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Déterminants organisationnels
de la représentation des femmes dans les conseils
d’administration1
Rey DANG2
Frédéric TEULON3
Résumé
La présence des femmes dans les conseils d’administration est devenue
un enjeu organisationnel majeur en raison des répercussions qui en
découlent, à la fois sur le fonctionnement des entreprises (enjeu en
matière de diversité) et sur l’ensemble de la société (briser le « plafond
de verre »). Cet article analyse les déterminants de cette présence, en
France, sur la base des entreprises du SBF-120. Nous construisons un
modèle probabiliste, testé à partir d’une régression logistique. Nos
résultats confirment le lien qui existe entre la taille des entreprises et
la présence des femmes dans les structures dirigeantes. En revanche,
cette présence est indépendante du type d’actionnariat.
Abstract
The presence of women on corporate boards of director has become
a key organizational issue because of the impact these have on both
business operations (issue on diversity) and the whole of society
(circumvent the “glass ceiling”). This article analyzes the determinants
of this representation in France, based on the companies belonging
to the SBF 120 stock market. We build a probabilistic model, using
a logistic regression. Our results confirm the relationship between
firm size and the presence of women on corporate boards. However,
this presence is independent from the type of ownership.
1 Cet article a pour origine le working paper Ipag 2014-397 intitulé « Les déterminants or-
ganisationnels de la représentation des femmes au sein des conseils d’administration du SBF 120 » et
s’appuie également sur une communication présentée à l’AIMS en 2011 « La progression des femmes au
sein des conseils : étude théorique et empirique du SBF 120, 2000-2009 ».
2 Rey DANG : Groupe Sup de Co La Rochelle - Email : dangr@esc-larochelle.fr
3 Frédéric TEULON : IPAG Business School, Paris - Email : f.teulon@ipag.fr
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Introduction
La représentation des femmes au CA a fait l’objet d’une littérature abondante (pour une
revue de la littérature voir Terjesen et al., 2009). En substance, celle-ci s’est attachée à
examiner la progression des femmes au sein du CA, au fil du temps (Daily et al., 1999 aux
États-Unis ou Dang et al., 2014) ou au sein des comités spécialisés (Bilimoria et Piderit,
1994 ; Kesner, 1988). Par ailleurs, la littérature a cherché à établir si les administratrices
et les administrateurs différaient en termes de caractéristiques sociodémographiques
et de capital humain (Dang et al., 2014 ; Hillman et al., 2002 ; Singh et al., 2008). Enfin,
la littérature s’est intéressée aux dynamiques permettant d’intégrer les femmes au CA
à travers, par exemple, les réseaux ou le mentorat (Bilimoria, 2000). Quelques travaux
ont cherché à comprendre les facteurs organisationnels (Hillman et al., 2007 ; Moulin
et Point, 2012 ; Nekhili et Gatfaoui, 2013) ou socio-politico-économiques (Sheridan
et Milgate, 2005 ; Terjesen et Singh, 2008) favorisant la nomination de femmes au CA.
Il ressort de ces travaux que la taille de l’organisation, le type d’industrie et le degré
de diversification de l’entreprise ont un impact significatif sur la représentation des
femmes au CA. Par ailleurs, certains mécanismes de gouvernance ainsi que les systèmes
institutionnels nationaux ont une influence sur la présence de femmes au sommet des
organisations.
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des femmes dans les conseils d’administration
(2007). Par ailleurs, comme le soulignent ces auteurs, mettre l’accent sur les facteurs
organisationnels, permettant de prédire la présence des femmes au CA, facilite l’analyse
des conditions optimums dans lesquelles un CA est plus enclin à intégrer des femmes.
En définitive, l’objet de cette étude est d’identifier les principaux déterminants organi-
sationnels de la représentation des femmes au CA au sein des grands groupes faisant
partie de l’indice SBF 1208. Pour ce faire, nous identifions un échantillon non cylindré
constitué de 284 observations et 105 entreprises, sur la période allant de 2009 à 2011.
