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Biloa, E. (2004) Le cours de linguistique contemporaine. Lincom Europa.

Cours de linguistique contemporaine

Chapitre 1

La linguistique et la grammaire

1. Quel est l’objet d'étude de la linguistique 󠆠?


On dit généralement que la linguistique décrit les langues naturelles dans
l’espace et dans le temps. Dans l'espace, la linguistique décrit non seulement
une langue particulière, mais elle décrit aussi l’ensemble des variétés de langues
qui sont parlées dans le monde. La linguistique étudie également les langues
naturelles dans le temps, dans la mesure où pour comprendre le fonctionnement
des langues naturelles, il faut mettre à nu les processus de changement dans la
formation des langues et dans leurs évolutions.
Cependant, même si cette perception de la linguistique semble plausible,
elle n’est pas toujours celle qui a été adoptée depuis une époque aussi éloignée
que celle de Leibniz, de Humboldt, ou plus près de nous celle de Saussure ou de
Chomsky. Ainsi, la linguistique contemporaine ne décrit uniquement les
langues, elle décrit aussi la connaissance que les sujets parlants ont des langues
(de leurs langues natives). C’est pour cette raison que Saussure avait dit que la
linguistique est une branche de la psychologie. Chomsky n’écrit pas le contraire
quand il affirme que la linguistique est une partie de la psychologie cognitive.
Celle-ci étudie les facultés mentales qui sont à l’origine des comportements, des
pensées et des manifestations langagières.
Dans son livre Le langage et la pensée Chomsky affirme que le langage est
le miroir de la pensée. C’est-à-dire qu’en étudiant le langage humain, le
linguiste peut et doit arriver à découvrir comment fonctionne l’esprit humain, ce
qui est évidemment l'une des tâches traditionnelles de la psychologie.
Pour résumer, il se trouve que l’objet d’étude de la linguistique, ce sont les
connaissances que les sujets parlants ont de leurs langues (natives). Ce sont ces
connaissances qui permettent aux locuteurs (des langues natives) d’émettre des
jugements de grammaticalité ou d'agrammaticalité sur les phrases desdites
langues, sur les interprétabilités ou leurs interprétabilités, leur caractère ambigu
ou univoque, leur unicité ou leur multiplicité de sens.

2. La grammaire du linguiste et les grammaires des grammairiens


Il y a une distinction nette entre la linguistique (science du langage) et la
grammaire traditionnelle. Conventionnellement, on désigne par grammaire
l’objet de description du linguiste, tandis que les grammaires désignent les
différentes descriptions des langues faites par les grammairiens.

Plusieurs propriétés distinguent les grammaires des grammairiens de la


grammaire linguistique.

La grammaire du linguiste est un ensemble abstrait de règles, une théorie.


La formulation de celle-ci consiste à expliciter les connaissances que les sujets
ont implicitement de leur langue. En grammaire générative, ce type de
grammaire est appelé une grammaire de la compétence des sujets parlants.

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Par contre, la grammaire du grammairien est une description complète des
conventions grammaticales d’une langue. Ces conventions grammaticales
couvrent, entre autres, la rection (l’accord), la flexion (les conjugaisons, les
déclinaisons, le nombre et le genre, les règles d’orthographe).

3. Les propriétés des grammaires traditionnelles


Malgré leur multiplicité, qui est due en partie aux auteurs, aux modalités de
présentation, aux terminologies, les grammaires traditionnelles ont des points
communs.
Les grammaires traditionnelles sont des grammaires de la langue écrite.
L'objet de description des grammaires traditionnelles est une langue
standard qui n’est pas forcément la langue toujours en usage. Il faut noter que la
langue standard ne fait que consacrer un des usages particuliers de la langue en
usage standard.
Les grammaires traditionnelles proposent un ensemble de règles
prescriptives. Ainsi, les grammaires traditionnelles constituent des ensembles de
normes.
Les normes sont des règles institutionnalisées et édictées par des
organismes telles que l’Académie Française. Quand une institution telle que
l’Académie Française a fixé des règles, celles-ci doivent êtres appliquées dans
l’usage de la langue par la littérature. On peut donc dire que la grammaire
s'inspire de la littérature pour justifier ses choix et ses décisions.
Les grammaires traditionnelles formulent des règles particulières. Même
quand des formulations générales sont faites, on s’empresse de donner la liste
complète, exhaustive des exceptions à celles-ci.

