Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Ministère de l’Education
POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT,
MIGRATION INTERNATIONALE ET EQUILIBRE
VILLES-CAMPAGNE DANS LE VIEUX BASSIN
ARACHIDIER (REGION DE LOUGA)
2005 – 2006
NOTE AUX LECTEURS
PREMIERE PARTIE
LA FORMATION DU BASSIN ARACHIDIER ET LA RESTRUCTURATION
DU SYSTEME D’ETABLISSEMENTS HUMAINS 36
DEUXIEME PARTIE
POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT ET EQUILIBRE
VILLES-CAMPAGNE DANS LE VIEUX BASSIN ARACHIDIER 140
II. Les politiques de développement et l’équilibre villes-campagne
dans le vieux bassin arachidier. 140
II.1. Les politiques volontaristes et l’équilibre villes- campagne 140
II.1.2. Equipements et structures de développement au service de
l’équilibre villes-campagne 148
II.1.2.2. Structures administratives et consolidation des fonctions
urbaines et rurales 160
II.1.2.3. Evolution de la production et équilibre villes-campagne 170
II.2 .Politiques réalistes et équilibre villes- campagne 197
Mots-clés
Equilibre villes-campagne, Economie de traite, ressources de transfert,
Politiques de développement, migrations internationales, compétitivité
territoriale, réseaux, kystes urbains, recomposition sociale, restructuration
spatiale
INTRODUCTION GENERALE
Cette crise a eu pour conséquence une rareté des ressources et une tendance
à la perte de la vocation agricole qui avait fait la prospérité du Vieux Bassin
arachidier et celle de la région de Louga grâce à une division spatiale du travail
doublé d’un équilibre villes-campagne. Il en résulte aussi la perte de plusieurs
acquis sur le plan de l’attractivité des investissements et de l’organisation de
l’espace provoquant une forte émigration des actifs et des activités vers
d’autres régions, d’autres pays, d’autres continents.
L’Etat confronté au problème du déficit de la filière arachidière modifie sa
politique économique et agricole. De même, la crise arachidière en provoquant
la rareté des ressources et la rupture des relations villes-campagne incite les
acteurs sociaux à migrer vers d’autres lieux. Cette stratégie qui jusque là ne
servait que d’obtenir des revenus d’appoint commence à s’amplifier et élargir
sa base sociale, son horizon spatial et des revenus incitatifs. Aussi de
migration de faible amplitude l’émigration dans le Vieux Bassin arachidier se
prolonge t-elle en migration internationale et concerne aussi bien les villes
que les campagnes.
I. PROBLEMATIQUE
1
Henri Laborit « l’homme et la ville » Flammarion 1971, 218 pages
envahissante : « La campagne reste le lieu idéal de toute œuvre ou
entreprise d’éducation et de protection contre la perversion. Les enfants,
élevés en ville, s’habituent rarement aux tâches salissantes à cause d’une
forme de féminisation des hommes et d’émiettement du travail ».
Cette idéologie s’accorde bien avec ce précepte de la dahira tidiane des
moustarchidines « daara nagass jur jambaar, daara nagass jur boroom
xam-xam», signifiant textuellement que « ce sont les écoles coraniques aux
conditions austères qui forment les héros et les savants ».
Ces principes religieux sont encore très courants dans le Vieux Bassin
dont la structure sociale est très caractérisée par la présence d’une forte
colonie de marabouts dirigeant des daara.
C’est encore la culture arachidière qui va servir de médiateur entre
villes et campagne rebelle dans le cadre d’une division territoriale du travail.
Le village maraboutique est alors devenu un espace d’éducation et de
formation religieuse à travers l’institution du daara et un espace de production
agricole dans lequel les disciples adultes et jeunes travaillent pour le compte
du maître en échange de leur éducation.
Elle sert aussi de milieu de recyclage économique des disciples formés par
le chef religieux à travers le secteur informel. C’est ensuite un milieu de
développement des organisations confrériques, ses dahira et
d’accumulation des adiya ou aumône au profit du chef religieux. C’est enfin
un lieu de pouvoir, un milieu où logent les représentants du pouvoir politique
et des administrations de l’Etat auprès desquels se négocient les problèmes
qui donnent aux marabouts et aux notables ruraux leurs statuts de médiateur
et de faiseur de destin qui fondent leur prestige social.
Mais, malgré les empiètements du chef religieux (mourides notamment) sur
la ville, sa préférence reste la vie en campagne avec son daara et son
domaine agricole. Ce choix est une sorte de réplication du modèle de Touba
qui touche aussi de grandes agglomérations. La campagne est alors un
espace produit et protégé par une catégorie sociale puissante dont elle
reflète le projet social et détermine sa reproduction.
L’existence de ces forces apparemment opposées garantit la pérennité de
la dualité villes-campagne comme pôles alternatifs potentiels de la
dynamique spatiale. Mais que faire pour rendre effective cette dynamique
d’échange qui devrait être à la base de l’équilibre villes-campagne ?
. A ces deux théories viennent s’ajouter celles « des lieux centraux », et des
« places centrales » qui viennent enrichir les précédentes en se spécialisant
aux relations villes-campagne. La théorie des lieux centraux vise à expliquer
l’organisation spatiale des villes et de leur hinterland en fonction de leur
localisation relative, de leur taille et du nombre de villes ou de lieux, chacune
ou chacun étant fournisseur de biens et services pour les zones environnantes.
Le modèle veut expliquer « … la régularité frappante de la disposition des
villes et leur organisation en réseaux hiérarchisés en analysant non pas
l’histoire des villes, mais en s’interrogeant sur les rapports de commerce et de
services entre villes et campagnes, et sur les mécanismes assurant la
régularité » Cosinchi et Racine in : Bailly et al, 1984, p. 88)
2
J. Reilly, Methods for the study of retail relationship, citee par R. Courtin et P. Maillet in Economie
geographique, Precis Dalloz p 125
Il y a une abondante littérature relative au Bassin Arachidier, aux relations
villes-campagne, aux politiques de développement au Sénégal et à l’impact de
la migration internationale dans les pays d’origine. Mais il n’existe pas à notre
connaissance d’études portant sur l’impact (combiné ou non) des politiques de
développement et des migrations internationales sur l’équilibre villes-
campagne en particulier dans le Vieux Bassin arachidier.
Néanmoins, les ouvrages ci-dessous indiqués offrent un apport précieux dans
la connaissance de notre zone d’investigation et dans l’éclairage des questions
soulevées par notre sujet d’étude
La campagne ne se réduit donc pas aux villages, à l’habitat, mais elle s’étend
aussi aux terroirs qui justifient son existence et des acteurs qui s’adaptent à
la conjoncture et développent des stratégies alternatives. Elle ne s’enferme
pas dans une économie de subsistance, elle vit aussi de ses échanges avec
la ville soit par la vente de sa production dans le marché urbain, soit par le
travail de ses hommes.
Le monde rural se distingue du monde urbain dans ses relations spécifiques
à l’espace et au temps. Espace et temps sont intimement liés dans le vécu
des habitants des espaces ruraux : le temps et les grands cycles naturels,
mais aussi l’espaceIl y a là un avantage comparatif car le fait que la nature
soit le gisement sur lequel on prélève les matériaux de construction et que la
nourriture provient partiellement ou totalement de sa proximité font que le
coût de la vie doit y être moins onéreux. Ce coût peut tout aussi bien être
tempéré par la solidarité sociale.
La ville est un établissement humain caractérisé par son marché, mais c’est
aussi historiquement un corps greffé pour maintenir un ordre, un rapport de
forces dont elle porte les symboles à travers la forteresse, la caserne, la
prison.
La ville est à l’image de la campagne un espace structuré : il y a des petites
et grandes villes ; des villes régionales, des métropoles d’équilibre, des villes
capitales et des villes secondaires.Ceci rapproche bien de la pensée de
Pierre Georges : « les trois fonctions de la ville : la fonction de résidence des
maîtres de la terre, celle de centre politique et administratif…, celle enfin de
marché et de lieu de circulation monétaire. Commerçants et artisans
s’installent à l’ombre du pouvoir qui détient l’argent liquide. » (Pierre
Georges : 1978: 222).
Pour Parsons (cité par GUY Rocher 1972), le concept d’équilibre est « un
point de référence fondamental pour l’analyse des processus par lesquels un
système ou bien s’ajuste aux exigences qu’impose un changement dans un
environnement sans subir lui-même d’importants changements de structure,
ou bien ne réussit pas à s’ajuster et s’engage alors dans d’autres processus,
tels que des changements de structure ou sa propre dissolution en tant
qu’entité systémique (analogue à la mort dans le cas de l’organisme) ou la
consolidation d’une déficience qui entraînera le développement de structures
secondaires de caractère pathologique » ( Guy Rocher : 222-223 : 1972)
Guy Rocher ajoute que « L’équilibre correspond à ce qu’on appelle en
statistique une hypothèse nulle, destinée à mieux percevoir et mesurer le
changement. On suppose, par hypothèse, que la structure ou les éléments
structuraux sont constants ou stables à un moment donné du temps.
CADRE OPERATOIRE
L’objectif général
Hypothèse générale
Hypothèse spécifique 1
Hypothèse spécifique 2
Hypothèse spécifique 3
.
II METHODOLOGIE
Notre enquête s’est déroulée aussi bien en ville qu’en campagne. Mais
puisque la zone d’étude ne compte que deux villes, représentant deux
catégories différentes : une ville capitale régionale et une ville secondaire,
nous avons pris en compte tout l’ensemble urbain ; c’est plutôt en campagne
que nous avons choisi de faire un échantillonnage en raison du nombre
important de villages environ deux mille cinq cent (2500).
Echantillonnage en campagne
Cependant, nous devons souligner que nous étions parfois obligé de modifier
notre schéma, pour nous adapter aux changements puisque sur le terrain les
zonages demeurent, certes, pertinents mais, la distribution des
établissements humains avait subi une mutation. La consultation de la
littérature et les enquêtes préliminaires nous ont aidé à sélectionner et à
cibler les lieux les plus pertinents pour le recueil de données et parachever
notre échantillon. Nous avons ainsi fait notre enquête dans les zones les
moins étudiées. Et celles-ci correspondaient plus au Département de
Kébémer que de celui de Louga.
Il faut souligner avec bonheur que celui-là correspond pour l’essentiel au
Vieux Bassin.
Nous avons interrogé des chefs de villages dont ceux de Kouré Mbelgor, de
Teug Ndogui, de Sagatta de Gueti Ndongo, de Ndia, de Thiolom Fall, de
Ndiawagne Fall et de Gade Mbrama (dont nous avons rencontré le président
de l’Association des parents d’élèves). parfois c’est des personnes
ressources que nous nous adressons : c’est le cas par exemple de ces vieux
hommes qui nous ont parlé de l’historique des villages de Palméo Fall et
Thièye-Thièye et de l’imam de Ndeugour Ndiaye qui nous a parlé des
problèmes fonciers de leurs villages. Nous avons également interviewé les
présidents des Communautés Rurales de Guéoul, de Sagatta, de Mbadiane,
de Darou Kratiel.
Nous avons visité des structures administratives et rencontré les
fonctionnaires en service et obtenu de ces derniers des entretiens: chefs de
CERP et Receveurs de bureau de Poste (OPCE) de Ndande, Sagatta, de
Darou Mousty et le Receveur du bureau de Poste de Kébémer dont les
structures enregistrent un impact très positif de la migration internationale.
Nous avons également rencontré des enseignants et en particulier des
directeurs d’écoles de Sagatta (M. A Samb), de celui Thiolom Fall et ex-
directeur de Ndoyenne (M. Niokhor Fall). Ces derniers nous ont présenté les
dynamiques spatiales actuelles dans la zone et les villages en perdition et
souvent u cahier de l’école du village et retrace l’historique du village et sert
d’archives et de tableau de bord de l’évolution du village et des différentes
personnes qui l’ont dirigé. Ils nous ont informé sur les conflits fonciers entre
chefs religieux et certaines communautés villageoises et nous ont permis de
rencontrer des personnes soi-disant victimes des agissements fonciers des
marabouts par exemple à Sagatta et Darou Mousty : zones où ces conflits
sont les plus nombreux.
Les communicateurs traditionnels ne sont pas en reste : ils ont été très
féconds en informations surtout celles concernant le processus de
ruralisation, et les origines des villages.
Nous avons rencontré et discuté avec certains parents d’émigrés et des
marabouts, des commerçants et artisans.
Enquête urbaine
Industrie
Traitement de l’information
Les difficultés
La structure de la thèse
Cette disposition des sols, sur le plan morphologique, correspond à peu près
à celle des nappes d’eau souterraines.
En effet, comme nous venons de le montrer l’appartenance du site à la partie
centre ouest du bassin Sénégalo-Mauritanien l’expose à l’influence
océanique et détermine aussi ses caractéristiques.
COUPE N°'
F1g.1 7: Coupe hyd~o g601o g1que W-S (2) trave rsant le8 aable s
quate rnair es et l.s calca ires lut't1 ena
(~ern el et Gage onnet , 1992, mod1 f1é)
3
Dans l’aquifère des calcaires du Lutécien qui s’étend d’ouest en est de la route Thiès - Saint-Louis
jusqu’au méridien 16° 05 passant par Sagatta et du Sud au Nord de Baba Garage jusqu’aux environ de
Mpal.(voir carte 3). La potabilité est de première ou de deuxième qualité…..L’aptitude à l’irrigation est
bonne .
Plus qu’ailleurs, les zones topographiquement horizontales présentent les
meilleures conditions de développement de l’arachide ; leur situation vers
l’est leur permet de cumuler d’autres atouts comme la pluviométrie et les
caractères pédologiques et explique les limites occidentales du bassin. L’est
réunit alors les conditions les plus favorables au développement de l’arachide
que l’ouest en particulier la zone des Niayes.
L’espace du bassin est circonscrit dans des limites qui l’éloignent des zones
topographiquement accidentées situées à l’ouest dans la proximité des zones
dunaires constituées par les Niayes. Cela déplace le bassin arachidier vers
l’est. D’autre part, les exigences hydriques de la plante dont le minima est à
l’isohyète 400 mm décalent le bassin arachidier vers le sud et l’est et le
rendent mouvant au gré des épisodes plus ou moins pluvieux qui
caractérisent le milieu soudano-sahélien.
~AURITANIE
" A L
Domoine l
Cl
Q 50lliiO _ loudonl en
",-::: ::;:--' G U 1 NEE-
"1_ -";CCK.
1 • 1 5 5 A U
GUI N E
--
Pl,;<t,cd on (Fc.u.e el Goc) .iC.('I••
p,iv'llon porur.o polctio n grcp"iqu e (Lak.)
i'\..a-E
"
." 1 i 1
'"
."
I!IJ
/ \/" \ 1
2010 ?
80 100 100
Année Station de Kébémer Station de Sagatta Station de Darou Station de Ndande Moyenne
Mousty annuelle
800 40
700 35
600 30
Nbre jours
500 25
mm
400 20
300 15
200 10
100 5
0 0
1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
Années
Le tableau montre d’une part que plus on va vers l’est, plus le nombre
d’années de pluviométrie supérieure à 400mm augmente : les stations de
Ndande et de Kébémer qui se trouvent à la même longitude ne totalisent
respectivement que trois années (1987 et 1989) et une seule (1988) de
pluviométrie au-dessus du seuil des 400mm.
En revanche les stations situées à l’est bénéficient de plus d’années
pluvieuses : il s’agit de Sagatta et Darou Mousty ; ce dernier est dans
l’ensemble mieux arrosé. .
Ce clivage pluviométrique est-ouest est confirmé par la normale décrite en
bas du tableau et donnant les moyennes : Sagatta : (369 mm) et Darou
Mousty (430,2 mm) d’une part situés à l’est et d’autre part Ndande (252,5
mm) et Kébémer (337,9 mm) situés à l’ouest. Mais, en plus de ce clivage
est/ouest déduit de la normale, il est plus pertinent d’analyser la pluviométrie
régionale en épisodes (pour ne pas parler de cycle) sec ou pluvieux, comme
nous l’avons ci-dessus en citant l’étude de l’ECOSSEN. Les épisodes
alternantes consolident la population dans leur expérience de l’incertitude de
la saison des pluies.
2000 2001
Mois jour nuit jour nuit
Juillet 11,5 31,6 63,5 34,4
Août 23,9 101,2 64,7 136,8
Septembre 5,6 136,3 29,2 174,9
Octobre 39,9 100,6 29,3 15,8
Cumul 80,9 369 186,7 361,9
Source : CERP Ndande 2002
2000
160
140
120
100
jour
mm
80
nuit
60
40
20
0
Juillet Août Septembre Octobre
Mois
2001
200
150
jour
mm
100
nuit
50
0
Juillet Août Septembre Octobre
Mois
4
il nous paraît nécessaire de relativiser l’effet des pluies de jour ; un autre facteur est nettement décisif dans la
production, c’est l’importance des surfaces emblavées qui a nettement diminué en raison de la mauvaise
organisation de la commercialisation en 2000. Celle-ci a connu une forte perturbation du fait des bons impayés.
Au contraire, les pluies de nuit ont un effet inverse et sont plus favorables à la
végétation et particulièrement au mil.
A terme, une bonne pluviométrie n’est pas forcément synonyme de bonnes
récoltes. Du fait de cette situation confuse qu’offre la perspective des saisons
de pluies en terme de corrélation entre hauteur de pluies et résultats sur la
production, les populations ne cèdent jamais à l’optimisme euphorique, ni au
pessimisme fataliste. Il y a plutôt une conviction partagée : les hivernages
sont imprévisibles et incertains : ils se suivent et ne se ressemblent jamais.
Les populations distinguent aussi un hivernage de sols deck et un hivernage
de sols dior reconnaissables à l’importance de la pluviométrie.
Les types de pluies et la nature des sols peuvent constituer des facteurs
discriminants de la production. En effet, lorsqu’elles interviennent au début de
l’hivernage, les averses peuvent être compromettantes pour le
développement des plantes de mil poussant dans les sols dior et
bienfaisantes dans les sols deck-dior. D’autre part, le mil est plus vulnérable
que l’arachide dans les sols appauvris du fait qu’à l’inverse de cette dernière,
il est incapable de s’approvisionner directement de l’atmosphère pour ses
besoins en azote. La plante de mil dépend uniquement de l’azote du sol et
exige pour un bon rendement des sols riches ou enrichis à la fumure
organique ou minérale. Mais le mil et l’arachide sont les deux plantes
essentielles du système de culture wolof : elles se relayent aussi sous la
forme de rotation biennale.
Ainsi donc, l’incertitude pluviométrique indique la précarité dans la production
agricole et affecte même celle des essences arboricoles de cueillette qui joue
un rôle d’appoint dans les revenus ruraux.
5
Ces maures noirs ou haratines sont différents des chameliers de couleur blanche convertis plus tard dans le commerce de détail ;
ces haratines ont leur quartier à Kébémer dénommé Gade ga .
Il s’ensuit une sorte de sélection parmi les acteurs locaux ceux qui sont
potentiellement aptes à jouer le rôle de leader et d’encadrement de la société
pour la production arachidière et sa commercialisation. L’étude de
l’organisation de la société nous permet de les identifier.
L’aptitude des castes par leur savoir faire dans le secteur de la production a
été soulignée par certains auteurs : « la connaissance des techniques
agricoles et artisanales permettent la pratique d’une agriculture de
productivité assez élevée pour satisfaire aux besoins alimentaires
nécessaires à l’entretien et à la reproduction de ses membres ainsi que la
répétition du cycle agricole …. » (Meillassoux, Cl ; cité par Barry, B. :63 ;
1988)7
La structure en castes de la société est donc un facteur favorable au
développement de la production agricole. Elle facile l’articulation de la division
internationale à la division locale du travail.
Cette séparation en castes a donc une explication économique mais elle a
aussi une explication politique ou historique. Sur le plan politique et
historique, la structuration de la société en castes serait le résultat d’une
évolution qualitative de la communauté. Elle serait consécutive au passage
de la société wolof à une forme d’organisation supérieure : l’Etat.
L’émergence de l’Etat dans la société wolof expliquerait non seulement la
division du travail mais aussi la structure en ordre.
7
Boubacar Barry : La Sénégambie du XVé au XIXé siécle : traite négrière, islam, conquête coloniale,
432p. , Editions Harmattan. Paris 1988
La structure en ordre correspond à l’organisation politique de la société. En
effet, elle renvoie d’une part aux statuts des individus en divisant la société
entre hommes libres et captifs et d’autre part aux institutions politiques dont
les tenants contrôlent le pouvoir et les moyens de production. Ainsi, les
différentes castes guéers et n een o se composent des hommes libres ou
« gor » ; les captifs ou « jaam » constituent une classe servile à la disposition
des « gor ».
Mais au sommet de la société politique figurent les familles « garmi »
(aristocrates) ou familles guerrières dont les membres sont les seuls éligibles
au sommet de l’Etat. Les « gor » ainsi constitués peuvent disposer de
captifs ou « jaam » qui se mettent à leur service dans les activités de
production ou dans l’exercice de l’autorité politique.
