogi4ueset médicales de Galien, i tomes (Paris :
BailliPre, 1854-56).Une telle situation, dui passait encore pour convenable à l'évoaue
de Galien, sera considérée comme toit à fait insuffisante par les rénovate;rsade
l'anatomie humaine la Renaissance. Pour bien montrer jusqu'où est tombée l'ana-
tomie de son temps, où l'on pratique «ce détestable usage de confier aux uns la dis-
section du corps humain pendant que les autres commentent les particularités des
organes,» Vésale affirme que, «dans tout ce tumulte, on présente aux assistants
moins de choses qu'un boucher à l'abattoir ne pourrait en enseigner B un médecin»
(De humani corporis fabrica [Oporinus: BAle, 15431, f0 2r). Le grand rénovateur de
l'anatomie médicale n'est évidemment pas en mesure d'imaginer un instant que la
période glorieuse de l'anatomie antique qu'il regrette tant et qu'il souhaite réins-
taurer était de fait tributaire de corps de métier aussi humbles.
35 J. Irigoin a constaté que, sur une centaine de mots relevés dans le traités des Lieux
dans l'homme, deux tiers sont déjà connus chez Hombre; du tiers restant, prbs de la
moitié se retrouve dans la paésie lyrique archaiique et chez Herodote. Voir J. Irigoin,
.La formation du vocabulaire de l'anatomie en grec: du mycénien aux principaux
traités de la Collection hippocratique», dans M. D. Grmek, Hlppocratica (Paris: Edi-
tions du CNRS, 1980),p. 247-57.
36 Plutarque, Vie de Périclès, 6, trad. J.-P. Dumont, dans Les présocratiques (Paris: Gal-
limqrd - Bibliothèquede la Pléïade, 1988).
37 Vegetti, II coltello, p. 28sqq.
38 Chalcidius, Commentaire sur le Timée de Platon, 246, 256-57, ed. J. H. Waszink, Plato
Latinus, Vol. 4: Tirneus a Calcidio translatus cvmmentmioque instructus (London: Inst.
Warburg & Brill, 1962).Sauf indication contraire, les traductions des textes grecs et
latins sont des auteurs.
I 39 Pour un relevé des différentesopinions, parfois très extravagantes,des historiens au
sujet de cet auteur et &ce passage, voir G. E. R Lloyd, «Alcrneonand the History of
Dissection*, Sudhofi Archiv, 59 (1975): 113-47, dont nous suivons pour l'essentiel
l'analyse.
40 La question du nombre des membranes de l'oeil fait l'objet de nombreuses discus-
sions dans les textes médicaux antiques, Voir par exemple les traités hippocratiques
Des lieux dans l'homme, 2, L VI, 280, ainsi que Des chairs, 17, L VII, 604-6; ou encore,
pour une théorie plus tardive, le traité Du nom des parties du corps de Rufus, dans
Oeuvres, éd. Ch. Daremberg et Ch. E.Ruelle (Paris:Bailli&re,1879),p. 169sq.
41 Theophraste,Du sens,25-26, trad. D. Delattre, dans Les présocratiques.
42 Voici ce qu'en dit le doxographe Aetius : «Pour Alcméon, l'hégémonique a son siège
dans le cerveau, et c'est par lui que nous sentons les odeurs, au'il attire à soi à
chaque inspiration»( ~ ~ i n ~ oIV, n sî4,
, trad. D. Delattre, dans Les pr&ocratiques).
43 Voir aussi, pour des théories de la vision contemporaines dlAlcméon, Diogène
d ' ~ ~ o l l o n i e19),
- ( ~et Empedocle(B 84).
-
44 Voir Lloyd, «Alcmeon»,p. 116et n. 12.
La découpe d u corps humain et ses justifications dans l'antiquité
45 Vegetti, Il coltello, p. 29.
46 De la maladie sacrke, 11, L VI, 380-82; cf. également 4d. et trad. all. récente H LGren-
semann (Berlin:de Gruyter, 1968).