4. Les règles de la grammaire traditionnelle

Les règles des grammaires traditionnelles adoptent l’hypothèse du


parallélisme logico-grammatical et sont non explicites.
S'agissant du parallélisme logico-grammatical, il faut remarquer que les
explications de la grammaire traditionnelle sont en général basées sur l’idée
d’une correspondance ou d’un parallélisme entre la forme et le sens. Ainsi, toute
distinction morphologique (c’est-à- dire la forme) reçoit une explication
sémantique (c'est-à-dire de sens). De même, tout concept grammatical (tel que
le temps, la personne, le genre, etc...) doit être exprimé par une forme
linguistique.
En guise d’illustration du parallélisme logico-grammatical, considérons les
conjonctions de subordination. La présence de que caractérise celles-ci. Ainsi,
des formes partageant la présence de que sont regroupées dans une même
catégorie grammaticale (appelée catégorie grammaticales des conjonctions de
subordination), et ces formes expriment toutes l’idée de subordination.
Dans les grammaires traditionnelles, la forme grammaticale particulière doit
exprimer tout concept grammatical. Si on considère les propositions dites
concessives, les expressions qui les introduisent (quelque...que, ou que, bien
que, même si, pendant, etc...) ont peu à voir avec l’idée de concession. En fait, il
s’agit de
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faire correspondre à tout prix l’idée grammaticale de concession à un ensemble


de formes grammaticales.
De ce postulat d’analyse, il s'en suit corollairement que toutes les
explications grammaticales sont données en termes de significations. C’est la
raison pour laquelle on parle souvent de grammaire traditionnelle.
Pour illustrer notre propos, considérons le cas des conjonctions de
coordination. Mais, ou, et, donc, or, ni, car sont des conjonctions de
coordination. Celles-ci lient (coordonnent) des propositions dites
sympathiquement autonomes ou indépendantes. La concordance des temps aide
à montrer la différence entre une conjonction de coordination et une
conjonction de subordination. Moeschler et Auchlin (1997) montrent que la
concordance des temps ne concerne pas les phrases introduites par une
conjonction de coordination, tandis que les conjonctions de subordination y sont
sensibles, ainsi que l’illustrent les phrases suivantes :

(1 ) a. Paul me demande si je viendrai.


b. Paul me demanda si je viendrais
c.* Paul me demanda si je viendrai

(2) a. Paul mange beaucoup, car il a toujours faim.


b. Paul mangea beaucoup, car il a toujours faim
c. Paul mangea beaucoup car il avait beaucoup faim
En outre, toutes les conjonctions de coordination ont une propriété
commune, à l’exception de donc. La plupart des conjonctions de coordination
ne peuvent apparaître ensemble dans la phrase ; seule la conjonction de
coordination donc peut apparaître en combinaison avec une autre conjonction de
coordination. Ainsi, les séquences et mais, et car, mais car, ni car, ni mais, et ni,
ne sont jamais attestées, tandis que les séquences et donc, donc, car donc, or
donc, ni donc sont possibles. Les deux paradigmes ci- dessous illustrent ce
phénomène :

(3)
a. * Paul est intelligent, et mais paresseux.
b. * Paul mange beaucoup et car il a toujours faim.
c. * Marie est belle, mais car elle est intelligente.
b. * Paul n'est ni paresseux, ni mais intelligent.
c. *Ni Marie et ni Paul ne s’aiment

(4)

a. Paul est intelligent, et donc il comprendra ton problème.


b. Tu as mal aux dents ? Mais va donc chez le médecin !
c. ? Il fait beau, car les météorologues ne se sont donc pas
trompés.
d. Or donc, revenons à nos moutons.
e. Ni Marie, ni Paul, ni Paul donc, ne viendront ce soir.
Donc les conjonctions de coordination sont classées selon leur forme ou la
distribution de leurs formes, c’est-à-dire selon les places qu’elles occupent dans
la phrase. Leur signification est ainsi régulée par le principe du parallélisme
logico-grammatical.

