Vous êtes sur la page 1sur 1

 Édition: France  Faire un don Recevoir nos newsletters Devenir auteur S'inscrire en tant que lecteur Connexion

 Rechercher...

L’expertise universitaire, l’exigence journalistique

Culture Économie + Entreprise Éducation Environnement International Politique + Société Santé Science Podcasts En anglais

Transition écologique : et si les


entreprises faisaient le choix de
la coopétition ?
Publié: 24 avril 2023, 12:28 CEST

auteurs

Anne-Sophie Fernandez
Maître de conférences HDR en
stratégie, Université de
Montpellier

Audrey Rouyre
Assistant Professor en
Management Stratégique,
Montpellier Business School

Paul Chiambaretto
Professeur Associé et directeur
de la Chaire Pégase, Montpellier
Business School

Déclaration d’intérêts

Paul Chiambaretto est le directeur de la


Chaire Pégase, une chaire de recherche co-
financée par des acteurs aériens dont Air
France et le Groupe ADP. Néanmoins, aucune
de ces organisations ne pourrait tirer profit de
cet article.

Le programme de satellites MTG a été développé entre plusieurs concurrents et fournit des données météorologiques pour Anne-Sophie Fernandez et Audrey Rouyre ne
lutter contre le changement climatique. ESA, CC BY-SA travaillent pas, ne conseillent pas, ne
possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de
fonds d'une organisation qui pourrait tirer
profit de cet article, et n'ont déclaré aucune
 Adresse « I have a tall cappuccino for John… ». Une phrase que John
autre affiliation que leur poste universitaire.
électronique
entend tous les matins dans son Starbucks de Palo Alto, avant de
 Twitter 3
sauter dans sa Tesla pour se rendre au travail à San Francisco. Partenaires
 Facebook 12
Une routine tellement naturelle que John en oublierait presque
 Linkedin
que son café comme sa voiture sont le résultat d’une stratégie
 Imprimer
entrepreneuriale contre nature : la coopétition, mot-valise qui
associe coopération et compétition.

Le gobelet que John insère dans le porte-gobelet de sa voiture


résulte d’une collaboration entre McDonalds et Starbucks qui,
bien que grands concurrents sur la restauration rapide et la vente
de boissons à emporter, sont étroitement associés dans leur
Université de Montpellier et Montpellier
politique de réduction des déchets liés aux emballages Business School fournissent des
financements en tant que membres adhérents
alimentaires. De même, la Tesla que John conduit sur les routes
de The Conversation FR.
californiennes est construite à partir de nombreuses pièces et
technologies issues de concurrents féroces de Tesla, tels que Voir les partenaires de The Conversation
France
Daimler ou Toyota.

L’idée que la coopétition, c’est-à-dire les alliances entre des


entreprises concurrentes, permet de développer de nouvelles
innovations, est une idée assez répandue. Pour autant, comme Nous croyons à la
nous l’expliquons dans un ouvrage, résumer les apports de la libre circulation de
coopétition à la simple création de valeur économique ou l'information
financière s’avère réducteur. Depuis une dizaine d’années, Reproduisez nos articles
gratuitement, sur papier
différents travaux en sciences de gestion ont montré comment
ou en ligne, en utilisant
pareilles stratégies permettent de développer non seulement de notre licence Creative
la valeur économique, mais aussi de la valeur sociétale et Commons.

environnementale. Développer l’usage de ces stratégies semble


Republier cet article
néanmoins requérir des évolutions du droit européen.

Quand mutualiser rime avec efficacité


Définir ce qu’est une innovation verte n’est pas toujours aisé et
deux approches complémentaires peuvent être envisagées : par
le produit et par le processus de conception.

Des analyses de qualité chaque jour dans vos mails,


gratuitement.

S’abonner

La première consiste à appliquer le qualificatif « vert » si le


produit conçu est plus respectueux de l’environnement que les
produits existants. Dans cette logique, une voiture électrique
(comme la Tesla de John) peut être considérée comme une
innovation verte puisqu’elle pollue moins qu’une voiture
alimentée par des énergies fossiles.