47 Aristote, Histoire des animaux, III, 2,511 b 11-23.
48 Aristote, Histoire des animaux, III, 3,513 a 8-15.
49 Aristote, De anima, 2,1,412 b 5.
50 Voir par exemple le passage de Aristote, Histoire des animaux, I,17,496 b 21-29, cité
plus haut.
51 Aristote, Histoire des animaux, I,17,496 b 1-6.
52 Les parties des animaux, IV, 676 b-677 a 34-3, trad. P. Louis (Paris: Les Belles Lettres,
1956).
53 Les parties des animaux, IV, 665 a 27-28.
54 Durand, «B&tesgrecques*, p. 149,
55 Galien, De uteri dissectwne, 5, K Il, 894-5; cf. également éd. et trad. all. récente
D. Nickel, Corpus MedicorurnGraecohlmV,2,1 (Berlin: Ahdemie-Verlag, 1971).
n approfondie toutefois depuis p u , grace a la monumentale somme de
56 De f a ~ o très
H. von Staden, Herophilus :The Art of Medicine in Early Alexandria (Cambridge :Cam-
bridge University Press, 19891. Cet ouvrage contient l'&iition des fragments, leur
traduction anglaise et d'important9 commdntaires. Il supplante définitivement la
collection de fragments de J. F. Dobson, «Herophilus of Alexandrian, Proceedings of
the Royal Society of Medicine, 18 (1925): 19-32. D'autres mises au point demeurent
utiles: F. Kudlien, «Herophilos und der ûeginn der medizinischen Skepsis»,
Gesnerus, 21 (1964) :1-13; P. M. Fraser, PfofemaicAlexandria, 2 vols. (Oxford : Claren-
don Press, 1972), Vol. 1, en particulier p. 348-57; P. Potter, aHerophl&usof Chal-
cedoti : An Assessment of His Place in the History of Anatomy*, Bulletin of the His-
t o y of Medicine, 50 (1976): 45-60; J. Longrigg, ~Anatomyin Alexandria in the Third
Century B.C.», British Journalof Historical Sciences, 21 (1988): 455-88.
57 Galien, De anatoWlicis administrationibus, IX, 1, K II, 712; cf. 4galement éd. et trad. ital.
1. Garofalo (Milano: Rizzoli, 1991), comprenant la partie grecque, soit les neuf pre-
miers livres, ainsi que la partie arabe des sept livres restants (le texte grec y est
reproduit sane appareil critique). Une Bdition critique d'une partie du texte grec
existe par les soins du m&meérudit, mais nous n'avons pas pu la consulter :Anatom-
icis Administrationnibus libri qui supersunt novem, t. 1, lib. 1-W(Napoli, 1986).
58 Galien, De anatomicis administrationibus, IX, 5, K II, 731. A ce point précis finit d'ail-
leurs le texte qec. La suite ne nous est cornue que dans une traduction arabe.
59 Selon P. M. Fcaser, «The Career of Erasistratus of Ceos*, Rendiconti del lstituto Lom-
bardo (Classe di Letkre e Scienze Morali et Storiche), 103 (1969): 518-37, et Ptolemaic
Alexandda, Vol. 1, p, 347-48, Erasistrate n'aurait pas pratiqué a Alexandrie, mais a
Antioche; cetfe opinionest réfutée notamment par G. E. R. Lloyd, «A Note on Erasis-
trateos of Ceosn, The Journal of Hellenic Studks, 95 (1975) : 172-75, et par J. Longrigg,
*Sup@iativeAchievementa d Compara~veNeglect : Alexandrian Medical Science
and Modern Historical Research*, Histoy of S W e , 19 (1981): 155-200, notamment
p. 158sq.