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On a également dit plus haut que les règles de grammaire traditionnelles
n’étaient pas explicites. Moeschler et Auchlin (1997) indiquent que dans Le
Bon Usage de Grevisse (2ème édition) on trouve des règles générales,
beaucoup d'exemples et une liste d’exceptions. Mais, étant donné que ces
règles ne sont pas explicites, elles favorisent la production de phrases
agrammaticales. Pour illustrer le caractère non explicite des règles
grammaticales traditionnelles, voici deux exemples tirés de Ruwet (1967) et
cités par Moeschler et Auchlin (1997: 16). Dans Le Bon Usage de Grevisse,
la formulation du superlatif relatif est décrite comme suit :

(5) Le superlatif relatif est formé du comparatif précédé de l’article défini.

Maintenant considérons les phrases suivantes :


(6) Moeschler et Auchlin ((9) et (10))
a. Pierre est l’homme le plus aimable que je connaisse
b. * Pierre est un homme le plus aimable que je connaisse
(7)
a. Marie est la plus jolie fille que je connaisse.
b* Marie est la la plus jolie fille que je connaisse.
La règle de formation du superlatif relatif en (5) décrit correctement les
phrases (6a) et (7a) mais elle n’explique pas le statut agrammatical des
phrases (6b) et (7b).
Imaginons que les phrases de base des phrases (6) sont les phrases
comparatives suivantes :
(6c) Pierre est plus aimable.
(7c) Marie est la plus jolie.

On remarque que la règle exhibée en (5) ne prend pas en compte deux


choses. Cette règle reste muette au sujet du choix de l’article du groupe
nominal introduit que l’article au superlatif modifie.
En (7) seul l’article défini est possible. Par ailleurs, la position du groupe
adjectival je sur l’usage de l’article: quand il précède le nom, l’article
introduisant le groupe nominal n’a pas à être répété.
Le choix de la phrase source de la règle (5) pose aussi problème. En plus
des phrases (6c) et (7c), d’autres phrases pourraient être considérées comme
des phrases sources :
(6 d) Pierre est un homme plus aimable que Paul
(7 d) Marie est une fille plus jolie que Julie

Si (6d) et (7d) étaient des phrases sources, il faudrait préciser que dans la
règle de formation du superlatif, l’article indéfini, (un/une) devient défini (le
/la) obligatoirement
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La formation du passif montre aussi que les règles des grammaires
traditionnelles ne sont pas explicites. Grevisse (1964) que citent Moeschler et
Auchlin (1997 : 16-17), décrit la formulation du passif comme suit :
(8) On peut mettre au passif tout verbe transitif direct : l'objet
direct du verbe devient le sujet du verbe passif, et le sujet du verbe
actif devient le complément d’agent du verbe passif.
Cette règle explique de manière adéquate la transformation qui
s’est opérée de la phrase (a) à la phrase (b) ci-dessous :

(9)
a. La secrétaire aime le patron.
b. Le patron est aimé de la secrétaire

Mais le paradigme suivant est difficile à expliquer par la règle (8).


a. Des ennemis entourent le camp
b. Le camp est entouré par des ennemis
La règle (8) ne dit rien du sujet et des règles morphologiques qui
s’appliquent quand on a la séquence des morphèmes de + des (de + des
= de en français standard). Quand le complément d’agent est introduit
par la préposition, la phrase est grammaticale :

(10) c. Le camp est entouré par les ennemis.


En résumé, il faut savoir que la linguistique étudie les connaissances que
les sujets parlants ont de leur (s) langue (s) native (s). La grammaire comme
objet de la linguistique est un ensemble abstrait de règles. La grammaire du
linguiste est donc une grammaire de la compétence des sujets parlants. Les
règles de grammaires traditionnelles, en revanche, adoptent l’hypothèse du
parallélisme logico-grammatical et sont non explicites. Par contre les règles
linguistiques sont explicites, c'est-à-dire qu’elles doivent être capables
d’engendrer un ensemble infini de phrases grammaticales à partir d’un
ensemble fini d’éléments, règles et leur associer automatiquement une
description structurale.

