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Baron Irène, Herslund Michael. Langues endocentriques et langues exocentriques. Approche typologique du danois, du
français et de l'anglais. In: Langue française, n°145, 2005. Le génie de la langue française. pp. 35-53;
doi : https://doi.org/10.3406/lfr.2005.6625
https://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_2005_num_145_1_6625
Langues endocentriques
et langues exocentriques
du français et de l'anglais
0. INTRODUCTION
1. VoirHerslund
Hautes
2003, enÉtudes
particulier
Commerciales
et Baron
les 2003,
travaux
H.deKorzen
de
Copenhague:
l'équipe
2003de
et recherche
ce
1. volume,
Korzen Linguistique
elLundquist
Marello (éds)
el traduction
2003 et
2000,
ce volume.
Herslund
de l'Ecole(éd.)
des
LANCUE FRJNUIH Z 35
Le génie de la langue française. Perspectives typologiques et contrastives
par opposition avec les valeurs similaires à l'intérieur d'un même paradigme,
varie d'une langue à l'autre alors que les mots, dans un contexte donné,
peuvent dénoter le même phénomène extralinguistique. Cette idée est reprise
quelque trente ans plus tard par Louis Hjelmslev (1943: 50), pour qui chaque
langue façonne et délimite à sa manière le « continuum amorphe et indivis»
que constitue le sens, plus ou moins universel, des mots, comme un filet
déployé projette son ombre sur une surface uniforme (Hjelmslev 1943: 48 ss.).
C'est une conception similaire qu'avance Emile Benveniste (1966), lorsqu'il
établit que tout contenu de pensée doit passer par la langue et en emprunter
les cadres, à défaut de quoi la pensée se réduit à quelque chose de vague et
d'indifférencié - une volition obscure, une impulsion - que nous n'avons
aucun
saisie
de décrire
que
moyen
formée
uned'appréhender
société,
et actualisée
de pénétrer
comme
dans laune
langue.
« contenu»
culture
Parallèlement,
hors
distinct.
de leurs
Elle
il estne
expressions
impossible
peut être
linguistiques. « Rien ne peut être compris qui n'ait été réduit à la langue»
(Benveniste 1974: 97). C'est de cette idée que nous partirons, à savoir que la
langue constitue l'unique instrument dont nous disposons pour structurer le
monde matériel et conceptuel. Grâce à elle, nous sommes en mesure aussi
bien de dénommer les objets concrets qui nous entourent que de préciser les
concepts abstraits que représentent nos pensées non formulées.
Nous caractériserons le monde comme un assemblage d'entités, concrètes ou
abstraites, dénotées par les noms, entre lesquelles sont établies diverses relations,
exprimées par les verbes. Noms et verbes sont les pôles autour desquels va
s'organiser la représentation du monde. Nous poserons comme hypothèse que
cette représentation varie en fonction des procédés de lexicalisation adoptés par
chaque idiome, c'est- à-dire des divers composants sémantiques que les langues
individuelles choisissent de coder dans la racine des mots (Talmy 1985). La
densité de ces composants varie en effet d'une langue à l'autre, mais comme la
somme des informations véhiculées par deux phrases équivalentes de deux
langues différentes est la même, verbes et noms devront nécessairement se
compléter: plus les verbes seront denses et précis, et plus les noms seront sousspécifiés
et inversement. Ceci nous permet d'établir un premier classement tout à
lait général des systèmes linguistiques en fonction du caractère des informations
qu'ils codent dans leurs lexèmes centraux: d'une part, nous avons les langues où
le poids lexical est localisé au centre de la proposition, dans le verbe - nous les
qualifierons de langues enriocentriques - et d'autre part, on trouve les langues où
les informations convergent vers les unités « excentrées», à savoir les noms, les
verbes ne conservant alors qu'un sens général assez diffus - ce sont les langues
exocentriques (Herslund & Baron 2003). Cette idée peut être représentée à l'aide
d'une échelle typologique (Baron 2003: 154):
(1) langues enriocentriques langues exocentriques
verbes précis verbes généraux
noins sous-spécifiés noms spécifiés
36
Langues endocenttïques et langues exocentriques
Nous pouvons visualiser ces deux types linguistiques par les schémas
suivants, où les cercles hachurés représentent les lexèmes précis ou spécifiés, à
forte densité d'informations, et où les cercles « vides» désignent les lexèmes
généraux ou sous- spécifiés:
(2) a.
