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Résumé
La consommation hydrique d'une jeune olivette multi-variétale cultivée
dans la région de Mornag a été étudiée pendant deux années successives
afin de développer une méthodologie de calcul des besoins en eau des
oliviers selon leur état de développement. L'irrigation a été pratiquée sur
des arbres plantés à 6m x 6m. Les valeurs de l'ETo et de la pluie efficace
ont servi au calcul des quantités d'eau d'irrigation nécessaires pour couvrir
l’ETc = Kc.Kr.ETo. Durant les deux années de l'essai, les valeurs du
coefficient cultural Kc utilisées sont successivement 0.4 et 0.5. La
couverture du sol mesurée est passée de 22% à 31%, ce qui donne
respectivement un coefficient de réduction Kr de 0.7 et 0.75.
*
Institut de l’Olivier Station Spécialisée du Nord. Email : masmoudi.chiraz@iresa.agrinet.tn
**
Institut National Agronomique de Tunisie.
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Abstract
The water consumption of a young olive orchard grown in the Mornag region is
studied during two successive years in order to develop a methodology for water
requirement estimation according to the trees development. Irrigation was applied
on five and six years old olive trees planted at 6 m x 6 m spacing. The reference
evapotranspiration (ETo) and the effective rainfall (Pe) were used to calculate
irrigation quantities to cover ETc = Kc.Kr.ETo. The values of crop coefficient
(Kc) used during the two years of experimentation were 0.4 and 0.5 respectively.
Measurement of area covered by the canopy during the same period resulted in
ground cover percentage of 22% and 31% which gives values of Kr respectively
0.70 and 0.75. Adoption of these values resulted in an annual crop
evapotranspiration of 344 and 454 mm respectively for trees aged five (2002) and
six years (2003). Monitoring of height, canopy and trunk diameters, shoot growth
and olive production allowed to verify that the values of these parameters as well
as water use efficiency obtained using this method are in accordance with those
reported in the literature for similar growing conditions.
Introduction
Les superficies de l'olivier irrigué ont connu une augmentation sensible en
Tunisie depuis quelques années. La pratique de l’irrigation estivale de
l'olivette a connu un essor surtout au Nord du pays où la pluviométrie
annuelle dépasse 400 mm. Les quantités d’eau délivrées par les agriculteurs
sont le fruit de pratiques locales et souvent, elles ne correspondent pas aux
besoins de l’olivier. Des apports insuffisants provoquent un ralentissement
du développement de l'arbre et affectent le rendement surtout lorsqu'ils se
produisent pendant les phases critiques. Des sur-irrigation peuvent
également dans certains cas avoir les mêmes effets à côté des pertes d'eau
qu'elles occasionnent.
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L’évapotranspiration maximale d’une culture donnée (ETc) est définie pour
des conditions optimales d’alimentation hydrique et minérale en vue d’une
production maximale (F.A.O., 1998). Elle est le résultat d’un équilibre entre
la demande climatique qui est exercée sur la surface évaporante et l’eau
disponible dans le sol. L’ETc dépend de l’espèce, de la couverture du sol et
des pratiques culturales.
Le besoin en eau d’une culture durant une période donnée est la hauteur
d'eau (mm) nécessaire pour compenser les pertes par évapotranspiration
pendant cette période (F.A.O., 1998). L’approche de la F.A.O. exprime
cette quantité en fonction de l’évapotranspiration de référence (ETo) qui
traduit la demande climatique et des caractéristiques de la culture. Ces
caractéristiques dépendent de l'espèce, de la variété, de l'âge, du stade
phénologique et du mode de conduite et sont représentés par un coefficient
dit cultural Kc (Equation 1).
Pour les cultures ou les stades pendant lesquels le sol n’est pas totalement
couvert par la végétation, la part de l’évaporation est importante surtout
lorsque la surface du sol est humidifiée à la suite des pluies ou de
l'irrigation. Dans ce cas, le coefficient cultural simple (Kc) qui intègre les
deux composantes : transpiration de la culture et évaporation directe du sol
ne traduit pas correctement la situation. L’approche utilisant le coefficient
cultural double (Equation 2) permet de considérer ces deux processus
séparément. Le coefficient Kc est dans ce cas la somme du coefficient de
base Kcb qui représente la transpiration de la plante et du coefficient Ke qui
tient compte uniquement de l’évaporation du sol.