Dans une première section nous procédons à une revue de la littérature, ce qui nous
permet de formuler des hypothèses de recherche (section 2). Ensuite nous présentons
notre méthodologie (section 3). La section 4 analyse les résultats obtenus. Enfin la
section 5 conclue.
7 Nous ne nous intéressons pas ici aux pratiques discriminatoires conscientes ou inconscientes
et nous n’entrons pas dans le débat relatif aux théories du genre pour savoir si les organisations sont
sexuées ou non (Acker, 1992). Nous ne portons pas ici de jugement sur la question d’une théorie des
organisations qui serait éventuellement sexuées, ni sur la question d’un caractère sexiste de l’entreprise
en partie masqué par des représentations abstraites (la taille de l’entreprise, le type d’actionnariat…).
8 Cet indice regroupe les 120 plus grandes entreprises françaises, en termes de capitalisation
boursière, et qui sont les plus liquides sur la bourse de Paris.
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1. Revue de la littérature
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tratrices au CA. De plus, la promotion des femmes à des postes de direction envoie
un message positif aux employés, au sein même de l’organisation, mais également
vis-à-vis des recrues potentielles (Daily et al., 1999).
L’émergence de la théorie des parties prenantes au sein des CA est motivée par la re-
connaissance croissante de la nécessité de prendre en considération l’intérêt général de
la société (Francoeur et al., 2008 ; Kang et al., 2007). Un moyen de prendre en compte
ces intérêts est la structure de propriété de l’entreprise, à travers la concentration
du capital ou la présence d’actionnaires minoritaires (Carter et al., 2003 ; Hillman
et al., 2001 ; Kang et al., 2007). Par ailleurs, les investisseurs institutionnels peuvent
contraindre les entreprises à plus de diversité (Gillan et Starks, 2000). Carter et al.
(2003) soulignent que la diversité au sein des CA devient un critère d’investissement
pour les investisseurs institutionnels. Enfin, la représentation des femmes au CA est
étroitement liée à l’actionnariat familial (Campbell et Mınguez-Vera, 2008 ; Ruigrok
9 Notre traduction.
« The scope of product markets requires a diversity of perspectives to meet both local and global needs ».
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et al., 2007). Ceci est particulièrement prégnant dans le contexte français (Moulin et
Point, 2012 ; Nekhili et Gatfaoui, 2013).
10 Nous nous sommes restreints aux revues classées CNRS (section 37) et FNEGE.
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représentation des femmes au CA. En effet, son impact est positif et significatif au seuil
de 1 %. A l’échelle des caractéristiques de gouvernance d’entreprise, la taille du CA et le
cumul des fonctions de Directeur Général et de Président du conseil sont positivement
et significativement associés au nombre de femmes au CA, tandis que l’indépendance
est négativement corrélée (au seuil de 5 %).
Prenant appui sur la littérature décrite précédemment, nous émettons deux séries
d’hypothèses, fondées d’une part sur la théorie de la dépendance des ressources (hy-
pothèses 1 et 2) et d’autre part, sur la théorie des parties prenantes (hypothèses 3 et 4).
H1 : toute chose égale par ailleurs, la représentation des femmes dans les conseils
d’administration est positivement corrélée avec la taille de l’entreprise.
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H2 : toute chose égale par ailleurs, la représentation des femmes dans les conseils
d’administration est positivement corrélée avec le niveau de diversification totale
de l’entreprise.
H3 : toute chose égale par ailleurs, la représentation des femmes dans les conseils
d’administration est positivement corrélée avec l’actionnariat familial.
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H4 : toute chose égale par ailleurs, la représentation des femmes dans les conseils
d’administration est positivement corrélée avec l’actionnariat financier et
institutionnel.
