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L’impact de la crise de 1929 :

1 déséquilibres économiques et sociaux


Le point sur le programme
Objectifs Ce chapitre vise à montrer l’impact de la crise Points ●Les conséquences de la crise de
du de passage
chapitre économique mondiale sur les sociétés et les et d’ouverture 1929 en Amérique latine.
équilibres politiques, à court, moyen et long terme. ●1933 : un nouveau président
On peut mettre en avant : des États-Unis, F. D. Roosevelt,
– les causes de la crise ; pour une nouvelle politique
– le passage d’une crise américaine à une crise économique, le New Deal.
mondiale ;
● Juin 1936 : les accords Matignon.
– l’émergence d’un chômage de masse.

Le programme invite à mettre en avant les causes de la crise, les modalités de passage d’une crise américaine
à une crise mondiale et l’émergence d’un chômage de masse.
Les trois points de passage concernent trois aspects de la crise en Amérique et en Europe : ses conséquences sur
l’Amérique latine ; l’accès du démocrate Franklin Delano Roosevelt à la présidence des États-Unis en 1933 et
les caractères de la politique de lutte contre la crise qu’il met en œuvre, le New Deal ; la signature, à l’initiative
du gouvernement de Front populaire de Léon Blum, des accords Matignon par les représentants du patronat et
du monde ouvrier.
Ce chapitre s’intègre dans un thème 1 portant sur les fragilités des démocraties, l’affirmation des totalitarismes
et la Seconde Guerre mondiale entre 1929 et 1945. Nous verrons que la crise de 1929 joue un rôle essentiel dans
la fragilisation des démocraties (notamment en Amérique latine) et dans l’affirmation des totalitarismes qui
mène à la Seconde Guerre mondiale.

La logique du chapitre
Le chapitre suit un ordre logique fondé sur la chronologie. Faisant alterner études et points de passage, il
évoque la crise de 1929 aux États-Unis, sa diffusion dans le monde puis en Amérique latine (point de passage)
avant de mettre en avant deux de ses principales conséquences : la victoire électorale de Franklin Delano Roo-
sevelt à l’élection présidentielle de 1933 et la mise en œuvre de la politique du New Deal (point de passage) ; la
signature, en juin 1936, des accords Matignon au lendemain de la victoire de la coalition de Front populaire au
printemps 1936 (point de passage).
La leçon, placée à la fin des études et des points de passage, permet d’opérer la synthèse des informations et de
faire un point méthodique sur la problématique d’ensemble du chapitre.
Les trois doubles-pages qui suivent permettent à l’élève de mettre en œuvre les méthodes attendues pour le
baccalauréat, sous la forme d’analyses de documents et de questions problématisées, mais aussi de réviser le
chapitre à l’aide d’un schéma, de portraits des principaux acteurs, de dates clés, de notions à maîtriser mais
aussi de questions permettant de mémoriser l’essentiel de la leçon.

Pour aller plus loin


Bibliographie
– Olivier Dabène, L’Amérique latine à l’époque contemporaine, Armand Colin, coll. « U », 2016.
L’un des rares ouvrages accessibles et donnant des informations sur la crise de 1929 en Amérique latine.
– Pierre-Cyrille Hautcœur, La Crise de 1929, La Découverte, coll. « Repères », 2009.
La dernière grande synthèse sur la crise.
– Jean Heffer, La Grande Dépression. Les États-Unis en crise (1929-1933), Gallimard, « Folio Histoire »,
Histoire Tle © Hatier, 2020.

(1re éd. 1976) 1991.


La crise américaine vue par un spécialiste.
– Jacques Néré, La Crise de 1929, Armand Colin, 1968.
Une des premières synthèses avec beaucoup de documents.
– Jean Vigreux, Histoire du Front populaire, Tallandier, 2016.
Une synthèse à jour au niveau bibliographique et élaborée par un spécialiste.

1•1 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


Littérature
– Horace McCoy, On achève bien les chevaux, 1935.
– John Steinbeck, Les Raisins de la colère, 1939.
Filmographie
– Charlie Chaplin, Les Temps modernes, 1936.
Un classique sur le travail en usine et sur la crise de 1929.
– John Ford, Les Raisins de la colère, 1947.
L’adaptation à succès du roman de John Steinbeck.
– Sydney Pollack, On achève bien les chevaux, 1970.
L’adaptation au cinéma du roman de Horace McCoy montre l’Amérique de la Grande Dépression
à travers les marathons de danse.
– Jean Renoir, La Vie est à nous,1936.
Une évocation engagée de la France du Front populaire.
Site internet
www.histoire-image.org : des analyses d’images sur la crise de 1929.

pp. 14-15 Ouverture VIDÉO La crise de 1929


La double-page d’introduction permet d’entrer rapide- Questionnaire
ment dans le sujet à travers l’évocation par les unes de
deux périodiques de deux aspects centraux de la crise. 1. Dans quel contexte économique naît la crise de 1929 ?
Dans un contexte d’euphorie et de croissance écono-
Document 1 mique. La croissance dure de 1920 à 1928 et concerne
Le premier document évoque l’événement « fondateur », l’automobile, le téléphone, l’électricité… La spéculation
le « Jeudi noir », en représentant la panique qui saisit se développe à la bourse de New York. On achète les
les actionnaires confrontés à la chute spectaculaire et actions à crédit.
inédite du cours des actions à Wall Street, le 24 octobre
2. Pourquoi le jeudi 24 octobre est-il décisif ?
1929.
Parce que les spéculateurs vendent leurs actions suivis
Document 2 par les autres détenteurs de titres : 12 millions d’actions
Le deuxième document met en avant les conséquences sont vendues et les cours s’effondrent.
dramatiques de la crise : sa mondialisation, la multiplica-
3. Citez quelques conséquences économiques de la crise
tion des faillites et l’explosion d’un chômage de masse,
de 1929.
symbolisée par l’image de ce travailleur appuyé sur les
Les gens qui ont acheté des actions à crédit ne peuvent
grilles de son usine fermée et cadenassée.
rembourser car ils sont ruinés ; un quart des banques
Frise américaines ferment, 76 000 entreprises déposent leur
Une chronologie permet de repérer les principales bilan, le commerce extérieur s’effondre, la richesse
étapes de cette crise et de mettre en avant deux de nationale du pays diminue de moitié.
ses dynamiques fondamentales : son origine étatsu-
4. Pourquoi peut-on dire que ses conséquences sociales
nienne et sa diffusion à l’ensemble de la planète ; ses
sont désastreuses ?
conséquences politiques, économiques et sociales aux
Car le chômage de masse apparaît : le constructeur d’au-
États-Unis (le New Deal), en Amérique latine (la mise en
tomobile Ford licencie les trois quarts de son personnel et,
place de nombreuses dictatures militaires), en France
dans les villes, près de 25 % de la population active est au
(les accords Matignon).
chômage ; les gens ont recours aux soupes populaires pour
se nourrir et recherchent du travail à n’importe quel prix.
pp. 16-17 Étude
5. Jusqu’à quand dure la crise de 1929 ?
La crise de 1929 aux États-Unis Jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
La crise qui éclate aux États-Unis à partir du jeudi 24
octobre 1929, le « Jeudi noir », est la plus importante Réponses aux questions p. 17
crise économique qu’a connu le pays. Crise liée à la 1. Le jeudi 24 octobre dans la matinée, plus de 12 millions
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spéculation, elle est d’origine boursière puis s’étend d’actions sont vendues – le volume usuel quotidien est
progressivement à l’ensemble de l’économie. Ses consé- de 4 millions de transactions – et les cours s’effondrent.
quences sur la société sont dramatiques : elle ruine des La panique gagne la bourse puis l’ensemble des États-
millions d’Étatsuniens et favorise l’émergence d’un chô- Unis. Une foule immense, inquiète, se rassemble devant
mage de masse. Près d’un quart de la population active la bourse de Wall Street à New York. Le krach s’amplifie
est sans emploi en mars 1933. le mardi 29 octobre, le « Mardi noir », avec 16 millions de