Kc = Kcb + Ke [2]
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2. Evapotranspiration de l'olivier dans les conditions non standards
En arboriculture et particulièrement dans les vergers oléicoles, l'approche
de la F.A.O. établie pour des conditions standards présente ses limites
lorsque la densité de plantation, l'âge des arbres ou le mode de conduite
affectent le pourcentage de couverture du sol et le rapport transpiration /
évaporation.
J F M A M J Jt A S O N D
Kc 0.50 0.50 0.65 0.60 0.55 0.50 0.45 0.45 0.55 0.60 0.65 0.50
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Tableau III : Variation du coefficient cultural et des pertes d'eau par
transpiration (T) de l’olivier Picual en fonction de la densité de plantation.
Valeurs observées sur de jeunes oliviers bien développés (Cordoue,
Espagne, Cruz-Conde et Fuentes, 1989).
NB : Valeur moyenne transpirée par olivier jeune durant la période juin-août: 0.35
2
l/m de feuille. Evaporation bac A de 6.6 mm et ETP-Thorntwhite de 5.4 mm. ETP
(avril-octobre): 820 mm.
3. Conditions de l’essai
La méthode de calcul des besoins en eau a été appliquée pendant les années
2002 et 2003 pour la conduite de l’irrigation d’une jeune plantation
multivariétale d’olivier installée à la station expérimentale de l’INAT à
Mornag à 15 km au Sud de Tunis.
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Fig. 1 : Evapotranspiration mensuelle (mm) et pluviométrie
enregistrée (mm) à la station expérimentale de Mornag
au cours des années 2002 et 2003.
4. Conduite de l’irrigation
L’irrigation pratiquée est une irrigation de complément destinée à couvrir
les besoins de l’arbre durant la période allant du mois de mars au mois de
septembre. Les dates des irrigations ont été choisies de façon à éviter les
stress hydriques durant les stades sensibles. Dans les conditions du nord de
la Tunisie, l’irrigation démarre habituellement au printemps en vue de
stimuler la croissance de la nouvelle pousse et favoriser la différenciation
de fleurs parfaites, mais elle peut être retardée lorsque les quantités de pluie
automnale et hivernale sont excédentaires. En 2002, la première irrigation a
eu lieu au mois de mars compte tenu du déficit pluviométrique enregistré en
hiver. Les quantités de pluie tombées entre septembre 2001 et février 2002
n’ont été que de 170 mm. Pour la même période de l’année 2003, les
quantités de pluie ont atteint 450 mm ce qui a permis de retarder l’irrigation
jusqu’au mois de Mai. Les irrigations suivantes ont été appliquées de façon
à couvrir le stade de durcissement des noyaux qui démarre durant la
dernière semaine de juin et dure trois semaines et la période d’induction
florale qui a lieu entre fin juillet et le 20 Août. La dernière irrigation est
apportée entre fin août et mi-septembre selon la précocité des pluies
automnales. Les premières pluies importantes ont été enregistrées le
6/9/2002 (25 mm) et le 17/9/2003 (79 mm).
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Afin de nous rapprocher des autres modes d’apport de l’eau nous avons
réduit le nombre d’irrigation et appliqué des quantités qui permettent de
remplir le réservoir sol de la zone radiculaire sur une profondeur d’un
mètre. Avec un système goutte à goutte qui délivre 16 litres / heure / arbre,
l’irrigation dure une semaine à dix jours successifs. Les quantités d’eau
d’irrigation ont été calculées en considérant la pluie et les besoins en eau
estimés par la méthode de la F.A.O. (1998) en adoptant les coefficients
culturaux et les termes correctifs donnés au tableau II. A cet effet la surface
ombragée du sol a été estimée à partir de mesures de la frondaison
effectuées sur 12 arbres par variété avant et après la taille. Le tableau IV
récapitule les différentes valeurs de l’ETo, des coefficients culturaux Kc et
correctifs Kr et des besoins en eau annuels et durant la période d’irrigation.
