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• Constituée de morphèmes (lexicaux et grammaticaux), associés de manière incrémentielle les uns aux
autres, selon des règles de bonne formation syntaxique.
• Niveaux d’analyse pertinents: la syntaxe (règles de formation de la phrase) et la sémantique (contenu
de la phrase).
• Contenu de la phrase : la signification, produit de la signification des morphèmes (lexicaux et
grammaticaux) qui la composent (signification dite, de ce fait, compositionnelle).
• Constitué par une phrase (unité linguistique maximale) utilisée dans un contexte précis, dans une
certaine situation d’énonciation.
• Niveau d’analyse pertinent: la pragmatique.
• Contenu de l’énoncé : le sens, obtenu sur la base de la signification de la phrase et des
informations constituant son contexte.
Noter que cette découpe <phrase/ énoncé>, largement acceptée en linguistique contemporaine, n’allait pas de
soi chez Saussure (début du XXème siècle), pour qui la phrase procédait, en tant que combinatoire libre de signes
linguistiques, de la « parole ».
1
Chomsky N. (1965) – Aspects of the Theory of Syntax, Cambridge Massachussets : MIT Press, 1965 (trad. fr., Aspects de la
théorie syntaxique, Paris : Seuil 1971). Dans cette section, les renvois à la page concerneront la traduction en français de
l’ouvrage cité (Chomsky 1965/1971).
2
De Saussure, Ferdinand (1995/ 1916) - Cours de linguistique générale, Paris : Payot.
Publié en 1916, le Cours de linguistique générale a été rédigé par les élèves de Ferdinand de Saussure (1857-1913) à partir de
leurs notes (Charles Bally, Albert Sechehaye, « avec la collaboration de » Albert Riedlinger). L’édition 1995 reproduit l'édition
originale. Elle est accompagnée de l'important appareil critique établi par Tullio de Mauro.
1
Les deux définitions corrélées de la phrase et respectivement de l’énoncé reposent crucialement sur l’hypothèse
de rapports d’occurrence (ou: d’actualisation) entre ces deux types d'unités :
• une phrase telle que Je suis arrivée en retard est susceptible de nombreuses actualisations, qui
influeront sur sa référence; prononcée par Marie Dupont, le 23 mai 2008, devant le secrétariat de
sa faculté, elle signifiera: „Marie Dupont est arrivée en retard (à la fac), le jeudi 23 mai au matin”,
et prononcée par Jeanne Dubois, le 4 novembre 2008, dans le hall de la Banque où elle travaille:
„Jeanne Dubois est arrivée en retard (au bureau) le vendredi 4 novembre 2008, au matin”;
• par voie de conséquence, c’est l’énoncé d’une phrase assertive et non cette phrase même (à
référence incomplètement spécifiée) qui sera le lieu de l’assignation d’une valeur de vérité (vrai/
faux).
L’hypothèse de rapports d’occurrence (ou: d’actualisation) entre phrase et énoncé se laisse préciser par
l’identification de deux types de mécanismes interprétatifs – l’enrichissement contextuel, d’une part, et le
filtrage contextuel, de l’autre :
Ces deux définitions gomment en revanche les divergences structurales censées pouvoir subsister entre
énoncé et phrase. Il est en effet souvent suggéré, dans la littérature, que si la phrase est le résultat de
principes de composition syntaxique et sémantique, l'énoncé n'aurait pas à être interprété en termes des seuls
principes compositionnels, n’étant pas toujours construit en fonction de critères syntaxiques : Moi, tu sais, la
linguistique…, ouais, bôf ! Il y aurait donc des énoncés qui ne sont pas pour autant des phrases:
Nous nous en tiendrons, ici, à la définition fonctionnelle (vs structurale) du couple phrase/ énoncé (définition en
termes d’actualisation). Les énoncés syntaxiquement déviants mais parfaitement interprétables du (des)
type(s) évoqué(s) précédemment se laissent également analyser en tant qu’occurrences de phrases, à force
d’assumer, ne serait-ce qu’en termes opérationnels (vs théoriques), la distinction entre phrases
grammaticales, phrases interprétables et phrases acceptables.
3
Dans les termes mêmes du Cours de linguistique générale : « combinaisons régulières ».
4
Cf. Moeschler, Jacques et Anne Reboul (1994) – Dictionnaire encyclopédique de pragmatique, Paris : Seuil, 131-132.
5
Cela dit, le départ phrase/ énoncé n’est pas toujours aussi tranché en termes de leur structuration respective. Charles-Albert
Sechehaye analyse les « énoncés monorèmes » en tant que « phrases à un seul terme », « énoncé monorème » et « phrase
monorème » apparaissant en variation libre, dans le texte (Sechehaye, Charles-Albert (1926) – Essai sur la structure logique
de la phrase, Tome 1/1, Paris : Champion, chap. I. Accessible en ligne sur : http://roman.ens-lsh.fr ).
2
Grammaticalité : conformité aux règles de la grammaire. Concept appartenant à l’étude de
la compétence.
Acceptabilité : conformité à l’usage (« les phrases plus acceptables sont celles qui ont plus
de chances d’être produites, sont plus aisément comprises, moins maladroites et, en un
certain sens, plus naturelles » – op. cit., p. 22). Concept appartenant à l’étude de la
performance6.
Définitions opérationnelles.
Parmi les représentants de marque de cette mouvance en linguistique française : Catherine Kerbrat-
Orecchioni9, Oswald Ducrot10, Antoine Culioli11.
6
La distinction compétence vs performance et l’abstraction du locuteur-auditeur idéal sont autant d’hypothèses de travail
participant du cadre général des recherches générativistes dès la version standard du modèle.
« L’objet premier de la théorie linguistique est un locuteur-auditeur idéal, appartenant à une communauté linguistique
complètement homogène, qui connaît parfaitement sa langue et qui, lorsqu’il applique en une performance effective sa
connaissance de la langue, n’est pas affecté par des conditions grammaticalement non pertinentes, telles que
limitations de mémoire, distractions, déplacements d’intérêt ou d’attention, erreurs (fortuites ou caractéristiques) »
(Chomsky 1965/1971 : 12).
Une distinction fondamentale est ainsi établie « entre la compétence (la connaissance que le locuteur-auditeur a de sa
langue) et la performance (l’emploi effectif de la langue dans des situations concrètes) ».
Est également souligné le fait que la performance ne peut être dite « refléter directement la compétence » qu’à
l’intérieur de la première hypothèse de travail avancée, à savoir l’hypothèse du locuteur-auditeur idéal (op. cit., p.
13), et non « dans les faits », puisqu’un « enregistrement de la parole naturelle comportera de faux départs, des
infractions aux règles, des changements d’intention en cours de phrase, etc. » (op. cit., p.13).
Le rapport entre compétence et performance est un rapport d’inclusion (de la compétence, à la performance) : l’étude
de la « performance linguistique effective », oblige à « considérer l’interaction de facteurs variés, dont la compétence
sous-jacente du locuteur-auditeur ne constitue qu’un élément parmi d’autres » (idem, pp. 12-13). Mais,
corrélativement, « l’investigation de la performance n’avancera qu’autant que le permettra la compréhension de la
compétence sous-jacente » (ibid., p. 20).
Les données de la performance, en tant qu’observables, se retrouvent en amont de la modélisation de la compétence
(ou : « grammaire »), censée « déterminer, à partir des données de la performance, le système sous-jacent de règles
qui a été maîtrisé par le locuteur-auditeur et qu’il met en usage dans sa performance effective. » (ibid., p.13, nous
soulignons).
7
Remarquer la violation systématique des restrictions de sélection sémantique (dormir sélectionne un sujet animé, les adjectifs
de couleur tel vert(es), des nominaux concrets, notamment objets physiques, et les modificateurs de verbe tel furieusement,
un verbe [+intentionnel]), ainsi que les contradictions (idées ou bien incolores ou bien vertes).
8
Benveniste, Emile (1958) « De la subjectivité dans le langage », Journal de Psychologie, 55, repris in : Benveniste, Emile
(1966), Problèmes de linguistique générale, tome I, ch. XXI.
Benveniste, Emile (1970), « L’Appareil formel de l’énonciation », Langages, 17, repris in : Benveniste, Emile (1974), Problèmes
de linguistique générale, tome II, ch. V.
9
Kerbrat-Orecchioni, Catherine (1980) – L’Énonciation. De la subjectivité dans le langage, Paris : Armand Colin. Kerbrat-
Orecchioni, Catherine (1990-1994) – Les Interactions verbales, tomes 1-3, Paris : Armand Colin.
10
Qui articule traitement de la phrase et traitement de l’énoncé en termes du contexte situationnel (composant linguistique :
signification de la phrase, composant rhétorique : sens de l’énoncé – étant donné un certain contexte situationnel), et
opère, dans le cadre d’une extension originale de la théorie énonciative de Benveniste, inspirée des analyses de texte chez
Bakhtine (linguiste russe), la théorie de la polyphonie, une distinction de principe entre locuteur-allocutaire, d’une part, et
énonciateur-destinataire de l’autre. Cf. Ducrot, Oswald, (1980) – Les Mots du discours, Paris : Minuit.
11
Théorie des opérations énonciatives. Cf. Culioli, Antoine (1990) – Pour une linguistique de l’énonciation. Opérations et
représentations, Tome 1, Paris : Ophrys.
3
1.3. Phrase/ proposition.
12
Ce qui reformule en fait l’idée que la proposition est un constituant syntaxique de la phrase.
13
On distingue, traditionnellement, aussi : phrase minimale (qui ne comporte que des éléments essentiels, ineffaçables : le
minimum requis pour sa grammaticalité – parfois appelée toujours : ‘phrase simple’), et phrase étendue (qui comporte, outre
les éléments essentiels, des « élargissements » (ou : « expansions ») : épithètes conjointes venant élargir les groupes
nominaux sujet ou objet, adverbiaux venant élargir le groupe verbal, compléments de phrase venant élargir la phrase tout
entière) – cf. Dubois, Jean et René Lagane (1993) – La nouvelle grammaire du français, Paris : Larousse-Bordas : 151-152).
Nous préserverons au terme de phrase simple l’acception courante en grammaire générative (phrase uni-propositionnelle,
opposée à la notion de phrase complexe (=multi-propositionnelle)), et opposerons à la phrase étendue (= phrase qui comporte
des éléments non sélectionnés, optionnels mais : non propositionnels eux-mêmes – quel qu’en soit le niveau d’incidence), la
phrase minimale.
14
Premier conjoint : une proposition indépendante.
15
Second conjoint : une autre proposition indépendante.
16
Veuillez noter que la phrase complexe n’est pas, elle, soulignée comme un tout (virgule comprise) !
17
Cf. Riegel, Pellat & Rioul (2008/ 1994) : 472.
4
racine)18 correspond aucun actant syntaxique (l’objet ‘zéro’ de
phrases elliptiques telle Cela dépend [« de quoi ? »]).
Spécialisation structurale (en
grammaire générative Les notions d’argument et d’actant ne sont cela dit pas
notamment) : phrase racine strictement parallèles : le nom modifié par un adjectif
(=matrice)/ proposition épithète conjointe (la belle Venitienne) est bien l’argument
enchâssée. de cet adjectif (analysé, lui, comme prédicat sémantique),
sans pour autant en être l’actant.
N.B. Que l’on prenne le
dédoublement terminologique
proposition indépendante/ Une fois la proposition appréhendée comme simple
phrase simple pour une relation structure de prédication (structure argumentale,
d’équivalence substantive (et éventuellement étendue), non soumise à ancrage
donc transitive : ‘toute temporel, toute phrase simple devrait être
proposition indépendante serait constituée d’un syntagme (=groupe de mots)
une phrase simple et toute phrase instanciant la relation de prédication
simple, une proposition sémantique essentielle, enchâssé (en l’absence
indépendante’) ou que l’on veuille de compléments non sélectionnés (=prédications
distinguer minimalement optionnelles)) sous une catégorie fonctionnelle
propositions indépendantes et portant les traits de temps-aspect-mode pertinents
phrases simples (‘toute phrase pour l’ancrage temporel (au sens large) : voir Fig.
simple se réduit à une proposition 1 ci-après.
indépendante, mais toute
proposition indépendante n’est Cette catégorie, notée T (T de Temps) réunit les
pas du coup une phrase traits de temps-aspect-mode du verbe (les ‘flexions
simple’19), sous cet éclairage, il verbales’ pertinentes du point de vue interprétatif
n’y a pas moyen de distinguer pour la référence temporelle de la phrase), ainsi
entre (dans cet ordre-ci :) phrase que ses traits d’accord (traits de personne et de
simple et proposition nombre), redondants, eux, de traits de mêmes
indépendante. Il y aurait donc valeurs d’un argument nominal du verbe (en
coïncidence (triviale) entre phrase français, il s’agira du sujet).
simple et proposition
indépendante en tant que niveaux Si les traits de temps-aspect-mode d’un verbe
d’analyse syntaxique. Un résultat sémantiquement plein (=verbe ‘substantif’ vs
pas très heureux. auxiliaire ou verbe postiche) seront composés, lors
de l’interprétation sémantique de la représentation
générée en syntaxe, à la matrice de traits
sémantiques purs de celui-ci, les traits d’accord, qui
n’ont aucune pertinence interprétative sur le verbe,
ne le seront pas ; ce sont leurs corrélats sur
l’argument nominal sujet qui seront interprétés.
18
.Cf. Riegel, Pellat & Rioul (2008/ 1994) : 472.
19
Une phrase simple est constituée d’une (seule) proposition indépendante, et certaines phrases complexes sont construites de
plusieurs propositions indépendantes – celles qui n’instancient pas de relation de dépendance sémantico-syntaxique, à savoir
les phrases complexes composées par juxtaposition et par coordination.
Le jeu des formes verbales suggère déjà que c’est là notre option.
20
Phrases simples correspondantes : Sylvie va à la fac à pied./ Sylvie ira à la fac à pied./ Sylvie est allée à la fac à pied./…
21
Phrases simples correspondantes : Sylvie marche vite./ Sylvie marchera vite./ Sylvie marchait vite./…
22
Prédicat sémantique vs prédicat syntaxique (au sens de la grammaire traditionnelle) : dans le cadre du prédicat
nominal (=copule+ attribut du sujet), seul l’attribut du sujet est un prédicat sémantique (un ‘prédicatif’, en termes de
grammaire structurale).
Prédicat sémantique vs ‘groupe prédicatif’ (grammaire structurale) : l’analyse structurale des ‘phrases étendues’
distingue, outre le sujet (GN1), deux niveaux, incrémentiels : le groupe verbal GV (=verbe+ compléments sélectionnés), et le
groupe prédicatif GPréd (=GV + compléments de verbe non sélectionnés), la structure de la phrase étant Ph = GN1 + GPréd. À
l’intérieur d’une telle approche, la notion de ‘groupe prédicatif’ recoupe plus ou moins la notion logique de prédicat (vs sujet)
d’un jugement (exprimé par une proposition susceptible de se voir assigner une valeur de vérité (ou bien vrai ou bien faux)),
mais le verbe (à valences satisfaites par le sujet et (le cas échéant) par son ou ses compléments obligatoires) n’y est pas le
seul prédicat sémantique.
Les compléments non sélectionnés par le verbe (analysés comme des ‘Groupes Adverbiaux (notés GAdv), même lorsqu’ils sont
exprimés par des groupes prépositionnels (Sylvie va à la fac à pied), voire par des groupes nominaux (compléments directs qui
ne sont pas des compléments d’objet, tels les compléments de prix ou de mesure : j’ai payé/ acheté ce meuble 1000 euros/
trois fois rien, j’ai nagé 1000 mètres), se laissent également envisager en tant que prédicats sémantiques : ce seraient des
prédicats optionnels, dans l’économie de la phrase, qui sélectionnent, eux, un certain (type de) verbe/ groupe verbal (ce qui
expliquerait l’existence de relations de sélection sémantique fine entre ces éléments : *Sylvie va à la fac à l’aiguille (OKCette
nappe est brodée à aiguille), Sylvie va à la fac à pied (*Cette nappe est brodée à pied).
5
T =TP Ancrage temporel (phrase)
SylvieN
2
T =T’
2
all(er)+ {prés. ind., 3 sg}
SylvieN
1
V
=T°
1
all(er) P =PP
ŕ D =DP
la facN =NP
6
1.4. Phrase noyau/ phrase modalisée.
1.4.1. Syntaxe de la phrase modalisée (version générative-transformationnelle standard – Chomsky
1965/ trad. fr.1971 (Aspects de la théorie syntaxique), dans la lecture de Dubois & Dubois-Charlier
197023).
Toute phrase Σ (lire : « sigma » – le terme anglais correspondant ayant l’initiale S(entence)) est formée, en
structure profonde (niveau de représentation syntaxique dont est justiciable l’interprétation sémantique), d’un
constituant de phrase (abréviation : Const), qui en détermine la modalité, et d’un noyau (abréviation : P, de
phrase24) :
Σ→ Const + P
(lire : « Σ se réécrit comme Const + P »).
Le constituant est, lui, formé d’un élément obligatoire (soit Affir(mation), soit Inter(rogation), soit Imp(ératif)),
et de constituants facultatifs (négation, emphase et passif – notés entre parenthèses dans la formule ci-
contre) :
Affir25
Const → Interr + (Nég) + (Emph) + (Passif)
Imp ;
23
Dubois, Jean et Françoise Dubois-Charlier (1970) – Éléments de linguistique française : syntaxe, Paris : Larousse (collection
« Langue et langage »).
24
En anglais : S, de sentence. Cette transposition en français n’harmonise donc pas les rapports entre les deux notations, en
alphabet grec et latin (dans la logique de Σ/ S, il aurait fallu sans doute avoir ici : Π (lire : « pi »)/P).
25
Nous prenons nos distances par rapport à la nomenclature en place dans Dubois & Dubois-Charlier 1970, sur ce point précis,
et dirons plutôt « assertion (type assertif) », employant « affirmation » pour l’une des deux formes logiques possibles
(« affirmation (type affirmatif, forme affirmative)/ négation (type négatif, forme négative) »), parce que parler d’« affirmation
négative » nous semble participer de la contradiction dans les termes. Bien que l’on puisse affirmer que non-p en langue
naturelle (J’affirme qu’il n’est pas là, et je peux le prouver), l’affirmation en tant que telle ne saurait être dite négative sans
contradiction.
26
Souvent, dans la littérature, il y a hésitation sur la marque du pluriel, vu la variante phrase(s)-type(s) : types/ formes de
phrase ou : phrases ?
27
Définis, en termes (implicitement) transformationnels, comme « réagencements particuliers des types obligatoires » (Riegel
et al. 2004 (1994): 386).
28
Négation descriptive : assertion d’un contenu propositionnel négatif (ex. Paul n’est pas là pour l’instant, à ce que je vois).
L’interprétation des types facultatifs ne peut être actionnelle que de manière marginale, à l’encontre de celle des types
obligatoires : le type facultatif qui illustre ce cas de figure marginal est encore la négation (quand elle réalise, dans
l’énonciation, un acte de dénégation (ou de refus) plutôt que la simple assertion d’un contenu négatif – ex. Tu viens ?/ -Je ne
peux pas. Toujours dans un contexte d’offre/ invitation : Un peu de rôti?/ -Je ne mange pas de viande).
