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Livre 2
La Nouvelle Messe de Paul VI
Chapitre 1
Publication du Novus Ordo Missae.
3 avril 1969
Bref examen critique.
Le rôle de Cristina Campo
En attendant celle-ci, (cette nouvelle création) les évêques devaient : « prendre des initia-
tives, proposer des adaptations et des expériences, etc. », sous peine, par « immobilisme
», d’être débordés par des expérimentations individuelles et arbitraires ». (Bugnini, conf.
de presse, 4 janvier 1967). De cette subversion, nous en avons donné un aperçu dans le
livre I.
Cet esprit « nouveau » commença à susciter des oppositions.
Section I: Les réactions
Contre cette « révolution permanente » dans la liturgie, encouragée « d’en haut » et sti-
mulée par la « base », va s’élever Mgr Lefebvre soutenu par m. l’abbé Dulac dans le
Courrier de Rome… et beaucoup d’autres encore: M l’abbé Coache, l’abbé de
Nantes….et parmi les laïcs, M Jean Madiran…avec sa fameuse revue: Itinéraires.
(NB: Sur ce sujet, voir l’étude de M l’abbé Celier sur les figures sacerdotales de cette
résistance en France. Faire également une présentation du Mgr de Castro Mayer. Voir
ITEM).
Le 21 octobre 1967 s’ouvre le synode des évêques : on y apprend que le père Bugnini,
secrétaire du Concilium, va venir présenter sa « messe normative », ébauche « d’une nou-
velle messe ».
Elle va appliquer, dans sa logique inexorable, Sacrosanctum concilium, qui prévoit des «
rites d’une brièveté remarquable » (n° 34), une « lecture de l’Écriture sainte plus abon-
dante » (n° 35), la prétendue remise en ordre logique de l’Ordo missae, la suppression des
« doublets introduits au cours des âges » (n° 50) – l’offertoire sacrificiel en est un : ne
fait-il pas double emploi avec la consécration qu’il anticipe illogiquement selon le Père
Bugnini – « le rétablissement de certaines choses disparues » (n° 50), comme la prière
universelle etc.
En outre cette messe normative, ainsi nommée parce qu’elle doit devenir la norme des
rites de toutes les célébrations de la messe rénovée, est conçue à dessein comme une «
célébration avec assistance de peuple », dépréciant ainsi la valeur essentielle de la messe,
indépendante du concours de fidèles, rappelée par le concile de Trente (DS 1747, 1758)
et l’Encyclique de Pie XII : « Mediator Dei »
Mgr Lefebvre voit aussitôt le danger. De son collaborateur, le père Gérald Fitzgerald
(CSSP), il obtient un article, «A propos de la messe normative » qui, retouché par l’ar-
chevêque, est à la hâte polycopié et distribué en sous-mains aux pères synodaux avant la
séance du 24 octobre.
« La messe normative y conclut le prélat, ou ce qui sert de base à la réforme liturgique, ne
peut pas être celle qui comporte la participation des fidèles, cette participation étant acci-
dentelle et non essentielle à la messe »
L’effet Lefebvre fut appréciable. La majeure partie des Pères, reconnaît le Père Bugnini,
se rendit à la Sixtine, le 24 octobre, « avec un esprit prévenu et mal disposé », pour assis-
ter à une messe de type « normatif » célébrée en italien par le « liturge » lui-même : rite
d’accueil, brève cérémonie pénitentielle commune, Gloria, trois lectures, Credo, prière
universelle, très brèves prières de « déposition des dons », canon entièrement nouveau,
paroles de consécration modifiées, signes de Croix et génuflexions réduits, etc. (DC
1506,2077)
Aussitôt en signe de protestation, plusieurs évêques, dont Mgr Slipyj, quittent la chapelle.
« L’expérience n’avait pas réussi, avoue Bugnini, elle produisait même l’effet contraire,
pesant sur les votes en un sens négatif. »
En entendant cette conférence qui dura une heure, raconte Mgr Lefebvre, il se disait : «
Ce n’est pas possible que ce soit cet homme-là qui ait la confiance du Saint Père, que ce
soit lui que le pape ait choisi pour faire la réforme de la liturgie » ! Nous avions devant
nous un homme qui piétinait la liturgie ancienne avec mépris, une désinvolture inimagi-
nable. J’étais effondré, et moi qui prends assez facilement la parole, comme je l’avais fait
au Concile, je ne me suis pas senti le courage de me lever. Les mots s’étouffaient dans
ma gorge ». « Cependant, deux Supérieurs généraux se levèrent. Le premier dit : « Mon
Père, si je comprends bien, après avoir supprimé le Confiteor, l’offertoire, raccourci le
Canon etc., une messe privée va durer dix à douze minutes » ! Le Père Bugnini répondit :
« On pourra toujours ajouter quelque chose ! » On voyait le peu de cas qu’il faisait de la
messe et de la manière de la dire, du peu de cas qu’il faisait de la Tradition, du respect
qu’on lui doit…
« Le second, un abbé bénédictin intervint : « La participation active, est-ce une participa-
tion corporelle, ou bien spirituelle ? – la bonne question – « La messe normative est pré-
vue pour une assistance de fidèles, mais nous bénédictins, qui disons nos messes sans
fidèles, qu’allons-nous faire maintenant ? » Voici la réponse que fit Bugnini : «A vrai
dire, on n’y a pas pensée ! » – cela dit bien l’ambiance de cette réforme ». (Fideliter n° 85
p. 13)
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(1) C’est le témoignage formel du Cardinal Stickler. Il en parle clairement dans la confé-
rence qu’il donnait en Autriche et publié dans le petit livre du CIEL.
Voici son témoignage : Cf Mon livre « L’enjeu de l’Eglise : la messe. Livre 5 chapitre 1
le cardinal Stickler)
« Je lui demandais une audience dans son logement au monastère bénédictin de l’Aven-
tin, audience qu’il m’accorda le 19 novembre 1969. Je ferai remarquer en passant que,
dans ses mémoires parus en 1983, Mgr Bugnini fait erreur sur la date de la mort de Mgr
Gut, l’avançant d’un an : Mgr Gut est mort le 8 décembre 1970 et non 1969. « Mgr Gut
me reçut très aimablement, bien qu’il fût visiblement malade et, comme l’on dit, j’ai pu
déverser tout ce que j’avais sur le cœur. Il me laissa parler une demi-heure sans m’inter-
rompre, puis il me dit qu’il partageait entièrement mes inquiétudes. Mais, ajouta-t-il, la
faute n’en incombait pas à la Congrégation des Rites : en effet, toute la réforme était
l’œuvre du « Consilium » constitué expressément à cette fin par le Pape, dont il avait
nommé le Cardinal Lercaro, Président, et le père Bugnini, Secrétaire. Dans ses travaux,
ce conseil n’avait eu de comptes à rendre qu’au Pape ».