3. Méthodologie
3.1. Le modèle
Lorsque la variable dépendante est un nombre entier ou décimal, les régressions mul-
tivariées peuvent être utilisées. Cependant, lorsque la variable dépendante est dicho-
tomique, la régression logistique est plus appropriée (Gujarati, 2004). La régression
logistique est une méthode d’analyse statistique visant à prédire et à étudier une variable
binaire où l’impact relatif de chaque variable indépendante est identifié. Elle diffère
des régressions multiples en ce sens qu’elle peut prévoir directement la probabilité
d’un événement (Hosmer et Lemeshow, 1989). Par conséquent, à l’instar d’Hillman
et al. (2007) et de Moulin et Point (2012), nous employons une régression logistique
afin d’identifier quels déterminants sont les plus importants dans la représentation
des femmes au CA. Notre spécification se présente de la manière suivante :
a = f (β1 z, β2 x) [1]
avec a la probabilité d’avoir une femme au CA, β1 et β2 sont des vecteurs de paramètre ;
z correspond aux déterminants organisationnels et x désigne un ensemble de variables
de contrôle.
Dans le modèle [1], nous incluons plusieurs variables de contrôle (vecteur x) habituel-
lement utilisées. Premièrement, nous introduisons la taille du CA afin de pondérer la
représentation des femmes au CA. En effet, un nombre de sièges suffisamment important
pourrait permettre d’intégrer plus de femmes (Moulin et Point, 2012). De nombreuses
études montrent un lien positif entre la taille du CA et la représentation de femmes au
CA (Hillman et al., 2007 ; Nekhili et Gatfaoui, 2013). Deuxièmement, nous incluons l’âge
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À l’instar d’Hillman et al. (2007), nous préférons employer l’« odds ratio » (ou rapport
des cotes) plutôt que les coefficients, afin de faciliter la compréhension de nos résultats
issus de la régression logistique. L’odds ratio représente la variation de la probabi-
lité de la variable dépendante résultant d’un changement d’une unité de la variable
indépendante. Un odds ratio égal à 1 n’indique aucun effet, tandis qu’un odds ratio
supérieur à 1 (ou inférieur à 1) signale qu’une hausse (ou une baisse) de la variable
indépendante accroît (ou diminue) la probabilité de la variable dépendante ; en l’es-
pèce, une augmentation (ou une diminution) de la probabilité d’avoir au moins une
administratrice au CA).
Notre échantillon initial est constitué des entreprises cotées sur Euronext Paris, com-
posant l’indice SBF 120 au 31 décembre de chaque année, et porte sur la période
2009-2011. Cet indice regroupe les 120 plus grandes entreprises françaises et les
plus liquides sur la bourse de Paris. Nous avons exclu les 56 entreprises des secteurs
banque, finance, assurance et immobilier (code SIC 6000-6999) et les 20 entreprises
du secteur de l’énergie (code SIC 4000-4999), dans la mesure où elles font l’objet d’une
réglementation particulière en matière de publication d’informations. En définitive,
notre échantillon comprend 105 entreprises et 284 observations annuelles.
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3.3. Variables
Variable dépendante
Variables indépendantes
La taille de l’entreprise est mesurée par le logarithme naturel (ou népérien) des ventes
(Hillman et al., 2007)11. Le degré de diversification totale d’une entreprise est mesuré
n 1
grâce à l’indice d’Entropie (E) de Palepu (1985) défini par : E = ∑ pi ln ,
i −1 pi
où n désigne le nombre d’activités d’une entreprise et pi correspond au poids relatif
de chaque activité (en %). Pour ce faire, nous nous appuyons sur les documents de
référence et l’IFRS 8 « secteurs opérationnels »12. Pour mesurer l’actionnariat fami-
lial, nous définissons au préalable une entreprise familiale. À l’instar de l’étude de
Sraer et Thesmar (2007), est considérée comme entreprise familiale, toute entreprise
dans laquelle le fondateur (par exemple Pierre Bellon chez Sodexo) ou un membre
de la famille du fondateur (par exemple la famille Michelin) est un bloc de contrôle
(blockholder). Nous imposons également comme critère supplémentaire que ce bloc de
contrôle détienne au moins 20 % des droits de vote13. En définitive, à l’instar de Moulin
et Point (2012) et de Nekhili et Gatfaoui (2013), nous utilisons une variable binaire
égale à « 1 » s’il s’agit d’une entreprise familiale et à « 0 » dans le cas contraire. Enfin,
conformément à Nekhili et Gatfaoui (2013), l’actionnariat des investisseurs financiers
et institutionnels correspond au total du capital détenu par ces investisseurs avec un
seuil minimum de 5 %14.