7
L’introduction de Const dès la structure profonde permet de rendre justice au postulat selon lequel
« les transformations ne peuvent introduire des éléments porteurs de sens » (Chomsky 1971 (1965) :
180-181).
Rappelons qu’au sens de cette modélisation de la grammaire, en syntaxe seraient générées non pas
une, mais deux représentations : une structure profonde, issue de l’insertion lexicale des catégories,
par l’intermédiaire de règles de réécritures (inscrites dans le composant de base de la grammaire),
et une structure de surface, résultat des transformations portant sur cette structure profonde. Des
deux représentations générées en syntaxe, seule la structure profonde fera l’objet de l’interprétation
sémantique :
Introduisant le marqueur abstrait de modalité dès la structure profonde, la nouvelle analyse de la phrase ne
privilégie plus le type assertif neutre (phrase assertive active affirmative non emphatisée) : la notion même de
‘type de base’ perd tout contenu propre.
La ‘phrase noyau’ est de fait désormais plutôt appréhendée comme ‘noyau de la phrase’– toute phrase
susceptible d’être énoncée étant, par hypothèse, ‘modalisée’. Ce noyau est maintenant postulé en tant que
niveau d’analyse pertinent (analyse en constituants immédiats), mais n’est plus susceptible d’instanciations per
se au gré des énonciations et n’est jamais, donc, directement observable.
Sous l’analyse purement transformationnelle des types de phrases/ formes de phrases, les transformations
étaient entendues procéder de manière ordonnée : passivation avant emphase, emphase avant transformation
négative, et transformation impérative/ interrogative par la suite. Comparer :
1. Une vipère a mordu la brebis. [déclarative affirmative active non emphatisée]
2. La brebis a été mordue (par une vipère). [déclarative affirmative passive non emphatisée]
3. C’est par une vipère que la brebis a été mordue. [déclarative affirmative passive à complément
d’agent mis en vedette : phrase clivée]
4. Ce n’est pas par une vipère que la brebis a été mordue. [clivée négative d’une phrase déclarative
passive]
5. N’est-ce pas par une vipère que la brebis a été mordue ? [clivée négative interrogative de la même
phrase passive].
Sous l’analyse non-transformationnelle, qui introduit la modalité (Const) dès la base de la grammaire (en
structure profonde), on s’évertue à rendre compte des mêmes observables en termes du rapprochement des
constituants optionnels et respectivement obligatoire30, de la phrase, par rapport au Noyau : le constituant le
plus à droite dans la formule sera le premier introduit dans la base – en l’occurrence, le passif, puis, l’emphase,
puis, la négation31.
29
Chomsky, N. (1957) – Syntactic Structures, Mouton, The Hague (trad. fr. Structures syntaxiques, Paris : Seuil, 1969).
30
Singulier puisque les constituants obligatoires sont par hypothèse mutuellement exclusifs.
31
La question se pose de savoir si les observables eux-mêmes imposaient un tel biais ou si ce n’était là que l’influence de la
modélisation précédente.
Phénomènes de portée de la négation (C’est Paul qui n’est pas venu (emphase à départ négatif)/ Ce n’est pas Paul qui est venu
(négation d’une phrase déjà emphatisée), restrictions sémantico-distributionnelles liées à la subordination/ à l’enchâssement
(*C’est Paul qui est-il venu ?), réanalyse du passif comme donnée morphologique/ lexicale (radical verbal passif non
trivialement distinct du radical actif, structure argumentale distincte) sont autant d’éléments susceptibles de fournir à cette
analyse des motivations indépendantes.
32
*C’est froid que le café est. OKLe café est froid.
33
*C’est le déca que prenez. OK Prenez le déca (décaféiné)..
8
d’autres sont marquées, restant confinées à des genres discursifs particuliers :
• passif & impératif (Soyez remerciés pour votre cadeau. Béni soit-il !).
Remarque :
La reformulation, par Dubois & Dubois-Charlier 1970, de la thèse chomskyenne des marqueurs sous-
jacents (seuls) responsables du sens « interrogatif », «impératif », « négatif » (cf. Chomsky 1971
(1965) : 180-181, et, pour commentaire, Ruwet, Nicolas (1967) – Introduction à la grammaire
générative, Paris : Plon, p. 343) ignore un certain nombre de détails, ayant trait notamment au passif
et à l’emphase : nous y reviendrons plus tard.
Retenons pour le moment qu’au sens de Chomsky 1965, aussi bien l’emphase que le passif (et,
principalement, pour les mêmes raisons), continuaient de fait à être analysés comme phénomènes
syntaxiques sans retombées interprétatives sémantico-logiques : l’interprétation sémantique (des
structures générées en syntaxe) était envisagée comme restreinte au représentationnel et à l’actionnel
(force illocutionnaire).
Aussi les « effets de sens » liés à l’emphase, ainsi que les effets de sens communément imputés aux
« divergences d’accentuation » entre une phrase active et sa contrepartie passive, étaient-ils analysés
comme relevant (au mieux) des « effets de surface » sur l’interprétation (sémantique – cf. Chomsky
1971 (1965) : 186, note 9 ; 163, note 32).
Les versions plus récentes de la GGT reformulent le marqueur sous-jacent de la modalité (Const) à une
catégorie fonctionnelle qui prendrait TP pour complément : le complément(is)eur C.
L’analyse sera ensuite étendue aux phrases racines (propositions indépendantes comprises), moment
où de fait C se substituera pour de bon au marqueur de modalité de la version standard du modèle
(noté Const in Dubois & Dubois-Charlier 1970). En français, le complément(is)eur des phrases racines
est typiquement non épelé (=dépourvu de matrice phonologique).
Dans une proposition relative (restrictive), le syntagme relatif (opérateur de relativisation) spécifiera un
complément(is)eur non épelé, lui (l’homme [CP dont [C’ C [TP tu as épousé la fille]]]), ou bien sera analysé
comme phonétiquement nul, le complément(is)eur étant, alors, épelé (l’homme [CP LEQUEL [C’ queC [TP
j’aime]]]).
Selon une analyse déjà classique par Richard Kayne, qui dans les relatives à antécédent du type de l’homme
qui est arrivé est en fait le complément(is)eur, ‘accordé’ au Nominatif avec l’opérateur de relativisation non
épelé (sans forme phonétique) dans son Spec.
Rappel. Tout syntagme est supposé instancier les relations structurales suivantes :
34
Pronom abstrait (sans forme phonétique), sujet d’une infinitive ; son interprétation (référentielle) est en général
« contrôlée » par un argument du verbe recteur (ici, par le complément d’objet indirect lui).
9
l’union de X à un autre syntagme YP35 (son complément) sera vue par la computation
syntaxique (et à l’interface sémantico-logique) comme catégorie du type de X (non comme
catégorie du type Y - type instancié par son complément) ;
- spécifieur de la tête (seconde catégorie (ZP) introduite dans l’objet syntaxique en train
d’être généré, auprès de X° déjà composé à son complément YP (en fait : auprès de la
première projection de la tête X°, projection notée X’, qui représente tout ce qu’elle domine,
en l’occurrence l’objet complexe X° + YP dans son entier) ; une fois l’objet syntaxique formé
par X° et par YP (son complément) fusionné à ZP, ce sera la première projection de X (X’) qui
projettera, de sorte que le nouveau constituant complexe sera toujours visible comme
catégorie du type de X (=XP) ; notation : Spec, X.
Cette analyse des syntagmes, qui ne comporte que des di-branchements, permet de rendre compte de
manière immédiate de l’ordre d’introduction des constituants dans l’objet syntaxique, assurant une
transparence maximale de la chronologie des procédures de fusion, dans la représentation syntaxique
générée.
Projection intermédiaire
Spécifieur ZP X’ qui projette ŕ son tour (X° et Xmax ŕ la fois) : chaque
niveau de projection est noté par une barre ou un prime
X YP
Tęte X° qui projettera Complément
2
SylvieN T =T’
all(er)+
2
{prés. ind., 3 sg}
1
SylvieN V
=T°
1
all(er) P =PP
ŕ D =DP
la facN =NP
35
P du terme anglais de phrase, pour : « syntagme ».
10
1.5.1. Mode/ modalité, temps/ temporalité, aspect grammatical / aspect lexical.
Temps, aspect (grammatical), mode : formes de langue (morphologie verbale : « tiroirs verbaux »)
Temporalité, mode d’action (aspect lexical), modalité : notions sémantiques.
Temporalité : notion construite autour du moment de la parole (le maintenant du locuteur, noté par
convention t0). Avant t0, il ya le passé, après, l’avenir. Noter dès à présent que t0 est un moment fictif, variable
en extension (une seconde, une journée, une année, une période quelconque). « Temps extérieur au procès36 »
(Gustave Guillaume).
Mode d’action (aspect lexical) : « temps intérieur au procès » (Gustave Guillaume) ; caractéristiques du
déroulement du procès ; classes (aspectuelles) de verbes37 définies en termes des traits dynamique/ non
dynamique (=statique), télique/ atélique38, ponctuel/ non ponctuel (=duratif) (Zeno Vendler – cf. Vendler
1967):
verbes d’état ([-dynamique, -télique, -ponctuel] – situations statiques, homogènes et continues, sans
structure interne et sans limite temporelle inhérente) : être malade, connaître qqch, aimer qqch,
croire qqch, avoir qqch, …/ tests distributionnels : *X est en train d’aimer la musique (-dynamique);
OKX a cessé d’aimer la musique (+duratif (=-ponctuel)).
verbes d’activité ([+dynamique, -télique, -ponctuel] – actions qui peuvent avoir une certaine durée et
qui ont un point de terminaison arbitraire) : marcher, nager, danser … (sans complément désignant la
limite finale ou cible du mouvement39) ; pleurer, rire, … ; penser, écrire, boire, …(sans objet direct
explicite40) / tests distributionnels : OKX est en train de marcher (+dynamique); *X nage en une heure
(-télique) ; *X met une heure à nager (-télique); OKX nage pendant une heure (+duratif), OKX a cessé
de nager (+duratif).
verbes d’accomplissement ([+dynamique, +télique, -ponctuel] – actions/ situations qui ont une
certaine durée et qui comportent un point de terminaison précis, au-delà duquel l’action ne peut plus
continuer) : fondre (intr.41), sécher (intr.), apprendre la poésie par coeur, peindre un tableau……/ tests
distributionnels : OKX est en train de peindre un/ le tableau (+dynamique) ; OKX peint un/ le tableau en
une heure (+télique) ; OKX met une heure à peindre un/ le tableau (+télique)
verbes d’achèvement ([+dynamique, +télique, +ponctuel] – verbes décrivant le seul point culminant
(ou : dénouement) de la situation envisagée, mais pas ce qui précède, au contraire des
accomplissements) : (se) casser, exploser, éclater, trouver une solution, apprendre la nouvelle…/ tests
distributionnels : *X a cessé de trouver la solution (-duratif), *X est en train de trouver la solution (!!
+ponctuel); OKX a trouvé la solution en deux secondes/ OKX met deux secondes à trouver la solution
(+télique).
Terminologie relativement floue, dans la littérature : télique/ atélique, perfectif (terminatif)/ imperfectif (non
terminatif), accompli/ inaccompli.
Modalité : expression de l’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel de son énoncé. Paul court
(énoncé sans marque d’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel autre que le type de phrase :
type assertif neutre; analysé, dans la littérature non-générativiste, comme énoncé ‘non modalisé’ par
excellence)/ Il se peut que Paul coure, Paul court peut-être, Paul peut courir (énoncés modalisés).
Une fois la modalité intégrée dans la base de la grammaire (règle de réécriture de toute phrase comme Const
+ noyau), le type assertif neutre se laissera envisager comme modalisateur à l’instar des types de
phrases marqués (phrases interrogative, impérative, etc.), et à l’instar des phrases à ; d’autre part, la
différence, du point de vue de la modalité, entre Il court/ Je crois qu’il court, Il est vrai qu’il court pourra être
36
Il s’agit bien évidemment du procès désigné par le verbe. Cf. GUILLAUME, Gustave (1984) – Temps et verbe. Théorie des
aspects, des modes et des temps. Paris : Champion.
37
Ou plutôt : classes aspectuelles de situations (métaterme entendu non comme synonyme d’état, mais comme une sorte
d’hyperonyme pour : états, actions, procès, événements ; certains auteurs parlent de : éventualités (Vikner, Carl (1985) –
« L’aspect come modificateur du mode d’action : à propos de la construction être + participe passé », Langue Française 67,
Paris : Larousse, 95-113)ou de prédications (au sens de la Role and Reference Grammar – cf. Van Valin, R. D. (1993) – « A
Synopsis of Role and Reference Grammar », in Advances in Role and Reference Grammar, R. D. Van Valin (ed.), Amsterdam :
John Benjamins Publishing Company, 1-164), puisque ce n’est pas le verbe seul que l’on classifie, mais le verbe avec ses
arguments (sujet, objets) , voire avec ses adverbes.
38
Telos : but, limite finale.
39
Distinguer nager (pendant 30 minutes) : activité/ nager cent mètres (en trois minutes), nager jusqu’à l’île des rats (en dix
minutes) : accomplissements.
40
Distinguer : écrire (pendant des heures) : activité/ écrire l’exercice (en cinq minutes) : accomplissement.
41
La neige fond.
11
formulée non plus en termes de +modalité/ -modalité, mais en tant que différence de réalisation linguistique
d’une seule et même valeur modale (attitude propositionnelle de croyance du locuteur à la vérité de l’état de
chose décrit par son énoncé).
Il n’y a pas de correspondance terme-à-terme entre tiroirs verbaux et notions sémantiques (temps/
temporalité, aspect/ mode d’action, mode/ modalité).
• Vous fermerez cette porte sans la claquer (tiroir : futur, sens : modalité injonctive).
• Un pas de plus, et vous tombez dans l’abîme (tiroir : présent, sens : modalité implicative « si
vous faites un pas de plus, vous tomberez… »).
• Il m’avait dit qu’il viendrait ce soir (tiroir modal : conditionnel, sens temporel : futur du
passé)42.
42
Cf.. Le Querler, Nicole (1996). Typologie des modalités, Caen : Presses Universitaires de Caen.
12
1.5.2. Modalité/ modalisation.
Modalisation : opération énonciative ; prise en charge de l’énoncé par son énonciateur (rapports entre :
énoncé/ fait asserté ; énonciateur/ fait asserté ; énonciateur/ son énoncé ; énonciateur/ sa façon de réaliser
l’énonciation ; énonciateur/ destinataire (locuteur/ allocutaire, auditeur43)).
Démarche onomasiologique (du sens vers les mots) : de la zone modale (valeur modale, prédicat modal
abstrait) à ses incarnations linguistiques.
Démarche sémasiologique (des mots, aux sens) : du marqueur modal aux valeurs modales qu’il exprime.
Polysémie des marqueurs modaux.
Les modalisateurs sont des signes linguistiques à signification modale. La relation modalité/ modalisateur se
laisse alors envisager comme cas particulier de la relation signifié/ signifiant.
Ferdinand de Saussure définit le signe linguistique en tant que catégorie relationnelle44, à deux
facettes solidaires : le signifiant (suite de phonèmes ou de graphèmes) et le signifié (signification
(description) lexicalement associée à cette chaîne sonore ou graphique), le référent (objet du monde
auquel renvoie la chaîne sonore ou graphique pourvue de cette signification : entité extralinguistique qui
satisfait la description) restant extérieur au signe à proprement parler.
D’autres auteurs45 proposeront une définition ternaire du signe linguistique, qui inclura le
référent46 : signifiant (symbol (“symbole”)) + signifié (thought (“pensée”)) + référent (referent)).
Le signe linguistique n’est pas identique au mot : d’une part, une lexie complexe ou un syntagme
(groupe de mots) non lexicalisé, une phrase (un énoncé), un paragraphe, voire tout un texte peuvent
être envisagés comme signes (signifiant-signifié(-référent)) ; de l’autre, des parties constitutives d’un
mot sont des signes linguistiques (non autonomes) : les préfixes ou suffixes dérivationnels (impossible,
improbable (« qui n’est pas [possible, probable] »), mangeable, buvable (« (qui) peut être [mangé/
bu] »…), mais également les affixes flexionnels (viendra (« à l’avenir »)).
Charles Bally (Linguistique générale et linguistique française (1932)) récupère la distinction, formulée d’abord
par la Scolastique médiévale : dictum propositionis désigne, chez Abélard (XIIe siècle), la signification de la
proposition, son contenu (contenu propositionnel, en logique moderne).
Dictum : contenu propositionnel de l’énoncé (prédication, représentation virtuelle d’un état de chose)
Modus : modalité de l’énoncé (assertion qui actualise une telle représentation virtuelle).
Toute phrase a un dictum et un modus, selon Bally, mais la structure syntaxique ne soutient pas toujours
aussi directement cette structuration sémantique.
43
Pour les besoins des analyses syntaxiques et syntaxico-sémantiques faisant l’objet de ce cours sur la phrase modalisée, la
distinction allocutaire (visé par le locuteur)/ auditeur (qui se trouve entendre ce qui est dit sans être nullement visé par le
locuteur) – telle que posée en linguistique de l’énonciation – n’est en général pas pertinente.
En linguistique de l’énonciation (notamment dans le cadre des théories polyphoniques – cf. Ducrot, O. (1980) – Les Mots du
discours, Paris : Minuit), distinction est également faite entre locuteur-allocutaire, d’une part, et énonciateur-destinatire
(parfois appelé : énonciataire), de l’autre. Ces distinctions feront l’objet de vos cours d’initiation en pragmatique.
44
Ce qui vaut de tout symbole, et même des indices ou des icônes – pour nous référer au classement des signes selon leur
relation au référent, au sens de Ch. S. Peirce (à noter que, selon cette tripartition, la plupart des signes linguistiques sont des
symboles (interjections (qui sont des indices d’états d’âme, sentiments etc.) et onomatopées (qui, imitant leur référent, sont
des icônes) mises à part).
45
Ogden, C. K. et I. A. Richards (1989/1923) – The Meaning of Meaning, San Diego-New York: Harcourt Brace Jovanovitch
Publishers.
46
Plus exactement : une représentation mentale de celui-ci.
13
1.8. Modalité de re/ modalité de dicto.
Modalité de dicto : portée extra-prédicative (externe au dictum). Je crois (MODUS) que les étudiants sont
partis (DICTUM).
Modalité de re : portée intra-prédicative (interne au dictum). Les étudiants sont sans doute partis.
Termes remontant à Thomas d’Aquin (De modalibus) : propositions modales de re (quand le modus est
inséré dans le dictum : Socrate peut courir) / propositions modales de dicto (modus prédiqué du dictum
sujet : Que Socrate coure est possible/ il est possible que Socrate coure).
Modalités d’énonciation (contribution interprétative → attitude du locuteur dans son rapport avec le
destinataire de l’énonciation : actes de langage47 ; syntaxiquement parlant = types de
phrase obligatoires) :
• assertion (phrase assertive ou : déclarative : Paul est là),
• interrogation (phrase interrogative : Paul est-il là ?/ Où est-il ?),
• injonction (phrase impérative : Fermez la fenêtre !),
• exclamation (phrase exclamative : Paul, parti !/ Que cette fenêtre est sale !).