1•2 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


transactions : la baisse des cours est telle qu’elle annule tional. Le tableau (document 3) montre l’ampleur de la
d’un coup les hausses pourtant rapides des douze der- chute de la production industrielle (indice 110 vers 1929,
niers mois. 55 vers 1932) et l’importance des faillites industrielles et
commerciales : 22 500 en 1929, près de 32 000 en 1932.
2. La Première Guerre mondiale a déstabilisé les éco-
nomies mondiales et le système financier international. 4. Les conséquences sociales sont considérables. Dans
Depuis 1925, les prix agricoles sont à la baisse et une les campagnes, les exploitants, incapables de rembour-
relative surproduction touche l’industrie. Mais, comme ser leurs dettes, sont expulsés et doivent quitter leurs
l’indique Paul Claudel dans le document 2, le krach est terres et leurs domiciles pour chercher du travail dans
avant tout un produit de la spéculation et du développe- d’autres régions. Dans cet extrait issu du roman Les Rai-
ment incontrôlé du crédit aux particuliers. Ces derniers sins de la colère, John Steinbeck montre la détresse des
s’endettaient auprès des brokers, les courtiers, pour familles chassées de leurs exploitations familiales par
acheter des actions et rembourser avec les bénéfices.
les représentants des banques. Dans tout le pays, les
3. Le krach entraîne l’effondrement de l’indice Dow faillites commerciales et industrielles entraînent une
Jones, du cours des actions puis du système bancaire forte progression du chômage. Alors que les États-Unis
(faillite de la Bank of the United States le 11 décembre comptaient 1,5 million de chômeurs en 1929, ils sont
1930). En effet, au lendemain du krach, les particuliers 12,6 millions en 1933, soit un quart de la population
sont incapables de rembourser leurs dettes et entraînent active. Les manifestations de chômeurs durant lesquelles
dans la ruine puis la faillite les brokers puis les banques. ces derniers offrent leur force de travail pour des salaires
Cette situation provoque une rétraction du crédit, une dérisoires sont l’une des traductions les plus embléma-
chute des prix et un effondrement du commerce interna- tiques de cette situation.

Synthèse

Les origines de la crise Les conséquences économiques Les conséquences sociales


Doc. 1 « Jeudi noir » : chute des cours à Ruine de millions de spéculateurs.
Wall Street. Faillite des brokers et des banques
qui ont fait des crédits pour acheter
des actions.
Doc. 2 Une crise provoquée par la Effondrement du cours des actions
spéculation. des entreprises.
Tournant du « jeudi noir » avec
panique à Wall Street.
Doc. 3 Chute de la production industrielle.
Hausse des faillites commerciales et
industrielles.
Doc. 4 Banques en difficulté qui expulsent Les paysans endettés sont expulsés.
les paysans.
Paysans chassés de leurs terres.
Doc. 5 Faillites en cascade. Chômage de masse.
Manifestations de chômeurs.

pp. 18-19 Étude 2. Pourquoi la machine industrielle s’est-elle arrêtée aux


États-Unis ?
De la crise étatsunienne à la crise Car les plus riches ont été les plus touchés au début : ils
mondiale ont arrêté de consommer. La baisse de la consommation
La crise de 1929, d’origine étatsunienne, se diffuse pro- des plus riches explique l’ampleur de la crise.
gressivement. Le retrait des capitaux américains et
3. Pourquoi peut-on dire que le krach boursier de Wall
britanniques, la montée du protectionnisme et la fin du
système financier international précipitent le monde Street n’est pas responsable de la diffusion de la crise
dans une crise économique et sociale d’ampleur inédite. en Europe ?
Parce que les signes de la crise (faillites, chute de la
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VIDÉO La propagation de la crise de 1929 production…) apparaissent en 1929 avant le « Jeudi


noir ».
Questionnaire
1. Quand apparaissent les premiers symptômes de la 4. Qu’est-ce que la crise de 1929 selon Jacques Mar-
crise selon l’historien Jacques Marseille ? seille ?
Dès 1928-1929, c’est-à-dire avant le krach boursier. Une somme de crises nationales.

1•3 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


Réponses aux questions p. 19 de maintenir « certaines possibilités de consommation »
et donc de limiter l’ampleur de la crise. Mais comme il le
1. La diffusion de la crise étatsunienne est d’abord le précise à la fin du texte, ces secours ne sont que des expé-
résultat du rapatriement des capitaux américains inves-
dients et seul le retour à l’emploi permettra, selon lui, de
tis dans le monde. Ce retrait massif de capitaux prive les
retrouver une situation économique viable.
États débiteurs, dont l’Allemagne et l’Autriche, des res-
sources financières nécessaires pour rembourser leurs Synthèse
dettes ou financer leurs projets. Cela provoque la faillite Née aux États-Unis, la crise s’étend progressivement
du Kredit Anstalt en Autriche (11 mai 1931) puis de la à toute la planète. Cette diffusion s’explique par le
Danat Bank (13 juillet 1931) en Allemagne, faillites qui
dérèglement du capitalisme boursier étatsunien, le
sèment la panique parmi les épargnants qui, comme l’in-
rapatriement des capitaux étatsuniens et britanniques
dique le document 3, se ruent dans les établissements de
investis dans le monde, mais aussi par la montée du
crédit pour tenter de récupérer leurs avoirs.
protectionnisme et l’effondrement du commerce inter-
L’internationalisation de la crise est accélérée par la
national consécutifs à l’adoption par les États-Unis du
montée du protectionnisme et par la diminution, qui
tarif protectionniste Smooth-Hawley (17 juin 1930). La
s’en suit, du commerce international. L’adoption aux
diffusion de la crise est accélérée par la dislocation du
États-Unis du tarif protectionniste Smooth-Hawley
système financier international provoquée par la déva-
(17 juin 1930) a joué le rôle moteur dans l’élévation des
luation de la livre sterling, le 21 septembre 1931.
droits de douane à l’importation, hausse qui pénalise
durement les pays exportateurs de matières premières La crise de 1929 est d’abord bancaire, financière et
ou agricoles. Les effets de la crise sont amplifiés par la monétaire. La production industrielle diminue d’environ
dislocation du système financier international consécu- 30 % entre 1929 et 1932. Cette chute touche aussi la pro-
tive à la dévaluation de la livre sterling, le Royaume-Uni duction agricole, les prix et le commerce international.
quittant le système d’étalon-or le 21 septembre 1931. La dégradation de la situation économique provoque
une multiplication des faillites d’entreprises industrielles
2. La crise, partie des États-Unis, touche d’abord le Canada
et commerciales.
puis l’Amérique latine. Elle se diffuse en Europe, au Japon
et en Australie à partir de 1930. La France n’est touchée La crise a des conséquences sociales dramatiques. Les
qu’en 1931. Le Moyen-Orient, l’est de l’Afrique et l’Asie revenus baissent de manière durable et les fermetures
du Sud, territoires encore largement soumis à la tutelle d’entreprises entraînent l’émergence d’un chômage de
coloniale européenne, subissent alors les contrecoups masse. Entre 1929 et 1932, le nombre de chômeurs dans
de la crise qui affecte leurs métropoles. L’ensemble de la le monde est multiplié par plus de deux, passant de 13 à
planète, à l’exception de l’URSS, épargnée car à l’écart du 30 millions.
système économique mondial, est touchée en 1932.

3. À l’échelle de la planète, la crise de 1929 se manifeste pp. 20-21 Point de passage


par un dérèglement financier, bancaire et monétaire, par
Les conséquences de la crise de 1929
une chute de la production industrielle et agricole, par une
baisse des prix et par une chute du commerce internatio- en Amérique latine
nal engendrée par la montée du protectionnisme et des En Amérique latine, la crise est avant tout liée à la fer-
politiques de contingentement des importations. Le docu- meture des marchés extérieurs. La forte dépendance
ment 1 souligne l’ampleur de la crise puisque la Société des pays latino-américains à l’exportation de quelques
des Nations parle d’une chute de la production industrielle produits agricoles ou miniers explique la rapide baisse
de 25 % (ligne 4), chute confirmée par le graphique (docu- de revenus, consécutive à la diminution des importa-
ment 4) qui évalue à 30 % environ la baisse de l’indice de la tions dans le monde. Cette crise agricole est doublée
production industrielle mondiale entre 1929 et 1932. d’une violente crise financière, la plupart des États
s’étant fortement endetté dans les années 1920. Outre
4. La multiplication des faillites industrielles et com- ses conséquences sociales désastreuses, la crise en Amé-
merciales entraîne l’apparition d’un chômage de masse.
rique latine affaiblit les démocraties et s’accompagne de
Entre 1929 et 1932, le nombre de chômeurs aurait plus
multiples coups d’État.
que doublé, passant de 13 à 30 millions (document 4).
Cette explosion du chômage concerne « presque tous les
pays » comme l’affirme le quotidien suisse Le Temps, le
Réponses aux questions p. 21
6 juin 1933, qui évoque plus précisément dans son article Parcours 1
Histoire Tle © Hatier, 2020.