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La communication et le signe linguistique


Chapitre 2

La communication et le signe linguistique


1. La boucle de la communication
II y a communication quand on transmet une information d’un émetteur à un
récepteur à l’aide d’un code commun. Tout échange de message, au moyen du
code linguistique humain ou de tout autre code, constitue une instance de
communication.
Trois étapes sont impliquées dans le processus de communication (ou d’échange
messages):

i. La production (ou l’encodage)


ii. La transmission
iii. La réception (ou le décodage).
C’est l’émetteur qui produit le message à transmettre. Pour produire (ou 3der)
un message, l’émetteur se sert d’un code. L'émetteur a, en outre, besoin d’un
appareil pour produire et envoyer un signal. Celui-ci est expédié au moyen d'un
canal de transmission qui modifie plus ou moins le signal en y ajoutant du bruit.
Le récepteur capte le signal qui lui est envoyé par l’émetteur à l’aide d’un
appareil. Pour décoder le signal ainsi envoyé, le récepteur doit utiliser le même
code que celui-ci utilisé par l'émetteur. Une fois que le message est reçu par le
récepteur, celui-ci peut y répondre si la communication est réciproque.

Emetteur ____________> Message ____________> Récepteur


Quand le flot d’information (s) ne va que dans un sens, on dit que la
communication est unilatérale. Il en est ainsi lorsqu’on écoute la radio ou
lorsqu'on regarde la télévision ; l’auditeur ou le téléspectateur n’intervient pas.
Quand le flot d’information (s) va et vient entre l’émetteur et le récepteur, on
dit qu'il y a communication bilatérale :

Emetteur ____________> Message 1 ____________ >Récepteur


Récepteur < __________ Message 2 < ____________ Emetteur

2. Les différents types de codes


Pour transmettre un message, on utilise un code. Un code est un ensemble
d’unités et de règles qui permettent de former et d’interpréter ces unités
Les membres d’une communauté linguistique donnée communiquent grâce au
code linguistique.
Le code de la route a recours aux signaux picturaux. Les oiseaux utilisent les
signaux vocaux, même s'il est vrai que ceux-ci ne sont pas aussi développés que
les sons de la parole.

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Certains animaux utilisent des signaux gestuels ou chimiques. Ainsi un chien en
colère montre ses crocs, tandis que les loups délimitent leur territoire en
disséminant leurs urines.
3. Les différents types de communication
En général, les codes sont classés selon leur mode de réception et d'émission
On dénombre les types de communication suivants :

Réception Ensemble de signaux


Optique Gestes (mains, bras) sémaphores signaux picturaux, etc.
Olfactive Parfums, odeurs sexuelles, urine (délimitation de territoire)
Auditive Signaux kinésiques: pression, caresses

4. Les schémas de la communication linguistique

Roman Jakobson (1963) a proposé le schéma suivant de la communication


linguistique :

CONTEXTE
DESTINATEUR ...MESSAGE ... DESTINATAIRE
CONTACT
CODE

Jakobson entend par contexte à la fois le référent extralinguistique (entités,


concepts, événements du monde extérieur) et le contenu linguistique
(l’information véhiculée par le message).

Le message est la forme particulière sous laquelle l'information est exprimée et


véhiculée. S'agissant de la pluie, on peut dire ainsi: il pleut des hallebardes.
Lors de la transmission d’un message, le contact est le lien physique et
psychologique entre le locuteur et l’auditeur

Le code est l’ensemble des règles et des unités employées pour se comprendre
dans toute communication.

A chacune des catégories définies ci-haut (contexte, message contact code)


Jakobson attribue les fonctions suivantes :

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RÉFÉRENTIELLE

ÉMOTIVE ………………….POÉTIQUE ……………CONATIVE

PHATIQUE

MÉTALINGUISTIQUE

Jakobson appelle aussi la fonction, référentielle la fonction dénotative cognitive.


Elle donne l'information transmise par le message. Elle indique que le code
renvoie à un contexte linguistique ou extralinguistique.

La fonction poétique est relative aux différentes formes que le message peut
prendre. Le choix et l’agencement des unités déterminent la forme du message.
Chaque écrivain, par exemple, a un style particulier

La fonction phatique aide à vérifier si le contact est maintenu entre le locuteur et


l'auditeur. Elle désigne les techniques qui permettent au destinataire d’indiquer
qu’il reçoit le message

La fonction métalinguistique est basée sur le code. Elle est utilisée pour vérifier
si le locuteur et l’auditeur s'entendent bien sur les unités ou les règles
employées. Par exemple : Vous avez bien dit : il est à jeter ou acheté ?
La fonction émotive est centrée sur la personne qui émet le message. Elle
renseigne sur son état émotif, apparent ou réel, par exemple, si la personne
concernée est en colère, elle grondera.