47
Ou plutôt : actes illocutionnaires. Voir chapitre dédié (encadré ).
48
Symbole notant ici l’inclusion à un ensemble donné.
49
Les majuscules notent ici l’accent de phrase : l’accent le plus fort dans la phrase, qui frappe un constituant du syntagme
apportant l’information nouvelle (que le locuteur présente/ signale ainsi comme étant) la plus importante pour l’interlocuteur.
50
« L’emploi sporadique du verbe pouvoir », in : David, J. et G. Kleiber (éds), La notion sémantico-logique de modalité,
Paris : Klincksieck, 183-203.
51
Souvent, dans la littérature, il y a hésitation sur la marque du pluriel, vu la variante phrase(s)-type(s) : types/ formes de
phrase ou : phrases ?
14
Types de phrase facultatifs (= formes de phrase) :
- constituants de phrase optionnels52,
- par hypothèse non exclusifs des types obligatoires, ni entre eux (→se combinent entre
eux et/ou avec les types obligatoires) ;
- à import sémantique surtout fonctionnel-communicatif (répartition de l’information en
thème-propos : passif, emphase, impersonnel), ou descriptif (=représentationnel :
négation53)
- à structure syntaxique et morphologie spécifiques, mais dépourvus d’intonation propre –
encore que non dépourvus d’effet sur l’intonation spécifique du type obligatoire avec
lequel ils se combinent (phénomènes d’accentuation).
Problèmes :
1. L’exclamatif, doué d’intonation particulière, mais non exclusif d’autres types obligatoires (cf. interro-
exclamatif : moi, partir pour Londres ?!), et à spécificité syntaxique douteuse (car partageant les
structures des phrases déclaratives (Vous ne songez point à elle !) et interrogatives (Qu’est-ce qu’elle
était belle ! Est-il bête !)) peut-il être envisagé comme type obligatoire, d’autant que, du moins selon
certains auteurs, il n’exprimerait pas d’« acte de langage spécifique », fondé sur des rapports entre le
locuteur et son destinataire ?
2. Le négatif, qui, seul, parmi les types optionnels, n’a pas d’apport sémantique essentiellement
fonctionnel, non descriptif (hiérarchie informationnelle, structuration du message), mais
représentationnel, descriptif (contribution sémantico-logique propositionnelle), et qui semble au moins
susceptible de réaliser un « acte de langage spécifique » (dénégation, réfutation) peut-il être envisagé
comme type optionnel ?
La solution serait de re-classer les types de phrases obligatoires/ facultatifs en quatre catégories, quitte à ce
que l’exclamatif soit envisagé comme seul représentant de sa catégorie (Riegel et al. 2004 (1994) : 388-
390) :
types énonciatifs (assertif, interrogatif, impératif) ;
types logiques (négatif/ positif) ;
types de réagencement communicatif (passif, emphase, impersonnel) ;
type exclamatif (manifestant seulement la subjectivité du locuteur et réalisant la fonction expressive du
langage).
Cette solution ne fait que reformuler les problèmes soulevés, sans y apporter de réelle explication.
L’analyse de la négation fait l’impasse sur ce qui est appelé, dans la littérature, négation descriptive, pour tirer
argument des seuls emplois « illocutionnaires » de la négation.
Et la distinction alléguée entre types énonciatifs et exclamatif, selon le critère pragmatique de « l’acte de
langage spécifique », est elle-même sujette à caution, dans la mesure où :
(1) les types énonciatifs restants eux-mêmes ne font pas l’objet d’analyses uniformes, dans le paradigme
théorique dont procède la notion distinctive invoquée (Théorie des actes de langage) : les types assertif et
impératif correspondent aux forces primitives assertive et directive, tandis que le type interrogatif procède
des forces dérivées (instanciant un sous-type directif : demander de répondre)54 ;
(2) le lien entre types de phrases et « acte de langage spécifique » n’est pas aussi direct, ni aussi naturel, que
cette analyse le suppose55, ne laissant pas d’être tributaire d’un certain horizon théorique. En pragmatique
inférentielle56, par exemple, les trois types de phrases en question sont censés correspondre non pas à des
« actes spécifiques », mais à des « actes génériques dire que/ dire de/ demander (si /qu-) » – entendus par
Sperber et Wilson comme des « schémas d’hypothèse » (ou « schémas descriptifs ») dans lesquels sont
52
Définis, en termes (implicitement) transformationnels, comme « réagencements particuliers des types obligatoires » (Riegel
et al. 2004 (1994): 386).
53
Négation descriptive : assertion d’un contenu propositionnel négatif (ex. Paul n’est pas là pour l’instant, à ce que je vois).
L’interprétation des types facultatifs ne peut être actionnelle que de manière marginale, à l’encontre de celle des types
obligatoires : le type facultatif qui illustre ce cas de figure marginal est encore la négation (quand elle réalise, dans
l’énonciation, un acte de dénégation (ou de refus) plutôt que la simple assertion d’un contenu négatif – ex. Tu viens ?/ -Je ne
peux pas. Toujours dans un contexte d’offre/ invitation : Un peu de rôti?/ -Je ne mange pas de viande).
54
Cf. Ghiglione & Trognon 1993.
55
Dans cette même logique, on voit dans les types de phrases obligatoires des « indicateurs de force illocutionnaire ».
56
Cf. Sperber Dan et Deirdre Wilson, La pertinence. Communication et cognition, Paris : Minuit, 1989 (original en anglais
1986).
15
incorporées les formes propositionnelles pleines des énoncés concernés, mais qui restent typiquement sous-
déterminés quant à ce qu’il est convenu d’appeler « intention (ou : but) illocutoire »57.
57
Par contre, les « forces primitives » assertive et directive (cela vaut d’ailleurs de toutes les cinq « forces primitives »
distinguées dans la théorie logique de l’illocutoire), tout en étant sous-déterminées quant aux autres « composants », ce
qui en fait justement « les forces illocutoires les plus simples possibles », sont bien déterminées, elles, quant au but. Le but
assertif (primitif) est de représenter quelque chose qui est le cas, et le but directif (primitif), de faire une tentative
linguistique pour que le destinataire réalise une action future (cf. Ghiglione & Trognon 1993). Par contre, dire que P et dire de P
(où P est la forme propositionnelle de l’énoncé p), en tant qu’actes génériques, ne « rendent manifeste qu’une propriété assez
abstraite de l’intention du locuteur : la direction dans laquelle la pertinence de l’énoncé est à rechercher » (Sperber et Wilson
1989 : 381). Dire que rendrait manifeste l’existence d’une relation descriptive (vs interprétative) entre la pensée du locuteur et
un état de choses réel ; dire de, l’existence d’une relation descriptive entre la pensée du locuteur et un état de choses (non pas
réel, mais :) désirable.
16
1.10. En guise de conclusions : retour sur les critères de classement des modalités.
a. Critères syntaxiques.
a.1. Critère du rapport fonction modale/ structure phrastique (modalité/ type de phrase) :
• modalités d’énoncé (phrase à double prédication)/
• modalités d’énonciation (phrases à contour non assertif : interrogatives, injonctives,
exclamatives)58/
• modalités de message (phrases clivées, topicalisations, …)59.
b. Critères sémantiques61.
58
Au sens d’André Meunier. Cf. Meunier, André (1974) – « Modalités et communication », Langue Française n° 21, pp. 8-25.
Citations pertinentes : « [La modalité d’énonciation] se rapporte au sujet parlant (ou écrivant). Elle intervient obligatoirement
et donne une fois pour toutes à une phrase sa forme déclarative, interrogative ou impérative […].
[La modalité d’énoncé] se rapporte au sujet de l’énoncé, éventuellement confondu avec le sujet de l’énonciation. Ses
réalisations linguistiques sont très diverses de même que les contenus sémantiques et logiques qu’on peut lui reconnaître.
[Elle] caractérise la manière dont le sujet de l’énoncé situe la proposition de base par rapport à la vérité, nécessité (vrai,
possible, certain, nécessaire et leurs contraires etc.), par rapport aussi à des jugements d’ordre appréciatif (utile, agréable,
idiot, regrettable, …) » (art. cit., pp. 13-14).
« Une phrase ne peut recevoir qu’une seule modalité d’énonciation, alors qu’elle peut présenter plusieurs modalités d’énoncé
combinées » (art. cit., p. 13).
59
Cristea, Teodora (1981) – « Pour une approche contrastive de la modalité », in Cristea et al., Les modalités. Etudes
contrastives, Bucuresti : TUB, 8-46.
60
Ce classement concerne surtout les modalités dites d’énoncé (selon le critère précédent).
61
Nous préférons cette étiquette à celle de « critères fonctionnels» – susceptible de suggérer, à tort, que lesdits critères aient à
voir avec la découpe focus/ topique de la grammaire fonctionnelle.
62
Ce sont là des tentatives de classement (Le Querler 1996 et Charaudeau 1992) qui regroupent modalités d’énonciation et
modalités d’énoncé. Cf. Le Querler, N. (1996). Typologie des modalités, Caen : Presses Universitaires de Caen. Cf. Charaudeau,
Patrick (1992) – Grammaire du sens et de l’expression, Paris : Hachette.
63
Le Querler (1996).
64
Terme emprunté à Charaudeau 1992. Noter que le contenu de cette classe n’est pas identique chez les deux auteurs, malgré
des points de coïncidence.
65
Au gré des auteurs, la distinction <désidératif>/ <volitif> est maintenue ou au contraire délitée. Si nous n’avions pas
souscrit au délitement de cette nuance au niveau conceptuel même, il aurait fallu noter ici « ou » (sans « : »).
66
Vouloir, désirer + infinitif : Je veux partir.
67
Vouloir que, désirer que + subjonctif : Je veux que vous fassiez attention à l’emploi des modes dans la relative. Je ne veux
pas que tu viennes (négation portant sur la complétive : « défendre, interdire » - cf. Nouv. P. Rob.)
68
Ce classement, qui récupère les catégories modales de la tradition logique, tout en en augmentant l’inventaire, concerne, à
nouveau, surtout les modalités dites d’énoncé.
17
2. Modalités d’énonciation.
Sémantiquement parlant, les modalités d’énonciation indiquent l’attitude du locuteur dans son rapport avec le
destinataire de l’énonciation : actes de langage69 ; syntaxiquement parlant, ce sont là des types de
phrase obligatoires – modulo l’hésitation au sujet de l’exclamation :
69
Ou plutôt : actes illocutionnaires. Voir encadré
18
Hors cours.
La notion d’acte de langage est définie à l’intérieur d’un cadre théorique spécifique : la théorie des actes de
langage (entendue comme cas particulier de la théorie de l’action). Il s’agit, pour l’essentiel, de ce que l’on
fait (accomplit) en disant quelque chose à quelqu’un.
Performatif vs constatif
Dans un premier temps (Austin J.L., Quand dire c’est faire, Paris, Seuil, 1970 (tr. fr.)/ 1962 (original)) sont
seulement dissociés les performatifs ou : déclarations (angl. statements) dont l’énonciation revient à exécuter
(angl. to perform) une action (exemple donné : baptiser un bateau, c’est dire, dans les circonstances
appropriées, les mots ‘je baptise’ ).
Dépourvus de conditions de vérité, à l’encontre des énoncés qui décrivent un état de chose ou rapportent (=
constatent) un fait (énoncés appelés, désormais : constatifs), mais sujets à des conditions de réussite, les
énoncés performatifs remettent en cause le postulat du caractère essentiellement descriptif du langage
(« l’illusion descriptive », dans les termes d’Austin).
La difficulté d’opérer des distinctions tranchées entre énoncés constatifs et énoncés performatifs à l’aide de
critères à proprement parler linguistiques tels le critère, syntaxique, du verbe performatif à la première
personne du singulier, ou le critère, lexical, des « mots performatifs » (verbes ou autres) a eu pour
conséquence l’élaboration de l’appareil théorique. La question de savoir ce que veut dire, au juste, « dire, c’est
faire » sera envisagée sous un angle plus large.
Seront maintenant définis comme « actes de langage » :
1. l’acte de dire quelque chose (= acte locutoire), lui-même décomposé en plusieurs actes
généralement coextensifs l’un à l’autre :
produire (prononcer) des sons (= acte phonétique) ;
produire des vocables (ou : mots) qui entrent dans des constructions conformes à la
grammaire (=acte phatique),
et pourvus, dans l’emploi, d’un sens et d’une référence déterminés (= acte rhétique) ;
2. l’action réalisée du fait même de dire (en accomplissant un acte locutoire donc = acte illocutoire –
de in (« dans ») – ‘acte réalisé dans la locution’) : promettre, poser une question, donner un
renseignement, annoncer un verdict, donner un ordre, … ;
3. l’acte ou l’effet provoqué par la locution (vs dans la locution), sur les sentiments, pensées,
agissements de l’auditoire, du locuteur ou de tiers (= acte perlocutoire, de per (« par »)) :
convaincre, effrayer, faire faire, … (Austin 1970/ 1962).
Le noyau dur de la théorie défendue par Austin est sans conteste la notion d’illocutoire, née, elle, en droite
ligne, d’une généralisation du concept de performatif. La spécificité de l’illocutoire repose sur l’exploitation
conjointe de deux axes d’oppositions : ± fonction dénotative, et respectivement ± conventionnel :
la distinction entre valeur (force) de l’énonciation et signification de l’énoncé (assimilée, elle, à la
dénotation (=sens + référence)) oppose l’illocution à la locution ;
la distinction entre conventionnel (produit de règles) et non conventionnel (produit des circonstances)
oppose l’illocutoire au perlocutoire, comme l’invariant au variable.
19
• Actes expositifs [expositives] : énonciations qui visent à exposer une manière de voir
les choses, à développer un argument, à tirer au clair l’usage d’un mot, ou le référent de celui-
ci (affirmer, nier, postuler, remarquer, décrire, témoigner, rapporter, etc.).
Désormais, quand nous emploierons le terme d’acte de langage (ou : acte de parole), nous nous référerons
aux seuls actes illocutoires (ou : illocutionnaires).
La postérité d’Austin élaborera davantage encore la théorie des actes de langage (= actes illocutionnaires).
Searle (1972 (1969)) s’attache à opérer la distinction entre proposition exprimée par l’énoncé et acte accompli
dans l’énonciation non seulement en termes d’actes (acte locutoire (notamment : rhétique) vs acte illocutoire),
mais également en termes de la structure syntaxique de la phrase énoncée (relativement aux actes
illocutionnaires mêmes); ainsi discriminera-t-il deux types de marqueurs : le marqueur de contenu
propositionnel et le marqueur de force illocutoire.
C’est là une distinction qui ne se laisse appréhender directement que dans le cas des performatifs explicites, où
la principale correspond au marqueur de force illocutoire, et la subordonnée enchâssée, au marqueur de
contenu propositionnel :
[F je te promets [p que je fermerai la fenêtre]] –
soit, dans la notation de l’auteur, pour l’acte de force F accompli à propos du contenu propositionnel p : F(p).
En vertu cependant du principe d’exprimabilité70, tous les énoncés se laisseraient réduire à des performatifs
explicites : Searle considère en effet qu’un marqueur de force illocutoire (préfixe performatif Je verbe
illocutoire) sous-tend, en structure profonde, tout énoncé (analyse qui correspond en tout point à l’
« hypothèse performative » des générativistes chomskyens (cf. Ross 1970)).
À la distinction actes/ marqueurs des actes il correspond, dans la théorie searlienne, la distinction règles
constitutives (des actes)/ règles sémantiques (dérivées des premières, et gouvernant l’emploi des
marqueurs d’actes). Cette distinction se laisse enchâsser dans une autre, d’ordre plus général : règles
constitutives (qui créent des activités dépourvues d’existence indépendante : les règles qui gouvernent les
jeux (football ou échecs au même titre), y compris les « jeux de langage » au sens de L. Wittgenstein) vs
règles normatives (qui ont pour objet des comportements/ actions qui existent indépendamment des normes
les régissant : à l’instar des règles de politesse, la signification des phrases est justiciable de conventions). Si
les conventions sémantiques dépendent des langues particulières, les règles constitutives des actes de langage
seraient universelles.
Elles définissent autant de conditions de succès des actes illocutoires :
• Condition de contenu propositionnel (propriétés du contenu propositionnel de l’acte :
action future de l’interlocuteur pour l’ordre, du locuteur, pour la promesse) ;
• Condition(s) préliminaire(s) (qui doivent être satisfaites préalablement, pour que l’acte
puisse être accompli : capacité de l’interlocuteur, pour l’ordre) ;
• Condition de sincérité (qui définit l’état psychologique du locuteur : désir pour l’ordre,
intention pour la promesse, croyance, pour l’assertion) ;
• Condition essentielle (qui définit le but illocutoire : amener l’interlocuteur à réaliser
l’action pour l’ordre, s’engager à la réaliser soi-même, pour la promesse, s’engager sur la vérité de la
proposition exprimée, pour l’assertion).
Dès qu’une règle constitutive est enfreinte, l’acte échoue, mais cet échec est différent suivant la règle
spécifique qui aura été violée.
Partant de la distinction explicite entre verbes illocutoires (qui ressortissent aux langues particulières) et actes
illocutoires (universaux de langage), l’auteur réévalue la taxinomie d’Austin, davantage un classement de
verbes que d’actes, et, qui pis est, ne reposant pas sur des principes/ critères de classement clairement définis
d’entrée de jeu, d’où force chevauchements inter-catégoriels. Aussi, la contribution de Searle consistera-t-elle
notamment à une recherche des critères de classement pertinents et surtout mutuellement consistants. Il en
isole douze, mais cinq seulement sont décisifs dans la classification à proprement parler :
70
Qui asserte que tout ce que l’on veut dire peut être dit littéralement (cf. Searle 1969/ 1972).
20
• Le but illocutoire (condition essentielle) ;
Mais pas : la force avec laquelle est présenté le but (qui varie selon le degré d’explicitation de l’acte, et, si
l’acte est explicite, selon le verbe employé : demander de/ exiger de/ ordonner de), ni le style de
l’accomplissement de l’acte (annonce vs confession).
• La direction d’ajustement entre les mots et le monde (concerne le contenu
propositionnel de l’acte, et représente une sous-composante (sinon une conséquence) du but
illocutoire : ajustement des mots, au monde, pour une assertion, ajustement du monde, aux mots,
pour une promesse ou un ordre) ;
Mais pas : les relations de l’énoncé aux intérêts du locuteur et de l’interlocuteur, ni les relations de
l’acte au reste du discours (réponse (→question), conclusion (→argument(s))).
• Le contenu propositionnel (les différences dans le contenu propositionnel qui sont
déterminées par des mécanismes liés à la force illocutionnaire : états de choses passés, pour le
rapport, états de choses futurs, pour la prédiction).
Mais pas : les différences entre actes essentiellement et non essentiellement linguistiques (qui ne
peuvent pas ou respectivement qui peuvent être accomplis y compris sans le dire : poser un diagnostic vs
prêter serment), ni entre actes institutionnels (excommunication, déclaration de guerre), et non
institutionnels, ni entre actes dont le marqueur (le verbe) est susceptible d’emploi performatif, et
actes dont le verbe n’est pas susceptible d’un tel usage (cf. se vanter, menacer).