60 On trouve un aperçu géneral de sa carrihre et de son oeuvre dans les articles cités a
la note précedente, ainsi que dans, J. F. Dobson, ~Erasistiiatus*,Proceedings of the
Royal Society of Medicine, 20 (1927) : 825-32; J. Scarborough, ~Erasistratus:Student of
Theophrastusb, Bulletin of the Histoy of Medicine, 54 (1985): 515-17; V. Nutton,
*Erasistratus»,dans R.Porter, Dizbnario Bibliografica della Storia delle Medicina e delle
Scienze Natural, t. 1 (Milano: Franco Maria Ricci, 1985): 280-81; J. Longrigg, «Anat-
omy in Alexandria in the Third Century B.C.», BritishJoumalfor Histoy of Science, 21
(1988): 455-88, notamment p. 472sqq. Un recueil critique de ses fuagments existe
desormais : Erasistrati Fragmenta, éd. 1. Garofalo (Pisa :Giardini, 1988) (voir en parti-
cdier, pour ses activités anatomiques, et particulibrement aanatomo-patholo-
giques* ou eanatomo-chinirgicales», les fragments 17a, 184b, 188, 251, 280, pro-
venant de Celse, Caelius Aurelianus et Paul d'Egine), Le rapport entre l'anatomie et
222 JEAN-MARIE ANNONI et VINCENT BARRAS
ment -, l'auteur antique le mieux renseigné sur les rites funéraires de l'Egypte an-
cienne. Pour un recensement complet des textes grecs et latins sur cette pratique,
voir W. R. Dawson, ~Referencesto Murnrnification by Greek and Latin Authors*,
Aegyptus, 9 (1928): 106-12, ainsi que M. Mercier et A. Seguin, «Texteslatins et grecs
relatifs à l'embaumement», dans Thal2s. Recueil annuel des travaux de i'lnstitut d'his-
toire des sciences et des techniques de 1'Universitd de Paris, tome 4 (1937-39) (Paris:
Presses Universitaires de F~ance,1940), p. 121-31. Pour les détails de la technique
elle-même, voir J. C. Goyon, Rituelsfunt'raires de l'ancienne Egypte (Paris: Cerf, 1972),
0 .
et J. C. Goyon et P. Josset, Un corps pour l'tternitt. Autopsie d'une momie (Paris: Le
léopard d'or, 1988).
81 Cf. Fraser, Ptolemaic Alexandria, Vol. 1, p. 350-51.
82 Fraser («The Careem), plaçant l'activité d'Erasistrate à Antioche, suggere en
conséquence que la dissection humaine a été pratiquée ailleurs qu'à Alexandrie.
Faute de preuves plus tangibles- il n'existe en effet aucun témoignage de dissec-
tions humaines ayant eu lieu ailleurs qu'à Alexandrie -,une telle hypotheise reste à
vérifier. Mais, de notre point de vue, il n'y a pas de raison d'en exclure la possibilité.
83 Tertullien, De anima 10,4, Bd. J . H, Waszink (Amteidam : Meulenhof, 1949). Augus-
tin, deux siecles plus tard, reprend B peu près la même diatribe : «Sans doute, des
medecins, appeiés anatomistes,avec un file parfois cruel, ont disséqué des cadavres
ou meme des malades mourairt entre leurs mains, tandis qu'ils tranchaient, scru-
taient avec soin, et fouillaient inhumainement tous les secrets des chairs humaines,
avides de découvrir la nature, la cause, le siège de la maladien (De Civitak Dei, XXII,
24, trad. G. Combes [Paris:Desclée de Brouwer, 19601).