La fonction conative met en exergue la personne qui reçoit le message. Elle


désigne les moyens utilisés pour essayer de convaincre cette personne.

Le schéma de la communication linguistique proposé par Roman Jakobson a


parfois été critiqué parce que ses fonctions sont plus d’ordre psychologique que
linguistique.

En outre, ses fonctions ne font pas la distinction entre les faits intentionnels
proprement linguistiques et les faits involontaires d'ordre psychologique comme
l’émotion.

Par ailleurs, un message donné peut contenir toutes les indications des fonctions
Jakobson et non une fonction spéciale qui exclurait les autres.

D’autres schémas de ce type ont été proposés en plaçant les fonctions de


Jakobson dans une optique sémiotique qui prend en compte les signes du
discours ; ceux-ci peuvent avoir des incidences pour identifier l’émetteur
(fonction identificatrice) et impressionner le récepteur (fonction impressive).

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5. Les signes : indices, signaux et codes


Si l'information est transmise par des signes, ceux-ci n’ont pas tous le même
statut.
Les indices sont des signes observables et involontaires, par exemple, quand de
gros nuages apparaissent dans le ciel, ils constituent les signes d’un orage
imminent. Ces signes observables et involontaires sont appelés des indices.
Par contre, un feu rouge sur la route est un signal instauré volontairement et par
convention pour réglémenter la circulation routière. Un signal peut être visuel
ou sonore. Si un feu rouge est un signal visuel, la sirène d'une ambulance, elle,
est un signal sonore.

6. Le codage des signes


Un même signe peut appartenir à plusieurs codes différents par exemple le signe
X peut remplir des rôles très différents :
a) Dans le code linguistique, c’est une lettre de l'alphabet.
b) dans certains pays, une cigarette barrée indique qu'il y est interdit de fumer.
c) dans certains codes visuels, il indique une faute
d) il peut également indiquer le lieu où se trouve quelque chose ou quelqu’un
e) dans le code mathématique, il indique l’opération de multiplication
f) il peut également désigner une valeur inconnue ou une variable
g) dans les chiffres romains, il représente le numéro dix.
Un signe n'a pas de sens inhérent, universel. Il doit être interprété selon un code
spécifique qui est un système de règles conventionnelles qui permet de
combiner et d’interpréter les signes.

7. Les constituants du signe linguistique


Pour Ferdinand de Saussure, la langue est un système de signes. Il dit que le «
véritable objet de la linguistique est l’étude, interne et synchronique, des
systèmes de signes que constituent les états de langues ». Il continue en disant
que « le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept et une
image acoustique ». Selon Saussure, concept et image acoustique sont des
entités psychiques, non matérielles. Le signe linguistique est donc une entité
psychique dont les deux faces sont inséparables l’une de l’autre comme les deux
faces d’une feuille de papier, et dont aucun des termes ne peut exister sans
l’autre. En soulignant que la notion de signe ne s’applique pas seulement au
code linguistique oral mais à tout système de signes, Saussure utilise les termes
de signifiant (pour image acoustique) et de signifié (pour concept).

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Concept SE
Image signifié
Acoustique SA
Signifiant

Schéma saussurien du signe linguistique

8. L’arbitraire du signe
Le signe linguistique possède deux caractéristiques qui ont poussé Saussure à
formuler deux principes essentiels de la linguistique structurale : le principe de
l’arbitraire du signe et celui de la linéarité du signifiant.
Pour Saussure, « le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire ». En
d’autres termes, « le signe linguistique est arbitraire ». Le lien entre les
propriétés du signifiant et celles du signifié est immotivé. Par exemple, il n'y a
pas de justification logique pour appeler un animal domestique à quatre pattes
un chat, a cat... etc...
Étant donné que le lien entre le signifiant et le signifié est arbitraire, les
communautés linguistiques imposent une certaine stabilité aux signes
linguistiques. Cette stabilité résulte d'un accord, d’une convention entre les
membres d’une communauté linguistique donnée. Cela signifie que le signe
linguistique est conventionnel.
Il existe, cependant, des exceptions au principe de l’arbitraire du signe. Certains
types de signes montrent le lien de similarité entre le signifiant et ce qu'il
représente dans le monde réel, par exemple, les onomatopées comme tic-tac,
ding-dong, plouf sont très suggestives ; il en est de même des signifiants
(verbes) suivants : chahuter, siffler, hululer, zig-zaguer. Ces signes pour lesquels
le signifiant semble décalqué sur l’image acoustique ou visuelle du référent sont
des signes motivés.