Langues enriocentriques
Langues exocentriques
11 ressort de ces schémas que, dans une langue enrioceiitrique, le monde est
perçu comme une série de relations concrètes (verbes denses et précis) entre
des entités sous- spécifiées, alors que dans une langue exocentrique, le monde
est vu comme autant de relations abstraites (verbes diffus et généraux) entre
des entités spécifiées. Nous nous attacherons dans ce qui suit à placer les trois
langues, danoise, française et anglaise, sur l'échelle typologique ci- dessus.
Pour ce faire, nous procéderons à une double analyse: dans une première
partie, nous comparerons les verbes en considérant leur degré de précision ou
de généralité, et dans une seconde partie, nous examinerons le caractère sousspécifié
ou spécifié de leurs actants, les noms.
I. COMPARAISON TYPOLOGIQUE I :
VERBES PRÉCIS ET VERBES GÉNÉRAUX
UHÉUt FRAHCAISE HJ 37
Le génie de la langue française. Perspectives typologiques et contrastives
Dire), etc. Aussi, les conclusions auxquelles nous parviendrons ici s'applique¬
ront-elles mutatis mulanriis à tous les verbes de la langue.
Pour décrire les verbes de mouvement, nous admettrons à la suite de
Léonard Talmy (1985: 61 ss., 2000: 27 ss.) que, de manière tout à fait univer ¬
selle, les langues peuvent lexicaliser cinq composants sémantiques au moment
de constituer leurs racines verbales:
(3) MOUVEMENT, DIRECTION, MANIÈRE, FIGURE, CHAMP
Ces composants mentionnent le mouvement lui- même (MOUVEMENT), sa
direction ou son trajet ou plus exactement le rapport entre l'entité qui bouge
et un certain but (DIRECTION), la manière de bouger, à savoir marcher, nager,
galoper... (MANIÈRE), la forme de l'entité qui bouge (FIGURE), et enfin
l'arrière-fond ou la surface où a lieu le mouvement (CHAMP). Chaque langue
choisira alors, outre le MOUVEMENT, un ou plusieurs des quatre autres
composants qu'elle codera dans ses racines verbales. Dans le cadre de notre
élude, nous verrons que seuls les trois premiers sont lexicalisés à proprement
parler, à savoir:
(4) MOUVEMENT, DIRECTION, MANIÈRE
Le degré de précision d'un verbe variera en fonction de la densité des
informations codées dans sa racine: plus celles-ci seront compactes et plus le
verbe sera précis; inversement, plus elles seront ténues et plus le verbe sera
général. 11 s'avère, à ce propos, que les trois composants que nous venons de
mentionner ne renferment pas tous la même condensation d'éléments de
sens:
choses,
(ou les ainsi,
objets).
délimitées
lesSi,manières
en
par
général,
la FIGURE,
possibles
les êtres
l'entité
d'un
au qui
sommet
mouvement
bouge,
de en
la «l'occurrence,
sont,
hiérarchie»
par la force
les
dessujets
êtres
des
2. LesFIGURE
priment
entre restrictions
parlois
et MANIÈRE.
la complémentarité
de sélection des avec
verbes
les noms,
qui lexicalisent
en ce senslaque
MANIÈRE
seule importe
sont si lafortes
compatibilité
qu'elles
38
Le génie de la langue française. Perspectives typologiques et contrastives
(Z'are) S"
lobe ind
ud (i hnz'cn)
prédicat complexe
40
Langues endocentriques et langues exocentriques
En fait, cette information est souvent laissée inexprimée parce que le sujet,
l'objet ou un autre élément de la phrase, ou bien le contexte général, désambiguïse
le verbe:
(1 0) a. lis entrèrent dans la baie de La Havane (Deforges Cuba 43)
b. ils entrèrent dans Santa Clara (ib. 221)
Si, dans (10a), l'information la baie rie La Havane autorise la conclusion que les
entités qui bougent se déplacent probablement en bateau - sans pour autant
exclure la nage ou le ski nautique - la phrase (10b) ne révèle rien sur le type
de locomotion; seul le contexte plus large permet de trancher, et de révéler
qu'ils sontles
concentre eninformations
voiture. Dansdeune
ce genre
languedans
enriocentrique
le verbe - comme
celte sorte
le danois
d'ambiguïté
- qui
n'apparaît pas. 11 suffit en effet de traduire les deux exemples en danois pour
voir surgir les verbes sejle ' aller en bateau' et kore ' aller en voiture' à l'exclu ¬
sion de tout autre choix pour rendre le seul verbe français entrer:
(11) a. De
'ils
11s allèrent-
sejlede
entrèrent
eind
n-
dans
biateau
Havanabugten.