71
Où l’élément ajouté à l’attitude fondamentale, qui est de l’ordre de la croyance, est de l’ordre du sentiment : insatisfaction
(PLAINTE), tristesse (LAMENTATION), y compris lorsque cette attitude est fonction de (voire redondante du) statut du
locuteur : culpabilité (EXCUSE), assurance/ sentiment de supériorité (CRITIQUE)…
72
Ce sont les performatifs d’Austin.
73
Formulations tout à fait naturelles avec « l’arme » ou « cette arme », à la place du sempiternel sel, et qui exigent
simplement la construction d’un contexte interprétatif spécifique, pour sembler naturelles telles quelles : si l’interlocuteur est
par exemple, un malade en régime hyposodique...
21
2.1. L’assertion. La phrase déclarative.
Nous avons fait état précédemment de nos réserves sur cette option métalinguistique (§1.4. supra),
aussi nous bornerons-nous ici à un rapport neutre de la théorie présentée.
Σ→ Const +P
Const → Affir
Affir → Intonaffir
Σ→ Intonaffir +P
P→ SN +SV
La transformation affirmative ainsi formulée est postulée pour rendre compte de l’hypothèse
fondamentale du modèle, la distinction entre structure profonde et structure de surface, même en
l’absence de différences directement observables en termes de contour prosodique marqué et/ou en
termes de l’ordre des éléments terminaux (mots76) : il n’y a donc plus de réécriture directe de la
phrase de base (affirmative active non emphatique).
74
Seraient dépourvus de contenu propositionnel certains actes expressifs réalisés au moyen d’interjections (Zut! Aïe !),
tandis que d’autres auraient un « contenu qui n’est pas une proposition complète, mais plutôt un objet de référence »
(Vanderveken 1988 : 30) : Vive la France !
75
Dont il est question dans la fable de La Fontaine. Dans le texte évoqué, le sujet est indéfini, et la phrase, ouverte par deux
compléments donnant le cadre spatio-temporel : Un beau jour, au fond d’un vallon, un serpent mordit Jacques Fréron. Ce type
de construction, à sujet non-topical, est une phrase thétique. Nous y reviendrons sous 3 (voir infra).
76
De toute manière, au niveau du noyau, en français, l’ordre des mots et affixes directement observable en surface, ne recoupe
pas directement l’ordre d’insertion lexicale des constituants terminaux sous les constituants syntagmatiques concernés (en
structure profonde issue de l’application incrémentielle, éventuellement récursive, des règles de réécriture) : (…) Aux (→affixe)
+ V (→racine) + SN, en structure profonde, contre racine+ affixe en structure de surface.
22
au premier degré la fin de la séquence linéaire (linéarisée). Cette corrélation reste cependant
sujette à caution, dans la mesure où, bien que le contour assertif soit, en français du moins,
descendant, les données prosodiques concernent l’ensemble de la phrase, et non seulement
sa fin.
Le constituant affirmatif est interprété comme une assertion dont P est le noyau (comme une assertion dont P
est le contenu propositionnel, en termes de la théorie des actes de langage).
L’assertion exprime l’attitude de croyance du locuteur à la vérité de l’état de chose décrit par son
énoncé (Théorie des actes de langage).
En termes de pragmatique inférentielle (Théorie de la Pertinence), l’assertion exprime une relation
descriptive entre la pensée du locuteur et un état de chose du monde –ou, en termes plus étoffés : la
forme propositionnelle de l’énoncé d’une phrase déclarative interprète (littéralement) une pensée du
locuteur qui est la description d’un état de chose réel.
Ces faits permettent de définir la relation entre phrase active et phrase passive : la transformation concernant
le marqueur sous-jacent de modalité Affir (en bref : la transformation affirmative) a lieu après la
transformation concernant le marqueur sous-jacent de Passif (ou : transformation passive), aussi le sujet de la
phrase passive (complément de la phrase active correspondante) sera-t-il interprété comme topique de
l’assertion que fonde le constituant Affir (c’est-à-dire : de l’assertion qui est l’interprétation sémantique du
Constituant Affir) :
Le serpent mordit Jacques Fréron [Topique : serpent, Jacques Fréron ⊂ commentaire] → Jacques
Fréron fut mordu d’un serpent [Topique : Jacques Fréron, serpent ⊂ commentaire].
Cf. Dubois et Dubois-Charlier 1970, chap. XV.
Bien que souvent, dans la littérature, les notions de topique et de thème, et respectivement, de
commentaire et de propos (ou : rhème), soient entendues comme synonymes, et comme instanciant en
quelque sorte ou bien la relation sujet/ prédicat, ou bien la relation information donnée/ information nouvelle,
une mise au point à cet égard s’impose. Les critères opérationnels pour la discrimination de ces couples
notionnels restent minimalement distincts.
Topique (ce qui est mis en position frontale, ce qui est annoncé en premier lieu par le locuteur)/
commentaire (ce qui est introduit après introduction du topique): distinction syntaxique
(positionnelle).
Thème (objet du discours)/ propos (ce qu’en dit le locuteur77) : distinction fonctionnelle (structure
fonctionnelle (= interprétative) des énoncés vs structure formelle des phrases).
Sujet/ prédicat : distinction grammaticale (fonctions grammaticales) et logique (sujet : terme
particulier, prédicat : terme général (Strawson78)).
77
Ou : rhème. Expression contenant l’information que le locuteur désire communiquer (au sens de l’école fonctionnaliste
praguoise (Firbas).
78
Strawson, Peter Frederik (1974) – Subject and Predicate in Logic and Grammar, Londres : Methuen.
79
Les exemples donnés dans la référence citée pour illustrer l’absence de correspondance terme-à-terme entre catégories
logico-sémantiques et catégories de l’analyse grammaticale sont en fait :
(i) Sujet logique ≠ sujet grammatical (Paul a été tué par Jean vs Jean a tué Paul, les deux phrases (active et passive) étant
censées se ramener, de l’avis des auteurs, à une même forme logique TUER (Jean, Paul)).
Puisque cette analyse ne correspond pas à la perspective adoptée ici, nous avons changé d’illustrations sur ce point
précis.
(ii) Prédicat (logique) ≠ verbe (L’homme est mortel : MORTEL (l’homme) ; Le piano est dans le bureau : DANS (le piano, le
bureau)).
23
réalisés par des séquences qui comportent des verbes, mais par des adjectifs (L’homme est
mortel : prédicat grammatical est mortel, où l’adjectif mortel est analysé come attribut du
sujet ; prédicat logique MORTEL), par des noms Anne est linguiste : prédicat grammatical est
linguiste, où le nom linguiste (en usage non référentiel – l’absence d’article en témoignant)
est analysé come attribut du sujet ; prédicat logique LINGUISTE) ou des prépositions (Le
piano est dans le bureau : prédicat grammatical est (sous analyse existentielle forte des
situatifs), ou est dans le bureau (sous l’analyse copulative); prédicat logique DANS, à deux
arguments internes sélectionnés : le piano et respectivement le bureau.
Typiquement, en français, les sujets sont des Thèmes, les Thèmes sont des Topiques, et Topiques et Thèmes
participent de l’information donnée (référents déjà introduits dans le discours), ce pourquoi ce sont (ou, pour
les Topiques, ils comportent), le plus souvent, des syntagmes nominaux définis.
Un énoncé tel Un serpent mordit Jacques Fréron sera donc (toutes choses égales par ailleurs80) moins
acceptable que sa contrepartie à sujet défini Le serpent mordit Jacques Fréron.
•question-écho (valeur marginale, non prototypique) : on n’aura pas bien entendu, on veut se faire
répéter/ préciser une partie de l’énoncé de l’interlocuteur.
Exemple :
A : Je vais fermer la fenêtre.
B : Tu vas faire quoi ? (intonation montante)
Syntagme qu- : focalisé (=foyer d’information nouvelle), liant une variable (soulignée dans les exemples ci-
après) dont la réponse fixera la valeur, au cas par cas. Le reste des éléments de la phrase interrogative
ressortissent aux informations présupposées (=déjà acquises).
Qui est là ?/ présupposé : ‘quelqu’un est là’.
Où est-elle ?/ présupposé : ‘elle est quelque part’.
80
Le vers de La Fontaine se prête justement à une analyse différente, du fait des adverbiaux de cadre qui ouvrent la phrase :
Un beau jour, au fond d’un vallon, un serpent mordit Jacques Fréron.
81
Roum. ba da. Réponse affirmative à une question oui/non de forme négative.
82
Distinction définie en terme de portée.
83
Distinction purement interprétative : réponses visées.
24
Des notions corrélatives proches mais (minimalement) distinctes.
Interrogation comme acte de langage indirect (stratégie communicative): Je ne trouve pas ce livre
(comparer cette assertion à la question appel d’information : Où est ce livre ?).
Intonation ascendante suspensive (sans modification aucune dans l’ordre des mots) : Il est
toujours là, votre mari ? (comparer à : Il est toujours là, votre mari – à intonation déclarative
descendante).
Et inversion du sujet :
Inversion simple du sujet clitique: <verbe-clitique86 sujet> (trait d’union obligé : Es-tu
encore là ?; insertion d’un -t- euphonique après un verbe finissant en voyelle : A-t-il compris ?
Parle-t-elle toujours aussi fort ?) ; inversion de je : systématique au futur et au conditionnel
(dirai-je, pourrais-je, …) ; rare après le présent de l’indicatif (liste fermée : ai-je, suis-je, sais-je,
fais-je, dis-je, dois-je, puis-je, vais-je, veux-je, vois-je ; éviter après d’autres monosyllabes :
*cours-je, *mens-je, *pars-je, *sors-je, …).
Inversion complexe : <sujet nominal + verbe-clitique sujet> (Paul est-il encore là ?).
Et Est-ce que (version interrogative du présentatif c’est que+ structure phrastique87) : Est-ce que
Paul est là ?
84
Information commune à une question et à sa réponse.
85
Marqueurs indicatifs vs descriptifs.
86
Pour la mémoire : sont appelés clitiques les pronoms atones (=non accentués) qui présentent une contrainte d’’adjacence
au verbe. Seuls peuvent intervenir entre un clitique et le verbe d’autres clitiques. Clitiques sujets : je, tu, il, elle, nous, vous,
ils, elles (pronoms personnels sujets) et ce (démonstratif sujet). Ainsi, entre je (clitique sujet) et ai (auxiliaire de temps)
peuvent licitement intervenir les clitiques objets (le lui) et ne (négation clitique) : Je ne le lui ai pas rendu.
87
Construite par inversion simple du sujet clitique ce.
25
(porteur de l’accent focal). Dans ce second cas de figure, selon l’analyse générative-
transformationnelle standard, l’intonation ne serait plus guère un marqueur actuel de l’interrogation.
Mot interrogatif & inversion du sujet :
Inversion simple du sujet clitique (trait d’union obligé : Que disait-il ? Qui cherchez-
vous ? Qui est-ce ?88),
Inversion simple du sujet non clitique (pronominal ou nominal) 89 – sans trait d’union:
Que disait celui-là ? Que disait cet homme ? Quand est parti Jean (pour Londres) ?).
Inversion complexe : Quand Paul repartira-t-il ?
Mot interrogatif & est-ce que : Quand est-ce que Paul repartira ?
Qui [+humain] est-ce que [-sujet] tu as rencontré ? Qu’ [-humain] est-ce que [-sujet] tu racontes ?
Qui [+humain] est-ce qui [+sujet] veut encore partir ? Qu’[-humain] est-ce qui [+sujet] arrive ?
Inversion (simple) du sujet clitique/ inversion (simple) du sujet non clitique : distributions distinctes
(→structures syntaxiques bien différentes !)
2.2.3.2.1.1.Cas particuliers.
2.2.3.2.1.1.1. Inversion exclue : mot qu- sujet (qui : Qui l’a dit ?).
{Pas d’inversion : variante préférée/ inversion complexe : variante permise} : mot qu- ⊂
sujet (combien de…, quel…, lequel de(s)…).
- Combien de gens l’ont vu ?
- Quel témoin a vu l’accusé ? Quelle folie avait pris Clémence ?
- Lequel de ces enfants a vu l’accusé ? Lequel de ses romans vous paraît le meilleur ?
[variantes préférées – exemples (et sanction normative) empruntés à Hanse 1991 : 526]
Mot qu- attribut (Qui êtes-vous ?, Qui est cet homme ? Quelle sera votre décision ?) ou ⊂ attribut
(Quelles gens êtes-vous ? Quelles gens sont les Dupont ?)
Sujet= SN [+humain] Attributs du sujet en Qui est cette femme ? Quelle est cette femme ?
variation libre :
Qui / Quel
Sujet= pronom personnel Attribut du sujet à choix Qui suis-je ? *Quel suis-je ?
[+personne, ± locuteur] contraint : Qui sommes-nous ? *Quels sommes-nous ?
Qui/ *Quel(le,s) : Qui es-tu ? *Quel es-tu ?
Qui êtes-vous ? *Quels êtes-vous ?
Sujet= SN [-humain] Attribut du sujet à choix *Qui est cette voiture ? Quelle est cette voiture ?
88
Inversion de je courante pour les verbes de la liste déjà mentionnée (ai-je, suis-je, sais-je, fais-je, dis-je, dois-je, puis-je,
vais-je, veux-je, vois-je : Pourquoi ai-je fermé ce tiroir à clé ?) ; rarissime (tour très marqué, en particulier à l’oral), avec les
verbes en -e → -é ( ?Pourquoi hésité-je ? /OKPourquoi est-ce que j’hésite ?).
89
Souvent appelée, dans la littérature : inversion stylistique. Les opérations stylistiques étant par hypothèse supposées être
optionnelles, seuls les cas où cette inversion est optionnelle devraient être nommés ainsi.
.
90
Hanse, Joseph (1991) – Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne, Paris-Louvain-la-Neuve : Duculot,
deuxième édition mise à jour et enrichie.
26
contraint :
*Qui/ Quel
QueCOD (Que disent-ils ? Que veulent ces gens ? Que vont dire ces gens ?)
Où est + SN (Où est votre guitare ? Où avait été votre guitare ?)
Négation excluant l’inversion simple du sujet non clitique: Depuis quand votre ami ne dort-il
plus ?/ *Depuis quand ne dort plus votre ami ? Comparer à : Depuis quand votre ami dort-il?
OKDepuis quand dort votre ami? Depuis quand s’est endormi votre ami ?
Négation & mot qu- ⊂ sujet (→négation excluant l’absence d’inversion): Combien de… ne pas
(Combien d’entre vous ne l’ont-ils pas fait ?), Quel… ne pas (Quels étudiants n’ont-ils pas compris
l’explication ?).
Pourquoi, En quel sens excluant l’inversion simple du sujet non clitique : *Pourquoi rient les
enfants ?/ OKPourquoi les enfants rient-ils ? *En quel sens parlent les fleurs ? / En quel sens les fleurs
parlent-elles ?
Pour éviter l’équivoque :
éviter la séquence <Verbe + SNi+ SNj> : *Où a trouvé Pierre ce livre ? OKOù Pierre a-
t-il trouvé ce livre ? *À qui a donné Pierre ce livre ? OKÀ qui Pierre a-t-il donné ce
livre ?
éviter les phrases à deux arguments nominaux directs (=sans préposition)
[+humain]: ???Quel ami [sujet ? COD ?] soupçonne votre fils [sujet ? COD ?]?/ OK Quel
ami votre fils soupçonne-t-il ?
Ce n’est pas évident que l’interdiction des séquences <V + sujet+attribut (du sujet, de l’objet)>
tombe sous le même principe (éviter l’équivoque au niveau notamment de l’interprétation des
fonctions grammaticales). En effet, si, dans le cas de l’attribut de l’objet on peut alléguer (à la limite),
comme facteurs de risque sémantique (interprétatif), l’adjacence du sujet nominal inversé et de l’objet
non clitique92, ou, si l’objet est, lui, un pronom clitique, l’adjacence du sujet et de l’attribut accordé
avec l’objet :
- *Quand laissera celui-là [sujet inversé] les enfants [objet]
tranquilles [attribut de l’objet]?/ OKQuand celui-là laissera-t-il les enfants
tranquilles ?
- *Quand nous [objet clitique] laissera celui-là [sujet inversé]
tranquilles [attribut de l’objet]?/ OKQuand celui-là nous laissera-t-il
tranquilles ?
Pas d’inversion :
Sujet pronom clitique (personnel, ce, on) : Je ne sais où il est/ pour quand c’est.
91
Avec, en sus de la lecture littérale compositionnelle (réponse attendue (par exemple): prof d’anglais), une lecture
idiomatique (disant à peu près la même chose que : Comment va-t-elle ?). Traduction en roumain : Ce mai face ?.
92
Même cas de figure donc que <Verbe + SNi+ SNj>.
27
Inversion simple du sujet non-clitique obligée :
Mot qu- atribut, sujet SN (non clitique) : Je ne sais quel est votre avantage. Je me demande qui
est cet individu.93
2.2.3.4. Tours familiers : préserver l’ordre des mots de la phrase déclarative, éviter l’inversion.
Terme interrogatif en position de base : Tu vas où ? Vous attendez qui ? Tu pars quand ? Tu regardes
quoi ?96
Terme interrogatif en tête de phrase, renforcé par c’est qui/ que (éviter l’inversion de est-ce (que/
qui)) : Quand c’est que tu pars ? Qui c’est que tu attends ? Qui c’est qui a cassé le vase ?
!!!*Que c’est que …
Terme interrogatif (qu-) + que (abréviation de Qu- +est-ce que) : Où [est-ce] que tu vas ?
Quand [est-ce] que tu reviens ? Qui [est-ce] que tu attends ?
C’est quand que tu pars ? C’est qui que tu attends ? C’est où que tu vas ?
??
C’est quoi, que tu veux ? [comparer à : quoi que (tu veuilles), quoique(tu veuilles
bien y aller)…]
??
C’est qui qui arrive ?
2.2.4. Pragmatique de l’interrogation→ pour détails, voir cours de linguistique voué à la pragmatique
(Licence, semestre 6).
Tout énoncé implique aux moins deux relations : une relation entre la forme propositionnelle de l’énoncé
et une pensée du locuteur (son «intention informative ostensive»), et l'une des quatre relations possibles entre
une pensée et ce que cette pensée représente.
Une pensée, comme toute représentation mentale douée d'une forme propositionnelle, peut être utilisée
descriptivement, ou interprétativement.
Quand elle est utilisée descriptivement, une pensée peut être la description d'un état de choses réel, ou
celle d'un état de choses désirable.
Utilisée interprétativement, une pensée peut être l'interprétation d'une pensée attribuée (ou d'un
énoncé attribué) à quelqu'un, ou bien l'interprétation d'une pensée qu'il serait désirable d'entretenir d'une
certaine manière : en tant que connaissance, par exemple. D'où les cas de figure ci-contre :
28
pensée qu'il représente ;
IRONIE : relation interprétative entre la pensée du locuteur et des pensées ou des
énoncés attribués ;
ASSERTION : relation descriptive entre la pensée du locuteur et un état de choses du
monde ;
DEMANDE,
CONSEIL : relation descriptive entre la pensée du locuteur et un état de choses
désirable;
QUESTIONS,
EXCLAMATION : relation interprétative entre la pensée du locuteur et des pensées
désirables –
cf. Sperber et Wilson 1989: 347-348.