Variables de contrôle
La taille du conseil d’administration est égale au nombre de membres siégeant dans cette
instance (Hillman et al., 2007). L’âge d’une organisation correspond à la différence entre
la date de création de l’entreprise et l’année analysée (2009, 2010 ou 2011). À l’instar
11 Selon Simon et Bonini (1958) ou Hillman et al. (2007), la taille des entreprises montre
une distribution fortement asymétrique. En utilisant la distribution logarithmique, cette asymétrie est
atténuée. Ces auteurs suggèrent que la taille d’une organisation peut être mesurée par le logarithme du
total des actifs, du total des ventes ou du nombre d’employés, ils aff irment que ces différentes mesures
sont équivalentes.
12 Selon l’IFRS 8 « secteurs opérationnels », une entité doit fournir une information qui per-
mette aux utilisateurs des états f inanciers d’évaluer : d’une part, la nature et les effets f inanciers des
activités dans lesquelles elle est engagée et, d’autre part, les environnements économiques dans lesquels
elle opère.
13 Toutefois, comme le remarquent. Sraer et Thesmar (2007), cette condition est quelque peu
superf lue dans la mesure où rares sont les cas dans lesquels une famille (ou le fondateur) ne possède pas
20 % au plus des droits de vote.
14 Pour mémoire, lorsqu’un actionnaire agissant seul ou de concert achète ou vend une quantité
d’actions qui lui fait franchir le seuil de 5 %, il doit en informer l’AMF (Autorité des Marchés Finan-
ciers). D’où le seuil de 5 %, retenu dans cette étude, pour les investisseurs f inanciers et institutionnels.
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4. Résultats
Le Tableau 1 présente les moyennes, les écarts-types, ainsi que les corrélations de nos
variables- clefs. Sur la période d’analyse, 80 % des entreprises de notre échantillon
comptent au moins une femme au sein de leur CA (69 %, 77 % et 94 % respective-
ment en 2009, 2010 et 2011). En moyenne, leur chiffre d’affaires généré est de 4 188
millions d’EUR, avec un niveau de diversification moyen égal à 0,93. Par ailleurs, 47 %
des entreprises de notre échantillon sont des entreprises familiales et les investis-
seurs financiers et institutionnels détiennent 11 % du capital (contre 27 % et 21 %
respectivement dans les travaux de Moulin et Point, 2012 et de Nekhili et Gatfaoui,
2013). Enfin, les entreprises ont en moyenne 65 ans et sont endettées à hauteur de
27 %. Enfin, en moyenne, les CA comprennent environ 12 membres (variant de 3 à 19
administrateurs). Les entreprises de notre échantillon ont un Q de Tobin égal à 1,03.
Nos résultats sont semblables à ceux de l’étude de Moulin et Point (2012).
De manière générale, une corrélation égale ou supérieure à 0,70 en valeur absolue peut
indiquer un problème de multicolinéarité (voir Mela et Kopalle, 2002). En l’espèce, la
corrélation la plus élevée en valeur absolue est celle que l’on observe entre l’action-
nariat familial et institutionnel (0,39 ; en gras le Tableau 1). Ce chiffre est inférieur à
la valeur absolue de 0,70. La multicolinéarité ne semble donc pas être un problème.
Pour confirmer ce résultat, et à l’instar d’Hillman et al. (2007) et de Nekhili et Gatfaoui
(2013), nous avons généré les VIF (Variance Inflation Factor). Comme le montre la partie
B du Tableau 1, aucune valeur n’excède 2, une valeur significativement inférieure à la
valeur communément admise de 10, indiquant ainsi des problèmes de multicolinéarité
(Chatterjee et Hadi, 2012). Par conséquent, nous concluons que la multicolinéarité n’a
aucun impact sur nos analyses futures.