9. Les unités distinctives du signe linguistique


Les unités distinctives sont des unités phoniques qui s’opposent les unes aux
autres dans un système, par exemple, dans un système phonologique, les unités
phoniques sont des phonèmes. Ceux-ci sont des unités distinctives. La
différence entre chat /ʃa/ et rat /Ra/ provient du fait que /ʃ/ s’oppose au /R/ dans
le système phonémique.

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10. La discrétion du signe linguistique


La substance sonore, en français, se divise en 36 formes distinctes, 16 voyel 20
consonnes, entre lesquelles on doit constamment choisir. Ces formes sonores et
distinctes restent opposées dans le système de la langue, même si elles sont
parfois très voisines.
Par exemple, si on vous entend dire voulez-vous une -ière ?, on devra décider
s’il s'agit d’une pierre ou d'une bière. D'autres choix sont exclus, c’est la raison
pour laquelle on dit que les signes linguistiques sont discrets. Il n'y a pas de
continuité entre eux.

11. La forme et la substance


Le système phonologique d'une langue comprend une substance sonore. Celle-ci
est découpée en unités discrètes, les voyelles et les consonnes. Ces unités
discrètes peuvent être (sont) assemblées en mots. En d'autres termes, la
substance sonore a été mise en forme et structurée. Par exemple, un mot peut
être prononcé de plusieurs manières, selon l’origine sociale ou régionale du
locuteur.
Mais ces diverses réalisations d’un mot ne changent pas son sens parce qu’elles
concernent la substance du signe linguistique, non sa forme.

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Le système linguistique
Chapitre 3
Le système linguistique
1. La spécificité du code linguistique humain
Le système linguistique est un code spécial qui possède à la fois une structure et
certaines propriétés uniques.
2. La connaissance intuitive des règles linguistiques
Le code linguistique est constitué de quatre composantes dont chacune
comprend des unités, des règles particulières. Tout locuteur possède
intuitivement une connaissance de chacune de ces composantes qui lui
permet de reconnaître, de comprendre et de produire les énoncés de sa
langue.
Ainsi, tout locuteur francophone possède une connaissance intuitive de la
phonologie de sa langue. En d’autres termes, il connaît les unités phoniques
de sa langue eut facilement distinguer celles qui en font partie et celles qui
n’en font pas partie. De même qu’il peut reconnaître les mots qui
appartiennent au lexique français et ceux qui font pas partie. Dans ce cas, on
dira qu’il connaît la morphologie de sa langue.
Le locuteur est aussi capable de reconnaître les combinaisons de mots qui
sont acceptables en français. Ceci revient à dire que la syntaxe de sa langue
lui est familière.
Le locuteur sait également reconnaître les constructions de phrases qui sont
bien formées et disqualifier celles qui sont mal formées. En outre, le
locuteur connaît le sens des mots et des phrases de la langue.
En conclusion, le locuteur d’une langue a une connaissance intuitive des
règles de combinaison et d’interprétation des unités linguistiques de cette
langue.
Une connaissance intuitive est une connaissance subconsciente ou
sous-jacente. Le locuteur d’une langue peut comprendre un énoncé sans
nécessairement être capable de l’analyser ou de le décrire en termes de
règles ou de principes. La connaissance intuitive d’une langue ne
correspond pas aux formulations explicites auxquelles a recours le linguiste
qui décrit et analyse une langue.