le Royaume-Uni, la Suisse et l’Allemagne où le chômage


1. En Amérique latine, la diffusion de la crise est d’abord
atteint un record historique en janvier 1933 (6 millions
liée à la chute du commerce international du fait de la
de chômeurs), mois durant lequel Adolf Hitler accède au
pouvoir. fermeture des marchés occidentaux liée au protection-
nisme. Comme le précisent les documents 1 et 4, les
5. Les États versent des secours aux chômeurs. Comme l’af- revenus des pays d’Amérique latine dépendent souvent
firme l’auteur de l’article, les sommes versées permettent d’un ou deux produits d’exportation comme le café au

1•4 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


Brésil, l’étain en Bolivie… La fermeture des marchés exté- une multiplication des coups d’État, comme au Brésil où
rieurs a des conséquences d’autant plus dramatiques Getúlio Vargas prend la tête du pays après un « pronun-
que les prix des produits agricoles sont orientés à la ciamento », le 24 octobre 1930, ou en Argentine où le
baisse depuis 1925, qu’un certain nombre de produits, général Uriburu renverse violemment le 6 septembre
comme le café, connaissent une surproduction et que 1930 le président élu, Hipólito Yrigoyen. Partout sur le
la renonciation du Royaume-Uni à l’étalon-or (21 sep- continent latino-américain, la crise économique renforce
tembre 1931) entraîne un effondrement du système l’instabilité politique et affaiblit la démocratie, donnant
monétaire international. Les difficultés sont amplifiées naissance à des régimes se réclamant d’un nouveau cou-
par la rétraction du crédit à l’échelle internationale. Les rant politique : le populisme.
États latino-américains se trouvent dans l’impossibilité
Synthèse
d’emprunter pour rembourser les dettes contractées lors
des années de prospérité des années 1920. Très dépendante des exportations agricoles et minières,
comme le café ou l’étain, l’Amérique latine est particuliè-
2. En Amérique latine, la crise se traduit par un effondre- rement touchée par la chute du commerce international
ment économique – la chute du PNB est de 30,5 % au liée à la montée du protectionnisme et à l’effondre-
Brésil – et une crise financière généralisée : la grande ment du système financier. La crise est amplifiée par la
majorité des États de la zone abandonnent l’étalon-or rétraction du crédit à l’échelle internationale. Les États
entre 1929 et 1933 (document 4). La crise est particuliè- latino-américains se trouvent dans l’impossibilité d’em-
rement marquée dans les secteurs agricoles et miniers, prunter pour rembourser les dettes contractées lors des
durement touchés par la fermeture des marchés exté- années de prospérité des années 1920.
rieurs et par la chute des exportations (document 2). La crise se traduit par un effondrement économique
Nombre de produits agricoles ou de matières premières – la chute du PNB est de 30,5 % au Brésil – et une crise
connaissent une surproduction et des stocks importants financière généralisée : la grande majorité des États de
qui accentuent la chute des cours. Au Brésil, comme le la zone abandonnent l’étalon-or entre 1929 et 1933. La
montrent les documents 3 et 5, la surproduction est telle crise est particulièrement marquée dans les secteurs
que l’on détruit le café ou qu’on l’utilise comme combus- agricole et minier car nombre de produits agricoles ou
tible pour les locomotives. de matières premières connaissent une surproduction et
des stocks importants qui accentuent la chute des cours.
3. La crise engendrée par l’effondrement économique
La crise économique a des conséquences sociales désas-
et le recul des exportations se traduit par une baisse
treuses. Elle entraîne une baisse générale des salaires et
générale des salaires et des revenus ainsi que par une
des revenus ainsi qu’une une forte hausse du chômage.
forte hausse du chômage. L’ampleur de la crise sociale
Cette situation provoque une forte agitation et la multi-
est mise en avant par Le Temps qui évoque le chiffre de
plication des conflits sociaux.
20 millions de sans-travail au Brésil en octobre 1931.
Sur tout le continent, cette situation entraîne une forte La crise de 1929 affaiblit les démocraties et s’accom-
agitation sociale. La multiplication des conflits sociaux pagne d’une multiplication de coups d’État. Au Brésil,
accompagne l’essor des syndicats qui, comme la Confé- Getúlio Vargas prend la tête du pays après un « pronun-
dération générale du travail en Argentine, voient leur ciamento » le 24 octobre 1930, tandis qu’en Argentine,
nombre d’adhérents augmenter fortement. le général Uriburu renverse violemment le président
élu, Hipólito Yrigoyen, le 6 septembre 1930. Partout sur
4. La crise économique et sociale a des conséquences le continent latino-américain, la crise économique ren-
considérables car elle déstabilise profondément les force l’instabilité politique et permet l’émergence de
sociétés et les systèmes politiques. Les années 1930 sont régimes dictatoriaux se réclamant d’un nouveau courant
ainsi marquées par un net recul de la démocratie et par politique en Amérique latine : le populisme.
Parcours 2
Arguments Informations tirées des documents
La diffusion de la crise de 1929 Fermeture des marchés d’exportations
en Amérique latine Fin du système financier international
Ses manifestations économiques Effondrement économique
et sociales Crise financière et abandon de de l’étalon-or
Fermeture des marchés d’exportations et chute des exportations
Baisse des revenus publics et fermeture des grands chantiers
Histoire Tle © Hatier, 2020.

Surproduction
Baisse des salaires
Chômage de masse
Ses conséquences politiques Instabilité politique
Coups d’État
Essor du populisme

1•5 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


pp. 22-23 Point de passage naturelles du pays. Il souhaite aussi mieux aider les per-
sonnes dans la détresse en favorisant l’unification des
Roosevelt et le New Deal aux États-Unis institutions de secours.
Aux États-Unis, la crise entraîne une alternance poli-
2. Roosevelt veut lutter contre le chômage « par un
tique. Le démocrate Franklin Delano Roosevelt accède
recrutement direct du gouvernement » afin de « remettre
à la présidence en mars 1933 après avoir battu le pré-
les gens au travail ». Rompant avec la logique libérale
sident républicain sortant, Herbert Hoover, à l’élection
du marché autorégulé et de l’ajustement automatique
présidentielle de novembre 1932. Appuyé sur son Brain
entre l’offre et la demande de travail, il souhaite donner
Trust, un cercle de conseillers économiques, il élabore
du travail aux chômeurs en les engageant sur des grands
une politique originale de sortie de la crise de 1929 : le
chantiers financés par l’État : les « grand projets ».
New Deal. Remettant en cause les dogmes du libéra-
lisme, il fait de l’État l’un des acteurs majeurs de la lutte 3. S’il reste attaché à l’équilibre budgétaire et au libéra-
contre le chômage de masse. lisme, Roosevelt attribue un rôle central à l’État fédéral
dans la politique de sortie de crise. Par exemple en mai
VIDÉO Roosevelt et le New Deal 1933, il met en place l’Agriculture Adjustment Act pour
Questionnaire favoriser la hausse des prix agricoles par une politique
de contrôle et de restriction de la production. L’État doit
1. Comment expliquer la victoire électorale de Roose- réguler les marchés comme il le fait en juin 1933 avec les
velt à l’élection présidentielle de novembre 1932 contre banques par le Glass Steagall Act, qui instaure une sépa-
le président républicain sortant Herbert Hoover ? ration entre banque d’affaires et banque de dépôt, ou
Le dynamisme de Roosevelt ; le fait que Hoover n’a rien avec le National Recovery Industrial Act qui vise à créer
compris à la crise et que son action a été inefficace les conditions d’une concurrence loyale entre les entre-
contre la crise. prises. La Public Work Administration en juin 1933 permet
2. Quelles sont les deux idées maîtresses du New Deal ? de lancer des grands travaux avec le double objectif de
Soulager les plus fragiles et les plus pauvres ; assurer une moderniser le pays et de donner du travail aux jeunes
répartition plus équitable des revenus et de la fortune et aux chômeurs. Comme l’indique le document 4, plus
nationale. de trois milliards de dollars sont, au total, dépensés par
l’État. Roosevelt est aussi entré dans l’histoire pour avoir
3. Citez les trois objectifs des mesures prises par Roose- posé les fondements de l’État-providence avec la créa-
velt pendant les trois premiers mois de son mandat. tion d’un système d’assurance-chômage et de retraites
Développer la production ; garantir un salaire minimum ; par l’adoption et la mise en application du Social Secu-
définir un niveau maximal de durée de travail. rity Act le 14 août 1935.
4. Relevez les domaines concernés par le New Deal.
4. C’est en 1932-1933 que la crise atteint son apogée
Le domaine bancaire et financier, l’agriculture, la mobi-
aux États-Unis. La situation s’améliore après cette
lisation des ressources nationales et l’aménagement du
date, qui correspond au début du New Deal. À la veille
territoire.
de la Seconde Guerre mondiale, la situation de 1929
5. Pourquoi les réalisations de la Tennessee Valley n’est cependant pas retrouvée, le chômage, les prix et
Authority peuvent-elle être considérées comme la vitrine le commerce international restant encore très en-deçà
du New Deal ? de leur situation initiale (1,5 million de chômeurs en
Car c’est une entreprise considérable qui symbolise 1929, 9,9 millions en 1938). Il faudra attendre la Seconde
la politique des grands travaux ; elle débouche sur la Guerre mondiale et la mise en œuvre du Victory Program
construction de nombreux barrages et d’une voie flu- pour que le pays sorte définitivement de la crise.
viale de plus de 1 000 km.
Synthèse
Réponses aux questions p. 23 Franklin Delano Roosevelt veut lutter contre la crise
économique en relançant l’économie nationale par une
Parcours 1 politique d’investissements massifs qui débouche sur
1. Les objectifs du New Deal sont de « remettre les gens une hausse des prix. Cette politique passe par la mise
au travail », par une action énergique de l’État. Roosevelt en place d’un organisme de planification de l’économie,
veut relancer l’économie nationale par une politique le financement public de grands travaux et la nationa-
lisation des moyens de transport et de communication.
d’investissements massifs qui débouche sur une hausse
Roosevelt veut lutter contre le chômage et redonner des
des prix. Cette politique passe notamment par la mise
Histoire Tle © Hatier, 2020.