C’est là qu’il donne son jugement sur Mgr Bugnini. Il faut le lire, ce n’est pas sans inté-
rêt:
«A ce sujet, une précision s’impose: le Père Bugnini avait été Secrétaire de la Commis-
sion sur la liturgie pendant la période préparatoire du Concile. Comme son travail, effec-
tué sous la direction du Cardinal Gaetano Cicognani, n’avait pas été jugé satisfaisant, il
fut le seul à ne pas être promu Secrétaire de la Commission conciliaire correspondante:
cette fonction fut attribuée au P. Antonelli, 0.F.M, ultérieurement nommé Cardinal. Le
groupe des liturgistes, d’inspiration plutôt moderniste, fit valoir à Paul VI qu’il s’agissait
là d’une injustice faite au Père Bugnini et obtint du nouveau Pape — qui était très sen-
sible à ce genre de choses — qu’en compensation de cette injustice, le père Bugnini fut
nommé Secrétaire du nouveau Consilium chargé d’opérer la réforme. Ces deux nomina-
tions — celle du Cardinal Lercaro et celle du P. Bugnini — aux postes clefs du Conci-
lium offrirent la possibilité de se faire entendre, pour l’exécution de la réforme, à des
gens qui jugeaient ne l’avoir pas suffisamment été pendant le Concile, et aussi d’en faire
taire d’autres: en effet, les travaux du Concilium se déroulaient dans des zones de travail
non accessibles aux non-membres. Et pourtant, bien qu’ils se soient consacrés corps et
âme aux travaux énormes et délicats réalisés par le Concilium, notamment sur le cœur
même de la reforme — à savoir le nouvel Ordo Missale Romanum qui fut réalisé dans les
délais les plus brefs — seul l’avenir nous expliquera pourquoi les deux principaux acteurs
sont visiblement tombés en disgrâce : le Cardinal dut renoncer à son siège épiscopal, et le
Père Bugnini, nommé Archevêque dès 1968 et nouveau Secrétaire de la Congrégation des
Rites, ne reçut pas la pourpre Cardinalice qui accompagne une telle fonction : il avait été
nommé nonce à Téhéran lorsque, suite à une opération, la mort vint interrompre son acti-
vité terrestre, le 3 juillet 1982 ».
On savait que c’était Mgr Bugnini qui avait demandé la présence de six pasteurs protes-
tants comme observateurs pendant les séances plénières du Concilium. Bugnini n’avait-il
pas retouché, dès 1965, les oraisons solennelles du Vendredi Saint « en écartant, disait-il,
toute prière qui pourrait constituer ne serait-ce que l’ombre d’un risque d’achoppement
ou de déplaisir » pour les frères séparés.
Ferdinando Antonelli écrivait de même : (1) « Je pourrais en dire beaucoup sur cet
homme. Je dois ajouter qu’il a toujours été soutenu par Paul VI. Sa faille la plus notable
est le manque de formation et de sens théologique »
(1) : Le témoignage du cardinal Fernando Antonelli, membre du Concilium dans mon
livre « le combat de la messe ».
Il est très utile de rappeler le témoignage du père Fernando Antonelli, futur cardinal de
l’Eglise. Il fut membre du « Concilium », « Concilium » qui exista jusqu’à la publication
du « Novus Ordo Missae ». Il fut présidé par le cardinal Lercaro. Son secrétaire fut Mgr
Bugnini.
Comme membre de ce « Concilium », le cardinal Antonelli nota, au jour le jour, ses im-
pressions. Le père Nicolas Giampietro, capucin, vient de réunir dans un livre tous ses
écrits inédits.
Son jugement est terrible.
Le 23 juillet 1968, il notait : « Ce dont souffre le plus vivement tout le « Concilium »,
c’est le manque de théologiens. On dirait qu’ils ont été exclus. Et. C’est là un aspect dan-
gereux (…) Ce qui est triste pourtant (…) c’est une donnée de fond, une attitude mentale,
une position pré-établie, à savoir que beaucoup de ceux qui ont influé sur la réforme (…)
et d’autres, n’ont aucun amour, aucune vénération pour ce qui a été transmis. Ils n’ont, au
départ, aucune estime pour tout ce qui existe actuellement. Un esprit négatif, injuste et
nuisible. Hélas le pape Paul VI lui-même, est un peu de ce côté. Ils ont peut-être les
meilleures intentions mais avec cet esprit, ils sont poussés à démolir plus qu’à restaurer ».
Quel témoignage !
Il témoignera encore disant de cette réforme qu’elle est une « étude toute rationnelle de la
liturgie et aucun souci de la vraie piété. Je crains qu’un jour, on ne doive dire de toute
cette réforme ce qui a été dit de la réforme des hymnes au temps d’Urbain VIII : accepit
latinitas reccessit pietas ; et ici, accepit liturgia recessit devotio. J’aimerais me tromper ».
On comprend alors le jugement que le cardinal s’est permis d’écrire dans ses mémoires
sur le Père Bugnini: « A propos du Père Bugnini : j’aurais beaucoup à dire sur cet
homme. Je dois ajouter qu’il a toujours été soutenu par Paul VI. Je ne voudrais pas me
tromper, mais la lacune la plus notable chez le Père Bugnini, c’est le manque de forma-
tion et de sensibilité théologiques. Manque et lacune grave parce que dans la liturgie,
chaque mot, chaque geste traduisent une idée qui est une idée théologique. J’ai l’impres-
sion qu’on a fait beaucoup de concession en matière de sacrements surtout, à l’esprit pro-
testant ».
c- Mgr Cesario D’Amato, abbé de Saint Paul hors les Murs
Par ailleurs, Mgr Lefebvre avait entendu Mgr Cesario D’Amato, abbé de Saint Paul hors
les Murs, à Rome, lui dire : « Mgr, ne me parlait pas du père Bugnini, j’en sais trop sur
lui, ne me demandez pas ce qu’il est ! »
Et sur l’insistance du prélat, l’abbé reprit : « Je ne puis pas vous parler de Bugnini »
Alors, après l’exposé de tout cela, la conclusion du Bref Examen Critique ne peut sur-
prendre, n’est peut-être pas si étrange que cela :
« Il est évident que le nouvel Ordo Missae renonce en fait à être l’expression de la doc-
trine que le concile de Trente a définie comme étant de foi divine catholique. Et cepen-
dant la conscience catholique demeure à jamais liée à cette doctrine. Il en résulte que la
promulgation du nouvel Ordo Missae met chaque catholique dans la tragique nécessité de
choisir ».
Visitant, en février 1969, le cardinal Amleto Cicognani, encore Secrétaire d’État, pour lui
présenter ses regrets sur les nouveaux Canons, Mgr Lefebvre demanda : « Éminence,
vous n’allez pas laisser passer cela ! C’est une révolution dans la liturgie, dans l’Église ».
« Oh ! Mgr, répondit le cardinal en se prenant la tête entre les mains, je suis bien de votre
avis. Mais que voulez-vous que je fasse ? Le père Bugnini peut se rendre dans le bureau
du Saint-Père et lui faire signer tout ce qu’il veut ! »
« Je ne suis pas le seul à l’avoir entendu, précisait Mgr Lefebvre ; c’est à moi qu’il
s’adressait, mais d’autres personnes, dans le bureau du Secrétaire d’État, l’ont entendu
comme moi ».
Passant ensuite à la S.C. des Rites avec l’abbé Coache, Mgr Lefebvre en vint à parler de
la communion dans la main (dont le décret de permission était en préparation au Conci-
lium) au cardinal Gut, qui lui avoua, en présence de Mgr Antonelli, secrétaire de la
Congrégation :
« Je suis le préfet de la S.C. des Rites, mais ce n’est pas moi qui commande, et vous devi-
nez bien qui est celui qui commande ».
Et, se tournant vers Antonelli, il poursuit : « Si toutefois on me demande ce que je pense,
j’irai me mettre à genoux aux pieds du Saint Père pour le supplier de ne pas permettre
une chose pareille, mais si on me le demande » (1)
(1) Récent témoignage de Mgr Ranjith, secrétaire de la Congrégation des rites sur ce sujet
de la communion dans la main, cité dans Flash-Info d’ITEM du 8 février 2008: On peut
lire sur le site de « Notre Dame des Neiges » à la date du 3 février, cette information capi-
tale : Dimanche 3 février 2008 « Hostie dans la main, moins de respect et risque d’abus »
Annibale Bugnini était revenu six fois à la charge, faisant le siège de Paul VI pendant dix
mois pour obtenir l’approbation de trois nouveaux Canons de la messe avec de nouvelles
paroles de la consécration et le déplacement de l’expression « Mysterium fidei », qui de-
vient l’invitation à une acclamation du mystère pascal et eschatologique de la part des
fidèles. Le Saint-Office, présidé par le cardinal Ottaviani, n’avait pas fait d’objections
majeures aux dires de Bugnini (La riforma, 2e ed., 182 et note 66 ; 456 et note 10). Paul
VI avait accepté, et c’est à contrecœur, pour obéir au pape, que le cardinal Gut, préfet de
la S.C. des Rites, avait signé, le 23 mai 1968, le décret permettant les trois Canons dès le
15 août.