3. Les quatre sous-systèmes linguistiques


La description linguistique distingue les quatre sous-systèmes suivants :
i. La phonologie : qui étudie les unités phoniques (les unités de base) et les
différents niveaux de représentation.
ii. La morphologie : qui décrit les catégories et les structures des mots et les
différentes distinctions et combinaisons grammaticales.
iii. La syntaxe : qui étudie la structure et les combinaisons possibles des
propositions et des phrases.
iv. La sémantique : qui étudie le sens et les interprétations possibles
des mots et des phrases.

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4. La stratification du système linguistique


L’énoncé linguistique s’organise en niveaux d'analyse distincts et liés. Les
niveaux linguistiques se superposent comme des strates géologiques.
Les unités linguistiques d'un niveau servent à former les unités du niveau
supérieur. A l' inverse, chaque niveau d’analyse peut être décomposé en
éléments du niveau inférieur. Par exemple, chaque phrase comprend un nombre
donné de propositions. Chaque proposition est constituée de mots appartenant à
des catégories spécifiques. Chaque mot est constitué d'au moins une ou de
plusieurs syllabes. Chaque syllabe est constituée d’au moins une unité
phonique. Chaque unité phonique peut également être décomposée en unités
encore plus petites appelées traits.
Le français moderne possède un répertoire de trente-six unités phoniques de
base 16 voyelles et 20 consonnes. Ces trente-six phonèmes entrent dans des
combinaisons spécifiques pour donner quelques centaines de syllabes. Ces
syllabes se combinent pour produire plusieurs milliers de mots (un dictionnaire
en contient environ cinquante mille) et les mots se combinent pour produire un
nombre infini de propositions et de phrases.

Pour le français, les différents niveaux du langage sont représentés par la


pyramide suivante :

PHRASES
(nombre illimité)
PROPOSITIONS
(nombre illimité)
MOTS
(environ 50.000 ; on peut en créer)
SYLLABES
(quelques centaines )
PHONÈMES
(trente-six)

TRAITS
(sept traits majeurs)
Ces niveaux linguistiques distincts sont appelés strates et cette
stratification confère au système linguistique une structure très
productive.

5. La commutation et la permutation
Pour identifier les éléments qui appartiennent aux sous-systèmes et aux niveaux
des langues humaines, les linguistes ont recours aux tests de la commutation et
de la permutation
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Ces deux tests sont sous-tendus par le principe selon lequel les unités
linguistiques entretiennent deux types de relations :
i. Une relation paradigmatique qui veut que les unités linguistiques
puissent constituer des classes ou des catégories d'éléments similaires.
ii. Une relation syntagmatique qui dit que les unités linguistiques peuvent
constituer des chaînes ou des combinaisons d’éléments venant de
catégories différentes.

6. Le paradigme et la commutation
Le paradigme désigne une classe d'éléments pouvant se substituer les uns aux
autres. Des unités sont dites appartenir à un paradigme si elles forment une
classe d’éléments partageant un rôle commun et pouvant apparaître dans le
même contexte linguistique.
Par exemple, des unités phonologiques peuvent former un paradigme, il en est
ainsi des consonnes p, t, b, d, s, f, I, r et g qui forment une classe d’éléments
apparaissant devant la voyelle nasale on pour constituer des mots français tels
que : pont, gond, bond, dont, son, fond, long, rond, ton, etc.
Les unités morphologiques
- ai, - âmes
- as, - âtes
- a, - èrent
forment le paradigme des terminaisons verbales du passé simple de l’indicatif
puisqu'elles se combinent avec les racines verbales.
La syntaxe n’est pas de reste. Le mot chat peut être déterminé par une myriade
d'éléments qui peuvent le précéder et occuper la même position : le, un, ce,
mon, ton, son, notre, votre, leur, etc. C’est du reste la raison pour laquelle ils
sont appelés dans la terminologie traditionnelle des déterminants, et des
spécifieurs en syntaxe générative.
Un paradigme indique qu’il y a un ensemble d’éléments de la même classe et au
sein duquel un locuteur peut opérer des choix. Par ailleurs, les membres d’un
même paradigme sont dits en distribution complémentaire ou en opposition les
uns avec les autres, car là où l’un apparaît l’autre ne peut pas apparaître au
même moment. Et la substitution d’un autre élément du paradigme change le
sens de l'énoncé. Les besoins communicatifs déterminent le choix d'un élément
du paradigme par le locuteur.
Le test de commutation aide à identifier les membres d’un paradigme. Pour ce
faire, on place les éléments susceptibles de constituer un paradigme dans le
même contexte afin de découvrir ceux qui peuvent effectivement y apparaître et
ceux qui en sont exclus.