salaires et du pouvoir d’achat à la population en recru-


en place d’un organisme de planification de l’économie,
tant les chômeurs sur les grands chantiers mis en place
le financement public de grands travaux et la nationa-
par le gouvernement.
lisation des moyens de transport et de communication.
Dans son discours d’investiture, Roosevelt insiste sur Les réalisations sont nombreuses durant le New Deal.
l’importance de l’aide à apporter aux campagnes et L’État régule le marché, notamment dans le secteur
sur sa volonté de mieux mettre en valeur les ressources bancaire avec le Glass Steagall Act, ou avec le National

1•6 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


Recovery Industrial Act qui vise à créer les conditions pp. 24-25 Point de passage
d’une concurrence loyale entre les entreprises. Roose-
velt met aussi en place l’Agriculture Adjustment Act pour Juin 1936 : les accords Matignon
favoriser la hausse des prix agricoles par une politique en France
de contrôle et de restriction de la production et crée la En France, la crise favorise la victoire électorale d’une
Public Work Administration pour lancer des grands tra- coalition de partis de gauche, le Front populaire, lors des
vaux avec le double objectif de moderniser le pays et de élections législatives d’avril-mai 1936. Alors qu’éclate, à
donner du travail aux jeunes et aux chômeurs. Cette poli- partir du 11 mai, une vague de grèves avec occupation
tique d’aide à l’emploi et aux personnes en difficulté est d’usines inédite dans le pays, représentants du patronat
renforcée par la création du Civilian Corporation Corps et du monde ouvrier signent, à l’invitation du gouverne-
et de la Civil Work Administration. Roosevelt pose aussi ment de Léon Blum, les accords Matignon. Ces accords
les fondements de l’État-providence avec la création amènent de grandes avancées sociales avec le double
d’un système d’assurance-chômage et de retraites par objectif de relancer l’économie par la consommation
l’adoption et la mise en application du Social Security et de redonner confiance en l’avenir. Mais à l’image des
Act le 14 août 1935. 40 heures et des congés payés, ces lois sociales divisent
Le bilan de la politique mise en œuvre par Roosevelt est fortement le pays.
contrasté. C’est en 1932-1933 que la crise atteint son apo-
gée aux États-Unis. La situation s’améliore après cette VIDÉO Le Front populaire
date, qui correspond au début du New Deal. À la veille
de la Seconde Guerre mondiale, la situation de 1929
Questionnaire
n’est cependant pas retrouvée : le chômage, les prix et le 1. Pourquoi la journée du 14 juillet 1935 est-elle déci-
commerce international restent encore très en-deçà de sive ?
leur situation initiale. Il faut attendre la Seconde Guerre Parce que la journée organisée par les partis de gauche
mondiale et la mise en œuvre du Victory Program pour est un succès avec 500 000 manifestants ; elle pousse
que le pays sorte définitivement de la crise. Léon Blum pour les socialistes, Maurice Thorez pour les
communistes et Édouard Daladier pour les radicaux à
Parcours 2
mettre au point un programme commun et une alliance
électorale pour les prochaines élections législatives :
Bilan mitigé c’est le début du Front populaire.
2. Qui prend la tête du gouvernement de Front popu-
laire ? Pourquoi ?
Mise en place Léon Blum car il est le principal dirigeant de la SFIO (le
Régulation Grands travaux d’un parti socialiste) qui a le plus de députés élus lors des
État-providence élections législatives d’avril-mai 1936.
3. En quoi le mouvement social qui se développe à partir
Rôle central
du 11 mai 1936 est-il original ?
de l’État Il se distingue par son ampleur (deux millions de gré-
vistes) et par les occupations d’usines.
4. Montrez l’importance des accords Matignon.
Ces accords transforment les relations de travail avec
Nationaliser l’augmentation des salaires, les contrats collectifs de tra-
Redonner les moyens de
Planification vail et les délégués d’ateliers ; ils préparent les congés
du travail transport et de
communication
payés et les 40 heures.

Réponses aux questions p. 25


Parcours 1
New Deal
1. C’est à la demande de la Confédération générale de
la production française (CGPF), qui le contacte dès le
4 juin, que Léon Blum convoque syndicalistes patronaux
Élection de et ouvriers à Matignon à partir de 15 heures, le dimanche
Histoire Tle © Hatier, 2020.

Roosevelt 7 juin 1936. Les accords Matignon sont donc signés par
trois catégories d’acteurs :
– les représentants de la CGPF, principal syndicat
patronal de l’époque mené par l’industriel de la
Crise de 1929 chimie, René-Paul Duchemin, et Pierre-Ernest Dal-
bouze, dirigeant d’une entreprise de construction

1•7 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


mécanique, centralien et président de l’Association que ces mesures sociales suscitent une forte hostilité,
des présidents de chambre de commerce ; à droite et dans les milieux patronaux en particulier.
– les dirigeants de la Confédération générale du Réforme en trompe-l’œil pour ses opposants, la loi sur les
travail (CGT), principal syndicat ouvrier, soit Léon Jou- 40 heures risque de se retourner contre les travailleurs
haux, René Belin et Benoît Frachon ; en entraînant une augmentation du coût de la vie par
le mécanisme de l’inflation et une hausse du chômage
– les membres du gouvernement de Front populaire,
car les entreprises toujours en activité seront obligées
en premier lieu Léon Blum et deux personnalités
de licencier du fait de l’augmentation du prix de revient.
majeures de son équipe ministérielle : Roger Salengro,
Si elles permettent le retour progressif au travail, les lois
ministre de l’Intérieur, et Charles Spinasse, ministre de
sociales provoquent une radicalisation du monde de la
l’Économie nationale.
petite entreprise.
La signature survient alors que le pays connaît une
vague massive de grèves avec occupation des usines. Ces Synthèse
grèves débutent entre le 11 et le 13 mai au Havre et à Les accords Matignon sont signés dans la nuit du 8 juin
Toulouse, au lendemain de la victoire du Front populaire 1936 à l’hôtel Matignon, siège de la présidence du
aux élections législatives du printemps 1936. Léon Blum, Conseil. Ils sont paraphés par les représentants de la
le principal dirigeant de la SFIO, est président du Conseil Confédération générale de la production française, prin-
depuis le 4 juin 1936. cipal syndicat patronal de l’époque dirigé par l’industriel
de la chimie René-Paul Duchemin, par les dirigeants
2. Les accords prévoient une augmentation des salaires de la Confédération générale du travail (CGT), princi-
de 7 à 15 % et la création, dans les établissements de plus pal syndicat ouvrier, soit Léon Jouhaux, René Belin et
de dix ouvriers, de délégués représentant les salariés Benoît Frachon, ainsi que par Léon Blum, président du
auprès de la direction. L’article 3 rappelle la nécessité Conseil depuis le 4 juin 1936, Roger Salengro, ministre
pour les patrons de respecter la liberté syndicale établie de l’Intérieur, et Charles Spinasse, ministre de l’Écono-
par la loi de 1884 – la loi Waldeck-Rousseau – autorisant mie nationale. La signature survient alors que le pays
la création de syndicats professionnels. L’article princi- connaît une vague de grèves massive avec occupation
pal est l’article 1 qui, rompant avec la logique libérale des usines. Ces grèves débutent entre le 11 et le 13 mai
et individualiste du contrat de travail, légalise l’établis- au Havre et à Toulouse, au lendemain de la victoire du
sement de contrats collectifs de travail par branches Front populaire aux élections législatives du printemps
d’activité. 1936.
3. Le 20 juin 1936, l’Assemblée nationale vote la loi qui Ces accords entraînent des bouleversements importants
institue deux semaines de congés payés annuelles pour dans les relations sociales. Outre une augmentation des
les salariés. Le lendemain, donnant corps à une vieille salaires comprise entre 7 et 15 %, ils appellent les patrons
revendication ouvrière, elle établit la durée maximale à respecter la liberté syndicale établie par la loi du
hebdomadaire de travail à 40 heures, la diminuant de 21 mars 1884 et prévoient la création, dans les établisse-
fait de huit heures par semaine. ments de plus de dix ouvriers, de délégués représentant
les salariés auprès de la direction. L’article principal est
4. Ces lois visent à améliorer les conditions de vie des l’article 1 qui, rompant avec la logique libérale et indi-
ouvriers mais participent aussi du projet économique vidualiste du contrat de travail, légalise l’établissement
du gouvernement de Léon Blum. Ce dernier, refusant la de contrats collectifs de travail par branches d’activité.
déflation et la politique de rigueur privilégiées par ses La signature des accords Matignon est suivie par l’adop-
prédécesseurs, fait le choix de la relance de la production tion de la loi instaurant deux semaines de congés payés
par l’accroissement du pouvoir d’achat. Les augmenta- (20 juin 1936) et de la loi limitant la durée du travail heb-
tions de salaires, les congés payés, mais aussi les grands domadaire à 40 heures (21 juin 1936).
travaux qu’il souhaite mettre en œuvre visent à stimuler
l’activité par la croissance des revenus disponibles. La loi Si l’œuvre du Front populaire est considérable en matière
sur les 40 heures répond plus directement au souci de de réformes sociales, elle suscite des réactions contras-
lutter contre le chômage de masse. Il s’agit, par la réduc- tées dans la société. Accueillie avec enthousiasme dans
tion du temps de travail, de pousser les employeurs à le monde ouvrier, la politique de Léon Blum vise à lut-
recruter et, de fait, d’inciter à une forme de partage du ter contre la crise par une augmentation de la demande.
travail disponible. Elle est jugée catastrophique pour une partie de la droite
conservatrice et par le monde patronal qui pense qu’elle
5. Les deux affiches montrent que les mesures sociales ne fera qu’aggraver les conséquences économiques et
Histoire Tle © Hatier, 2020.