Lorsque Mgr Lefebvre lui disait qu’en France le Canon II, le plus court, était le plus utili-
sé, le cardinal en était bouleversé : « Je l’avais bien dit »
Una Voce réagit le 14 août par un communiqué dénonçant « un net déplacement d’accent
» dans ces trois nouveaux canons, ce que dom Guillou, lui aussi, souligne dans Nou-
velles de Chrétienté d’octobre 1968: « la « transsubstantiation » se trouve noyée dans le «
mémorial » par la transformation des paroles « Mysterium fidei » de la consécration en
acclamation des fidèles ».
b- « Mysterium fidei »
Le cardinal Stickler manifesta lui aussi son étonnement et son opposition au changement
de place de l’expression « Mysterium fidei » dans les nouveaux Canons. Et le dit dans
une conférence en Autriche en 1997. cf. mon livre : « L’enjeu de l’Eglise : la messe » p.
503 et ss. Mais il le fit bien tardivement…
C’est net.
Il continue : « Le fait que cette décrétale qui fait partie du recueil de décrétales d’Inno-
cent III dans le grand recueil du liber X établi par Raymond de Pennafort à la demande de
Grégoire IX n’ait pas été abandonnée comme dépassée, ce qui fut le cas de bien d’autres,
mais ait continué à être transmise par la Tradition, prouve qu’une valeur durable était
attribuée à cette déclaration de ce grand Pape » (p. 45).
Nul doute que l’on ne devait toucher à ces deux mots dans la forme de la consécration du
vin, ni les supprimer, ni les déplacer en en changeant le sens. On ne le devait pas sans
être infidèle à la Tradition catholique et, de toute évidence, en rupture avec elle.
C’est la pensée du Cardinal.
Il invoque aussi l’autorité de saint Thomas d’Aquin. II écrit: « Saint Thomas s’exprime
clairement sur cette question dans sa « Somme théologique » (III, 78, 3 ad nonum) à pro-
pos des paroles de consécration du vin, rappelant la nécessaire discipline secrète de
l’Église ancienne dont parle aussi Denys l’Aréopagite: « les paroles ajoutées éternelle et
mystère de foi viennent de la tradition du Seigneur qui est parvenue à l’Église par l’inter-
médiaire des Apôtres »; il renvoie lui-même à 1 Cor., 10, 23 et 1 Tim, 3, 4.
En note de ce texte de saint Thomas, le commentateur, se référant à DD Gousset dans
l’édition Marietti de 1939 (V. p. 155), ajoute « sarebbe un grandissimo errore sustituire
un altra forma eucharistiea a quella del Missale Romano… Si sopprimere ad esempio la
parola aeterni et quella mysterium fidei che abbiamo della tradizione » (p. 46).
Le Concile de Florence, dans le décret pour les Grecs — qui suit celui d’avec les Armé-
niens — cite bien expressément le mysterium fidei dans la formule de consécration. Il y
est dit : « mais parce que dans le décret des Arméniens rapporté ci-dessus, n’a pas été
expliquée la formule qu’a toujours eu coutume d’employer, dans la consécration du
Corps et du Sang du Seigneur, la sacro-sainte Église romaine, affermie par la doctrine et
l’autorité des apôtres Pierre et Paul, nous pensons qu’il faut l’introduire dans les pré-
sentes » – en latin – « illam praesentibus duximus inserendam ». « Duximus », c’est le
parfait du verbe « ducere ». Il vaudrait mieux traduire : nous estimons, nous comman-
dons. « Nous pensons » me paraît un peu faible. « Ducere », c’est le commandement,
c’est le chef qui affirme. (D’où l’expression en italien : le « Duce »)
Mais ce n’est pas tout. Le Cardinal ne s’en tient pas pour satisfait… Il poursuit sa dé-
monstration de théologie positive. Là, pour le coup, il est exhaustif. Il invoque, cette fois,
le catéchisme – le catéchisme « de référence », dit-il, ce sont ses mots. Je m’attendais à
voir citer le nouveau « catéchisme de l’Église catholique ». Mais pas du tout! Il cite le
catéchisme du Concile de Trente. À la bonne heure! Il donne toutes les références. Mani-
festement, quand il préparait sa conférence, le Cardinal est allé chercher dans sa biblio-
thèque, ce catéchisme. Il vous dit qu’au chapitre IX, au n° 21, à propos de l’Eucharistie…
« le catéchisme enseigne que « les mots « mysterium fidei » et « alterna » viennent de la
Sainte Tradition qui est l’interprète et la gardienne de la vérité catholique » (p. 46). Je
regrette que le Cardinal n’ait pas poursuivi sa lecture du catéchisme car il aurait aussi
rappelé qu’en changeant de place cette expression très traditionnelle, les auteurs de la
réforme liturgique en changeaient le sens. Alors que le « mysterium fidei » placé dans la
formule de la consécration porte sur la Présence réelle qui vient d’être réalisée par l’énon-
ciation de la formule consécratoire, le « mysterium fidei » mis après la consécration –
comme acclamation populaire – dirige l’attention du peuple, non plus sur le mystère de la
Transsubstantiation réalisée « hic et nunc », mais bien sur le retour en gloire du Seigneur
qui est aussi l’objet de notre foi : « donec veniat ». Il y a là, dans ce changement de place,
une malice, une duplicité, une ruse, une équivoque. La foi ici affirmée ne porte plus sur la
Transsubstantiation mais sur le retour en gloire du Seigneur. Ainsi, l’attention des fidèles,
et leur « participatio actuosa » sont détournées de la présence réelle du Christ réalisée par
la Transsubstantiation. Ils devraient adorer la Présence réelle de Notre Seigneur Jésus-
Christ sur l’autel, on leur fait acclamer le retour en gloire du Seigneur. C’est même
contradictoire.
Voyez l’enseignement du catéchisme du Concile de Trente, p. 216 de l’édition d’Itiné-
raires.
Fort de cet exposé très savant, le Cardinal ne mâche pas ses mots et ses critiques contre
les réformateurs. Il parle de « légèreté souveraine » d’un Lercaro, d’un Bugnini et de
leurs collaborateurs : « On peut à juste titre s’interroger sur la légèreté dont ont fait
preuve, ici, les collaborateurs du Cardinal Lercaro et du Père Bugnini, avec nécessaire-
ment leur accord » (p. 46). « Ils ont purement et simplement « ignoré », non seulement
ignoré mais aussi « méprisé », l’obligation de procéder à une recherche historique et
théologique exacte » (p. 46). C’est ce que réclamait expressément le Concile Vatican II
dans son article 23 de la Constitution liturgique (cf. p. 36). Mais rien de tel n’a été fait, et
le Cardinal de conclure et de lancer la suspicion sur l’ensemble de l’œuvre reformée : «
Si cela s’est produit dans ce cas qu’en aura-t-il été de cette importante obligation pour les
autres modifications » (p. 46).
C’est terriblement grave ! Nous nous trouvons devant une réforme infidèle à la Tradi-
tion…et aux intentions même du Concile
Paul VI annonce l’Ordo missae au consistoire du 28 avril 1969, et le 2 mai sont présentés
à la salle de presse, la constitution apostolique Missale romanum était daté du 3 avril et le
fascicule du Nouvel Ordo Missae introduit par une longue Institutio generalis.