Ces « jaam » ou esclaves servent ainsi tantôt de forces productives pour les
membres de la société civile tantôt de soldats pour les garmi. Les captifs des
familles garmi sont dénommés « jammi buur » ; ils comprennent les esclaves
de case séparés entre esclaves de la lignée paternelle (jammi néek baay) et
ceux de la lignée maternelle (jammi néek ndey). Ces derniers, en vertu du
caractère matrilinéaire du statut de l’individu sont plus déterminants à tout
point de vue : par leur effectif, leur équipement et leur motivation ils peuvent
être déterminants dans l’accès au pouvoir politique et à son contrôle. C’est
par la guerre que souvent l’on parvient et l’on se maintient au pouvoir. Car, si
dans la société civile agricole constituée par les géers, la terre constitue la
base du pouvoir économique et d’un statut social respectable, chez les
garmi, c’est le pouvoir qui donne accès au pouvoir économique et à la
plénitude du statut de garmi. Ce pouvoir s’acquiert souvent et se maintient
par le nombre de captifs et d’alliés rompus à la guerre.
Dans cette logique de guerre pour le pouvoir, les familles garmi cherchent
donc des alliances. Ainsi, en plus de cette armée d’esclaves, elles ont à leur
service une importante clientèle politique constituée surtout des artisans, des
griots, des chefs religieux ou marabouts et d’autres membres de famille garmi
ou de guerriers d’origine étrangère (Diolof, par exemple).
Parmi ces derniers, figurent les guerriers maures appelés « Naaru Kadioor »
ou Maures du Cayor dont l’arrivée dans la zone remonterait à la formation du
Guet par Guédo Guet un prince venu du Diolof et qui aurait établi sa capitale
à Sagatta Guet (Ba, 1998.)
Dans ces guerres fratricides ou dans les conquêtes de territoires étrangers,
le souverain trouve l’équipement de son armée chez les artisans forgeron et
cordonniers. Sa propagande et ses missions sont confiées aux maîtres de la
parole, les griots galvanisateurs des troupes. A côté d’eux se trouve l’ordre
des marabouts Sérigne Fak-Taal (enseignant la religion musulmane) et
Sérigne-lamb ou féticheurs spécialisés dans la production de talisman8 pour
la protection et le prestige personnel du Prince.
Cette alliance avec les familles garmi était toujours payée aux différents alliés
en cadeau de natures diverses allant de don en esclaves à des domaines
fonciers. Les relations entre le pouvoir monarchique et les différentes
catégories sociales avaient déterminé la configuration de l’habitat et celle
des terroirs.
8
les spécialistes de ces talismans connaissent une répartition spatiale que Amadou Cissé Dia évoque
dans son livre : « Le chemin de l’honneur ». il s’agit de « Dakkou Ndame (de Ndame), Khappou Kébé
(de Kébémer) ; Sidé Tobi (du village de Tobi) » On y ajoute Koungou Ndiaré . ces talismans
permettaient selon la légende l’invulnérabilité dans les champs de bataille et donc une invincibilité
certaine.
I.1.3.1.1. Caractéristiques de l’habitat ceddo : une campagne
groupée
L’ancien royaume du Cayor qui abrite notre zone d’étude était à l’ère
précoloniale une zone d’immigration : il a joué un rôle d’exutoire pour les
populations des différentes contrées.
Il a servi de zone de repli aux populations du Diolof et notamment pour les
familles princières en disgrâce ou en situation de conquête du pouvoir.
En effet, la toponymie des contrées montre que le processus de peuplement
du Guet et du Ndiambour était ponctué par l’installation de différentes
colonies étrangères venues d’horizons divers. La toponymie des contrées
comme celle du Guet et du pays Andal d’une part, les patronymes Ndiaye et
Mbengue venus tous du Diolof, des Ka venus du Sine et des Kébé venus de
Bakel, ainsi que les motifs de leur migration attestent du rôle de zone
d’accueil des lieux. Mais malgré ces afflux de population, l’habitat n’a pu
dépasser le stade de campagne. L’absence de villes s’explique selon certains
auteurs par différents facteurs : la situation géographique et ou l’absence
d’activités commerciales. Pour le premier point de vue, on peut se référer à
Pasquier qui affirme que : « la civilisation rurale du Sénégal, à l’écart des
grands courants commerciaux sahariens était incapable de donner naissance
à un organisme urbain… »9 (Cité par Lombard : 135 ; 1963)
La seconde explication est donnée par Dolfus : « Historiquement, les villes
n’ont pu naître et se développer que lorsque les campagnes sont parvenues
à dégager un surplus productif permettant de les ravitailler et que la division
du travail a donné naissance à des activités qui n’étant plus liées directement
à la production agricole, avaient avantage à se grouper à l’intérieur d’une
agglomération. » (Dolfus : p 95)
Il résulte de ces deux points de vue, l’incapacité de la civilisation rurale locale
d’évoluer vers la formation de villes. Cette incapacité a pour fondement
l’absence d’une économie d’échange, faute de surplus dégagé et
commercialisé.
9
la localité de Niomré telle qu’elle a été décrite dans la littérature pouvait être considérée comme une
exception : « le plus beau village et le plus considérable des villages du Ndiambour », avec une
population de 5000 âmes et un commerce florissant. (voir à ce propos Ndiaye O..N. p 15)
Pourtant l’existence de la division du travail avec la spécialisation des castes
de la société wolof pourrait être une base de la production et de dégagement
des surplus pour les échanges.
Mais c’est apparemment dans la gestion monarchique ceddo que réside
l’obstacle au dégagement des surplus et le maintien de l’économie dans un
stade inférieur de subsistance.
Malgré l’existence de la division du travail, les surplus agricoles sont absents
pour deux raisons : en premier lieu, l’économie de subsistance qui
caractérisait la région peut être un élément explicatif de l’habitat
exclusivement rural du fait qu’il excluait toute préoccupation productiviste et
par conséquent la production de surplus.
En second lieu, et plus déterminante est la précarité liée à l’insécurité des
biens des paysans ou badolos dont les récoltes étaient ou pouvaient, à tout
moment, être l’objet de saisie ou de confiscation par le souverain. Cette
insécurité n’encourageait pas la production de surplus. En effet, l’Etat
monarchique prélevait ses moyens de subsistance sur le dos des paysans
non pas sous forme d’impôts proportionnellement à leur richesse, mais sous
la forme de « lël » ou expropriation. Le « lël » consistait à s’emparer par la
force d’une partie ou de la totalité des biens des paysans : récolte ou bétail.
Cette pratique ceddo est attestée par la toponymie de certains villages dont
celui de Mbelgor
Cette pratique stratégique des badolos fait des chefs religieux et des
guerriers ceddo un facteur de polarisation humaine, et explique le
groupement de l’habitat.
Pélissier décrit ainsi cet habitat qui a gardé cette structure groupée depuis
l’ère monarchique. Il écrit : « …chaque village formait alors une
agglomération groupée au milieu d’une clairière cernée par des réserves
forestières. Outre le rôle que jouaient les « chefs », aristocrates, sérignes ou
guerriers, comme agents de polarisation spontanée ou forcée, des motifs de
sécurité incitaient partout les paysans à se rassembler en villages aussi
peuplés que possible. De plus, l’économie de subsistance facilitait
l’agglomération de l’habitat, la surface cultivée par individu étant très
sensiblement inférieure à celle dont ont aujourd’hui besoin des producteurs
d’arachide qui continuent à satisfaire, dans la mesure du possible, leurs
besoins en produits vivriers. »
Cet habitat était caractérisé, d’une part, par la disposition des maisons selon
le mode de production : la structure en castes et la structure en ordres, et,
d’autre part, par la structure politique en villages vassaux et villages
indépendants ou adverses.
Les esclaves de la famille griotte ont par contre une concession à part
(ngallo) située encore plus à l’est de celle de leur maître.
Autour de ce noyau peut se greffer d’autres concessions attirées par la
polarisation humaine du chef de l’agglomération ou par des liens de parenté
avec les habitants. Ces différentes castes d’hommes libres qui constituent le
noyau dur de l’établissement se partagent aussi le terroir ou finage reconnu à
l’établissement.
La configuration de l’établissement montre alors un groupement des
exploitations et une dispersion des maisons : chaque exploitation ayant en
son sein les maisons des exploitants.
Carte n°6 : Schéma de village wolof ceddo selon une adaptation d’une
carte de Rousseau (cité par J. Lombard : 1963, 42) par Bara Mboup
après enquête dans la zone d'étude)
Il est plausible de penser qu’avec une distribution aussi lâche des maisons,
de grands villages puissent occuper de grands espaces difficiles à gérer
politiquement et socialement
(Cette tradition maintenue jusqu’à l’indépendance a dû pousser l’Etat à
demander un alignement et un regroupement des villages pour une bonne
distribution des équipements et une bonne gestion de l’espace).
Avec un tel mode d’occupation de l’espace comment imaginer la taille de la
capitale du Cayor : Mboul10, gros village qui selon la tradition orale comptait
trente trois carrés ?
La volonté de créer un réseau de villages d’allégeance est d’autant plus
nécessaire que l’espace est disponible et de faible densité (qui peut expliquer
aussi cette forme lâche d’occupation de l’espace) et occupé sans cesse par
des étrangers. La formule, qui consiste à léguer des terres à ses
descendants ou ses clients politiques au-delà de leurs besoins réels, peut-
être interprétée comme un moyen de l’ordre monarchique de promouvoir ses
partisans en vue d’un contrôle de l’espace. A ces partisans, il fut donné des
droits fonciers qui leur confèrent une préséance politique et économique et en
tant que maîtres de terres leur permettant de jouer le rôle de relais dans le
réseau d’allégeance.
Ce réseau d’allégeance pouvait englober les étrangers qui en principe ne
détenaient pas de droit foncier.
10
Le village de Mboul alors capitale du Cayor serait composé de 33 keurs ou concessions. Mais
puisque chaque concessions pouvait comprendre plusieurs ménages en raison de la structure familiale
de type élargi qui caractérisait l’époque . A ce propos, Abdoulaye Bara Diop témoigne : « Dans nos
enquêtes , en milieu rural, nous avons recensé 20 familles sur 908 qui avaient plus de 40 membres :
nous en avons même rencontré une qui faisait 125 personnes vivant toutes dans un seul carré »
(DIOP.A.B. : 222 ; 1970) –Parenté et famille wolof en milieu rural ; Bulletin de l’IFAN. T.XXXII , sér.
B, n°1, 1970 ; pp217-229
entre la taille optimale des établissements humains et le rythme de
renouvellement des générations. Ensuite le contrôle du territoire par un
réseau de villages vassaux se présente comme un moyen pour le pouvoir
monarchique de contenir sans préjudice l’immigration et la menace
extérieure.
Il en résulte une redistribution des terres à la naissance de nouveaux villages
et la division du territoire en finages ou en terroirs inégaux. Cette
redistribution de terres ne concerne pas tous les villages. Il y en a qui n’en
disposent pas et dépendent de ceux qui en sont lotis, pour leurs activités
agricoles.
La sélection duplication des villages du Cayor est sans doute à l’origine de
cette tradition des migrations des cadets pour d’autres horizons faute de
terres disponibles sur place pour tous les membres de la famille.
Ces villages se multiplient du fait de la reproduction spatiale du pouvoir ceddo
ou d’une volonté de contrôle territoriale de l’espace par un réseau de villages
vassaux. C’est en réalité des villages structurés, une société en miniature
comprenant toutes les représentants des castes de la société. Ils constituent
ainsi des unités de production autonomes.
La campagne issue de l’ordre monarchique a une double structure : une
structure en castes et une structure politique.
La typologie des villages dépendant du pouvoir monarchique révèle un
certain nombre de villages de contenus sociologiques ou professionnels
différents :
- les villages ceddo : villages fondés par les garmis : c’est le type par
excellence de village traditionnel, avec souvent le nom de Fall : Ndaye Fall,
Thiolom Fall, Palméo Fall, etc.
- Les villages de forgerons : les villages de Kabdou, Khalmbane, Teug
Ndogui, Teug Niang. Ce sont des villages disséminés à travers le royaume
pour sans doute des raisons de marché (Pélissier) mais aussi pour des
raisons stratégiques car leur localisation et leur distribution dans l’espace
seraient déterminées par la volonté du Souverain de les protéger contre
l’ennemi. Cela justifiait également leur récompense en vastes domaines pour
services rendus au pouvoir puisque ce sont eux les forgerons qui
produisaient l’arsenal de guerre du Damel. Ils jouaient aussi le rôle de
« ngamane » ou chirurgien pour la circoncision.
- Les villages de marabouts : ils étaient nombreux. La plupart étaient surtout
concentrés dans la province du Ndiambour : Coki, Niomré, Bakhia Dia, Ndia,
Ndiaré, etc.
- Les villages des Naaru Kadioor ou maures assimilés ou wolofisés ont pour
nom Amar, Diakhoumpa, Sady, Sougou, Diagne, etc. Ces villages portent le
nom de Gade : Gade Affé ; Gade Kébé, Gade Niandoul.
Ils ont aussi des toponymes divers dont certains portent le nom de famille du
fondateur comme Ndiakhoumpa (domicile des Diakhoumpa), ou Kilimane ou
Wadane Sougou. Une partie de cette communauté maure se réclame
descendants des « Ançars » : compagnons de lutte du Prophète Mohamet ;
en conséquence, leurs dignitaires réclament un statut de chefs religieux.
- Les villages de griots : ils sont moins nombreux. Les griots sont souvent
dans les villages des ceddo ou des marabouts du fait de leur rôle de
communicateur, de médiateur dans la communauté mais aussi de gardien de
la tradition. On peut citer l’exemple de Pékhe Tall situé entre Guéoul et
Kébémer.
- Les villages de paysans : ils sont les plus nombreux ; d’après leur
patronyme et leur propre généalogie , ils comprennent des migrants venant
d’autres territoires. Certains d’entre eux appartiennent à des aristocraties
déchues du Diolof : c’est le cas de Ndangour Ndiaye et de Andal Ndiaye.
Ces dons fonciers peuvent aussi se faire au détriment des partis adverses
privés de terres au profit des partisans.
Quelquefois, ce sont des déguerpissements qui font perdre les droits fonciers
d’un village ou d’une communauté au profit d’autres. C’est le cas de
Mbodienne qui aurait disparu pour laisser naître le village de Ndiakhoumpa I
sur décret du Damel.
C’est la même procédure qui aurait confisqué les terres de la communauté
des Syllas pour abriter le village de Ndiakhoumpa II. Ces villages sans finage
dépendent des villages partisans pour leurs activités agricoles en contrepartie
d’une redevance ou « ndalou ».
Ce fut le cas entre Mbenguène village de marabout et Khalmbane village de
forgeron. ce dernier ayant bénéficié des largesses du Damel au détriment des
marabouts de Mbenguène ont menacé de leur puissance mystique le chef de
village de Khalmbane (version des ressortissants de Mbenguène)
Alors que les villages des opposants (qui se transforment en villages tabous)
ne disposent que de peu de terres de culture, les villages vassaux en sont
excédentaires.
11
Dans une économie agricole de subsistance, donc où les échanges ne sont pas monétaires, les
prestations sont payées en nature. La chose la plus précieuse est sans doute la terre.
« Le mode de production africain ou paysan, est caractérisé par une économie d’autoconsommation
villageoise à niveau très bas niveau de forces productives,…où la terre ...est le moyen de production
dominant, sinon exclusif11» ? Coquery-Vidrovitch.
« le territoire que je t’attribue s’étendra jusqu’à la limite du feu allumé ». Le
territoire ainsi délimité par le feu couvrira toute la zone allant de Sagatta à
Tivaouane sur un diamètre de 60 km.(Ba, 1998). Cela correspond sans doute
au droit de feu.
- le droit de galop
Le droit de galop est octroyé (au sein de ce droit de feu) par le souverain qui
utilise un cheval pour délimiter des étendues de terre à octroyer.
Les habitants de Mbelgor seraient les descendants des hôtes du roi du Cayor
vers le 16é siècle.
Recevant sur les lieux une colonie de peuplement venue du Fouta, le Damel
après avoir immolé un bœuf12 en l’honneur de ses hôtes leur fit aussi des
dons de terre délimités par un parcours à cheval. Les hôtes s’installèrent en
communautés autonomes séparées par leur terroir et solidaires à travers la
division sociale du travail que leur conférait leur caste respective. Les
descendants de ces hôtes du roi occupent des villages voisins : il s’agit de
Ndakhar Birima, village de ceddo ; Ndakhar Khab, village maraboutique ;
Ndakhar Mboubène village de griots et de Kouré Mbelgor, village de
cordonniers.
- le droit de hache
Les droits de hache sont souvent plus réduits. Ce sont des droits secondaires
offerts par les L
lamanes à des personnes dont le seul objectif est de dégager un espace à
usage de production.
D’autres droits ont été délimités à pieds en utilisant des repères creusés sur
le sol avec un instrument comme l’hiler ; un tel procédé a permis de donner à
12
Selon notre interlocuteur le bœuf fut tué pour aussi découvrir la structure du groupe. Celle-ci a été
découverte en interprétant le quartier de viande que chacun s’est approprié : le premier prend la tête
c’est le neeno, le second le bassin ,c’est le guide religieux, le troisième, le chef de la communauté (le
garmi) prend la poitrine (xalammi ).
un village son terroir et son nom : il s’agit de Tobi Diop situé à l’ouest de
Mbelgore.
Arrivé plus tard dans la zone, le fondateur dudit lieu n’a pu bénéficier que
d’une faible étendue de terre délimitée par des « toba »
Mais en dehors du feu, les terroirs les plus significatifs du point de vue de leur
étendue, sont délimités avec un instrument de percussion (un tambour, par
exemple).
Ce sont les cas des terroirs octroyés aux villages de Pekh Tall et de Teug
Ndogui.
L’exemple du village de Teug Ndogui paraît intéressant à étudier :
Le village de Teug Ndogui est un village de forgerons ; la fondation date de la
période précoloniale.
Pour avoir fourni à une Linguère (Reine) du Cayor tout l’armement lui ayant
permis d’arracher la victoire face à un ennemi du Baol, le fondateur du village
a reçu en récompense une contrée dont les limites ont été fixées par l’écho
d’un tambour : « les limites de ton domaine foncier seront celles où les sons
du tambour cesseront d’être perçus » aurait dit la Princesse Linguère au
maître forgeron. Installé sur les lieux avec sa famille, le chef de village va à
l’instar des ceddo vivre de lël ou de pillage des passants d’où son patronyme
de « Teug » ou forgeron et Ndogui : de « Dogalé » ou coupeur de route.
Pékhe Tall, village de griots possède un vaste terroir acquis dans les
conditions identiques à celles de Teug Ndogui. Son terroir (ou finage)
pourrait être plus étendu et englober le village de Ndangour Ndiaye au nord
de Guéoul sur la route de Louga n’eût été la vigilance d’un ressortissant de
ce village qui s’empressa de précéder toute l’assistance dans la localité de
Ndangour pour avertir les habitants de la décision du Damel d’avoir octroyé
aux habitants de Pekh Tall toutes les terres situées dans le périmètre où l’on
pouvait entendre le résonnement du tambour frappé depuis Pékhe. Cet
éclaireur aurait conseillé aux habitants de nier d’avoir entendu les sons du
tambour pour préserver leur droit sur leur terroir agricole.
Les terroirs sont pour la plupart identifiés et marqués par des plants de
« silanes » (euphorbe) leur servant de limites et qui laissent un paysage de
champs clôturés.
On peut tirer de ces exemples deux conclusions ou enseignements :
D’abord, les terroirs sont de calibre différent. Cette différence peut s’expliquer
à l’instrument utilisé pour sa délimitation : manuel (toba : petite crevasse
réalisée avec l’hiler ou le daba) ; moyen de locomotion (cheval) moyen
sonique (tambour).
Ensuite, la structure foncière d’un terroir se fait très souvent au détriment des
paysans et au profit des privilégiés constitués de la clientèle politique de la
monarchie ceddo : les chefs religieux; les garmi et les griots et les forgerons.
Enfin, à l’opposé , les paysans ou badolo , ceux à qui les terres sont mis en
location, sont victimes de représailles de la part de la monarchie et obligés de
payer des redevances aux ayant-droits légaux de la terre.
Cependant, le découpage des terroirs par la monarchie semble avoir plus
concerné les zones de Kébémer et de Sagatta.
Par contre dans les zones de Ndande et de Coki, l’affectation des terres et la
délimitation des terroirs sont restées une prérogative des lamanes13 ou de
leurs descendants.
Certains notables ruraux descendants de ces lamanes conservent encore
cette institution : c’est par exemple le cas dans la zone de Ndande où l’on
l’institution demeure à titre nominal même si la fonction a disparu. de la
même manière l’institution a survécu dans certains villages d’anciens
lamanes : comme le lamane Ndande, il y a encore Lamane Mbaka, Lamane
Parène, Lamane Palméo qui se trouvent dans la zone de Ndande ; les
lamanes affectent les terres aux exploitants en échange de ndalou, travail ou
assaka14.