prises par le gouvernement de Léon Blum polarisent sociales de la crise de 1929.


fortement et durablement le pays. Ces mesures donnent
satisfaction aux revendications du monde ouvrier expri-
mées dans le document 5b par l’affiche de la CGT,
syndicat majoritaire créé en 1895, qui légitime la réduc-
tion du temps de travail. L’affiche 5a montre néanmoins

1•8 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


Parcours 2
Le bouleversement des accords Poursuite des réformes et réactions
Le contexte et les acteurs
Matignon de la société
Doc. 1 Les lendemains de la victoire
électorale du Front populaire
Léon Blum
Doc. 2 Grèves massives : Les accords sont signés 4 jours après
9 000 établissements touchés l’accession de Léon Blum au pouvoir
les grèves sont « joyeuses » et
s’accompagnent d’occupations
d’usines
Doc. 3 Représentants de la CGPF Augmentation des salaires Patrons : pas de sanction pour fait
Représentants de la CGT Conventions collectives de grève
Léon Blum et deux membres du Liberté syndicale Ouvriers : appellent à reprise du
gouvernement Délégués ouvriers travail
Doc. 4 Une dizaine de jours après les Deux semaines de congés payés
accords Matignon Maximum de 40 heures de travail
Assemblée nationale hebdomadaire
Doc. 5 Maximum de 40 heures de travail Des mesures sociales perçues
hebdomadaire comme une victoire par les ouvriers
et les syndicats : elles reprennent
d’anciennes revendications
Hostilité de la droite libérale et du
patronat

pp. 28-30 Exercices BAC aussi à la frénésie d’investissement boursier qui touche
la population du fait de la possibilité offerte aux parti-
Analyse de document p. 28 culiers d’acheter des actions à crédit, le remboursement
s’opérant mécaniquement grâce aux gains offerts par la
Introduction hausse anticipée du cours des actions. Les cours de la
Le document est extrait d’un livre publié en 1947 par bourse de New York auraient en effet été multipliés par
Paul Reynaud. L’auteur, né en 1878 à Barcelonnette trois dans la décennie 1920, soit une croissance d’envi-
dans les Basses-Alpes, est alors âgé de 69 ans. Connu ron 12 % par an.
pour avoir été le dernier président du Conseil avant le
S’il ne fait aucune référence aux effets de la Première
maréchal Pétain, qui le remplace le 16 juin 1940, Paul
Guerre mondiale – coût de la guerre pour les États
Reynaud, avocat de profession, est un homme politique
européens, déséquilibres monétaires et budgétaires –,
modéré qui a siégé dans plusieurs ministères sous la
Paul Reynaud signale la surproduction qui touche cer-
IIIe République. Spécialisé dans l’étude des questions
tains secteurs et provoque une chute des prix agricoles
économiques et de défense nationale, il est nommé
et des matières premières à partir de 1925 (l. 5-6) ainsi
ministre des Finances dans le deuxième gouvernement
que les difficultés de certains secteurs, comme l’indus-
Tardieu, de mars à décembre 1930. Ce diplômé de l’École
trie automobile (l. 8), l’une des activités pourtant les plus
des hautes études commerciales doit alors faire face à la
dynamiques depuis le début des années 1920 (la produc-
chute boursière et à la crise financière qui s’ensuit. C’est
tion passe de 2 à 5 millions entre 1920 et 1929).
fort de cette expérience qu’il évoque, dans cet extrait,
les origines mais aussi les conséquences économiques, C’est ainsi dans un ciel où s’amoncellent « les nuages
sociales et politiques de la crise de 1929 aux États-Unis noirs » qu’éclate « l’orage » (l. 7). Au-delà de l’usage de
et dans le monde. cette métaphore climatique, Reynaud reprend à son
compte la chronologie classique qui fait du « Jeudi noir »,
I. Les causes et les débuts de la crise aux États-Unis le jeudi 24 octobre, le début de la crise, omettant néan-
Comme nombre d’observateurs, Paul Renaud souligne moins d’évoquer le record de transactions que connaît
le rôle de la spéculation dans le déclenchement de la Wall Street le mardi 29 octobre : il s’échange alors
crise. Il relève ainsi l’essor du cours des actions entre 16,4 millions d’actions contre 12 millions lors du Black
Histoire Tle © Hatier, 2020.

1927 et octobre 1929, évoquant des « bénéfices prodi- Thursday. Le député du Nord insiste, pour terminer, sur
gieux faits en dormant » (l. 2-3). Son constat renvoie au l’importance des événements de Wall Street. Il parle de
climat d’euphorie qui règne aux États-Unis à la fin des « coup de gong » et n’hésite pas à parler du krach boursier
années 1920, au terme d’une décennie presque ininter- comme d’« un des plus grands événements de l’histoire
rompue de croissance stimulée par le développement du monde » (l. 13). On reconnaît ici l’observateur avisé
des industries automobile, électrique ou chimique, mais de la vie économique et internationale, celui qui, dès