2.2.4.2. Valeur argumentative : orientation vers le négatif (Il fait beau maintenant [→sortir], mais fera-t-il
beau ce soir [→ne pas sortir]?).
Dans tous ces cas de figure, la réponse visée par l’interro-négatif (réponse préférée) sera : Si/
réponse non préférée : Non/ réponse exclue : *Oui.
L’exclamation exprime « un sentiment vif devant un événement » - Dubois & Lagane 1997 (1973) : 161), « une
attitude affective du sujet parlant à l’égard de l’état de chose évoqué par son énoncé » (Riegel, Pellat & Rioul
2008 (1994): 387), bref, une réaction affective du locuteur, de l’ordre de l’admiration98 ou du dégoût99, de
l’approbation100 ou de l’indignation101, de la joie102 ou de la peur103, du souhait104 ou du regret105, mais aussi de
l’ordre de l’incrédulité, de l’étonnement106 etc.
Cette approche, en termes des fonctions du langage dans la communication (approche traditionnelle que
nous appellerons de ce fait : fonctionnelle) refuse à l’exclamation à la fois la dimension actionnelle (acte de
langage), et la portée cognitive (selon l’opposition cognitif/ affectif), et, le plus souvent, intègre exclamation et
interjection à une même catégorie :
97
Fonctions du langage, au sens de Karl Bühler.
98
Qu’il est beau, le lavabo ! (Ah ! [interjection+] Qu’il est beau ! [exclamation])
99
Qu’il est laid, le bidet ! (Pouah ! [interjection+] Qu’il est laid ! [exclamation])
100
C’est parfait ! [exclamation]
Tant mieux ! C’est cela (+ça) ! Ça va ! [exclamations brèves, fortement lexicalisées, souvent analysées comme interjections]
Bravo ! [interjection]
101
Ça, par exemple ! Ça alors ! [interjections]
Ça alors ! [interjection +] Vous l’avez assommée, imbécile ! [interjection +exclamation]
102
Ah [interjection+], elle est là, ma bien-aimée ! [exclamation]
103
Oh [interjection+], elle est là, la mégère ! [exclamation]
104
Ah [interjection+]! Si elle était encore là ! [exclamation]
105
Hélas [interjection+], elle est déjà partie, votre Dulcinée ! [exclamation]
106
Tiens [interjection+]! Il pleut ! [exclamation]
Ça alors [interjection+] ! elle n’est plus là ! [exclamation]
Lui, voler un parapluie!
29
- soit en définissant d’emblée les interjections comme espèces d’exclamations (l’exclamation étant
entendue, elle, comme modalité « de l’énoncé » (vs type de phrase), à côté non seulement de
l’affirmation ou de la négation, de l’interrogation, de l’ordre ou de la défense, du souhait ou du regret,
mais aussi du doute, de la possibilité et de l’éventualité): « exclamations brèves, parfois faites d’un
simple cri, destinées à mettre en relief un sentiment ou un geste », parfois envisagées en tant que
classe grammaticale (Mauger 1968 : 382),
- soit en assimilant, en second, les interjections aux phrases exclamatives (« les interjections, dont la
fonction est d’exprimer un sentiment plus ou moins vif, peuvent être assimilées à des phrases
exclamatives » – Dubois & Lagane 1997 (1973) : 162).
Dans le classement des actes de langage proposé dans Searle (1972 (1969)), l’exclamation n’est pas
mentionnée en tant que telle, mais la description des actes EXPRESSIFS se laisse extrapoler à
l’exclamation : ce sont des actes typiquement réalisés par des phrases exclamatives (excuse, la
critique, félicitation, condoléances, remerciements…), et qui expriment une attitude psychologique de
l’ordre de la croyance (à l’instar des actes représentatifs, dont l’assertion), augmentée d’un élément
de l’ordre du sentiment (insatisfaction (PLAINTE), tristesse (LAMENTATION), y compris lorsque cette
attitude est fonction de (voire redondante du) statut du locuteur : culpabilité (EXCUSE), assurance/
sentiment de supériorité (CRITIQUE)…) –soit, en notation : « croyance + y ».
Ce qui est remarquable dans cette analyse, c’est que cognitif et affectif y sont réunis plutôt qu’opposés
l’un à l’autre (à l’encontre de l’analyse traditionnelle en terme des fonctions du langage (fonction expressive).
Exclamation = Assertion + « quelque chose en plus » (Antoine Culioli – théorie des opérations
énonciatives108)
La forme propositionnelle de l’énoncé d’une phrase exclamative (graduelle) interprète une pensée qui est elle-
même l’interprétation d’une pensée désirable (assigner une valeur à la variable liée par le mot exclamatif :
pertinent pour l’interlocuteur/ assigner une valeur à la variable liée par le mot interrogatif : pertinent pour le
locuteur).
Sous cette analyse, l’exclamation (ou plutôt : la forme moins que propositionnelle car incomplète de
l’énoncé exclamatif) fournirait une interprétation de l’assertion du haut degré/ du degré extrême
107
L’interro-exclamatif y exprime alors, à la fois, l’état de non savoir préalable du locuteur (alternatives épistémiques ouvertes : ‘Elle est
déjà partie’ (OUI)/ ‘Elle n’est pas encore partie’ (NON)), et son attitude subjective, de l’ordre de l’incrédulité face aux indices situationnels
pointant vers la première de ces alternatives (OUI), de l’ordre du regret que tel puisse être le cas, de l’ordre du souhait que ce soit plutôt
l’autre alternative qui se réalise, … :
A : La voiture de Marie n’est plus dans le parking.
B : Elle est déjà partie ?!
A : Oui, elle est partie plus tôt que prévu.[réponse non préférée]/ Non, elle est en réunion. Sa voiture est chez le
garagiste. [réponse attendue/ espérée]
Remarquer que, si l’interrogation totale à inversion du sujet (clitique) semble exclusive de ce cumul de valeurs modales, tel n’est pas le
cas des questions QU- : Mais quand/ où a-t-elle bien pu partir ?!.
La question se pose de savoir comment l’interrogation (alternatives épistémiques polaires (OUI/NON) activées à la fois) survit alors à
l’exclamation (qui n’en active par hypothèse qu’une seule, sur le mode de l’évidence).
si l’ajout de l’exclamation achève de convertir une question a priori non orientée en question orientée, et, le cas échéant, s’il s’agira d’une
sorte de question appel de confirmation (comparable à Elle n’est pas encore partie, n’est-ce pas ?, mais en l’occurrence plutôt empreinte
du regret (pour son départ précoce)/ souhait qu’elle ait été encore là (‘pourvu qu’elle ne soit pas partie !’) ou bien d’une question
rhétorique au sens usuel .
108
CULIOLI, Antoine (1974) – «A propos des énoncés exclamatifs », Langue Française n°22, Paris : Larousse.
30
correspondante – de même que la (forme moins que propositionnelle car incomplète de la) question
QU- fournit une interprétation de la réponse.
Mondes possibles :
(1) totalité inconditionnée de faits non contradictoires (le monde actuel = un monde possible parmi une infinité
d’autres : extension infinie du POSSIBLE, POSSIBLE intemporel) ;
(2) l’ensemble des mondes alternatifs du monde m0 de ce qui est ; ces mondes alternatifs ne diffèrent
de m0 que par une proposition ou par un ensemble de propositions qui s’y trouvent non vérifiées (conception
temporelle du POSSIBLE).
Mondes potentiels (m): ne contiennent aucune proposition contradictoire avec celles de m0 (mondes
qui présentent comme vrai ou comme faux ce qui apparaît dans m0 comme possiblement vrai ou
comme possiblement faux110).
Le « monde des attentes » : chaîne privilégiée ayant toutes les chances de se réaliser (parmi le champ
infini des possibles ouverts en t0). L’un seulement des mondes possibles deviendra « le monde de ce
qui est », quand l’avenir sera lui aussi devenu du passé.
Mondes contrefactuels (―m111): contiennent au moins une proposition contradictoire avec celles de m0
(et donnent donc pour vraie une proposition admise dans m0 comme fausse112).
Univers de croyance : l’ensemble indéfini des propositions que le locuteur, au moment où il s’exprime, tient
pour vraies ou qu’il veut accréditer comme telles113.
Indéfini : parce que toutes ces propositions ne sont pas explicitées (propositions latentes tenues pour
respectivement vraies ou fausses).
Variable selon les informations que le locuteur possède (connaissances acquises, faits mémorisés : la
même phrase, énoncée par des locuteurs différents, aura des contenus plus ou moins précis).
Distinct de la notion d’univers de discours (=ensemble des circonstances dans lesquelles une
proposition peut être dite vraie (circonstances décrites par des adverbiaux de phrase (sous l’Ancien
Régime, p) ou fournies par le co(n)texte interprétatif)).
Univers de croyance vs image d’univers : au lieu de conférer lui-même à une proposition une valeur de vérité,
le locuteur peut situer cette proposition dans quelque univers qu’il évoque. La représentation, dans le discours
(du locuteur), d’un univers de croyance qui n’est pas le sien ici-et-maintenant, est appelée image d’univers.
Images d’univers : notion qui ‘couvre toutes les modalités épistémiques’ (p. 20)
Hétéro-univers (U’, U’’…) : l’ensemble de propositions que tient pour vraies celui dont le locuteur
rapporte les dires, la pensée ou la croyance (« l’énonciateur ») ; ou bien l’univers du locuteur en un
temps autre que t0 (le temps de l’énonciation).
109
MARTIN, Robert (1987) – Langage et croyance. Les univers de croyance dans la théorie sémantique, Bruxelles : Mardaga.
110
Il est possible que Pierre soit revenu évoque un monde où Pierre est revenu est une proposition vraie.
111
Noté, dans le texte comme m barré.
112
Si Pierre avait réussi laisse entendre que Pierre n’a pas réussi, sa réussite étant évoquée dans un monde contrefactuel (¯m – je
n’arrive pas à « dessiner » la barre sur la lettre !!!).
113
Mais il est évident, le long de l’ouvrage, que l’auteur emploie le terme, à l’occasion, dans son acception la plus large (la plus naturelle
aussi) de terme complexe s’appliquant à tout sujet de conscience : ainsi, Uil est-il censé noter « l’univers de croyance de il » (table des
abréviations et des symboles).
114
Avec le passé simple (sans verbe modal désidératif), le contexte est transparent : dire qu’Œdipe épousa Jocaste, c’est dire qu’il
épousa sa mère (même si Œdipe ignorait l’identité référentielle /Jocaste = sa mère/).
115
Ne sachant pas que la femme appelée Jocaste était également sa mère.
31
à une personne autre que je, les verbes d’attitude propositionnelle (croire, penser…) et les
verbes de parole (dire que, demander si…) ;
à la première personne du singulier (je), les verbes d’attitude propositionnelle (ou de parole)
à un temps autre que le présent (de l’indicatif) : je pensais alors que p, je m’imaginais que p,
je vous avais dit que p…
le conditionnel dit de l’information incertaine (de distanciation – n.n.).
Anti-univers (―U) : l’ensemble des propositions qui, quoique fausses en t0, auraient pu être vraies
(=que l’on imagine être vraies), donc l’ensemble des propositions vraies dans des mondes
accidentellement contrefactuels. Ex. : Si Pierre avait réussi (Pierre n’a pas réussi ∈ Uje, Pierre a
réussi ∈ ―U).
À distinguer des propositions fausses qui ne sauraient être vraies en t0 (car étant le fruit de la
seule imagination du locuteur : Si Napoléon était au pouvoir… (prononcée en 2011)), et qui
définissent des mondes esentiellement contrefactuels.
Image de l’univers de croyance116 (description de l’univers actuel du locuteur : Je crois que p, Je sais
que p).
Image (en ligne) d’un univers ‘anonyme’ (modalisateur épistémique renvoyant anonymement au
certain, au vraisemblable, … : Il est certain que p – énoncés à pronom sujet impersonnel (explétif il);
d’où sans doute l’idée que la prise en charge par un énonciateur spécifique (locuteur actuel117, ou
autre118) serait complètement dépourvue de marquage linguistique).
Commentaire :
Cette analyse ignore l’apport sémantique de la forme verbale (traits de temps-aspect-mode
(TAM)), au codage linguistique (grammatical) de la prise en charge par le locuteur actuel (ici:
présent de l’indicatif).
J’avoue ne pas saisir la portée pragmatique exacte de cette distinction, puisqu’en disant il est
certain que p (vs on est certain que p : hétéro-univers de la ‘voix publique’ si ce n’est d’un
énonciateur identifiable dans l’environnement cognitif du locuteur et/ou en situation de
discours), le locuteur assume cette certitude autant – sinon plus – que lorsqu’il dit je crois
que p, je sais que p).
Notation en usage :
116
Sorte d’image d’univers ‘en ligne’, toutes les autres étant ‘hors ligne’.
117
Comparer à Je crois que p
118
Comparer à Paul croit que p.
119
Rappel : on est un pronom de troisième personne qui désigne toujours des humains (= ‘n’importe qui’, ‘tout le monde’, ‘les gens’), ne
s’emploie qu’en tant que sujet, et commande un accord du verbe au singulier : Quand on veut, on peut.
Emplois particuliers (avec diverses valeurs de style) :
on = ‘je’ (On fait ce qu’on peut),
on = ‘tu’, ‘vous’ (Alors, on fait l’intéressant ?),
on = ‘nous (moi +d’autres)’ – accord de l’attribut du sujet ou du participe passé avec le sujet réellement visé : On est arrivés en retard).
Cf. Dubois & Lagane 1997 (1973) : 90-91).
Remarque : Dans toutes ces interprétations marquées, la langue familière accepte l’accord référentiel avec le sujet visé pour
l’adjectif attribut, le participe passé du verbe, jamais toutefois pour le verbe porteur de l’information de temps et de personne.
C’est là un indice à proprement parler linguistique de la sémantique ‘déviante’ du pronom.
Si – selon interprétations ‘marquées’ de on – la référence du pronom personnel [+humain] à sémantique référentielle vague se laisse
dévoiler discursivement (en présence, éventuellement, d’indices linguistiques (tel l’accord), ou textuels (co-texte intra-phrastique:
apostrophe, exposant participant d’une stratégie allocutive, …) : on est certaine/ certains de ce que l’on avance, mon petit/ ma petite
fleur/ mes petits, n’est-ce pas ?) il s’agira de l’hétéro-univers d’un énonciateur identifiable dans l’environnement cognitif du locuteur
et/ou en situation de discours (l’interlocuteur, ou l’interlocuteur et/ou un (des) tiers), à moins que on ne désigne le locuteur lui-même ou
le locuteur lui-même et un (des) tiers : auquel cas nous serons présentés avec une image (en ligne) de l’univers de croyance (du
locuteur). Jamais pourtant avec ce que Martin 1987 appelle image d’un « univers anonyme ».
120
Comparer : En résumé, pour vous, il est bien certain que p.
32
Ui (univers d’un locuteur donné à l’instant i)/ Ui+k (univers d’un locuteur donné à l’instant i+k)/ Uje
(univers du locuteur (actuel)), U’ (image d’univers) ; U’je (univers du locuteur en un temps autre que
t0), Uil (univers de de il), Uon (univers ‘anonyme’ [ ?] – s’agirait-il de la voix publique [comme dans les
dictons et autres proverbes] ?).
2.3.1.3.2. Classement des phrases exclamatives (Martin 1987 : chap.7) & réalisateurs.
2.3.2.1. Formants qui se rattachent directement au composant « p assertée avec force dans le monde de ce
qui est mo » (formes qui assertent p ou évoquent p (même quand elles interrogent non-p):
2.3.2.1.1. [structure de phrase assertive] Mais elle est là ! (en réponse et s’opposant à une assertion de
l’interlocuteur : Marie ne viendra pas.)
Comparer à l’assertion (enchaînement en discours homogène): {Nous ne l’attendions pas,/ Elle n’a pas
été invitée,} mais elle est là.
2.3.2.1.2. [structure de question rhétorique (équivalent fonctionnel d’une assertion, du fait du caractère
fortement orienté de la réponse122) – formes finissant en n’est-ce pas ?, non ?, pas vrai ? exclues !]
Mais enfin, n’était-il pas présent quand la décision a été prise ! Comparer à la question inversive
correspondante (une question à réponse orientée): N’était-il pas présent quand la décision a été prise ? (= il
était présent quand la décision a été prise, n’est-ce pas ?)
Comment est-ce possible ! Comparer à la question rhétorique correspondante : Comment est-ce possible ? (=
« ce n’est pas possible ») →exclamation contradictoire : le réel contredit les attentes du locuteur.
Si elle était là ! Si elle est là ! Noter la troncation, l’effacement de la proposition racine : l’interrogation est
attribuée à quelqu’un d’autre, la mise en doute interrogative est présentée comme injustifiée, car se heurtant à
l’évidence des faits. Comparer à la question indirecte oui/non correspondante : Vous vous demandez
[maintenant] si elle était là [alors].
Tours non tronqués : Vous pensez si elle était là ! Pensez si elle était là ! (« bien sûr qu’elle était là »)
Malgré la forme d’interrogation indirecte, vous pensez si (à la différence de vous savez si123) est
confiné à l’exclamation.
121
Exemples de l’op.cit. (sauf stipulation).
122
Selon l’inversion de polarités : réponse affirmative à une question négative (N’est-elle pas charmante ?), et négative à une question
affirmative (Le vois-tu là ?).
123
Qui exprime l’ignorance du locuteur, quant à la valeur de vérité de la proposition elle était là.
33
Et [sujet] qui ne [Verbe] pas ! « ajout d’un argument négatif » : Et Tristan qui n’est pas là ! (GM :
406)
[exclamation non graduelle & emphase par dislocation du Topique] : La grammaire, je ne m’en lasse
jamais ! (GM : 406)
[exclamation non graduelle renforcée par apostrophe et/ou interjections] : Quoi !124 cette nuit ne finira
donc pas ! (Bernanos, apud GM : 407). Octave !125 (…) tu as un pied de rouge sur les joues ! (Musset,
GM : 406).
2.3.2.2. Formants qui se rattachent au composant « fausseté de p dans quelque monde contrefactuel (relevant
d’une image d’univers U’) »
[Subjonctif de protestation]: Moi, héron, que je fasse une si pauvre chère ! (« je ne ferai pas… »)
[Infinitif d’exclamation]: Moi, renoncer à mon projet ! (« je ne vais pas renoncer … »).
Voir Naples et mourir ! (« Si je voyais Naples je pourrais bien mourir, cela ne me ferait rien »
(→infinitif de souhait)).
2.3.3.1. [Formants qui se rattachent au composant « fausseté de p dans au moins un monde contrefactuel
(relevant d’une image d’univers U’ ) »]
2.3.3.1.1. [formes interrogatives : questions oui/non directes (inversion simple du sujet clitique), indirectes (si
dubitatif)]
Ces formes « suggèrent » (je dirais plutôt, ici : connotent) la fausseté de p dans au moins un monde possible
(comme il en va en général des questions fermées (interrogations totales : « le locuteur ignore si p si et
seulement si, à ses yeux, p est faux dans au moins un monde possible » (de son univers de croyance – op. cit.,
p. 24)126) ; l’intonation exclamative indiquera, elle, que p est de fait vrai dans tous les cas, même dans le
cas où on pourrait le supposer être faux (cas extrême).