la baie
dedans
de La
dans
Havane
La Havane-
(en bateau)'
baie-DÉF
1 .3.2. L'autre série de lexèmes verbaux du français est constituée par des
verbes inergatifs comme marcher, nager, ramper, rouler, danser... caractérisés
par le trait [ h-DIRECTION]. À l'inverse des précédents, ils lexicalisent le compo ¬
sant MANIÈRE à l'exclusion de la DIRECTION, ce qui, à première vue, les rend
semblables aux verbes danois. Or, contrairement à ce qui se passe en danois
où le verbe et une particule post- verbale exprimant la DIRECTION forment
ensemble un seul et même prédicat verbal (complexe), cf. (7), l'expression de
la DIRECTION en français doit, si nécessaire, être prise en charge par des
éléments de la phrase extérieurs au prédicat, typiquement des syntagmes
prépositionnels, comportant des prépositions lourdes ou des locutions prépo ¬
sitionnelles, cf. Herslund (2003: 20 s.) :
(12) MOUVEMENT MANIÈRE DIRECTION
marcher (jusqu'à N)
nager
z'oler , (versdirection
(en N) de N)
prédicat simple
1.3.3. La répartition des verbes français en deux séries entraîne une sousspécification
de chacune de ces séries et partant de toute racine verbale. Les
racines n'imposent pas, en effet, de restrictions de sélection particulières sur
IAHUI FRANÇAISE IZ 41
Langues endocentriques et langues exocentriques
zvalk
run out (into the garden)
prédicat complexe
" marcher'
'courir' ' dehors'
dedans' ('dans le jardin')
A Hb UE FR AHC Al SE 1(5 43
Le génie de la langue française. Perspectives typologiques et contrastives
On peut donc dire que les verbes « romans» (go s'ajoutant à ce groupe)
constituent un sous-
système d'allure exocentrique au sein d'une langue majo¬
ritairement endocentrique.
2. COMPARAISON TYPOLOGIQUE 2 :
NOMS SOUS-
SPÉCIFIÉS OU SPÉCIFIÉS
Nous allons, dans un premier temps, examiner les noms des deux types
extrêmes avant de les confronter, dans un second temps, à leurs équivalents
anglais. Dans le présent contexte, nous nous limiterons à l'étude de noms
autochtones non- dérivés dénotant des artefacts, lesquels illustrent le plus clai¬
rement une différence systématique entre les langues que nous comparons.
44
Langues endocentriques et langues exocentriques
traits communs (le mot danois vogn, par exemple, désignera n'importe quel
véhicule servant au transport), alors qu'au contraire un nom est concret
lorsqu'il dénote une catégorie plus restreinte d'objets ayant de nombreux
traits communs entre eux (ainsi, ne seront catégorisés comme chariot que les
véhicules non automobiles munis d'une poignée, d'un plateau ou d'une caisse
métalliques et de petites roues, cf. infra). Un nom sous-
spécifié aura par consé ¬
quent une extension plus grande qu'un nom spécifié.
faible
mations.
cf. Rosch
densité
Effectivement,
et al.informative
1976) sont
enetdanois,
des
les noms
lexèmes
les français
nomssous-
lesune
splus
pécifiés
forte
usuels
concentration
(ex.
(les
stol
noms
' tout
de
d'infor
base,¬
objet
(19) kande
zn'n-, vaudkaiidc ' vin-, eau-_ ' /_ J pichet
cruche
v* v igjy IJIr
Soulignons,
danois
rendu
que les
danois
lorsqu'on
vin.