1•9 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


le début des années 1930, alors qu’il était ministre des tour »). Le tournant pris par la politique économique des
Finances, avait alerté l’opinion et la classe politique sur pouvoirs publics et des entreprises aux États-Unis après
la gravité de la crise et plaidé, de manière précoce mais le krach boursier – rapatriement des capitaux investis en
isolée, pour une dévaluation du franc. Amérique latine et en Europe ; fermeture du marché amé-
ricain par le biais de l’adoption du tarif protectionniste
II. Le développement de la crise aux États-Unis
Smooth-Hawley du 17 juin 1930 – a en effet des consé-
À partir de la ligne 13, Paul Reynaud concentre son analyse quences désastreuses pour l’économie internationale. À
sur les conséquences économiques de la crise. Il évoque la fin de l’extrait, Reynaud relève le caractère mondial
ainsi la chute de la production en prenant l’exemple de du chômage de masse. Il le décrit touchant l’ensemble
l’acier (l. 20), l’effondrement des prix (l. 14-15, 21, 24-25) des travailleurs, que ce soit « le planteur du Brésil, l’arti-
mais aussi la chute des exportations qui, comme il le san de Paris et le banquier de Londres » (l. 35-37).
précise, « tombèrent de 5,2 milliards de dollars à 1,6 mil-
liard » (l. 19-20). Le député du Nord mentionne aussi les Paul Reynaud a conscience de la possible traduction
difficultés du secteur financier et bancaire. Il fait allu- politique de cette crise économique et sociale. S’il fait
sion (l. 23-24) aux milliers de banques qui, à l’image de la référence à l’essor d’une violence sociale qui prend par-
Bank of the United States le 11 décembre 1930, ont fait fois la forme de la délinquance (l. 28-29, « Des agressions
faillite, ruinées par la banqueroute des fermiers ou par avaient lieu dans les jardins publics »), il relève surtout la
celle des spéculateurs et des courtiers. En effet près de la radicalisation des fermiers et l’atmosphère de lutte des
moitié des établissements de crédit ferment entre 1930 classes et de guerre civile qui règne aux États-Unis : « La
et 1933, le nombre de banques étant passé de 25 000 à révolution grondait » (l. 28). La menace ne se concrétise
12 000 en trois ans. C’est tout un système qui s’écroule à pas. Mais, alors qu’aux États-Unis la crise permet l’accès
partir d’octobre 1929, le krach boursier entraînant une au pouvoir du démocrate Franklin Delano Roosevelt en
crise financière et bancaire provocant à son tour une 1933, qu’en France elle facilite la victoire électorale du
crise économique générale marquée par la chute des Front populaire en 1936, la dégradation de la situation
ventes et des revenus, une multiplication des faillites économique et sociale est contemporaine de la multi-
industrielles et commerciales et un recul du commerce plication des coups d’État en Amérique latine et de la
international, lui-même accentué par le développement prise de pouvoir par Adolf Hitler en Allemagne en 1933.
de politiques protectionnistes. Comme le laisse entendre Paul Reynaud, la déstabilisa-
tion des économies et des sociétés fait ainsi planer une
Paul Reynaud ne néglige pas les conséquences sociales lourde menace sur des sociétés démocratiques affaiblies.
de la crise de 1929. À l’image d’un John Steinbeck dans
Les Raisins de la colère, il souligne la gravité de la crise Conclusion
dans les campagnes. Les fermiers, ruinés par la chute Observateur privilégié et avisé de la crise de 1929, Paul
des cours agricoles, sont incapables de rembourser Reynaud livre un témoignage d’une grande qualité et
leurs dettes hypothécaires et sont condamnés à assis- d’une grande lucidité sur l’événement. Attentif à ses ori-
ter, impuissants, à la saisie de leurs biens (l. 22-23). De gines américaines, il souligne le caractère systémique et
manière plus générale, le parlementaire insiste sur le mondial d’une crise inédite par son ampleur et ses consé-
chômage de masse qui frappe, sans distinction, l’en- quences économiques, sociales mais aussi politiques.
semble du monde du travail : « Ces deux géants, le
travailleur agricole et le travailleur industriel, se trou- Dans les années 1930, Paul Reynaud, partisan de la déva-
vèrent debout, face à face, les bras croisés, avec à leurs luation, n’a eu de cesse d’alerter la classe politique et
pieds, leurs stocks invendus » (l. 27-28). L’ampleur du phé- l’opinion sur la gravité de la situation et sur les menaces
nomène décrit par l’auteur a été largement commentée qu’elle fait peser sur les démocraties. C’est d’ailleurs aux
par les contemporains mais aussi par les économistes premières loges, en tant que président du Conseil de la
et les historiens. Inédit par son ampleur, le chômage IIIe République, du 22 mars au 16 juin 1940, qu’il assiste
touche aux États-Unis près d’un quart de la population à l’effondrement de la France, victime de la puissance
active en 1933, soit au total 12,6 millions de personnes militaire d’une Allemagne nazie forgée dans le creuset
contre 1,5 million en 1929. La détresse est immense pour de la crise économique et sociale de 1929.
des chômeurs prêts à tout pour survivre, y compris à s’im-
proviser « marchands de pommes dans les rues de New Analyse de documents p. 29
York » (l. 33).
Introduction
III. La crise dans le monde Le dossier comprend deux documents de nature diffé-
Américaine dans ses origines, la crise se diffuse à rente : un extrait du quotidien Paris-Soir et une affiche. Si
Histoire Tle © Hatier, 2020.

l’échelle de la planète. Évoquant la mondialisation de la l’identité du journaliste est inconnue, l’affiche a été réali-
crise (« La crise atteignit le monde entier », l. 35), Paul sée par Léon Blot pour le compte de l’organisation Ordre
Reynaud souligne l’interdépendance des économies et et bon sens, proche de la droite libérale et des milieux
les mécanismes de diffusion de la crise (l. 15-16 : « Autour patronaux. Les deux documents sont contemporains
du globe, les pays agricoles ruinés ne purent acheter des débuts du Front populaire et de la mise en place
les produits des pays industriels qui furent ruinés à leur du gouvernement de Léon Blum. L’article est publié le

1•10 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


lendemain de la signature des accords Matignon, le 8 juin, l’ensemble des mesures sociales prises au mois de
lundi 8 juin 1936 à l’hôtel Matignon, par les représen- juin ont une dimension de lutte contre la crise. Rompant
tants de la CGPF et de la CGT en présence de Léon Blum. avec les politiques des gouvernement précédents qui
L’affiche est quant à elle publiée au lendemain de la avaient privilégié la rigueur et la politique de déflation,
victoire électorale du Front populaire – le second tour Léon Blum envisage de stimuler le retour de l’activité par
a lieu le dimanche 3 mai 1936. Alors que le journaliste une politique de relance de la consommation et par une
de Paris-Soir évoque les réactions, plutôt positives, du dynamique d’embauche liée à la réduction du temps de
gouvernement et du patronat à la signature des accords travail individuel.
Matignon, Léon Blot souhaite alerter l’opinion publique
Cette politique divise néanmoins le pays : les lois adop-
sur les conséquences désastreuses qu’il attend de la mise tées sont en débat.
en œuvre de la politique du Front populaire, notamment
en matière de réduction du temps de travail. II. Des lois en débat
Comment ces documents rendent-il compte de la nou- L’affiche de Léon Blot témoigne, en effet, de la forte hos-
velle politique économique et sociale mise en place en tilité que suscite cette législation économique et sociale
France par le gouvernement du Front populaire de Léon parmi le monde patronal et la droite libérale et conser-
Blum ? vatrice.
L’affiche, qui s’adresse aux travailleurs et est centrée
I. La nouvelle législation sociale du Front populaire
sur les 40 heures, a été réalisée peu de temps après la
Les deux documents font référence à la législation victoire électorale du Front populaire. Elle comprend
sociale adoptée par le gouvernement et la majorité trois parties. En haut à gauche, on distingue un ouvrier
législative de Front populaire. au bord du précipice. Un poing rouge (symbole du com-
L’article rend compte de la signature des accords Mati- munisme) placé dans son dos, représentant la CGT et la
gnon (l. 3-12). Ces accords ont été signés dans la nuit SFIO, pousse le travailleur vers l’abîme. En haut à droite,
du lundi 8 juin par les délégués de la Confédération la réforme des 40 heures est inscrite sur fond de soleil
générale du travail, Léon Jouhaux, René Belin et Benoît couchant, prélude à la nuit et à l’obscurité. En bas, dans
Frachon, représentants du monde ouvrier, et les délé- le précipice, sont inscrits les mots annonciateurs de len-
gués de la Confédération générale de la production demains qui déchantent : « chômage », « misère », « vie
française, représentants du monde patronal. Le texte plus chère », etc.
évoque ligne 5 l’un des quatre délégués patronaux, L’affiche opère une critique sévère de la politique envi-
Étienne Lambert-Ribot, secrétaire général du Comité des sagée par le Front populaire. L’auteur laisse penser
forges, l’un des syndicats les plus puissants de la CGPF, qu’instaurer les 40 heures serait une erreur majeure. Il
qui accompagne René Paul-Duchemin, le président de la affirme que la mesure donnerait certes satisfaction à
CGPF, Pierre-Ernest Dalbouze, président de la Chambre une vieille revendication du monde ouvrier, de la CGT et
de commerce de Paris et de l’Assemblée des présidents de la SFIO. Mais cela se ferait au prix d’une aggravation
de chambres de commerce, et Pierre Richemond. La de la situation économique et sociale des travailleurs du
signature s’est opérée en présence de Léon Blum, chef pays : il évoque donc un « mirage ». Comme l’indique le
du gouvernement, et de deux ministres importants : texte en bas à gauche de l’affiche, Léon Blot voit dans
Charles Spinasse, ministre de l’Économie nationale, et cette proposition la main de Moscou et de l’URSS de Sta-
Roger Salengro, ministre de l’Intérieur. line : « Une fois de plus, fourvoyé par l’Internationale, le
Comme l’affirme l’article (l. 5-8, 12), la négociation a pour travailleur français se laissera-t-il prendre au mirage ? »
objet de permettre la reprise du travail et de mettre fin L’affiche fonctionne ainsi comme une interpellation : elle
au mouvement de grèves avec occupation d’usines qui appelle les ouvriers français à ne pas se laisser trom-
touche le pays depuis la mi-mai. Les accords Matignon per, une nouvelle fois, par les « rouges », qu’ils soient
se traduisent en effet par de nombreuses conquêtes membres de la CGT, communistes ou socialistes.
sociales : hausse de salaires, représentation des salariés Paris-Soir porte un regard plus positif sur les accords
auprès de la direction par des délégués ouvriers, recon- Matignon. Il souligne la satisfaction, légitime, de Léon
naissance du droit syndical, établissement par branche Blum qui, fort de sa victoire électorale, apparaît comme
de conventions collectives. Comme il est précisé dans le le véritable maître d’œuvre des accords. Le nouveau
texte à la ligne 7, une « ère nouvelle » s’ouvre en effet président du Conseil socialiste avait en effet été saisi
dans les relations sociales. dès le 4 juin par les organisations patronales inquiètes
du développement pris par le mouvement de grèves à
De son côté, l’affiche de Léon Blot fait allusion à une
Histoire Tle © Hatier, 2020.