Est-elle charmante !
Si elle est charmante !
2.3.3.2.1. [formes interrogatives : questions qu- directes (portée sur le syntagme nominal dans son entier
exclue ; il n’ya pas d’exclamation qui corresponde à une QAI ouverte (interrogation partielle) telle : Qui a été
désigné comme juge ? #Qui a été désigné comme juge !); signification des exclamatives morpho-
syntaxiquement semblables aux interrogatives partielles : écart quantitatif en nombre ou écart en intensité
de la propriété)]
Quel juge a été désigné ! [→bien mauvais, en tant que juge : écart quantitatif en intensité de la
propriété : noter les données prosodiques distinctes de la phrase interrogative correspondante127]
124
Interjection.
125
Apostrophe.
126
Ce qui revient à reformuler en termes de mondes possibles la sémantique des questions fermées OUI/NON.
127
Quel juge a été désigné ? (accent focal sur quel, montée de la courbe intonatoire sur le même mot, descente sur juge)/ Quel juge a
été désigné ! : départ bas sur quel, montée de la courbe mélodique sur juge (le prédicat quantifié quant à l’intensité de la propriété : ici,
de la qualité de juge).
34
Condition nécessaire : propriété « attachée de manière durable » au sujet (définition d’une
« classe de référence »)128. Comparer :
Quelle fille fatigante ! /*__________fatiguée !
Quelle fille maladive ! /*_________ malade !
Selon Martin 1987, il s’agirait au contraire d’une pseudo-subordination, à l’instar des tours Ce
qu’elle est charmante ! Qu’elle est charmante !. Le tour serait glosé à: « Que [que1 suspensif129,
provoquant le parcours des possibles] cela est, à savoir que [que2 appositif] p (= (qu’) elle est
charmante) ».
Glose bien plus difficile (moins naturelle) pour : Qu’est-ce qu’il a écrit comme bouquins !
[quantification d’objets vs intensité de propriété], où que2 n’est plus appositif, mais relatif
( ??« que cela est, ce qu’il a écrit comme bouquins »).
L’auteur met en garde cependant que, malgré l’apparente relation de parenté formelle entre qu’est-ce
que P !/ ce que P !/ que P !, qu’est-ce que p ! n’est pas à l’origine de ce que p, ni de que p (par
troncations successives) – cf. note 22, chap.7, op.cit. (les données diachroniques s’y opposeraient :
qu’est-ce que p ! attesté le plus tard).
Nous adopterons ici l’analyse plus directe selon laquelle que1 est un adverbe intensificateur
QU- (‘à quel point’, ‘combien’) (vs conjS), analyse conforme à l’avis des dictionnaires de
langue.
Sous cette analyse, le rapport à l’interrogation n’est plus directement pertinent en synchronie:
la phrase exclamative comporte un ouvreur d’alternatives épistémiques à proprement parler
exclamatif (spécialisé pour l’exclamation) – ainsi qu’il est aisé de le prouver : *Qu’est-ce
qu’elle est belle ? (avec l’interprétation visée ici pour que : « à quel point » vs
« pourquoi »130) ; comparer à À quel point est-elle belle ? insolite sémantiquement si ce n’est
pragmatiquement (À quel point est-elle intelligente ? c’est bien mieux comme acceptabilité),
mais grammatical.
C’est là une analyse sémantique de type ‘what you see is what you get’ qui n’exige
plus d’implicite laborieux (rasoir d’Occam131).
En général, postuler des ‘opérations énonciatives’ trop étoffées en amont de ce qui se laisse
effectivement observer (lien entre opérations sous-jacentes et formes observées rétabli à
coup de troncations) participe d’une politique assez douteuse : comment en effet traiter les
troncations requises – en ligne, il faudrait y voir des ellipses (avec tout ce que cela comporte
de restrictions en syntaxe et sémantique grammaticale) ; hors ligne, ce ne sont ni plus ni
moins que des évolutions diachroniques.
Cela vaut (plus ou moins) de l’ensemble des analyses de Culioli (1974, 1992) et de Martin
(1987).
Quant aux phrases exclamatives en Qu’est-ce que… à sémantique de quantification d’objets (que2 relatif),
également analysées dans la référence commentée en termes de pseudo-subordination, nous en rapprocherons
plutôt la forme des questions appel d’information à complément de relation telle Qu’est-ce qu’il a écrit(,)
comme bouquins ? – à réponses visées non du type de : Il a écrit des romans (spécification de l’espèce de
bouquins (prédication sortale)) mais du type de : Il a écrit les romans suivants : « … », « … » … (énumération
des bouquins écrits (titres) : référence à des particuliers) & glissement d’une lecture qualitative
(d’identification : énumération de particuliers) à une lecture quantitative (nombre de(s) particuliers
(énumérés)132.Mais ce rapprochement n’est lui-même pas entendu comme pertinent en synchronie, du moins
128
Op. cit., p. 107.
129
C’est-à-dire : qui suspend la valeur de vérité : dans une subordonnée (Je crois que Marie est charmante), le que initial (en termes
génératifs : complément(is)eur) suspend la valeur de vérité de la proposition : c’est par le truchement de la principale que la
subordonnée peut se voir assigner une valeur de vérité).
130
Olivier et Roland, que n’êtes-vous ici ? (Hugo, apud Nouv. P. Rob. 2007).
Diachronie (étymologie de que adverbe exclamatif intensificateur, signifiant « comme », « combien ») : dérivé du
que interrogatif « pourquoi », et reproduisant ainsi, en français, une évolution sémantique déjà réalisée en latin
pour quid (étymon de que interrogatif « pourquoi »).
131
Principe d’épistémologie qui privilégie, en matière de recherche scientifique, la solution la plus simple.
132
Le rapport à l’interrogation invoqué dans la référence citée en termes assez ambigus : tantôt on allègue une sorte de ‘source’ d’ordre
interrogatif (approche informellement transformationnelle), tantôt (et c’est là je crois l’option correcte) on pose ce rapport, en
synchronie, en termes de simple proximité formelle superficielle (rapport homonymique des constructions).
35
pas au sens fort (qui consisterait à voir dans l’exclamative une transformée de l’interrogation correspondante).
Que1 doit être analysé en synchronie en termes d’ouvreur d’alternatives épistémiques portant sur le nombre,
directement (« combien ») – compatible, lui, à la fois avec l’interrogation et avec l’exclamation.
2.3.3.2.2. [pseudo-subordination : que suspend la valeur de vérité et déclenche le parcours des possibles]
2.3.3.2.3. [comparaison – sans comparant spécifié : mot qu- à l’origine interrogatif, spécialisé dans
l’exclamation134]
Comme elle est charmante !
Comme elle s’exprime bien !
Analysé dans Martin 1987 en termes d’auto-repérage135 : [elle est charmante] comme elle est
charmante + ellipse de la phrase racine.
Interprétation : si on l’avait comparée à x (laide comme un pou, belle comme Vénus, etc. : comparant
spécifié distinct du comparé), du point de vue de la propriété P (quelle que soit cette propriété), on
aurait présupposé que x est exemplairement P ; dans cette logique, comparer une jeune femme à elle-
même pour ce qui est du charme « conduit à la conclusion qu’elle est exemplairement » charmante
(propriété quantifiée dans l’exemple donné).
2.3.3.2.4. [consécution – sans conséquence spécifiée : quelle que soit la conséquence, le prédicat est vérifié]
Elle est si charmante ! Comparer à l’assertion correspondante non tronquée : Elle est si charmante que vous
allez l’épouser.
2.3.3.2.5. [indéfinition – à compléments/ qualificatifs possibles seulement suggérés : tous ces compléments
(parcours des possibles) vérifient ce qui est dit]
Elle a un (de ces) charme(s) ! Elle portait un chapeau (un de ces chapeaux) !
C’est d’un pénible !
2.3.3.2.6. [tours elliptiques définis : contre-exemple apparent ; parcours des possibles présupposé]
Le charme ! Le chapeau !
Ce charme ! Ce chapeau !
2.3.3.2.7. [exclamation graduelle renforcée par apostrophe et/ ou interjections & forme (surtout)
interlocutive 136: pseudo-subordination (voir 2.2. supra) à extraction du prédicat susceptible de gradation
(Topicalisation-focus)] : Octave ! [apostrophe] ô [interjection] fou que tu es ! (Musset, apud GM : 406)
Comparer : Fou que tu es ! [-gradation sur un prédicat par ailleurs gradable]/ Que tu es fou !
[+gradation]
133
Grammaire méthodique…
134
GM : 404.
135
Mécanisme postulé par Culioli 1974 (schémas circulaire de repérage).
136
?Folle qu’elle est !/ Qu’elle est folle !
OK
36
3. Les modalités du message
L’interprétation des modalités dites ‘de message’ concerne de manière cruciale la hiérarchie informationnelle
thème-rhème (ou : topique-commentaire).
Au sens des Aspects… la hiérarchie informationnelle d’une phrase énoncée participe d’une « fonction
d’emphase » au sens large dépourvue de contribution sémantico-logique (=contribution
propositionnelle, descriptive, ou indication de force illocutionnaire), car n’affectant pas le ‘contenu
informationnel du message’.
Syntaxiquement parlant, les modalités de message ressortissent, comme nous l’avons déjà évoqué dans le
chapitre introductif, aux types de phrase facultatifs :
• emphase (topicalisation137 ; focalisation&clivage138) ;
• passif (dé-topicalisation du participant agissant au procès & topicalisation du participant non
agissant) ;
• impersonnel (disparition du thème (ou : topique), donc à nouveau : dé-topicalisation du
sujet, mais non redoublée d’une topicalisation de l’objet → phrases « thétiques »).
137
Topicalisation (= déplacement en tête de phrase)-topique (=à interprétation fonctionnelle de <topique>) : Paul, il est déjà
parti pour Paris. Pour la distinguer de la topicalisation-focus (=déplacement en tête de phrase à interprétation fonctionnelle de
<focus = foyer d’information nouvelle>), en particulier dans les langues dépourvues de tours présentatifs susceptibles
d’instancier des structures phrastiques à clivage, ou à clivage rarement employé, tel le roumain (Pe PAUL îl caut (nu pe Mircea)
– où les capitales marquent l’accentuation focale).
138
Mise en vedette du foyer d’information nouvelle par un présentatif (c’est… qui/que, voilà… que, …) : C’est PAUL qui est
arrivé le premier. C’est À PAUL que je voudrais parler. Voilà TROIS JOURS qu’il est parti.
37
3.1. Grammaire fonctionnelle : catégories Focus et Topique.
Le marquage grammatical du focus est réalisé, en français, par des procédés différents, en règle générale
par un ensemble de moyens phonologiques (comme l’accent, le ton, la phrase phonologique), lexicaux (comme
les particules sensibles au focus (=opérateurs de focalisation) : seulement) et syntaxiques (comme la position
du terme focalisé).
- position canonique (in-situ) : le terme focalisé garde sa place ‘de base’ (position à légitimation
sémantique propositionnelle vs fonctionnelle) ;
- position ex-situ : le terme focalisé se trouve à l’initiale de la phrase. L’entité en focus et la partie
non-focalisée, c.-à-d. la prédication, sont séparées par une pause ainsi que, le cas échéant, par
d’autres caractéristiques phonologiques (prosodie). La position de l’argument focalisé dans la partie
présupposée (non-focalisée) de la construction n’est pas comblée, si bien qu’il reste une lacune
(analysée en grammaire générative (version « standard étendue » : « théorie du gouvernement et du
liage ») comme trace de l’élément déplacé en tête de phrase). C’est là une différence essentielle par
rapport aux constructions de topique.
Ces constructions exhibent des traits sémantico-pragmatiques différents (interprétation des termes focalisés,
interprétation de la construction entière).
Position d’accent de phrase déterminée par la syntaxe (‘règle d’accent noyau’ – Chomsky
1971). Typiquement, en français (comme en anglais) : membres de phrase les plus à droite
(derniers à être prononcés) :
Un ‘accent noyau’ dans une position autre que celle prédite par la règle indiquerait un focus
expressif ou contrastif :
Je n’ai pas acheté mon chapeau à Londres, mais [je l’ai acheté] à Paris.
J’ai acheté mon chapeau non pas à Londres, mais à Paris.
J’ai acheté mon chapeau à Paris, et non à Londres.
139
Variante restrictive : Je n’achète mes chapeaux qu’à Paris.
38
Négation restrictive: Je n’ai acheté que mon chapeau à Paris.
3.1.2. Topique : ce dont on parle (« aboutness », « à-propos ») – le topique chez Lambrecht (1994)
et chez Dik (1997).
Parmi les définitions (concurrentes) les plus fréquentes dans la littérature, nous mentionnerons les
suivantes (perspective informationnelle et/ ou cognitive):
l’élément peu informatif : le thème dans les travaux développés par l’école de Prague, puis par Firbas
(1992), le caractère plus ou moins informatif étant formulé en termes de degré de dynamisme
communicatif ;
Fonction de repérage:
Topiques: Cadres (de discours – Charolles 1997):
Topique intégré : Tu as des nouvelles de Paul ?/ – Oui, ←il140 m’a téléphoné hier.
Topique détaché (non intégré), lié141: Paul, ←il m’a téléphoné hier.
Topique détaché (non intégré), non lié: Paul, je n’ai toujours pas de nouvelles142.
Cadre spatial: Sur le pont d’Avignon on danse (vs Le pont d’Avignon, on ←y danse: topique
140
Ou : celui-ci, ou : ton frère (si, dans la situation d’énonciation donné, le frère de l’interlocuteur est (ledit) Paul) – bref, toute
anaphore nominale (fût-elle ad hoc), y compris la répétition du syntagme nominal d’origine (en l’occurrence : Oui, Paul m’a
téléphoné hier) ferait l’affaire.
Noter que selon certains auteurs, les pronoms personnels clitiques ne seraient jamais des Topiques, à la différence de
descriptions nominales plus fournies ou de pronoms démonstratifs, du fait que, dans les constructions à topique détaché, les
clitiques redoublent, à la position casuelle (fonction sujet), le topique, nécessairement tonique, lui, qui se trouve en position
périphérique (détachée).
141
Au sens de Sophie Prévost (Prévost 2003). Noter que l’emploi du terme « lié » est ici informel, descriptif (à ne pas confondre
avec la notion technique générativiste de liage, conditionné à la c-commande du « lié » par le « lieur »).
142
Dans le même logique, Paul, je n’ai toujours pas de ←ses nouvelles illustrera, par contre, un cas de topique détaché lié.
39
détaché lié143)
Cadre temporel: La nuit, tous les chats sont gris. Au 17e siècle, la condition paysanne était rude.
Tout dépend de la suite du texte. Si le locuteur poursuit son discours sur les chats, ou sur la
condition paysanne, ceux-ci constitueront le topique principal de l’énoncé. En revanche s’il se
lance dans une énumération des événements caractéristiques de la nuit (agressions, vols de
voitures, rencontres étranges…), ou du XVIIe siècle (vie des autres catégories sociales…) on
peut considérer que ce sont « la nuit » ou « le XVIIe siècle » qui ont un statut de topique. Ce
qui ne les empêche pas d’assurer en même temps une fonction de cadrage (…) par rapport
aux événements qui les caractérisent.
Topicalisation: opération (syntaxique) de déplacement en tête de phrase (frontalisation) ou bien: à l’une des
frontières de la phrase (extraposition – à gauche/ à droite, avec ou sans détachement144). Dans cette acception,
neutralisée discursivement quant à la distinction fonctionelle (=interprétative) Topique/ Focus, seront appelées
topicalisations aussi bien le déplacement en tête de phrase/ à l’une des frontières de la phrase du constituant
voué à interprétation fonctionnelle de topique que celui du constituant voué à interprétation fonctionnelle de
focus:
Cela dit, en l’absence de qualification, le terme de topicalisation sera entendu dans ce qui suit au sens
de « topicalisation-Topique ».
Topicalisation régressive: syntagme topicalisé détaché à droite (postposé), annoncé par le clitique
argumental et pourvu de marques casuelles. Suite linéaire non respectueuse du principe d’iconicité.
143
Que faire alors du refrain de la vieille chanson « Sur le pont d’Avignon, on y dans, on y danse… » ? Cadre lié ?!
144
Pause-virgule. Dans la littérature on parle aussi bien de position détachée (que ce soit par clivage ou par des moyens
prosodiques (pause-virgule)) et de syntagmes détachés (qui en arrivent à occuper de telles positions, en surface)).
Une extraposition vient en sus des positions argumentales et/ou casuelles canoniques y associées (dont sont respectivement
justiciables le rôle sémantique et la fonction syntaxique des syntagmes). Sont des extrapositions les positions de périphérie
gauche, vouées à interprétation fonctionnelle discursive actionnelle et/ou informationnelle (positions qui interviennent dans la
réalisation syntaxique des modalités d’énonciation et de message).
145
En cas d’explicitation de l’alternative rejetée (phrase complexe construite par juxtaposition), l’accent focal frappe, souvent,
dans le second conjoint, non pas le membre de phrase à statut syntaxico-sémantique symétrique, mais la négation (Pe PAUL îl
caut, NU pe Mircea).
40
Je lui→ ai légué ma montre en or, à Paul.
Bibliographie minimale :
Chafe Wallace L. (1976) – « Givenness, contrastiveness, definiteness, subjects, topics and point of view », in C. N. Li (éd.)
Subject and Topic, New York, Academic Press, 25-55.
Charolles Michel (1997) – L’encadrement du discours : univers, champs, domaines et espaces, Cahiers de Recherche
Linguistique 6, Université de Nancy-2, 1-73.
Charolles Michel (2002) – « Les adverbiaux cadratifs : fonction et classification »,
http://www.lattice.ens.fr/siteACFT/Documents/CharollesAdverbFoncClass4111.pdf.
Dik Simon Cornelis (1997) – The theory of functionnal Grammar, Berlin, de Gruyter.
Firbas Jan (1992) – Functionnal Sentence Perspective in written and spoken communication, Cambridge, Cambridge University
Press.
Halliday Michael Alexander Kirkwood (1985, 2e éd. 1994) – An introduction to Functionnal Grammar, London, Arnold.
Lambrecht Knud (1994) – Information structure and sentence form: Topic, Focus, and the mental representations of discourse
referents, Cambridge: Cambridge University Press.