84 Les parties des animaux, I,1,640 b-641 a 31-6.
85 Cf. le passage de Aristote, Histoire des animaux, III, 3,513 a 8sqq., cité plue haut.
86 Aristote, Histoire des animam, II, 11,503b 23-28.
87 L'historiographie médicale, d&sl'Antiquité, est jalomée de prises de position sou-
vent passiomées quant 9. llexi&Bnce &entuelle d'une vivisection men& sur
l'homme. ~ujourd'hui, l a Bwdits tendent à admettre qu'elle ait été effetivement
pratiquée, malgré les réticences de certains portant sur l'interprétation des textes,
notamment du thmoignage de Celse. (Cf. J. Scarborough, &elsus on Human Vivi-
section at Ptolemaic Alexandria», Clio Medica, 11 [1976]: 25-38.) A. Viarro a analysé
les raisons pour lesquelles les médecins alexandrins n'avaient pas découvert la
présence de sang dans les artères :selon lui, c'est leur «cécité6pist~mologique*, bien
plus que l'impassibilite éventuelle de pratiquer la vivisection, qui les aurait
empechés de constater ce qui, pour noue, «crève les yeux,. Cf. A. Viano, «Perche
non c'era sangue nelle arterie: la cedtii epistemologica degli mtomisti antichi»,
dans C.Giannantoni et M. Vegetti, La sc&nza ellenistica (Napoli : Bibliopolis, 1984),
p. 299-352.
I 88 Celse, De medicina Praejâtzb, 23-25, trad. et ed. Ph, Mudry, La Préfnce du De Medicina
de Celse. Texte, traduction et commentaire (=Bibliothm Helvetica Romana, XIX)
(Genève: Droz, 1982). Ph. Mudry traduit par «organe»ce qui dans le texte latin est
pars.
89 Outre les témoignages de Celse et de Tertullien évoqu6s plus haut, or\ peut men-
tionner dans le traité des Maladies chroniques de Caelius Aurelianus (Ve siècle?) la
description d'un acte chirurgical d'Erasistrate évoquant une sorte de vivisection
théraieutique: ~Erasistrate,dans les maladies du fÔie, coupe la peau et la mem-
brane situées au-dessus du foie, et utilise des remèdes qui recouvrent largement le
foie lui-même. Puis il étire le ventre, laiswnt audacieusement nu la souf-
frante* (Tardarum Passionum, III, 65,ed.et trad. anglaise 1. E. Drabkin, Caelius Aureli-
anus :O n Acute Diseuses and on Chronic Diseases [Chicago:The University of Chicago
Press, 19501). Un procédé semblable d'Erasisttate est également décrit dans Tard.
pass., V, 126, ainsi qu'une ouverture de la cavité abdominalerecommandée par Prax-
agoras pour certains cas de maladie intestinale dans Cel. Pass., III, 17 (cf. K. Sudhoff,
«Zur operativen Ileusbehandlung des Praxagorasn, Quellen und Studien zur Ge-
La découpe du corps humain et ses justifications dans l'antiquité
schichte der Naturwissenschaften und der Medizin, 3 [1933]: 151-54). Dans son édition
des fragments dlErasistrate (cf. note 60), 1. Garofalo remarque très justement que
l'audace de telles pratiques constitue un indice suggérant très fortementla possiblité
de vivisections sur des &es humains de la part du médecin alexandrin. Notons
aussi chez Caelius Aurelianus, outre les allusions aux «vérifications post-mortem.
d'Erasistrate (cf. note 60),la description d'un examen semblable - non attribué- de
la membrane pleurale en cas de «pleurésie»(Celerum Passionum, II, 100).
90 De medicina Praefâtio, 26. Ainsi s'ouvre, dans l'histoire de la médecine, le long récit de
' . l'utilisation de prisonniers et autres nuisances sociales à des fins d'expérimentation
médicale. Cf. V. Barras et M. Ummel, «Histoirede l'6tMquede l'exp6rimentation sur
l'homme*, à paraîtle.