Or certains protestants se déclarent très vite favorables au NOM ; ainsi le frère Max Thu-
rian, de la communauté œcuménique de Taizé déclare dans la Croix du 30 mai : que l’ «
un des fruits de ce nouvel Ordo Missae sera peut-être que les communautés non catho-
liques pourront célébrer la sainte Cène avec les mêmes prières que l’Église catholique.
Théologiquement, c’est possible ».
b- M l’abbé Dulac
Et le 10 juillet, précisant le sens de ce refus, il élève une supplique à Paul VI afin que le
pape « révise radicalement » le NOM. « En attendant l’effet de cette supplique, dit-il,
nous userons modestement, paisiblement, à ciel ouvert, de la liberté inscrite dans la
constitution de saint Pie V, puisée dans une coutume universelle de quatre siècle ».
C’est dans cette idée d’une supplique à présenter à Paul VI, (afin qu’il retardât l’utilisa-
tion du NOM, prévue pour la fin novembre 1969 et le fit réviser), que l’inspiratrice d’
Una Voce Roma, Vittoria Guerrini, rencontra Mgr Lefebvre qui la connaissait bien.
Vittoria Guerrini était connue dans le monde des lettres sous le pseudonyme de Cristina
Campo (1)
(1) Cristina Campo : – sa vie par Cristina De Stefano : « Belinda et le monstre » cf. ch.9
Una Voce. Voir aussi : « Histoire de la messe interdite de Jean Madiran, fascicule 1.
Voir aussi : l’introduction de Claude Barthe dans la nouvelle publication du Bref Examen
Critique de Maugendre. Lire le chapitre 9 de ce livre qui décrit bien l’activité débordante
de Cristina Campo. Ch. 9 p139-157. Lire aussi les précisions de Jean Madiran dans son
fascicule I de son « Histoire de la messe interdite.
Accompagnée de son amie, une autre dame romaine, Emilia Pediconi, elles vinrent trou-
ver Mgr Lefebvre. Ayant leurs entrées chez le cardinal Ottaviani, elles pouvaient servir
d’intermédiaires. Il fut décidé qu’on préparerait un document qui serait présenté au cardi-
nal, lequel accepta d’avance d’en réviser le texte et de le transmettre au pape.
Critina Campo réussit à rassembler cinq ou six ecclésiastiques dont Mgr Renato Pozzi,
ancien expert conciliaire et membre de la S.C. des Études, Mgr Guerrino Milani de la
même Congrégation et surtout Mgr Domenico Celada, liturgiste réputé et auteur d’ar-
ticles combatifs. Mgr Lefebvre sollicita le P Guerrad des Lauriers OP qui collaborait à la
Pensée catholique.
Mgr Lefebvre présida la première réunion et quelques autres parmi les séances nocturnes
qui se tinrent à un « rythme frénétique » au local d’Una Voce Roma à Rome en mai juin
1969. Le Père Guerrad des Lauriers élabora le texte, qui, discuté en séance, était au fur et
à mesure, dicté par lui et traduit immédiatement en italien par Cristina Campo, qui com-
plétait elle-même et mettait minutieusement au point le document, notamment en ce qui
concerne la liturgie. Sans avoir fait de théologie, ces dames romaines « avaient ça dans le
sang » dit Mgr Tissier de Malerais, dans son livre « Mgr Lefebvre ».
Le texte italien fut remis aux cardinaux Ottaviani et Bacci. Mgr Lefebvre fit le siège
d’autres cardinaux amis qui le reçurent mais craignirent d’apposer leur signature. L’ar-
chevêque espérait aussi obtenir la signature de nombreux évêques, dont soixante italiens.
En attendant, Mgr Lefebvre fit faire les traductions française, allemande, espagnole et
anglaise et programma pour une date postérieure à sa remise au pape, sa publication par
diverses revues ou organisations amies.
Cette supplique exprime le jugement suivant : « Le Novus Ordo Missae s’éloigne d’une
manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catho-
lique de la Sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la XXIIe session du Concile de
Trente, lequel, en fixant définitivement les « canons » du rite, éleva une barrière infran-
chissable contre toute hérésie qui pourrait atteindre à l’intégrité du Mystère. »
Et elle supplie le Saint Père, au nom du peuple fidèle, de bien vouloir « abroger » la nou-
velle loi, (la Constitution Missale Romanum) et « de ne pas vouloir que soit enlevée, à la
catholicité, la possibilité de continuer à recourir à l’intègre et fécond missel romain de
Saint Pie V… si profondément vénéré et aimé du monde catholique tout entier. »
Recevant la supplique le 21 octobre 1969, Paul VI, ému par l’autorité des deux signa-
taires, transmet dès le lendemain le document au cardinal Seper, demandant à la Sainte
Congrégation de la doctrine de la foi un « sévère examen des critiques soulevées ». Le
cardinal Seper, préoccupé, en parle au cardinal Gut ; tous deux sont profondément boule-
versés et en entretiennent le père Bugnini (La Riforma 2 ed., 287-288). Seper demande à
Bugnini de suspendre la publication définitive de l’Ordo Missae et fait examiner le Bref
examen critique par trois théologiens de la Sainte Congrégation de la Foi (SCDF).
L’intervention des cardinaux, « nouvel effet Lefebvre » était en passe de réussir. Déjà le
nom d‘Ottaviani, l’objet de sa supplique et la nature du document qu’elle accompagnait,
étaient publiés dans la presse sans que le cardinal se dédit.
De son côté, Mgr de Castro Mayer, évêque de Campos (Brésil) en possession dès sep-
tembre du Bref Examen critique, en avait fait un résumé pour ses prêtres et l’avait envoyé
à Paul VI, accompagné d’une lettre datée du 12 septembre demandant au pape l’autorisa-
tion de continuer à user de l’Ordo Missae de saint Pie V. Il lui en donne les raisons : « Le
Novus Ordo Missae non seulement n’inspire pas la ferveur, mais encore exténue la foi
dans les vérités centrales de la vie catholique, telle la présence réelle de Jésus dans le
Très Saint Sacrement, la réalité du sacrifice propitiatoire, le sacerdoce hiérarchique. »
Déjà, Mgr Lefebvre demandait à son ami canoniste, l’abbé Dulac de préparer un argu-
mentaire « montrant que de nombreuses raisons permettent et encouragent de garder au
moins l’offertoire et le canon romain ».
-Enfin, la même clause finale n’avait ni la précision quant à l’objet, ni la fermeté quant à
la volonté d’abroger ou d’abroger la constitution Quo Primum Tempore de Saint Pie V.
On pouvait donc appliquer le canon 23 :
« Dans le doute, la révocation de la loi préexistante n’est pas présumée, mais les lois pos-
térieures doivent être ramenées aux antérieures et si possible conciliées avec elles ».
La conclusion suivait : Paul VI n’avait certainement pas « voulu rendre obligatoire son
missel d’une obligation vraiment juridique » (Itinéraires n° 140 février 1970 p 39-40)
L’abbé Dulac avait déjà amorcé deux autres arguments dans le Courrier de Rome du 19
juillet
-l’indult perpétuel, concédé par saint Pie V à tout prêtre d’utiliser le missel qu’il promul-
guait, ne semblait pas révoqué par la constitution de Paul VI, Missale Romanum
-et surtout la coutume millénaire que le saint Pape n’avait fait que codifier pouvait-elle
jamais être abrogée ?
Enfin, le Père Dulac avait annoncé, dès 1967, un principe juridique très radical :
« Toute loi est ordonnée au bien commun : pour autant qu’elle y manque, elle n’a pas
force d’obliger ».
Tout cela est bel et bon, mais c’est Jean Madiran qui opposait l’objection la plus fonda-
mentale à la réforme de Paul VI :
« Systématiquement rejeter les rites transmis pour les remplacer par des rites qui
n’avaient pas été transmis, c’est ruiner tout à fait le caractère traditionnel de la liturgie ».