Toutefois les découpages issus de ses distributions et l’existence de villages
sans terroirs font que les terroirs de certains villages abritent d’autres villages
dépourvus de tout droit foncier.
A la base de l’arrêt de cette fonction il y a la loi sur le domaine national
intervenu en 1964. Les lamanes en ont profité pour conserver les domaines
fonciers sur lesquels ils exerçaient une certaine prérogative et certains
13
A Ndande le titre de Lamane Ndande est toujours décerné ; l’actuel Lamane réside alternativement à
Dakar et à Ndande.
14
Cette situation persiste, et depuis l’introduction de la nouvelle législation foncière, les terres ne sont prêtées que
pour deux ans, afin de contourner la loi, en évitant de laisser sa terre une troisième année à l’exploitant qui
pourrait alors saisir la reconnaissance de droit d’usage que lui réserve le domaine national. L’application d’une
telle disposition a provoqué des bagarres rangées entre villages voisins.
paysans ont tenté à leur tour de confisquer les terres qui leur avaient été
prêtées par d’autres ; mais certaines tentatives de ce genre ont échoué après
une défense au prix du sang entre villages soucieux de conserver leur
solidarité et de défendre l’intégrité de leur terroir et les « usurpateurs ».
Des affrontements ont eu lieu entre les villages de Ndiakher (village ceddo
riche de l’étendue de son terroir) et des villages voisins situés aux alentours
de Ndande.
Ce découpage de l’espace en terroirs de différentes tailles est caractéristique
de notre zone d’étude. Ce mode d’occupation de l’espace sera encore rendu
plus complexe avec la monétarisation de l’économie et la lutte pour l’espace
de culture souvent arbitrée par les nouveaux pouvoirs installés par l’autorité
coloniale.
Ainsi de par leurs fonctions traditionnelles, certains notables ruraux ont hérité
de vastes domaines fonciers qui se confondent presque avec le terroir de
certains villageois.
• Djinniakh
• • Koure Mbelgor
• NGATTE GAYE
• aar Gueye 1
• Gade Affe
• Ndiaby Fall • Khalmbane Sali
Thiey Thiey
•
• Tawa Fall herif Ka
•
• Dale
Gouye eo Pallreo
•
• Pame • oki Gueye
• Mb a Lo
• Pallene Ded
15
A la suite de la pacification du Cayor, l’administration coloniale a divisé le pays en cantons dont
celui de Thilmakha.
Au niveau du canton était maintenu l’ancien personnel politico-administratif
des monarchies placé dans un dispositif contrôlé par le colonisateur. Les
commandants de cercle étaient le monopole d’un personnel d’origine
métropolitaine » ( Diop et Diouf, 70 :1992)
La politique coloniale de développement de la culture arachidière utilisait
apparemment les mêmes démarches que la monarchie guerrière : à la place
des « lël », les contraintes de corvée, de taille, d’impôts et celles de la
politique de sécurité alimentaire s’exerçaient sur les populations. Le sujet se
substituait au badolo.
La reconduction de la chefferie traditionnelle appartenant à la famille des
ceddo a favorisé la continuité des représailles sous le couvert de la politique
de l’indigénat avec l’institution du travail forcé , les impôts de taille et de
corvées, l’enrôlement de force dans l’armée coloniale : tout un ensemble de
mesures contre la liberté des populations et dans lesquelles le ceddo a un
pouvoir discrétionnaire très important. Par cette politique qui s’apparente à
une version française de « l’indirect rule » dans le monde rural, et dont la
conduite est laissée à l’initiative des ceddos , l’ambiance d’insécurité vécue
pendant la phase monarchique continue de plus belle.
C’est par cette politique de violence sur les badolos assujettis au travail forcé
que la construction et la mise sur pieds des infrastructures (route et chemin
de fer) donnent au bassin arachidier l’équipement dont il avait besoin pour
répondre à l’objectif des autorités coloniales.
Cette continuité dans le système d’administration reconduit le marabout
comme défenseur des badolos qui lui font allégeance et lui servent souvent
de talibés ou de main d’œuvre.
Les notables ruraux entretiennent avec les chefs religieux des relations
d’alliance ou d’allégeance. Les premiers servent souvent aux seconds de
Ndiattigui (hôtes) dans les villages où ils se rendent en visite. En échange,
ces derniers les nomment cheikh ou diawrigne ou représentant à la tête de
l’assemblée des fidèles dans le village ou même dans toute la contrée.
Les notables ruraux se servent ainsi des marabouts pour asseoir leur
prérogative politique dans le village et auprès des autorités politiques près
desquelles le marabout joue un rôle important de client politique et de
médiateur auprès de la population.
Les chefs religieux arrivent ainsi à consolider leur rôle protecteur sur les
populations en particulier sur celles qui leur sont soumises spirituellement :
leurs disciples ou talibés. Comme aux beaux jours de la période monarchique
ils maintiennent leurs privilèges en bénéficiant également de terres de
culture. Ceci facilite leur implantation dans le bassin arachidier et sur les
terres de leur choix. En cas de conflit sur le foncier, ils bénéficient du soutien
de l’autorité de l’Etat. On peut citer plusieurs cas :
- Dans l’actuelle Communauté rurale de Guéoul et ancien Canton de
Thilmakha, un chef religieux habitant à Mbissis Dia, fort de l’aura que lui offre
la légende, a revendiqué et obtenu un vaste lopin de terre aux dépens d’une
famille ceddo. Le marabout ayant obtenu gain de cause prés des autorités
coloniales aurait eu la permission de prendre son cheval et de circonscrire les
limites de son domaine foncier. Depuis ce jour lui et ensuite ses descendants
contrôlent ce domaine. Et paradoxalement en l’an 2004 ils continuent à
vouloir opposer leur refus à la création d’école sur des villages voisins sous le
prétexte que le terrain qui abrite même ce dit village leur appartiendrait.
- De même non loin au nord ouest de la ville de Kébémer, le village
maraboutique de Thiénaba a dû se tailler un terroir dans la violence. Les
champs qui couvrent ce terroir gardent une toponymie qui évoque leur
histoire belliqueuse. Les noms offerts aux exploitations agricoles en disent
long sur les conflits qu’ils ont engendrés. Les noms comme nexulène ( « c’est
malgré vous » en wolof) ou diokharbi signifiant « le doigt dans l’œil » ou défi
lancé aux autres prétendants témoignent de l’atmosphère tendue dans
laquelle ces terres ont été obtenues ou défendues.. Selon leurs protagonistes
de Badar Guèye village voisin, les champs ont été arrachés de force de leur
terroir par les autorités religieuses de Thiénaba.
- De même d’autres marabouts sous le prétexte qu’ils veulent installer des
daaras et que l’ambiance profane de leur village d’origine ne leur convenait
plus se font attribuer des sites pour abriter le village et des terres pour
cultiver.
C’est le cas de Médina Kane dont le fondateur originaire de Kanène situé à
quelques kilomètres au nord est de Diokoul Diawrigne aurait eu l’autorisation
de fonder ce village auprès du Chef de Canton du Mbawor avec la
bénédiction du Khalife général des Tidianes, Sérigne Ababacar Sy.
Sur le terroir l’impact se manifeste par une intensité et une fréquence dans
l’exploitation, voire une extension allant jusqu’à la remise en cause des
jachères et la mise en location de terres naguère prêtées sans aucune
contrepartie créant une sorte de monétarisation des rapports sociaux. Sur
l’habitat, une profonde restructuration va aussi bien toucher les
établissements humains.
L’accroissement des besoins en terres de culture a comme conséquence
immédiate l’extension du Bassin arachidier au dépens d’autres formes de
mise en valeur et une restructuration de l’habitat.
L’économie arachidière en se substituant à l’économie de subsistance s’est
traduite par la naissance d’une filière arachidière. Celle-ci contrôlée par des
maisons de commerce françaises a réorganisé l’espace par la mise en place
d’un double réseau : un réseau de points de collectes et de succursales des
maisons de commerce d’une part. Chaque point de collecte réunissant un
poids de récolte d’arachides en proportion de la taille de son hinterland.
Toundou Andal est une contrée du Cayor. Elle tire son nom de Andal
Ndiaye. Ce dernier venu du royaume du Diolof, serait aussi un descendant
de Ndiadiane Ndiaye fondateur du dit royaume. Il serait le père de Mame
Amari Mbéri, fondateur de Taïba Amari Mbéri. Une autre version confirme
l’appartenance que Andal Ndiaye à la famille royale du Diolof sans pour
autant préciser l’identité de son père. Le prince aurait quitté le Diolof, seul
(and/ daal (en wolof) : seul) sans aucune compagnie à la suite de difficultés
d’accession au pouvoir16.
Il doit son intégration facile dans sa société d’accueil, à ses dons de
chasseurs qui lui permettaient d’approvisionner ses hôtes en viande de
gibiers à profusion
Toundou Andal (ou pays de Andal) regroupe un certain nombre de villages
dont le plus ancien est Khéleré.
16
Selon nos sources, l’accession au pouvoir au Diolof était à l’issue d’une lutte (fratricide) entre les
prétendants. Cela imposait aux différents candidats de quitter le pays pour aller se préparer pour la
circonstance. Les prétendants reçoivent de leur propre mère l’injonction de s’exiler soit pour prendre le
trône et en cas de défaite de poursuivre l’exil.
Avec la dispersion à la suite de l’économie arachidière, d’autres hameaux
voient le jour. Certains d’entre eux ont évolué vers de grands villages.
Parmi les villages nés de Khéleré Ndiaye, on peut citer : Taïba Amari Mbéri ;
Diokouli Ndiaye ;Kholéré (Ndiaye) ; Diame Ndiaye Sine Ndiaye ;Ndiawagne
Ndiaye ; Diwane Ndiaye ; Dara Andal (Ndiaye) .
Santhioup Rob Naane est aussi un gros village. Du fait de l’exiguïté de son
terroir, il a subi, sous l’effet de l’économie arachidière, une forte émigration de
familles à la recherche de terres de cultures. Il est ainsi le village d’origine de
plusieurs petites localités, et abrite encore aujourd’hui certaines institutions
communes : le cimetière dans lequel tous les villages viennent en pèlerinage
annuel pour rendre hommage à leurs ancêtres communs, des chants
religieux annuels. Ces villages tous situés dans la périphérie de Ndande
sont :Sérif Ka, Dall Ka ,Gouye Méew, Yaari Yiir (village disparu ou
délocalisé), Thiale ;Sahm Ngom, Paam, Siiwal.
Plus le desserrement se faisait vers l’est plus les villages occupaient des
terres topographiquement plus favorables à la culture de l’arachide et plus,
les nouveaux établissements s’approchaient des voies de communications et
des centres ruraux ou urbains ; et plus ils prenaient de l’importance par leur
facilité d’accès et pouvaient être érigés en centres de collecte pour les
villages environnants situés plus à l’ouest.
Ainsi, bien que Khéléré soit le premier village où se sont établis les Ndiaye
émigrés du Diolof, Taïba Amary Mbéry va le supplanter en importance du fait
de sa position vers l’est, l’importance de son terroir et la forte personnalité de
son chef un célèbre marabout qui aura l’honneur d’accueillir comme hôte
Sérigne Mor Sokhna Mbacké, (fils aîné de Mame Mor Diarra Mbacké) et
demi-frère du fondateur du mouridisme, venu s’y établir sous la
recommandation de ce dernier. Les sources orales indiquent également que
la création de villages par les marabouts mourides dans le Cayor est rare.
Mais les établissements humains qui ont servi de lieu de résidence des chefs
religieux ont connu un effet de boule de neige grâce à la polarisation
humaine des marabouts sur leurs disciples.
A l’opposé, les sols du Mbawor (zone située plus à l’est) diffèrent de ceux de
Toundou Andal par une plus grande monotonie de la topographie et une
faible exposition à l’érosion du fait de la diminution de l’efficacité du vent. Les
terres de culture du Mbawor peuvent supporter cinq (5) ans de culture sans
interruption pour seulement trois (3) ans de jachère. En somme, elles se
renouvellent plus vite que celles du Toundou Andal. En conséquence, ces
terres sont plus recherchées, les villages plus nombreux, la densité de
l’occupation humaine plus grande et les questions foncières plus brûlantes.
De même les conflits y afférents sont plus nombreux et plus dramatiques.
Les établissements les plus récents ont choisi de s’installer dans cette partie
où l’arachide semble avoir trouvé les meilleures conditions de
développement. De faible occupation la zone a accueilli de nombreux villages
récents.
La densité de l’occupation humaine semble s’expliquer par la disponibilité des
ressources indispensables à la production arachidière ou la réponse offerte
par le milieu physique aux conditions de la production.
Nous avons vu plus haut que la zone de prédilection des nouveaux
établissements humains nés de la dispersion des anciens gros villages était
la zone la moins topographiquement différenciée. Il s’agit de la partie qui avait
également accueilli l’installation des infrastructures ferroviaires et routières.
Cette partie représente globalement la zone la plus anciennement occupée
car abritant les anciennes provinces du Guet et du Ndiambour dont le
système foncier n’a pas été remis en cause.
Ces contraintes foncières et juridiques résultant de la démographie et de
l’ancienneté de l’occupation expliquent sans doute l’affectation pour des
besoins agricoles de la zone pastorale à la colonisation des marabouts
mourides attirés par l’économie arachidière.
Ainsi donc aux contraintes spatiales issues des contraintes physiques,
viennent s’ajouter les contraintes humaines liées à la dynamique spatiale
ceddo qui a exclu du droit foncier une large part de la population. Les
structures foncières et les droits fonciers qui en ont résulté, la reconduction
de la clientèle politique de la monarchie ont laissé peu de marge de
manœuvre pour les paysans et même des nouveaux colons chefs religieux
venus du Baol pour la culture arachidière dans le bassin arachidier. La seule
alternative fut de squatter les terres des éleveurs situées plus à l’est autour
de Darou Mousty.
La zone de forte densité humaine est celle d’occupation ancienne qui a abrité
les anciennes provinces du Guet et du Ndiambour, où l’habitat groupé traduit
la coexistence avec les pôles humains constitués des princes guerriers et des
chefs religieux. Cette zone s’étend des alentours de Sagatta ancienne
capitale du Guet situé à l’Est, jusqu’au littoral à l’Ouest. Cette partie du
Bassin comprend deux sous ensembles : la partie littorale qui s’apparente à
ce qu’on nomme Toundou Andal et la partie centrale qui englobe le Mbawor
et se prolonge jusqu’au méridien de Sagatta Guet.
17
Source : Sérigne Mbaye un Cheikh mouride interviéwé à Kébémer. D’après lui , le marabout
fondateur de la ville se serait réjouit de savoir que le village dans lequel il va s’installer s’appelait ainsi
car en wolof « Togui Diack » signifie : s’installer et bien s’accomplir ou établissement de bonne
fortune.
CARTE EXTENSION PROGRESSIVE
DU VIEUX BASSIN ARACHIDIER ( Oues st)
Légende
•
Route
Chef Lieu de Déparrement
Chef Lieu d'Arrondissement
Chemin de fer
Route principale
Route principale à 2 voies
" \
18
A notre question si le Conseil rural a procédé à une redistribution des terres , le Président de la
Communauté rurale nous a répondu que ce n’est pas nécessaire car les ayant droits de ces terres les
prêtent aux gens qui en ont besoin.
De même, le village (ceddo) de Ndaye Fall situé dans l’actuelle communauté
rurale de Diokoul Diawrigne prête ses terres à plusieurs villages situés à ses
alentours. C’est un exemple sur lequel nous reviendrons dans la dernière
partie de ce travail. La même observation peut être notée en ce qui concerne
le village de Lèye situé dans la même communauté rurale. Ce village prête
ses terres à beaucoup de villages environnants dont Mérina Seck, Mbatar,
Diakha et Tawa Guèye.
Dans l’Arrondissement de Sagatta et dans la Communauté rurale de Thiolom
Fall, le petit village de Warak Diop prête ses terres aux villages voisins de
Massar Diop, de Bouyott Guèye et autres. Le village de Kilimane habité par
les Naarou Kadioor tire une partie de ses revenus avec la location de ses
terres (15000 F CFA pour 2 ans)
De même la forte dynamique de migration vers les terres plus aptes crée la
concentration de ces villages dans la partie est de la zone littorale. Il en
résulte une forte densité et une saturation de la capacité de charge des
terres qui ont abouti à des conflits. Ces derniers sont parfois l’occasion de
batailles rangées occasionnant mort d’hommes. C’est le cas de wakhal
Diamme (toponymie prémonitoire car signifiant « dit la paix ») hameau situé
sur la route nationale II au sud à 1km de Kébémer où des batailles ont
occasionné un mort et des blessés sur une zone de terroir disputée entre des
cultivateurs de Kébémer et des habitants du dit hameau.
Selon lui, le réseau de villages dont est couverte la campagne wolof a pour
caractère primordial son extrême émiettement : estimée à 213 hab. la
moyenne nationale de l’effectif des villages était de 119 hab. dans la région
de Diourbel et de Louga, y compris ces deux villes. Pélissier ajoute que sur
les 3653 « agglomérations », la même région administrative compte 2469
villages de moins de 100, dont plus de 1500 groupant moins de 50 villages.
Cette liste n’est pas exhaustive et la carte des établissements humains (carte
n°9) en montre d’autres.
Ces villages sont parfois créés sur des sites de villages peuls et les
pâturages transformés en champs d’arachide.
C’est le cas de Darou Mousty créé sur le site de Togui Diack et celui de
Touba Mérina ex-Khabane fondé en 1625 devenu Mérina puis rebaptisé
Touba Mérina en 1949 par El Hadji Falilou Mbacké après y avoir installé un
daara.
Ailleurs, ce sont les litiges fonciers qui opposent des villages de marabouts
avec d’autres : le village de Divane fondé en 1911 par le marabout Mapathé
Sylla sous la tutelle de son chef religieux Thierno Birahim Mbacké (frère
cadet du fondateur du mouridisme) va disputer les terres de Boulel Seck dont
la création remonte à 1876 par un nommé Mbaye Seck. Le marabout, à
l’étroit dans les terres de Divane, est attiré par l’étendue des terres de Boulel
qu’il voulait coloniser avec l’aide de ses disciples.
La dynamique de création des villages s’est poursuivie avec la création
récente de Darou Rahmane en 1966 par Sérigne Fallou Mbacké fils de
Sérigne Modou Awa Balla Mbacké qui y a rassemblé les fidèles de son père
suivant en cela les souhaits du Gouvernement. Plus tard encore d’autres
villages vont naître avec d’autres marabouts ; c’est le cas de Touba Belel
créé avec Sérigne Abdou Lahat Mbacké.,devenu Khalif général des mourides
en 1968.
Mais c’est également sur la classe des notables ruraux et les chefs religieux
que l’Etat colonial porte son choix pour mener à bien sa stratégie
d’exploitation coloniale en spécialisant la colonie dans la production
arachidière. Le choix des marabouts semble en effet être justifié par leur
capacité de production lié à leur capacité de mobilisation de main-d’œuvre
nombreuse, et en plus, leur volonté d’intégrer l’économie de marché dans
laquelle ils sont attirés par leur grand projet de construction de mosquées
dont l’une des plus ambitieuses fut celle de Touba. L’intégration des notables
ruraux paraît incontournable pour encadrer les populations vers l’objectif de
réussite de la politique coloniale.
L’espace ceddo sur lequel l’espace colonial va se tailler son aire d’influence
connaît un mode de reproduction qui par le biais d’un redéploiement de la
population dans des villages vassaux permettait le contrôle effectif du territoire.
Avec l’éviction de l’Etat ceddo et l’introduction de l’arachide un coup d’arrêt fut
donné à ce mode d’occupation de l’espace sans beaucoup remettre en cause
les acquis.
La principale raison est le choix fait sur les notables ruraux et les marabouts
les principaux piliers sociaux qui encadrent la population autochtone dans leur
nouveau mode de production basé sur l’arachide.
Le statut quo sur le foncier entraîne des situations de rente pour les
prétendants de droits fonciers. La terre devient cette fois-ci un enjeu de pouvoir
que détient les notables proches du pouvoir colonial.
Cette extension de la campagne sous la houlette du desserrement de l’habitat
et de la colonisation de nouvelles terres de culture donnent un boom à la
production d’arachide et en conséquence la dynamique des flux d’échange et
celle des marchés. Ces marchés qui finalement sont au début et à la fin d’un
autre type d’habitat : la ville.
Quelle place pour la ville dans cette nouvelle dynamique ? Quelles seront les
relations villes-campagne ?
La pacification de la zone s’est faite en trois étapes : l’installation dans les sites
insulaires de Gorée et de Saint-Louis dont les caractéristiques stratégiques
évidentes ont contribué à leur rapide urbanisation et développement ; le
déploiement d’une ligne téléphonique (en 1862 ) défendue par un système de
forteresses dont les postes de Mbidjem, Lompoul et Mérinaghem20 (L S
Mbow :1985 ; 270) ; enfin la transposition de ces postes militaires du littoral
vers l’intérieur dans les sites de villages anciens comme Kébémer et Louga et
dont les autorités traditionnelles étaient des chefs musulmans favorables à la
puissance coloniale.