Les apports d’eau par irrigation ont été calculés de façon à satisfaire les
besoins tout en tenant compte de la pluie efficace. La pluie efficace est
calculée par la méthode de l'USDA SCS recommandée par la F.A.O.
(1976). L’intervalle maximal entre deux irrigations a varié de 30 à 40 jours.
Le tableau V présente les données relatives à la pluie et à l’irrigation durant
la période mars-septembre.
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Tableau V : Quantités de pluie et apports par irrigation durant la
période mars-septembre de la jeune plantation d’oliviers au
cours des années 2002 et 2003.
2002 2003
Pluie brute (mm) 159 346
Pluie efficace (Pe, mm) 110 239
ETc (mm) 274 368
Nombre d’irrigations 4 7
Apport d’eau par irrigation (mm) 138 151
Apport d’eau total : Pe + I (mm) 248 390
(P+I) / ETc 0.91 1.06
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5. Production et développement végétatif
Afin de situer l'adéquation de la méthode de pilotage, la production et la
croissance de l'arbre ont été évaluées à travers des mesures sur l'arbre et au
niveau des rameaux. Le rendement de 12 arbres par variété (Manzanille,
Chétoui, Meski et Picholine) et l’efficience de l’utilisation de l’eau (EUE)
ont été déterminés et sont donnés au tableau VI. L’efficience est définie
comme étant la quantité d’olives produite par m3 d’eau consommé. La
consommation réelle de la culture est difficile à estimer, elle a été prise en
première approximation égale à la quantité d’eau apportée par irrigation et
par précipitation efficace.
2002 2003
Variété Rendement Efficience Rendement Efficience
(t / ha) (Kg / m3) (t / ha) (Kg / m3)
Manzanille 2.5 0.66 2.3 0.33
Chétoui 3.0 0.79 2.1 0.30
Meski 0.5 0.13 0.3 0.05
Picholine 2.3 0.61 3.0 0.43
Moyenne 2.1 0.55 1.9 0.28
I (mm) 138 151
Pe (mm) 238 546
Pe + I (mm) 376 697
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L’élongation annuelle des rameaux a été mesurée sur la variété Chétoui. La
valeur moyenne de 48 rameaux pris sur trois arbres est de 25.1 cm.
L’allongement estival mesuré entre début mai et début septembre
représente 50% du total annuel. Des valeurs comparables ont été rapportées
par Gouard (1975) sur la variété « Souri » cultivée à Hendi-Zitoun (région
de Kairouan) dont les rameaux s’allongent en moyenne de 22 cm / an. Chez
la variété Arbequina, Sole-Riera (1990) rapporte des valeurs moyennes
comprises entre 9.6 et 12.7 cm / an en fonction de la dose d’irrigation.
Ces valeurs sont plus élevées que celles rapportées par Michelakis and
Vougioucalou (1988) et Deidda et al., (1990). Les valeurs obtenues pour
des oliviers Cv. Kalamon âgés de 6 ans et cultivés en intensif (5mX5m)
sous 750 mm dans la région de Chania, sont de 247 cm pour le diamètre de
la frondaison et de 284 cm pour la hauteur. Ces différences seraient liées au
cultivar et aux conditions de l’essai, notamment au mode de taille adopté.
Conclusion
Ce travail présente une méthode de pilotage de l'irrigation des plantations
intensives d’oliviers basée sur des estimations de l’évapotranspiration de la
culture et de la pluie efficace. L'application de cette méthode a été effectuée
dans la région de Mornag durant deux années consécutives sur une jeune
olivette irriguée.
Remerciement
Les auteurs remercient Messieurs Mahmoud Lamine et Lotfi Othmani de la
station expérimentale de l'INAT pour leur collaboration technique.
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