(Itinéraires n° 137, novembre 1969 p. 298)
Pour étouffer dans l’œuf la campagne qui se développait et la résistance qui semblait
s’organiser contre le NOM, Paul VI agit très vite : le 30 octobre, la Secrétairerie d’Etat,
par Mgr Benelli, ordonne à Mgr Bugnini de publier aussitôt l’instruction -déjà envoyée le
20 octobre aux conférences épiscopales — annonçant une instauration progressive de la
nouvelle messe et permettant l’usage de l’ancien Ordo jusqu’au 28 novembre 1971.
Mgr Lefebvre, qui avait dès 1963 réfuté ces arguments spécieux, fut scandalisé de
l’obéissance au Concile qu’invoquait Paul VI, et plus encore de la louange inusitée que le
pape Montini faisait de la messe romaine, « expression traditionnelle et tangible de notre
culte religieux, de l’authenticité de notre foi », juste avant de l’immoler en sacrifice à la
modernité. La contradiction interne et la faiblesse tyrannique d’un homme profondément
libéral lui apparaissait au grand jour.
LES ANNEXES
ANNEXE I
LA BULLE « QUO PRIMUM »
de saint Pie V
promulguant le Missel romain restauré
(traduction et notes de l’abbé Raymond Dulac) [1]
NOTES :
1. — Afin de faciliter la lecture de notre traduction, nous mettrons des alinéas dans le
texte. Aucun ne se trouve dans les copies de la Bulle imprimées en tête de tous nos mo-
dernes missels à usage liturgique, mais ils ressortent assez clairement de la teneur même
du texte. En outre plusieurs sont indiqués dans la grande édition romaine du Bullaire
(Bullarium.. Amplissima Collectio : Rome, 1746. Notre Bulle s’y trouve au t.IV, pars 3a,
sous le n° 147, pp. 116-117). Le numéro d’ordre en chiffres romains, qui précède chaque
alinéa, nous est personnel.
2. — Nous partagerons quelquefois en plusieurs membres certaines phrases dont l’extra-
ordinaire longueur est cause d’obscurité.
3. — Nous ajouterons, au bas des pages, des notes qui nous seront strictement person-
nelles. Elles rapporteront le terme latin de l’original quand sa version en français risque-
rait d’être inadéquate ; d’autres fois elles donneront brièvement une explication ou un
commentaire.
PIE ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
POUR MÉMOIRE PERPÉTUELLE
I. Dès que Nous fûmes élevé au sommet de l’Apostolat, Nous Nous sommes plu à porter
notre zèle et nos forces à conserver dans sa pureté tout ce qui peut toucher le culte de
l’Eglise ; Nous y avons appliqué toutes Nos pensées ; Nous Nous sommes efforcé à le
préparer et, Dieu aidant, à l’accomplir avec tout le soin possible.
II. Or, entre autres décrets du saint Concile de Trente, il Nous appartenait de statuer sur
l’édition et la correction des Livres Saints, du Catéchisme, du Missel et du Bréviaire.
III. Déjà, avec la grâce de Dieu, a été publié le Catéchisme, qui est destiné à l’instruction
du peuple, et amendé le Bréviaire qui acquitte le tribut des louanges que nous devons à
Dieu.
Dès lors, afin qu’au Bréviaire répondît le Missel, comme il est juste et convenable, (étant
souverainement opportun que, dans l’Eglise de Dieu, il n’y ait qu’une seule façon de dire
les Psaumes, un seul rite pour célébrer la Messe), il Nous semblait là-dessus nécessaire de
procurer au plus tôt le reste de cette tâche, savoir l’édition du Missel.
IV. C’est pourquoi Nous avons estimé devoir confier ce travail à des hommes distingués
par leur érudition. Ils ont commencé par collationner soigneusement tous les textes, les
anciens de Notre Bibliothèque Vaticane et d’autres, corrigés, sans altération, qu’on avait
recherchés de tous côtés. Puis, s’étant instruits des écrits des Anciens et d’auteurs autori-
sés qui nous ont laissé des monuments sur les saintes institutions liturgiques, ils ont resti-
tué le Missel lui-même à la règle et au rite des Saints Pères [2].
V. Ce Missel ainsi revu et corrigé, Nous avons, après une mûre réflexion, ordonné qu’il
soit au plus tôt imprimé à Rome, puis publié, afin que tout le monde puisse retirer les
fruits de cette institution [3] et de l’ouvrage entrepris : de telle sorte que les prêtres com-
prennent de quelles prières ils doivent à l’avenir se servir et quels rites, quelles cérémo-
nies ils doivent observer dans la célébration des Messes.
VI [4]. Et, afin que tous et en tous lieux adoptent et observent les traditions de la sainte
Église Romaine, Mère et Maîtresse de toutes les Églises, faisons [5], pour les temps à
venir et à perpétuité, défense que, dans toutes les églises du monde chrétien, la Messe soit
chantée ou récitée autrement que selon la forme du Missel publié par Nous :
C’est, à savoir : dans les églises Patriarcales, Cathédrales, Collégiales, Paroissiales tant
séculières que régulières de quelque Ordre ou Monastère que ce soit, d’hommes ou de
femmes, y compris celles des Milices régulières [6]; pareillement dans les Églises ou
Chapelles sans charge d’âmes en lesquelles la Messe Conventuelle doit, selon le droit ou
par coutume, être célébrée, à haute voix avec chœur ou à voix basse, selon le rite de
l’Eglise Romaine [7] ;
(Et ce)lors même que ces mêmes Églises, exemptes en quelque façon que ce soit [8], se-
raient munies d’un indult du Siège Apostolique, d’une coutume, d’un privilège, même
par serment, d’une confirmation Apostolique [9] ou de toutes autres espèces de facultés
[10].
(Nous exceptons deux cas) [11] : celui où, à partir d’une institution approuvée dès l’ori-
gine [12] par le Siège Apostolique, ou bien en vertu d’une coutume, la célébration de ces
messes dans ces mêmes Églises (selon un rite propre, distinct du romain commun) aurait
(dans les deux cas) un usage ininterrompu supérieur à deux cents ans [13].
A ces Églises, Nous n’entendons aucunement ôter ni l’institution susdite de leur célébra-
tion ni leur coutume [14] ; mais, également, au cas où le Missel que Nous venons d’éditer
leur serait plus agréable [15], et ce avec le consentement de l’Evêque ou du Prélat, joint
[16] celui de tout le Chapitre, Nous leur accordons la permission, nonobstant toutes
choses contraires, de célébrer les messes selon ce Missel [17].
VII [18]. Quant à toutes les autres susdites Églises [19], par Notre présente Constitution,
qui doit rester valable à perpétuité, statuons et ordonnons ce qui suit, sous peine de Notre
indignation [20] : leur ôtons l’usage de ces mêmes Missels [21]; les rejetons radicalement
et totalement [22]; et, pour ce qui concerne Notre présent Missel récemment publié, dé-
crétons : rien jamais ne devra lui être ajouté, ou retranché, rien ne devra y être modifié.
Enjoignons et, au nom de la sainte obéissance, faisons strict commandement [23] à tous
et à chacun des Patriarches, Administrateurs [24] des susdites Églises, de même qu’à
toutes autres personnes honorées d’une quelconque dignité ecclésiastique, fussent-ils car-
dinaux de la Sainte Église Romaine, et dotés de quelque dignité que ce soit ; à savoir :
Toutes autres pratiques [25], tous autres rites sans exception [26] d’autres Missels, aussi
anciens soient-ils, accoutumés jusqu’à présent d’être observés, seront à l’avenir absolu-
ment abandonnés par eux et entièrement rejetés ; ils chanteront et liront la Messe selon le
rite, la manière et la règle qui sont indiqués par Nous dans le présent Missel ;
Et que, dans la célébration de la Messe, ils n’aient l’audace d’ajouter ou réciter d’autres
cérémonies ou prières que celles qui sont contenues dans ce Missel [27].