Le développement d’un produit plus vert représente une


innovation souvent plus radicale et plus risquée qu’une
innovation non verte. Pour développer de telles innovations, les
ressources et les compétences d’une entreprise seule souvent ne
suffisent pas. Il paraît alors nécessaire de faire appel à l’expertise
de tout un secteur. C’est ainsi que des entreprises concurrentes
sont amenées à mutualiser leur savoir-faire, leurs technologies et
leurs connaissances pour développer de nouveaux standards
verts au sein de leurs industries.

Pour assurer la transition écologique de l’aéronautique, par


exemple, onze concurrents parmi lesquels Airbus, Dassault
Aviation ou Saab se sont alliés pour créer le réseau Cleansky qui
comprend 54 entreprises de toutes tailles, ayant pour but
d’inventer et de produire les futurs avions verts de demain.
Toujours dans le secteur aérien, l’entreprise CFM International,
qui est une joint-venture entre deux motoristes concurrents,
Safran et General Electric, a réussi à développer des moteurs à
réaction réduisant de plus de 15 % les émissions de dioxyde de
carbone et de 50 % les émissions de dioxyde d’azote. Ni Safran ni
General Electric n’était capable de développer seule ces nouvelles
technologies vertes. Dans le secteur spatial que nous avons
étudié, MTG a été développée par les deux leaders de la
construction de satellites, Thales Alenia Space et OHB, dans le
but de suivre les évolutions météorologiques et potentiellement
prévoir les futures catastrophes naturelles.

Le turboréacteur LEAP codéveloppé par Safran et General Electric s’avère moins gourmand en
carburant. KGG1951/Wikimedia, CC BY-SA

La seconde approche s’intéresse, quant à elle, au processus


permettant de produire le même produit final : est-il moins
consommateur de ressources ? Une nouvelle voiture essence ou
diesel peut, dans cette perspective, être considérée comme une
innovation verte si sa construction nécessite moins d’énergie ou
consomme moins de ressources que celle des modèles
concurrents.

Mutualiser des chaînes de production ou chaînes logistiques


concurrentes peut ainsi s’avérer efficace. C’est la stratégie adoptée
par Nestlé au milieu des années 2000 en coopérant avec Pladis,
un de leurs concurrents au Royaume-Uni, pour réaliser leurs
livraisons en commun. Avec comme slogan « We compete on the
shelf, not in the back of a lorry » (« Nous sommes concurrents
dans les rayons, pas au fond d’un camion »), les deux groupes ont
réussi à économiser en moyenne chaque année 28 000 km de
livraisons, soit 95 000 litres de carburants et 250 tonnes de CO2.

Pour des entreprises de toute taille


Il n’y a pas que les grands groupes qui soient concernés. Comme
nous le montrons dans nos travaux, de nombreuses start-up et
PME s’associent avec des concurrents pour renforcer leur
capacité d’innovation. Il en va souvent de leur survie car, étant
plus petites, ces entreprises n’ont pas toujours les ressources
suffisantes pour développer des produits et les mettre sur le
marché.

Chaque lundi, que vous soyez dirigeants


en quête de stratégies ou salariés qui
s’interrogent sur les choix de leur
hiérarchie, recevez dans votre boîte mail
les clés de la recherche pour la vie
professionnelle et les conseils de nos
experts dans notre newsletter thématique
« Entreprise(s) ».

Abonnez-vous dès aujourd’hui

Il en est de même pour les enjeux liés à la RSE et à la transition


écologique. Les PME aimeraient bien se saisir de ces enjeux,
d’autant plus que leurs clients et leurs parties prenantes y sont de
plus en plus sensibles. Compte tenu de leurs ressources limitées,
elles doivent cependant souvent réaliser des arbitrages qui les
poussent à prioriser leurs activités opérationnelles courantes au
détriment de leurs engagements environnementaux.

Coopérer avec des concurrents peut alors leur permettre d’avoir


les ressources nécessaires pour à la fois continuer leurs activités
tout en s’engageant dans une démarche RSE ou de transition
écologique. En Afrique du Sud, plusieurs petits vignobles
concurrents qui n’avaient pas les capacités de développer leur
propre filière de recyclage de leurs bouteilles ont ainsi
collectivement agi pour développer des solutions pour recycler le
verre et limiter le gaspillage de ressources.