7. Le syntagme et la commutation

On parle de syntagme quand différentes unités linguistiques sont combinées


dans une chaîne pour produire une nouvelle unité. Des règles de combinaison
déterminent les syntagmes qui sont possibles. Il y a donc rapport syntagmatique
quand des éléments sont agencés dans une suite spécifique.

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Les éléments d'un syntagme sont en contraste les uns avec les autres.
Chaque élément a un statut qui lui est propre et une position spécifique dans le
syntagme.
Le test de permutation permet de découvrir les combinaisons possibles. Ce
change l'ordre des éléments pour déterminer les syntagmes possibles et
impossibles. Très souvent, le changement d’ordre provoque un changement de
sens, comme l’illustrent les deux phrases suivantes : Jean aime Marie et Marie
aime Jean.
Cependant, le changement de l’ordre ne change pas toujours le sens global.
Ainsi, les deux phrases suivantes ont une interprétation presque identique :
j’achèterai une voiture demain et demain j’achèterai une voiture.

8. La double articulation
En linguistique, le terme articulation signifie que les deux classes d'unités
phoniques et celles du sens sont liées les unes aux autres. Dans un énoncé, les
unités phoniques renvoient aux unités de sens et vice versa. Les deux types
d’unités s'articulent ensemble et c'est ce qu'on appelle la double articulation.

9. La première articulation : les unités significatives


La première articulation est constituée de monèmes qui désignent des unités
porteuses de sens. Par exemple, dans le mot chanterons, on distingue trois
unités significatives : la racine chant, la terminaison de l’infinitif -er- et la
terminaison de la première personne du pluriel du futur -ons. Dans le mot
chanteuses, on distingue de nouveau trois monèmes : la racine chant-, le suffixe
-euse qui désigne un être féminin et la terminaison -s qui indique le pluriel.
Il y a deux catégories de monèmes : les monèmes, comme chant-, qui expriment
une action ou un concept, et les monèmes qui expriment des distinctions
grammaticales comme -er, -ons, euse , -s. La première catégorie de monèmes
s'appelle les lexèmes (unités du lexique) et la deuxième s’appelle les morphèmes
(unités grammaticales).

10. La deuxième articulation: les unités distinctives.


Les unités minimales distinctives que l’on appelle phonèmes constituent la
deuxième articulation. Les phonèmes possèdent une valeur distinctive parce
qu’ils distinguent, en s’opposant, des unités qui seraient autrement semblables,
l’opposition entre /p/ et /b/ permet de distinguer en français pain et bain, part et
bar et bord, peur et beurre etc
11. L’économie de la double articulation
La double articulation confère au système linguistique une grande économie
qui lui permet de former à partir d’un nombre restreint d’unités un grand
nombre de combinaisons nouvelles.
Ces combinaisons se forment aux niveaux des phonèmes et des unités
significatives. Un répertoire restreint de phonèmes peut aider à former beaucoup
de mots par exemple. De même, un nombre restreint d’unités de base peut
contribuer à créer de nouvelles unités.

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12. La productivité et la créativité du systéme linguistique

Le code linguistique est très productif et très créatif. A partir de certains


éléments de base et des règles de combinaison et d'interprétation, le cerveau
humain est capable de coder et de décoder un nombre infini d 'énoncés. Depuis
la « première révolution cognitive » des XVIIe et XVIIIe siècles, on sait que le
langage humain implique « l’usage infini d’un ensemble fini de moyens », pour
reprendre une formule de Humboldt que cite Chomsky (1998: XV). En d'autres
termes, l'une des propriétés principales du langage humain réside dans son
caractère d’infini discret. Chomsky (1998) observe que cette singulière
propriété fascinait Galilée, qui considérait la découverte d’un moyen de
communiquer à chacun « nos pensées les plus secrètes... [ au moyen de ]...
vingt-quatre caractères » comme la plus grande des inventions humaines, dont
le succès repose sur l'infini discret de la langue que notent ces caractères.

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