Vous êtes sur la page 1sur 1

Exemple d'un paragraphe argumenté – écrit d'appropriation n°2

La Bruyère, Les Caractères, Livre VI

Rédigez un paragraphe argumenté d'une quinzaine de lignes pour expliquer ce que La Bruyère
reproche aux "partisans", surnommés ironiquement PTS.

(Idée principale développée dans le paragraphe) La Bruyère admet les distinctions de rang comme
nécessaires à l'ordre social ; toutefois il est révolté par les écarts de richesse scandaleux qui se creusent à son
époque et opposent les conditions à l'extrême : d'une misère affamée à une opulence sans limites. Il reproche
donc aux partisans, qu'il nomme ironiquement "PTS", d'estimer la valeur d'un homme selon sa fortune, sa
réussite matérielle, et non selon son mérite réel.
Tout d'abord, le moraliste montre que l'argent rend les hommes égoïstes, sans coeur : l'auteur dresse par
exemple le portrait de Champagne, un courtisan égoïste qui se moque totalement de la souffrance des autres.
Après un dîner très copieux, La Bruyère s'interroge ironiquement sur la responsabilité de ce PTS à affamer
toute une province : "il est excusable, quel moyen de comprendre dans la première heure de la digestion qu'on
puisse quelque part mourir de faim ?". La richesse provoque ainsi une dureté de coeur incompatible avec la
charité chrétienne.
En outre, on voit clairement que l'argent aliène les hommes, rendant vaine leur existence. En effet,
Chrysippe désire toujours plus s'enrichir et est insatiable de richesse. Cependant, il n'en profite pas : "il vit
encore, quoique assez avancé en âge, et il use de ses jours à travailler pour s'enrichir". C'est encore Périandre,
modèle d'orgueil et de suffisance qui veut passer pour un grand seigneur et étale sa richesse aux yeux de tous,
de façon ostentatoire. "Il est le seigneur dominant de tout le quartier. C'est lui que l'on envie, et dont on voudrait
voir la chute". Finalement, tous deux confondent richesse avec bonheur.
De surcroît, l'auteur dénonce ces fortunes acquises récemment par un moyen très peu honnête. Ce sont
des bourgeois parvenus qui déploient des stratagèmes pour s'enrichir comme la force et le recours à la violence.
Effectivement, Crésus tire "ses immenses richesses [du] vol et [de] la concussion" ; Sosie "a passé par une
petite recette à une sous-ferme, et par concussions, la violence, et l'abus qu'il a fait de ses pouvoirs, s'est enfin,
sur les ruines de plusieurs familles, élevé à quelque grade". C'est encore ce que montre La Bruyère grâce à la
métaphore des préparatifs en cuisine ou de ceux derrière le rideau, dans les coulisses du théâtre, qui révèle le
caractère répugnant et artificiel des courtisans. Il nous invite ainsi à "entr[er] dans les cuisines, [...] [à]
examin[er] en détails tous les apprêts des viandes, [...] [à] regard[er] par quelles mains elles passent, et toutes
les formes qu'elles prennent avant de devenir un mets exquis, [...] quelles saletés ! Quel dégoût !".
Enfin, l'argent établit des relations sordides entre les hommes : il est la source de l'abjecte complaisance
des prétendants à l'héritage, de la joie dénaturée des héritiers à la mort de leurs parents. Par exemple, dans la
remarque 69, la longue énumération enrichie de superlatifs montre à quel point les liens sociaux sont intéressés,
corrompus par l'argent : "nous ne sommes point mieux flattés, mieux obéis, plus suivis, plus entourés, plus
cultivés, plus ménagés, plus caressés de personne pendant notre vie, que de celui qui croit gagner à notre mort,
et qui désire qu'elle arrive".
Par conséquent, l'auteur condamne les inégalités sociales et revendique un juste milieu qu'il nomme "la
médiocrité". D'autant plus que la richesse n'a rien de solide, elle se perd plus vite encore qu'on ne l'amasse :
Crésus meurt seul et ruiné, "il ne lui est pas demeuré de quoi se faire enterrer "(VI, 17).

Vous aimerez peut-être aussi