Ces forts (au nombre de quinze dont celui de Louga construit en 1883) vont
évoluer en gares le long de la voie ferrée.
20
(Mbow L S: une lecture des villes sénégalaises, in annales de la faculté des Lettres et Sciences
humaines n° 15 ; 1985, PUF ; Paris) »
L’escale par ses maisons de commerce était un espace structurant : un
« circuit fortement soutenu par d’excellents rapports de clientélisme entre
producteurs et revendeurs-gérants, de sous comptoirs a permis aux escales de
polariser à leur profit une aire agricole suffisamment importante. » (MIN : 6 ;
1993)
C’est en reconnaissance légale de ces localités et de l’arrière-pays que les
autorités coloniales ont décidé de leur donner un statut juridique.
Ces localités ainsi reclassées constituent dans une large mesure, le point de
départ du système d’établissements humains avec leur hiérarchisation, et une
esquisse de l’armature urbaine et de la future carte régionale.
• PETE
Région LOUGA
• THIEPPE
KAB GUEYE
Source: DA
•
Enquêtes ara Mboup
• COMMUNE
Route
Chemin de fer
Route principale
L’équilibre permet le croisement entre les flux de biens et les flux financiers :
biens de production et de consommation venant de la campagne ou de la
ville et flux financiers faisant la navette; le tout étant accompagné de flux
démographique. La concentration des biens et les revenus qu’elle engendre
attirent les flux démographiques qui, à leur tour, donnent à la ville son
caractère d’agglomération humaine et de marché.
De plus grâce à son unité industrielle, la ville de Louga polarisait les deux
arrière-pays fusionnés en un seul.
Du point de vue du marché de l’arachide, la ville de Louga, bénéficiant de sa
proximité avec Saint-Louis, capitale politique et siège du grand commerce,
avait enregistré un trop plein de maisons de commerce.
Ce sont les facteurs de distorsion qui engendrent des crises passagères : ils
sont souvent liés à la pluviométrie, aux baisses de rendements et ou des
prix, et peuvent parfois se combiner.
21
A Guëty Ndongo (bâtisé ainsi par le fondateur de la confrérie mouride), le chef de village affirme que
la prospérité du village a été prédit par Cheikh Issa Diène, car dit-il ce sont les habitants de ce villages
qui le premier l’ont reposé du travail. Le Cheikh travaillait son champ au moment où les habitants lui
enjoignent de ne plus travailler : ils le feraient à sa place. En récompense, il leur promet la prospérité.
qui en résulte se répercute sur les villes et les campagnes. La colonisation de
la zone de Darou Mousty outre l’arrivée de marabouts Mbacké de la confrérie
mouride originaire du Baol (région de Diourbel) s’inscrit dans cette
dynamique.
La plupart des disciples qui ont répandu à l’appel des marabouts dans cette
zone seraient venus du Ndiambour (zone de Louga) et du Cayor (zone Thiès-
Kébémer).
Cette migration interne explique la forte densité (relative) de cette zone.
Cette migration est inter rurale; elle peut aussi diriger vers les villes et
prendre une allure d’exode rural renforçant la base démographique des villes.
C’est le cas lorsque les villes sont assez attractives puisque bénéficiant
d’équipements et d’infrastructures et d’une dynamique économique offrant
des opportunités de revenus aux ruraux.
Les migrations peuvent aussi se diriger hors de la zone pour des raisons
diverses.
Ainsi, Tidiane Lo un notable originaire de Niomré, ayant constaté le caractère
spontané et le nombre de plus en plus important de départs individuels tenta
d’y de mettre de l’ordre et d’organiser avec succès le mouvement de
navétanat en direction du Saloum (Ndiaye, op. cit. p 69).
Mais l’organisation de migrations les plus importantes serait l’œuvre de
marabouts et de leurs disciples. Parmi eux, on note les grands dignitaires (ou
cheikh) mourides qui ont participé à l’organisation des migrations. C’est les
cas de Cheikh Issa Diéne de Ndande et Sérigne Daouda Mbaye de Louga.
Ces derniers ont surtout suivi le mouvement vers le sud en participant
activement à la colonisation du nouveau Bassin arachidier dans les Terres
Neuves. Cheikh Issa Diène aurait créé au Saloum des champs associés à
des daaras et villages nommés Lagane, Khabane, Déguène (Touba Ndiéné);
ses descendants ont continué son œuvre en créant d’autres colonies comme
Daray Sidy (par Sérigne Naar Diène, son fils) et Khaïra Mbayar (par Sérigne
Bassirou Diène). Ces colonisations s’accompagnent d’une émigration de
disciples ; elles entrent dans le cadre de l’extension du bassin arachidier mais
aussi du redéploiement des confréries religieuses dans l’espace national en
suivant le front de colonisation arachidière.
Cette organisation de migration n’empêche le retour des populations
émigrées chaque fois que la pluviométrie annonce une reprise.
95
90
Tx urbain
%
Tx rural
85
80
75
1930 1950 1959
Année
La part des cultures vivrières en superficies était de 68% en 1932 ; avec 55%
en mil et 13% en manioc, niébé, correspondant à une population rurale de
95%. Il faut souligner que l’arachide reste dans une certaine mesure une
culture vivrière. Son association avec le mil et le riz dans les traditions
culinaires sénégalaises est restée intacte malgré sa promotion en culture de
rente.
22
Dans la région, les paysans ont en mémoire les exactions subies sous le commandant Co qu’ils
assimilent à un bourreau en affublant à son nom ce petit sobriquet « Ko Jurul, jendoo ko, doo ko
yerem » : on n’a pas de pitié pour la personne qu’on n’a ni enfantée ni achetée. Pour rappel le
commandant Co a dirigé le cercle de Louga
Cependant il importe de souligner qu’à l’état des techniques restées
artisanales, l’exigence de forte main d’œuvre rurale peut expliquer la
faiblesse de l’urbanisation et influer sur l’équilibre villes-campagne.
La faible productivité rurale liée à la sécheresse et ses conséquences sur la
baisse des revenus et du pouvoir d’achat peut être à l’origine d’une mobilité
rurale qui se traduit par des migrations inter rurales et l’exode rural.
Ces migrations peuvent être temporaires ou définitives.
D’autres facteurs non moins importants viennent imprimer une dynamique de
mobilité à la campagne. Il s’agit des problèmes fonciers liés surtout au
changement des rapports humains et au statut des hommes dans la
campagne.
Ils procèdent de contraintes sociales et spatiales et contribuent à l’exclusion
de la campagne :
- Les contraintes sociales
A l’échelle locale des terroirs villageois, la poussée de la culture de rente a
entraîné une grande boulimie de terre et aggravé le système d’exclusion dans
le système foncier.
Par contre, la campagne reste un espace de non droit : ses habitants sont
des sujets soumis aux servitudes de l’indigénat et aux exactions des chefs
coutumiers et même des autorités coloniales ; ils sont victimes de corvées et
de taille.
La ville a été également moins exposée que la campagne aux pénuries de
toute sorte. Comme le souligne Richard Molard « …pendant toute la durée de
la guerre, là seulement (dans les villes) se trouvaient quelques tissus, un peu
de quincaillerie, des occasions de dépenser des billets de banque devenus
complètement inutiles en brousse. Le paysan noir a brusquement éprouvé
pour la ville le même attrait que le paysan français. La crise a provoqué une
poussée urbaine sans précédent en AOF et qui ne semble pas devoir
s’arrêter… » (Cité par Ndiaye, O. N. : 36.). Cette saignée de la campagne
peut aussi s’expliquer par le contexte de la politique coloniale caractérisée
par la politique de l’indigénat marquée par les corvées.
La plupart des acteurs économiques étant des français, des libano syriens et
des ressortissants des quatre communes font bénéficier de droits liés à leur
statut de citoyens aux localités dans lesquelles ils vont exercer leurs activités
économiques. La ville devient aussi un espace de droit qui se traduit par la
présence de services : école, centre de santé, etc.…
La société arachidière entretient une sélection sociale qui se traduit par des
privilèges qu’elle donne à certaines catégories sociales : traitants, gérants de
maisons de commerce ou de succursales, chefs religieux et notables ruraux
du fait du choix porté sur eux par les autorités coloniales. Les maisons qui
gardent l’initiative économique de par leur position dans la filière arachidière
s’approprient les bénéfices.
Les revenus qu’ils gagnent ne leur permettent pas une mobilité sociale dans
l’économie et une position stable : la mobilité spatiale devient une stratégie
de survie et de recherche de ressources d’appoint. Les villes ou les nouveaux
bassins arachidiers situés au sud de leur région leur offrent un espace
d’accueil plus prometteur grâce aux opportunités de revenus qu’ils y
attendent.
Mais apparemment la mobilité sociale paraît impossible : la société
arachidière reste figée dans une inégalité malgré les espaces aménagés pour
certaines catégories sociales. L’étude de la filière arachidière dans les villes
et entre villes et campagne donne une idée des limites de la mobilité sociale.
La part la plus importante des revenus arachidiers revient à ceux qui
détiennent l’initiative économique. On peut étudier cet aspect dans la
stratégie des acteurs de la filière arachidière.
En ville, elle n’a pu créer une catégorie sociale structurante, c’est-à-dire une
bourgeoisie locale capable de rivaliser avec des maisons de commerce et
tenir le commerce à leur place.
A ce propos, le cas de Louga semble être exemplaire.
Dans cette ville une initiative locale qui a tout l’air d’une joint-venture a tenté
de faire face à la concurrence des grandes maisons commerciales.
A Louga, l’économie arachidière a engendré un embryon de bourgeoisie qui a
mis sur pied une structure locale. Celle-ci cherche à se tailler une place dans
le commerce de traite : il s’agit de la SEPA (Société d’Etudes des Produits
23
ce témoignage est recueilli de El Hadji Mbaye Diène, gérant (originaire de la ville de Rufisque) de
Chavannel et fils. Il affirme avoir gardé beaucoup d’argent pour des paysans qui ne le réclamaient qu’à
long terme.
Africains) dirigée par un natif de Louga. On peut lire sur un document
polycopié le témoignage suivant- : « …je me retrouvais dans le circuit de mon
grand-père Momar Gaye avec la remise sur le marché d’une nouvelle
société : la SEPA …Très vite, la SEPA allait conquérir le marché de Louga,
Kébémer et Linguère » (Mansour Bouna Ndiaye, ex-Maire de Louga)
La société, poursuit l’auteur, utilisait ainsi un réseau de 91 traitants, tous
sénégalais. Pour fidéliser sa clientèle, elle avait proposé des prix très
concurrentiels et en bonification, un billet de la Mecque mis en loterie au profit
des paysans. La capacité de la SEPA de mobiliser autant de traitants à son
compte peut découler de l’utilisation de réseaux traditionnels. En effet M.
Ndiaye étant descendant de la famille de la monarchie du Diolof bénéficie
d’une ascendance sociale auprès des notables ruraux au point de pouvoir
assurer la reconversion des anciens réseaux politiques de ses ancêtres en
réseaux économiques. Ce clientélisme de type nouveau n’exclut pas les
marabouts devenus les grands producteurs d’arachides.
Sentant la concurrence déloyale, les maisons commerciales ainsi que
l’huilerie Dégomis vont combattre à leur manière la SEPA.
Malgré les atouts économiques sociaux et politiques réels dont elle a fait
profiter les citadins, l’économie arachidière n’a pu assurer la reproduction de
la couche sociale urbaine qu’elle a mise sur pieds.
En campagne, il paraît pertinent de s’interroger sur l’identification des
paysans thésauriseurs et dont certains se sont servi de la culture de
l’arachide pour faire de l’accumulation de capitaux leur permettant de se
lancer dans l’activité commerciale. En effet, l’observation de la composition
du corps des commerçants à Kébémer donne un certain nombre d’indices
sur ces paysans promus par l’arachide.
L’essentiel des commerçants locaux de Kébémer sont des « Naaru Kadioor »
ou des ressortissants de villages proches comme Ndakhar Khabe . Or, ces
« Naaru Kadioor » comme les Sady, les Amar, les Sougou appartiennent à
des ethnies qui s’occupent d’activités agricoles pendant l’hivernage et de
commerce (informel) la saison sèche. Anciens compagnons des monarchies
et ils sont héritiers de villages dotés des larges terroirs dont ils louent une
partie aux paysans des villages voisins. Le cas est identique pour les
ressortissants de Ndakhar quant à leur rapport historique avec la monarchie
et les droits fonciers qu’ils en ont tiré. Cependant la proximité avec la ville a
largement joué pour les familles Syll de Ndakhar qui sont demeurés dans leur
village tout en dominant une bonne part du commerce local à Kébémer. La
proximité a permis aux femmes de Ndakhar, Tobi et Mbenguène de dominer
le marché du vivrier marchand (farine de mil, couscous et niébé) ; en plus
leurs filles occupaient concurremment avec celles des quartiers périphériques
le marché de l’emploi des femmes de ménage.
Cependant cette percée relative de certains paysans ne peut cacher la
paupérisation massive du grand nombre.
Cette paupérisation s’est traduite (dans la physionomie urbaine et même
rurale) par la naissance d’une société à deux vitesses en ville et en
campagne : la catégorie sociale des notables ruraux et des marabouts
relativement aisée en campagne face à la masse de paysans pauvres ;
d’autre part en ville les tenants du commerce et de l’administration et les
autres, les exclus : la masse des paysans et ouvriers de l’arachide.
La physionomie urbaine s’est traduite par une dualité dans l’habitat urbain
avec un quartier central dit Escale et représentée par la ville ou les « taax » et
les quartiers périphériques souvent la duplication du village avec les mêmes
matériaux de construction des maisons et qui l’apparentent à un taudis.
En reproduisant quasiment la société monarchique, l’arachide est à l’origine
d’un immobilisme social qui est le reflet d’un immobilisme économique. Selon
Suret Canale cet immobilisme se reflète aussi dans le paysage urbain qu’il
décrit ainsi : « Elles demeurent ce qu’elles étaient : centres administratifs et
escales de traite…Les agglomérations ayant un caractère proprement urbain
sont rares : même dans les chefs- lieux, les constructions « en dur » se
limitent au quartier des affaires et aux quartiers résidentiels européens.
Rejetés dans la périphérie, les Africains essaient de reconstituer le cadre
villageois- cases en banco ou paillotes- avec comme au village élevage de
petit bétail (moutons, chèvres, poulets et pintades) » (J. S. Canale : 1964 :
517)
Cette pauvreté ou modicité de l’habitat des africains reflète aussi l’état dans
lequel se trouvent les producteurs. Cela laisse présager la faiblesse
économique des producteurs et leur difficulté à s’occuper de la terre en
facteurs de production et donc le maintien des sociétés africaines dans une
agriculture extensive parfois préjudiciable à la terre et sa reproduction.
Conclusion
L’existence de la campagne précède celle des villes. La campagne est
contemporaine de l’économie de subsistance et du contexte politique et
social marqué par le règne de l’Etat monarchique et de la société ceddo.
L’émergence des villes coïncide avec l’économie monétaire associée à la
production arachidière. La ville et la campagne, tout en articulant le mode de
production ceddo à l’économie de marché, deviennent ainsi les deux pôles
alternatifs d’une économie d’échange qui désormais détermine le
développement des territoires et leur attractivité.
La lutte pour le contrôle des ressources ou du capital a été remportée par les
Maisons de commerce qui gardent jusque là l’initiative commerciale en
imposant leur prix aussi bien de l’arachide que des articles de traite, et le
contrôle des conditions du déroulement des opérations commerciales ; ce qui
se traduit par la nature de l’habitat (qui se reflète différemment dans la
physionomie des quartiers) de chaque communauté : mobilité spatiale sans
mobilité sociale.
Sur le plan social, elle a créé une sorte de noblesse arachidière, une
catégorie sociale plus imbue du prestige de citoyens dans une société de
sujets que d’acteurs économiques dotés de moyens économiques leur
permettant de se substituer aux traitants ou de prendre l’initiative économique
et voler de leurs propres ailes.
Cette noblesse entretient avec la société de paysans les mêmes rapports
d’usure que les traitants.
Mais peut-on attendre plus d’une économie de traite qui ne se donne pas
d’objectifs de développement? Plutôt que des efforts dans l’investissement,
c’est l’exploitation par l’usure qui semble être son credo, n’est ce pas l’objectif
majeur du système colonial ?
L’Etat du Sénégal indépendant tente de récupérer ces avantages coloniaux
par de nouvelles mesures.
C’est pour la correction d’un tel système que l’Etat indépendant va devoir
entreprendre des réformes de la filière arachidière. Celles-ci vont se faire à
travers des politiques de développement qui lui permettront de prendre
l’initiative économique à l’échelle nationale et de profiter au maximum de la
filière arachidière. Mais cette initiative économique de l’Etat indépendant va t-
elle corriger les inégalités de revenus entre villes et campagne ?
POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT ET
EQUILIBRE VILLES-CAMPAGNE DANS LE VIEUX
BASSIN ARACHIDIER.
II. LES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT ET L’EQUILIBRE
VILLES-CAMPAGNE DANS LE VIEUX BASSIN ARACHIDIER.
Toutes ces mesures traduisaient la volonté de mettre sur pied une économie
indépendante au Sénégal (Dione, 2005 : 15)
Dans l’économie rurale, base du développement national, l’organisation de la
production passe d’une part par la mise sur pieds de coopératives qui
s’occuperaient aussi bien de la commercialisation des produits agricoles que
de l’approvisionnement du monde rural en biens d’équipement et de produits
de consommation, et d’autre part par l’accès à la terre comme facteur de
production. Cette dernière mesure annonce la remise en cause de la
législation foncière qui privilégiait les notables ruraux et l’élargissement de la
base de la production.
Mais l’on peut se demander sur quelles forces productives allait se fonder ce
projet de développement ? Et quelles catégories sociales en deviendront les
principaux bénéficiaires ? Ce sont encore celles des chefs religieux et des
notables ruraux que s’était choisie la classe des traitants ou au contraire la
petite paysannerie ?
Il était en effet le cadre par lequel l’Etat assure l’équipement des producteurs
et leur assistance par des organismes d’encadrement capables de les
amener à maîtriser les paquets technologiques indispensables à l’obtention
de résultats à la hauteur des ambitions nationales.
24
Certes c’est en 1964 que le Gouvernement Sénégalais a lancé la Loi sur le Domaine National. Mais,
cette approche révolutionnaire ne fut appliquée qu’ en 1980 et c’est en 1972 que les Présidents de
Communautés Rurales ont été responsabilisés dans la gestion des terroirs (C.N.C.R. 1999)
Ce qui, logiquement, devrait être le point de départ d’une redistribution des
terres signifiant la fin de la logique « ceddo » de répartition du patrimoine
foncier et du statut quo maintenu et hérité du pouvoir colonial.
Ainsi, les chefs religieux gros producteurs peuvent fonder leur propre
coopérative ou alors adhérer à d’autres en prenant la direction de celles
érigées dans les localités où dominent leurs disciples.
25
Pionniers mourides au Sénégal : changement technique et transformation d’une économie
paysanne : Juillet 1970 ; 80 pages ; ORSTOM)
Certains d’entre eux plus puissants bénéficiaient de lignes de crédits mis à
leur disposition par la BNDS et de meilleurs prix et de quotas pour les
semences et le matériel agricole.
Cela traduit une plus grande présence des pouvoirs publics et leur option
pour les facteurs de production.
Sur le plan spatial, les politiques de développement ont un objectif fondé sur
la spécialisation de l’espace entre la campagne lieu de production et la ville
lieu des échanges.
Une étude faite sur la zone de Touba Belel (arrondissement de Darou Mousty
, Département de Kébémer) sur l’exploitation du Khalife Général des
mourides Sérigne Abdou Lakhat Mbacké fait état de l’existence de 30 daara
regroupant 160 « takder » (disciples) et cultivant 750 ha (soit la moitié de la
superficie foncière totale). Ils utilisent 30 polyculteurs, 60 semoirs, 30
charrues, 60 paires de bœufs et 48 tonnes de semences d’arachide
décortiquée (Jean Copans : 244 :1980)
26
(cf. L.S. Senghor Liberté I, Le Seuil, 1964 pp. 423-424); le crédit agricole et les marabouts ou les notables
religieux ; cité par Jean Copans in Les marabouts de l’arachide p 208)
Ces villages de chefs religieux peuvent aller jusqu'à discuter la polarité aux
points de traite situés sur les axes de communication en particulier sur la voie
ferrée et qui administrativement bénéficient du prolongement des services
regroupés en ville. C’est le cas des localités promues chefs-lieux
d’Arrondissement accueillant des services groupés dans les CERP. Ces
derniers regroupent des agents de la SODEVA, des EAUX et FORETS, de la
promotion humaine et de l’animation rurale, l’ONCAD qui était chargé en
amont et en aval de la distribution de facteurs de production (semences
machines, engrais), la commercialisation et la collecte.
Il est intéressant de noter que la plupart des commerçants sont soit d’anciens
gérants de Maison de commerce ou des ressortissants de la campagne
proche (Syll) ou des maures « darmanko » Sady et Amar … tous habitants de
villages à grands terroirs.