Grands groupes et PME peuvent aussi interagir. Par exemple,


Nestlé Waters et Danone, tous deux concurrents dans la
distribution de boissons, ont décidé en 2017 de s’allier et
d’investir dans la petite start-up californienne Origin Materials
qui développe des bouteilles en plastique intégralement issu de
ressources durables et renouvelables.

Des évolutions législatives nécessaires


Si la coopétition est vertueuse et permet d’accompagner les
entreprises dans leur transition écologique, pourquoi ne trouve-
t-on pas plus d’entreprises qui s’engagent dans cette voie ?

Une première raison tient aux tensions générées par ces


stratégies paradoxales. En effet, coopérer et être en concurrence
en même temps génère des tensions dont il est souvent difficile
de faire abstraction. Notre étude sur l’industrie spatiale suggère,
en la matière, qu’une une attention particulière devrait être
portée sur le partage et la protection d’informations.

Au-delà, il existe toujours une certaine forme d’incertitude quant


à la légalité de ces alliances entre concurrents. L’article 101 du
Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne considère
comme « incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous
accords entre entreprises, toutes décisions d’associations
d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles
d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour
objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le
jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur ».

Or, il n’est pas toujours aisé de prouver qu’un accord de


coopétition ne risque pas de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence. Lorsque nous nous sommes intéressés au secteur
immobilier en Europe, nous avons ainsi observé que les
stratégies de coopétition peuvent amener à une hausse des prix
des biens, réduisant ainsi le pouvoir d’achat des clients, mais
apportant plus de valeur pour les vendeurs.

C’est pourquoi dans l’Union européenne, mais aussi en Australie,


les régulateurs réfléchissent de plus en plus à intégrer de manière
explicite des exemptions permettant d’éviter que le droit de la
concurrence n’empêche des concurrents de travailler
conjointement si l’accord permet d’accélérer la transition
écologique des entreprises en question.

L’équilibre à trouver entre droit de la concurrence et droit de


l’environnement reste néanmoins subtile, par exemple lorsque
s’associent compagnies aériennes et leurs concurrents
ferroviaires. Une évolution du cadre légal semble en tout cas
nécessaire pour accompagner une évolution des pratiques des
entreprises face à l’ampleur du défi environnemental qui les
attend.

 entreprises environnement concurrence coopétition transition écologique droit européen

« Entreprise(s) »

Soutenez The Conversation


Crise énergétique, inflation, récession qui se profile... La
situation économique se caractérise par l'émergence de
nouveaux enjeux essentiels, aussi bien pour les États que
pour les entreprises. Pour mieux les comprendre, continuez
à nous soutenir et faites un don !

Faire un don

Thibault Lieurade
Chef de rubrique Economie + Entreprise

Vous aimerez aussi

Fin de la voiture La coopétition, voie La coopétition dans les Quand


thermique : la incontournable de la vins d’Auvergne : pour le réindustrialisation et
concurrence, un réussite spatiale meilleur et pour le pire ? coopétition vont de pair
impératif pour atteindre française et européenne dans le monde
l’objectif européen des chaussures de sport

0 Commentaires

Les commentaires sont ouverts sur certains articles et doivent être


conformes à notre charte de participation

Notre audience Vous voulez écrire ?

Le réseau global The Conversation a une audience mensuelle de 18 millions de Écrivez un article et rejoignez une communauté de plus de 173 600 universitaires
lecteurs et une audience globale de 42 millions à travers les republications sous et chercheurs de 4 788 institutions.
la licence Creative Commons.
Enregistrez-vous maintenant

Ce que nous sommes Faire un don


Notre équipe Nos institutions membres
Nos valeurs Kit de communication pour les
Charte éditoriale institution membres

Règles de republication Événements

Recevoir nos newsletters Transparence financière

Nos flux Contactez-nous

Politique de confidentialité Préférences de consentement Mentions légales Droits d'auteur © 2010–2023, The Conversation France (assoc. 1901)

Vous aimerez peut-être aussi