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L’hypothèse 2 présume, quant à elle, que le niveau de diversification totale d’une en-
treprise est positivement corrélé avec la représentation des femmes au CA. Les ré-
sultats du Tableau 2 n’étayent pas cette hypothèse dans la mesure où l’odds ratio est
négativement et significativement corrélé avec la présence de femmes au CA (odds
ratio = 0,47, p < 0,05). Ce résultat est en contradiction avec notre hypothèse initiale.
Par conséquent, l’hypothèse 2 est rejetée.
Parmi les variables de contrôle, seule la taille du CA a une influence positive et signifi-
cative sur la représentation des femmes au CA (odds ratio = 1,21, p < 0,05).
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Conclusions
Nous adoptons comme cadres théoriques celui de la dépendance des ressources (Pfeffer
et Salancik, 1978) et celui des parties prenantes (Freeman, 2010). Ces cadres sug-
gèrent que les administratrices sont intégrées au CA en raison de leurs caractéristiques
proprement féminines (Moulin et Point, 2012), lesquelles sont complémentaires aux
singularités masculines déjà présentes au CA (Hillman et al., 2007). Par ailleurs, la
représentation des femmes au CA est vraisemblablement conditionnée par la prise en
compte des intérêts des stakeholders (Carter et al., 2003 ; Hillman et al., 2001). Pour
confirmer ces résultats, nous mettons en œuvre une régression logistique.
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Dans l’ensemble, nos résultats sont en accord avec la littérature existante. Ils sont en
adéquation avec ceux d’Hillman et al. (2007) et de Moulin et Point (2012), qui constatent
un lien positif et significatif entre la taille de l’entreprise et la présence de femmes au
CA. De même, nous confirmons l’existence d’une relation négative et significative (au
seuil de 5 %) entre le niveau de diversification et la représentation des femmes au CA,
laquelle est également observée dans les deux études précitées. Par ailleurs, à l’instar
de Moulin et Point (2012) et de Nekhili et Gatfaoui (2013), nous constatons une relation
non significative entre l’actionnariat des investisseurs financiers et institutionnels et
la présence de femmes au CA. A contrario, l’absence de lien significatif entre l’action-
nariat familial et la représentation de femmes au CA constitue la principale pierre
d’achoppement dans les travaux de Moulin et Point (2012) et de Nekhili et Gatfaoui
(2013). Ces auteurs considèrent que l’actionnariat est le principal facteur explicatif
de la présence des femmes au CA. Concernant les variables de contrôle, nos résultats
sont en adéquation avec les études précitées.
Que ce soit dans notre étude ou dans celles d’Hillman et al. (2007) et de Moulin et
Point (2012), nous constatons un lien négatif et significatif (aux seuils de significativité
conventionnels) entre la stratégie de diversification et la présence de femmes au CA. Ce
résultat contraste avec l’hypothèse naturelle développée en l’espèce. Selon Scharfstein
(1998), il y a consensus, au sein du monde académique, sur le fait que la stratégie de
diversification est destructrice de valeur. En effet, les études montrent que les entre-
prises diversifiées, comparativement aux entreprises mono-segment, subissent une
décote de conglomérat de l’ordre de 12 à 15 % (Berger et Ofek, 1995 ; Lang et Stulz,
1994). Adams et Ferreira (2009) notent que les administratrices prennent davantage
part aux prises de décision du CA et contrôlent plus l’action des dirigeants. In fine, ces
auteurs montrent que les administratrices ont un impact significatif sur les inputs du
CA. Ainsi, la relation négative pourrait indiquer que la présence des femmes au CA
est incompatible avec les entreprises diversifiées ; par leurs avis et leurs conseils, ces
administratrices influenceraient vraisemblablement l’entreprise pour qu’elle procède
à une réorganisation, en vue de réduire le niveau de diversification (voir Martin et
Sayrak, 2003). L’actionnariat financier et institutionnel, censé opérer une pression
coercitive pour une plus grande représentation des femmes au CA, n’a pas l’influence
escomptée, probablement – comme le soulignent Moulin et Point (2012) – parce que
le fort activisme actionnarial observé dans le contexte anglo-saxon (Gillan et Starks,