En prenant la place des traitants, ils vont continuer à nourrir les mêmes
réseaux de clientèle qui animent les relations villes-campagne dans le cadre
de la filière arachidière.
27
Interview de Ibra Bane : Assistant comptable gérant de la structure « Entente Dioubo » dans les années 1970.
La structure du commerce peut s’identifier à un réseau départemental et une
polarisation du commerce par la ville de Kébémer.
Dans cette localité, l’un des plus grands commerçants grossistes cumulant
les fonctions d’OPS et de transporteur, le Député-maire Karim Fall avait
établi une liste de 55 commerçants pour constituer une coopérative à
l’échelle départementale. Chaque commerçant a reversé à Karim 100000frs
(cent mille francs) CFA à titre de part sociale pour constituer le capital social
à verser à la BNDS, soit une somme totale de 5500000frs (cinq millions cinq
cent mille francs) CFA. Ce capital social a permis à la banque de dégager le
prêt pour l’organisation dénommée « Entente Dioubo ».
Localités Commerçants
Kébémer Karim Fall
Basse Amar
Aliou Syll
Ndande Macodou Fall
Mbaye Seck
Sagatta Mbaye Diagne
Souleymane Cisse
Darou Mousty El Hadji Ibra Seck
El Hadji Lo
Celle-ci leur permet de joindre les villages les plus reculés pour acheminer la
production collectée dans des coopératives vers des points de la route où
s’effectuait le transbordement dans des camions de moindre calibre dont
certains appartenaient à leurs partenaires transporteurs ruraux.
- d’une part les services à fonction banale (ou interne), qui concernent toutes
les activités dont la desserte est limitée par le périmètre communal comme
l’administration et les services techniques communaux, le commissariat de
police, etc.;
Le cas de Louga
Population en Taux de
Localités 1961 1976 croissance
Louga 16280 33579 4,94
Kébémer 3500 6769 4,5
Source : DPS
35000
30000
Effectif 25000
20000
Louga
15000 Kébémer
10000
5000
0
1961 1976
Années
Entre 1961 et 1976, Kébémer et Louga ont ainsi connu un taux de croissance
proche du taux moyen de croissance urbaine. Du fait des équipements, des
infrastructures et des équipements qu’elle suscite la filière arachidière est un
fait structurant.
Arrondissements
Darou
Ndande Sagatta Mousty
Superficie en Km2 1373 1082 1368
Population totale (habitante) 48742 48981 57011
Nombre de points d'eau 1304 1011 1057
Nombre de points d'eau 374 76 122
modernes
Nombre de points d'eau 19 67 117
mécaniques
Charge par point d'eau 103,3 644,4 467,3
moderne
Densité par point d'eau 3,6 14,2 11,2
moderne
Charge par point d'eau 2564,8 731,05 487,2
mécanique
Source : Mbengue 1998 :33
1400
1200
1000
800
Nombre
600
400
200
0
Ndande Sagatta Darou Mousty
Arrondissements
Nombre de points d'eau Nombre de points d'eau modernes Nombre de points d'eau mécaniques
Cela dénote la continuité des privilèges des villages contrôlant des terroirs au
détriment des villages sans terroirs : discrimination au sein des campagnes
entre villages sans terroirs et villages excédentaires en ressources foncières,
entre familles riches en terre et d’autres qui en louent ; et au sein des
campagnes entre notables ruraux, marabouts et paysans, d’une part, entre
les paysans possédant des terres et les paysans sans terre, d’autre part.
29
2 documents :
-1 : République du Sénégal, Ministère du développement rural et de l’hydraulique :
Bilan de la politique de l’hydraulique rurale dans le département de Louga : 4 p +
annexes
- 2 (idem).Kébémer : 4 p + annexes. Novembre 1992
Celle-ci alimente les points de collecte de l’arachide et les marchés ruraux
hebdomadaires ; créant des points d’échange locaux et des aires d’influences
spécifiques dans la campagne ; la plupart reproduisant celles qui étaient
élues par les autorités coloniales. Ces réseaux de points sont soit reliés par le
chemin de fer (c’est le cas des anciennes escales), ou alors par la route ou
les pistes ; tout cela fait vivre un système de transport et de clientèle qui
entretient un système de réseaux sociaux. Ces réseaux structurent des aires
d’influence autour de pôles humains, de lieu de forte production, de points de
collecte et de marchés. Certains pôles humains comme les chefs religieux
contribuent à une forte ruralisation du Vieux bassin par une colonisation
continue de terres, par la création de villages et leur ancrage dans le secteur
rural.
Les villes relais comme Louga et Kébémer exercent des fonctions qui
permettent une dynamique urbaine qui se traduit, d’une part, par une
extension du tissu urbain (les nouveaux quartiers, les opérations de
lotissements, témoin de la demande de parcelles), une croissance des
activités artisanales et commerciales et de transformation d’autre part.
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
60 superficies en milleirs
19 19
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
62 60
19 19
64 62
19 19
66 64
19 19
68 66
19 19
70 68
19 19
72 70
19 19
74 72
19
19 74
76
19
19 76
78
19
Kébémer
19 78
80
Années
Kébémer
19
19 80
années
82
19
19 82
Louga
84
19
84
Louga
19
86 19
19 86
88 19
88
19
90 19
90
19
- Une première de 1960 à 1982 est marquée par une forte augmentation et
un maintien des rendements et de la production à un niveau élevé.
La phase de 1960 à 1982 : c’est l’ère de la volonté politique. Mais celle-ci fait
face à diverses contraintes qui compromettent ou entravent les objectifs
visés. Ces contraintes sont d’ordre physique et sociale et contribuent à
modifier l’organisation de l’espace national à travers l’équilibre entre les
différentes régions mais aussi les villes et leur arrière-pays rural, la
campagne.
Louga Kaolack
450 800
Moyenne
Nombre de jours 40 60
Minima 239 524
Maxima 865 1276
Durée de l'hivernage (jours) 90-95 110-120
Source : (P. Pélissier : 1964 : 10-12)
A coté de cette différence sur le plan de la pluviométrie, s’ajoute celle des
rendements et de la productivité.
Selon René Dumont : « Au Sénégal, il faut descendre aussi bas que Kaolack
vers le sud pour trouver des sols ferrugineux tropicaux contenant souvent
20% d’argile. Les sables quasi-dunaires qui dominent au nord et au centre de
ce pays, n’en ont souvent que 5% et ne peuvent garder une structure, une
certaine capacité de rétention de l’eau et des éléments fertilisants, qu’avec un
minimum de teneur en humus… » (Dumont, R., 1972)30
Sur le plan spatial, la discrimination concerne aussi bien les régions que les
villes et la campagne.
Ces disparités dans les investissements s’expliquent aussi par des facteurs
naturels et de facteurs de production.
30
René Dumont : « Paysannerie aux abois ».- Paris : ed. du Seuil, 1972.-p182-183
Les politiques d’aménagement du territoire et de correction des déséquilibres
entre Dakar et l’intérieur du pays ne sont devenues pertinentes qu’avec les
débuts de la crise arachidière liée à la baisse de production et par
conséquent des revenus. Tant que les revenus le permettaient ou que les
politiques de subvention ou politiques volontaristes distribuaient des
équipements et des vivres de soudure aux producteurs, ils assuraient ainsi
une forme d’équilibre villes-campagne en maintenant les populations en
campagne et régulant leur relation avec la ville.
31
Ndione E., Sagna M. Bugnicourt J. Pauvreté ambiguë : enfants et jeunes au Sénégal. ENDA, Dakar
1987, 185p
Cette répartition des revenus se caractérise par une inégalité au profit de la
ville, d’une part par celle des revenus arachidiers et celle des
investissements, par la part des gains obtenue par les acteurs urbains.
D’autre part, la répartition du revenu national reprenait les discriminations
sociales reproduites par la filière arachidière. Cette répartition est décrite ainsi
par Lacombe :
« Le revenu national par tête pour 1968 est de 55 000 F CFA. Le partage
s’effectue inégalement entre :
a) 130 000 salariés dont le revenu annuel moyen est de 500 000 F CFA. Ils
représentent avec leur famille le quart de la population et reçoivent les deux
tiers du revenu national ;
La mainmise des chefs religieux et des notables ruraux sur les institutions
rurales (chef de villages, relais du Pouvoir et Président de coopératives)
permet a ces derniers de maintenir le statut quo sur le plan foncier du fait de
la défense de leurs intérêts dans l’application du domaine national.
L’inégalité entre revenus urbains et revenus ruraux s’explique par des causes
diverses. D’abord, elle englobe la discrimination dans les revenus entre les
paysans d’une part et les employés urbains et en particulier ceux des
structures de développement en ville, les commerçants et les fonctionnaires
d’autre part.
Ensuite, on peut souligner que cette inégalité n’a pas toujours été favorable
aux villes mais qu’elle l’est devenue.
Cet extrait du tableau comparatif des salaires horaires moyens du paysan
sénégalais et du travailleur Dakarois l’illustre assez nettement.
Saloum
1890 0. 12 F 0. 26 F 0.28 F 0.28 F
1922-26 0. 55 2. 47 1. 40 1.38
1927-31 0. 66 3. 30 1. 70 1. 70
1932-36 0. 78 3. 97 0. 80 1. 00
1937-41 0. 90 5. 90 1. 30 1. 37
32
Mbow, Lat Soukabé : Une lecture des villes sénégalaises pp. 265-288 ; Annales de la faculté des lettres et
Sciences humaines n°15 ; Université de Dakar ; PUF. 1985. 351 p.
Ensuite procédant de la volonté politique de l’Etat, cette distorsion bien que
enrobée dans l’idéologie socialiste senghorienne, s’explique dans une large
mesure par une « simple application de la théorie des avantages
comparatifs ; le fait de produire sur son sol les cultures pour lesquelles on est
compétitif sur le marché mondial et l’importation de celles dont on n’est pas
compétitif et la péréquation du second par les marges gagnées sur le
premier lorsque le niveau de revenu l’exige paraît d’une logique
implacable… » Maxime Aubert in Politiques alimentaires et structures
sociales en Afrique noire : quelle autosuffisance ? p 22).
Enfin on peut expliquer la distorsion des revenus urbains et ruraux par les
rapports d’usure entre commerçants urbains et producteurs ruraux.
Mais, cette discrimination était atténuée par les revenus de transfert envoyés
a la campagne par les ruraux venus travailler pendant la morte saison en
ville.
Bien que les sorts soient différents entre, d’une part les différentes contrées
de la Région ou du Département ou, d’autre part entre, les différents
producteurs notables ruraux, paysans et chefs religieux, tous se mobilisent
contre le payement des dettes contractées auprès des structures
d’encadrement étatiques locales.
Ces mêmes paysans étaient souvent victimes des peseurs qui les spoliaient
d’un poids non négligeable de leur récolte et d’autre part des manœuvres
frauduleuses des notables ruraux et chefs religieux.
Cette situation de la dette, cause un manque à gagner aussi bien pour l’Etat
que pour le commerce local et modifie les stratégies des uns et des autres.
La ville de Louga a connu le même scénario (Ndiaye, 1975 ?). Pire, elle avait
déjà perdu son huilerie et sa fonction de collecte de la production régionale.
Si le facteur essentiel de cette évolution dramatique du Vieux Bassin
arachidier peut certainement être lié à la baisse de la production et aux
problèmes de la commercialisation, les contraintes du marché ont leur part
d’impact dans cette situation.
L’évolution des faits confirme que la volonté politique est loin d’être
déterminante si elle ne s’appuie sur le marché.
Malgré tout, les Maures ont pris le dessus et le commerce de Kébémer a été
détenu par eux jusqu’en 1989 (date du conflit sénégalo-mauritanien), ce qui a
contribué à limiter les capacités d’absorption ou d’intégration des ruraux ou
des urbains dans l’économie urbaine, et à les obliger de partir vers d’autres
cieux.
Cette crise économique avait affecté les campagnes et avait creusé l’écart
entre revenus entre urbains et revenus ruraux avant de compromettre ces
derniers du fait qu’elles compromettaient la stratégie de repli tactique des
ruraux en ville soit pour des revenus d’appoint en morte saison, soit pour leur
insertion effective dans l’économie urbaine. En effet, la ville a toujours
représenté un espace de repli stratégique pour les ruraux. La durée de ce
séjour en ville est plus longue pour les ruraux exerçant leurs activités
agricoles dans les régions Nord comme celle de Louga compensant en
principe leur déficit de productivité agricole. (Cela peut aussi expliquer la
migration vers la ville lorsque les autres choisissent de se tourner vers
l’agriculture vivrière).
Cela veut dire que lorsque dans une région l’économie urbaine est en crise,
les villes ne sont plus les exutoires des surplus de la campagne. (Autrement
dit, il n y a plus de phénomène des vases communicants entre villes et
campagne). Les surplus démographiques de la campagne, qu’ils soient
consécutifs à la densité ou à l’abondance de main-d’œuvre, ne se déversent
plus à la ville départementale. Là, le déséquilibre villes-campagne est
manifeste.
Les surplus démographiques ruraux ont tendance à choisir pour destination
les villes ou les villages d’autres régions ou l’économie fonctionne et répond à
leur attente. Au pire de la crise agricole et urbaine entre 1976 et 1988, les
villes de Kébémer et de Louga ont perdu leur évolution convergente de la
période 1961-1976 pour aborder des évolutions divergentes entre 1976 et
1988.
L’exode rural perd son horizon urbain de proximité pour aller plus loin tout
en se déconnectant de tout son réseau de solidarité tissé pendant des
décennies entre commerçants de la ville et producteurs ruraux.
Les campagnes subissent à leur échelle la même saignée que la région dans
son ensemble ; on note dans les villes de nouveaux migrants qui viennent
habiter les marges parfois insalubres, un phénomène connu pour Dakar et les
grands centres régionaux commencent à se développer dans la région de
Louga.
100
90
80
70
60
Taux
50
40
30
20
10
0
Dakar Casamance Diourbel Fleuve Louga Sénégal Sine Saloum Thies
Oriental
Région
1976 1988
et du tonnage de la production.
L’existence d’un marche urbain central et des marchés ruraux satellites est
un facteur de dynamisme départemental, voire régional contribuant à la
participation de larges contrées et de leurs habitants au développement
national.
Pire elle peut être a l’origine d’inversions de polarité comme c’est le cas de
Darou Mousty et de Dahra dans les Départements respectifs de Kébémer et
de Linguère.
Cette faiblesse des revenus est aussi consécutive à celle des prix au
producteur offerts par le marché international.
D’autre part la baisse des revenus est une contrainte difficile à surmonter
pour les ruraux puisqu’elle empêche les investissements en facteurs de
production sur le sol et la régulation du système de crédit.
La détérioration des termes de l’échange a compromis la production par un
enlisement des producteurs dans un cercle vicieux qui décourage les
politiques volontaristes de l’Etat. Les répercussions à l’échelle régionale et
nationale sont immenses et de surcroît, interdépendantes.
Elle limite ainsi la volonté de l’Etat à continuer dans la voie du socialisme tel
que défini par Senghor faute des ressources attendues de la filière
arachidière pour financer le développement économique et social de la
nation.
Ensuite, les producteurs tentent de jouer aux sinistrés pour se faire pardonner
les dettes accumulées auprès de l’Etat. Enfin face au recul des surfaces
emblavées en arachide et de la réduction du marché national, s’annonce
alors l’abandon des politiques volontaristes qui inaugure l’adoption des
politiques réalistes.
II.2 POLITIQUES REALISTES ET EQUILIBRE VILLES-
CAMPAGNE
Les politiques réalistes sont consécutives, dans une large mesure, aux
contraintes du marché dont une des causes principales est la détérioration
des termes de l’échange. Celle-ci, en plus des contraintes physiques qui font
baisser la production minore les revenus de l’Etat, remet en cause son
caractère providentiel et compromet la synergie entre les acteurs de la filière,
notamment le Gouvernement et ses alliés de la campagne : les notables
ruraux et les chefs religieux.
Si les politiques réalistes n’ont débuté qu’en 1984, une période relativement
longue de difficultés économiques les a précédées.
Ces Nouvelles politiques sont fondées sur les principes de « Moins d’Etat,
Mieux d’Etat » c'est-à-dire une option de restriction des dépenses pour une
plus grande efficacité.
Elles commencent par une restructuration des structures mises sur pieds
avec les politiques volontaristes, ce sont les structures de l’administration et
celles de développement rural considérées comme trop onéreuses au vu du
bilan économique déficitaire.
Elles ont alors des conséquences importantes dans les relations villes-
campagne. En dégarnissant la ville de ses structures administratives et
structures de développement qui faisaient (déterminaient ) la quintessence de
sa centralité, ainsi que toute sa couche sociale productive constitutive de la
classe moyenne, ces mesures font perdre aux villes en particulier, les villes
secondaires, leurs fonctions de relais et de marché. Il en résulte une
désarticulation des réseaux sociaux et spatiaux qui la liaient avec son arrière-
pays rural.
P1 Sapco (Mbour) ;
P2 ICS / Taïba
P5 SAED / Podor
P6 SAED / Matam
P7 DERBAC / Kolda
P8 SODAGRI /Ziguinchor
P9 AFRICARE / Kaolack
Années
Source DPS
14000
12000
10000
8000 Kébémer
6000 Darou Mousty
4000
2000
0
1 2 3
12000
10000
8000
Linguère
6000
Dahra
4000
2000
0
1 2 3
Enfin à l’échelle régionale, les relations entre la ville régionale et les villes
secondaires sont réduites au lien administratif et n’ont aucune substance
économique. La ville capitale régionale en perdant sa dimension économique
régionale perd aussi son rôle de pôle de développement régional et de
métropole d’équilibre. Elle se détermine alors vers un statut de « kyste
urbain », tout comme les villes départementales à l’endroit de la campagne
environnante.
Elle doit donc beaucoup au soutien politique, dans les hautes sphères de
l’Etat où se localisent des personnalités politiques éminentes, fils du terroir
et d’autres fils locaux de la société civile. L’érection de Louga en capitale
régionale va-t-elle signifier sa promotion en métropole d’équilibre et en pole
de développement régional ?
Montant de
Localisation l’investissement Réalisateurs
Un Stade + +
Une Station d’essence + 20 +
2Espaces Verts + + 40 +
34
Diop Gaye Ibrahima : Place du quartier Grand-Louga dans le processus d’extension de la ville de
Louga 94p ; 1989 ENEA Dakar.
L’érection de Louga en chef lieu de région en 1976 a été suivie de
l’implantation de certaines petites et moyennes entreprises dont les plus
récentes sont :
Les produits finis des entreprises ne procèdent pas de l’existence d’une filière
dans laquelle s’insère le monde rural : il y a dans ce procès de production,
l’absence de filière intégrant la campagne et en conséquence de cette non
participation, on enregistre l’absence de revenus pour elle. Donc cette
production isole la ville de la campagne au lieu d’assurer l’intégration des
deux.
Il ne restait plus d’espoir, pour les résidents et les ruraux d’obtenir des
revenus. Cette faiblesse du capital se répercutait aussi dans l’investissement
et l’emploi, donc dans l’ensemble des activités économiques. Le tableau des
activités et emploi par secteur lève un coin du voile sur cette situation
économique morose
Ces chiffres qui indiquent le niveau d’emploi montrent d’une part la baisse de
celui-ci par rapport a la situation de 1976, et d’autre part, la faiblesse de sa
capacité d’insertion des ruraux et même de rétention de ses propres fils. Les
auteurs de ces tableaux en tirent la conclusion que la ville de Kébémer
souffre d’un manque de fonctions enrichissantes et une insuffisance de celle
de transmission. (Sénégal, 1993 : 39-3)
Les premières à subir les effets de cette politique dans le Vieux Bassin sont
les infrastructures routières dont la rentabilité économique paraît dérisoire au
vu de la faible desserte des lieux de stockage de l’arachide. Puisqu’elles ne
participent plus au développement, les routes largement éprouvées par
l’usage intensif avec les camions gros porteurs sont fortement dégradées
sans bénéficier d’un service d’entretien. Ainsi la Région perdait ses routes
d’évacuation de l’arachide devenues impraticables. Il s’ensuit sa
marginalisation et le dysfonctionnement des ses échanges intérieurs tels
qu’ils fonctionnaient en appui aux réseaux commerciaux. Les routes de
Lompoul – Kébémer - Darou Mousty - Touba entre dans une dégradation
avancée. Le chemin de fer Louga –Dahra – Linguère devient impraticable. La
dégradation « des initiatrices d’unité qui créent la cohésion des contrées »
entraîne la désarticulation des circuits commerciaux et en conséquence les
réseaux sociaux qui les sous-tendaient. Aussi se renforce le développement
séparé des villes et des campagnes et le processus de dislocation de
l’économie régionale.
Cet énorme déséquilibre territorial ne fera que croître, rendant vains les rêves
de création d’une « armature urbaine solide, destinée à jouer un rôle de
contrepoids équilibrant face au développement hypertrophié de
35
l’agglomération dakaroise » (Sar. Moustapha : 1977) .