VIII [28]. En outre [29], en vertu de l’autorité Apostolique [30], par la teneur des pré-
sentes concédons et donnons l’indult suivant [31], et cela, même à perpétuité :
Que, désormais, pour chanter ou réciter la Messe en n’importe quelles Églises, on puisse,
sans aucune réserve [32], suivre ce même Missel, avec permission (donnée ici) et pouvoir
[33] d’en faire libre et licite usage, sans aucune espèce de scrupule ou sans qu’on puisse
encourir aucunes peines, sentences et censures [34].
Voulant, ainsi, que les Prélats, Administrateurs, Chanoines, Chapelains et tous autres
Prêtres, séculiers de quelque dénomination soient-ils désignés, ou Réguliers de tout
Ordre, ne soient tenus de célébrer la Messe en tout autre forme que celle par Nous ordon-
née ; et qu’ils ne puissent, par qui que ce soit, être contraints et forcés à modifier le pré-
sent Missel.
IX [35]. Statuons et déclarons que les présentes Lettres ne pourront jamais et en aucun
temps être révoquées ni modifiées [36], mais qu’elles demeureront toujours fermes et
valables dans leur portée [37].
X [38]. Nonobstant tous statuts et coutumes contraires, qui auraient précédé, de quelque
espèce soient-ils : Constitutions et Ordonnances Apostoliques, ou Constitutions et Ordon-
nances, tant générales que spéciales, publiées dans des Conciles Provinciaux et Syno-
daux. Nonobstant, non plus, l’usage des susdites Églises, fût-il autorisé par une prescrip-
tion très longue et immémoriale, sauf si elle est supérieure à 200 ans.
XI [39]. Voulons et, par la même autorité, décrétons qu’après la publication de Notre
présente Constitution et de ce Missel, tous seront tenus de s’y conformer dans la célébra-
tion de la Messe, tant chantée que lue : les Prêtres qui sont en la Cour Romaine, après un
mois ; ceux qui habitent en-deçà des monts, après trois mois ; ceux qui sont au-delà, après
six mois, ou aussitôt qu’ils trouveront ce Missel en vente.
XII [40]. Et, afin qu’en tous lieux de la terre ce Missel soit conservé sans altération, pur
d’incorrections et d’erreurs, faisons, par Notre Autorité Apostolique et en vertu des pré-
sentes, défense à tous d’oser, par téméraire audace, imprimer, débiter, recevoir, en aucune
façon, ce Missel, (autrement que selon la règle suivante) ; savoir :
Licence aura été obtenue de Nous-même, ou spécialement d’un Commissaire Aposto-
lique, qui devra être établi par Nous dans les pays (intéressés) ;
Ce Commissaire aura, au préalable, remis à l’imprimeur un exemplaire du Missel qui lui
servira de norme pour imprimer les autres. De cet exemplaire, le Commissaire aura donné
la pleine attestation qu’il a été collationné avec le Missel imprimé à Rome selon la grande
impression [41], qu’il lui est conforme et n’en diffère absolument en rien ;
(Notre défense s’adresse) à tous imprimeurs demeurant dans des lieux soumis à Notre
obéissance et à celle de la Sainte Église Romaine, médiatement ou immédiatement ; à
ceux-là (elle est portée) sous peine de la perte des livres et d’une amende de 200 ducats
d’or applicables ipso facto à la Chambre Apostolique ;
A tous autres, habitant en quelque autre partie du monde que ce soit, sous peine d’une
excommunication encourue par le seul fait et sous autres peines arbitraires [42].
XIII. Et comme il serait difficile de transmettre les présentes Lettres à tous lieux du
monde chrétien, et les porter d’abord à la connaissance de tous, Nous ordonnons que,
suivant l’usage, elles soient publiées et affichées aux portes de la Basilique du Prince des
Apôtres et de la Chancellerie Apostolique, ainsi qu’à l’extrémité du Champ-de-Flore [43]
;
Ordonnons pareillement : aux exemplaires, même imprimés, de ces Lettres, soussignés de
la main d’un tabellion public et munis en outre du sceau d’une personne constituée en
dignité ecclésiastique, la même foi parfaitement indubitable sera accordée dans le monde
entier, qui serait donnée aux présentes, si celles-ci étaient montrées ou exhibées.
XIV. Ainsi donc, qu’il ne soit à personne, absolument, permis d’enfreindre ou, par témé-
raire entreprise, contrevenir à la présente charte de Notre permission, statut, ordonnance,
mandat, précepte, concession, indult, déclaration, volonté, décret et défense [44].
Que s’il avait l’audace de l’attenter, qu’il sache qu’il encourra l’indignation du Dieu tout-
puissant, et des bienheureux Apôtres Pierre et Paul.
- Donné à Rome, près S. Pierre, l’année de l’Incarnation du Seigneur mille cinq cent sep-
tante, la veille des Ides de juillet, de Notre Pontificat le cinquième.
L’an 1570 de la Nativité du Seigneur, Indict. 13, le 19 juillet, la cinquième année du Pon-
tificat de notre très Saint Père dans le Christ Pie V, Pape par la Providence divine, les
lettres ci-contre ont été publiées et affichées aux portes de la Basilique du Prince des
Apôtres et de la Chancellerie Apostolique, de même à l’extrémité du Champ-de-Flore,
comme de coutume, par nous Jean Roger et Philibert Cappuis, huissiers, Scipion de Otta-
viani, Premier Huissier.
ANNEXE II
ANNEXE III
Nous donnons ici, avec un bref commentaire, les références de quelques-uns des textes
mis en avant par ceux qui considèrent la messe nouvelle comme obligatoire.
1. Instruction sur l’application progressive de la Constitution « Missale Romanum » (20
octobre 1969)
Publiée par la Congrégation pour le culte divin, elle contient la phrase : « Chaque confé-
rence épiscopale fixera la date à partir de laquelle on devra obligatoirement utiliser le
nouvel ordo ».
La constitution « Missale Romanum » ne comportant aucune interdiction de la messe
traditionnelle, il est évident que la Congrégation pour le culte divin, n’avait pas le pou-
voir, au nom de cette constitution, d’inventer une telle interdiction et de la faire mettre en
exécution par les conférences épiscopales.
2. Ordonnance de l’Épiscopat français (12 novembre 1969)
Elle a pour objet de rendre obligatoire, à partir du 1er janvier 1970, la célébration de la
nouvelle messe.
L’ordonnance commence par cette phrase : » Les évêques de France, réunis en Assem-
blée plénière, le 12 novembre 1969, ont décidé ce qui suit … » ; elle ne se réfère pas à la
loi du Saint-Siège (qui, répétons-le, ne prévoit aucune interdiction de la messe tradition-
nelle).
3. Décret promulguant l’édition définitive de la nouvelle messe (26 mars 1970)
Ce décret, émanant de la Congrégation pour le culte divin, comprend deux paragraphes.