2000) n’est pas aussi prégnant en France (Albouy et Schatt, 2009). Ainsi, l’absence de
relation significative traduit vraisemblablement l’attitude de ces investisseurs à l’égard
de la représentation des femmes au CA. Enfin, l’absence de lien entre l’actionnariat
familial et la représentation des femmes au CA peut s’expliquer par un effet temporel :
avant 2009, les entreprises familiales étaient surtout soucieuses d’intégrer des femmes
ayant un lien avec la famille fondatrice (par exemple chez BIC) ou avec le fondateur
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(par exemple Vanisha Mittal chez ArcelorMittal). C’est « l’atout familial » décrit par
Moulin et Point (2013). Après 2009, les entreprises ont cherché à diversifier le profil
des administratrices, en fonction de leurs qualités ou des liens capitalistiques. Ce sont
les atouts « Représentation » et « Carrière », définis par Moulin et Point (2013). Le lien
non significatif observé pourrait en être le reflet. Enfin, Villalonga et Amit (2006) font
valoir que la performance des entreprises familiales varie grandement en fonction de la
manière dont le chercheur définit l’entreprise familiale. En effet, ces auteurs recensent
neuf définitions. Dans ces conditions, nos résultats non significatifs pourraient traduire
la porosité de notre mesure et l’évolution de l’activisme de l’actionnariat familial – actif
ou passif (Anderson et Reeb, 2003).
D’un point de vue pratique et managérial, notre étude conduit tout d’abord à considérer
que l’entreprise n’est pas une « boîte noire ». Les caractéristiques idiosyncrasiques
influencent donc la représentation des femmes au CA. Examiner les déterminants or-
ganisationnels de la présence des femmes au CA permet aux dirigeants, ainsi qu’à la
recherche académique, de mieux comprendre les leviers organisationnels favorisant la
représentation des femmes au CA. En l’espèce, nous montrons que la taille de l’entre-
prise a un effet positif et significatif sur la représentation des femmes au CA, en raison
de la pression exercée, par les parties prenantes, sur les grandes entreprises, en vue
d’une plus grande légitimité. De plus, nos résultats sont de nature à aider les femmes
à mieux cerner les leviers organisationnels leur permettant d’intégrer le « cercle inté-
rieur » (inner circle ; Useem, 1984) ou de rendre le « plafond de verre » plus perméable.
Cette recherche souffre toutefois d’un certain nombre de limites, qui pourront faire
l’objet d’études ultérieures. Premièrement, à l’instar d’Hillman et al. (2007), il faut
admettre que nos résultats ne peuvent être interprétés de manière linéaire. La théorie
néo-institutionnelle, qui s’imbrique dans la théorie de la dépendance des ressources,
examine également la notion de légitimité. Selon Moulin et Point (2012), cette théorie
s’avère être une grille d’analyse pertinente quant à la représentation des femmes au
CA. Plusieurs perspectives peuvent donc expliquer un déterminant organisationnel.
Deuxièmement, la théorie de la dépendance des ressources se concentre sur les dépen-
dances environnementales de l’entreprise. Nous n’avons pas analysé les déterminants
organisationnels internes, tels que le leadership ou la culture organisationnelle. Or,
ces facteurs internes sont susceptibles d’expliquer pourquoi parmi nos variables de
contrôle la taille du CA est positivement et significativement corrélée avec la repré-
sentation des femmes au CA. Des études ultérieures pourraient étendre le champ des
déterminants organisationnels. Troisièmement, une des limites de notre travail concerne
notre échantillon, qui ne comprend que des grandes entreprises cotées au SBF 120.
Nos résultats ne sont vraisemblablement pas applicables aux PME. Or, elles constituent
97 % du tissu économique français15. Comme le suggèrent Belghiti-Mahut et Lafont
(2010), l’étude pourrait être élargie aux PME. Quatrièmement, le SBF 120 varie au gré
des entrées et des sorties des entreprises qui composent cet indice au 31 décembre.
Ceci explique notre échantillon non cylindré sur la période d’étude. Reconnaissons que
ce manque de stabilité de l’échantillon peut influer sur nos résultats. Pour contourner
cette difficulté, une étude longitudinale pourrait être menée.
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