Initialement (théorie standard étendue) appréhendée comme catégorie fonctionnelle « complémenteur » (ou :
« complémentiseur »), notée « C », tête dont les positions de spécification (Spec, C) interviennent crucialement
tant dans le codage grammatical des modalités d’énonciation que dans celui des modalités de message, la
périphérie gauche bénéficiera, à partir des années 1995, d’une analyse « fine », dans le cadre de l’approche
cartographique (école générativiste italienne), en principal à la faveur des contributions de Luigi Rizzi :
Nous nous référerons dans ce chapitre à la première version de cette analyse (Rizzi 1995 (1997146)), qui
distingue non pas une, mais quatre catégories (positions) fonctionnelles distinctes, dans ce qui sera désormais
appelé le « domaine » Complément(is)eur :
- Une position C interne, qui rappelle le caractère fini (tensé) ou non fini (non tensé) de la phrase,
sélectionnant un TP ou un IP : c’est là une dernière position de redondance morphologique ; en
français, que+ indicatif, que+subjonctif, à/ de/ e147+ infinitif, dans les subordonnées complétives (ou
relatives) ; catégorie sans réalisation phonologique dans les phrases racines (tête phonologiquement
vide) ;
- Une position de Focus, la tête Focus prenant le syntagme Complémenteur interne pour complément, et
un autre syntagme XP, en général148 déplacé depuis la région référentielle de la phrase, pour
spécifieur ;
- Une position C externe indicateur de Force (assertive, interrogative etc.), la tête Force° prenant un
Topique-P149 pour complément : toute phrase sera donc un cas de ‘Force-P’.
Ces catégories/ positions permettent une meilleure analyse syntaxique des types de phrases obligatoires aussi
(par exemple, des phrases interrogatives à inversion complexe).
146
Rizzi, Luigi (1997) – « The Fine Structure of Left Periphery », in L Haegeman (ed.), Elements of Grammar, Dordrecht:
Kluwer, pp. 281-337.
147
Morphème à réalisation phonologique zéro (la notation e venant de l’anglais empty (= vide)).
148
Si dit dubitatif serait inséré en syntaxe directement à la position Focus (adjoint incorporé à la tête focus°).
149
Syntagme formé de la tête Topique°, du complément de cette tête (Focus-P), et d’un spécifieur (éventuellement déplacé
depuis la région référentielle de la phrase).
41
Force
QU-P Force
+Interr Foc
tQU -P Foc
Foc Top
DPi Top
Top +fini
Oů : [
TP
tlesétudiants [T’ t{REVEN(IR)+Futur3pl} [FP tquand [F’ F [VP tREVEN(IR) tlesétudiants ]]]]]
3.3. L’emphase.
La GGT standard analyse en termes d’emphase les constructions à topique détaché (non-intégré) et les
constructions à Focus ex-situ. La focalisation in-situ n’est pas analysée comme un cas d’emphase.
En français, le focus ex-situ est typiquement instancié dans des phrases clivées.
42
3.4. Le passif.
3.4.1. Introduction.
En français, comme en roumain, le passif est une forme analytique du verbe 150, appelée par les grammairiens
français (à partir du XVIIIème siècle) ‘voix’151 et réalisée à l’aide de l’auxiliaire être + verbe au participe passé
(accordé avec le sujet grammatical) :
La traite est (a été, vient d’être, était, avait été, fut, a eu été, eut (vite) été, sera, va être, aura été,
serait, aurait été) avalisée par un banquier suisse.
Il faut bien que cette traite soit avalisée par un banquier suisse pour que notre banque engage aussi
sa signature.
Il faut bien que cette traite soit avalisée par un banquier avant que notre banque n’engage aussi sa
signature.
Je doutais que cette traite fût avalisée par un banquier suisse.
Je doutais que cette traite eût été avalisée par mon banquier suisse, s’il avait eu vent de la situation
obérée de son tireur.
En français, peuvent « être mis au passif » (conjugaison passive vs conjugaison active) des verbes transitifs
directs (+COD : ouvrir qq. ch., lire qq. ch., écrire qq. ch., …)) et des verbes di-transitifs (+COD, +COInd :
donner qqc. à qqn), donc des verbes qui ont un complément d’objet direct.
À de rares exceptions près, les verbes transitifs indirects (parler de qq.ch, parler à qqn, penser à qqn/
qq. ch., contribuer à qq.ch., …) n’ont pas de ‘conjugaison passive’, à l’instar des intransitifs
(inergatifs : danser, nager,… ; inaccusatifs : aller qq. part, partir qq. part, venir de qq. part, …).
Cette corrélation n’est cela dit pas parfaite : il existe des verbes sans COD qui peuvent être mis au passif (les
transitifs indirects (dés)obéir à, pardonner à : Vos ordres ont été obéis, Vous serez pardonnés), et des verbes à
COD qui ne sont jamais mis au passif :
- Avoir, posséder (dans leur acception première152) : Marie a un livre./ *Ce livre est eu par Marie.
- Verbes modaux + infinitif153 : Marie peut marcher/ *Marcher est pu par Marie.
- Verbes à COD interne (pleurer des larmes de joie, dormir le sommeil du juste, vivre sa vie, …) : *Sa
vie est vécue (par Jean), *Le sommeil du juste est dormi…
- Expressions figées : casser sa pipe (= « mourir »), casser la croûte (= « manger »), faire autorité (=
être reconnu comme une autorité (dans un certain domaine) »), tenir tête à (= « résister à »), …
Des tours tels donner ordre (aux soldats, d’attaquer à l’aube), donner confirmation (à qqn, de
qqch), faire allusion à (qq ch), etc., bien qu’ils correspondent à des verbes (ordonner,
confirmer, suggérer), et en dépit de l’absence d’article, peuvent être mis au passif :
150
Tel n’était pas le cas en latin, où le passif était une forme synthétique : on distinguait entre ama-nt (=ils aiment)/ ama-ntur
(=ils sont aimés), ama-ba-nt (=ils aimaient)/ ama-ba-ntur (=ils étaient aimés). Seules les formes perfectives de passif étaient
analytiques (parfait passif = esse (au présent de l’indicatif) + participe parfait passif accordé en genre et en nombre avec le
sujet (amati sunt (= ils ont été aimés))).
151
Les grammaires anciennes parlaient de : ‘genre’ ou de ‘signification’ du verbe pour désigner l’opposition entre « action » et
« passion » (Muller, Claude (2005) – « Diathèses et voix en français », dans : Interaction entre sémantique et pragmatique,
Actes du XIe séminaire de Didactique Universitaire (Constanta 2004, Université Ovidius, ACLIF), Bucarest : Ed. ASE, 73-95).
152
J’ai été eue = « j’ai été trompée » (fig.)
Il est possédé du Démon
Il est possédé par la jalousie (fig. : « il est dominé par… »).
153
Les constructions V+ CODinf. sont assez régulièrement rébarbatives au passif, néanmoins on dit bien: Manger
du porc est interdit aux Musulmans (= Le Coran interdit aux Musulmans de manger du porc), Boire du café m’a
été vivement déconseillé par mon médecin (= Mon médecin m’a vivement déconseillé de boire du café). Notons
également que, dans les constructions actives correspondantes, de+inf. n’est pas un COInd mais un COD du
verbe recteur, ainsi que l’atteste la pronominalisation en le. Comparer : Le Coran interdit aux Musulmans de
manger du porc/ Le Coran l’interdit aux Musulmans, et respectivement Je me flatte de bien parler l’allemand/
Je m’en flatte.
43
- Verbes à faux COD :
Complément de mesure : valoir (une fortune), coûter (la peau des fesse), peser
(une tonne), mesurer (trois mètres), faire (= »mesurer ») deux mètres de long,
courir (deux kilomètres), marcher (deux kilomètres),… : *Une fortune est value
(par ce tableau)
Complément de temps : dormir la nuit, travailler le jour (= »pendant… »)
Courir (le cerf, le sanglier ; les jupons (= « courir après », « chaser en
leurcourant après »).
Classe Voix ↓ Entité qui agit Evénement Ancrage Entité qui ←Rôles et
syntaxique (Agent) dénoté temporel subit valeurs
du verbe ↓ (Patient) sémantiques
Votre société a déposé le meilleur projet. (Pourtant elle n’a obtenu qu’un tiers du financement sollicité).
Le meilleur projet a été proposé par votre société. (Pourtant il a été rejeté par le Ministère).
Il existe des phrases actives sans correspondant passif exhaustif (complément d’agent exclu) : les phrases
actives à sujet pronom personnel clitique. Comparer : J’ai vendu cette bagnole à un ami. Cette bagnole a été
vendue à un ami (*par moi).
Le complément d’agent est largement optionnel, dans les phrases passives, sans que le sens verbal (passif
d’action ou du procès ne s’en trouve affecté) :
Tous ces exemplaires ont-ils vraiment été écoulés par un seul représentant ?
Tous ces exemplaires ont-ils vraiment été écoulés en un mois ?
154
Voix au sens de Muller 2005.
155
Contre-exemple apparent, puisque censé est analysé comme vrai adjectif, en français contemporain, par les lexicographes
(Nouv. P. Rob. 2007).
44
Complément d’agent obligatoire (exceptions) :
La réunion fut précédée d’une allocution du président/ *La réunion fut précédée.
Le chasseur est suivi de ses chiens./ *Le chasseur est suivi.
(2) verbes exprimant la cause (être causé par…, être déterminé par…, être entraîné par…) :
Cette hausse des prix a été causée par une fiscalité oppressive/ *Cette hausse des prix a été causée.
Ces licenciements ont été entraînés par la perte de plusieurs contrats importants, pour cause de livraisons
défectueuses/ *Ces licenciements ont été entraînés.
En fin de compte, tous ces licenciements auront été déterminés par l’arrêté ministériel qui nous oblige à
étaler les amortissement sur 25 ans : nos équipements battent de l’aile et nos technologies sont
dépassées./ *En fin de compte, tous ces licenciements auront été déterminés.
Choix de la préposition.
DE + SN
Par + SN
(1) verbes d’action (et y assimilés) : (1’) verbes de sentiment et de connaissance : être
aimé de, être adoré de, être haï de, être méprisé de,
Il fut appelé par le prof. être respecté de, être estimé de, être apprécié de, … ;
Ce projet a été mis en place par votre être compris de…
département.
Il est aimé de tous.
Il n’est pas compris de tous.
Elle a été touchée par une balle (sens propre : Elle est touchée de votre sympathie (emploi figuré :
verbe d’action). verbe de sentiment)
MAIS :
Je suis impressionnée par la beauté de ces sites.
Le public était trop ému par la scène pour
applaudir.
(2) Verbes d’action à agent concret (référence (2’) Verbes d’action à agent abstrait (sans article ou à
définie) article indéfini) : être frappé d’étonnement, (+ de
stupeur), être saisi de peur, être accablé de soucis (+
Le voleur fut saisi par la Police. de remords, de honte), être submergé de
Cet arbre a été frappé par la foudre. pressentiments (+ de travail)…
J’ai été accablée d’injures [complément de moyen !]
par la foule déchaînée. L’enfant fut saisi de peur.
Le pays a été submergé par l’ennemi. Il fut saisi d’une peur panique156.
Le prof a été frappé d’étonnement.
156
Mais, dans ce cas-ci également, on peut dans certains contextes envisager l’agent abstrait comme une sorte d’agent
concret, et employer par : saisi par une émotion irrésistible, par une curiosité violente, par un souvenir tout-puissant
(Gobineau, apud Nouv. P. Rob. 2007).
45
J’étais submergé d’étranges pressentiments ;
Nos employés étaient submergés de travail
(3) Verbes d’accompagnement dénotant une action (3’) Verbes d’accompagnement dénotant une situation
intentionnelle, non habituelle, envisagée dans son habituelle :
unicité :
Le chasseur est suivi de ses chiens.
La petite fille est suivie par un clébard à l’air féroce. Elle était accompagnée de son mari.
Le criminel sera accompagné par nos gendarmes La réunion fut précédée d’une allocution du président.
jusqu’à la frontière.
Elle était accompagnée par un jeune homme hirsute
(4) verbes d’état dont le participe passé garde entière (4’) verbes d’état dont le participe passé a (ou :
sa valeur verbale : résultat d’une action antérieure acquiert) une valeur adjective (constructions
(passif du résultat); pourtant, le passif n’étant pas attributives): complément instrumentaux plutôt que
processuel (et donc pas agentif), nous avons là des vrais compléments d’agent. Exemples :
compléments instrumentaux plutôt que de vrais
compléments d’agent. Exemples : Mon jardin est entouré de haies.
La terre est couverte de neige.
La villa du P-DG est entourée par des jardins à La rue est bordée d’arbres.
l’anglaise. Le rideau est orné de fanfreluches.
Les cimes étaient couvertes par le manteau étincelant
des neiges éternelles.
Question : PAR QUOI EST [part. passé] [sujet] ? Question : COMMENT EST [sujet] ?
Complément d’agent en à (passif du résultat): être rongé aux mites/ aux rats, être mangé aux vers, …
Ce tapis était mangé aux mites.
Le plancher était rongé aux rats.
157
Verbes qui n’expriment jamais en français, au passif, le résultat (l’état) :
a) être caressé, être câliné, être cajolé, être secoué (au sens propre)
b) abattre, assassiner, décapiter, exécuter, fusiller, guillotiner, pendre, tuer…
Exemple : Napoléon faisait le bilan de la bataille : deux mille soldats français* étaient tués (ETAT ! OK morts :
copule+adj)/ OK avaient été tués : ACTION !)
158
Tout autre intervalle de temps ferait l’affaire (en trois jours, en trois minutes etc.).
159
Ce test discrimine les procès (+pendant…) des événements (+en…) - au sens de Vikner 1985 ; les verbes d’activité
(+pendant…), des verbes d’accomplissement ou des verbes d’achèvement (+en…), au sens de Vendler 1967. Aussi n’y-a-t-il
rien d’étonnant à ce qu’un tas de verbes qui acceptent pendant… ne se comportent-ils pas, au passif, comme des verbes d’état,
mais comme des verbes d’activité ou de procès : être caressé, être câliné, être cajolé, être secoué ; être vu, être entendu,
être regardé, être écouté, être ressenti…
Exemples : L’enfant malade est caressé pendant quelques minutes afin qu’il s’endorme. L’étrange phénomène a été vu pendant
quelques minutes.
46
rapidement.
La maison est
progressivement
repeinte).
4. +ATTENTIVEMENT, À CONTRE-CŒUR (manière : + (Le texte est lu __
caractère intentionnel de l’action) attentivement.
L’ordre est obéi à contre-
cœur.)
5a. + complément d’agent exclusif de l’auxiliaire être __ +(Le contrat d’achat est
à une forme perfective composée ou au passé simple (était) paraphé par Julien
Vasco
Ce paysage était
manifestement peint par
un maître flamand du
XVIIème siècle.
160
Les verbes susceptibles d’emplois au passif d’état ou du résultat à vrai complément d’agent sont des verbes
dénotant des actions telles que le fait que l’état résulte de l’action de X plutôt que de celle de Y ou de Z est
pertinent (dans la pratique), et directement visible à partir du (dans le) résultat de cette action : il s’ensuit que
l’entité qui subit l’action (ou qui en résulte) est nécessairement une chose concrète, un objet sur lequel l’agent
aura laissé son empreinte :
être signé par, être paraphé par, être émargé par, être avalisé par, être biffé par, être approuvé par,
être avisé favorablement/ défavorablement par, être accepté par [en parlant d’un effet de commerce ou
d’un papier adinistratif], être écrit par, être fait par, être peint par, être réalisé par…
Ces verbes expriment, même en présence d’un complément d’agent, le résultat (l’état) si être est à une forme non
perfective simple, seulement à autres paramètres égaux. Comparer : Les actes sont ensuite signés par les deux
parties (action). / Les actes sont dûment signés par les deux parties (résultat).
47
Nous savons que
l’acceptation avait été
biffée par quelqu’un
d’autre que le tireur.
Rappelons que, du point de vue interprétatif (=sémantique au sens large), les modalités dites de message
concernent toutes la hiérarchie informationnelle thème-rhème (ou : topique-commentaire).
À cet égard, le passif se caractérise par la topicalisatio-thématisation de l’argument subissant (réalisé, dans les
phrases actives correspondantes, toutes choses égales par ailleurs, en position postverbale, comme objet
grammatical162, et relevant du propos (rhème)) ainsi que par la dé-topicalisation-rhématisation de l’argument
agissant (réalisé, dans les phrases actives correspondantes, toutes choses égales par ailleurs, en position
initiale, comme sujet grammatical163 interprété comme thème).
L’analyse du passif est explicitement alignée, dans Aspects… , sur celle de la négation (type optionnel
ou : forme de phrase, comme le passif), ainsi que sur celle des phrases interrogatives et impératives
(types obligatoires), seulement du point de vue syntaxique (vs sémantique) : le passif serait lui aussi
introduit par un marqueur dès la structure profonde, qui commandera ainsi une transformation
obligatoire, à l’instar des marqueurs de force illocutionnaire. Visée théorique : éliminer les
transformations facultatives autres que l’inversion stylistique.
Mais le passif continuera à être envisagé comme phénomène syntaxique sans retombées
interprétatives sémantico-logiques, à l’instar de l’emphase : l’introduction précoce du marqueur de
passif n’y est donc pas envisagée comme régie par le même principe que l’introduction dans la base de
la grammaire des marqueurs de force illocutionnaires ou de négation (pour la mémoire : pas
d’interprétation sémantique des structures superficielles, donc pas d’import sémantique des
transformations) – cf. Chomsky 1971 (1965) : 181 [chap.3], note 3.
Structure profonde d’une phrase passive (Dubois & Dubois-Charlier 1970 : chap. XVI) :
Σ→ Const + P
Const→ Affir + Passif
Passif → Aux être + SP passif
161
Diathèse au sens de Muller 2005.
162
SN complément direct (=sans préposition) du verbe, à Cas Accusatif assigné par celui-ci.
163
Sujet : SN à Cas Nominatif assigné par l’inflexion [+Temps], et commandant l’accord en nombre et en personne du verbe
porteur de traits de temps (L’étudiant3sg ouvre3sg la porte/ Les étudiants3pl ouvrent3pl la porte), et l’accord en nombre et en
gendre du participe passé des verbes conjugués aux temps perfectifs composés avec l’auxiliaire être (PaulMsg est entréMsg en
classe/ MarieFsg est entréeFsg en classe) ainsi que de l’adjectif attribut du sujet (MarieFsg est intelligente Fsg).
48
Aux être → être [+V] + part passé [+aff]
SP passif → Prép + SN passif
Maintenant : dans le texte même des Aspects… (Chomsky 1965 : 104-105), l’introduction du
« marqueur de passif » en structure profonde n’est pas réalisée à la faveur d’une règle de réécriture
qui place d’abord la ‘modalité’ en marge du noyau.
L’introduction du morphème de passif est posée comme réalisée, dans la base (=structure profonde) à
la faveur d’une règle de réécriture d’un adverbial de manière, constituant du groupe verbal :
Manière → par ∩ passif.
Tout en étant optionnel, ce constituant adverbial n’est pas complètement étranger à la sous-
catégorisation par le verbe, puisque certains verbes y sont rébarbatifs – ceux-là précisément qui
s’avèrent rébarbatifs à la passivation (les verbes dits « moyens »).
Comparer :
Cette analyse rend compte du fait que la passivation peut aussi concerner des verbes sans
complément d’objet direct (à l’actif), pourvu qu’ils sous-catégorisent un complément de manière – le
sujet de surface de la phrase passive n’étant pas alors, en structure profonde, un Objet direct du verbe
– en français, ces cas-là sont assez rares : Mes ordres seront obéis (comparer à : On obéira à mes
ordres).