Le premier promulgue le nouveau Missel ; le second en fixe la date d’entrée en vigueur
dans les termes suivants :
» En ce qui concerne l’usage du nouveau Missel romain en latin, il est permis – « permit-
titur » – de l’utiliser dès la publication du volume en librairie. En ce qui concerne son
usage dans les langues vernaculaires (en français par exemple), ce sont les Conférences
épiscopales qui fixeront la date d’entrée en vigueur, dès que leurs traductions auront été
approuvées par le Siège apostolique »
Louis Salleron explique :
» Ces dispositions sont parfaitement claires. Elles n’ont pas à être interprétées. Elles si-
gnifient ( … ) qu’il y a désormais :
l° – La messe traditionnelle, dite de saint Pie V, qui est la messe normale, en latin ;
2° – La nouvelle messe, qu’il est permis de dire en latin, dès maintenant ;
3° – La nouvelle messe, qui pourra être dite en français (pour notre pays) quand la Confé-
rence épiscopale en aura fixé la date d’entrée en vigueur, après que l’édition (c’est-à-dire
la traduction et la présentation) en aura été dûment autorisée par le Saint-Siège »
4. Notification de la Congrégation du culte divin (14 juin 1971)
Elle concerne la mise en place de la nouvelle messe.
Il s’agit d’une sorte de décret d’application de la loi du 3 avril 1969. Les interdictions
qu’il porte contre la messe traditionnelle n’ont aucune valeur juridique puisqu’elles
sortent du cadre défini par la loi (constitution « Missale Romanum »).
5. Allocution consistoriale de Paul VI (24 mai 1976)
Dans cette allocution au Consistoire (assemblée des cardinaux), Paul VI fait état de
l’obligation de célébrer « les rites de la liturgie rénovée ».
» C’est au nom de la Tradition elle-même que nous demandons à tous nos fils et à toutes
les communautés catholiques de célébrer avec dignité et ferveur les rites de la liturgie
rénovée. L’adoption du nouvel Ordo Missae n’est certainement pas laissée à la libre déci-
sion des prêtres ou des fidèles. L’instruction du 14 juin 1971 a prévu que la célébration
de la messe selon le rite ancien serait permise, avec l’autorisation de l’Ordinaire, seule-
ment aux prêtres âgés ou malades qui célèbrent sans assistance. Le nouvel Ordo a été
promulgué pour prendre la place de l’ancien, après une mûre délibération et afin d’exécu-
ter les décisions du concile. De la même manière, notre prédécesseur saint Pie V avait
rendu obligatoire le Missel révisé sous son autorité après le concile de Trente.
Avec la même autorité suprême qui nous vient du Christ Jésus, nous exigeons la même
prompte soumission à toutes les autres réformes liturgiques, disciplinaires, pastorales
mûries ces dernières années en application des décrets conciliaires »
En présence de ce texte, trois interprétations peuvent être avancées :
1. Paul VI ferait allusion à une interdiction antérieure de la messe traditionnelle.
Interprétation cohérente avec la référence à l’instruction du 14 juin 1971, mais qui ne
cadre pas avec les faits, puisque cette interdiction antérieure n’existe pas.
2. Par son allocution consistoriale, Paul VI aurait établi une interdiction de célébrer la
messe traditionnelle qui n’existait pas auparavant.
Mais, dans ces conditions, pourquoi aurait-il fait référence à l’instruction du 14 juin 1971,
dépourvue, dans l’hypothèse envisagée, de toute force contraignante ?
Autre remarque, plus importante : pour interdire la bulle Quo primum, pour interdire une
coutume immémoriale comme celle que constitue la messe traditionnelle, il faut des ins-
truments juridiques en rapport avec les objets qu’on veut interdire : une allocution, fut-
elle consistoriale, ne peut suffire.
3. Troisième interprétation, celle que propose Louis Salleron dans son livre La Nou-
velle messe, 2° édition, p.246 :
» Paul VI déclare : « Avec la même autorité suprême qui nous vient du Christ Jésus,
Nous exigeons la même prompte soumission à toutes les autres réformes, etc… ». La
formule est étrange. Le Pape, en effet, n’a pas engagé son autorité suprême dans l’alinéa
précédent. Il n’a pas dit : « Avec l’autorité suprême qui nous vient du Christ Jésus, Nous
exigeons que le nouvel Ordo soit seul utilisé et nous interdisons l’emploi de l’Ordo tradi-
tionnel ». Logique eût alors été la prescription qui suit : « Avec la même autorité su-
prême… Nous exigeons la même prompte soumission ». Pourquoi s’est-il exprimé
comme il l’a fait ? Vraisemblablement parce qu’il n’a pas voulu, ou pas osé, engager son
autorité suprême dans l’interdiction de la messe de saint Pie V. Avec la formule qu’il a
employée, il est assuré de l’interprétation qu’il désire : une interdiction solennelle de la
messe de saint Pie V « .
Conclusion: cette allocution consistoriale, pas plus que les textes précédemment cités,
n’établit juridiquement l’interdiction de célébrer la messe traditionnelle.
NEXES[1] Ce texte figure dans la brochure portant le même titre, supplément au N°162
d’avril 1972 de la revue Itinéraires.
[2] Tels étaient donc le principe et le but que s’étaient fixés les « érudits » chargés par
saint Pie V de répondre au décret du Concile de Trente concernant le Missel romain : en
faire ce qu’on appellerait aujourd’hui une « édition critique »; ramener les variétés des
missels en usage à l’unité et à la pureté de l’original.
Il ne s’agissait donc, en aucune manière, d’une réforme mais d’une restauration ; et point
encore au sens d’une « reconstitution » archéologique : non ! une restitution, obtenue par
la seule collation des manuscrits et par les témoignages (c’est le sens de monumenta) soit
des Anciens soit des auteurs faisant vraiment autorité en matière liturgique.
C’est pourquoi nous avons préféré la traduction « restituer à », au lieu de « restituer selon
»
[3] A savoir celle dont il est question dans la phrase précédente : l’ordre liturgique de
la Messe
[4] Ici commence une phrase de trente lignes (dans le missel que j’ai sous les yeux) ; elle
serait un vrai labyrinthe si l’on ne prenait le parti de la couper. Nous le ferons en obser-
vant, aussi respectueusement que possible, le mouvement de l’original, priant notre lec-
teur de comparer, mot à mot, notre version avec le texte latin, au fur et à mesure de la
lecture.
[5] Nous ne lisons pas ce verbe dans le latin, mais uniquement la conjonction NE, à la-
quelle nous donnons son sens fort comme si elle était bien précédée du verbe exprimant
la prohibition.
[6] Il s’agit d’ordres militaires, composés de chevaliers laïcs faisant profession de porter
les armes (… et de s’en servir : on le vit à Lépante. Aujourd’hui, hélas…) – Ainsi l’Ordre
de Malte.
[7] Ceci dit pour mettre à part toutes les églises orientales et les églises qui, quoique occi-
dentales, suivent un rite différent du romain : ainsi celles de Milan et de Tolède. – Leur
cas est différent, nous l’avons dit, de celles qui suivent le rite romain mais un romain mo-
difié par des variantes secondaires : c’est de celles-ci uniquement qu’il va être question
dans les lignes qui suivent.
[8] Il ne s’agit évidemment ici que d’exemption à l’égard du « droit commun », et non à
l’égard de l’autorité pontificale, laquelle est souveraine!
[9] Il faut entendre par là un acte de l’autorité souveraine qui renouvelle ou complète ou «
guérit » une faculté qui, à quelques égards, souffrirait d’une infirmité quelconque : cette «
confirmation » la valide définitivement.
[10] L’énumération est vraiment exhaustive : on voit que la volonté du législateur se ma-
nifeste de façon aussi précise que ferme.
[11] Par cette périphrase, nous avons voulu traduire le NISI latin, lequel, traduit littéra-
lement (à moins que; si ce n’est que…), aurait introduit une nouvelle proposition subor-
donnée à l’intérieur d’une phrase déjà passablement longue et enchevêtrée.
[12] Latin : ab ipsa prima institutione.
[13] Les deux phrases entre parenthèses ont été ajoutées par nous, afin d’aider à la clar-
té – on voit avec quel scrupule saint Pie V reconnaît et consacre les « droits acquis »,
même quand ils n’ont été acquis que par le fait : celui d’une coutume.