Souvent
d'objets
Enpar
peuvent
lexicalisé
deux
français,
de
même
parle
pichet
petite
comme
langues
Pichet.
de
correspondre
mais
on
c'est
des
dimension,
vinkanrie,
utilise
nous
entités,
aussi
découpent
l'aspect
l'avons
une
par
est
l'apparence
ex.
physique
plusieurs
cruche,
Cruche.
désignation
qu'il
lefait
cruche
monde
précédemment,
s'agit
suivant
- des
lexèmes
cruchon,
physique
de
d'un
objets
dérivée
manières
la configuration
récipient
camion
français.
qui
Pot.
est
spéciale
qu'à
est
secondaire:
différentes.
- le
camionnette.
destiné
un
Vinkanrie
trait
lorsqu'on
même
de déterminant.
l'objet.
à l'essentiel,
Lorsque
verser
Broc.
peut
composé
Ceparle
C'est
sont
être
du
le
4.
pasPoldans
nous l'avons
peutceégalement
cas
vu, êlre
dénote
utilisé
désigner
toutcomme
récipient
un récipient
équivalent
destiné
sans
àd'un
verser
bec hyponyme
et un
sansliquide.
anse,ducf.mot
pol danois
à confiture,
kande,
mais
qui,il comme
ne peut
1 AH GU E FRANÇAISE iZ 47
Le génie de la langue française. Perspectives typologiques et contrastives
des images et non des concepts qui sont transmutées en signes, et les objets du
monde ont une dénomination différente parce que leur aspect physique est
différent: leur fonction ne fait que résulter de leur apparence. Dans cette
optique, on comprend pourquoi un pichet (petit récipient à grosse panse,
rétréci
eau- _ ',aupeut,
collet),
en fait,
qui est
parfaitement
proposé comme
correspondre
équivalent
aussi
deà vin-,
mxlkekanrie
vanrikande
" lait-_
"vin-,',
s'il contient du lait et non du vin ou de l'eau, tout comme pot (récipient à large
panse, à une anse et à bec non évasé) peut constituer la transposition de
vinkanrie si la forme correspond à la description d'un pot5.
Les noms de base français (ex. fauteuil) peuvent également être précisés à
un niveau co-hyponymique, soit au moyen d'un composé, où la précision
concerne(bergère),
simple toujours mais
l'aspect
on physique
se trouve(fauteuil
alors à àun
bascule),
degré desoitspécification
à l'aide d'un plus
mot
poussé qu'en danois (Baron 2003: 38 s.) : gyngestol " balancer-_ ", par exemple,
aura une extension plus grande que son homologue français, parce qu'il
correspond
bascule, s'il n'en
aussi
a pas:
bien à fauteuil à bascule, si l'objet a des bras, qu'à chaise à
(22) Danois
banc [Français
_]
skydebane ' tirer-_ ' champ dc tir
tennisbane ' tennis-_ " court dc tennis
skojlebane "patiner-_ ' piste de patinage
fodboldbane ' football-_ ' terrain de football
5. Ces manières difiérentes dont les entités du monde extérieur sont lexicalisées ne signifient pas
que le français ne dispose pas d'hyperonymes sous-spécifiés (ex. siège, véhicule, récipient,...): ils
fonctionnent simplement comme expressions tout à fait génériques et recouvrent davantage
d'entités que les lexèmes de base danois, se situant par là à un niveau superordonné excédanUe
cadre
38 ss.). de la présente étude (pour un approfondissement de cette question, voir Baron 2003
48
Langues endocentriques et langues exocentriques
Danois Français
banc 1_1
Irxkbane 'halage-_ chemin de halage
(...)"
Les deux propriétés, FONCTION et CONFIGURATION, sont toutes deux
comprises dans V intension d'un nom, mais ne fonctionnent pas simultané ¬
ment comme trait distinctif: en danois, le trait déterminant est la FONCTION,
l'aspect physique ne faisant que découler de cette fonction; en français,
c'est la CONFIGURATION qui permet de dissocier un nom de mots similaires,
la fonction ne devenant qu'une conséquence accessoire. La FONCTION d'un
objet
de la destination
étant composée
d'unde
objet)
moinsquedela traits
CONFIGURATION
sémantiques(matière,
(simple forme,
détermination
dimen ¬
sion, vogn
stol, poids,
ouparties
kande auront
constitutives,
une intension
etc.), lesqui
lexèmes
sera moins
de base
spécifiée
danois que
comme
des
noms de base français tels fauteuil, camion ou pichet, et partant leur extension
sera plus grande.