91 De l'art, 11, L VI, 18, éd. et trad. récente J.Jouanna (Paris: Les Belles Letttes, 1988).
92 De l'art, 12, L VI, 22-24. L'observation attentive et minutieuse de traces permettant
d'accéder indirectementà la réalité qu'on souhaite cerner n'est certes pas propre à la
médecine hippocratique.Selon C. Ginzburg, elle caractérise, des les Mésopotamiens,
puis en Gr&e ancienne, un systeme de connaissances, .un paradigme indiciairen,
propre A la fois aux arts divinatoire et à de nombreuses catégories opérant dans le
vaste territoire du savoir conjectural, gouverné par une déesse comme Métis : méde-
cins, historiens, politiques, potiers, menuisiers, marins, chasseurs, p&cheurs,
femmes.. . Cf. C. Ginzburg, &pie. Ràdici di un paradigma scientifico*, dans A. Gar-
gani, Crisi della ragione. Nuovf modelli ne1 rapport0 tra sapere e attivita umane (Torino :
Einaudi, 1979),p. 57-106; trad. francaisedans C. Ginzburg, Mythes, Emblhnes, Traces.
Morphologie et histoire (Paris:Flammarion, 1989),p. 139-80.
93 Cf. De medicina Praefntio, 27-31.
94 De medicina Fraefatio, 4 - 4 4 , Voir aussi la definition 34 des Definitiones Medicae
pseudo-galéniques( K XiX, 359, qui oppose l'anatomie «de recherche* (kat'epit 2 deu-
sin) que pratiquent les dogmatiques, et l'anatomie «fortuite»(kata periptosin) des em-
piriques.
95 L. Edelstein, sur la base de tels arguments, situe la fin de la pratique de la dissection
vers le premier siecle de notre ere (cf. «Die Geschichten et «The Development*).
F. Kudlien, qui ne conçoit pas que la dissection humaine ait pu dépasser le contexte
particulier et limité dans le temps &l'espace de l'Alexandrie des Ptolémée, corrige
son prédécesseur, soulignant que le respect du cadavre n'aurait jamais disparu, et
que seules des circonstances tout B fait exceptionnelles (la conjonctiond'une époque,
un endroit et un esprit particulier) pouvaient permettre de surmonter les inhibitions
face à un tel objet. C'est pourquoi il situe le d&lin.de cette pratique beaucoup plus
t&t que L. Edelstein, soit quelques dkennies au maximum après les premieres au-
topsies, avançant l'argument,suivant le concept développé par E. R. Dodds, d'une
sorte de «craintede la libertb survenue awit6t après, etcomme en réaction contre,
I
les avanc6es extraordinaires des chercheurs du Mu&. (Cf. Kudlien, «AntikeAna-
tomie*, et le chapitre «La crainte de la liberté», du livre de E. R. Dodds, Lm grecs et
l'irrationnel [Paris:Flammarion, 19771, p. 233-64; titre original : The Greek and the Irra-
tional [Berkeley:University of California Press, 19591.)
96 Ce débat reste vivace pendant l'Antiquité. Portant en dernihre analyse sur le statut
de la connaissance de la nature, il servira de paradigme chez les philosophes. «Tous
les secrets, 6 Lucallus, sont caches et enveloppés dans d'épaisses ténebres. L'esprit
humain n'a point de vue qui puisse percer la votîte céleste, pénétrer dans le sein de
la terre. Nous ne connaissonspas notre corps :quelle est la disposition, quelle est la
nature des ses parties? nous l'ignorons. Voilà pourquoi les médecins, à qui il im-
porte de savoir, ont ouvert le corps pour mettre au jour ce qu'il contient. Et cepen-
dant, disent les empiriques, ces mystères ne sont pas mieux connus, parce qu'il peut
arriver que les parties découverteset mises à nu éprouvent de l'altération» (Cicéron,
Académiques, 1, II, 39, &ad.M. Delcaseo [Paris :Panckoucke, 18331).
97 Du nom des parties du corps, dans Oeuvres, p. 133-34.
98 Galien, De anatomicis adtninistrationibus, III, 5, K II, 385sq.
226 JEAN-MARIE ANNONI et VINCENT BARRAS