35
Moustapha Sar, ancien directeur de l’aménagement du territoire, « Problèmes d’urbanisme de
l’agglomération dakaroise » Ubanisme n° 159, Spécial Afrique Juin 1977 pp 66-73
Cet objectif, énoncé en 1977 par le directeur de l’urbanisme, s’était partout
traduit par la transformation des sept capitales régionales en autant de
métropoles d’équilibre, et par la création de six centres intermédiaires et de
vingt trois centres secondaires, le tout dans le cadre des dispositifs
institutionnels datant de 1972, qui introduisaient une décentralisation et une
déconcentration administratives qui se cherchent encore actuellement »
(Osmont, A. : 63-64 : 1995)
Apparemment les politiques mises en œuvre n’ont pas connu les effets
escomptés faute de poids économique qui puisse avoir un impact
démographique conséquent. C’est Touba qui, ces dernières années va entrer
par effraction dans cette liste des métropoles d’équilibre en l’absence de
toute volonté politique de l’Etat sénégalais. Mieux, la capitale des mourides
va devenir la deuxième agglomération du Sénégal sans pour autant suivre la
logique de la politique d’aménagement du territoire de l’Etat. La naissance et
le développement de Touba procèdent de la concurrence avec Dakar.
Le montant de la cotisation s’élevait à 140 francs par tête, soit (5F CFA x
28), 28 correspondant à la valeur numérique de Touba dans la transcription
arabe.
Ces notables religieux ont dû jouer un rôle très important dans la production
arachidière, la gestion de champs du mercredi cultivés pour le compte du
marabout. Ils ont d’autre part joué un rôle important dans le mouvement
coopératif.
Des relations fécondes ont lié le marabout à ses hôtes. N’est-ce pas ce qui a
favorisé le mariage de son frère Sérigne Sonyibou Mbacké à une
ressortissante du village ? (Sokhna Ngaïta Gaye) ;
Cette zone est réservée aux travaux agricoles ».36 Mais « à la fin des années
1970 et au début des années 1980, la tendance s’inverse … Dès lors, le
marché « OCAS », principal centre de redistribution des marchandises de
contrebande provenant de la Gambie et de la Mauritanie connaît un
développement fulgurant» (Babou :21 ;1992 )37.
36
Monographie de Touba, auteur cité par Babou, p26
37
Babou, Cheikh Anta : Touba, genèse et évolution d’une cité musulmane au Sénégal,
UCAD, FLSH, Département Histoire, Mémoire DEA, 1992 ; 39p
Sous la protection du marabout, la ville se transforme en ville franche où tous
les produits de grande consommation (riz, sucre, tissus, tomate et
médicament) et armes sont achetés à prix relativement bas.
Selon les statistiques et les estimations, Touba va connaître très vite une
croissance démographique sans précédent au Sénégal : 41950 en 1976,
138604 en 1988 soit plus du triple en 22 ans, plus d’un million d’habitants en
2002 soit huit fois environ en 14 ans.
Cette concurrence de Touba va davantage exercer une pression sur les villes
du Vieux Bassin et sur sa dynamique économique renforçant leur caractère
de kystes urbains.
Sur le plan local, l’autre comportement centrifuge consiste à l’émergence de
marchés parallèles, la dispersion des réseaux de collecte et leur
détournement au profit de points de collecte tournés vers les marchés
parallèles.
Les marchés urbains ne sont plus attractifs pour les ruraux. L’exode vers
d’autres horizons ou régions s’impose.
40,00
35,00
30,00
25,00
20,00
15,00
10,00
5,00
0,00 el
ar
a
a
is
k
ho
iè
tic
ac
ld
nd
ou
rb
ak
Th
Ko
c
Fa
ol
u
u
-L
D
in
io
co
Ka
gu
St
D
ba
Zi
m
Ta
Arrondissements Taux
1976 1988 d’accroissement
Darou Mousty 0, 90
51169 57011
Ndande 0, 30
47049 48742
Sagatta - 0, 05
49252 48981
Total population 0, 31
14747 154734
rurale
Population 6769 1,66
8120
urbaine
Total 0,47
154239 162854
département
Tableau 27 : Populations urbaine et rurale, Département de Louga
d’accroissement
(76 /88)
Coki 0, 37
39226 40994
Keur Momar Sarr 1, 55
27934 33614
Mbedienne - 0, 11
38300 37785
Sakal 1, 12
31426 35912
Total population 0, 73
136886 148305
rurale
Population 3, 95
33579 53429
urbaine
population 1,41
170472 201734
département
Source : (DPS : 2003 : 3 et 4)
Bien que l’Etat ait consenti aux marabouts (Mbodji) la possibilité de vendre
leur arachide dans les marchés de leur choix, ces derniers ont apparemment
cherché et trouvé des alternatives au circuit traditionnel et officiel de la
commercialisation de l’arachide. En effet il fut expérimenté une stratégie de
désaffectation des circuits officiels apparemment rivés sur la perspective
traditionnelle du marché mondial, pour privilégier une perspective sous
régionale.
La plaque tournante de ce marché sous régional est la ville sainte de
Touba et les terminaux Banjul, la capitale gambienne, et Nouakchott, la
capitale de la Mauritanie. Le fait que ce commerce de ces deux pays soit
connecté à des réseaux internationaux et hors du giron français pèse sur la
concurrence avec le commerce officiel en qualité des marchandises et des
prix.
C’est dans ce contexte d’opposition entre deux marchés dont l’un est dit
informel et l’autre structuré que la compétition est remportée par le premier
par des offres plus avantageuses ou plus rapides. Par exemple dans la
commercialisation de l’arachide : le « mbapad » (vente de la production sur le
champ, avant récolte) avec des prix peu compétitifs, se développe et prend
de l’ampleur en marginalisant les circuits officiels. Certes ce procédé peut
assurer au paysan des gains moins substantiels mais c’est un commerce plus
rapide et offre l’opportunité d’échapper aux jeux des « peseurs » voraces qui
minorent les poids des récoltes. Il permet également au paysan d’échapper
au contrôle de l’administration soucieuse de remboursement des dettes et de
loyauté des producteurs ayant contracté des dettes auprès d’elle.
Cette marginalisation des offres urbaines et la demande rurale fait que la
production arachidière du Vieux Bassin cesse d’alimenter les échanges, et
affaiblit la dynamique des relations villes-campagne.
Carte n° 13 Axes commerciaux concurrents : Dakar - St Louis et Banjul – Touba - Nouakchott
En plus de l’arachide, le commerce parallèle offrait l’occasion de redistribution
dans l’espace sous-régional des facteurs de production (machines-outils :
semoirs, houes, etc.) subventionnés pour les producteurs sénégalais et
contractés sous forme de dette à travers le Programme agricole. Mais ce
commerce permettait aussi le troc de marchandises. On s’approvisionnait a
Banjul en produits de première nécessité (riz, sucre, tomate, et autres) dont
la revente au Sénégal pouvait garantir des marges bénéficiaires
substantielles. Ces transactions ont donné lieu à un commerce fructueux
bénéficiant d’une protection par le statut religieux de la localité de Touba en
zone franche. La dynamique des échanges et les percées dans les régions
voisines autorise l’amorce d’une forme d’accumulation primitive du capital
mais aussi une plus grande concurrence du commerce des régions voisines
dont celui de la Région de Louga. (Axe Banjul – Touba – Nouakchott
(passant souvent par des pistes) / axe Dakar – Saint-Louis (sur la route
nationale n° 2).
Les politiques réalistes viennent tout dégarnir pour faire place à des kystes
urbains dont l’économie, même si elle s’étoffe, se trouve sans rapport avec
leur arrière-pays rural.
D’autre part, les flux vers la ville de Touba sont en majorité constitués des
populations dépendantes : les personnes concernées sont plus composées
de vieilles personnes et d’enfants que d’adultes. Enfin, face aux facteurs
répulsifs constitués des dures conditions de vie du fait de la rareté des
ressources, la possibilité de disposer gratuitement de parcelles, voire d’être
logé dans un appartement cossu, et l’opportunité de répondre à l’appel du
khalife sont une aubaine pour les candidats à l’émigration et à l’exode.
Mais ce contexte défavorable au Vieux Bassin arachidier va-t-il ou non
évoluer et dans quel sens ?
Le déséquilibre villes-campagne qui s’est ainsi creusé va-t-il alors évoluer
dans le sens d’un rétablissement ou non ?
La mobilité est une donnée des régions du Nord : mais cette mobilité a connu
des mutations en fonction de la distance des ressources qui sont souvent à la
base des migrations. L’intégration à l’économie de marché a encre modifié la
nature des ressources et leur modalité d’accès. En effet, la recomposition
territoriale qui va accompagner l’économie de marché, a mis en rapport des
régions entières et a donné plus d’espace aux migrants ; ainsi, de faible
amplitude, les migrations sont passées à de grande amplitude.
Dans le Vieux Bassin arachidier, la cause principale des migrations était liée
à une donnée structurelle : la terre ( par sa pénurie ou son appauvrissement);
mais le phénomène migratoire s’est amplifié en fonction de données
conjoncturelles(sécheresse, nouvelles opportunités de revenus) et s’accélère
sous l’impulsion d’agents économiques qui interviennent pour en tirer profit,
et pour aider les migrants à franchir les différents obstacles qui se dressent
devant eux, surtout dans les contextes nouveaux des migrations
internationales.
III.1.1.1 Le navétanat
Les villes, les métropoles urbaines davantage, sont devenues les lieux de
prédilection vers lesquels se dirigent aussi bien les paysans que les citadins
des petites villes comme Kébémer. Ce mouvement est lié à l’importance des
revenus en ville : jusqu’à la grande crise, le revenu unitaire du travail était
deux fois supérieur dans la production arachidière que dans les activités
urbaines non qualifiées. Il est aujourd’hui trois fois moindre, et il y faut ajouter
six mois de chômage saisonnier ». (Dumont : 200 : 1972).
Mais ces opportunités de revenus dans les grandes villes ont subi une chute
remarquable du fait du rush qu’elles ont provoqué à travers tout le pays.
En effet l’économie informelle qui a très souvent accueilli ces forts courants
migratoires a montré ses limites d’absorption dans les années 1980 : « la
situation économique actuelle et la déflation des effectifs dans les
organismes parapublics comme dans la fonction publique incitent à penser
que les débouchés sont à chercher de plus en plus dans l’économie populaire
urbaine ou secteur informel. La population urbaine employée dans ce secteur
est passée de 147000 actifs en 1960 à 275700 en 1980… A Dakar, il y a un
tailleur pour 100 habitants, ce qui signifie qu’il n’y a plus beaucoup de places
pour une augmentation de leur nombre.(Diéne Dione : 180 :1992).
Ainsi avec les acteurs locaux, la migration internationale tente de ranimer les
relations villes-campagne, compromises par la crise agricole et les politiques
publiques, et de rétablir les fonctions respectives des différentes entités
spatiales. Ceci ne peut être possible sans un drainage de ressources pour
amorcer la reprise des fonctions aussi bien des villes que des campagnes.
En plus, il n’était pas possible de faire des transferts d’argent par la poste ou
par la voie bancaire entre l’Italie et le Sénégal faute d’accords entre les deux
pays. Face à cette situation, les migrants avaient trouvé des voies de
contournement par la France. En effet les habitués de la migration circulaire
qui ne passaient que l’été en Italie (et le reste de l’année au Sénégal)
pouvaient se transformer en convoyeurs d’argent et transporter par devers
eux l’argent destiné aux familles par leurs pairs après reconversion en
Francs français. L’argent devrait transiter par la France ; et il ne manquait pas
de risques d’être pris par la douane de ce pays faisant perdre des sommes
colossales aux émigrés.
Cette situation pouvait amener des convoyeurs indélicats à simuler une
infraction de ce genre et détourner l’argent des émigrés.
Cette situation n’a évolué qu’en 1993 avec la signature par le Sénégal et
l’Italie d’accords d’échanges bancaires, donnant aux émigrés réguliers la
possibilité de transferts d’argent par voie bancaire. Cette évolution est
conforme à la logique des autorités italiennes qui ont commencé à lever le
statut de clandestins aux émigrés en prenant des mesures de régularisation.
Elle a quelque peu pesé sur les transferts par la voie de la poste. Cependant
celle-ci restait en marge de cette dynamique de libéralisation. Même si les
envois étaient possibles par la poste française, ils connaissaient quelques
obstacles majeurs au paiement des destinataires avec les difficultés de
paiement de la poste de Kébémer entre 1991 et 1993. La baisse relative des
mandats postes avait profité à partir de 1993 (début de voie bancaire avec
l’Italie) aux transferts bancaires car aussi bien les émigrés que les
commerçants locaux sont devenus titulaires de compte à la banque (la
Société Générale de Banque au Sénégal (SGBS) en particulier pour avoir été
la correspondante de la Banca del Lavoro d’Italie).
mandats
Janvier 409 100 1 500 000 429 717 470 000
Février 150 000 300 000 430 000 271 776 2 870 00
Mars 340 000 595 600 1 740 000 44 000 40 000
Avril 186 000 695 600 610 461 487 266 710 000
Mai 782 000 200 000 376 034 531 266 1 000 100
Juin 465 000 650 000 975 025 730 873 479 336
Juillet 350 000 1 255 600 1 295 831 1194 960 598 822
Août 300 000 842 500 374 055 500 196 826 166
Septembre Néant 315 000 846 871 1 648 709 497 114
Octobre 405 000 700 000 989 296 350 042 448 577
Novembre 40 000 650 300 645 951 515 383 517 545
Décembre 300 700 422 000 1 912 249 2 364 048 566 700
Total annuel 3 318 700 7 685 600 11695 773 9 068 236 7 267 526
Moyenne (39035835)/12 7 807 167
annuelle
Moyenne 276 558 640 466 974 647 755 686 605 627
mensuelle
Source : OPCE de Sagatta, 2002
Mois
Janvier 127 991 742 794 1 677 000 1 114 818
Février 758 100 338 100 385 000 2 135 400
Mars 584 000 489 527 1 564 018 1 256 007
Avril 509 900 827 500 656 000 3 165 007
Mai 336 000 540 235 690 000 3 163 100
Juin 333 000 811 000 821 881 5 638 016
Juillet 505 300 530 000 699 755 3 515 000
Aout 581 584 871 000 1 473 000 1 868 134
Septembre 347 800 751 000 896 134 833 134
Octobre 844 800 786 900 1 263 354 683 134
Novembre 477 800 1 460 826 1 567 100 4 363 700
Decembre 597 726 400 000 1 130 000 2 585 000
Total annuel
Moyenne
annuelle
Moyenne
mensuelle
Source : OPCE Ndande (2002)
38
Nous n’avons pu obtenir que ces données de la part du receveur de la Poste a Darou Mousty. Il
affirme être nouveau dans le service et ne maîtrise pas encore les archives.
comparatifs par rapport aux revenus arachidiers et aux autres activités
professionnelles.
Ainsi donc, en faisant passer ces sommes d’argent par la Poste, les villes et
les centres ruraux deviennent des lieux de transit des transferts d’argent.
Pour la plupart, l’argent reçu constitue un dépôt, chez le commerçant qui sert
de correspondant à l’émigré et un intermédiaire avec sa famille a une période
où les communications téléphoniques n’avaient pas connu leur explosion
actuelle.
Mais les transferts d’argent masquent aussi les autres types de transfert qui
les accompagnent et dont le plus remarquable reste le transfert de
ressources matérielles.
Cette distribution des objets d’art se fait de la même manière que les objets
d’artisanat de service. En effet, dans ce domaine aussi s’applique la division
sociale du travail : les artisans produisent et les non artisans de la
communauté villageoise se spécialisent dans la distribution. Ce système de
production ressoudait la cohésion villageoise en réactivant les réseaux
traditionnels de clientèle et revitalisait la fonction villageoise d’unité de
production.
Les personnes qui s’occupaient ainsi de la redistribution sont les mêmes qui
parcouraient les différents espaces de vente au Sénégal et en Afrique et plus
tard en Europe sur les bordures de la Seine et de la Méditerranée.
Dans ces mêmes lieux, les ressortissants sénégalais, lorsqu’ils atteignaient
un effectif important, tentaient une reproduction de la structure et du
fonctionnement de la société sénégalaise. C’est ainsi qu’arrivent les chefs
religieux qui installent leurs représentants, les organisations confrériques, les
restaurateurs, les professionnels de la confection sénégalaise, les
cérémonies culturelles et cultuelles, etc.…
Il s’agit de toutes sortes d’articles fabriqués par les artisans sénégalais dans
les villages artisanaux : sacs en cuir, bracelet, tam-tam « diembé », boubous
sénégalais, etc.
C’est ainsi que des échanges de biens accompagnent la migration
internationale et ont un impact profond dans la dynamique spatiale et
fonctionnelle de certains secteurs économiques comme l’artisanat et le
commerce, et même l’industrie.
Les transferts ont servi d’abord les émigrés dans leur reconversion
économique locale et leur statut social. Très souvent issus de la catégorie
sociale des sans emploi ou des prolétaires de la société, les voilà (les
émigrés) promus au rang d’investisseurs et de décideurs au plan social, voire
politique.
Mais si les deux premières phrases sont simples, la troisième constitue une
gageure pour des gens dont le niveau d’instruction n’est pas élevé : c’est
pourquoi le mimétisme prend une large place dans leur stratégie
d’investissement, réduisant du coup l’éventail des secteurs d’investissement.
Les émigrés sont devenus ainsi de véritables investisseurs. Ils utilisent les
campagnes et les agglomérations significatives en particulier les villes
comme lieu de localisation de leurs investissements.
5 A. Kébé 6
I. Kébé Pressing X
7 T. Mbaye Mbassine Quincaillerie X Dakar
Mbabou
20 M. Mbaye Quincaillerie, X
Mbabou entreprise de Kébémer
confection, télécentre
21 N. Thiam Commerce/ Transport X
Mbabou en commun, Kébémer
quincaillerie
Source : Bara Mboup, 1998
On note d’abord la suprématie de la boulangerie qui s’explique par son
ancienneté et son caractère familial. En effet, introduite en ville par Maurel et
Prom, la boulangerie a depuis été l’activité majeure des originaires de la ville
de Kébémer, activités et savoir faire qu’ils ont exercés dans leur exode vers
les grandes villes comme Dakar et autres métropoles régionales. Cette
longue expérience capitalisée a servi aux émigrés actuels de recruter leur
main d’œuvre au niveau familial, et de faire de la boulangerie un secteur
d’activité ayant l’allure d’une entreprise familiale. La multiplication de
boulangeries a provoqué un retour massif vers leur ville d’origine des
ressortissants de Kébémer d’une part et leur redéploiement dans les localités
accueillant ce type d’investissement.
Enfin, après avoir été désorganisés par les départs massifs vers d’autres
régions et Touba en particulier, voilà que reprend petit à petit la
reconstruction des territoires du Vieux Bassin arachidier. Cette reconstruction
passe par de nombreuses initiatives dans lesquelles les émigrés ont pris une
part importante.
Dans les villages, des accords tacites comme le pacte dit de Niomré impose
à tous les ressortissants de construire leurs maisons dans la dite localité dont
l’existence fut profondément menacée par l’hémorragie vers Touba.
Dans les villes les investissements productifs se multiplient et prennent une
dimension insoupçonnée : par exemple pour la premier fois de son histoire la
ville de Kébémer étrenne sa première unité industrielle ; et c’est par
l’entremise des émigrés. Il s’agit d’une usine de fabrication d’aliments de
bétail.
Le commerce est l’activité qui a le plus profité des transferts d’argent des
émigrés pour plusieurs raisons.
Le commerce a profité des thérapies administrées par les migrants aux maux
du monde rural et urbain a savoir l’insécurité alimentaire consécutive à la
crise agricole, l’approvisionnement en facteurs de production et en vivres de
soudure, dans un contexte de « Moins d’Etat, Mieux d’Etat ». La reprise des
relations villes-campagne passe par la restauration des fonctions
commerciales des villes et la création des conditions de la compétitivité du
commerce local.
Il ne restait dans les villes secondaires et les centres ruraux que des
détaillants souvent d’origine rurale et se ravitaillant pour l’essentiel à partir du
marché de Touba.
Aussi pour la ville de Kébémer, par exemple, la crise arachidière et la
concurrence du commerce informel installé à Touba avaient fini par décapiter
le commerce local avec la délocalisation des grossistes et transporteurs (A K
Fall et M. Sady entre autres) vers Dakar. Le vide ainsi créé favorise
l’émergence des petits commerçants (d’origine rurale pour la plupart).
Mais la campagne renverse les rôles : elle devient créditrice et cesse d’être
débitrice comme elle le fut depuis la phase de l’économie de traite jusqu'à la
première phase de développement volontaire.