Dès lors, nous pouvons placer les deux langues, danoise et française, aux
extrémités endocentrique et exocentrique respectivement de l'échelle typolo ¬
gique représentée sous (1):
(23) langues endocentriques langues exocentriques
verbes précis verbes généraux
noms sous-spécifiés noms spécifiés
-^
danois français
2.2. Qu'en est-il maintenant de l'anglais, que nous avons défini initiale ¬
ment comme une langue typologiquement « intermédiaire» ?
Comme pour les verbes, l'anglais se situe ici aussi entre les deux types
extrêmes. 11 a d'abord, comme le danois, cf. (17) et (18), la capacité de former
des hyponymes par composition:
(24) Danois Anglais
taskc bag
hândtaske "main-_ ' [ sac à main] handbag 'main-_ '
skuldertaskc " épaule-_ ' [ sacoche] shoulder bag "épaule-_ '
skoletaskc " école-_ " [ cartable] school bag " école-_ '
(...)
À côté de telles séries, on trouve aussi des paradigmes de lexèmes morpholo ¬
giquement non apparentés semblables à ceux qui caractérisent les langues
exocentriques, cf. (17) et (18) :
6. Nous n'aborderons pas ici le problème de la polysémie des noms français comme champ, piste
ou terrain, c'est-àd-ire le fait que dans une perspective non contrastive, ils peuvent entrer dans
des réseaux sémantiques différents de ceux qui apparaissent lorsqu'on les compare avec le danois
(pour une étxide approfondie de la question, voir Baron 2003: 42 ss.).
LANGUE FRANÇAISE l «J 49
Langues endocentriques et langues exocentriques
c. râdhus
sneglehus town slicll
snnil hall mairie (d'escargot)
coquille
penalhus pencil case plumier
blxklms inkpot encrier
skilderhus sen try box guérite
(...)
3. CONCLUSION
Les noms et les verbes d'une langue se complètent pour ce qui est de la
densité des informations qu'ils contiennent, mais chaque langue va structurel ¬
le monde à sa façon. Dans une langue endocentrique (le danois), non seulement
le poids informatif d'une phrase est centralisé dans les verbes, qu'il s'agisse de
verbes simples ou de prédicats complexes, mais ces verbes déterminent de
façon exclusive les restrictions de sélection des sujets (et des objets). Le monde
est structuré en relations concrètes (forte concentration d'informations dans
les verbes) entre des entités de base sous- spécifiées. À l'inverse, dans une
langue exocentrique (le français), les éléments de sens essentiels convergent
vers les noms, et les verbes n'ont qu'un contenu tout à fait neutre. Le monde
est perçu comme autant de relations abstraites (verbes à faible concentration
d'informations) entre des entités de base spécifiées. Entre ces deux extrêmes,
on trouve une langue comme l'anglais qui, bien que fondamentalement endo ¬
centrique, possède néanmoins des structures exocentriques.
Nous illustrerons les relations entre les trois langues étudiées à l'aide du
tableau suivant :
(28) Périphérie I Centre Périphérie
Endocentrique Vognen k» rte ind i garden
The car drove into the courtyard
Exocentrique The car entered (into) the courtyard
La voiture entra dans la cour
LANGUE FRANÇAISE Z 51
Le génie de la langue française. Perspectives typologiques et contrastives
Ce que nous proposons, c'est donc, à l'aide d'une description des carac ¬
tères généraux du vocabulaire de trois langues européennes, des prolégo ¬
mènes à des études plus poussées et plus étendues de la typologie lexicale.
Références bibliographiques
Baron,
62-68.I. 2000. « Aspects lexicaux de la traduction des noms composés». Voprosy Filolo&i 2000/ 3
Baron, I. 2003. « Catégories lexicales et catégories de pensée. Une approche typologique du danois et
du français». In M. HERSLUND (éd) Aspects linguistiques de la traduction. Bordeaux: Presses
univei" sitaires de Bondeaux. 29-53.
Benveniste. E. 1966. « Catégories de pensée et catégories de langue». In Problèmes de linguistique
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Benveniste, E. 1974. « Structure de la langue et structure de la société». In Problèmes de linguistique
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lUUf FRANÇAISE IZ 53