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La parcelle incriminée a été clôturée.

Le quartier s’est fortement urbanisé depuis plus de


trente ans que le site a été laissé en friche. © Crédit photo : Ph. B.
Par Philippe Belhache
Publié le 16/02/2024 à 18h35.
Mis à jour le 17/02/2024 à 9h13.

L’entreprise Maltha Glass Recycling, à Izon, a découvert une pollution


industrielle sur un site entré dans son patrimoine après le rachat de
l’ex-Ipaq. L’ancienne carrière avait servi de décharge illégale
« J’habite ici depuis plus de vingt ans. Quand je suis arrivé, on m’a dit
‘‘c’est une décharge’’, on y a mis tout et n’importe quoi. Je pensais que tout
le monde savait. Le garde municipal savait, les gens savaient… » Les
pouvoirs publics, eux, ne savaient pas. Non plus que la société Maltha
Glass Recycling, qui a intégré dans son patrimoine immobilier ce terrain
enherbé situé à Izon, rue du Pont-du-Bois, après le rachat en 2006
d’Euracy, elle-même propriétaire d’Ipaq, société de recyclage de verre qui
utilisait le site. Maltha a informé le 30 janvier dernier les services de l’État
de l’existence de cette décharge illégale. Ces derniers ont réagi
immédiatement.

Le préfet de Gironde Étienne Guyot a pris un arrêté portant mesures


d’urgences, prescrivant la réalisation d’un diagnostic complémentaire et
d’une Interprétation de l’état des milieux (IEM). Une réunion publique était
organisée ce jeudi 15 février pour informer les riverains, coordonnée par le
sous-préfet de Libourne Matthieu Doligez, en présence des représentants
de l’entreprise, des services de l’État et de la municipalité.
Maltha Glass Recycling, la Ville d’Izon et les services de l’État ont souhaité une concertation ouverte, apaisée et
totalement transparente.

Plomb, fer et hydrocarbures


Pourquoi le dossier ne sort-il qu’aujourd’hui ? L’entreprise Maltha,
rapportent les intervenants, a été sollicitée par un investisseur désireux
d’acquérir le terrain. Elle a mandaté le cabinet spécialisé Tauw pour réaliser
une étude des sols. Laquelle a été menée entre mars 2022 et mars 2023,
restituée en septembre 2023 avec une modélisation du possible impact de
la pollution des sols hors site. Des délais « normaux pour ce genre
d’étude », estime Olivier Pairault, directeur de l’unité départementale de la
Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du
logement), en charge des installations classées.

Le site, indiquent les services de l’État, accueillait une installation de


broyage de produits minéraux, en particulier des déchets ménagers en
verre. Il a aussi servi au stockage de déchets et à l’entreposage de matière
combustibles. Les investigations environnementales ont démontré la
présence, à des concentrations très élevées dans les sols, de plomb, de
fer, d’hydrocarbures en raison de la présence d’une cuve, mais aussi des
taux d’arsenic, d’ammonium et de fer dans les eaux souterraines à des
niveaux inhabituels au droit du site. « Mais en deçà des normes de qualité
des eaux brutes » (susceptibles d’être retraitées pour devenir potables,
NDLR), indique Olivier Pairault. Autant de résultats qui interrogent au-delà
du seul site, le quartier s’étant fortement urbanisé depuis les années 1990.

Appel aux riverains


Il est aujourd’hui demandé aux riverains de donner accès à leurs terrains
aux scientifiques de Tauw, afin qu’ils puissent mener leurs investigations de
manière élargie. Les voisins immédiats du site, mais aussi ceux « qui
disposent d’un puits ou qui sont propriétaires de volailles et qui résident
dans le périmètre défini au nord par la rue de Graney, à l’ouest par la rue
du lotissement Les Vignes de l’Oustal, la rue du lotissement Bayle et la rue
de Loustauneuf (les pavillons de ces lotissements étant inclus), et à l’est
par le ruisseau des Prades ». Ils sont invités pour ce faire à prendre contact
avec la mairie (1).

Les autorités cherchent également à reconstituer l’histoire du site. Un


terrain cultivé jusqu’en 1966, avant d’être exploité en carrière dans les
années 1970. « Les étangs du secteur sont d’anciennes gravières »,
rappellent les services de l’État. L’Ipaq s’en est servi jusqu’au début des
années 1990. « La société n’existe plus, rappelle le maire Laurent de
Launay. Mais nous avons retrouvé un ancien salarié que nous avons pu
interroger. Un autre terrain pourrait être concerné à 200 mètres de là. » Les
sources de transfert de pollution ? La nappe phréatique, qui a pu véhiculer
des polluants vers les puits, souvent utilisés pour arroser les jardins, mais
aussi les poussières.

Investigations
Les services de l’État se veulent pragmatiques mais ne veulent pas
dramatiser. L’eau potable, provenant de forages profonds dans la nappe
éocène, ne peut en aucun cas être touchée. Les terrains et les puits doivent
cependant être examinés sur une zone volontairement « élargie au
maximum » de façon à prendre la juste mesure de la pollution. « Aucun cas
de maladie ne nous a été rapporté ces dernières années qui aurait justifié
des investigations complémentaires », indique Matthieu Doligez. « Rien ne
laisse non plus supposer, renchérit Olivier Pairault, que les hydrocarbures
aient pollué la nappe phréatique. Les odeurs sont très caractéristiques. »
(1) Contact : 05 57 55 45 46, ou izon.fr/contact

Principe de précaution
« J’ai retiré tout un tas de déchets de mon terrain. Mon enfant a joué là, il a
mangé des légumes du jardin… » Les représentants de l’Agence régionale
de santé (ARS) ont tenté de répondre aux angoisses de ce père de famille,
propriétaire depuis 2017, dans une zone directement exposée. Il est
recommandé de se laver régulièrement les mains, de ne pas boire d’eau
provenant d’un puits ni même de l’utiliser, de laver soigneusement tous les
légumes produits. Les propriétaires de volailles peuvent consommer les
œufs, mais doivent éviter d’en manger la viande. Aux interrogations de la
société de pêche locale, il a été répondu que la pêche pouvait être
maintenue, mais en « no kill », un arrêté municipal devant être pris en ce
sens.

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