travers le pays. C’est à ce titre qu’il loue « la volonté de


grande revendication du monde ouvrier : celle de la
conciliation » et « l’intelligence dont avait fait preuve le
réduction à 40 heures de la durée maximale hebdoma-
patronat » (l. 13-15).
daire de travail, au lieu des 48 heures en vigueur. La loi
est votée le 21 juin 1936 au lendemain de l’adoption du Plus surprenante est la position de Lambert-Ribot, le
texte sur les deux semaines de congés payés. Comme le représentant du puissant Comité des Forges. Le métal-
montre la présence de Charles Spinasse à Matignon le lurgiste, qui fait référence à l’expérience du New Deal

1•11 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


dans les États-Unis de Roosevelt, a conscience des New York : c’est le « Jeudi noir ». Wall Street connaît
transformations apportées par ces accords dans le fonc- alors un krach boursier retentissant : plus de 12 mil-
tionnement de l’économie nationale et dans les relations lions de titres sont vendus en une journée contre
de travail. Il évoque ainsi deux des principales mesures environ 4 millions par jour habituellement. Le mardi
actées à Matignon : la hausse des salaires ; l’obligation 29 octobre, ce sont de nouveau 16 millions de titres
d’établir des conventions collectives de travail avec défi- qui sont échangés, provoquant un effondrement du
nition de normes minimales de salaires, de congés ou de cours des actions. La crise boursière dégénère en crise
salaires par branche. Il parle, à juste titre, de « conditions bancaire et financière puis en crise économique géné-
de travail différentes » (l. 20), la légalisation des contrats rale.
collectifs rompant avec la logique libérale et individua- La crise se diffuse ensuite sur l’ensemble de la planète
liste qui prévalait jusque-là dans le domaine des relations
professionnelles. Le pragmatisme du représentant de la B. La diffusion dans les pays européens
CGPF, qui comprend « très bien que le gouvernement se Déjà fragilisé par la chute des prix qui touche les mar-
soit comporté dans les circonstances actuelles comme chés agricoles depuis 1925 et par les déséquilibres
il s’est comporté » (l. 22-24), témoigne de la panique qui monétaires et financiers engendrés par la Première
frappe le patronat français face à un mouvement social Guerre mondiale, le monde bascule progressivement
inédit par son ampleur : 12 000 entreprises touchées par dans la crise. Ruinés par le krach boursier, les État-
la grève, 9 000 établissements occupés, deux millions de suniens rapatrient les capitaux investis en Europe
grévistes. C’est en position de faiblesse que la CGPF négo- et ferment leur marché aux produits étrangers par
cie avec un gouvernement et des syndicats de gauche, l’adoption du tarif protectionniste Smooth-Hawley
pour tenter de mettre un terme à la mobilisation ouvrière. (17 juin 1930). Le retrait des capitaux étatsuniens
entraîne les faillites du Kredit-Antstalt en Autriche
On peut néanmoins remarquer que le journaliste de
(11 mai 1931) et de la Danat Bank en Allemagne
Paris-Soir manifeste un optimisme excessif quant à la
(13 juillet 1931). Progressivement tout le continent
suite des événements. Appelant de ses vœux une reprise
européen est touché par les conséquences de la crise
rapide de la vie économique, il envisage la fin des grèves
américaine. Le 21 septembre 1931, le Royaume-Uni
deux à trois jours après la signature des accords (l. 25-31).
renonce à l’étalon-or, décision qui provoque l’ef-
La fin du mouvement a pris beaucoup plus de temps
fondrement du système monétaire international et
puisqu’il a fallu attendre le mois d’août 1936 pour que
accentue le désordre financier international.
les dernières grèves cessent, tandis que des mouvements
sociaux continuent à toucher de manière sporadique le Dans toute l’Europe, le scénario étatsunien se repro-
pays jusqu’en 1937. duit : effondrement des banques et du système
financier, chute de la production et des prix, multi-
Conclusion plication des faillites commerciales et industrielles,
Les deux documents mettent donc en valeur l’im- effondrement du commerce extérieur et montée du
portance de la rupture occasionnée par la nouvelle protectionnisme.
politique économique et sociale mise en œuvre par le C. La diffusion en Amérique latine
gouvernement de Léon Blum à partir du mois de juin
En Amérique latine, la chute des prix et la fermeture
1936. Ils témoignent de la diversité des regards portés
des marchés américains et européens jouent le rôle
sur cette politique mais aussi de la radicalisation qu’elle
central. Elles entraînent un effondrement dramatique
occasionne dans les milieux de la droite conservatrice et
des exportations de matières premières ou de produits
dans le monde patronal.
agricoles alors que ceux-ci constituent l’essentiel de
Si elle ouvre la perspective d’une amélioration des la richesse nationale : café au Brésil, sucre à Cuba,
conditions de vie des ouvriers, si elle permet d’expéri- viande bovine en Argentine… La crise est renforcée par
menter une sortie de crise par le biais d’une politique de les difficultés financières, les États lourdement endet-
la demande, la nouvelle politique économique et sociale tés se trouvant dans l’incapacité de rembourser leurs
polarise durablement la société française entre parti- créanciers.
sans et adversaires, souvent irréconciliables, du Front
populaire. Partie II. … à une crise globale
La crise de 1929 est une crise globale car elle affaiblit
Question problématisée p. 30 considérablement les sociétés et les systèmes politiques.
A. Les conséquences sociales
Partie I. D’une crise mondiale…
Les conséquences sociales sont dramatiques. John
Histoire Tle © Hatier, 2020.

La crise de 1929 est une crise mondiale car elle part des
Steinbeck a immortalisé dans Les Raisins de la colère
États-Unis et se diffuse progressivement à l’ensemble de
la détresse des fermiers étatsuniens ruinés par la
la planète.
chute des prix agricoles et des matières premières.
A. La naissance aux États-Unis Aux États-Unis, un quart de la population active est
Elle débute le jeudi 24 octobre 1929 à la bourse de sans emploi en 1933.