Malgré cela, la campagne se confine amplement à sa fonction de production
et laisse à la ville la sienne en suscitant la résurgence et la vitalité des
réseaux traditionnels d’échanges. Ce qui explique dans une certaine mesure
l’échec des ONG dans leur stratégie de lutte contre la pauvreté et de relever
le niveau des populations rurales par le biais des boutiques de village :
Le dépouillement d’une enquête faite par la Municipalité fait ressortir une forte
diversité dans la structure de cet ensemble de boutiques du Domaine
Communal ou Domaine Public. cette nomenclature s’explique par la
localisation des boutiques dans un espace réservé entre la rue et les maisons
et qui est plus ou moins grand selon que le statut de la route (nationale,
départementale communale). C’est le long de la route nationale ou sur les
réserves foncières de la Société Nationale des Chemins de Fer du Sénégal
(SNCF) qui jouxtent le premier marché de la ville que se trouvent les plus
denses noyaux de ce commerce. Selon cette enquête dont l’objectif était de
dénombrer les boutiques et leurs caractéristiques comme la taille et la
hauteur (puisqu’un nombre important de ces boutiques étaient en étage), le
commerce a connu un boom sans précédent. La structure du commerce a
révélé une structure spatiale, sociale et locale révélatrice des profondes
mutations dans les rapports villes-campagne.
III.2.2.1.1.1 .2 Migration internationale, structure du commerce et équilibre
villes-campagne
Rural Urbain
D’abord, on note que le commerce rural a fait une percée dans le marché
urbain en profitant du caractère d’agglomération de la ville, contribuant ainsi à
son expansion et au rétablissement de l’équilibre villes-campagne. La
migration internationale a créé les conditions favorables au financement et au
développement du commerce urbain et rural, mais elle tend à se positionner
dans ce commerce pour trouver une porte d’insertion dans l’économie en
choisissant les centres ruraux et les agglomérations urbaines. Dans les 563
boutiques ou cantines, les ruraux occupent 168 dont 52 par des
émigrés directement. Par contre le nombre de boutiques d’émigrés de la ville
de Kébémer s’élève à 138.
Apres avoir recréé, par leur transfert, un commerce bien structuré avec une
nouvelle classe de commerçants, les émigrés, ou du moins certains d’entre
eux, déploient des stratégies individuelles de pénétration du commerce ; ils
entrent dans la concurrence locale en ouvrant leur propre boutique. Avec des
stratégies collectives (mutualisation) ils parviennent à ouvrir une brèche dans
le marché a la recherche d’une insertion dans le commerce local.
Ils contribuent du même coup à neutraliser le commerce de Touba et trouvent
le moyen de la pénétrer par la production des Niayes.
Ainsi donc, les migrants de Kébémer mènent une bataille commerciale locale
à dimension régionale
Cette bataille est l’œuvre des émigrés. Soucieux de pénétrer le marché
verrouillé par des commerçants financièrement bien assis et à la fortune
desquels ils avaient bien participé, les émigrés adoptent des stratégies de
pénétration du marché de Kébémer. L’importance de ce marché de ville est
très remarquable de par son histoire et son symbolisme. C’est un marché très
achalandé où interviennent aussi beaucoup d’autres acteurs surtout les jours
de grand marché à savoir les Lundi et Jeudi. Pendant ces deux jours tout
l’arrière-pays rural se joint à la population de la ville pour organiser un marché
de grandeur exceptionnelle. Cet arrière-pays est d’autant plus important que
les émigrés qui leur envoient de l’argent le font par soit la poste, soit par les
commerçants même s’il s’agit d’une transaction « box ».
Pour être concurrentiel dans la vente du savon, ils ont cherché et obtenu un
grossiste à Dakar pour vendre à un prix compétitif.
Ils ont ainsi mis fin au règne des commerçants toubiens. Cela permet à
l’argent de rester et de circuler dans la ville.
Egalement, avec leur prix modiques ils cherchent à gagner la clientèle locale
et élargir celle-ci. En effet, ils sont parvenus à décrocher une partie de la
clientèle des émigrés permettant à cette dernière catégorie de payer à partir
de l’étranger même leur ration alimentaire de leur famille.
L’évolution est nette entre la première phase de la migration jusqu’en 1994
année de la dévaluation et la suite jusqu’à l’an 2002.
En plus de l’argent dont elle « arrose » ainsi la ville, la migration
internationale draine aussi un important lot de ressources en nature.
Le retour à des relations villes-campagne suppose que l’on soigne les maux
qui ont été à la base de la rupture. Cela veut-il dire que les villes et la
campagne puissent recouvrer la dynamique de leurs fonctions respectives ?
Cela passe par la réalisation des conditions de production dans les terroirs
villageois, gage d’une participation de la campagne au développement
territorial, qu’il soit local, départemental ou régional. Pour satisfaire ces
conditions, il faudra au préalable mettre un terme à la saignée
démographique, en particulier les départs des actifs, redémarrer l’économie
locale, promouvoir des revenus constituant des avantages comparatifs. Une
telle action impose qu’on agisse sur des leviers économiques qui ont trait aux
fonctions des espaces urbains et ruraux.
Les conditions s’apparentent a celles qui ont été vécues dans le Vieux Bassin
Arachidier c’est a dire des établissements humains relativement assez grands
pour créer les conditions d’émergence d’agglomérations capables d’abriter
des marchés assez attractifs. Cela suppose l’éradication des facteurs
répulsifs qui ont noms conditions de vie précaires : crise alimentaire, absence
de revenus et de soins de santé et éducation et, à défaut, de l’introduction de
mesures alternatives, le rétablissement de conditions permettant la reprise
des relations villes-campagne.
Mais la création de ces conditions suppose qu’on puisse agir à différentes
échelles, depuis celle a partir de laquelle on avait décidé la détérioration des
termes de l’échange (échelle globale), l’échelle départementale avec les
échanges villes-campagne, une échelle qui dépend largement de la
dynamique économique régionale. Quel rôle pour l’Etat dans ce contexte :
avec un bon jeu d’agglomérations constituées de métropoles, des villes
secondaires et des bourgs ruraux et une politique qui évite de contrer par ses
politiques sectorielles les politiques de développement régional mais qui
plutôt tend à les harmoniser. Toutes ces conditions semblent s’offrir
aujourd’hui avec le Moins d’Etat qui fait que l’Etat est moins présent et moins
agissant et celle de la décentralisation qui permet aux populations de
participer à leur manière à leur développement. C’est dans les zones où l’Etat
est moins agissant que les impacts de la migration internationale ont fait plus
de régulation et du développement grâce à l’utilisation faite des transferts
d’argent et de matériels.
Ces derniers se présentent sous forme de matériel à usage de biens de
production et de biens de consommation.
Les biens de production ou d’équipement vont davantage profiter au secteur
secondaire en particulier à l’artisanat et à la boulangerie.
Parmi les mieux représentés figurent les teinturières (320), suivies de maçons
(260), des tailleurs et confections (224) et des menuisiers ébénistes (188),
des mécaniciens (175), des menuisiers métalliques (160), des cordonniers
(160), des bijoutiers (128), etc. (PADMIR et al 2005 : 26); Ces trois dernières
catégories représentant l’artisanat traditionnel connaissent un fort élan de
modernisation avec des équipements de transfert venant d’Europe pour la
plupart.
Les transformations de l’habitat et l’explosion du bâtiment (voir photos ci-
dessous) aussi bien en ville, dans les quartiers périphériques, qu’en
campagne, sont déterminantes dans la hausse de la demande en produits
artisanaux. Ceci est confirmé par l’IAGU lorsqu’elle note qu’à Louga, le
bâtiment, le métal (avec l’outillage et la charpenterie), la couture et la
cordonnerie sont les quatre grands secteurs artisanaux de la ville en plein
essor. Au total, les professions de la production occupent 25% des actifs de
la ville. (CD PE Louga : 2005)
A Kébémer, l’artisanat a profité de la part des émigrés, d’un lot de matériel de
haute qualité, à des prix compétitifs et à des conditions douces. Concernant
le sous-secteur de la confection qui passe avec la boulangerie pour les
premiers pourvoyeurs d’emploi des kébémérois, l’apport des émigrés a été
déterminant dans la naissance de grands ateliers équipés par plus d’une
dizaine de machines à coudre. Celles-ci en alliance avec la qualité
professionnelle des maîtres tailleurs ont permis d’être compétitifs sur le plan
national de la mode au point que récemment un jeune tailleur de la ville a
gagné la deuxième place du « ciseau d’or » confirmant les sauts qualitatifs
des artisans de Kébémer. Sur ce plan, disons que pour satisfaire les
commandes certains maîtres tailleurs en véritables entrepreneurs utilisent
une sous-traitance au niveau local ou, à défaut, font appel à une main-
d’œuvre exogène spécialisée, habituellement nichée à Dakar, créant des
vagues de migration dans le sens Dakar – Kébémer.
Un autre forgeron très célèbre est M Diack. Sa réputation dépasse les limites
de la zone en raison de ses prouesses dans la fabrication de charrettes, de
machines l’agricoles, les armes à feu ou les copies de toutes pièces des
machines, qu’elles soient de fabrication industrielle ou artisanale.
M. Seck n’est pas le seul dans cette modernisation de son équipement car
l’essentiel est amené par les émigrés qui cherchent à élargir leur clientèle.
39
Ce terme est le nom des populations de cette contree en reference au CAYOR le nom de leur royaume
d’origine. Il existe aussi les diolofs-diolofs, les njambours-njambours , les baols-baols, etc…
Ainsi, des forgerons ont petit a petit abandonné leurs hangars naguère situés
dans des espaces vagues pour trouver des ateliers parfois dans les
anciennes bâtisses des maisons de commerce ou prendre en location des
magasins (c’était le cas de Seck qui a maintenant bâti au centre de la ville
une grande maison qui abrite son GIE),.
Ainsi M. Sène un ancien émigré s’est converti dans la menuiserie sur bois.
Son GIE est logé dans une ancienne bâtisse de maison de commerce. Son
atelier est moderne et bien équipé de grosses machines comme la scie
mortaise. Il jouit d’une clientèle localisée en ville et en campagne mais en
majorité composée d’émigrés. Les temps forts de ses commandes sont les
périodes de préparatifs du Magal de Touba ou des cérémonies religieuses
des villages à forte communauté d’émigrés.
Mais selon M MBOUP, le BERNINA lui est revenu à cinq cent mille Francs
(500 000 FCFA) et a condition douce.
Citons le cas de M. Samb qui dispose, dans son atelier, de quinze machines
dont sept BERNINA 217 ; il affirme en avoir acquis beaucoup d’autres qu’il a
revendus à d’autres collègues.
Source : Enquêtes populations - juin 1999 BUREST, cité par ADM p. 62.
Kébémer
Guéoul
Sagatta
Kanéne
Ndiob
Ndande
Lompoul
(Niayes)
Thieppe
Darou
Mousty
Sahm
Yabal
Ndiagne
Thiamène
Le terroir des Niayes a sans doute été l’un des espaces agricoles qui auront
connu les plus grandes mutations.
En effet, dans les Niayes, les cultures maraîchères ont toujours été
pratiquées dans les bas-fonds et en petites superficies, et se faisaient avec
des moyens rudimentaires : puits ou séanes et arrosage manuel. Aujourd’hui
grâce à l’encadrement technique de certaines ONG et de l’appui financier des
émigrés, des motopompes sont utilisés et les cultures sont étendues au-delà
des bas fonds pour s’étaler sur les dunes par le biais d’une tuyauterie (voir
schéma et photos).
Le terroir des Niayes a sans doute été l’un des espaces agricoles qui auront
connu les plus grandes mutations.
En effet, dans les Niayes, les cultures maraîchères ont toujours été
pratiquées dans les bas-fonds et en petites superficies, et se faisaient avec
des moyens rudimentaires : puits ou séanes et arrosage manuel. Aujourd’hui
et du fait de l’encadrement de certaines ONG comme l’AFDS et
Vision Mondiale et l’Ancar , et le financement des émigrés, des motopompes
sont utilisées et les cultures sont étendues au-delà des bas fonds pour
s’étaler sur les dunes par le biais d’une tuyauterie (voir photos ci-dessous).
L’exploitation dans les Niayes ne se limite plus au bas-fonds ; elle s’étend aux
pentes voire les dunes ; de même aux cultures traditionnelles que sont les
cultures maraîchères, on y ajoute celle de l’arachide de contre saison.
Ndande fut une ancienne Escale de traite très active comme le montre
l’importance de l’effectif des commerçants. Son arrière-pays rural était
composé de villages très agricoles. Parmi ceux-ci, Kab Gaye qui avait
accueilli et abrité les exploitations de celui qui deviendra un illustre khalife
général des mourides, que l’Histoire retiendra pour ses initiatives
urbanisantes de la cité sainte de Touba, il s’agit de Sérigne Abdou Lakhat
Mbacké
Pour la même raison la zone de Ndande a été la plus touchée par la crise
agricole qui va réduire à néant son marché, et par l’exode vers Touba. Le
caractère massif de cet exode s’explique aussi par les liens matrimoniaux et
la parenté avec les khalifes de Touba. A tout cela vient s’ajouter cette longue
collaboration avec leur illustre hôte dans ses moments de traversée du
désert. L’Arrondissement abrite aussi le village d’origine de la mère d’au
moins deux khalifes de la confrérie : le village de Ndiakhate Khoury.
Cette parenté explique peut-être aussi les lieux de résidence des partants
pour Touba. La plupart d’entre eux vivent dans les quartiers maraboutiques
de Dianatoul Makhwa, Daroukhoudosse, Madyana…
La fonction commerciale de la localité de Ndande a connu une grande
évolution de la période de traite à la phase actuelle
En effet, hormis le dernier de la liste, les deux premiers ne sont pas des
résidents. Ils habitent l’arrière-pays et tirent leur clientèle des migrants
internationaux. Ils sont au cœur du nouveau circuit de l’argent tel que modifié
par la migration internationale.
Ces commerçants sont les principaux destinataires des mandats
internationaux en raison de leur rôle d’intermédiaires et de fournisseurs de
denrées et de services de toutes sortes aux familles des émigrés.
Les transferts d’argent et le mode de consommation urbain qu’ils vont
susciter créent une demande dont l’importance entraîne des délocalisations
ou des retours vers Ndande en vue de participer au redressement de l’offre
devenue faible.
Ce phénomène de retour est très manifeste du coté des investisseurs et
surtout des artisans.
On peut noter par exemple le retour à Ndande d’artisans auparavant installés
à Dakar.
A Ndande, le même phénomène, toute proportion gardée, s’est reproduit :
des artisans exerçant ailleurs, dans d’autres villes ou régions sont attirés de
nouveau par leurs localités d’origine du fait de l’évolution de la demande
locale suscitée par la migration internationale. Ainsi, on a enregistré à
Ndande le retour de plusieurs artisans :
Mais, alors que les charges de la capitale restent élevées pour les étrangers,
le retour chez soi, et dans la campagne épargne et diminue certaines d’entre
elles.
Logement 15000 F
Atelier 30 000 F
Electricité 5000 F
Total 50 000 F
Les émigrés ruraux saisissent toutes les opportunités pour faire travailler les
non migrants et les faire participer dans l’entretien de la famille.
Cette stratégie inspire l’esprit de solidarité qui consiste à supporter les frais
de voyage aux plus jeunes candidats à la migration en Europe et rechercher
leur rapide insertion économique dans l’industrie ou dans le commerce
informel.
On peut noter que l’essentiel de ce transfert d’argent va entre les mains des
commerçants.
Ce sont des villages dont on avait vu dans la première partie de cette étude
qu’ils souffraient de l’exiguïté de leur terroir puisqu’ils appartiennent à la
classe des villages sans terroirs propres.
Une partie importante des ressortissants de ces villages ont aussi des
maisons à Touba, Dakar et Meckhé. Mais malgré cette dispersion, chaque
année, des chants religieux et des prières rassemblent cette communauté à
Santhiou Rob Naan ou se trouve aussi le cimetière de la communauté. Cette
extension de Ndande a une forte répercussion sur le marché des affaires :
l’augmentation des prix des terrains ou parcelles a usage d’habitation. Une
parcelle nue de 20m sur 20 m, vendue 15 000 F CFA en 1983 se revendait
cinq cent mille francs (500 000 FCFA), voire un million de francs ou plus
suivant la localisation, en l’an 2000.
On observe que cet exode a donné lieu à une extension spatiale de Ndande
avec une modernisation de l’habitat et de sa physionomie.
Les bourgs ruraux, en accroissant leur population et leur taille, exercent une
attraction sur les populations environnantes, selon la théorie de la loi de
gravitation ou le potentiel démographique. Ils contribuent à les fixer. En plus,
en fonction des ressources de transfert ils développent des fonctions
urbanisantes comme les services liés au commerce, à l’artisanat, à
l’éducation, et encouragent des échanges au sein de la campagne.
Cette dynamique locale s’accompagne du redéploiement des réseaux
sociaux entre villes et campagne au profit du développement local et limite
les migrations vers les autres régions.40
40
Selon Steward, « on appelle potentiel de gravitation (ou potentiel démographique) de la ville A sur un
point M l’attraction exercée sur ce point par la masse de la population de la ville A. Cette attraction est
proportionnelle a la population de la ville A et inversement proportionnelle a la distance entre A et M ».
Afin d’assurer à la population scolaire de Ndande et des environs de
meilleures conditions d’étude, un Collège d’Enseignement Moyen a été mis
sur pied par les émigrés. Une enveloppe de sept millions quatre vingt cinq
mille francs a été dégagée et repartie comme suit :
Ainsi donc, l’éradication des facteurs répulsifs qui s’est traduite par
l’amélioration du cadre de vie avec de nouvelles infrastructures et de la
sécurité alimentaire font mieux que d’arrêter l’exode et fixer la population.
Elles donnent aux villages, une force attractive qui s’exerce sur des
riverains et même de jeunes chefs religieux venus s’installer comme pour
participer à l’animation de la nouvelle dynamique de développement de la
campagne.
Cette mobilité de la population rurale dans l’espace qui traduit aussi une
redistribution de l’habitat n’est ni un déplacement fortuit, ni un remake de la
mobilité décrite si dessus par Touré et al.
Elle est plutôt déterminée par une situation nouvelle induite en partie par la
migration internationale et par une stratégie d’adaptation à la nouvelle donne
de la part des ruraux. Tantôt, elle se dirige vers les terroirs, tantôt elle se
dirige vers les vers les lieux où s’accumulent les réseaux comprenant la
route, la conduite d’eau, le réseau de poteaux électriques et téléphoniques.
Cette panoplie est sans doute un paquet de facteurs favorables pour des
gens ayant besoin de développer leur niveau de vie ou de bien rentabiliser
les constructions des belles villas que les émigrés ont tendance à construire
dans les villages.
Aussi, c’est la nouvelle logique économique qui, nous semble t-il, tend à
expliquer cette mobilité vers les réseaux. Car sur l’axe Dakar – Saint-louis se
trouvent alignées les grandes villes du Vieux Bassin, Kébémer et Louga ; et
entre elles, il y a les bourgs ruraux Ndande, Guéoul. Cette suite de localités
relativement importantes crée alors un environnement économique très
dynamique qui attire des ruraux adoptant une stratégie de diversification de
leurs activités économiques en congruence avec leurs stratégies de
localisation de leur habitat.
Bien entendu ce sont tous d’anciens villages naguère situés en plein champs
et dont le terroir empiète sur la route qui s’autorisent cette relocalisation le
long de la route. Mais ce n’est pas seulement la route le facteur décisif car
tous ces villages sont situés sur la façade ouest de la route où sont localisés
les différents réseaux.
Et puis le village de Teug Ndogui d’abord situé dans la façade s’est ensuite
déplacé entièrement vers la façade ouest.
Ainsi des villages comme Dielerlou Syll, Keur Modou Khary Mboup, Nguidilé,
Ndjimby Seck, Mborome Diop, Keur Maip trouvent le moyen d’être présents
dans l’économie urbaine tout restant en campagne.
C’est par exemple le cas du village de Ndjimby Seck où les émigrés ont loué
un car payé mensuellement pour effectuer des navettes Ndimby – Louga.
Dans les autres villages, le transport se paie par déplacement.
Les émigrés ont participé aux financements des boutiques au niveau des
villages et de Louga, à la création des télécentres dans leurs villages. Dans le
domaine scolaire, ils encouragent la scolarisation des enfants car leur séjour
en Europe leur a permis de mesurer l’importance de l’école dans la vie des
hommes. (R 122) ces villages qui répondent ainsi à l’attraction de la ville par
cette forme de résistance, en restant dans le terroir du village, tout en
profitant des effets d’agglomération de la ville sont souvent d’anciens villages
disposant d’un terroir important et assez grands pour abriter certaines
infrastructures qui font d’eux des villages centres. Les migrants internationaux
viennent appuyer leur centralité en assurant un certain développement local
par le biais de transferts de ressources.
En tenant compte de la rivalité qui caractérise les rapports entre tous ces
villages, cette décision peut faire tache d’huile et faire revivre la contrée.
Ces émigrés ruraux participent à des logiques de développement qui les
poussent à investir en ville et à ne pas se cantonner à l’économie rurale.
« Ainsi toute la sous zone se trouve polarisée par Louga-ville surtout au plan
commercial, transport, artisanal et sanitaire» (ENEA, 2000).