Transformations postulées dans la version standard du modèle GGT (Dubois & Dubois-Charlier 1970 : chap.
XVI) :
(1) Aux être sera déplacé de sous Const, sous le noyau, à droite de Aux (cette transformation rendant
compte de ce que le verbe être va porter les marques de temps de la phrase, le verbe conjugué V
étant, lui, mis au participe passé).
(2) SP passif sera déplacé après l’objet direct du verbe (SN2) – en tant que constituant du GV.
Les versions plus récentes du modèle limiteront de manière très stricte les transformations entendues comme
légitimes en syntaxe noyau (déplacements de droite à gauche et du bas vers le haut, dans le sens de
génération des structures arborescentes). L’analyse du passif sera remaniée en conséquence.
Les versions ultérieures du modèle GG formuleront la distinction de principe entre Cas syntaxique, d’une part,
et rôle sémantique (thématique), de l’autre.
Le Cas syntaxique doit être interprété (‘lu’) en morphologie flexionnelle, dans la computation périphérique
vers la Forme Phonologique, où il sera ‘traduit’ à un ‘cas [initiale minuscule !] morphologique’ –son réalisateur
superficiel:
- flexion nominale (affixe flexionnel, comme en latin ou en roumain, langues à flexion nominale riche
(déclinaison) ; il en va de même en français pour les pronoms personnels (clitiques), qui ont des
164
Exemples de base empruntés à Chomsky 1971 : 146 [chap. 2], développement des tests de notre main.
49
formes de nominatif (je/ tu/ il, elle/ nous/ vous/ ils, elles) distinctes de leurs formes obliques (me/te
(accusatif, datif), le, la/ lui, les/leur (accusatif/ datif), y (locatif), en (ablatif))) ;
- ou bien préfixe casuel (préposition) :
4a. Je penserai à ce que vous venez de me dire (préposition = simple préfixe casuel)/ b. J’y penserai (flexion))
Le rôle thématique est lexicalement associé, lui, au verbe en tant que prédicat sémantique165 : c’est un rôle
sémantique ayant la particularité saillante de devoir être réalisé en syntaxe par un argument du verbe
(syntagme nominal, prépositionnel ou adverbial introduits en syntaxe en tant que compléments ou spécifieurs
du verbe).
Du fait qu’il est assigné par une tête lexicale substantive (=douée de traits sémantiques purs), le rôle
thématique est encore appelé rôle-θ (lisez : têta).
Les rôles thématiques assignés par la tête verbale seraient ainsi spécifiés explicitement dans l’entrée lexicale du
verbe, en sus de ses traits sémantiques purs (en marge de la matrice conceptuelle du verbe), sous forme de
« liste » : grille thématique (appelée aussi θ -grille).
L’inventaire des rôles thématiques varie au gré des linguistes, mais, en général, on reprend, dans le cadre
générativiste chomskyen, l’inventaire des Cas sémantiques des grammaires casuelles (sémantique
générative) :
- <Thème> (argument qui ne peut manquer : tout verbe en a un) : participant non agissant au procès.
- <Instrument>
La question se pose de savoir si oui ou non il y a lieu de distinguer matrice conceptuelle du verbe et grille de
rôles thématiques.
Hale & Keiser 1993 : approche configurationnelle aux rôles thématiques (vs liste de rôles).
L’approche configurationnelle à l’encodage lexical (vs à l’assignation) des rôles thématiques, que
défendent Hale et Keyser 1993, explore les implications et tire les dernières conséquences de l’option théorique
selon laquelle la « θ –grille » du prédicat est projetée en syntaxe.
À partir du constat qu’à la fois les rôles thématiques possibles, les catégories substantives (N, V, A, P) et les
relations syntaxiques à une tête (Spec1 H /Compl1 H) définissent des inventaires fermés, Hale et Keyser 1993
formulent l’hypothèse que les rôles thématiques sont en fait des dérivés de relations syntaxiques (lexicales) – le
caractère limité de l’inventaire des rôles-θ s’expliquant par l’inventaire fermé des catégories substantives et
des relations structurales possibles, et l’expression configurationnelle des rôles-θ étant régie par les principes
de Projection non ambiguë, de Pleine Interprétation et de Prédication.
Les catégories substantives (N, V, A, P) sont associées à des « types notionnels (ou : contenus notionnels)
élémentaires »166 : CAT : V /« événement (ou peut-être événement dynamique) »167 (notation : e), CAT : A /
« état » (notation : s (state angl.)), CAT : P /« (inter)relation », CAT : N / « n » (notation du type notionnel
associé à la catégorie N – « quel qu’il soit, de fait » cf. Hale et Keyser 1993 : 69).
165
De fait, tout prédicat sémantique ayant des arguments obligatoires en syntaxe est censé se voir associer de tels rôles dès
l’entrée lexicale.
Un adjectif comme conforme (Ce clause contractuelle n’est pas conforme à la législation en vigueur) aura ainsi un
argument <Thème> (le syntagme nominal dont il sera prédiqué : cette clause contractuelle), et un argument
<Repère> (à la législation en vigueur).
De même, l’argument interne d’une tête substantive P (préposition) se voit assigner à la fois un Cas syntaxique et un
rôle sémantique par cette préposition (ce pourquoi les PP peuvent ne pas être sélectionnés par le verbe, et
fonctionner comme compléments de phrase : À Paris j’ai appris à jouer du pipeau).
166
Cette notion est très proche de la CSR (Canonical Structural Realization) qu’introduit, dans une perspective d’acquisition du
langage (par l’enfant), Grimshaw 1981 : la réalisation structurale canonique d’un objet physique est N, celle d’une action est V,
etc.
167
Nous avons cité ici Hale et Keyser 1993. En regard du classement sémantique des verbes de Vendler (1967), par exemple,
la notion d’ « événement dynamique » est redondante (les événements (vs situations) étant entendus, dans ce classement,
comme dynamiques par définition).
50
Mêmes les verbes « superficiellement mono-morphémiques » sont lexicalement syntagmatiques (phrasal angl.),
en ce sens qu’ils possèdent une structure qui est syntaxique, satisfaisant les conditions de Projection non
ambiguë et de Pleine Interprétation (cf. Hale et Keyser 1993 : 96).
Cette structure, la structure relationnelle lexicale du verbe (sa LRS), exprime univoquement la « θ -grille » de
celui-ci. L’entrée lexicale du verbe est en fait sa LRS, et sera introduite dans la dérivation s-syntaxique en tant
que catégorie syntagmatique complexe (visibilité de la LRS en syntaxe-s et à l’interface LF) – cf. idem, p. 95.
Du coup, le glissement est fait d’une approche de la θ -théorie en tant que module indépendant ((partiellement)
autonome) de la grammaire, à une approche interprétative des rôles thématiques : à la notion d’assignation de
rôle-θ se substitue celle d’expression des rôles–θ et donc d’interprétation argumentale (à l’interface de FL)168.
La LRS du verbe est interprétée en termes des configurations instanciées et des « contenus
notionnels élémentaires » associés aux traits catégoriels (ni les TSPs (traits sémantiques purs)
des items, ni les autres traits formels FF(CAT) ne sont directement pertinents) : une configuration
V-VP (v-VP, dans la notation Chomsky 1995 : chap. 4), interprétée comme (e1→e2) exprime le
rôle argumental externe (n>(e1→e2)) de CAUSATEUR169 (Agent ou Force)170 ; une configuration V -
NP (ou DP), interprétée (e→n) (un événement crée ou modifie une entité) exprime le rôle-θ
interne <THÈME>, une configuration [VPNP[V’V PP]], interprétée n>(e→r), exprime le rôle-θ
<THÈME> (= sujet de l’interrelation que [CAT : P] exprime, sujet d’un « prédicat de
changement »), et un « rôle interrelationnel » <BUT>, <SOURCE> ou <LIEU>.
Les verbes inergatifs sont des verbes transitifs cachés qui incorporent leur argument
interne, des « dénominaux »171 (donnée lexicale – cf. Hale et Keyser, art. cit., p.73).
Chomsky 1995 (chap.4) reprend explicitement à son compte l’idée d’approche configurationnelle à l’expression/
interprétation des rôles thématiques, mais il n’est pas clair s’il étend cette hypothèse à la sémantique du verbe
en général, ou s’il veut plutôt dire que :
- la matrice conceptuelle du verbe consisterait dans un faisceau (liste) de traits, dont certains,
exprimant la sélection d’arguments thématiques, auraient une contrepartie configurationnelle
obligée, en syntaxe.
Quoi qu’il en soit, les rôles thématiques et la structure argumentale qui les porte/ exprime constituent le noyau
dur de la structure profonde de la phrase (structure-D) : la proposition minimale (entité sémantico-logique) en-
deçà de l’ancrage temporel (=relations de prédication essentielle).
Parmi les Cas syntaxiques, certains ont surtout un effet sur la structure de surface (ordre des mots) : ces Cas
sont appelés structuraux. Ils sont assignés dans des configurations syntaxiques dérivées (à la faveur de
transformations : structure-S (structure de surface)).
D’autres seront directement ‘traduits’ en Forme Logique à un rôle thématique : ces Cas, assignés par une tête
lexicale à son régime (argument sélectionné morphologiquement) dès la structure-D (structure profonde), sont
appelés inhérents.
Cas inhérents : cas Obliques (assignés par les verbes, les prépositions ou par certains adjectifs).
Cas structuraux : Nominatif (assigné par T) et Accusatif (assigné par un verbe transitif).
168
« Il n’y a pas de mécanismes linguistiques spécifiques à la structure argumentale. Par exemple, il n’y a aucun processus d’
« assignation de rôle thématique » distinct de la prédication; et il n’y a pas de « rôles thématiques » si ce n’est en tant que
relations lexicales exprimées par des projections non ambiguës et pleinement interprétées de catégories lexicales
élémentaires ». (Hale et Keyser, art. cit. pp. 93-94 – n. trad.)
169
La philosophie du « verbe léger » est loin d’être la même, dans la dernière version de la GGT chomskyenne (programme
minimaliste toujours – dérivation par phases), mais cela émarge les visées de ce cours.
170
Dans l’hypothèse configurationnelle, la distinction sémantique Agent /Force ne peut être faite en tant que distinction
argumentale.
171
Le patron de lexicalisation de tels verbes dérivés est appelé « conflation ».
51
3.4.3. Révision de l’analyse syntaxique du passif.
Première question : est-ce le passif qui perd un argument, ou l’actif qui en gagne un (pour les verbes transitifs
directs en particulier) ?
L’analyse traditionnelle dérive le passif, comme cas marqué, de l’actif, cas de figure neutre, non marqué. Telle
a été aussi l’analyse GGT standard.
A intégrer maintenant les suggestions de la référence citée (analyse qui résout en syntaxe la dérivation du
passif à partir d’une même tête verbale que celle qui projette la LRS active (causative), à la modélisation de
Hale & Keyser 1993, la position de Spec,v serait vide (ce qui, sous la lecture forte, voudrait dire qu’il n’y aurait
pas de Spec,v, bien que la sémantique de causation et donc la configuration v-VP subsisterait – ce qui ne laisse
pas d’avoir l’air contradictoire).
Sous la lecture littérale, cela reviendrait à postuler une catégorie vide à cette position thématique (et non pas
une simple position de substitution, mais une sorte de PRO à référence arbitraire).
Le passif dit agentif (passif d’action ou du procès) étant censé préserver la représentation de l’action, y compris
la représentation d’actions en cours, le syntagme verbal devrait être configurationnellement identique à
l’occurrence active, à l’impossibilité d’insérer un argument externe épelé près.
Ce qui est peu clair (pour moi) dans cette analyse, c’est comment le verbe pourrait avoir la même sémantique
causative, en dépit des modifications de saillance relative des arguments qui correspondent aux participants
agissant et subissant du procès. Question corrélative : quel est le patron exact de cette perte de saillance de
l’agent ?
Si réanalyse sémantique il y a, au niveau de la tête V, il faudrait bien postuler une nouvelle entrée lexicale.
Si la réanalyse ne concerne que les structures syntaxiques, comment le principe de projection (des propriétés
lexicales du verbe, en syntaxe) sera-t-il satisfait ?
Une solution consistante avec la modélisation de la GG reviendra alors à envisager le verbe V comme au
demeurant sous-déterminé (les TSP du verbe coderaient pour le résultat de l’action), et obtenir
compositionnellement, dans certaines phrases, une configuration transitive(-causative), à argument externe
introduit auprès d’une tête légère de causation, et dans d’autres, une configuration passive simple VP,
éventuellement intégrée dans une structure de prédication optionnelle agentive (« FP » = CAUSE (DE), qui
introduit le complément d’agent (=Causateur) en tant que prédicat optionnel, auprès du VP - dans la veine des
analyses cartographiques de G. Cinque).
Les verbes causatifs (et, par extension, tous les transitifs) se laissent en effet analyser comme un cas de ‘Y fait
en sorte que X devient V-é’ où V note informellement la racine verbale, et V-é le participe passé du verbe
substantif.
Dans les termes de Muller 2005 : « Pour une phrase active comme Pierre mange le gâteau, il y a en quelque
sorte deux propositions enchâssées l’une dans l’autre « Pierre fait en sorte que le gâteau devient mangé », et si
on veut être complet, on doit y ajouter la simple relation de l’action en cours : « il y a action de manger » »
(art. cit., 79-80).
C’est dans ce sens qu’il faut entendre la sémantique de la configuration v-VP selon l’approche configurationnelle
au codage des rôles thématiques (Hale & Keyser 1993).
Cela étant, l’l’hypothèse peut être formulée selon laquelle c’est plutôt l’actif qui est construit, de façon
incrémentielle, éventuellement en syntaxe, à partir du passif, et d’une structure de causation, représentée par
le verbe léger (dans l’esprit de Pylkkänen 2008172 : 6-7, qui reprend à cet égard l’argument de Kratzer 1996173,
chez qui le verbe léger est explicitement envisagé comme catégorie fonctionnelle de voix).
172
Pylkkänen, Liina (2008) – Introducing Arguments, Cambidge Masachussetts, London, England : MIT Press.
173
Kratzer, Angelika (1996) – « Severing the external argument from its verb”. In Johan Rooryck and Laurie Zaring, eds.,
Phrase structure and the lexicon, 109-137. Dordrecht: Kluwer.
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3.5.1. Mécanisme fonctionnel allégué : dé-topicalisation du sujet, caractère focal (rhématique) de toutes les
expressions argumentales de la phrase.
Conséquence logico-sémantique (interprétative) : phrase « thétique ».
Phrase thétique :
■ Sert à : rapporter un événement (il est arrivé plusieurs accidents), présenter un
nouvel état de chose (il court de drôles de bruits, il règne un silence de mort), ou introduire
un nouveau référent (il en sort du pétrole).
■ Le référent du terme sujet (si le sujet est un argument nominal : il est arrivé trois
étudiants) est traité comme étant une partie intégrante de la situation désignée par la
proposition dans son entier ; le sujet nominal ne réfère pas de façon indépendante, n’étant
pas lié au contexte (vs L’amphi était pour le moment vide. Les étudiants [sujet référentiel,
défini contextuellement : les étudiants de la fac à l’amphi précédemment introduit dans le
discours] allaient arriver d’un moment à l’autre) ni anaphorique (vs Il est arrivé trois
étudiants ; ←ils [sujet référentiel, anaphorique] avaient l’air désemparés).
■ Est dépourvue de présuppositions : la proposition dans son ensemble, y compris
l’argument sujet, se retrouve dans le champ de l’assertion.
« À partir des mêmes relations prototypiques [définies pour l’appréhension des phrases
catégoriques à verbe actif transitif : agent-action verbale, patient-action verbale, existence de
l’action verbale même], l’impersonnel met au premier plan l’action verbale sans autre
modification, évitant ainsi la topicalisation du sujet » (Muller 2005 : 80).
■ Toutes les phrases impersonnelles sont thétiques, toutes les phrases thétiques ne
sont pas impersonnelles : Des enfants étaient en train de jouer dans la cour, Un enfant était
en train de jouer dans la cour, De l’eau dégoulinait sur le plancher sont également des
phrases existentielles (thétiques) caractérisées ; noter :
Types de verbes :
a. transitifs directs : Il mange chaque jour une centaine de personnes dans cette
cantine/ Voix active : Une centaine de personnes mange chaque jour dans cette
cantine. Construction assez rare en français.
b. di-transitifs : #__
c. transitifs indirects : # __.
d. intransitifs :
1. inergatifs : #__
2. inaccusatifs : Il est arrivé trois nouveaux étudiants.
Construction :
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IL impersonnel fonction sujet (Cas Nominatif, accord du verbe), dépourvu de valeur référentielle (pronom
explétif) + verbe (accordé avec il) + SN argumental (« associé de l’explétif » : sujet logique)
Sujet (argumental – à rôle thématique non agentif, si verbe intransitif, agentif, si verbe transitif) en position
postverbale, rhématique.
Position de complément direct, mais comportement morpho-syntaxique modifié, puisque, de toute évidence
non accusatif (pronominalisation par le/ la/ les exclue):
Ce syntagme nominal ne commandant pas l’accord des formes verbales non plus, l’hypothèse du Cas Nominatif
(assigné par T) est elle aussi problématique.
Sujet nominal : le plus souvent indéfini ou négatif (Il y a des livres sur la table, Il n’est entré aucun
étudiant dans l’amphi jusqu’à présent).
Sujet clausal : proposition subordonnée (finie : il vaut mieux que tu finisses tes devoirs avant
l’examen, ou non finie : il vaudrait mieux finir ses devoirs avant l’examen)
Il y a, il faut, il manque, il reste + Nom propre ou SN défini, partitif (et non seulement : indéfini ou négatif):
I. Construction : Il impersonnel (explétif impur : Nominatif, accord 3sg masc.) + être (auxiliaire de voix :
traits TAM qui donnent l’ancrage temporel de la proposition) + verbe au participe passé accordé avec il en
genre et en nombre : m. sg. : événement dénoté) + GN (généralement indéfini175) à valeur référentielle
(associé de l’explétif : interprétation argumentale : entité qui subit (patient), statut fonctionnel
informationnel/ discursif : rhématique). Complément d’agent rarissime : Il a été décidé des choses très
importantes par le Conseil de l’Université (Muller 2005 : 80).
e. intransitifs :
1. inergatifs : Il a été dansé toute la nuit./ On a dansé toute la nuit.
Construction sans associé de l’explétif.
174
Hanse 1991 : 501.
175
Quand le sujet réel du passif impersonnel est un objet unique en son genre (dans une situation donnée), un
GN défini reste possible : Personne ne sort ! Il a été volé le portefeuille de Marie (Marie n’ayant eu qu’un seul
portefeuille sur elle). Rassurez-vous : il ne leur a pas été dévoilé le montant exact de votre dette (il n’y a qu’un
seul montant qui soit ‘exact’).
176
Exemple et commentaire emprunté à Muller 2005 – « peut-être pour des raisons pragmatiques de localisation de l’action
verbale » (Muller 2005 : 80).
54
2. inaccusatifs177 : ___.
177
. Verbes qui expriment le changement de place (Je suis allée à la fac, Elle est venue de Londres, etc ) ou d’état (Je suis
devenue prof de français).
55