1•12 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


En Amérique latine, l’apparition d’un chômage de cratie. Son déclenchement favorise la multiplication
masse qui touche indistinctement les travailleurs agri- des coups d’État sur le continent américain et la prise
coles et les salariés urbains entraîne une dégradation de pouvoir par Hitler en Allemagne. Aux États-Unis et en
du climat social avec une multiplication des grèves France, elle favorise la prise du pouvoir par des partis de
et des conflits dans les entreprises et les exploita- gauche ainsi que l’expérimentation de politiques écono-
tions agricoles. En Europe comme aux États-Unis, les miques originales fondées sur l’intervention économique
marches de chômeurs, qui se multiplient, témoignent et sociale de l’État.
de la détresse d’un monde du travail durement affecté Déstabilisant profondément et durablement les écono-
par la réduction massive de l’emploi. mies, les sociétés et les systèmes politiques, la crise de
1929 a souvent été analysée par les historiens comme
B. Les conséquences politiques
une étape décisive dans la marche du monde vers la
En Amérique et en Europe, le contexte économique et Seconde Guerre mondiale.
social favorise la prise de pouvoir par la gauche. Aux
États-Unis, le démocrate Franklin Delano Roosevelt
p. 31 Sujet blanc
remporte l’élection présidentielle en novembre 1932
tandis qu’en France, les élections législatives du prin-
temps 1936 portent au pouvoir le gouvernement de
Première partie : question problématisée
Front populaire dirigé par le socialiste Léon Blum. Le devoir peut être organisé en trois parties autour de
En Amérique latine, la crise économique et sociale trois idées principales.
affaiblit la démocratie. Elle favorise l’émergence
Partie I. Les modalités d’entrée dans la crise sont
d’une nouvelle idéologie politique, le populisme, ainsi différentes
que la multiplication des coups d’État, sur le modèle
Aux États-Unis, la crise est d’origine endogène. Elle
de celui organisé au Brésil par Getúlio Vargas qui
débute à Wall Street, puis la crise boursière devient
prend la direction du pays avec le soutien de l’armée
financière et bancaire et gagne l’ensemble de l’écono-
le 24 octobre 1930.
mie.
La crise économique et sociale a des effets encore plus
dramatiques en Allemagne où elle permet l’accession En Amérique latine, la crise est exogène puisqu’elle est
au pouvoir en janvier 1933 d’Adolf Hitler, représentant importée. L’Amérique latine est très dépendante des
du NSDAP, parti qui ne réalisait que des scores mar- marchés extérieurs pour vendre ses produits agricoles
ginaux aux élections législatives avant le début de la et ses matières premières mais aussi pour financer ses
crise. projets. La crise est donc essentiellement déclenchée
par la montée du protectionnisme, la désorganisation du
C. De nouvelles politiques économiques et sociales système financier international et le départ des capitaux
La crise débouche sur une remise en cause du libéra- britanniques et étatsuniens.
lisme économique. Aux États-Unis, Roosevelt met en
Partie II. Les conséquences économiques et sociales de
place la politique de New Deal. L’État est mobilisé
la crise se ressemblent mais présentent des différences
pour réguler le marché, relancer l’activité et fournir
importantes
des emplois et des revenus aux travailleurs touchés
par la crise. En France, le gouvernement de Léon Aux États-Unis et en Amérique latine, les conséquences
Blum prend une série de mesures sociales qui visent économiques de la crise sont dramatiques : effondrement
à améliorer les conditions de vie des ouvriers tout en de la production, faillites commerciales et industrielles,
recul du commerce extérieur, crise financière et ban-
augmentant la capacité de consommation de la popu-
caire.
lation.
Les conséquences sont tout aussi dramatiques au niveau
Conclusion
social : chômage de masse accompagné d’une paupé-
La crise de 1929 est donc bien une crise mondiale et glo- risation des populations qui perdent progressivement
bale. leurs sources de revenus.
Au lendemain du krach boursier de Wall Street, le jeudi On peut néanmoins noter que les conséquences de la
24 octobre 1929, elle se diffuse progressivement sur l’en- crise sont plus marquées dans les campagnes d’Amé-
semble de la planète, atteignant le maximum d’intensité rique latine dans la mesure où l’économie y est plus axée
en Amérique latine et en Europe. sur la production de biens agricoles et l’exploitation des
Les conséquences de la crise de 1929 sont autant produits miniers.
Histoire Tle © Hatier, 2020.

sociales que politiques. La chute des cours des matières Les conséquences politiques diffèrent aussi. Si aux États-
premières et des produits agricoles ruine les paysans Unis la crise économique favorise la victoire de Roosevelt
tandis que la multiplication des faillites commerciales et de la gauche, en Amérique latine elle s’accompagne
et industrielles entraîne un essor du chômage de masse. d’une multiplication des coups d’État. La démocratie
En Amérique latine et en Europe, la dégradation de la reste solide aux États-Unis, mais elle vacille dans un
situation économique et sociale met en péril la démo- continent latino-américain tenté par les dictatures.

1•13 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux


Partie III. Les solutions adoptées ont des points Il évoque certains aspects de cette nouvelle politique :
communs mais divergent par leur ampleur « plan de conversion des terres pauvres et inutilisées… »
Aux États-Unis et en Amérique latine, le libéralisme est (l. 15), « reforestation » (l. 20).
mis en cause et l’État fortement mobilisé pour sortir de
Conclusion
la crise.
Le discours de Roosevelt a porté puisqu’il remporte une
En Amérique latine, les gouvernements rompent avec la large victoire lors de l’élection présidentielle de novembre
logique du développement extraverti axé sur les cultures 1932 (57,4 % des voix contre 39, 6 % pour Hoover).
d’exportation. Ils s’efforcent de favoriser la naissance
d’industries nationales dans le cadre de politiques de Roosevelt va mettre en œuvre la politique annoncée
substitution aux importations. Pour canaliser les mouve- avec des résultats contrastés. La situation s’améliore
ments sociaux qui se multiplient, ils s’efforcent d’intégrer après 1933 mais à la veille de la Seconde Guerre mon-
les classes populaires par l’exercice d’un contrôle de diale, la situation de 1929 n’est pas retrouvée.
l’État sur les syndicats (Brésil) ou par la création de partis
politiques populistes, proches du gouvernement (Argen- p. 33 Révisions
tine, Colombie).
Les États-Unis se distinguent par l’ampleur de la poli-
Répondre et mémoriser
tique du New Deal mise en place par Roosevelt. L’État 1. Qu’est-ce que le « Jeudi noir ? »
régule le marché, finance des grands travaux pour don- Le jeudi 24 octobre 1929, jour où a eu lieu le krach bour-
ner du travail à la population et met en place l’embryon sier à Wall Street.
d’un État-providence
2. Quels mécanismes entraînent la diffusion de la crise
dans le monde ?
Deuxième partie : analyse de document Le système boursier occidental ; le retrait des capitaux
Introduction américains et britanniques ; la montée du protection-
nisme aux États-Unis ; la fin du système de l’étalon-or.
Il faut présenter Franklin Delano Roosevelt, faire remar-
quer que c’est un discours prononcé lors de la campagne 3. Citez quatre pays particulièrement touchés par la crise
présidentielle de 1932, trois années après le déclenche- dans le monde.
ment de la crise. Les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Brésil.
L’analyse peut se mener en deux parties autour de deux 4. Quelle est la principale conséquence sociale de la
idées principales : crise ?
I. La crise de 1929 plonge les États-Unis dans une L’apparition d’un chômage de masse.
situation économique et sociale désastreuse 5. Donnez la définition de « coup d’État ».
l. 6 à 12 : Roosevelt évoque les mécanismes de la crise Renversement d’un pouvoir politique légitime de
économique ; vous pouvez faire remarquer qu’il n’évoque manière illégale.
pas ici le krach boursier.
6. Quel rôle économique doit jouer l’État selon Roose-
Il fait référence aux conséquences sociales de la crise
velt ?
dans les campagnes : l. 14-17, il parle de « sans-emplois »,
L’État doit être très actif en régulant le marché et en
de « fermes abandonnées ».
finançant des grands travaux pour moderniser le pays et
II. La crise de 1929 doit pousser les dirigeants à mettre donner du travail aux chômeurs.
en œuvre des solutions nouvelles et volontaristes : 7. Quel bilan peut-on établir du New Deal ?
l’annonce du New Deal Un bilan contrasté car la situation s’améliore après 1933
Roosevelt note que les questions économiques sont un mais, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les
enjeu majeur de l’élection présidentielle de 1932 (l. 5-6). États-Unis n’ont pas retrouvé la situation économique et
Il critique la politique libérale, injuste et rétrograde sociale qui existait avant la crise.
selon lui, de son adversaire républicain, le président sor-
8. En quelle année la France est-elle touchée par la
tant Herbert Hoover (l. 2-4).
crise ?
Il annonce le New Deal (l. 30-33) qu’il présente comme La crise est relativement tardive puisqu’elle ne touche la
une « croisade ». France qu’à partir de 1931.
La gravité de la situation est telle qu’il invite, usant d’une 9. Comment se nomment les accords signés entre le
Histoire Tle © Hatier, 2020.

rhétorique guerrière, les Américains à « prendre les patronat et le monde ouvrier en France le 8 juin 1936 ?
armes ». Ce sont les accords Matignon.
Il met en avant sa différence avec Hoover et les républi- 10. Citez trois avancées sociales votées par le Front
cains : « Oui, j’ai un programme très clair pour créer de populaire en 1936.
l’emploi… » (l. 23) puisque l’État va jouer un rôle central Les conventions collectives, les deux semaines de congés
dans l’emploi. payés, la semaine de travail de 40 heures.

1•14 CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux

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