[14] Comme on pouvait douter si l’approbation par lui des deux exceptions précédentes
relevait d’une simple interprétation, éventuellement discutable, du droit commun tou-
chant les coutumes, le Pape les fait positivement entrer dans la législation de sa Bulle et il
leur donne ainsi un droit propre. C’est un exemple de cette « confirmation » dont nous
avons parlé note 8.
[15] « … iisdem magis placeret » – Peut-on joindre plus de gentillesse à un acte d’auto-
rité ? Ainsi la considération du plaisir compte pour l’adoption d’une loi, spécialement
d’une loi liturgique ? – Principe à retenir et, au besoin, à rappeler, de notre temps, aux
modernes employés de la Congrégation des Rites mise à jour.
[16] Il faut donner un sens fort à la conjonction de coordination : Capitulique : ce
consentement du Chapitre doit s’ajouter à celui de l’évêque ou du prélat quel qu’il soit et
les deux consentements s’ajouter à la « permission » du Pape. Tellement saint Pie V veut
rester respectueux des droits acquis et n’y apporter d’exception que moyennant des
conditions rigoureuses.
[17] Cette « permission » est très différente de l’ »indult » dont il sera question plus bas
(au § VIII).
[18] Après avoir donné, en forme positive, ses ordres et ses permissions, le Pontife va
les reprendre sous forme négative de prohibitions, y ajoutant, quand il le faut, des répro-
bations expresses : ce qui a un sens précis en Droit canonique (voir le canon 27 de notre
Code).
[19] Celles qui sont énumérées au § VI et qui n’entrent pas dans les cas exceptés.
[20] Il s’agit bien d’une peine, mais inférieure au refus de la communion catholique
[21] A savoir les Missels particuliers, propres à ces Églises.
[22] Voilà la réprobation formelle. Elle est répétée quelques lignes plus bas.
[23] Dans le texte latin, deux participes : Mandantes ac praecipientes.
[24] Il ne s’agit pas d’une épithète de Patriarches, mais d’un titre distinct.
[25] Latin : rationibus, qui désigne ici la méthode (cf. Ratio studiorum).
[26] Nous soulignons ainsi l’apparent pléonasme de « ceteris omnibus ».
[27] Nous traduisons par : « avoir l’audace » le verbe « praesumere » qui a un sens et
une portée très précis en droit pénal ecclésiastique : à la simple infraction il ajoute une
volonté très délibérée et un mépris de la loi.
[28] L’ouverture de cet alinéa est de notre cru, mais il est clairement autorisé par le
texte : ici, en effet, commence l’énoncé d’un acte nouveau du Législateur : après le com-
mandement, la permission, la prohibition développés jusqu’ici, saint Pie V va concéder
une faveur, un « INDULT », un privilège.
[29] C’est le sens fort que nous pensons devoir donner à la particule : atque qui intro-
duit la phrase.
[30] L’intervention manifestée du plus haut degré d’exercice de Son autorité veut mani-
fester à la fois la fermeté de la volonté sur ce point du Législateur et l’importance de la
chose qu’il va décider.
[31] Latin : Concedimus et indulgemus - C’est plus qu’une permission, c’est un privi-
lège, avec les conséquences de droit qui s’ensuivent. Nous expliquerons cela dans le der-
nier chapitre de notre étude.
[32] Latin : Omnino- L’adverbe ne peut porter sur les parties du Missel mais sur son
usage, qui est ainsi déclaré sans limite.
[33] Les deux verbes : « Possint et valeant » distinguent clairement une faculté simple
d’un pouvoir stable, définitivement acquis : un droit.
[34] Énumération exhaustive qui touche successivement le « for interne « et l’externe.
[35] Cet alinéa introduit la « clause dérogatoire » dont la déclaration explicite donne,
sans contestation possible, les cachets de solennité, de fermeté et de stabilité qui dis-
tinguent une LOI véritable fondant une OBLIGATION JURIDIQUE, d’une simple vo-
lonté du Supérieur.
[36] Latin : moderari – Nous entendons ce verbe comme signifiant une modification qui
affecterait soit les dispositions de la loi, soit la portée formelle de sa force obligatoire
intrinsèque.
[37] Latin : robore – Le robur, la force de la loi, soit dans son intensité, soit dans son
extension.
[38] L’alinéa précédent visait le temps à venir. Le présent alinéa concerne le passé. Il
révoque et abroge tous les droits antérieurs, soit écrits, soit coutumiers. Et comme la loi
coutumière est revêtue d’une force particulière, la Bulle la mentionne explicitement ET
selon la forme requise, à savoir en y incluant la coutume dite « immémoriale ».
Dans quelle mesure un Pape peut révoquer les actes de ses prédécesseurs et lier ses suc-
cesseurs, nous le dirons au dernier chapitre de notre étude (non reproduite ici — cf Itiné-
raires, supplément au n°162)
[39] La détermination du temps d’entrée en vigueur de la Loi est une condition essen-
tielle de validité de sa promulgation. C’est l’objet de ce nouvel alinéa.
[40] Cet alinéa règle les modalités d’impression et d’édition du Missel. Sa rédaction est,
dans l’original, d’une telle complication, que nous avons dû couper la longue phrase de
vingt-deux lignes qui le compose, modifier son articulation et ajouter des chevilles de
notre cru : les mots ou groupes de mots entre parenthèses et en caractères italiques.
[41] Latin : secundum magnam impressionem. Il faut entendre par là l’édition typique.
[42] Le Code de Droit canonique en vigueur aujourd’hui, renouvelle, au canon1390,
l’obligation aux éditeurs des « livres liturgiques » et des extraits d’iceux, d’être munis
d’un « constat » de conformité aux éditions approuvées, constat qui doit être délivré par
l’Ordinaire du lieu soit de l’impression soit de l’édition – Mais la sanction de l’excommu-
nication n’est point renouvelée dans notre Code.
[43] Cette pittoresque place porte toujours ce nom printanier. Elle est toute proche de la
Chancellerie Apostolique – L’affichage en ces trois emplacements tenait lieu de promul-
gation dans un temps où n’existait pas encore le périodique officiel créé sous Pie X, et
appelé aujourd’hui : ACTA APOSTOLICAE SEDIS.
[44] Ni redondance ni emphase dans cette énumération ; chaque mot a et doit garder sa
valeur.
[45] Cf. Constitution apostolique Quo primum, du 14 juillet 1570.
[46] Cf. Pie XII, allocution aux participants du 1er Congrès international de pastorale
liturgique d’Assise, 22 septembre 1956 : AAS 48 (1956), p. 712.
[47] Cf. S. Congrégation des Rites, décret Dominicae Resurrectionis, 9 février 1951 :
AAS 43 (1951), p.128 et s.; décret Maxima Redemptionis nostra mysteria, 16 novembre
1955 : AAS 47 (1955), p.838 et s.
[48] Cf. IIè Concile œcuménique du Vatican. Constitution sur la Sainte Liturgie. Sac-
rosanctum Concilium, art. 21: AAS 56 (1964), p. 106.
[49] Cf. ibid, art. 50.
[50] Cf. ibid, art. 51
[51] Cf. ibid, art. 57
[52] Cf. ibid, art.50
[53] ibid
[54] ibid.
[55] Cf. ibid, art. 52
[56] Cf. ibid, art. 53
[57] Cf. ibid, art.51
[58] Cf. Amos, 8,11
[59]* NDLR La Documentation catholique donne de cette phrase la traduction erronée
suivante : » Pour terminer, Nous voulons donner force de loi à tout ce que nous avons
exposé plus haut sur le nouveau Missel « . (voir ci-dessus page 17)
o Const. lit., art. 38-40.
** NDLR: ce paragraphe figure bien dans l’édition des Acta du 30 avril 1969, mais pas
dans le texte original du 3 avril 1969.
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