Plus qu’une simple polarisation, la ville de Louga attire vers elle beaucoup de
villages qu’elle engloutit du fait de son étalement lié à l’arrivée à sa périphérie
de villages en divorce avec leurs activités traditionnelles. Cet étalement
augmente la menace sur les villages proches et sur l’organisation de la
campagne.
C’est ainsi que toute la Communauté rurale de Nguidilé se trouve polarisée et
désorganisée et son terroir largement réduit par la ville de Louga. En effet, le
village de Ndjimby Seck qui polarisait Tawa Peul, Tawa Wolof, Mborom et
Keur Maip a perdu son influence sur ces derniers.
Cette influence s’estompe d’autant plus que certains villages sur lesquels elle
s’exerçait ont déménagé a Louga, c’est le cas de Ndankou Beye et Ndame
Khary dont les populations se sont déplacées vers Louga et n’y reviennent
que pour cultiver les terres sur lesquelles elles ont gardé leur droit en payant
la taxe rurale. La raison de ce déplacement est le manque d’eau ; car ils sont
éloignés du tuyau du Lac de Guiers. (ENEA, op.cit.)
L’autre cas est la campagne située dans la zone caractérisée par la rareté de
l’eau liée à la profondeur de la nappe et de sa mauvaise distribution et de sa
passable qualité. C’est la zone de Darou Mousty ou les villages sont
pratiquement instables à l’exception des villages des chefs religieux. Ici la
mobilité est une composante de l’existence des villages. Instabilité que tente
de limiter les collectivités locales : avec l’aide d’ONG, le Conseil rural consent
à faire un puit forage à la demande du village à condition que ce dernier
verse des contributions significatives (entre 10 et 25 %). Celles-ci sont
souvent supportées par les émigrés du village.
16000
14000
12000
10000
Effectif
8000
6000
4000
2000
0
1966 1976 1988 2000
Années
Quant au cas de Ndoyenne, c’est peut être la localité qui a le plus souffert de
l’influence de Touba. La localité est très affectée par cette vague d’exode
vers Touba. Cet exode a connu ses temps forts entre 1985 et 1995.
L’exode a débuté avec le départ de deux notables (un commerçant
transporteur El Hadji M Ndoye, et N Sall notable du village et fils de l’ancien
Chef de Canton, agent vétérinaire de son état et très aisé sur le plan matériel.
Ces deux fortes personnalités qui sont aussi des modèles et leaders sociaux
ont servi de catalyseurs à la vague de migration vers Touba et ils n’ont laissé
derrière eux qu’une partie non mouride ou des personnes n’ayant pas la
capacité de déménager et d’être accueillis à leur guise. Pour mesurer
l’impact de cet exode sur la vie du village, il faut sans doute voir ses effets sur
la population scolaire du village.
Cet exode a eu une forte répercussion sur l’école. A partir de 1989, l’effectif
faiblit au niveau du recrutement.
Jusqu’en 1988, on avait une moyenne de 50 élèves par classe, soit plus de
250 élèves. Puis l’effectif descend vers une moyenne de 20 à 30 élèves
jusqu’en 1995.
En 1996, l’effectif s’est réduit à 88 élèves, puis, c’est la fermeture de l’école
en 1999-2000 avant de redémarrer en 2001-2002 avec une seule classe de
Cours d’Initiation.
Mais le premier concurrent de l’école élémentaire fut l’école coranique dirigée
par un marabout tidiane (El Hadji Ibrahima Diop) qui en restant avec son
école et sa famille a évité à Ndoyenne de disparaître de la carte. Il a été
rejoint en cela par un autre chef religieux mouride : le marabout S(erigne)
M(odou) Karim Mbacke venu s’y installer en 1992-93 avec son daara (une
unité de production arachidière) et récupérer voire exploiter a l’occasion
quelques terres abandonnées par les déserteurs.
L’exode des paysans vers Touba a fait monter les enchères sur les terres de
culture, montrant ainsi l’enjeu autour des terroirs. Cet exode a multiplié les
menaces de perte des terroirs agricoles des paysans, puisque des chefs
religieux sont tentés d’étendre leur patrimoine foncier sur les terres
abandonnées.
Un telle recolonisation par des marabouts de terres abandonnées ou
laissées en friche a été observée : c’est le cas a Ndieyenne Toundou au sud
de Sagatta ou Sérigne Abo Mbacké a installa sa daara ; les cas de Kyr
Samb, de Ndjibe, de Ndjinguene Dallah.
Cette opération ne s’effectue pas toujours sans heurt : en 1995-96, dans les
villages de Barga, Touba Merina situés le long de la route entre Darou
Mousty et Ndoyenne, un chef religieux (Sérigne Modou Matar) qui voulait
annexer les terres de villages désertés pour les intégrer dans son domaine de
Taycir a rencontré l’opposition des ayants droits. Parmi ces derniers figurent
des paysans et agro pasteurs soucieux de sauvegarder le parcours du bétail
et de garantir sans heurt la liberté de circulation et de la traversée de la zone
de Darou Mousty des transhumants conduisant leurs animaux depuis le
Ferlo, région de départ, jusqu’à Pékesse zone d’arrivée située au nord est de
Thiès.
De ce point de vue pour défendre leurs terres les paysans laissent des abris
provisoires dans leur terroir paient la taxe rurale et y reviennent pendant
l’hivernage pour exploiter leurs terres.
La campagne de la zone de Darou Mousty se reconstruit avec la résistance
des établissements humains peuls qui sont de confrérie différente (tidiane ou
qadre) et les villages maraboutiques qui restent insensibles à l’attraction de
Touba qui du reste leur sert de modèle.
Car ces derniers sont conçus comme un « ribat » servant à la fois de lieu de
retraite, de résidence principale au chef religieux, et regroupant l’exploitation
agricole et le daara ou d’école coranique et foyer de main-d’œuvre. La
capacité de résistance des villages maraboutiques à l’attraction de Touba, et
leur stabilité sont liées à leur équipement en infrastructures diverses et
particulièrement en forage.
Les villages maraboutiques ne soufrent pas de la pénurie d’eau : Arafat,
Darou Mousty, Darou Wahab, Darou Marnane, Dekhle, Fass Toure, Mbacké
Kadior, Mbadiane, Taicir, Taif Diop, Touba Merina, Touba Roff ont tous leurs
propres forages
Le paradoxe de cette zone est alors sa forte densité en forage et le manque
d’eau qui est la principale cause d’exode. La raison principale est l’absence
de raccordement des villages de paysans et d’éleveurs à ces forages des
villages de marabouts.
Les villages ayant disparu du fait du manque d’eau sont pour la plupart de la
zone de Darou Mousty : on peut citer les villages de Keur Alioune Ndiaye,
Ngomene. Kalom, Ndame Sanoussi et Thioly Diagne.
Ces villages ont eu un problème d’eau à la suite de la baisse de la nappe
phréatique, mais ils conservent leurs champs tout en étant à Darou Mousty
ou ils vivent dans des abris provisoires. Ils ont gardé leur structure de villages
au sein de l’agglomération de Darou Mousty.
Des villages sont réduits a une faible agglomération par une forte
hémorragie : il s’agit de Diwane Sylla (alors deuxième agglomération), Boulal
Seck, Diaharky et Thialouguel, les plus anciens villages de la zone.
Ces menaces des marabouts sur les terroirs des villageois en exode ne se
limitent pas à l’Arrondissement de Darou Mousty, elles concernent toutes les
zones du Vieux Bassin arachidier.
Ces chefs religieux tentent de légaliser leur forfait avec la complicité des
Conseils ruraux. C’est tout le contraire à Sagatta où le PCR affirme faire
usage de dilatoire et de jeu de cache-cache pour protéger les terres de sa
communauté rurale des ambitions des marabouts.
Il y a même des villages ayant connu une renaissance à la suite du retour des
habitants.
A Keur Matop, les émigrés ont donné une contrepartie : 600 000 FCFA (PIA
2003)
Le tableau suivant montre les niveaux des transferts par voie postale à Touba
et le nombre de bénéficiaires.
Nous retenons des sommes indiquées dans ce tableau que sur deux
montants des trois dernières années (2002, 2003 et 2004), soit 18 020 000
et 18 822 000 F CFA.
100%
90%
80%
70%
60%
%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
2002 2004
Années
Cette dernière forme de coopération est retenue dans les textes législatifs.
En effet l’article 17 de la loi 96-06 portant code des Collectivités locales
prévoit celles-ci ont la possibilité « dans le cadre de leurs compétences
propres, d’entreprendre des actions de coopération qui donnent lieu a des
conventions avec des Collectivités Locales de pays étrangers ou des
organismes internationaux publics ou privés de développement ». La mise en
œuvre de cette disposition législative semble trouver une parfaite
concordance avec la loi française en ce domaine. En France, l’article L1112
– 1 du code des Collectivités Locales prévoit que « les Collectivités
Territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec
des Collectivités Territoriales étrangères et leurs groupements dans les
limites de leurs compétences et dans le respect des engagements
internationaux ». Bien que cette concordance semble donner un feu vert pour
entrer en contact avec ces Collectivités Territoriales, quelles opportunités
s’offrent pour leur saisine ?
Pourtant ce ne sont pas les instances internationales qui manquent : il y a par
exemple, la Fédération Mondiale des Villes Jumelées, l’UNITAR (l’Institut des
Nations Unies pour la Formation et la Recherche, Programme Coopération
Décentralisée) qui a mis sur pied les centres CIFAL (Centres Internationaux
de Formation des Autorités/Acteurs Locaux). Mais ces instances ne sont pas
accessibles a toutes les Collectivités Locales et localités de manière
équitable : les villes et des collectivités de certaine échelle comme les régions
sont les mieux placées pour en profiter.
Des avantages de ce type de coopération sont obtenus à travers différentes
stratégies.
En effet que seraient les différents projets des ONG et des Collectivités
Locales si les migrants internationaux n’offraient pas leur concours pour
donner les contreparties réclamées par les premiers ? Car ces dernières sont
souvent confrontées aux difficultés de collecte des impôts.
Au plan local, des villages et des villes ont bénéficié de la coopération avec
les ONG du Nord avec certaines localités (Kébémer, Guéoul, etc.). Citons
quelques exemples.
Si c’est en Italie qu’on trouve la plus importante communauté kébéméroise à
l’étranger, ce sont les villes de Pise, Florence et Pescara qui accueillent les
plus forts contingents. L’importance et le dynamisme de nos ressortissants à
Pise ont conduit au jumelage de cette localité avec la ville de Kébémer. Cette
initiative suscitée par les émigrés a noué une coopération décentralisée entre
les deux communes qui ont été riches en opérations.
En effet, cette coopération a donné pour l’instant un lot de matériel destiné à
l’équipement à la Mairie en ordinateur et fax. En plus une enveloppe de dix
neuf millions (19 000 000) F CFA est destinée à la réhabilitation du marché
de la ville et la construction de dix huit (18) nouvelles cantines.
En outre la commune a reçu 200 tables bancs, et cinq projets ont été
sélectionnés pour cinq quartiers de la ville : deux moulins à mil, une banque
de céréales à Galla Mbengue et une embouche bovine pour le quartier
Escale. Cette initiative a eu des effets car elle est imitée par d’autres
ressortissants qui se trouvent dans d’autres pays. Ainsi un autre ressortissant
de Kébémer a mis en rapport l’équipe municipale avec une ONG française
Béziers-Sud Ouest sans frontière. Celle-ci a remis un important lot de
matériels sanitaires et promet d’équiper le centre de santé de tables
d’opération, une radio mobile et un cabinet dentaire complet (actuellement
opérationnel).
Aujourd’hui, cette coopération décentralisée franchit d’autres paliers, la région
de Pise élargit sa coopération à toute la région de Louga. Elle agit dans le
cadre d’une coopération de toutes les régions italiennes avec celles du
Sénégal. Cette coopération vise la réinsertion des émigrés de retour et le
développement régional.
L’exécution des projets au niveau de chaque région exige une répartition des
tâches ou contreparties : la Collectivité locale d’accueil : Commune ou
Communauté Rurale donne les terres, le Conseil régional construit les locaux
et la Province apporte le financement.
L’objectif de ces projets est la réinsertion économique des émigrés de retour.
Dans le cadre de la coopération décentralisée dans la région de Louga, la
Province de Pise a envoyé du 20 au 23 Janvier 2003 une délégation pour
rencontrer les autorités régionales de Louga et rendre visite aux partenaires
locaux. Cette délégation comprend le directeur du Centre Nord Sud pour la
41
Monsieur Massamba Thiam est coordonnateur national des Emigrés, chargé de l’information et de la
presse, de Matlaboul Fawzeini , coordonnateur ARK Kébémer
coopération, l’Assesseur Provincial chargé du développement et Président du
Centre Nord Sud, et un docteur vétérinaire et M. Massamba Thiam délégué
régional pour la coopération et membre de la communauté sénégalaise de
Pise.
Cette délégation a rencontré le Ministre de l’Agriculture, le Ministre chargé de
la décentralisation
Le projet envisagé dans la région est programmé à Linguère : il comprend
une boucherie moderne et une usine de traitement des peaux.
Des projets de la coopération décentralisée ont eu pour cadre plutôt les villes
que les campagnes.
Cependant force de noter que les émigrés de Kébémer n’ont pas attendu
cette opération pour préparer leur retour et leur insertion économique. Pour
s’en convaincre, essayons d’évaluer un peu en jetant un regard sur les
investissements directs des émigrés.
Les initiatives des émigrés prennent toute leur ampleur là où l’Etat est moins
présent. C’est le cas des villes secondaires. La région de Louga semble avoir
combiné cette dichotomie : Sur la coopération décentralisée contractée au
niveau local par les Collectivités Locales elles-mêmes, les contributions des
migrants internationaux permettent de satisfaire aux exigences financières
des ONG et Programmes pourtant si nombreux. (Tableaux ci-dessous).
Les Communautés Rurales et les localités situées sur l’axe Dakar – Saint-
Louis développent une plus grande densité. Corrélativement les villes et les
bourgs ruraux connaissent une croissance démographique plus importante
qu’à l’est. (Tableau n° 51 et carte n°14 : l’évolution de la densité des
Communautés Rurales)
Tableau 50 : La hausse de la densité des CR situées dans le Vieux
Bassin Arachidier le long de l’axe Dakar – Saint-louis
16000
14000
12000
Kébémer
10000
Nombre
Darou Mousty
8000
Sagatta
6000
Guéoul
4000
2000
0
1966 1976 1988 2000
Années
5
Taux de croissance
4
Louga
3
Kébémer
2
0
1961- 1976 1976 - 1988 1988 - 2002
Périodes
En effet avant que la ville n’atteigne les limites du périmètre urbain, c’est à
l’intérieur de la commune que venait s’installer les ruraux.
Ainsi naquirent des quartiers spontanés comme Faq Dek à Louga et Cité
Niakh à Kébémer. L’intégration de ces quartiers par restructuration et leur
modernisation partielle par les transferts de la migration internationale ont été
réalisées.
L’augmentation de la demande en parcelles des citadins a poussé et les
stratégies de certains ruraux a venir s’installer de manière spontanée à l’orée
de la ville pour se faire intégrer lors des prochains lotissements a provoquée
des empiétements sur les terroirs ruraux des communautés rurales.
Lesquelles n’ont pas manqué de réagir. Par exemple la ville de Kébémer a
connu ce phénomène d’extension. La ville étouffe dans son périmètre initial,
et du fait de son étalement empiète sur les Communautés rurales voisines.
Ceci la met en conflit avec ces dernières. Pour défendre son terroir et stopper
la ville dans ses limites légales, la Communauté rurale de Ndande anticipe
sur l’extension de la ville en affectant des parcelles a des tiers dans les
confins du périmètre urbain, obligeant ainsi les autorités municipales au
dialogue.
Ceci a fait jouer l’effet d’agglomération sur les émigrés en quête de lieu
d’investissement et aussi de non émigrés ou simples travailleurs soucieux de
trouver des lieux favorables à leurs activités. Ainsi en plus des émigrés, on
voit l’arrivée d’hommes d’affaires qui tenaient des investissements ailleurs
dans d’autres régions. C’est le cas à Guéoul, à Ndande, à Darou Mousty et à
Sagatta qui accueillent des investissements comme ceux relatifs à la
boulangerie introduits par des ressortissants locaux émigrés ou non.
INTRODUCTION GENERALE 1
PROBLEMATIQUE 4
METHODOLOGIE 28
PREMIERE PARTIE
ET LA RESTRUCTURATION DU
Conclusion 234
TROISIEME PARTIE :
Conclusion 345
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
A chacun sera donné un rang en rapport avec ses actes. Dieu rétribuera leurs
œuvres en toute justice : nul ne sera frustré de son dû.
Annexes
Annexe 1
Questionnaire
Questionnaire de village
I. Identification du village, historique et typologie
A Historique et toponymie
Nom
Origine :
- origine paysanne origine ceddo origine artisane
- origine maraboutique origine griotte
Villages centres
Villages simples
Villages d’émigrés :
La ville :
Historique de
l’implantation :……………………………………………………………….
Évolution spatiale : (taux d’urbanisation, investissements)
- commerce :………………………………………………………………
……………….
- Structure : part respective du rural, de l’urbain et des émigrés dans
- Le
gros :………………………………………………………………………….
- demi-
gros :………………………………………………………………………
- Détail :………………………………………………………………………
……………
Occupation de l’espace :
Monsieur le Président,
LEMA IRE
AMPL IATIO NS: 1 •
Préfet /
Sous-Préfet
Chrono
ANNEXE 4 RECOUVREMENT DU BUDGET
Communautés
Recettes totales réalisées
rurales
Moyenne
1998 1999 2000 2001 annuelle
Arrondissement
de Ndande
6 277
Bandègne 4 397 467 7 875 390 6 956 870 5 879 342 267
7 019
Diokoul 3 796 091 14 772 843 3 021 956 6 487 418 577
8 392
Kab Gaye 6 591 366 12 763 118 4 787 210 9 429 757 863
16 961
Ndande 30 807 894 12 475 982 12 506 565 12 054 189 158
5 060
Thièppe 4 401 235 9 033 480 1 130 187 5 678 398 825
Arrondissement
de Sagatta
3 823
Guéoul 2 419 988 3 118 301 6 050 362 3 707 259 978
3 017
Kanène Ndiob 2 902 579 2 966 459 5 240 133 962 397 892
2 652
Loro 345 548 3 240 321 4 908 502 2 114 709 270
4 909
Sagatta 1 689 896 5 979 514 7 163 541 4 804 219 293
5 031
Thiolom Fall 3 179 396 4 838 324 9 200 137 2 909 930 947
4 548
Darou Marnane 1 864 561 5 318 861 7 251 045 3 761 087 889
9 640
Darou Mousty 5 438 850 12 798 681 12 478 294 7 847 577 851
2 246
Mbadiane 234 939 1 955 019 4 906 878 1 890 237 768
2 453
Ndoyène 327 498 3 157 483 2 899 137 3 429 655 443
3 076
Sam yabal 195 874 4 281 834 4 167 587 3 661 788 771
3 095
Touba Mérina 69 098 4 082 598 4 361 567 3 869 302 641
12 000 000
10 000 000
2 000 000
-
1998 1999 2000 2001
Abdoul Ahad Mbàd<é qui di~ portement de Bambey Les populations consentent
rigeait la confrérie mou ride. (Thiepp. Mérina Diop, Lognor) de gros efforts pour se pro-
se meurent. Leurs résidents curer le précieux liquide. En Touba est la destination de beauc~p: de migrants
Nous étions en 1985. Cha-
que jour que Dieu f;;;t, des sont allés trouver une nouvelle dépit de l'existence d'une di- fois. Ce fut le cas lors de la fisance des équipements sa- pital. Cette insuffisance
pans entiers de villlljles dispa- terre d'occueil., relève Pape zaine de forages fonctionnels dernière semaine du mois de nitaires. Touba dont.1a popu- d'équipements sa~itaires a
raissent au profit de la ville Moussa Diouf de "arrondis- dans la ville sainte, "approvi- décembre 2000. Les autori- lation croit rapidement ne été à l'origine de la floraison
sainte. Moussa Diop de l'ar- sement de lambaye. Expli- sionnement en eau pose pro- tés administratives de la ville dispose que d'uQ seul centre de ce que l'on -àppelle
rondisseme,,!, de Kael (dépar- quant l'attrait qu'exerce la blème. Ces ouvrages déjà sainte n'avaient pas manqué de santé .faisant office d'hô- abusivement.cliniques pri-
tement de Mbacké) témoi- capitale du mouridisme. Mor soumis à une forte pression d'interpeller le Président pital avec deux médecins. vées».
gne: .Lo plupart des résidents Diaw, un te.:hnicien du déve- ne permettent pas de satis- Abdoulaye Wade lors de son Quelques structures de
du village de K.oel ont déposé loppement· rural, déclare: faire la demande4 Des pénu- dernier séjour à Touba. A ce moindre envergure peuvent MAOEMBA RAMATA DIA
ri!'iS d'eau surviennent par- déficit en eau s'ajoute l'insuf- être citées à côté de cet hô-